Juillet 2009 Par J. DE RYCKER L. DOUGHAN Réflexions

«Il y a deux mille ans, Plutarque conseillait un régime alimentaire modéré, de l’exercice physique et un sommeil réparateur comme base d’une bonne santé. Depuis lors, rien n’est arrivé à l’homme qui pourrait rendre ce conseil obsolète. Mais beaucoup de choses sont advenues qui rendent ces trois conditions difficiles à remplir.» A.C. Grayling (1)

Introduction

Une bonne santé?

Effectivement, si l’on examine les données, le surpoids et l’obésité et, partant, leurs conséquences sur une bonne santé, bien qu’elles soient déjà graves chez les adultes, sont manifestement considérés comme étant encore plus graves chez les enfants, avec une augmentation très rapide de la prévalence au cours des deux dernières décennies (2). Pour 2010, on prévoit que quelque 20 millions (27,9%) d’enfants de l’Union européenne de 5 à 17 ans inclus présenteront une pré-obésité (3) et que 6 millions d’entre eux (8,8%) seront obèses.
Pour la Belgique, les données 2001/2002 (4) sont les suivantes:

Garçons (N) Garçons (F) Filles (N) Filles (F)
Pré-obésité à 13 ans 10.3% 10.9% 7.1% 9.8%
Obésité à 13 ans 1.7% 2.1% 1.1% 1.1%
Pré-obésité à 15 ans 10.9% 10.3% 7.6% 7.9%
Obésité à 15 ans 2.1% 1.1% 1.6% 1.6%

Un régime alimentaire modéré?

Comme le précise le rapport PorGrow («Policy Options for Responding to Obesity: evaluating the options»), des comparaisons entre plus de 30 pays montrent une corrélation entre la prévalence accrue de l’obésité et l’augmentation de l’énergie alimentaire, ces deux facteurs étant liés à la croissance économique nationale.
Néanmoins, « Il n’y a pas une source alimentaire (5) particulière responsable de l’absorption calorique accrue au cours des deux dernières décennies: les tendances en matière d’apport dans l’UE révèlent une augmentation de l’apport total de graisse, avec une hausse significative de graisses et d’huiles obtenues à partir de sources végétales (essentiellement des huiles de semences), mais sans baisse correspondante des graisses obtenues à partir de sources animales (essentiellement issues de carcasses et de produits laitiers). Les apports alimentaires en sucre et en beurre/matières grasses du lait n’ont pas beaucoup changé durant la période considérée, tandis que les apports de fruits et légumes crus et transformés ont augmenté substantiellement» (6)
Toutefois, en ce qui concerne l’obésité infantile, le rebond d’adiposité précoce est associé à un risque accru d’obésité ultérieure, qui peut être attribué (contrairement à ce que nous dirait notre intuition) à un régime riche en protéines et pauvre en graisses donné aux petits enfants à un moment où les besoins énergétiques sont élevés. Le rebond d’adiposité normal se produit à l’âge de 6 ans en moyenne, tandis que les personnes obèses ont eu un rebond d’adiposité à l’âge de 3 ans en moyenne.
Des données relatives à des enfants suivis pendant 20 ans en France indiquent que l’âge moyen pour le rebond d’adiposité chez les enfants nés en 1955 était de 6,2 ans, tandis que l’âge moyen pour les enfants nés en 1985 était de 5,6 ans. Chaque diminution d’un an pour le rebond d’adiposité prédit une augmentation de l’IMC de 0,84 points à l’âge de 21 ans en France. Aux États-Unis, cela équivaut à une augmentation de l’IMC de 2,5 points à l’âge de 19-23 ans (7). Par conséquent, un régime alimentaire modéré non seulement pour ceux que nous appellerions les enfants, mais aussi pour les petits enfants – il s’agirait alors d’un régime différent – est important pour jouir d’une bonne santé.

De l’exercice physique?

Selon les conclusions de l’enquête HBSC mentionnée ci-dessus, environ deux tiers des enfants n’accomplissent pas une heure d’activité physique modérée par jour et ce, 5 jours par semaine ou plus. Les garçons (40%) sont plus susceptibles d’atteindre l’objectif que les filles (27%), et la quantité d’activités physiques diminue entre 11 et 15 ans.
En France, par exemple, plus de 40% des garçons regardaient la télévision pendant plus de 4h par jour le week-end, alors que ce chiffre est légèrement inférieur chez les filles. Néanmoins, au Royaume-Uni, on constate une baisse graduelle du temps passé devant la télévision chez les enfants, avec un pic de 3,5 h par jour en moyenne en 2001 (11 à 16 ans) pour arriver à 2,8 heures par jour en 2006 (8).
Toutefois, la présence de TV, vidéos, DVD et PC dans leur propre chambre (5–16 ans) a augmenté de 1994 à 2006, passant respectivement de 63 à 82%, de 16 à 54%, de 0 à 69% et de 9 à 41%.
Une enquête menée au Royaume-Uni en 1971, qui a été réitérée en 1990 par Hillman (9), a indiqué que l’autorisation donnée par les parents aux enfants de se rendre de manière autonome à l’école (à pied, à vélo ou en transport en commun), par exemple, est donnée trois ans plus tard. À peine 40% des enfants de 10 ans étaient autorisés à faire en 1990 ce que 40% des enfants de 7 ans faisaient en 1971…

Un sommeil réparateur?

Selon l’IOTF (10), dans les pays où la moyenne d’heures de travail est la plus longue, les niveaux d’obésité sont plus élevés. Un exemple: dans les pays avec une moyenne de 1550 heures de travail par année, la prévalence de l’obésité est de 10%, tandis que dans les pays où la moyenne se monte à 1900 heures, la prévalence de l’obésité excède 20%.
Le Baromètre européen spécifique (11) Santé Nutrition montre, en outre, que la principale raison de l’absence d’une nutrition saine est le «manque de temps» (31%), tandis que ce même manque de temps constitue pour plus de la moitié (53%) des citoyens de l’Union européenne l’excuse pour l’inactivité physique, avec une faible variabilité de 45% (Pologne) à 60% (France). Pour la Belgique, ce manque de temps est ressenti par 57% des personnes interrogées.
De plus, certaines données américaines indiqueraient que le nombre moyen d’heures de sommeil par nuit a baissé de plus d’une heure et demie au cours des 40 dernières années, pour atteindre moins de 7 heures et demie de sommeil par nuit.

