Mars 2012 Par Christian DE BOCK Initiatives

Depuis une quinzaine d’années, quatre enquêtes de santé par interview (HIS, pour Health Interview Survey) ont été réalisées en Belgique par l’Institut de santé publique, en 1997, 2001, 2004 et 2008. Et la prochaine est prévue pour 2013.
Cette enquête permet de récolter un grand nombre d’informations sur la santé et les déterminants de santé des personnes vivant en Belgique, et ce à un coût relativement raisonnable. L’inconvénient de ce type de démarche est que la matière recueillie reflète la perception que les répondants ont de leur santé, et ce qu’ils veulent bien en dire aux interviewers. Cela ne signifie pas pour autant que ce genre d’enquête est à écarter, mais que les données ne sont pas toujours fiables.
Contrairement à la HIS, l’Enquête de santé par examen (HES) se base sur des mesures objectives d’un certain nombre de paramètres de base, tels que le poids, la taille, le tour de taille, la pression sanguine, le taux de cholestérol total et HDL et la glycémie à jeun des répondants. Cela coûte plus cher bien entendu, l’échantillon des personnes à examiner est limité par le coût, les refus de participer à l’enquête peuvent être nombreux, etc.

Données ‘objectives’ et subjectives

Beaucoup de données sont soit mal estimées, soit complètement ignorées par les répondants des enquêtes par interview. Même pour des choses aussi simples à mesurer que la taille et le poids ! Comme par hasard, la taille est surestimée, et le poids sous-estimé… Et les personnes en surcharge pondérale ou obèses ont plus tendance à ‘minimiser’ leur poids que celles qui ont un poids ‘normal’. On ne se refait pas…
Dans le même ordre d’idée, 20 à 60% des gens ignorent leur taux de cholestérol, avec une différence marquée entre classes sociales : comme on s’en doute, les gens de milieux favorisés sont mieux informés que les autres.
Et les autres exemples du même genre abondent…

Depuis quelques années, certains pays européens organisent ce type d’enquête, et un projet européen EHES (pour European Health Examination Survey) (1) est en cours de développement, qui pousse à la généralisation de cette démarche au sein de l’Union européenne.
Expertises étrangères

Le contexte était donc mûr pour que l’Institut de santé publique (ISP) invite une bonne soixantaine de spécialistes belges à une journée d’études sur la question, dont l’objectif était d’évaluer la pertinence d’une HES pour notre pays, et d’explorer si les informations complémentaires à la HIS de ‘routine’ qu’elle permettrait de récolter valent l’investissement.
Cela s’est passé le 15 décembre 2011 au Square , centre de congrès bruxellois rénové voici peu, à côté de l’éphémère piste de ski installée au Mont des Arts pour les fêtes, initiative un brin pathétique dans la capitale de l’Europe par un mois de décembre particulièrement clément !
La matinée fut consacrée à des interventions permettant de cadrer la problématique. Après une rapide présentation des concepts et une revue de la littérature par Johan Van der Heyden (ISP), Jennifer Mendell (University College London) présenta la déjà longue expérience anglaise en la matière, et l’usage que les décideurs politiques peuvent faire d’une HES.
Les enquêtes HES en Europe

Il y en a 6 pour l’instant, en Finlande, Italie, Allemagne, Slovaquie, Angleterre et Écosse. La Grèce, la République tchèque, la France, l’Irlande, le Luxembourg, Malte, la Norvège, la Pologne et le Portugal ont confirmé leur intention de mettre en route une enquête de ce genre entre 2012 et 2015.

L’aspect budgétaire d’une HES, élément critique s’il en est, surtout par les temps qui courent, fut longuement abordé par Hanna Tolonen (Institut national de la santé et du bien-être de Finlande), project manager EHES, qui expliqua aussi le cadre dans lequel l’Union européenne souhaite voir s’inscrire le projet dans un maximum de pays. Étude de faisabilité, et enquêtes pilotes dans 13 pays en 2010-2011 ont donné selon elle des résultats encourageants (2), justifiant les coûts élevés d’une HES, qui seraient très raisonnables en regard des économies que pourrait générer une politique de prévention des maladies chroniques s’appuyant entre autres sur ses données.
Et en Belgique ?

L’après-midi fut dédiée à l’exploration de la pertinence de lancer une HES en Belgique : plus-value pour la politique de santé, rapport d’une consultation des parties prenantes (à l’exception de la Fédération Wallonie-Bruxelles apparemment, alors que cette dernière finance comme les autres l’Institut de santé publique, l’opérateur HIS, et peut-être demain, HES), discussion en groupes linguistiques.
La pertinence de ce type d’enquête ne fut guère remise en question dans les groupes de discussion. Les débats portèrent plutôt sur les modalités pratiques de sa mise en œuvre. Quels sont les paramètres les plus utiles à investiguer en termes de prise de décision de santé publique? À côté des mesures «classiques» évoquées plus haut, certains plaidèrent pour le relevé de biomarqueurs de pollution. En tout cas, un choix judicieux des données récoltées permettrait d’amortir au mieux l’important investissement logistique et financier lié à l’organisation même de cette enquête.
Pour diminuer le coût, on pourrait être tenté de réduire la taille de l’échantillon mais cela risque de compromettre une analyse des résultats par catégorie sociale ou par territoire.
Une inconnue, le degré d’acceptation par le public d’un examen biométrique et d’une prise de sang. Cela devra être vérifié probablement par des expériences pilotes.
Merci à Luc Berghmans pour son coup de main.
Sur base des travaux de la journée, l’équipe de l’ISP planche sur un rapport à remettre aux autorités de santé publique qui décideront in fine de l’avenir de l’enquête HES en Belgique.
Christian De Bock (1) Pour plus d’informations, http://www.ehes.info (en anglais).
(2) Les résultats de la phase pilote seront présentés lors d’une conférence à Bruxelles ces 6 et 7 mars.