Les stations de Saint-Martin, Les Menuires et Val Thorens en Savoie voient défiler chaque année quelque 5000 travailleurs saisonniers, pour la plupart venus d’ailleurs. L’espace saisonniers, qui se veut un lieu polyvalent d’informations, a été créé pour eux et leurs employeurs par la commune des Belleville en 1991.
«Au départ», raconte son responsable Mathieu Jay, «l’objectif était de limiter les pratiques addictives dans les stations.» En 2010, un diagnostic territorial met en lumière un nombre élevé de ruptures anticipées de contrats et d’abandons de postes en cours de saison, problématique à la fois pour les travailleurs qui restent sur le carreau, pour les employeurs et pour les communes.
«Nous nous sommes alors demandés quels facteurs psychosociaux permettent de bien vivre le travail saisonnier tout au long de la saison.» Mathieu Jay en fait le sujet de sa thèse de psychologie et mène l’enquête auprès de 286 saisonniers âgés de 18 et 62 ans.
Premier constat : la personnalité, l’expérience, l’environnement familial et les données socio-démographiques n’ont pas d’effet. En revanche, des facteurs comme le stress, la satisfaction et l’engagement au travail, les stratégies d’ajustement déployées et la colocation semblent avoir un impact.
Décision est alors prise d’agir à plusieurs niveaux. Pour améliorer l’accès des saisonniers aux soins et à la prévention, notamment vis-à-vis de l’alcool, des dépistages de fin de saison et des bilans de santé intersaisons sont mis en place et proposés. Des logements neufs sont construits, d’autres sont réaménagés avec des pièces séparées pour limiter la promiscuité source de conflits. «Il fallait aussi sensibiliser les employeurs aux conditions de logement de leurs salariés et plus largement, aux risques psychosociaux, ce que nous faisons désormais», souligne Mathieu Jay.
L’offre de transport est retravaillée pour favoriser le co-voiturage et sécuriser l’auto-stop, entre autres. Enfin, la commune a développé des tarifs avantageux pour les sorties culturelles et les loisirs des saisonniers, par le biais d’une carte qui leur est réservée.
«Nous avons choisi de travailler sur le cadre de vie des saisonniers plus que sur les individus, dans une démarche de promotion de la santé qui nécessite une synergie entre acteurs.» Et ça marche, comme en témoigne les premiers résultats de cette iniative cofinancée par la commune des Belleville et la région Auvergne-Rhône-Alpes: meilleure connaissance et reconnaissance entre les acteurs, 300 détenteurs de carte saison, 59 logements favorables à la santé…
«Sans compter que ce travail est certainement plus pérenne qu’une approche par la prévention des risques psychosociaux et s’adapte mieux à la réalité des salariés saisonniers, pour lesquels toute la vie s’articule autour du travail», conclut Mathieu Jay.