Et la publicité destinée aux enfants dans tout ça?

Bien qu’il soit trop simple de tenir pour responsable de tout ce qui précède la publicité pour des produits alimentaires destinée aux enfants, la publicité et la promotion font néanmoins parties intégrantes de l’environnement dans lequel grandissent nos enfants (et où certains d’entre eux deviennent obèses), et pourraient dès lors au moins être considérées comme des facteurs de l’«environnement générateur d’obésité».
Ce même Baromètre européen semble au moins confirmer la prévalence d’une telle perception. Tandis que 71% des citoyens européens considèrent les «parents ou tuteurs» comme la principale influence sur ce que mangent les enfants, «la publicité et la promotion pour les denrées alimentaires» est la raison qui arrive en seconde position sur la liste des raisons les plus fréquemment mentionnées, avec une moyenne de 18%, la fourchette allant de 7% en Finlande à 36% à Chypre (avec 22%, la Belgique présente un pourcentage supérieur à la moyenne).
Le rapport PorGrow, qui a étudié les différentes options stratégiques pour réagir à l’obésité, classe le contrôle de la publicité en 4e position pour les participants de sexe masculin et en seconde position pour les participants de sexe féminin lorsqu’il examine les 7 options principales (en ignorant les 13 options laissées à la discrétion des participants qui étaient en fait mieux classées que la plupart des options principales dans au moins 5 cas).
Enfin, le Livre blanc «Une stratégie européenne pour les problèmes de santé liés à la nutrition, la surcharge pondérale et l’obésité» de la Commission européenne aborde le rôle complémentaire des approches volontaires d’autorégulation sur la publicité destinée aux enfants et des approches réglementaires qui existent dans les États membres comme réponse, pour déterminer si d’autres approches sont nécessaires.
Ceci nous amène à la conclusion préalable suivante: tant pour la population que pour les décideurs, le contrôle de la publicité destinée aux enfants constitue l’un des problèmes dont on peut légitimement penser qu’il faut examiner en détail la perception que nous en avons.
La partie suivante de ce texte a pour objectif d’examiner en détail ce que nous entendons par «enfants» et par «publicité»; elle examine ensuite sommairement les études existantes sur les enfants et la publicité, pour pouvoir déterminer quelles stratégies mettre en œuvre.

Qu’entendons-nous par «enfants»?

Lors d’une réunion de l’OMS qui s’est tenue en 2006 (12), il a été convenu que le terme «enfants» signifie toutes les personnes de moins de 18 ans, aux termes de la Convention des Nations-Unies relative aux droits de l’enfant. Il a aussi été admis que les enfants de 13 ans ou moins sont plus vulnérables et peuvent par conséquent nécessiter des protections plus rigoureuses.
Lorsque nous cherchons à définir le terme «enfants» en relation avec la publicité, la recherche sur le développement du cerveau, sur l’évolution du traitement de l’information et sur l’évolution de la reconnaissance du point de vue d’autrui peuvent nous fournir des clés pour comprendre quand et comment nous pouvons parler d’enfants.

Développement du cerveau

Vers l’âge de 12 ans, le cerveau d’un enfant a la taille, les circonvolutions, le poids et la spécialisation par région de celui d’un adulte (13). Toutefois une étude étalée sur plusieurs décennies menée par le National Institute of Mental Health (NIMH) à Bethesda, dans le Maryland aux États-Unis, a montré que le cerveau a encore un long chemin à parcourir avant d’atteindre l’âge adulte. L’équipe de recherche a montré que la matière grise s’épaissit durant l’enfance mais s’amincit ensuite en une vague qui débute à l’arrière du cerveau et atteint l’avant au début de l’âge adulte (entre 16 et 20 ans selon les individus). Le processus se termine plus tôt chez les filles que chez les garçons (14).
À mesure que la matière grise s’amincit, nous acquérons la matière blanche, les couches de myéline isolante s’ajoutant aux connexions axonales entre les cellules nerveuses (augmentant ainsi la vitesse de traitement neuronal). George Batzokis a découvert que cette «myélinisation» suit une courbe en U renversé tout au long de notre vie, avec un pic vers l’âge de 50 ans (15). Selon des données plus récentes, il semble que ce pic se stabilise, avant de décliner rapidement vers l’âge de 65 ans (16).

Traitement de l’information

Une revue de la littérature sur la socialisation du consommateur, et qui concerne les enfants au cours des 25 dernières années du 20e siècle est utile pour bien appréhender la connaissance et la compréhension du marché par les enfants (17).
Ce modèle de développement de l’enfant, bien qu’il reconnaisse beaucoup des stades de développement de Piaget, postule trois étapes dans le traitement de l’information. Avant 7 ans, les enfants ont des capacités de traitement limitées; ils rencontrent des difficultés de stockage et d’extraction de l’information, même lorsqu’on les guide ou invite à le faire. Les enfants de plus de 12 ans, par contre, recourent à différentes stratégies pour stocker, extraire et utiliser l’information, même en l’absence de conseil ou d’incitation. Entre 7 et 11 ans, bien qu’ils puissent utiliser les mêmes stratégies que les enfants de 12 ans, ils ont besoin d’être aidés par des conseils ou des incitations explicites. Par rapport à la publicité, pour le groupe des 7-11 ans, cela signifie que, même si la compréhension est présente et peut être utilisée de manière critique pour faire face à la publicité, l’enfant n’y accèdera pas et ne l’utilisera pas nécessairement pour évaluer les messages publicitaires.

