Juin 2004 Par Véronique JANZYK L. BERGHMANS Réflexions

L’évaluation de la diffusion et de l’utilisation d’informations sanitaires est relativement peu systématisée. L’Observatoire de la Santé du Hainaut gère un système d’information sanitaire provincial. Il s’est penché sur l’utilisation de données issues d’une enquête sur la santé des jeunes, par ses propres services, par d’autres professionnels et acteurs de la santé et par les médias. L’analyse a été réalisée en collaboration avec le Réseau international de la santé du cœur en francophonie. Une proposition de typologie des modalités de diffusion de données épidémiologiques est issue de cette réflexion.
Institution provinciale de promotion de la santé, l’Observatoire de la Santé du Hainaut répartit ses activités en plusieurs pôles: l’information sanitaire, l’éducation pour la santé (y compris la production d’outils), la programmation et la communication. Dans le cadre de l’information sanitaire, l’Observatoire de la Santé du Hainaut recueille et analyse des données existantes et les publie sous forme de «Tableaux de bord». Il réalise aussi ses propres enquêtes, lesquelles sont alors diffusées sous le titre de «Carnets de bord» ou sous forme de monographies. Les utilisations des données se sont révélées au cours du temps nombreuses et variées. Les analyser présentait l’intérêt de les réunir en catégories, de distinguer des exploitations plus courantes que d’autres, d’identifier les canaux de diffusion les plus porteurs, de se questionner sur les canaux sous-utilisés. La communication autour des chiffres allait pouvoir être questionnée grâce à cette analyse.
Enfin, étudier l’exploitation des données d’un système d’information sanitaire permet d’appréhender un des objectifs prioritaires de ce système, à savoir l’aide aux interventions de santé publique.

Méthode

Pour partir d’un exemple concret, l’Observatoire de la Santé du Hainaut a entrepris de recenser toutes les occurrences de diffusion des données d’une enquête sur la santé des jeunes baptisée «La santé au cœur des jeunes». Cette enquête a été conduite au sein du Réseau santé du cœur en francophonie, qui réunit le Hainaut, la Picardie, la province de Québec, le canton de Vaud en Suisse et la région de Sousse en Tunisie. La santé cardiovasculaire constitue clairement une priorité de santé publique dans la plupart des pays industrialisés ou en voie de l’être. Les facteurs de risque modifiables, liés aux conditions et modes de vie, s’installent dès le plus jeune âge. C’est dans le but d’intervenir dans le processus que le programme «La santé au cœur des jeunes» a été mis sur pied.
En Hainaut, l’enquête sur la santé des jeunes a été menée auprès de 4000 jeunes, de 9 à 17 ans. Elle comportait une prise de sang, la mesure de la taille, du poids et de la tension artérielle, un test d’endurance physique ainsi que des questions sur le comportement alimentaire, la pratique d’activités physiques et l’attitude face au tabac. Le questionnaire permettait aussi d’aborder l’influence des pairs, la demande d’aide et les représentations de santé.
Un relevé exhaustif des outils de diffusion et de l’utilisation des résultats a permis d’établir une classification, testée ensuite dans les 4 autres centres du Réseau santé du cœur en francophonie.

Résultats

Depuis la fin de l’enquête, en janvier 98, et jusqu’en décembre 2003, 77 modalités de diffusion ont été recensées en Hainaut. Un classement de ces modalités en cinq groupes et 17 sous-catégories est présenté dans le tableau suivant.

Utilisation des données de l’enquête «La santé au cœur des jeunes»

Productions scientifiques et académiques

19 Monographie – Rapport de recherche 1
Article scientifique 1
Communication scientifique orale 17
Manifestations publiques 3 Séance d’information pour le public enquêté 1
Séance d’information pour un public de professionnels 1
Séance d’information pour le grand public 1
Utilisation des données dans du matériel d’éducation ou de communication 2 Brochure 1
Vidéo ou clip 1
Matériel pédagogique autre
Diffusion médiatique 52 Conférence de presse 1
Communiqué de presse 5
Article de presse, dont presse nationale (1) ou pages régionales d’une édition nationale (11); presse régionale (26) 38
Reportage ou billet radio/TV 8
Diffusion via Internet
Utilisation des données dans des documents d’orientation stratégique ou de programmation de santé 2 Régional 1
National 1

L’analyse de la répartition, en Hainaut, des modalités de diffusion montre que 68,5 % d’entre elles concernent la diffusion médiatique.
Les productions scientifiques et académiques représentent 24 % de la diffusion, soit 18 modalités de diffusion. Elles concernent des productions menées en solo par le Hainaut (9) ou en collaboration avec les partenaires français (7).
Les autres catégories (manifestations publiques, utilisation des données dans du matériel d’éducation ou de communication, utilisation des données dans des documents d’orientation stratégique ou de programmation de santé) représentent, ensemble, 7,5 % des modalités de diffusion.
En ce qui concerne la diffusion médiatique, 2/3 des articles sont parus dans la presse régionale; 90 % de l’information en radio et en télé a été relayée par des chaînes régionales.

