La Fédération des Institutions Médico-sociales (FIMS) regroupe 15 services de promotion de la santé à l’école en Communauté française qui assurent la tutelle de quelque 300.000 élèves sur les 900.000, tous réseaux confondus, que compte la Communauté et à qui elle destine les services de promotion de la santé à l’école. Compte tenu de l’évolution récente de la législation qui les concerne et de l’élargissement de leurs missions, c’est d’abord à eux que nous nous intéressons dans le cadre de cet article.
La Fédération compte également en ses rangs 75 milieux d’accueil d’enfants de 0 à 3 ans (crèches, prégardiennats, MCAE…), dont certains organisent également de l’accueil extrascolaire pour des enfants de 3 à 12 ans. Cela représente environ 50 % de cet accueil 0-3 ans associatif.
Cette représentativité des services dédiés aux enfants et aux jeunes et à leur accompagnement permet de risquer une parole dans le débat actuel sur la situation alarmante de la santé nutritionnelle des enfants en Communauté française (1).
Quelques éléments de cadre
Sans vouloir faire œuvre scientifique, nous pouvons néanmoins identifier trois tensions / évolutions de la société actuelle:
– la consommation versus l’image du corps : chaque jour, la publicité vante des produits de consommation, y compris alimentaires. Dans le même temps, elle donne une image du corps, jeune, soigné, mince;
– la sédentarité versus le sport : les activités de la vie courante sont de plus en plus sédentaires. A titre d’exemple, de moins en moins d’enfants se rendent à l’école à pied ou en vélo mais ils sont de plus en plus amenés en voiture par leurs parents ou prennent les transports en commun. A l’inverse, jamais on n’a autant parlé de sport, et incité à sa pratique. L’image du sportif de haut niveau est magnifiée. Mais le mouvement est devenu une activité pour elle-même et non plus intégrée dans la vie quotidienne. D’où une baisse de pratique;
– la sécurité alimentaire versus la qualité des produits : les récentes crises alimentaires ont augmenté la préoccupation à propos de la sécurité des produits, de leur traçabilité, des conditions d’hygiène dans lesquelles les repas sont préparés. Mais dans le même temps, la qualité diététique, le choix des aliments en fonction de leurs apports sont passés au second plan. Sécurité formelle accrue certes mais parfois au détriment de la qualité nutritionnelle!
Quelques chiffres
Habitudes alimentaires
Un adolescent bruxellois sur cinq a une alimentation déséquilibrée (2).
La proportion de jeunes qui ont une alimentation déséquilibrée augmente avec l’âge, passant de 15,5% (10-12 ans) à 34% (17-18 ans) pour les garçons et de 15,2% (10-12 ans ) pour les filles à 24,5 % (17-18 ans ).
Un quart des jeunes bruxellois ne prennent jamais de petit déjeuner avant d’aller à l’école.
C’est significativement plus qu’en Wallonie et qu’en Flandre. A l’inverse, 57 % des adolescents bruxellois déjeunent tous les matins.
Moins d’un quart d’adolescents bruxellois (20% des garçons et 24 % des filles) consomment des légumes et des fruits tous les jours. Cette proportion est plus importante chez les jeunes de milieu social aisé.
9 % des adolescents bruxellois disent consommer des hamburgers quotidiennement. C’est surtout une habitude des garçons, particulièrement dans la tranche 13-14 ans où 14 % des adolescents consomment quotidiennement des hamburgers pour 3 % des filles.
On note des différences marquées selon la filière d’enseignement: 26 % des garçons fréquentant l’enseignement professionnel consomment des hamburgers tous les jours, 15 % dans l’enseignement technique et 9 % dans l’enseignement général.
Et 9% des adolescents consomment des frites tous les jours!
L’obésité
Sur base des données de l’Enquête de Santé (2001), la valeur moyenne du BMI en Belgique est de 24,9 chez les adultes de 18 ans et plus. Cette valeur est très proche du seuil qui définit la surcharge pondérale (BMI de 25 et +) (3).
