Une bibliographie commentée de la base de données DOCTES UCL-RESO
Le parc pénitentiaire en Belgique compte 32 prisons: 10 établissements pour peines destinés aux condamnés et 22 maisons d’arrêt où séjournent les prévenus. Bien que la capacité d’accueil soit de 7600 personnes (1), on dénombre plus de 9000 détenus qui vivent bien souvent dans des conditions particulièrement éprouvantes.
Le personnel pénitentiaire est surchargé et mal formé (aucun diplôme n’est requis pour cette fonction). Si le nombre de médecins semble suffisant, il manque par ailleurs cruellement de personnels infirmiers, de psychologues et d’assistants sociaux.
A leur entrée en prison, une majorité de détenus montrent déjà un état de santé préoccupant compte tenu du fait qu’il s’agit souvent d’individus jeunes, isolés, sans domicile fixe, au niveau socio-éducatif médiocre, et souvent dépendants de l’alcool ou de psychotropes (2). Reclus dans un monde de silence, de cris, d’imaginaire figé, la santé des prisonniers va décliner rapidement jusqu’à devenir déplorable.
Dans cet univers fermé, l’accès aux soins s’avère difficile et les maladies infectieuses (comme l’hépatite C ou le sida), les pathologies dentaires, dermatologiques (tatouages, automutilations) et pulmonaires (tuberculose), les problèmes liés aux conduites addictives, les troubles du sommeil et les dépressions (voire les suicides) sont légion.
Vu les conditions de vie carcérale, la pratique de la médecine n’est évidemment pas équivalente à celle de l’extérieur. Les soins de santé en prison sont depuis longtemps organisés, dirigés et financés par la Justice et les autorités correctionnelles(3). Au contraire de la France – où, avant la loi de 1994, les médecins étaient des fonctionnaires rétribués et reconnus par le Ministère de la Justice et ne pratiquaient qu’en prison -, en Belgique, les médecins de prison sont des indépendants, ayant leur propre cabinet et leur propre patientèle; ils ont simplement accepté de consacrer quelques heures aux soins des détenus, tâche pour laquelle ils émargent entièrement au Ministère de la Justice.
Faire dépendre les soins de santé dispensés en milieu carcéral du Ministère de la Santé publique semble très compliqué en Belgique étant donné d’une part que les compétences de santé publique sont réparties entre les autorités fédérales et communautaires et que d’autre part, ces autorités sont responsables de la politique et du contrôle mais pas de l’organisation.
Devant un tel contexte, comment donner une place à l’éducation pour la santé?
En Belgique, et en France depuis 1994, chaque détenu possède une couverture sociale et est affilié à une mutuelle, ce qui représente déjà un acte de réinsertion dans les filières de soins.
En prison, on entend par éducation pour la santé «une démarche collective qui appelle à un changement à la fois institutionnel visant à améliorer l’état de santé, c’est-à-dire la capacité, la dynamique personnelle et relationnelle à agir» (4).
C’est une façon de prendre au sérieux la question de la santé des détenus, d’écouter et de répondre à leur souffrance, et peut-être, de restaurer chez chacun l’image de soi afin de préparer une réinsertion future.
En milieu privé de liberté, l’éducation pour la santé n’est-elle pas tout simplement une éducation à la vie?
Pour faire une recherche bibliographique sur l’éducation pour la santé en prison dans la base de données DOCTES (base de données partagée du RESOdoc, service de documentation de l’unité RESO à l’UCL), les mots-clés ‘MILIEU CARCERAL’ OU ‘PRISON’ ont été introduits. 101 références sont alors obtenues. Ces documents (livres, articles, chapitres…) s’adressent à différents publics tels que scientifiques, intervenants, tout public.
Vu le nombre de références récoltées, le choix s’est porté sur les équations de recherche suivantes: ‘MILIEU CARCERAL’ et ‘EDUCATION POUR LA SANTE’ d’une part et ‘MILIEU CARCERAL’ et ‘PREVENTION’ d’autre part. 10 réponses sont alors apparues pour la première équation et 47 pour la seconde. Cela pourrait s’expliquer par le fait que beaucoup de documents abordant le thème de la prévention en prison – que ce soit du sida, de la drogue, de l’alcoolisme…- ne se sont pas vu attribuer le mot-clé ‘EDUCATION POUR LA SANTE’.
Dès lors, il a été décidé de limiter la recherche d’une part à des documents édités après 1995 et en langue française pour faciliter l’accessibilité d’un plus grand public.
Nous vous en proposons quelques-uns. Tous ces documents sont bien entendu disponibles, consultables et souvent empruntables au RESOdoc ou dans les centres partenaires du réseau DOCTES. La cote de localisation se trouve en fin de chaque référence.
GUIBOURGE F., PALICOT A.M., BRIXI O., CHOUKROUN O. (1997), Promotion de la santé en milieu pénitentiaire, coll. Education pour la santé pour mieux vivre, CFES, Vanves, 171 p. (cote RESO WB.02.10.01).
