En 2004, huit associations de généralistes, réparties sur tout le territoire de la Communauté française, ont accepté de participer à une recherche-action initiée par le Ministère de la santé en Communauté française. Dans chaque association, 10 à 15 généralistes ont accepté de participer au projet. Après avoir suivi une formation au dépistage du risque cardio-vasculaire global et à la prise en charge du patient dépisté à risque (voir article précédent dans le n° 218), ces médecins généralistes ont eu pour mission de dépister le risque cardio-vasculaire global chez 90 de leurs patients réguliers de 30 à 75 ans pris au hasard (3 patients successifs d’une même consultation, trois fois par semaine, entre le 15 février et le 15 mai 2004), soit 3200 patients au total. Il leur était également demandé d’inviter les patients ayant été dépistés à risque à une consultation spécifique pour parler de la gestion de celui-ci.
Un dépistage réaliste et faisable
Voici les principaux résultats de cette recherche-action.
88 % des généralistes volontaires estiment cette stratégie réaliste et faisable dans leur pratique quotidienne. Ce dépistage a pu être réalisé pour 76 % des patients éligibles. Cela leur a pris en moyenne 5 minutes.
Pourquoi n’y a-t-il eu que 76 % de dépistages réalisés et non 100% chez ces généralistes volontaires rémunérés pour leur participation à cette étude ? L’obstacle majeur est celui du manque de temps, les deux motifs les plus fréquents étant la salle d’attente pleine (26%) et la consultation trop longue (17%). Un second obstacle important est celui du motif de la consultation qui ne permet pas de parler de prévention ce jour-là (26%). Un troisième groupe d’obstacles est lié à la communication avec le patient (patient jugé peu réceptif (12%) ou crainte de l’importuner (8%)).
Elle a continué en 2006: affiche pour la salle d’attente, documents pour les patients, cadastre des ressources locales pour l’accompagnement des patients présentant un risque cardio-vasculaire, formation et discussion de cas de suivi de patients à risque cardio-vasculaire identifié.
Des intervisions et les prémisses d’un travail en partenariat sont prévues pour 2007.
Ces difficultés se retrouvent dans toutes les actions de prévention en médecine générale. Elles sont cependant vulnérables.
Il faut en effet du temps pour faire de la prévention: du temps pour s’organiser, revoir le patient, le suivre, rester informé. Mais c’est aussi une question de priorité: le médecin peut trouver le temps pour la prévention intégrée aux soins curatifs s’il estime que c’est un plus pour la qualité des soins en médecine générale.
De plus, le malentendu de la prévention est vieux comme le monde: le médecin attend une demande du patient et le patient attend une proposition du médecin. Cependant, quand le médecin propose, les patients sont ravis; leur médecin s’intéresse à un peu plus qu’à la demande initiale et ils ont le sentiment d’être compris et pris au sérieux.
Près de la moitié des patients (48%) ont pu être dépistés immédiatement, à l’anamnèse. Les autres patients ont du passer par la prise de sang et l’utilisation des tables du risque (Framingham ou SCORE). Cette démarche a permis d’identifier le risque de 38% des patients. Les 13,5 % restant n’ont pas eu leur risque identifié pour différentes raisons: devaient encore revenir, refus de la prise de sang, données incorrectes.
Répartition des patients selon le risque
Patients à risque bas
Parmi les 3231 patients dépistés âgés de 30 à 75 ans, un tiers (37,5 %) présente un risque cardio-vasculaire bas, et une prochaine estimation de ce risque cardio-vasculaire global peut leur être proposée dans 3 à 5 ans. A noter dans l’échéancier du praticien!
Patients à risque cardio-vasculaire à gérer
Près de la moitié (49,5 %) des 3231 patients dépistés justifient un suivi plus rapproché de la part de leur généraliste. Ceux-ci se répartissent comme suit:
24% ont un risque cardio-vasculaire global élevé (rouge). C’est énorme, cela représente un quart d’une patientèle type en médecine générale;
17% présentent un risque moyen (orange);
8% ont comme seul facteur de risque isolé le tabac (brun). Le pourcentage de fumeurs est en moyenne de 29%, avec de profondes disparités d’une patientèle à l’autre: de 17% à 41%. A lier au statut social?
Les maladies cardio-vasculaires sont la première cause de mortalité en Belgique. La moitié de la population âgée de 30 à 75 ans fréquentant les cabinets de médecins généralistes présente un risque cardio-vasculaire à gérer. Le dépistage des patients à risque prend en moyenne 5 minutes. Le médecin généraliste peut faire la différence.
Jean Laperche , médecin généraliste, Valérie Hubens , chercheur en santé publique Adresse des auteurs:
Jean Laperche, Fédération des maisons médicales, Boulevard du midi 25/5, 1000 Bruxelles. Tél.: 02/514 40 14. Fax: 02 514 40 04.
Valérie Hubens, Chercheur en Santé Publique, Asbl Promotion Santé et Médecine Générale, c/o SSMG, rue de Suisse 8, 1060 Bruxelles. Tél.: 02 533 09 82.
Cette série d’articles est également publiée par la Revue de médecine générale de la Société scientifique de médecine générale.