France: le Conseil national de l’alimentation (CNA) appelle à de nouveaux efforts pour apprendre aux enfants à mieux manger

Après deux ans de travail, et dans un contexte de lutte contre le développement préoccupant de l’obésité infantile, le CNA vient de rendre public son rapport sur l’éducation alimentaire, la publicité alimentaire, l’information nutritionnelle et l’évolution des comportements alimentaires.
Ce rapport, assorti de 17 recommandations, est basé sur l’audition des principaux acteurs publics et privés (Ministère de la santé, Ministère de l’éducation nationale, CRÉDOC, Autorité de régulation professionnelle de la publicité, Conseil supérieur de l’audiovisuel, Union des annonceurs, TF1, M6, pédiatres, sociologues…) et les contributions de tous les acteurs de la chaîne alimentaire (industriels, distributeurs, restaurateurs collectifs, associations de consommateurs, salariés…). Il présente les dernières données chiffrées sur l’évolution du marché publicitaire, expose les principales initiatives prises par les industriels, tant en matière d’éducation que de publicité télévisuelle, et rend compte des positions des associations de consommateurs.
Parmi les 17 recommandations formulées, on trouvera, notamment, celle demandant aux pouvoirs publics d’accorder une importance plus grande à l’alimentation et à la nutrition dans les programmes scolaires, de substituer à l’enseignement théorique actuel de la nutrition un apprentissage pratique de l’alimentation équilibrée et d’encourager plus activement les ateliers de cuisine pour enfants.
Le Conseil insiste également sur les effets positifs de la convivialité et du plaisir qui accompagnent les repas, et recommande en conséquence que les informations sur l’alimentation s’appuient plus largement sur ces valeurs. Jugeant les messages délivrés en milieu scolaire comme fondamentaux, il souhaite que les supports pédagogiques liés à ces actions soient conçus dans un esprit ludique, prenant en compte les diversités culturelles et intégrant un volet portant sur l’éducation au goût. Il rappelle également l’importance des actions visant à lutter contre la sédentarité, notamment celle des enfants.
Concernant la publicité télévisée pour les produits alimentaires il préconise, pour les messages publicitaires diffusés aux heures de grande écoute des enfants, d’éviter toute stigmatisation et de mettre en œuvre dans le cadre d’une démarche concertée des mesures pour la valorisation d’une alimentation variée et équilibrée.
Le rapport (Avis n° 64, document de 40 pages) est téléchargeable à l’adresse
http://cna-alimentation.fr/index.php?option=com_docman&Itemid;=28
Conseil national de l’alimentation, 251 rue de Vaugirard, 75732 Paris cedex 15. Courriel: cna.dgal@agriculture.gouv.fr
Communiqué par le CNA le 17 avril 2009

Point de vue

Il y a également la capacité de l’enfant d’adopter le point de vue d’autrui qui se développe de la petite enfance à l’adolescence, par étapes, et dont il convient de tenir compte pour examiner la compréhension de la publicité par les enfants (18).
Avant 6 ans, l’enfant est incapable d’adopter le point de vue d’autrui; il voit le monde selon son propre point de vue. Entre 6 et 8 ans, il se rend compte que les autres personnes ont d’autres opinions et d’autres motivations, mais il croit que c’est parce que les autres personnes disposent d’informations différentes et pas parce qu’ils adoptent un point de vue différent par rapport à une situation. Entre 8 et 10 ans, les enfants acquièrent une compréhension du fait que les personnes disposant des mêmes informations peuvent avoir des opinions ou des motivations différentes. La capacité de prendre en compte simultanément le point de vue de l’autre personne apparaît entre 10 et 12 ans. Finalement, le jeune adolescent peut adopter un point de vue plus mature et plus objectif en envisageant le point de vue d’une autre personne comme une facette de l’appartenance au groupe social ou au système social dans lequel ils évoluent.

Commentaire

Tout ceci pourrait expliquer pourquoi Jeffrey Goldstein affirme la chose suivante: « Je crois que les efforts qui visent à déterminer quand les enfants comprennent la publicité sont dans l’erreur pour trois raisons. Premièrement, il n’existe pas d’âge magique à partir duquel une personne comprend la publicité (…) Les débats souvent passionnés sur la publicité m’amènent à conclure que de nombreux adultes ne comprennent pas la publicité non plus (…). Deuxièmement, les tests sur la compréhension menés par les chercheurs sont si rigoureux que même des adultes raisonnables échoueraient (…). Enfin, et c’est sans doute l’argument le plus important, il n’existe tout simplement aucune donnée probante qui établirait un lien entre le degré de compréhension de la publicité par les enfants et l’effet qu’elle a sur eux » (19).
Nous reviendrons sur cet aspect, vu les données probantes plus circonstanciées rassemblées dans une revue récente de Hastings (20).

Conclusion

Étant donné que même des adultes peuvent ne pas comprendre la publicité et que, vu leur goût pour une société sans risques, ils préfèrent de plus en plus faire porter la responsabilité à des agents externes (écoles, gouvernements) au lieu d’assumer leur propre responsabilité, nous devons être prudents et ne pas affaiblir le développement réellement nécessaire des enfants en «prenant le contrôle»; le contrôle et la compréhension constituant les deux dimensions de la perception du risque. En soustrayant le contrôle de la responsabilité individuelle, on augmenterait en fait cette même perception de risque, en particulier lorsque le niveau de compréhension est faible.
Par conséquent, d’un point de vue pragmatique en ce qui concerne la publicité et la manière dont ils y réagissent, nous définirons les enfants de moins de 12 ans, les adolescents de moins de 16 ans et toutes les autres personnes plus âgées comme n’étant pas trop compétentes non plus en la matière.

Qu’entendons-nous par «publicité»?

