Janvier 2018 Par Omer URAT Outils

L’EVRAS au cœur de l’enseignement spécialisé

En juillet 2012, le Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a voté l’inscription de l’Éducation à la Vie Relationnelle, Affective et Sexuelle (EVRAS) dans les missions de l’école. Les écoles de l’enseignement fondamental et secondaire (ordinaire et spécialisé) sont à présent dans l’obligation de prendre des initiatives en la matière. Ces décisions ont contribué à la généralisation de l’EVRAS dans l’enseignement spécialisé, même si ce n’est pas encore d’actualité dans toutes les écoles. Le Point d’appui EVRAS du Centre Liégeois de Promotion de la Santé (CLPS) observe un intérêt notable des acteurs de l’enseignement spécialisé pour l’EVRAS, mais constate également de nombreuses difficultés sur le terrain.Les objectifs de l’EVRAS sont à la fois d’augmenter la connaissance, le savoir-faire et le savoir-être des jeunes en ce qui concerne leurs relations affectives, relationnelles et sexuelles. Ces objectifs sont globalement similaires à ceux appliqués dans l’enseignement ordinaire, mais demandent néanmoins une multitude d’adaptations afin de mieux correspondre aux réalités de terrain.Bilan de l’EVRAS à la Cité miroirDébut novembre, le CLPS de Liège a réuni les principaux acteurs concernés dont des membres des équipes éducatives et paramédicales des écoles fondamentales et secondaires spécialisées de Liège, ainsi que des professionnels de centres de planning familial et de centres PMS et PSE. L’objectif était de tirer un premier bilan en la matière dans le milieu scolaire spécialisé.Un premier constat est l’importance de mettre en place des animations sur le long terme, les informations données ayant besoin d’être répétées de nombreuses fois. La mise en place d’animations demande également une réflexion préalable entre l’école et les partenaires extérieurs afin d’analyser le contexte et de proposer des interventions concertées. Les outils et les méthodologies utilisées auront besoin d’être adaptés en fonction du degré de compréhension des jeunes, ce qui prend du temps et n’est pas toujours évident à mettre en place étant donné l’hétérogénéité des classes et des situations de handicap. Idéalement, il faut aussi tenir compte des parents et les aider à cheminer dans l’acceptation de la dimension affective et sexuelle de la vie de leur enfant.L’application de l’EVRAS au quotidienE comme Education, l’EVRAS est un processus éducatif qui vise à augmenter les aptitudes des jeunes à opérer des choix éclairés. Cette vision ne s’arrête pas à la porte de l’école. La Vie constitue un processus dynamique et l’accompagnement des jeunes devrait être fait tout au long de leur développement. En ce qui concerne le Relationnel, l’Affectif et le Sexuel, il s’agit de trois dimensions inter-reliées. Il est important d’aborder aussi bien des thématiques abordant les relations et l’affectivité que des questions relatives à la sexualité des jeunes.Au quotidien, les professionnels qui s’occupent de l’EVRAS dans l’enseignement spécialisé sont nombreux : infirmières scolaires, centres PMS et PSE, enseignants, éducateurs, animateurs de centre de planning familial, etc. L’approche se veut donc multi-partenariale. Il est important que ces différents partenaires prennent le temps de se rencontrer afin qu’il y ait une complémentarité des interventions. Cela nécessite des temps de rencontre, de préparation, mais aussi d’évaluation.Focus sur l’une des interventions : le Centre Handicap et SantéLe Centre Handicap et Santé (asbl ARAPH – Association de Recherche et d’Action en faveur des Personnes Handicapées) a pour mission principale la promotion de la santé des personnes en situation de handicap.Depuis presque deux décennies, l’asbl développe des actions visant à promouvoir la santé affective, relationnelle et sexuelle des personnes en situation de handicap. « L’asbl Handicap et Santé crée des outils pédagogiques et propose des formations destinées aux professionnels de la santé dans le domaine de la vie affective, relationnelle et sexuelle, via des formations, des sensibilisations et des supervisions d’équipes. On les forme de manière générale à prendre en compte la vie affective, relationnelle et sexuelle et on forme les professionnels à utiliser nos outils. » explique Joëlle Berrewaerts, chargée de projet au sein de l’asbl.Succès de l’outil pédagogiqueNouvellement réédité, « Des Femmes et des Hommes » est le titre