Février 2007 Par P. MOUYART Locale Wallonie

Après avoir implanté le processus des Conférences locales sur l’arrondissement de Charleroi (1), le Centre local de promotion de la santé de Charleroi-Thuin met maintenant en place une dynamique équivalente sur l’arrondissement de Thuin.
Cette nouvelle initiative a pu, à nouveau, bénéficier du soutien méthodologique de l’Unité de Développement Local et Territorial (ULB-IGEAT). Le cadre méthodologique proposé en lien avec le concept de développement local (2) gardait en effet toute sa pertinence : les quatre dimensions qui parcourent le développement local (temporalités, territoire, acteurs et thématiques) se retrouvant également dans la démarche de promotion de la santé. La dynamique à installer doit donc prendre en considération les différents acteurs de terrain et leur champ d’activités. C’est à cette seule condition que l’on parviendra à faire disparaître les cloisons qui confinent les personnes et les empêchent de développer des partenariats intersectoriels.

Un territoire pertinent…

La première difficulté a été celle de la définition du territoire d’action. En effet, l’arrondissement de Thuin a la particularité d’être constitué d’un ensemble de communes hétérogènes. Un premier travail a donc été de déterminer un sous-territoire ayant suffisamment de liens pour pouvoir imaginer la mise en place d’un processus nécessitant le support et l’intérêt des forces vives locales.
Après réflexion, et suite à différents contacts avec des acteurs locaux, le choix a été fait de limiter la zone d’action aux communes de Beaumont, Froidchapelle, Sivry-Rance, Chimay et Momignies (Botte du Hainaut). Ce territoire a en effet l’avantage de présenter une forte cohésion, avec l’existence de connexions et d’intérêts partagés entre ces cinq communes.

…et des partenaires locaux

Après avoir délimité un territoire d’action, la deuxième étape a été de sensibiliser des acteurs de ce territoire à notre démarche et de mettre en place les prémices d’un partenariat local.
De nombreux contacts ont ainsi été établis avec différentes institutions locales.
La Fondation Rurale de Wallonie Entre Sambre et Meuse . La Fondation Rurale de Wallonie est une association s’adressant essentiellement aux communes et qui a pour missions d’animer le milieu rural (notamment par la consultation, l’organisation de débats et la participation citoyenne), et d’apporter des conseils, méthodes et techniques aux projets locaux. Ce partenariat a permis de bénéficier de leur connaissance du monde rural (via notamment l’organisation des Plans Communaux de Développement Rural) et de leur expérience dans le domaine des démarches participatives.
L’Asbl Oxyjeune . Cette association est une AMO (Aide en Milieu Ouvert) dont l’objectif est l’aide préventive au bénéfice des jeunes et de leur famille dans leur milieu de vie et qui travaille selon trois axes : l’aide individuelle, l’action communautaire et l’action collective. Elle présente l’intérêt de couvrir le territoire déterminé. Elle est également engagée dans un processus d’enquêtes participatives sur les communes de Froidchapelle et de Chimay, dont les résultats en terme d’analyse des besoins de la population peuvent se révéler fort intéressants.
La Fondation Chimay Wartoise . Fondation d’Utilité Publique créée en 1996 par la communauté des moines de l’abbaye de Scourmont, la Fondation Chimay-Wartoise s’efforce de travailler au développement régional, notamment au travers de diverses interventions comme Cap 2010 (projet concentrant les moyens disponibles sur les initiatives liées à la jeunesse régionale, à l’emploi régional et aux bonnes pratiques dans le développement général). Les atouts présentés par cette institution se situent principalement au niveau de sa connaissance approfondie des acteurs locaux issus des différents secteurs ciblés : social, culturel, environnemental et économique.
Hainaut Développement (antenne de Chimay) . Hainaut Développement est l’agence de développement de l’économie et de l’environnement de la Province du Hainaut. Son objectif est d’améliorer l’environnement socio-économique et le cadre de vie dans lequel évoluent les particuliers et les entreprises hennuyères. Ce partenariat a permis d’avoir, indirectement, des contacts avec le monde des entreprises (secteur marchand).
Le Centre Culturel et Sportif Sudhaina . C’est un centre culturel actif sur le territoire de Chimay. Ce partenariat a permis que la matinée de rencontres soit organisée en un point central par rapport à l’ensemble du territoire ciblé (Baileux, commune de l’entité de Chimay) et a apporté un soutien important pour la médiatisation de l’événement.
Toutes ces démarches et ces contacts avec des intervenants locaux ont permis de capitaliser des informations essentielles pour l’élaboration du processus:

  • meilleure connaissance du tissu local: au travers de nos différentes rencontres, nous avons pu constituer un « carnet d’adresses » en identifiant de nombreux acteurs locaux couvrant les secteurs d’activités recherchés: social, culturel, environnemental et économique;
  • meilleure connaissance des besoins locaux à travailler dans le cadre du processus des Conférences locales: l’analyse montre que les acteurs locaux développent régulièrement des projets dans le cadre d’une démarche partenariale (beaucoup de collaborations et existence de réseaux entre les acteurs du monde socio-culturel), mais que la participation des citoyens lors des différentes étapes de réalisation des projets, ainsi que l’articulation entre les secteurs privé et public, semblent moins présents;
  • établissement de contacts avec le secteur marchand, avec possibilité de le sensibiliser au rôle qu’il peut jouer dans des initiatives liées à la qualité de vie et au développement local.

Sur base de ces constats, partagés par les partenaires locaux rencontrés et par l’Unité de Développement Territorial et Local, un projet de matinée de rencontres a été élaboré, avec comme objectifs de réunir des acteurs locaux issus des différents secteurs et de travailler en priorité les questions de la participation des habitants et de l’intersectorialité.

Quel lien entre la qualité de vie et le développement économique, social, culturel et environnemental?

La mise en place du processus des Conférences locales sur la Botte du Hainaut s’est donc concrétisée par l’organisation, le mercredi 7 juin 2006, d’une première matinée de rencontres (3) sur le thème « Quel lien entre la qualité de vie et le développement économique , social , culturel et environnemental ?». Cette rencontre a eu lieu au Centre Culturel et Sportif Sudhaina, à Baileux.
Les objectifs spécifiques de cette matinée de rencontres ont été définis de la manière suivante:

  • permettre une meilleure identification des facteurs influençant la qualité de vie et le développement local;
  • permettre une analyse des pratiques locales: partenariat, intersectorialité, participation;
  • permettre de prendre du recul et d’analyser les besoins éventuels des acteurs locaux (avec la perspective de mettre en place des démarches qui permettront de répondre à ces besoins).

Le programme de cette matinée, élaboré en concertation avec les acteurs locaux, s’est construit autour de deux temps de travail:

  • deux interventions plénières ayant pour objectif de donner aux participants des éléments permettant une analyse des questions et des différentes expériences présentées durant les ateliers. La première intervention avait pour thème: « Les déterminants de la santé : qu’est ce qui influence la qualité de vie des personnes ?», tandis que la seconde intervention abordait la question suivante: « La qualité de vie et le développement local : quel lien aujourd’hui ?».
  • deux ateliers : « La participation des citoyens peut elle apporter une plus value aux projets de développement local ?» pour le premier atelier, et « En quoi les partenariats entre le secteur privé et le secteur public peuvent ils être moteurs du développement local ?» pour le deuxième atelier.

L’objectif de ces ateliers était, au départ des expériences locales, de prendre du recul et d’analyser les pratiques quotidiennes, tout en essayant de déterminer les besoins auxquels il est nécessaire de répondre pour pouvoir aller plus loin dans les démarches d’intersectorialité et de participation des citoyens.
Au terme du premier atelier, les principaux éléments facilitateurs dans un processus participatif ont été recensés par les participants. Globalement, ces éléments sont à mettre en lien avec les personnes, les structures et les questions d’organisation:

  • la légitimité des personnes relais et des animateurs de processus participatif doit être garantie. Leur connaissance du contexte local doit être connue et reconnue de tous;
  • le dynamisme et la motivation des personnes relais sont évidemment indispensables. Ils doivent s’inscrire dans une démarche résolument positive porteuse d’espoir si l’on veut susciter l’enthousiasme nécessaire à un projet mobilisateur;
  • les projets culturels sont d’excellents vecteurs de mobilisation et de communication. Les centres culturels ont donc un rôle important à jouer en tant que relais auprès des citoyens et en tant qu’outils de valorisation de la région et de son potentiel;
  • le professionnalisme dans les tâches d’accompagnement est une autre dimension à prendre sérieusement en considération. Sa compatibilité avec le bénévolat est un point sur lequel il conviendrait de réfléchir;
  • les règles du jeu dans un processus participatif doivent être clairement annoncées et précisées;
  • les espaces de paroles doivent être formalisés. Ces conditions sont incontournables si l’on veut rapidement dégager une stratégie d’actions qui puisse être cohérente et mobilisatrice.