Au total, 46% de la population, seulement, peut être considérée comme ayant un poids «normal», avec un BMI situé entre 20 et 25.
Chez l’enfant, la prévalence du surpoids et de l’obésité augmente rapidement dès l’âge de 2 ans pour atteindre les valeurs maximales dans les tranches 7-12 ans.
Ainsi, entre 18 mois et 8 ans, 10% des enfants sont en surpoids, et entre 9 et 12 ans, c’est un enfant sur cinq.
Parmi les adolescents fréquentant les écoles bruxelloises en 2002, 5% souffraient d’obésité et 16,3% présentaient un excès pondéral.
La prévalence de l’obésité chez les jeunes bruxellois est semblable à celle qui est observée pour l’ensemble de la Communauté Française.
Commentaire
La problématique n’est pas neuve, mais elle prend une ampleur nouvelle. Face à elle, il convient en outre de dépasser la question de la seule obésité. Il y a en effet plus largement un problème de mauvaise nutrition qui va croissant et qui concerne une large part des jeunes. Si l’obésité comme telle doit recevoir un suivi de type « curatif », il importe avant tout de développer des politiques préventives de base et généralisées.
Quand on parle obésité et « mauvaise nutrition », il s’agit bien d’un problème de fond, complexe, évolutif qui doit donc recevoir une prise en charge adaptée: travail en profondeur, dans le temps, en partenariat. Les campagnes ne peuvent venir qu’en appui de services institués: l’expérience a montré en effet qu’elles sont plus efficaces sur un public déjà sensible à la question.
Recueil documentaire
Le Centre de documentation de l’Unité RESO-UCL publie un recueil documentaire, dans lequel sont reproduits divers articles, brochures, textes récents sur le thème de l’obésité chez l’enfant .
Beaucoup de ces documents peuvent également être consultés sur des sites dont l’adresse est renseignée dans le recueil.
Pour rappel, les recueils documentaires sont le fruit d’un projet commun entre l’ULB-PROMES, l’UCL-RESO et le Centre local de promotion de la santé de Bruxelles.
Deux nouveaux recueils sont proposés chaque année en plus de la mise à jour de plusieurs recueils parus précédemment.
Pour obtenir un recueil documentaire, une participation aux frais de reproduction de 13.20 € (frais de port inclus pour la Belgique) par recueil est demandée.
Notons également qu’un exemplaire de chaque recueil paru peut être consulté dans les Centres locaux de promotion de la santé (adresses sur le site http://www.sante.cfwb.be ).
Pour tout renseignement sur les thèmes déjà parus, consultez le site http://www.md.ucl.ac.be/entites/esp/reso/recueils/intro.htm
Prévention de l’obésité chez l’enfant , Série de Recueils documentaires , n ° 11 , novembre 2004 .
Université Catholique de Louvain , Unité RESO , Centre de Documentation RESOdoc , avenue Mounier 50 , 1200 Bruxelles . Tél .: 02 764 50 38 . Courriel : karine . verstraeten @ reso . ucl . ac . be ou gossiaux @ reso . ucl . ac . be
La Communauté française n’est pas sans « outils ». De longue date, l’ONE s’est vu confier une mission d’accompagnement des familles via les consultations et les milieux d’accueil. Pour les enfants et les jeunes, des missions de santé préventive ont été confiées aux centres d’inspection médicale scolaire devenus depuis peu les services de promotion de la santé à l’école.
Enfin, la Communauté s’est également dotée d’un décret relatif à la promotion de la santé qui lui permet de développer un réseau de centres locaux de promotion de la santé et de financer des projets plus ciblés et ponctuels.
Rôle des Services de promotion de la santé à l’école (PSE)
Des atouts à faire valoir
Longtemps centres d’inspection médicale scolaire, régis par la loi de 1964, les actuels Services de promotion de la santé à l’école étaient centrés sur l’examen de santé, la prévention de base (absence de maladie). La rénovation dans les années 80 et 90 les avait ouverts à d’autres pratiques et à l’éducation pour la santé: il leur était alors possible de diminuer le nombre d’examens et de les remplacer par d’autres actions auprès des enfants et des jeunes.
