La Convention internationale des Droits de l’Enfant en quelques mots…
On entend souvent parler des droits de l’enfant sans véritablement en connaître tous les tenants et aboutissants. Ceci n’est pas étonnant tant la place de l’enfant dans la société fut maintes fois questionnée, consacrée, contestée et redéfinie. Ce sujet de plus en plus ‘bateau’ est au cœur de nombreux enjeux, légitimant ainsi le fait que les pouvoirs publics s’en saisissent, allant même jusqu’à l’ériger au rang de haute priorité sur l’agenda politique.
Les droits de l’enfant font partie intégrante des droits de l’Homme et définissent un domaine pluridisciplinaire, nécessitant de surcroit une approche transversale des politiques publiques. Éducation, culture, santé, logement, loisirs, médias sont autant de domaines et champs de compétences directement liés à la réalisation des droits de l’enfant.
Ces droits sont consacrés dans de nombreux textes juridiques. Toutefois, la Convention internationale des Droits de l’Enfant (CIDE), adoptée le 20 novembre 1989, est le premier instrument juridique international de force contraignante à exclusivement garantir des droits spécifiques aux enfants.
Cette Convention repose sur quatre principes-piliers qui sont l’intérêt supérieur de l’enfant, le principe de participation (active) des enfants, le droit à la survie, au bien-être et au développement et, pour finir, le principe de non-discrimination qui garantit le fait que tous les enfants jouissent des mêmes droits et libertés, sans distinction aucune (fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres opinions, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité́ nationale, la fortune, la naissance ou toute autre situation).
Le Comité des droits de l’enfant, organe de suivi de la Convention
Il existe un organe international émanant de l’Organisation des Nations Unies (ONU) chargé de superviser l’application de la Convention internationale des Droits de l’Enfant par les États parties, soit les États ayant ratifié la Convention et donc accepté d’être liés à ses obligations. Cet organe onusien est composé de dix-huit experts indépendants qui, approximativement tous les cinq ans, passent en revue la situation des droits de l’enfant dans un pays donné afin d’y opérer un état des lieux des avancées et des enjeux qui demeurent en la matière. Ce Comité a produit plusieurs rapports appelés ‘observations finales’, qui ont été adressés à la Belgique. Certaines de ces observations encourageaient notamment notre pays à adopter une approche intégrée et transversale des droits de l’enfant afin d’être en mesure d’appliquer de manière effective et efficiente les droits de l’enfant.
Un plan d’actions consacrant une conception globale des droits de l’enfant
En 2002, le Comité des droits de l’enfant a adressé à la Belgique ses observations finales dans lesquelles il s’était montré «préoccupé par l’absence de toute conception globale des droits de l’enfant et à fortiori de toute concrétisation d’une telle conception sous forme de plan d’action national.»
Conformément à ces observations finales, le plan d’action national droits de l’enfant (PADE) fut adopté en juillet 2005 par les différents gouvernements. Il va sans dire qu’il ne s’agit là que d’une première étape et que l’existence d’un plan d’action est dépourvue de plus-value si celui-ci n’est pas opérationnel. Ce constat justifie en partie la réaction du Comité qui, dans ses recommandations adressées à la Belgique en 2010, met en exergue la nécessité que «le plan d’action national en faveur de l’enfance définisse des objectifs, buts, indicateurs et calendriers précis et qu’un mécanisme de suivi soit créé pour évaluer les progrès réalisés et identifier les éventuelles carences.»
Par ailleurs, il est à noter qu’en 2011, les plans d’action consacrés aux droits de l’enfant de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Région wallonne furent pour la première fois adoptés conjointement sous l’impulsion du Ministre-président Rudy Demotte. Un tel processus a permis d’optimiser la cohérence et la transversalité de ces plans.
Depuis l’accord de coopération conclu le 21 novembre 2013 entre la Région wallonne et la Communauté française, l’OEJAJ travaille en collaboration étroite avec la Direction interdépartementale de la Cohésion Sociale (DiCS) afin de mettre en œuvre les articles 42 et 44 de la CIDE pour les compétences de la Région wallonne en assurant notamment l’exercice de rapportage périodique au niveau national et au niveau des entités fédérées comprenant de surcroit l’évaluation des plans d’actions droits de l’enfant de la Communauté française et de la Région wallonne.
Une telle dynamique répond à une logique d’indivisibilité. En effet, cet accord de coopération illustre la prise de conscience «de la similitude des obligations qui découlent de la ratification de la CIDE par l’État partie composé des différentes entités». Ainsi, la Convention étant «une et indivisible» et l’enfant n’étant pas «fractionnable» mais bien sujet de droit à part entière, les pouvoirs décisionnels se devaient de dépasser les logiques qui prévalent aux délimitations institutionnelles imposées par la structure de l’État.
