Mai 2004 Par Charlotte LONFILS D. PIETTE Initiatives

Enquête qualitative préliminaire auprès d’acteurs de terrain

Contexte et objectif

Comme Service communautaire de promotion de la santé (SCPS), le Service d’information en promotion éducation santé (SIPES) développé par ULB-PROMES, a pour missions de récolter de l’information, de l’analyser et de la mettre à la disposition du terrain (1). En ce sens, un processus d’échange portant sur l’interprétation et l’utilisation d’informations doit être mis en place entre les acteurs de terrain, les Centres locaux de promotion de la santé (CLPS) et notre SCPS. Ce processus devrait ainsi améliorer les réponses aux attentes et besoins du terrain.
Afin de cerner le terme ‘information’, nous nous basons sur la définition que nous donne le Programme quinquennal de promotion de la santé 1998-2003 de la Communauté française (2). En effet, celui-ci retient trois sources d’information:
– la littérature, tant scientifique (épidémiologique, sociale, etc.) que ‘grise’ (rapports, mémoires, etc.), ainsi que les experts;
– les témoins privilégiés, c’est-à-dire toute personne qui, par sa profession, a un contact particulier avec la population ou l’objet d’étude, et pas uniquement les professionnels de la santé;
– la population à travers ses attentes et ses demandes.
L’étude que nous présentons ci-dessous part de deux observations. On constate d’une part que les informations existantes sont sous-utilisées dans le développement de projets et que d’autre part, les résultats des recherches ou d’enquêtes sont, la plupart du temps, insuffisamment diffusés. Or, l’utilisation de l’information devrait intervenir à différentes étapes du développement d’un projet: cerner la problématique, définir les besoins, choisir les priorités, définir les objectifs, établir les alternatives, mettre en place les stratégies, évaluer les résultats, etc. La dissémination des résultats est donc une composante essentielle de toute recherche ou enquête.
La question de l’utilisation de l’information est abordée dans le cadre d’une thématique particulière: l’éducation nutritionnelle chez les jeunes. Cette thématique joue un rôle essentiel en santé publique. En effet, elle contribue de manière active à la santé de la population et constitue, de plus, un sujet privilégié en milieu scolaire. Replacée dans une approche plus globale du bien-être chez les jeunes, cette problématique est définie comme une priorité par le Programme quinquennal.
Les sources d’informations sont variées et leur utilisation peut donc intervenir à différentes étapes du développement d’un projet. Une utilisation effective des informations existantes permet d’enrichir les connaissances, de fournir un soutien aux interventions et de faciliter la construction de stratégies d’intervention.
A ce sujet, l’Organisation mondiale de la santé reconnaît le rôle important de la recherche pour générer de nouvelles informations pour la mise en place effective de la stratégie de Santé pour tous.
L’objectif général de ce travail était d’effectuer un état des lieux de l’utilisation de l’information auprès d’intervenants de terrain de la Communauté française développant un projet en éducation nutritionnelle chez les jeunes. Pour atteindre cet objectif, une enquête qualitative, par le biais d’entretiens individuels, a été réalisée auprès de 12 acteurs appartenant à diverses structures (service PSE (3), mutualité, asbl, observatoire de la santé, etc.).

L’utilisation de l’information

Cette étude a permis de mettre en évidence le manque de diversité concernant les informations utilisées. En effet, la plupart des données utilisées sont relatives à l’obésité chez les jeunes. En outre, on constate une quasi-absence de régularité de l’utilisation d’informations tout au long du développement des projets en éducation nutritionnelle. L’utilisation intervient de manière sporadique et n’est pas systématisée. Néanmoins, il ressort que l’utilisation des données ou d’informations intervient principalement lors de la construction du projet. A ce niveau, l’objectif est alors d’interpeller et de sensibiliser, notamment les directeurs d’école et les enseignants.
Un ensemble d’éléments influençant tant positivement que négativement l’utilisation d’informations a pu être dégagé. La visibilité des informations existantes, le temps disponible, la correspondance entre données scientifiques et réalité de terrain, la capacité à interpréter des données et le travail en partenariat sont définis, par les intervenants rencontrés, comme des déterminants influençant de manière significative l’utilisation d’informations dans le développement de projet.