Le décret de décembre 2001 en a redéfini les missions en les fondant sur une définition plus globale de la santé: le bien-être. Elles sont au nombre de 4: mise en place de programmes de promotion de la santé, suivi médical des élèves, prophylaxie des maladies transmissibles, recueil de données sanitaires.
I]Service universel et gratuit
Toute école doit passer une convention avec un service PSE. Ce service doit être gratuit. Tout enfant ou jeune doit se soumettre à l’examen de santé périodique dans un service PSE.
Ces principes et obligations sont inscrits dans le décret qui institue les services PSE. Le législateur, en les maintenant, a ainsi voulu insister sur l’importance d’un accompagnement « santé » de l’enfant et du jeune durant toute sa période de scolarité obligatoire.
Grâce à cette obligation, les services PSE peuvent être en contact avec l’ensemble des enfants et des jeunes. Ils se situent donc en première ligne d’une politique de prévention. La dernière déclaration de politique communautaire y fait d’ailleurs écho.
Service qui accompagne l’enfant et le jeune durant toute sa scolarité
Au travers des examens de santé, le service PSE est amené à rencontrer l’enfant et le jeune régulièrement durant sa scolarité. Dans le contenu de l’examen médical, il est prévu de peser et mesurer l’enfant, ce qui permet d’établir une courbe de croissance et de calculer le « BMI ».
Les examens sont prévus à des moments déterminés: dans l’enseignement maternel, en 1e et en 3e année; dans l’enseignement primaire: en 2e , 4e et 6e année;
Au niveau secondaire: en 1e accueil, en 1e année complémentaire, en 2e générale et en 2e professionnelle; en 4e année, dans l’enseignement professionnel et l’enseignement technique de qualification; en 5e année, dans l’enseignement général et l’enseignement technique de transition; Dans l’enseignement professionnel secondaire complémentaire: en 1e année de la section « soins infirmiers ».
Dans les centres de formations et d’éducation en alternance: la 1e année de fréquentation de ce type d’enseignement, et ensuite tous les deux ans.
Enfin, dans l’enseignement spécial, la 1e année de fréquentation de ce type d’enseignement, et ensuite tous les deux ans. (4)
Il est également prévu un examen durant la première année de fréquentation de l’enseignement supérieur. Des Points de contact santé pour répondre aux questions et attentes des jeunes doivent aussi être organisés dans ces écoles.
Service qui agit de manière individuelle et collective
L’action individualisée des services PSE intervient principalement au travers des examens de santé périodiques et le suivi de ceux-ci, en ce compris, le cas échéant, la rencontre des familles.
L’action collective des services trouve son expression au travers des projets d’animation, d’éducation pour la santé et de manière plus fondamentale au travers de « projets santé » élaborés avec l’école, à sa demande, en partenariat avec d’autres acteurs « santé ». Il s’agit alors de passer d’une activité santé à une dynamique portée par tous.
Cette dernière dynamique, qui pourrait effectivement traiter de manière optimale la problématique de la mauvaise nutrition, reste malheureusement peu développée faute de moyens pour la mettre en œuvre de la part de l’ensemble des partenaires et du PSE en particulier.
Service qui s’appuie sur l’expérience
Les services PSE travaillent depuis longtemps auprès des enfants et des jeunes, à leur écoute, à celle de leur école et de leurs parents. Centrés sur l’examen de santé et son suivi, ils ont également été amenés à développer d’autres projets pour répondre à des besoins plus spécifiques.
Voici quelques exemples concrets d’actions éducatives menées par des services PSE:
Projets «petits déjeuners» : des activités relatives aux petits déjeuners se sont déroulées dans des écoles bruxelloises en 5e et 6e primaires. Elles étaient organisées en collaboration avec les élèves de 1e humanités.
Il s’agit d’une éducation par les pairs où la transmission d’un savoir acquis et la créativité se sont organisées de manière interactive, créant par la même occasion des liens entre les élèves du primaire et du secondaire.