d’un programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle destiné principalement à des adolescents et à des adultes qui ont une déficience intellectuelle légère ou modérée. Il est utilisé par les professionnels dans le cadre d’animations ou de groupes de paroles.Joëlle Berrewaerts affirme que « ce programme offre la possibilité de mettre en place toute une série d’animations sur le thème de la vie affective, relationnelle et sexuelle par des professionnels, comme des psychologues, des infirmières scolaires, ou encore des éducateurs. Il propose 250 activités pédagogiques différentes et est utilisé dans des écoles ou au sein d’institutions spécialisées. Ainsi, il s’agit d’un travail sur le long terme, car les personnes en situation de handicap ont besoin de beaucoup de temps. Parfois, il faut leur (ré)apprendre des notions de base, comme les différentes émotions, la différence entre l’amour et l’amitié, les règles de vie en société, … Donc, il faut leur apprendre toute une série de choses et surtout il faut répéter l’information de nombreuses fois. C’est pour cela que l’enseignement en milieu spécialisé peut prendre plus de temps. »Composition de l’outilLe programme est composé de huit livrets, dont le premier constitue l’introduction. Il présente les objectifs et informe, de manière concrète, sur la mise en place des animations avec ce type de public. Le premier livret explique notamment au professionnel ce qu’il devrait mettre en place avant d’entamer des animations pour les bénéficiaires. Par exemple, il est important que l’école se pose des questions sur le choix des valeurs qu’elle souhaite défendre sur le thème de l’EVRAS. Ou encore qu’elle propose une sensibilisation à l’ensemble de son personnel.Chacun des sept livrets va aborder une thématique particulière. Le premier s’intitule « Pour commencer », suivi de « Ma vie affective, Mon corps, Mes relations, Ma sexualité, Ma santé sexuelle, La loi ». Les thèmes de la vie affective et sexuelle sont abordés de manière très large. « On y explique pourquoi il est important d’aborder telle ou telle thématique. Ensuite, on propose une série d’animations en précisant le matériel nécessaire et le déroulement. L’animateur choisit l’animation qu’il souhaite mettre en place en fonction des problèmes qui se posent dans l’école, ou dans l’institution, ou à partir des besoins des bénéficiaires, » rappelle Joëlle Berrewaerts.La réponse à une nécessitéL’observation est claire, souligne la chargée de projet. « Les jeunes présentant une déficience intellectuelle ont besoin d’une éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle comme tous les autres jeunes. Néanmoins, leurs besoins sont spécifiques et la manière de donner cette éducation doit être spécifique. Avant les années 2000, il n’y avait que très peu d’outils adaptés aux personnes qui ont des difficultés de compréhension. Donc, l’idée était d’offrir un outil spécifique à ce public. Il en existait en langue anglaise mais pas en français. Je pense que cela était ressenti au sein des écoles et des institutions, du public cible et des professionnels qui travaillent avec eux. L’outil a vraiment été créé avec des professionnels de terrain. Ces derniers, ont pu expliquer leurs problèmes et la manière dont ils résolvaient les questions via leurs propres animations. »Plateforme d’échange pour les parents et les professionnelsLe site HaxyNote bas de page est l’une des pages web du Centre Handicap et Santé. D’une part, il permet à toute personne concernée par le handicap de poser des questions à des experts. D’autre part, on retrouve des compléments sur l’outil « Des Femmes et des Hommes ». Enfin, il s’agit aussi d’une plateforme qui permet des échanges entre professionnels. L’idée est que les professionnels puissent s’échanger des idées d’outils qu’ils ont eux-mêmes créés ou des idées d’animation qui ont bien fonctionné, ou encore de donner des conseils.L’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle pour les personnes atteintes d’une déficience intellectuelle reste parfois un sujet difficile à aborder. Enseigner et éduquer sur un tel sujet constitue une nécessité. Grâce à une multitude de ressources méthodologiques et pédagogiques, l’accompagnement de ces personnes « extraordinaires », parfois incomprises, vers leur épanouissement personnel et leur intégration sociale est donc l’objectif final poursuivi.


Site internet du centre Handicap et Santé, www.haxy.be