Discussion

Le repérage systématique de l’utilisation des données d’une enquête épidémiologique a permis de créer une typologie à vocation opérationnelle. Cette classification permet de calculer le poids relatif des différentes modalités. Elle présente a priori un intérêt pour l’évaluation de la diffusion des données et aussi pour une programmation active de cette diffusion. Elle doit être validée.
L’enquête sur la santé des jeunes a été menée conjointement dans différentes régions par des institutions dont le profil diffère. Pour la Picardie, l’enquête a été réalisée via l’Observatoire régional de la santé; pour le Canton de Vaud, via l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive de Lausanne; pour la Province de Québec grâce à la Direction de la santé publique de Québec; pour la région de Sousse, avec l’implication de la Faculté de Médecine de Sousse et en Province de Hainaut, via l’Observatoire de la Santé du Hainaut.
Le profil des différentes institutions explique les différences observées dans les modes de diffusion des données.
Les productions scientifiques et académiques (monographie, rapport de recherche, article scientifique, communication scientifique) sont d’un niveau équivalent pour les différentes régions: 19 en Hainaut, 15 en Picardie, 16 pour le Canton de Vaud, 17 pour la région de Sousse. Certaines communications scientifiques sont menées en étroite collaboration, comparant des résultats respectifs (c’est le cas pour la Picardie et le Hainaut).
On constate cependant, dans cette catégorie «productions scientifiques et académiques» que les articles scientifiques sont produits en nombre variable (10 pour la Faculté de médecine de Sousse, 10 pour l’Institut universitaire de médecine sociale et préventive; 1 pour l’Observatoire de la Santé du Hainaut; 1 pour l’Observatoire régional de la santé de Picardie) et logiquement plus nombreux lorsque l’institution dispose d’un profil universitaire.
Par contre, ces mêmes institutions universitaires ont moins recours à la communication médiatique (4 modalités de diffusion sont classées dans cette catégorie pour l’Institut universitaire de médecine sociale et aucune pour la Faculté de Médecine de Sousse).
L’Observatoire de la Santé du Hainaut, par son organisation (secteur éducation santé, cellule communication) apparaît prolifique en utilisation de données dans du matériel d’éducation et de communication (brochure, clip télé). Des données y sont citées. La presse est également sollicitée comme relais de l’information vers la population, ce dont elle s’acquitte bien volontiers.
On notera, en France, une utilisation originale et interactive proposée par l’Observatoire régional de Picardie: la base de données est accessible sur Internet pour les «clubs de santé» des collèges et des lycées. Les étudiants et les enseignants peuvent ainsi se livrer à des «extractions à la carte».
Pour ce qui concerne la typologie, il apparaît qu’elle rassemble à la fois les aspects de diffusion et d’utilisation plus directe des données dans des outils spécifiques et des programmes.
Ce choix est sous-tendu par la conviction qu’une diffusion de qualité contribue à l’utilisation des données épidémiologiques. Bien sûr, les données sur la santé des jeunes doivent déboucher sur des actions. Mais les données elles-mêmes ne méritent-elles pas d’être déclinées sur tous les tons, dans une tentative d’en «imprégner» les acteurs du modèle choisi, à savoir le modèle socio-écologique d’intervention en promotion de la santé avec les acteurs individuels, du milieu de vie et de l’environnement socio-politique?
Ce souci partagé a conduit l’équipe suisse à désigner une personne pour prendre en charge le travail de communication sur les données de l’enquête.
La classification peut certainement être développée. Ainsi, pour chaque catégorie de diffusion identifiée, il serait intéressant d’estimer le nombre final de bénéficiaires de l’information (professionnels et grand public).
Il serait utile aussi de porter une attention spécifique aux dérapages constatés dans l’utilisation de données.

