Depuis sa création en 1996, l’asbl Les Pissenlits, association de santé communautaire, a initié un processus d’auto-évaluation qualitative, processus dynamique en évolution constante, en articulation avec les actions et lié à l’évolution du projet global. Construite étape par étape, cette évaluation participative et permanente contribue, au même titre que les autres phases du projet, à agir sur certains déterminants de santé.
L’origine du projet
Commençons par retracer l’historique du projet de l’asbl Les Pissenlits. En 1989, la majorité au pouvoir à la Commune d’Anderlecht (une des 19 communes de l’agglomération bruxelloise) lançait un programme de Développement Social de Quartier (DSQ) destiné à revitaliser le quartier de Cureghem, quartier fragilisé. Il s’agissait, par une approche globale, de mettre en valeur les potentialités et les ressources de l’ensemble des acteurs de ce quartier (habitants, professionnels et institutionnels). Pour cela, les animateurs du DSQ, répartis en quatre commissions (enseignement, habitat, développement économique et santé) se sont attachés à favoriser les contacts entre les institutions publiques et privées, la concertation des intervenants et l’implication des habitants dans les divers projets. La Commission Santé, espace de concertation et de négociation réunissant habitants, professionnels et élus autour de questions de santé concernant le quartier, était portée par l’asbl EDECO (Études en DÉveloppement COmmunautaire).
Lors de la législature suivante, la nouvelle majorité ne souhaitant plus prendre en charge ces commissions, celles-ci furent reprises par l’associatif, et l’asbl EDECO continua à gérer la Commission Santé.
Face à la difficulté de mobiliser des habitants au sein de cette Commission Santé, l’asbl EDECO décida, en 1996, de créer une nouvelle association, Les Pissenlits, à qui elle confia la mission d’identifier et de former des habitants ‘Relais-santé’. Cependant, des difficultés éthiques et administratives se présentèrent rapidement: en particulier, ces habitants, rémunérés dans le cadre de contrats de travail précaires et à temps très réduits, espéraient que cette formation leur donnerait accès à un emploi stable. Les responsables de l’asbl Les Pissenlits reformulèrent alors le projet et engagèrent en 1998 une équipe de ‘promoteurs-informateurs’, chargés de développer des actions tant avec les habitants qu’avec les professionnels.
La même année, l’asbl EDECO se retira d’Anderlecht et l’asbl Les Pissenlits reprit la Commission Santé et l’intégra à son programme.
L’asbl Les Pissenlits aujourd’hui
Depuis, le projet (actions, méthodes…) a régulièrement été adapté, reformulé et réorienté en fonction des constats (concernant les besoins et les demandes notamment) et des évaluations… tout en gardant les mêmes finalités et la même philosophie de travail.
L’ asbl Les Pissenlits s’est donné quatre objectifs, à savoir : sensibiliser les politiques, les professionnels et les habitants à la démarche communautaire en santé; soutenir les professionnels dans la démarche communautaire en santé; agir sur les déterminants de santé des habitants; soutenir les habitants dans le fait d’être acteurs de leur propre vie et au sein de leur communauté.
La démarche mise en œuvre est la démarche communautaire, qui constitue une des stratégies en promotion de la santé.
Selon l’Observatoire du SEPSAC (Secrétariat Européen des Pratiques en Santé Communautaire), dont l’asbl Les Pissenlits fait partie, cette démarche «repose sur une conception globale et positive de la santé, telle qu’elle est définie dans la charte d’Ottawa: un équilibre complexe et dynamique entre des facteurs biologiques, psychologiques, culturels, économiques, sociaux, spirituels et environnementaux. Cette stratégie vise le changement social et contribue à développer le droit à la santé pour tous. Elle se caractérise par une base collective et un processus participatif entre tous les acteurs concernés (habitants, professionnels, politiques, etc.)» (1).
Un des repères méthodologiques défini par l’Observatoire du SEPSAC concerne le processus d’«évaluation partagée et permanente», impliquant tous les acteurs. L’évaluation fait donc partie intégrante de cette stratégie et repose sur les mêmes principes. C’est bien ainsi que l’évaluation est conçue et mise en œuvre dans le projet des Pissenlits, comme nous allons tenter de le mettre en évidence.