Nous savons (21) que l’OMS fait référence à la «commercialisation» («marketing») et pas à la publicité, ce qui implique que toutes les formes de promotion commerciale doivent être considérées comme une partie de l’ensemble de l’action.
En outre, il a été convenu que cette «promotion» comprend non seulement la promotion qui vise délibérément les enfants et qui prévoit de les atteindre, mais aussi la promotion qui vise d’autres groupes mais à laquelle les enfants sont aussi abondamment exposés.
Lorsque nous envisageons «toutes les formes de promotion commerciale», sans faire preuve d’exhaustivité, cela comprend donc, outre la publicité classique par les médias de masse, le marketing direct et la promotion commerciale, également le placement de produits (tout particulièrement dans les séries télé et les films), la communication via l’internet et les téléphones portables (ou communication électronique), le marketing à l’école, etc.
Par conséquent, pour des raisons pragmatiques, nous avons redéfini les «enfants» de l’OMS en «enfants» et «adolescents» et, étant donné que leur comportement concret vis-à-vis des médias n’est de toute manière pas identique, nous rejoignons l’avis de l’OMS pour notre définition des enfants en ce qui concerne la promotion visant délibérément les enfants de moins de 12 ans et qui prévoit de les atteindre; nous estimons plus évident de prendre en considération, pour notre définition des adolescents, la promotion visant d’autres groupes mais à laquelle les autres «enfants» selon l’OMS (principalement de 12 à 16 ans) sont abondamment exposés.
Ceci est corroboré par la découverte selon laquelle la capacité à établir une distinction entre la publicité et d’autres formes d’information se développe entre quatre et sept ans (22).

Publicité visant les enfants: la recherche

Considérations préalables

Lorsque nous examinons les recherches disponibles dans ce domaine, il est judicieux de tenir compte des propos de Corinna Hawkes au Forum 2006 de l’OMS, qui affirme qu’il est nécessaire de préciser les objectifs de la réglementation pour savoir s’ils concernent:
-un marketing responsable vis-à-vis des enfants (qualité);
-une réduction quantitative du marketing alimentaire perçu par les enfants (quantité), ou
-de meilleurs choix alimentaires par les enfants et leurs parents (résultats).
En ce qui concerne le premier aspect, nous disposons d’un corpus de recherche suffisant pour nous guider. C’est moins le cas en ce qui concerne les deux autres aspects.
Le réel paradoxe auquel nous serons confrontés est le suivant:
-d’une part, il semble que les interdictions de publicité dans différents pays (Norvège, Suède, Québec) n’ont eu que peu, voire aucun effet sur l’obésité infantile, cette dernière ayant continué d’augmenter (même après correction des données en fonction de l’argument de l’influence publicitaire «transfrontalière»);
-mais alors, pourquoi l’industrie alimentaire et des boissons continue-t-elle à investir des sommes d’argent considérables dans la publicité pour ses produits?

Collecte de données probantes à partir de revues de recherche

Par conséquent, nous ne pouvons nous contenter du message selon lequel la publicité ne marcherait pas. Goldstein lui-même admet que « La publicité nous influence. Si un message est répété suffisamment souvent, les personnes l’acceptent dans une mesure croissante ».
Mais, si elle nous influence, quel effet a-t-elle?
Encore une fois, selon Goldstein, « Quatre revues de recherche sur les enfants et la publicité, menées dans quatre pays (la Suède, la Belgique, les Pays-Bas et la Grande-Bretagne), sont parvenues à des conclusions largement concordantes, à savoir qu’il n’y a pas de preuves convaincantes que la publicité influence le matérialisme et les valeurs des enfants, leurs habitudes alimentaires, la consommation de tabac et d’alcool, les stéréotypes sur le genre et l’appartenance ethnique, la violence, la socialisation, ou qu’elle ait un effet quelconque à long terme. (Bjürstrom, 1994; de Bens & Vandenbruaene, 1992; Goldstein, 1994; Young, 1990 )».
Une anomalie est présente dans la plupart des études dans ce domaine: elles se concentrent principalement sur la publicité à la télévision, qui constitue, il est vrai, le principal média de masse pour les plus jeunes, mais tout de même.
En outre, différentes études semblent confondre le fait de regarder la télévision et l’exposition aux publicités à la télévision. Alors que selon certaines études, le point critique en ce qui concerne l’obésité chez l’enfant se situe au-delà de deux heures et demie de télévision, ces études n’ont pas eu besoin de tenir compte de la présence ou non de publicité pour tirer leurs conclusions.
En fait, plusieurs études indiquent comme cause éventuelle la nutrition passive/consommation passive de boisson – renonçant ainsi aux signaux de satiété en regardant la télévision – et d’autres études ont démontré que la manière la plus facile et la plus accommodante de prévenir l’obésité est de réduire d’une heure par jour le temps passé à regarder la télévision, plutôt que de changer les habitudes alimentaires. À ce propos, une étude belge est parvenue à la conclusion que ce n’est pas seulement le temps passé devant n’importe quel écran en général, mais qu’il y a une différence d’obésité qualitative et quantitative entre regarder la TV et se trouver devant l’écran de son ordinateur, la télévision étant plus passive et plus nocive que le PC!