Conclusions

Cette première proposition d’analyse de l’utilisation de données épidémiologiques gagnera à être testée dans d’autres contextes. On peut espérer qu’elle puisse soutenir le développement d’une expertise en matière de communication dans le champ de l’information sanitaire.
L’outil s’est d’ores et déjà révélé un outil sensible pour évaluer des particularités dans la diffusion respective des données par les régions impliquées dans l’enquête «La santé au cœur des jeunes».
L’analyse de la diffusion permet également d’identifier les canaux sous-utilisés.
Les gestionnaires de systèmes d’informations sanitaires, en systématisant l’étude de la diffusion, pourront disposer d’instruments pratiques pour optimiser celle-ci en accord avec les principes de la nouvelle santé publique.
Luc Berghmans , Médecin-Directeur et Véronique Janzyk , Cellule Communication, Observatoire de la Santé du Hainaut

Réceptivité de la presse aux données épidémiologiques

Dans le sillage de l’enquête sur la santé des jeunes, un document d’orientation stratégique, «La santé au cœur des jeunes, de l’analyse à l’action», a vu le jour. Il a été présenté à la presse. L’information a été diversement relayée.
Cette brochure de 52 pages présente les principaux résultats de l’enquête et fait le point sur les groupes de travail initiés suite à l’enquête. Le modèle socio-écologique de l’intervention de santé y est aussi abordé. Le document développe le passage des constats d’enquête à la mise en œuvre de programmes de santé.
Notre communication vers la presse (conférence de presse et communiqué de presse) s’est structurée autour de 10 messages, qui ont été répercutés de façon plus ou moins exhaustive par les journaux suivants: La Province, La Nouvelle Gazette, La Dernière Heure, Nord-Eclair, Le Soir, Le Généraliste (hebdomadaire) et En Marche (bimensuel). Voici ce que cela donne pour chacun des items selon le nombre de journaux qui reprennent l’idée:
– le recueil des données et leur analyse (100% des médias);
– la mobilisation des acteurs (100%);
– la participation des acteurs, dont les jeunes (100%);
– le lancement d’un programme structuré (85,7%);
– la nécessité des partenariats (71,4%);
– l’amélioration et la création d’actions (42,8%);
– le point sur les actions concrètes en cours (42,8%);
– l’inscription du programme dans la durée (42,8%);
– la mise à disposition de la brochure (42,8%);
– le modèle socio-écologique comme cadre de référence (28,5%).
Nous nous sommes livrés au relevé de ces idées dans les articles produits sur ce projet.
De toute évidence, les données sur la santé ont les faveurs de la presse. Le grand oublié se révèle être l’organisation d’interventions basée sur le modèle socio-écologique de la santé, capital à nos yeux, mais de traduction peut-être malaisée en termes journalistiques.
Les actions concrètes en cours et la référence au document disponible «La santé au cœur des jeunes» sont étonnamment oubliées par un média sur deux. Considérant les résultats de cette analyse des articles, nous avons fait l’hypothèse d’un trop grand nombre d’idées que nous aurions voulues clés. Certaines auraient probablement gagné en visibilité à être regroupées.
Il semble évident qu’à partir des données, des vagues successives de communication sont nécessaires pour aborder leurs implications en terme d’intervention.

De données locales à un impact national

Des données de santé de l’Observatoire de la Santé de Hainaut lui ont permis de nouer des collaborations et d’initier des projets dépassant la dimension loco-régionale.
Des données sur la santé cardiovasculaire en Hainaut ont permis à l’Observatoire de lancer une «Chronique santé cardiovasculaire» dans le quotidien La Nouvelle Gazette . Si l’édition de la Région du Centre fut la première à accueillir le rendez-vous santé, l’édition montoise embraya. Entre-temps, la chronique était devenue «Chronique santé». Elle se déconnectait peu à peu de son seul aspect cardiovasculaire.
Des données épidémiologiques ont également servi de démarreur pour un projet mené avec les chaînes de télévision régionales hennuyères. Douze clips de deux minutes ont en effet été diffusés sur ces chaînes. Leur thème ? La santé cardiovasculaire et la prévention des cancers, et plus précisément l’alimentation, l’arrêt tabagique, le contrôle de la tension artérielle par le médecin généraliste, le dépistage du cancer du sein et du cancer du col, la pratique d’une activité physique au quotidien.
Deux volets constituaient chacun des spots, le premier délivrant une information scientifique ou des données chiffrées, le second ouvrant des perspectives pratiques favorables pour la santé.
L’expérience de ces clips a incité l’Observatoire de la Santé du Hainaut à tenter de délivrer le même message en ayant recours aux espaces de diffusion gratuits qui existent, au sein des écrans publicitaires, sur les chaînes de télévision et de radio en Communauté française et ce au prorata de la publicité qu’accueillent ces chaînes pour des médicaments, des traitements médicaux et des boissons alcoolisées. Le format étant différent (30 secondes), le contenu des spots a dû être reformulé, le message final restant lui inchangé. Des spots ont ainsi vu le jour sur l’alimentation (graisses cachées, fruits et légumes, modes de cuisson), l’activité physique au quotidien.
Une autre campagne médiatique, du ressort de la Communauté française, et visant à sensibiliser au surpoids et à l’obésité infantiles, a aussi eu recours à des données sur la santé des jeunes produites par l’Observatoire de la Santé du Hainaut.