De manière plus concrète, l’asbl Les Pissenlits multiplie les activités de santé communautaire : activités dites «contact» (comme un atelier créatif fonctionnant sur l’échange des savoirs et un cours de gymnastique), groupes dits «paroles-santé» (par exemple un groupe sur la santé au féminin, l’éducation des enfants, un groupe de personnes diabétiques), activités transversales (atelier de cuisine diététique, initiation à la langue des signes et à la culture sourde); mise en place ou participation à des partenariats avec des habitants, des professionnels et des élus (Partenariat Sida Anderlecht, organisations de fêtes de quartier…); travail de théorisation des pratiques en santé communautaire (Observatoire du SEPSAC, interventions dans des colloques…).
Le processus d’évaluation
Un processus dynamique lié à une recherche constante d’amélioration de la qualité de l’évaluation
L’évaluation faisant partie intégrante de la démarche communautaire, elle est articulée avec le projet des Pissenlits et évolue en parallèle.
Le processus d’évaluation mis en place est un processus dynamique, résultat d’une recherche constante d’amélioration de la qualité de l’évaluation. Retraçons les différentes étapes de l’évolution de cette démarche d’évaluation, chaque étape ayant apporté une pierre à l’édifice.
De 1996 à 1998, l’équipe de relais-santé était accompagnée par la coordinatrice dans un processus continu d’évaluation des animations sur base des objectifs définis pour chacune d’entre elles : des carnets de bord ont été construits par l’équipe, la coordinatrice apportait régulièrement son regard extérieur.
En 1998, la mise en place de l’équipe de promoteurs-informateurs permit le développement et la diversification des actions. Parallèlement, la construction de l’évaluation s’est poursuivie grâce à l’apport de nouveaux éléments, comme :
– la définition de critères et d’indicateurs tels que l’élaboration de projets communs au sein d’un groupe, ou la connaissance réciproque des habitants et des professionnels de la santé;
– la formalisation de différents champs d’évaluation: évaluation en fonction des objectifs définis par chaque groupe, évaluation du processus d’action (dynamique de groupe, compétences mobilisées, méthodes utilisées…);
– la prise en compte de différents niveaux de l’évaluation (objectifs et processus) et de différents angles de vue: autoévaluation des responsables du projet concerné, évaluation régulière avec l’ensemble de l’équipe, évaluation avec les participants des groupes, évaluation avec les partenaires;
– la mise en place de différents temps d’évaluation: évaluations continues, évaluations à des moments-clés, évaluation avec les participants (habitants et professionnels) de chaque projet en fin d’année scolaire, semaine d’évaluation en équipe en juillet de chaque année.
En 2001, l’équipe décidait de faire appel à un accompagnement méthodologique, afin de bénéficier de l’angle de vue d’un tiers extérieur au projet. En collaboration avec le CLPS de Bruxelles et l’APES-ULg, les objectifs généraux furent reformulés et des critères d’évaluation furent définis. Le travail se poursuivit et, à partir du croisement des différents éléments d’évaluation (différents champs, différents niveaux, différents temps, différents angles de vue), nous permit de réaliser un bilan de notre action 2000-2005 et d’établir le programme 2005-2010.
En 2009, l’équipe des Pissenlits fit un pas de plus dans l’amélioration de la qualité du processus d’évaluation. Avant 2009, les participants étaient associés formellement à l’évaluation des activités et de manière informelle à l’évaluation du programme global. En 2009, les habitants et les professionnels furent associés formellement au bilan du programme 2005-2010 et à l’élaboration du programme 2011-2014. Cette étape a été mise en place en collaboration avec l’APES-ULg.
Une expérience d’évaluation participative
Cette phase ne peut être isolée du reste du processus d’évaluation de l’asbl Les Pissenlits, dans la mesure où elle fait partie d’un processus global d’appropriation du projet par les participants, et qu’elle est le fruit de plusieurs années de travail (connaissance du cadre de travail par les participants, relation de confiance, développement de compétences psycho-sociales de la part des habitants).
La méthodologie retenue a été celle de deux focus groups, l’un de professionnels et l’autre d’habitants, réunis en vue d’entretiens de groupes animés par deux chercheurs de l’APES-ULg : ces entretiens eurent lieu dans les locaux des Pissenlits pour des raisons pratiques (connaissance des lieux par les participants, etc.) mais en l’absence de tout membre de l’équipe (externalisation des entretiens). Les grilles d’entretien ont été élaborées conjointement par l’APES-ULg et l’équipe des Pissenlits.