Les besoins d’informations

Le besoin de données à caractère local – par exemple, pour une commune ou un quartier – a été souligné par plusieurs acteurs de terrain. Ceux-ci semblent trouver les données existantes trop lointaines par rapport à leur population. Cependant, ils n’arrivent pour autant pas à définir des besoins spécifiques en matière d’informations.
Chez les acteurs de terrain, des difficultés ont pu être discernées concernant notamment la formulation de besoins d’informations relatives à des thématiques précises en relation avec l’alimentation. Par exemple, peu d’acteurs de terrain identifient des besoins de données portant sur les caractéristiques de certains groupes à risque ou sur les comportements associés (assuétudes, bien-être, sédentarité, intégration sociale, violence, décrochage, etc.).
Par ailleurs, des besoins concernant l’expérience d’autres acteurs de terrain sont ressentis. Ainsi, plusieurs intervenants émettent la volonté de s’inscrire davantage dans des partenariats avec d’autres acteurs (infirmières PSE, diététiciennes, observatoires de la santé, etc.).

La récolte de données

Le travail de récolte de données et d’informations effectué par les intervenants de terrain s’est révélé être un élément important. En dehors des données issues des visites médicales, relatives principalement à l’obésité, les données collectées sont principalement de type qualitatif. Chez les enfants, celles-ci concernent les comportements alimentaires mais ne peuvent pas être assimilées à de réelles études nutritionnelles. Du côté des enseignants ou des directeurs d’écoles, la récolte de ces données est tout à fait informelle et non organisée mais elle est néanmoins perçue comme une base utile pour ces acteurs.

En conclusion

L’enquête auprès d’acteurs de terrain a permis d’identifier des manquements essentiels.
Ceux-ci se situent d’une part au niveau de la formation des intervenants de terrain à l’interprétation des données et à la définition de besoins en matière d’information. Ceci implique dès lors une difficulté à passer de l’analyse thématique à une approche de promotion de la santé.
D’autre part, du coté des ‘scientifiques’, ces problèmes concernent le peu de vulgarisation des résultats de recherches et la difficulté d’adapter cette vulgarisation au public des intervenants de terrain. Deux raisons peuvent être évoquées pour tenter d’expliquer ce manque: la capacité insuffisante des chercheurs à effectuer cette vulgarisation ainsi que l’absence de valorisation de ce travail au sein du milieu universitaire.
Il y a donc une inadéquation entre le travail des chercheurs et l’appropriation de celui-ci par le terrain. Il faut donc mettre en œuvre des moyens efficaces pour améliorer cette appropriation et favoriser un processus d’échanges entre acteurs de terrain et chercheurs.

Recommandations opérationnelles

Au vu de ces résultats, certaines recommandations peuvent être émises:
– pallier le manque de formation des intervenants de terrain qui a des répercussions à trois niveaux. Premièrement, au niveau de la ‘qualité’ de l’interprétation des données, notamment de type statistique. Ensuite, au niveau de la définition de besoins en matière de données. Enfin, au niveau de l’approche adoptée (thématique vs globale);
– favoriser la mise en place de réseaux et de partenariats en incluant dès le départ – c’est-à-dire lors la création de ceux-ci – tous les acteurs concernés (intervenants de terrain, CLPS, SCPS, universités, etc.);
– adapter la vulgarisation des recherches à ceux à qui elle est destinée. Ceci permettrait d’assurer une diffusion effective et plus accessible des résultats des recherches. Il faut donc former les chercheurs à la vulgarisation de leurs publications et articles scientifiques et valoriser ce travail au sein de l’Université.

Actions en cours

Depuis novembre 2003, notre SCPS organise un groupe de travail avec des intervenants de terrain intéressés par l’alimentation chez les jeunes. Au cours des rencontres, les échanges portent sur les données concernant cette thématique. Ce groupe permet la mise en place d’un travail de collaboration et de concertation entre les acteurs de terrain et notre service.
Un groupe de travail a également été mis en place fin novembre avec les CLPS. Celui-ci porte sur l’interprétation et l’utilisation des résultats d’enquêtes et a pour objectif de renforcer la capacité des CLPS à répondre aux demandes locales.
Charlotte Lonfils, Danielle Piette, Unité de promotion éducation santé (ULB-Promes), Ecole de Santé Publique de l’ULB
(1) Pour plus d’information sur SIPES, consulter le document suivant: Direction Générale de la Santé, Promouvoir la Santé: des structures pour vous aider , Ministère de la Communauté française, décembre 2002 (disponible sur http://www.sante.cfwb.be rubrique Publications).
(2) Direction Générale de la Santé, Programme quinquennal et législation de promotion de la santé en Communauté française 1998-2003 , Ministère de la Communauté française, 1998 (disponible à la même adresse).
(3) Promotion de la Santé à l’Ecole, anciennement Inspection Médicale Scolaire