Mais en fait, un plan d’action, c’est quoi?
Un plan d’action n’est rien de plus qu’une feuille de route gouvernementale permettant d’identifier des mesures/actions à mettre en œuvre en vue de réaliser pleinement les droits de l’enfant. Par exemple, si l’on prend le plan d’action adopté pour la période 2011-2014, celui-ci a été́ conçu suivant trois axes et décliné́ de manière transversale en objectifs stratégiques et opérationnels. Un premier axe était dédié à la gouvernance des droits de l’enfant, un second axe, défini comme prioritaire, était consacré à l’information, la formation et l’éducation aux droits de l’enfant et un troisième axe était consacré à la lutte contre les inégalités sociales et la discrimination.
Il semble légitime d’être sceptique face à un tel exercice et d’en redouter l’effet ‘catalogue’. En effet, un plan d’action, pour ne pas être une simple liste de bonnes intentions, doit définir des objectifs stratégiques et opérationnels déclinés en actions et mesures concrètes à mettre en œuvre, le tout ancré dans un cadre logistique bien défini. Il s’agit d’identifier les instances compétentes, les ressources humaines et financières allouées ainsi que le cadre temporel dans lequel s’inscrivent ces mesures. Il est, par ailleurs, fondamental de mettre en place un processus de suivi et d’évaluation afin d’être en mesure d’examiner la pertinence et l’effectivité de ce PADE (notamment via l’identification d’indicateurs de réalisation et d’impact). C’est pourquoi l’OEJAJ a pour mission, en vertu du décret du 28 janvier 2004, d’évaluer le plan d’action national consacré aux droits de l’enfant et d’en assurer le suivi via la constitution du Groupe permanent de suivi de la Convention internationale des Droits de l’Enfant (GP CIDE).
Oui mais la parole des enfants dans tout ça?
Depuis sa création (décret du 12 mai 2004), l’Observatoire a fait de la promotion de la participation des enfants et des jeunes son cheval de bataille. C’est donc tout naturellement qu’il s’est impliqué dans la phase d’évaluation du PADE par ses bénéficiaires finaux, les enfants.
Comme expliqué précédemment, la Convention internationale des Droits de l’Enfant repose sur plusieurs principes piliers. Elle y consacre notamment, dans son article 12, le principe de participation des enfants. L’esprit de cet article tend vers la prise en compte de la parole de l’enfant et ce vers des degrés d’influence croissants sur la prise de décision.
Force est de constater que les droits de l’enfant sont bien souvent (à tort) appréhendés tel un outil de consécration du statut d’enfant roi ; il convient de rappeler que la participation de l’enfant n’implique pas que ce dernier décide de tout. Le principe de participation consacre à l’enfant le droit de participer au processus décisionnel et d’être entendu sur toute question l’intéressant. Il s’agit de garantir à l’enfant que son avis sera entendu et son opinion respectée. Cela implique donc de tendre vers un système empreint d’une approche child-focused dans lequel l’enfant se voit conférer une place d’acteur au sein de la société. En effet, bien que l’enfant ‘n’ait pas de moustache’, il a le droit de faire valoir son opinion auprès des adultes !
Ce processus de participation des enfants à l’élaboration et à l’évaluation du PADE a consisté en un ambitieux projet piloté par l’équipe pédagogique des CEMEA tout au long de l’année 2014. Il a permis d’impliquer quelque 250 enfants de groupes scolaires, associatifs et de groupes à attention particulière venant de divers horizons en Fédération Wallonie-Bruxelles. Ce projet vient réaffirmer la place de l’enfant dans la société et les possibilités qui lui sont offertes afin de jouir pleinement de son statut (légitime) d’acteur au sein de celle-ci.
Il s’est déroulé en trois étapes. La première consistait en un atelier ludique basé sur des pictogrammes représentant différents droits de l’enfant. Il s’agissait d’une étape cruciale ayant pour objectif de nourrir une réflexion chez les enfants sur le contenu de la Convention et sur leur vécu.
La seconde étape s’est déroulée en deux journées (une pour les groupes scolaires et l’autre pour les groupes non scolaires) ayant pour objectif d’informer les enfants sur le PADE. Ces deux journées se sont centrées autour d’activités ayant pour fil rouge les droits évoqués lors de la première étape.
Pour finir, la troisième étape fut consacrée à l’évaluation stricto sensu du PADE 2011-2014 et à la formulation de propositions par les enfants concernant les projets relatifs aux droits de l’enfant à adopter dans le cadre du prochain PADE (2015-2017).