Les participants aux focus groups ont été recrutés en fonction de variables indépendantes (sexe, âge, sourd ou entendant, etc.) et en fonction de critères issus de la bonne connaissance qu’a l’équipe des habitants participant aux activités (différents niveaux de langage et d’expression, avis favorables et moins favorables à l’asbl, etc.). Aussi bien pour les habitants que pour les professionnels, nous avons tenté de réunir le panel le plus représentatif possible.
L’objectif était de constituer des groupes entre 8 et 12 personnes afin de permettre un temps de paroles conséquent pour chacun et une bonne dynamique de groupe, tout en garantissant une certaine représentativité des différents participants et partenaires de l’asbl.
Une réunion de restitution en commun a été proposée aux habitants et aux professionnels qui avaient participé aux entretiens de groupe afin de compléter, nuancer et valider la synthèse proposée.
Les éléments d’évaluation recueillis lors de ces focus groups, croisés avec les éléments recueillis grâce au reste du processus d’évaluation, ont contribué à élaborer le nouveau programme (reformulation des objectifs, adaptation des actions, mise en place de nouveaux projets…).
Une évolution qui mène à l’évaluation la plus complète possible
L’historique du processus d’évaluation décrit ci-dessus montre que, étape par étape, les champs et les niveaux d’évaluation, ainsi que les angles de vue ont été multipliés.
Ces différents aspects ne sont pas à considérer en niveaux distincts, qui constitueraient un mille-feuilles dont chaque couche serait indépendante. Ils s’interpénètrent et s’inter-définissent afin de tendre vers une évaluation la plus complète possible.
Une illustration de l’articulation entre l’évaluation et l’action
Les résultats de cette évaluation se traduisent en termes d’action et nous développerons trois exemples d’impact à différents niveaux: sur les activités et groupes de paroles, au niveau des partenariats, des élus locaux, donc du quartier et de la commune, et enfin, dans une certaine mesure, sur la société.
Des impacts sur les activités contact et les groupes paroles-santé
Les résultats de l’évaluation se traduisent par exemple par l’évolution de 2 types d’activités internes des Pissenlits, les «Groupes Activités Contacts» et les «Groupes paroles-santé». Comme le montre le tableau historique des activités page précédente, ces groupes ont évolué, se sont transformés et ont donné naissance à d’autres groupes.
Retraçons par exemple le parcours qui a donné naissance au groupe paroles-santé «Femmes, Hormones et Société» en 2008.
En 1998, nous avons procédé à une analyse de besoins, qui a permis d’identifier une demande récurrente de la part de femmes du quartier en termes de cours de gymnastique. En collaboration avec la Maison Médicale d’Anderlecht, des séances de gymnastique suivies d’un atelier-santé ont donc été organisées à partir de novembre 1998.
En 2004, à la demande des participantes, l’atelier «gym et bien-être» s’est scindé en deux activités distinctes: l’activité contact Sportez-vous bien et un Groupe paroles-santé: Santé au Féminin.
À cette époque, les participantes avaient choisi de se réunir sur le thème de l’alimentation.
Par la suite, les participantes ont décidé d’aborder d’autres thèmes: les allergies, le cancer du sein, le sida, la ménopause.
Ce cycle de rencontres sur la ménopause a donné lieu à de nombreuses interrogations et discussions entre femmes de différentes cultures et différentes générations. Les participantes ont émis la volonté de poursuivre les débats, questionnements sur des sujets d’ordre plus spécifiquement féminin.
Équipe et participants ont ensemble redéfini les objectifs spécifiques de ce groupe et identifié les thèmes à développer. Cette réflexion a mené à la mise en place, en 2008, d’un groupe de femmes qui a choisi d’aborder la thématique «Femmes, Hormones et Société» et de réfléchir aux liens entre ces trois aspects.
De la même manière, chacune de nos activités actuelles a évolué en fonction des éléments recueillis dans le processus d’évaluation.
Des impacts sur un partenariat, des élus locaux et sur la société
En 2008, le groupe de personnes diabétiques des Pissenlits a participé à une action de sensibilisation au diabète sur le marché annuel d’Anderlecht, au sein d’un Village Santé né à l’initiative de la commune cette année-là, et réunissant des associations locales et de la Communauté française (2), des services communaux, des indépendants du secteur médical et paramédical, des personnes du secteur marchand, etc.