Effets qualitatifs

Dans la revue établie par Hastings, nous trouvons les conclusions suivantes:
« Partout, la revue a établi que la télévision est le principal canal utilisé par le commerce alimentaire pour toucher les enfants, même si certains éléments tendent à prouver que le caractère dominant de la télévision a commencé à décliner dernièrement… La publicité destinée aux enfants est dominée par les produits alimentaires, et particulièrement les produits qu’on appelle les ‘Quatre Grands’, les céréales sucrées pour le petit-déjeuner, les sodas, et les snacks sucrés et salés. Au cours des 10 dernières années, les publicités pour les fast-foods ont connu une croissance rapide, ce qui a transformé les ‘Quatre Grands’ en ‘Cinq Grands’
Toutefois, selon l’avertissement accompagnant cette revue, la collecte de preuves s’est principalement limitée à des articles examinant des enfants américains et, par conséquent, leur environnement publicitaire.
En Allemagne, au moins, la publicité à la télévision n’a qu’une importance secondaire; les enfants de 3 à 13 ans passent 11% de leur temps à regarder la télévision, et 1,4% de leur temps à regarder des publicités télévisées.
Pour les enfants de 6 à 13 ans, les principales sources publicitaires sont la télévision (94,6%), la radio (28,4%) et la publicité/les panneaux à l’extérieur (12.9%) en ce qui concerne les médias de masse (toutefois, étant donné qu’il s’agit de données de Bergler, il pourrait y avoir des différences culturelles en ce qui concerne le comportement des médias de masse belges, mais l’essentiel est là). Il convient d’ajouter au moins la promotion dans les points de vente, et, en particulier pour les adolescents, l’Internet, bien que ce média soit, d’un point de vue pragmatique, beaucoup plus difficile à contrôler par nature.
Une revue récente de l’Institute of Medecine (23) américain nous fournit les conclusions suivantes:
« Un aspect important dans les discussions sur l’influence des publicités pour les aliments et les boissons et le marketing qui s’adresse aux enfants et aux jeunes concerne le stade de discernement. Avant un certain âge, les enfants ne disposent pas des moyens de défense ou des capacités nécessaires pour être en mesure de distinguer un contenu commercial d’un contenu non commercial, ou pour prêter des intentions de persuasion à la publicité. Les enfants développent généralement ces aptitudes à l’âge de 8 ans, mais jusqu’à 11 ans, il se peut que des enfants n’activent pas leurs moyens de défense si on ne leur signale pas explicitement .
De nombreuses preuves donnent à penser que la publicité à la télévision influence les demandes d’achat de nourritures et de boissons chez les enfants de 2 à 11 ans. Les preuves sont insuffisantes quant à son influence sur les demandes d’achat d’adolescents de 12 à 18 ans. Il existe une quantité raisonnable de preuves selon lesquelles la publicité télévisée influence les opinions en matière de boissons et de nourriture chez l’enfant de 11 ans .
Les preuves sont insuffisantes quant à son influence sur les opinions des adolescents de 12 à 18 ans. De nombreuses preuves donnent à penser que la publicité à la télévision influence la consommation à court terme des enfants de 2 à 11 ans. Les preuves sont insuffisantes quant à son influence sur la consommation à court terme des adolescents de 12 à 18 ans .
Il existe une quantité raisonnable de preuves selon lesquelles la publicité télévisée influence le régime alimentaire habituel des jeunes enfants de 2 à 5 ans et de faibles preuves qu’elle influence le régime alimentaire habituel d’enfants plus âgés, de 6 à 11 ans. Les preuves sont également faibles quant au fait qu’elle n’influencerait pas le régime alimentaire des adolescents de 12 à 18 ans ».
Selon Bergler, dès l’âge de 6 ans, 57% des enfants comprennent que la publicité existe pour vendre des produits, et 34% d’entre eux commencent à remettre en question la crédibilité de la publicité à cet âge-là.
Mais le problème se situe à un autre niveau.
La plupart des études peuvent nous guider assez aisément vers ce qui devrait, au bout du compte, devenir les règles auxquelles la «promotion commerciale» doit se conformer, c’est-à-dire une publicité légale, décente, qui dit la vérité, qui ne s’adresse pas au monde imaginaire de l’enfant, etc.
Mais ces études ne concernent, en réalité, que la partie qualitative de l’équation, et pas la partie quantitative ou le résultat final.

Effets quantitatifs

Dans la revue de Hastings, nous trouvons également un début de réponse à la question «quantitative» (c’est-à-dire: la publicité exerce-t-elle une influence sur la progression des ventes d’une catégorie d’aliments):
« On trouve partout des preuves que la promotion alimentaire provoque tant des changements de marques que des effets de catégorie, le soutien étant plus important pour le second effet. Bien qu’aucune étude ne fournisse de comparaison circonstanciée de l’ampleur de ces deux types d’effet, ils ont tous deux été examinés de manière indépendante et il existe des preuves raisonnablement fortes que les deux ont lieu. En d’autres termes l’influence de la promotion alimentaire ne se borne pas au changement de marque
L’un des aspects de la publicité, ou plutôt des efforts de commercialisation/communication, est que la simple pression commerciale continuelle de la concurrence au sein d’une catégorie spécifique de produits pourrait bien être le moteur de l’extension de cette catégorie en tant que telle (24). Ou, comme le formule Estelle Lebel à l’Université du Québec « La publicité pour les produits alimentaires ne favorise pas un régime équilibré, non pas tant à cause de la présence de certains produits, mais plutôt en raison de la surreprésentation de ces produits qui ne cadre pas dans les recommandations nutritionnelles d’une part, et de l’absence totale de ceux qui cadrent dans ces recommandations, d’autre part» (25)
Le fait que la pression du marketing concurrentiel peut généralement promouvoir la croissance globale d’une catégorie est encore corroboré par des preuves dans le cadre du programme «FoodDudes» en Grande-Bretagne. Les interventions dans les écoles qui font la promotion de la consommation de certains fruits et légumes en recourant à des techniques de marketing comme des vidéos, des personnages de dessin animé et des petits prix – une forme louable de «marketing social» – ont établi que les effets de ces interventions pouvaient être généralisés (26)
« Les changements étaient donc significatifs et durables. De plus, des preuves évidentes ont montré que ces effets se sont généralisés à travers toute la catégorie des fruits et légumes. C’est-à-dire que la consommation de fruits et légumes qui ne sont pas visés explicitement par l’intervention a également augmenté ».

Conclusion sur les effets qualitatif et quantitatif

Par conséquent, chez les enfants (jusqu’à l’âge de 12 ans), la publicité influence effectivement les achats de nourriture et de boissons, les opinions sur la nourriture et les boissons, les modes de consommation à court terme et le régime alimentaire habituel. D’une manière plus générale, la publicité (et in fine la pression commerciale) a, en outre, des effets de catégorie, c’est-à-dire qu’une pression accrue du marketing concurrentiel augmente la croissance de la catégorie.
Donc, oui, la publicité fonctionne. Mais affirmer que cela équivaut à dire que la publicité est le seul agent responsable de comportements nutritionnels (et modes de vie) malsains, c’est aller trop loin. En d’autres termes, l’industrie joue un rôle dans ce système, mais au même titre que de nombreux autres intervenants.
En outre, supposer qu’une réduction de la publicité qui vise les enfants résoudra le «problème» et permettra par conséquent de modifier les comportements alimentaires est non seulement naïf, mais aussi scientifiquement indéfendable.