Bien que l’adage voulant que «la vérité sorte de la bouche des enfants» ne soit pas scientifiquement prouvé, il n’en demeure pas moins que la parole de l’enfant est toujours riche en enseignements.
Quelques exemples:
Concernant le droit à une bonne santé, à une alimentation saine«Manger ça coûte cher», garçon, 16 ans.«Pour faciliter l’accès aux soins de santé, il faut promouvoir au maximum les maisons médicales», garçon, 17 ans.
Concernant le droit d’aller à l’école, une école accessible«Pour moi, il faudrait offrir un matériel minimum à chaque élève en début d’année, moins de sorties payantes, réutiliser les livres chaque année», garçon, 17 ans.«Je pense que l’école est là pour tout le monde, que tous les élèves peuvent y aller et que tout le monde a la capacité de pouvoir être dans l’école et qu’il ne faut pas faire des écoles spécialement différentes en fonction des élèves et de leurs capacités. Au final, l’école elle va nous préparer pour la vie future alors on pourrait nous préparer en étant tous dans la même école», fille, 17 ans.
Concernant l’accès à une école de la réussite pour tous «Et déjà l’école, c’est fait pour apprendre pas pour être jugé, nous rabaisser», fille, 16 ans.«Moi, j’ai des profs dans mon école, ils utilisent beaucoup la…violence verbale. Ils disent qu’on n’est pas capables et tout», fille, 15 ans.
Concernant l’intégration des personnes handicapées au sein de la société (école, culture, loisirs)«Dès le plus jeune âge nous mettre en relation avec des personnes handicapées comme ça on apprend…on crée des liens et je pense que ça serait bénéfique pour les enfants handicapés et pour les enfants comme nous», garçon, 16 ans.«À l’école, dans les musées : des ascenseurs, des haut-parleurs, du braille partout», fille, 11 ans.
Concernant l’accès à l’information«On n’est pas au courant de ce que telle asbl ou mutualité fait, même si c’est gratuit, on ne sait pas si c’est ouvert à tous, on n’ose pas pousser les portes», fille, 17 ans.
Quid du nouveau PADE 2015-2017 pour la Fédération Wallonie-Bruxelles?
Le nouveau PADE 2015-2017 a été adopté par le Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles en mars 2015. Tenant compte de l’évaluation du plan précédent et fortement articulé à la Déclaration de politique communautaire 2014-2019, ce plan 2015-2017 définit une feuille de route ambitieuse et réaliste en matière de droits de l’enfant pour les années à venir.
Le fait que certaines recommandations formulées par les enfants aient été prises en considération lors de l’élaboration de ce nouveau PADE illustre sans nul doute la pertinence de ce processus participatif. La note méthodologique du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles prévoit de reconduire cette expérience. Il reste désormais à plaider en faveur d’un processus participatif encore plus abouti et touchant un plus grand nombre d’enfants.Il est temps de reconnaitre à l’enfant sa qualité d’acteur au sein de la société et de lui donner plus de marge de manœuvre et d’initiatives afin qu’il soit en mesure de mettre en débat des sujets qui le touchent et ont chaque jour des conséquences sur sa vie, son bien-être et son développement.
Photo : © Michel Vandekeere
Observations finales du Comité des droits de l’enfant adressées à la Belgique en 2002, CRC/C/BEL/CO/2.
Observations finales du Comité des droits de l’enfant adressées à la Belgique en 2010, CRC/C/BEL/CO/3-4.
L’article 42 dispose que «Les États parties s’engagent à faire largement connaître les principes et les dispositions de la présente Convention, par des moyens actifs et appropriés, aux adultes comme aux enfants». L’Article 44 prévoit que les États s’engagent à soumettre des rapports périodiques au Comité des droits de l’enfant et d’assurer une large diffusion de ses observations finales et générales.
Accord de coopération entre la Région wallonne et la Communauté française relatif aux articles 42 et 44 de la Convention internationale des Droits de l’Enfant, Préambule.
Centre d’Entrainement aux Méthodes d’Éducation Active: mouvement d’éducation et praticien de terrain.
Les citations d’enfants et d’adolescents sont tirées du Rapport final sur l’organisation d’un processus de participation des enfants à l’élaboration et l’évaluation du plan d’actions relatif aux droits de l’enfant produit par les CEMEA en collaboration avec l’OEJAJ et la Fédération Wallonie-Bruxelles (janvier 2015), disponible en ligne sur notre site: www.oejaj.cfwb.be (Évaluer les politiques d’enfance et de jeunesse/Organisation d’un processus de participation des enfants à l’élaboration et l’évaluation du plan d’actions relatif aux droits de l’enfant).
Rapport du Gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles au Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles relatif à l’application de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant, mars 2015.