Elles étaient au Théâtre national début septembre. «Elles» c’étaient des familles du quart monde. Elles étaient là pour jouer une création, leur création, avec le soutien de Lorent Wanson , metteur en scène.
Cette aventure a débuté à la Maison des savoirs d’ATD Quart Monde qui a pour objectif d’offrir aux familles exclues de la vie associative et culturelle un lieu de rencontres positives et une possibilité de recul par rapport aux urgences quotidiennes, un lieu où elles peuvent créer, partager leur sensibilité avec des artistes confirmés.
forcément car ils vivent souvent des situations
d’assistance et de dépendance. En permettant à
l’homme d’être créateur, il lui restitue sa dignité
humaine.» Jacqueline Page, responsable de la
Maison des savoirs d’ATD Quart Monde
La naissance d’un acte théâtral
L’objectif de ce projet était d’expérimenter un partenariat sur deux années entre des professionnels du spectacle et des familles – parents, enfants, frères, sœurs, grands-parents,… – vivant ou ayant vécu l’extrême précarité. Les diverses expériences de vie, les sensibilités, les techniques des professionnels, les connaissances empiriques se sont croisées, confrontées, enrichies mutuellement.
Au fil des rencontres, du travail et des répétitions, l’objectif s’est transformé pour aboutir à un projet où une population se fait entendre, exprime publiquement ses espoirs et ses craintes afin de casser les imageries toutes faites sur la pauvreté et rappeler que, suite à la prise de conscience, le chantier qui nous attend tous est de se mettre ensemble afin de trouver des solutions et de lutter pour l’éradication des injustices et de la grande pauvreté.
Le spectacle lui-même est construit sur une succession de moments, de tableaux partant de situations vécues par les familles mais sublimées pour atteindre quelque chose d’universel: cet homme qui se débat dans les difficultés financières et qui voit arriver l’huissier, ces enfants qui éprouvent tant de difficultés à s’intégrer dans une société, une école mais pour qui l’enjeu est d’apprendre pour s’émanciper,… Toutes ces scènes étaient ponctuées par de la musique, des chants pleins à la fois de nostalgie et de force. Sans oublier l’entracte, où le bruit des louches frappées contre les casseroles nous appelaient à partager la «soupe populaire».
Quelques moments poignants
Face à nous, chacun des acteurs (de sa vie!) a témoigné, rappelant son parcours de vie avec ses épreuves, ses blessures, ses deuils: cette maman, le sanglot dans la gorge, à qui sa fille avait été retirée, placée et qui, après de nombreuses démarches, pouvait témoigner avec elle devant nous; ce père marqué par le suicide de son fils qui n’avait pas trouvé d’autre issue après maintes fugues pour rejoindre son père alors qu’il était placé par le juge.
Mais malgré la souffrance exprimée, ces témoignages étaient un acte de foi profond dans la vie, ne fût-ce que par le fait que leurs auteurs aient accepté de nous confier leur histoire, de nous faire confiance.
Cette scène aussi, sans parole, une ‘simple’ démonstration de majorettes entamée par une femme, puis deux, puis une jeune fille, puis une fillette et enfin, un tout petit bout de femme, comme une danse où se transmet, de génération en génération, une énergie de vie plus forte que les épreuves.
Je n’en dirai pas plus mais c’était un grand moment d’émotion tant sur le plan théâtral que sur le plan humain. Et… s’ils sortent à nouveau de l’ombre, soyez présents!BT , avec l’appui de la brochure «Les ambassadeurs de l’ombre»