Effets sur les résultats

Si nous considérons le résultat comme l’objectif final, la publicité est toutefois une stratégie unique peu efficace pour une modification des comportements.
Nous savons, grâce à la recherche en matière de changement social, qu’une bonne attitude ne se traduit pas forcément par un bon comportement. S’il y a bien un domaine où la publicité est efficace, c’est celui du changement d’attitude, mais pas des comportements, car d’autres types de stratégie sont nécessaires pour cela.
Depuis le début des années 1860, les psychologues se sont intéressés à la relation entre les attitudes et le comportement. De nombreuses études en psychologie sociale ont donné lieu à plusieurs théories entre 1918 et 1925. Fondamentalement, ces théories ont suggéré que les attitudes peuvent expliquer les actions de l’être humain; en d’autres termes, les actions de l’être humain étaient considérées comme un indicateur possible du comportement. En 1935, Gordon W. Allport (27) a précisé que la relation attitude-comportement n’était pas à sens unique, mais plutôt interactive et multidimensionnelle. À la base de tout cela, il y a tout d’abord l’hypothèse qu’il existe une relation entre les deux et, deuxièmement, que les personnes se comportent de manière rationnelle, c’est-à-dire que l’on peut supposer un principe sous-jacent de cohérence, et plus précisément qu’ils évoluent tous deux dans la même direction.
Si nous savons aujourd’hui qu’il n’existe pas d’«homo rationalis», tout comme les économistes ont dû apprendre, à leur grande honte, qu’il n’existe pas d’«homo economicus», il en va autrement dans la pratique.
Bien que la plupart des modèles d’«attitude», qu’ils soient structurels ou fonctionnels, s’accordent à dire que les attitudes ne se bornent pas à une simple composante cognitive, la plupart des stratégies de promotion de la santé qui visent un changement de comportement se limitent trop souvent à une simple diffusion d’information.
Pour paraphraser Jean-Pierre Poulain (28): « Le cas de certains pays anglo-saxons, où les dimensions culturelles de la nourriture n’ont pas la même intensité qu’en France, mérite une certaine réflexion: le développement de l’obésité et le développement de programmes d’information nutritionnelle ont une histoire beaucoup plus longue là-bas [qu’en France]] Le paradoxe américain nous montre que le niveau le plus élevé d’obésité se trouve dans une société où l’information nutritionnelle est la plus largement diffusée (29)».
La «connaissance», en tant que composante de l’attitude, peut difficilement être une condition suffisante pour changer son comportement.
Pire, la transmission d’informations à des personnes peut induire des effets pervers. L’opinion publique peut être si saturée de messages sur la santé (assez souvent contradictoires) que non seulement la crédibilité de ces messages s’en trouve diminuée mais, en outre – et c’est plus important – les messages réellement pertinents sont banalisés. Guttman, Kegler et McLeroy (30) ont baptisé ce phénomène le paradoxe de la diffusion d’information , ou ce que nous pourrions appeler le «phénomène de décrochage». Peu importe la façon dont on appelle ce phénomène, les personnes se mettent au «régime informationnel», voire deviennent des «anorexiques de l’information».
À l’inverse, l’information sur la santé peut influencer des groupes de population (hypochondriaques, profils restrictifs obsessionnels, anxieux par rapport à la santé) dans une mesure telle que leur soif d’information tient presque de la boulimie, et leur soif de solutions, purement médicales en général, devient excessive. Nous appellerions ce phénomène le paradoxe de la demande erronée excessive .
Et, dernier aspect mais non des moindres, il y a le réel problème suivant: l’information ne parvient guère aux classes socioéconomiques les plus basses. Ainsi, la promotion de la santé accroît l’inégalité sociale existante en ce qui concerne la santé. Il s’agit du paradoxe du fossé de la santé .
Dans ce cas, comment se fait-il que la diffusion de l’information soit prédominante dans ce domaine?
Les raisons suivantes ont été suggérées par plusieurs collègues:
-la recherche d’explications rationnelles à notre comportement fait partie intégrante de notre culture (du moins occidentale);
-l’accent qui est mis sur l’influence exercée sur notre connaissance est probablement un repli stratégique, étant donné qu’il n’est pas si facile d’influencer notre comportement;
-la diffusion d’information respecte le libre choix en ce qui concerne notre santé et est par conséquent assez conforme aux traditions démocratiques.
Une stratégie régulièrement utilisée dans les programmes de prévention est le recours à la peur. Faire peur aux gens en les confrontant aux conséquences négatives de leur comportement semble intuitivement être une bonne stratégie. Pourtant, Janis (31) a démontré dès 1967 que cette stratégie n’atteint pas l’effet escompté; ce phénomène a été confirmé en 1994 par Sherr (32). La raison de ce phénomène peut se résumer comme suit:
-les effets sur l’attitude et l’intention de modifier le comportement sont de courte durée;
-la répétition du message mène à l’habituation, et la peur disparaît;
-en donnant plus d’intensité au message, on arrive au décrochage /au rejet;
-les relations dose-effet ne sont pas constantes.
C’est pourquoi la plupart des chercheurs recommandent de ne pas utiliser ce type de stratégie mais, manifestement, ce message n’est pas encore parvenu jusqu’aux personnes chargées de la promotion de la santé ou aux décideurs politiques en la matière!
Nous pouvons tirer quelques autres leçons, en ce qui concerne les limites de la «promotion de la santé», des travaux de Petty et Cacioppo (33) sur le Modèle de probabilité d’élaboration, qui comprend deux voies dans le processus de persuasion, la première étant une voie centrale systématique, la seconde une voie périphérique superficielle:

Traitement systématique

Traitement superficiel
Forte probabilité d’élaboration Faible probabilité d’élaboration
Grande implication Faible implication
Voie centrale Voie périphérique
Traitement prudent de l’information Très peu d’information traitée
Dépend de bons arguments (la force de l’argument est essentielle) Dépend de règles générales, de conseils externes (que l’argument soit fort ou faible n’a aucune importance)
Traitement cognitif Réaction instinctive, attractivité, statut…

Dans notre environnement médiatique moderne, il semble de plus en plus que la voie centrale soit plutôt l’exception que la règle, car tant la motivation que la capacité de traiter toute l’information disponible sont assez faibles chez une majorité de citoyens.
Donc, alors que le temps est donné, la crédibilité de la source d’information n’a pas ou pas beaucoup d’implication, et la peur ne fonctionne pas vraiment; nous voyons en l’occurrence que même la force des arguments n’a pas ou pas beaucoup d’implication, contrairement à l’attrait du message… Et un sujet tel que la promotion de la santé n’est, de par sa nature, pas nécessairement «attrayant».

De réels effets sur les résultats allant au-delà de simples limitations de la publicité ou d’un marketing social simpliste?

Un marketing social effectif qui va au-delà de la simple publicité a pour premier point de repère un «changement comportemental» dans le sens d’interventions qui cherchent à modifier le comportement, avec des objectifs mesurables et spécifiques (34).
Le modèle «TransTheoretical Model of Change» a servi de base à l’élaboration de certaines des interventions les plus efficaces pour promouvoir des changements comportementaux en ce qui concerne la santé (35).
Au cœur de ce modèle, on trouve les «stades de changement». Le changement implique des phénomènes qui se produisent dans le temps. Cet aspect a toutefois été largement ignoré par les théories alternatives du changement. Le changement comportemental a souvent été considéré comme un événement, comme le fait d’arrêter de fumer, de boire ou de manger trop.
Ce modèle par contre considère le changement comme un processus impliquant une évolution au travers de cinq stades (précontemplation, contemplation, préparation, action et entretien) avec des régressions et des rechutes lorsque des individus reviennent à un stade antérieur du changement. On peut régresser depuis n’importe quel stade vers n’importe quel autre stade antérieur. La rechute est une forme de régression vers un stade antérieur depuis l’action ou l’entretien.
La mauvaise nouvelle est que la rechute tend à être la règle lorsqu’une action est entreprise pour la plupart des problèmes comportementaux liés à la santé. La bonne nouvelle est, par exemple pour ceux qui arrêtent de fumer ou commencent à faire de l’exercice, que seulement 15% des personnes régressent sur le processus entier jusqu’au stade de la précontemplation; une grande majorité ne régresse que jusqu’au stade de la contemplation ou de la préparation.
Ce modèle convient pour le recrutement d’une population toute entière. Les interventions traditionnelles partent souvent du principe que les individus sont prêts pour un changement comportemental immédiat et permanent. La plupart des stratégies de recrutement reflètent cette supposition et, en conséquence, seule une toute petite proportion de la population participe et, souvent, il ne s’agit pas de la partie de population prévue au départ.
En revanche, ce modèle n’émet aucune hypothèse sur la mesure dans laquelle les individus sont disposés à changer; il reconnaît que différents individus se trouveront à différents stades et qu’il faut élaborer des interventions adéquates pour chacun. Ces interventions adéquates doivent être élaborées pour tous. Par conséquent, on a atteint de très hauts taux de participation, de même que des taux de maintien élevés.
In fine , ce modèle, qui a été appliqué précédemment à une grande variété de comportements problématiques (36) peut faire l’objet d’une évaluation plus appropriée des résultats, car il a une grande efficacité et un taux de recrutement élevé, ce qui augmente significativement son impact potentiel sur des populations entières d’individus présentant des risques pour la santé liés au comportement.

Options de politique

Les approches autorégulatrices optimales sont, d’après l’OMS elle-même (mais aussi selon le Livre blanc de l’Union européenne), les stratégies adéquates pour assurer que les formes de promotion sont légales, qu’elles disent la vérité, qu’elles sont décentes et honnêtes, et qu’elle sont en mesure de faire face à d’autres aspects de la commercialisation comme le produit, le prix et le lieu.
Elles doivent toutefois être complétées d’approches régulatrices qui réduisent le simple volume de promotion commerciale pour des aliments et des boissons auprès des enfants.
Étant donné que le système autorégulateur «qualitatif» en Belgique n’atteint pas encore complètement les normes établies par l’EASA (37), il faut que le système autorégulateur tel qu’il est géré aujourd’hui par le Jury d’éthique publicitaire atteigne les objectifs fixés par l’Union européenne dès que possible. Cela implique des mesures concernant les efforts de promotion dans les points de vente et les efforts de marketing direct et sur internet.
Simultanément, il appartient aux autorités de prendre des mesures concernant la réglementation «quantitative» de la publicité visant les enfants, en fixant des quotas par catégorie, en limitant les occasions de publicité par catégorie, en surveillant les dépenses de marketing par catégorie ou toute autre mesure qui offre une réponse adéquate aux effets de «pression du marketing sur la catégorie».
Toutefois, en ce qui concerne les mesures ciblées sur les «résultats», vu le nombre restreint de preuves scientifiques, au lieu d’initiatives «fondées sur des données probantes» – qui sont surtout un prétexte pour ne pas avoir à mener de recherches du tout – le Gouvernement devrait prendre en considération des programmes de marketing social durables à long terme financés adéquatement, qui viseront au moins les changements comportementaux.
Johan De Rycker , Département des Sciences de l’information et de la Communication (ULB), et Laurence Doughan , experte en politique nutritionnelle, co-coordinatrice du Plan national nutrition santé belge
Adresse des auteurs: Plan national nutrition santé, SPF Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement, Place Victor Horta 40/10, 1060 Bruxelles