Une évaluation de cette action a ensuite eu lieu avec le groupe de personnes diabétiques. Fut alors transmis aux partenaires et aux politiques un constat tiré de cette évaluation: il n’existait aucune offre d’alimentation saine sur le marché. L’échevine de la santé, dans une réception positive de ce constat, fit appel à un professionnel privé de la restauration collective pour tenir un stand d’alimentation saine en 2009, professionnel mettant également sa propre diététicienne à contribution.
En 2010, l’offre alimentaire saine fut de nouveau présente et adaptée, affinée notamment grâce aux évaluations 2009 effectuées avec le groupe, en équipe et avec les partenaires.
En terme d’impact, on peut donc souligner que le processus d’évaluation, articulé à une action intersectorielle entre habitants, professionnels de divers statuts et diverses professions, et élus locaux a permis un travail sur les représentations individuelles et collectives. Cette évolution a mené à la mise en place d’une offre d’alimentation saine qui prenait en compte ces différentes représentations, rendant plus accessible la mise en pratique. Il y a eu prise de conscience des enjeux de l’alimentation saine. De plus, des liens sociaux se sont tissés, donnant un cadre interculturel à ces discours sur l’alimentation saine. Depuis, nous avons été informées de la mise en place d’une offre d’alimentation saine sur d’autres marchés et fêtes de quartiers.
Le processus d’évaluation développé par l’asbl Les Pissenlits a ainsi eu des répercussions sur les individus concernés, le partenariat, les élus, le public plus large et, dans une certaine mesure, ce processus contribue à un changement social global.
Des impacts sur la mise en place de nouveaux projets
Issu du croisement des différents niveaux du processus d’évaluation et notamment de l’évaluation externalisée en 2009, un projet de Diagnostic Communautaire est né. Deux des constats essentiels relevés dans le rapport de l’APES-ULg furent, d’une part, le souhait d’implication accrue des participants dans l’association et d’autre part, la nécessité énoncée par les professionnels partenaires d’une connaissance globale actualisée des besoins et des réalités du quartier (s’il existe de nombreuses données, il semblerait qu’elles soient le résultat de constats propres aux professionnels en fonction de leur relation avec leur public, et non pas de données objectivées et réactualisées sur le quartier, la vie des habitants en général et leur bien-être en particulier).
En réponse à ces éléments d’évaluation, l’asbl Les Pissenlits a entamé la réflexion préalable à la mise en place d’un diagnostic communautaire : tous les acteurs intéressés (habitants, professionnels, élus) seront impliqués dans une démarche de co-construction, de partage de pouvoir, d’échanges de savoirs, de mutualisation des ressources, et ceci à chaque étape du projet (réflexion, définition des stratégies, récolte et analyse de données, évaluation…).
Le processus d’évaluation a donc mené à la mise en place d’un nouveau projet, qui, au niveau local, devrait permettre aux élus et aux professionnels d’adapter ou de réorienter leurs services ou activités. De manière plus large, l’analyse du processus pourra constituer un outil méthodologique de référence en termes de démarche communautaire.
Les enjeux du processus d’évaluation
Le processus d’évaluation continu et complexe décrit précédemment s’articule constamment avec la démarche du projet: il permet de réajuster les actions, de saisir les opportunités qui se présentent, d’élargir les objectifs ou d’en définir de nouveaux.
Le processus dynamique d’évaluation mis en place fait partie intégrante du processus d’empowerment des habitants, au même titre que les autres phases du projet: il leur permet de développer de nombreuses compétences psycho-sociales, d’agir sur leur entourage et leurs milieux de vie. Il agit donc sur certains déterminants de santé.
Les résultats de l’évaluation ont un impact à plusieurs niveaux: interne, au niveau des partenariats, au niveau du quartier, de la commune. Dans une certaine mesure, l’évaluation participe également à des changements sociaux positifs de fond, en agissant sur les milieux de vie notamment, ce qui constitue l’une des finalités de la démarche communautaire en santé.
Des facilitateurs du processus d’évaluation totalement imbriqués
Une culture d’équipe
L’évaluation est un fonctionnement de fond, un background qui colore les façons de faire et d’être. Au niveau des professionnels, cela peut se concrétiser par une équipe où l’interrogation permanente, la remise en question nécessaire à une bonne capacité d’adaptation et l’acceptation de l’auto-analyse sont des éléments de fond, constitutifs de la culture d’équipe qui est la nôtre. Par ailleurs, les attitudes de l’équipe tendent vers la déhiérarchisation des rôles et statuts entre eux et les participants, ce qui aboutit notamment à une relation de confiance avec bon nombre d’entre eux. La demande de l’équipe aux participants d’affiner leur regard critique, regard porté tant sur le projet que sur les activités et sur la façon dont elles sont menées doit s’inscrire dans un travail de fond consistant à nourrir liberté de parole et pouvoir d’agir.
