Avril 2002 Par A.-M. PIRARD Dossier

La précarité affecte la vie affective et sexuelle comme elle affecte tous les autres domaines de la vie . Les intervenants sociaux sont donc amenés à reconstruire la confiance en soi dans ce domaine aussi . Une enquête de l’asbl Repères identifie leur rôle et ses limites .
Les personnes qui vivent dans des conditions précaires sont quelquefois amenées à vivre des rencontres amoureuses et des relations sexuelles dans des circonstances précipitées et sans possibilité de recul. Ainsi, les jeunes qui vivent en homes, les jeunes « des rues » sont plus exposés que les autres au multipartenariat. Les conditions de telles rencontres sont peu propices à la négociation de moyens de prévention dont le manque de moyens financiers rend en outre l’achat difficile. Enfin, les conditions de vie de ces personnes les mènent plus que d’autres à adopter des conduites à risque comme la prostitution occasionnelle, l’échange de seringues, etc. La précarité affecte donc la vie affective et sexuelle comme elle affecte tous les autres domaines de la vie.
Les intervenants professionnels qui travaillent avec ces personnes doivent les amener, dans ce domaine comme dans d’autres, à restaurer une certaine estime de soi, développer une image plus positive d’elles-mêmes, négocier sans se faire rejeter. Un tel travail, difficile et exigeant, suppose une réflexion et une démarche spécifiques. C’est le travail de l’asbl Repères. Depuis des années, elle forme des professionnels relais spécialisés en éducation pour la santé et plus spécifiquement à la vie amoureuse et/ou sexuelle.
Le concept de santé sexuelle est encore assez peu usité. Fidèle à l’esprit de la santé communautaire, Repères comprend la santé comme une ressource, ou plutôt un ensemble de ressources, que les individus et les collectivités qu’ils forment peuvent mobiliser pour accéder au bien-être. Afin de remplir toujours mieux sa mission, l’asbl a mis sur pied un ambitieux travail de recherche-action.
Première étape, une enquête réalisée dans 21 institutions en mars 2000. Objectif: cerner la perception et les représentations que les travailleurs se font de leur travail et de leur rôle, de leurs compétences et de leurs limites.
Les résultats de l’enquête viennent d’être publiés. Ils mettent en évidence toute la complexité de la problématique. Les intervenants associent les difficultés relationnelles des jeunes et leur passé marqué par l’instabilité et les carences affectives, l’abandon, la contrainte. Ils éprouvent donc un sentiment d’impuissance face aux situations à gérer et expriment des difficultés à situer leur rôle dans l’indispensable travail de requalification à mener avec ces jeunes. Premier constat pour l’asbl: pour être adéquate, l’action des intervenants suppose la capacité de prendre suffisamment de distance avec leurs propres histoires, leurs valeurs et leurs références. De plus si, à titre individuel, les intervenants sont sensibles à la prise en compte de la santé sexuelle des personnes qu’ils encadrent, les institutions ont généralement fort peu intégré formellement la prise en charge de ces problématiques. Celles, assez rares, qui ont réussi à formaliser ces questions, constatent des effets largement positifs. C’est l’un des aspects les plus féconds de l’enquête. Il devrait déboucher sur des démarches concrètes: nécessité de définir l’enjeu de l’implication institutionnelle et les conditions à mettre en œuvre pour un questionnement institutionnel. Essentiel, mais délicat.
Enfin, les résultats de l’enquête montrent le besoin d’articuler le travail des professionnels de terrain avec l’intervention de personnes et de structures reconnues dans le domaine de la santé sexuelle. Les prochaines étapes de la recherche-action devraient permettre d’identifier les pistes d’action nécessaires pour rencontrer ces besoins cruciaux.
A.M.P.
Renseignements: Repères asbl, rue de la Sarriette 19, 1348 Louvain-La-Neuve.
Tél.: 010 – 45 73 31.