(1) The Meaning of Things; Applying Philosophy to Life; pg. 170, Phoenix, 2002 (traduction libre).
(2) PorGrow Report for DG Research & DG Sanco. T.Lobstein & E. Millstone, 2006. http://www.sussex.ac.uk/spru/porgrow
(3) Nous utilisons le terme «pré-obésité» pour des raisons de clarté. Bien trop souvent, l’utilisation d’un terme comme «surpoids» est un simple procédé rhétorique pour réunir sous le même qualificatif les notions de pré-obésité et d’obésité, ce dont il résulte une addition et donc une aggravation des chiffres et de la perception du problème. Le traitement de la pré-obésité, que ce soit chez l’enfant ou l’adulte, requiert une approche différente du traitement de l’obésité, ne fût-ce que parce qu’il y a une corrélation en «J» avec la morbidité.
(4) HBSC. Young people’s health in context: Health Behaviour in School-aged Children 2001/2002. Health Policy for Children and Adolescents 4 . C.Currie et al. (eds) Copenhagen: WHO Regional Office for Europe, 2004.
(5) En réalité, comme l’ont souligné récemment différents auteurs, des corrélations avec certains aliments ou boissons particuliers pourraient bien être des indicateurs plus spécifiques de modes de vie néfastes, plutôt que des causes particulières d’obésité en soi.
(6) PorGrow Report for DG Research & DG Sanco. T.Lobstein & E. Millstone, 2006. http://www.sussex.ac.uk/spru/porgrow (traduction libre).
(7) Rolland-Cachera MF, International Journal of Obesity. 30, 511-517 (2006).
(8) ChildWise Monitor Report 1994-2006. http://www.childwise.co.uk .
(9) Hillman, M (1993). One false move. In M. Hillman (Ed.) Children, transport and quality of life (pp. 7-18). London: Policy Studies Institute.
(10) International Obesity Task Force, 2006.
(11) Fieldwork: Nov.-Déc. 2005; Publication: novembre 2006.
(12) Marketing of Food and Non-alcoholic beverages to Children. Report of a WHO-Forum and Technical Meeting. Oslo, Norway, 2-5 May 2006.
(13) How does the teenage brain work? Kendall Powell. Nature, Vol 442, 24 August 2006, pp. 865-867.
(14) Gogtay,N et al. Proc.Natl.Acad.Sci. USA 101, 8174-8179 (2004).
(15) Bartzokis, G et al. Arch. Gen. Psychiatry.58, 461-465 (2001).
(16) Allen J. et al, American Journal of Human Biology. 17, 673-689 (2005).
(17) John D.R. Journal of Consumer Research. 26(3), 183-213 (1999).
(18) Selman R.L. “The growth of interpersonal understanding”, New York Academic Press (1980).
(19) Goldstein J, Commercial Communications, 4-7, July 1998.
(20) “The extent, nature and effects of food promotion to children (electronic resource): a review of the evidence: technical paper prepared for the WHO”; G. Hastings, L. McDermott, K. Angus, M. Stead & S. Thomson – Juillet 2006 (traduction libre).
(21) Voir note 12.
(22) Bergler R., Commercial Communications, pp. 41-48, janvier 1999 (et les références contenues dans ce document).
(23) Institute of Medicine, Food Marketing to Children and Youth: Threat or Opportunity , 2005.
(24) http://www.respire-asbl.be/impression.php3?id_article=212 .
(25) Estelle.lebel@com.ulaval.ca (traduction libre).
(26) Lowe F. et al. Changing the nation’s diet: a programme to increase children’s consumption of fruit and vegetables .Bangor, School of Psychology, University of Wales, 2004 (Working Paper N° 5.; http://www.fooddudes.co.uk/downloads/Working%20paper%20No.%205.pdf , accessed September 2007).
(27) In McCormack Brown (1999) Theory of reasoned action/Theory of planned behavior. Voir http://hsc.usf.edu/~kmbrown/TRA_TPB.htm .
(28) Jean-Pierre Poulain. Manger Aujourd’hui. Attitudes, normes et pratiques. Éditions Privat, 2002. p. 197.
(29) Rozin P., Towards a Psychology of Food Choice, Danone Chair Monograph, Brussels. 1998.
(30) Guttman N., Kegler M., McLeroy K.R. Editorial: Health promotion paradoxes, antinomies and conundrums. Health Education Research, Vol 11: pp. i – xiii, 1996.
(31) Janis I.L. Effects of fear arousal on attitude change: recent developments in theory and experimental research. In L. Berkowitz (Ed.) Advances in Experimental Social Psychology (Vol.2), NewYork Academic Press, 1967.
(32) Sherr L. The psychological impact of fear-arousing campaigns. In J.P.Dauwalder (Ed.) Psychology and the promotion of health. Seattle: Hogrefe & Huber Publishers, 1994.
(33) Petty R.E., Cacioppo J.T. & Schumann D. Central and periferal routes to advertising effectiveness: the moderating role of involvement. In Journal of Consumer Research, 10 (1983), pp. 134-148.
(34) Andreasen A.R. Marketing Social Change. Changing Behaviour to Promote Health, Social Development and the Environment. Jossey-Bass Publications: San Francisco, CA, 1995.
(35) Prochaska, J.O., Norcross, J.C. & DiClemente, C.C. Changing for Good. A Revolutionary Six-Stage Program for overcoming bad habits and moving your life positively forward. Quill, 2002.
(36) Arrêter de fumer, l’exercice physique, les régimes pauvres en graisse, le test de radon, l’abus d’alcool, la maîtrise du poids, l’utilisation du préservatif pour la protection contre le VIH, le changement organisationnel, l’utilisation d’écrans solaires pour prévenir le cancer de la peau, l’abus de drogue, la conformité au traitement médical, la mammographie et la gestion du stress…
(37) European Advertising Standards Alliance (Alliance européenne pour l’Éthique publicitaire).