Une culture du participatif
Au niveau des habitants, le processus d’évaluation doit donc faire l’objet d’un apprentissage, d’un exercice de l’esprit critique sous une forme réflexive et constructive, à l’intérieur d’un cadre méthodologique, préalable indispensable à une phase d’évaluation globale du projet telle que celle que nous avons réalisée en novembre 2009. Il est indispensable que les acteurs impliqués dans l’évaluation se sentent écoutés, entendus, que leurs remarques et suggestions se traduisent concrètement dans les activités, dans le projet global.
Un travail de fond, à long terme et… les moyens financiers
Un tel processus se construit sur le long terme : les compétences en évaluation se développent avec le temps pour tous les acteurs concernés.
Le processus d’évaluation est donc favorisé par une certaine stabilité de l’équipe, des partenaires ou de celle d’une partie du public. Il est également favorisé par des modes de subsidiation sur le long terme: si l’horizon des moyens de subsistance de l’asbl est limité à un an, horizon très rapproché pour des actions communautaires en santé, cela conditionnera le type d’actions qui découleront de l’évaluation, qui sera plus à court terme que si on était assuré d’exister pour plusieurs années. Les moyens financiers déterminent également l’ampleur de l’évaluation et les moyens qu’il sera possible de mettre en œuvre, en termes de temps, de ressources humaines…
Un accompagnement méthodologique en cohérence
Cet accompagnement doit prendre la forme d’une collaboration en cohérence avec la démarche communautaire et en adéquation avec les pratiques. Notons aussi qu’il est nécessaire de cultiver des moyens pour objectiver les résultats d’évaluation.
Les limites de l’évaluation
Cependant, tout ceci ne se fait pas sans difficulté, sans obstacle, sans questionnement. Demander l’avis des participants, habitants et professionnels, nous engage à tenir compte de leurs remarques et à les traduire concrètement dans les actions ou le programme. Cependant, tout n’est pas possible. Nous devons respecter un cadre, des missions. Nous avons des limites de moyens, qu’ils soient humains ou financiers. Il faut donc pouvoir expliciter dans quelles limites il est possible de tenir compte de cette évaluation participative, afin de prévenir et de limiter les déceptions, les frustrations et les malentendus.
D’autre part, l’objectivation des évaluations est un processus complexe: auto-évaluation, évaluation croisée, affinités et préférences des uns et des autres pour telles ou telles méthodes, etc., autant d’éléments difficilement objectivables, certaines choses n’étant pas quantifiables, vérifiables…
Par ailleurs, nous nous interrogeons sur les stratégies possibles pour récolter des éléments d’évaluation auprès des publics qui ne fréquentent pas les associations malgré des besoins que l’associatif pourrait participer à combler, d’une part, et d’autre part, les participants qui sont venus à des actions mais ne participent plus à aucune d’entre elles. Si les différents niveaux d’évaluation mis en place peuvent permettre d’élaborer quelques pistes de compréhension sur l’absence de certains publics, et de réfléchir aux stratégies à mettre en place pour y pallier, cela reste par définition incomplet puisqu’en l’absence du point de vue des concernés.
En guise de conclusion
Pour synthétiser en quelques lignes l’essentiel de notre propos, nous retiendrons quatre points :
– l’intérêt de multiplier et de croiser les méthodes et les niveaux d’évaluation;
– l’importance du caractère «continu» et sur le long terme de ce processus d’évaluation: sans cela, par exemple, l’expérience menée lors de l’externalisation des entretiens de groupes avec l’APES-ULg n’aurait certainement pas abouti au même résultat;
– l’évaluation, au même titre que les autres phases du projet, fait partie intégrante du processus d’empowerment et contribue à agir sur certains déterminants de santé;
– et, enfin, l’évaluation participe à nourrir la réflexion théorique sur la santé communautaire et contribue, par les questions qu’elle participe à soulever, à la recherche de réponses concrètes à proposer.
(1) Action communautaire en santé : un observatoire international des pratiques . 2004 – 2008 , Belgique – France – Espagne , Éd.: Secrétariat Européen des Pratiques de Santé Communautaire (SEPSAC), Novembre 2009, p. 19.
(2) Par exemple l’ABD, Association Belge du Diabète.