En ce qui concerne le deuxième atelier, après avoir défini les caractéristiques du secteur privé, le groupe s’est attaché à préciser les raisons qui peuvent inciter le secteur public et les associations à s’associer avec celui-ci:

  • possibilités d’ouvrir de nouvelles portes et de servir de leviers;
  • autre source de financement;
  • donner un sens au projet commun.

Cette démarche de partenariat nécessite toutefois la mise en œuvre d’une bonne communication entre les partenaires (ce qui a pour inconvénient d’alourdir le processus), ainsi qu’un travail permettant de respecter la place et les spécificités de chacun.
D’autre part, le fait de s’associer à un partenaire privé peut aussi poser des questions d’ordre éthique: comment concilier les intérêts du privé et de l’associatif? Quels sont les intérêts communs permettant de concrétiser les partenariats (stratégie gagnant-gagnant) ?
En conclusion de cet atelier, les participants se sont attachés à déterminer les pistes et les actions à développer pour pouvoir aller plus loin dans l’articulation entre les secteurs marchand et non-marchand, ce qui a donné, par ordre de priorité:

  • réaliser une étude des besoins des habitants et des entreprises (définir quels sont ces besoins et identifier ce qui existe déjà comme études);
  • identifier les projets «dormants» en attente de porteurs;
  • identifier et développer un langage commun entre ces deux secteurs (le monde associatif local estime en effet ne pas avoir identifié les liens, les points de rencontres possibles et le langage à utiliser lorsqu’il s’adresse au monde de l’entreprise).

Points forts de la matinée et perspectives

De manière générale, différents éléments ressortent des deux ateliers:
Deux questions fortes sont à traiter: comment passer de l’état de zone à la capacité de territoire en projet, et comment permettre aux habitants de devenir acteurs du développement de leur territoire?
Cette matinée de rencontres a également permis d’identifier les facteurs de réussite présents aujourd’hui: présence d’espaces publics (centres culturels par exemple), présence de catalyseurs (les fondations, les centres culturels), présence de réseaux (Plan de Prévention et de Proximité, CPAS…), présence d’un tissu éducatif, dynamisme associatif.
Les facteurs de réussite ont également pu être identifiés:

  • un inventaire des besoins;
  • une identification des projets dormants;
  • une évaluation de l’existant;
  • une identification des personnes relais légitimes entre les acteurs de projets et les citoyens;
  • une ouverture de nouveaux espaces publics (lieux de paroles, articulation entre démocratie représentative et démocratie participative);
  • une implication du secteur privé;
  • un décloisonnement;
  • un plan de formation.

Suite à cette matinée de rencontres, les participants se sont donnés pour tâche, de poursuivre les objectifs suivants:

  • favoriser l’émergence d’un langage commun;
  • ouvrir une plate-forme d’échanges: rencontres deux ou trois fois par an, avec mise en commun des ressources et informations détenues par chacun, afin de créer un réseau multisectoriel;
  • soutenir l’émergence des activités en économie sociale;
  • constituer, à terme, un capital social local.

La matinée s’est terminée par la programmation d’une nouvelle rencontre dont le but était de préciser l’engagement des acteurs et d’enrichir la réflexion par la présence d’autres acteurs locaux. Il a également été souhaité de mettre en commun les données dont chacun dispose pour créer un centre de ressources à destination du territoire de la Botte du Hainaut (à cette fin, définir les modalités pratiques: quelles données, comment, sur quelles thématiques…), et de mettre au point un processus de rencontres et de rapprochements entre les secteurs marchand et non-marchand (à cette fin, définir un langage commun et identifier les points de convergences possibles).Philippe Mouyart , chargé de projets au Centre local de promotion de la santé de Charleroi-Thuin
Adresse de l’auteur: av Général Michel 1B, 6000 Charleroi (1) Pour plus d’information sur ce processus, nous vous renvoyons à l’article suivant : DECOURT A., MOUYART P., ‘Conférences locales pour des politiques de promotion de la santé de Charleroi-Thuin : place aux citoyens !’ , Education Santé, n°192, août 2004, pp 15-17.
(2) Dominique-Paule Decoster, Co-Directrice de l’Unité de Développement Local et territorial de l’ULB-IGEAT et Chargée de cours, définit le développement local comme «le processus collectif d’innovation territoriale inscrit dans la durabilité. Ce processus s’enracine dans un territoire pertinent, il y fédère et organise en réseau les acteurs économiques, sociaux, environnementaux et culturels pétris d’une culture commune de projet et dont la finalité est le bien-être collectif et la centralité: l’être humain».
(3) Le compte-rendu complet de cette matinée est téléchargeable sur le site http://www.clpsct.org