Tous les élèves des classes maternelles étaient invités à un spectacle de marionnettes, qui avait pour objet le petit déjeuner malin. Les enfants étaient acteurs car invités à participer à un échange « questions-réponses »… pour faire comprendre l’importance du petit déjeuner. L’animation théâtrale débouchait sur l’organisation d’un petit déjeuner dans chaque classe où les parents étaient également conviés.
Projets « sensibilisation à une alimentation équilibrée » ou « théâtre forum » dans la région du Hainaut.
Les études des problèmes de santé dans cette région montrent que les efforts d’éducation pour la santé doivent se porter vers une éducation à la consommation alimentaire ainsi qu’à celle de tabac et d’alcool.
L’outil « théâtre-forum » a été choisi pour son caractère ludique. Cet outil se démarque par rapport aux outils classiques et met le jeune en situation très différente de celle où il se trouve d’habitude lorsqu’il consomme de « l’audiovisuel ». L’enfant, sous une forme ludique, est amené à être participant et à s’impliquer dans l’élaboration du message qu’il doit assimiler. Cet outil est un bon moyen, et depuis fort longtemps, pour faire passer de façon efficace un message. La persistance de cet outil au fil du temps nous a semblé être la meilleure évaluation que l’on pouvait faire de sa pertinence!
« Jeu des menus » , toujours dans la région du Hainaut. Les élèves sont invités à former des groupes. Chaque groupe reçoit une assiette en liège et un sachet contenant des assortiment d’images représentant des aliments. Ils sont invités à composer des menus équilibrés. La correction des menus est effectuée oralement, pour toute la classe, ce qui permet d’évaluer la compréhension des élèves par rapport aux notions vues, et de corriger certaines erreurs.
On le voit, des projets pédagogiques concrets et ciblés existent, dont certains sont même en lien avec des études de populations, toujours précieuses pour mieux connaître les besoins des populations concernées et de ce fait, agir plus efficacement. Ce type de démarche doit être encouragé.
Avec le temps, les projets santé sont amenés à se développer mais aujourd’hui encore les moyens manquent cruellement.
Avec des perspectives renouvelées et des limites
Les récentes modifications législatives diversifient les missions des services PSE; elles leur ouvrent ainsi en particulier la possibilité d’établir avec les écoles et les autres partenaires « santé » des projets dans lesquels la préoccupation d’une alimentation saine pour une vie saine doit trouver sa place.
Cette préoccupation ne peut être imposée ni aux écoles ni aux jeunes. Le travail à mener doit être de l’ordre de la responsabilisation individuelle et collective. Cela prend du temps.
Ce travail rentre dans les missions des Services PSE. Néanmoins, leur subvention ne leur permet pas, aujourd’hui, de le mener comme il serait nécessaire.
Un dernier chiffre: une centaine d’équivalents temps plein pour accompagner 300.000 élèves dans l’ensemble de la Communauté française, c’est vraiment peu, très peu…
Isabelle Gaspard et Lydwine Verhaegen , FIMS
Adresse des auteures: FIMS (Fédération des Institutions Médico-Sociales asbl), rue Belliard 23A / Bte 3, 1040 Bruxelles
Cet article a été rédigé sur base d’une note réalisée en vue d’un débat au Parlement de la Communauté française au sujet de la prévention de l’obésité chez l’enfant (rapport de Marcel Cheron).
(1) Cet article s’inscrit dans le cadre d’une réflexion du Parlement de la Communauté française sur la prévention de l’obésité chez l’enfant. Rapport introductif de Marcel Cheron , doc 77 (2004-2005) n° 1, téléchargeable à l’adresse http://www.ecolo.be/download/20050228_rapport_obesite.pdf
(2) Source: Tableau de bord de la Santé en Région de Bruxelles-Capitale, 2004.
(3) Source: Enquête de santé par Interview, ISSP, Belgique, 2001
(4) Voir l’article 2 de l’arrêté du 13 juin 2002 (M.B. 25/07/2002).