Réconcilier la personne humaine avec son corps, avec son histoire est un des objectifs de l’éducation pour la santé. Le détenu a droit aussi à l’information, à la prévention, en même temps qu’à des soins continus et de qualité. C’est dans cet esprit qu’acteurs de terrain et partenaires institutionnels se sont retrouvés, à la faveur de la réforme de l’organisation des soins en milieu pénitentiaire. Cet ouvrage se veut au service de tous ceux qui cherchent à rétablir l’accès des détenus à la prévention, en vue de leur insertion ou réinsertion. SCHAFFNER A., FAVREAU BRETTEL M., LECORPS P., NOURY M., GUIBOURGE F., GOUDET B. (1995), Dossier Santé et milieu carcéral in La Santé de l’Homme, n°315, février, 32 p. (cote RESO S.02).
L’éducation pour la santé est-elle possible en milieu carcéral? Ou, en d’autres termes, peut-on développer un processus de libération dans un espace fermé?
L’année 1995 est une année charnière en France. Au moment où est enfin reconnu le droit des personnes incarcérées à bénéficier d’un accès aux soins au même titre que tout citoyen, grâce au transfert des responsabilités vers les établissements de santé, il est essentiel que l’éducation pour la santé – éternel parent pauvre des préoccupations politiques – ne soit pas cantonnée aux reliquats budgétaires. C’est dans ce sens que s’est mobilisé le réseau d’éducation pour la santé. Plusieurs actions ont été menées auprès du personnel pénitentiaire et des détenus: sensibilisation à l’hygiène dentaire, exposition de dessins contre le sida, prévention des hépatites… Une des exigences pour appliquer l’éducation pour la santé en prison est de tenir compte des conditions spécifiques à ce milieu, ce qui implique de prendre le temps: le temps de comprendre les particularités et les contraintes de ce milieu, d’inscrire les actions dans une mission globale d’aide à l’insertion des détenus, de lutter contre le cloisonnement et les difficultés de communication engendrées par la structure elle-même. (2002), Dossier Santé et prison, une équation insoluble? in Santé Conjuguée, n°22, octobre, pp. 74-107 (cote RESO C.02).
Un dossier composé d’un ensemble d’articles. Les témoignages recueillis par P. Jamoulle nous montrent combien les itinéraires judiciaires amplifient les processus de marginalisation et d’exclusion. A. Hoffman nous décrit les conditions de vie et de santé en prison, comment y sont organisés les soins, quels dispositifs sont mis en place pour préparer la sortie. J.M. Feron aborde la question de l’équivalence des soins entre l’intérieur et l’extérieur de la prison. R. Qoidbach nous présente un projet de réduction des risques liés entre autres à l’usage de drogues. ROVERE O. (2002), Santé et éducation pour la santé des mineurs in Forum Prison, n°6, décembre, pp. 11-13 (cote CRES Picardie, et RESO F.18).
Une proportion importante de mineurs délinquants présente des troubles sérieux du comportement. De nombreux actes de délinquance sont l’expression de psychopathologies non repérées précocement. Outre le développement des secteurs infanto-juvéniles, la Commission du Sénat souligne un défaut majeur de coordination entre les différentes institutions concernées: protection de la jeunesse, aide sociale à l’enfance, protection maternelle et infantile, éducation nationale. Ce constat appelle un développement de structures mixtes santé-justice. En l’absence de milieux d’accueil adaptés, la prison devient le seul lieu de prise en charge. LIBERT V. (1999), Prévention des pharmaco-dépendances en milieu carcéral in Les Cahiers de Prospective Jeunesse, octobre, n°4, pp. 26-31 (cote NADJA.REV.02).
L’article s’appuie sur une pratique d’intervention, d’une dizaine d’années, en milieu carcéral; ces interventions ont une visée préventive à l’égard des pharmaco-dépendances. L’hypothèse de travail principale inclut personnels et détenus; les méthodologies employées s’appuient sur le travail en réseau dont l’opportunité en prison est discutée. HOFMAN P. (1997), Prévention de l’infection au VIH auprès des mineurs en milieu carcéral in Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence, n°10, pp. 627-637 (cote PMS-COCOF).
Expérience dans un centre de jeunes détenus en France. Les arrivants ont participé à des journées de sensibilisation sur l’infection VIH. Cela a permis d’éclairer sur la personnalité de la population d’adolescents incarcérés et surtout sur les représentations et associations psychiques variées que génère le sida. Les journées de sensibilisation ne s’inspirent pas ici des messages préventifs classiques. FREMAUX (2001), Prise en charge des toxicomanes en milieu pénitentiaire: les différents traitements (méthadone, subute…) in Forum Prison,n°4, décembre, pp. 8-9 (cote RESO F.18, CRES Picardie).
L’article examine pourquoi les traitements de substitution ne sont pas plus souvent administrés dans les milieux carcéraux. BOINOT K. (2000), Réduction des risques: prison et toxicomanie in Interventions, n°75, octobre, pp. 39-47 (cote NADJA.REV.17).
Cet article traite de la question de la présence des usagers de produits psychotropes en prison et du dispositif mis en place afin de les prendre en charge. Après avoir exposé les risques liés à l’incarcération des usagers de drogues, les actions de réduction des risques et des dommages à travers l’expérience du Centre de Soins spécialisés pour toxicomanes en milieu pénitentiaire à Nantes y sont surtout présentées. CHAUVIN I.(2000), La santé en prison: les enjeux d’une véritable réforme de santé publique, ESF, Paris, 111 p. (cote RESO WB.02.10.02).
En France, depuis la réforme de 1994 qui a permis à la prison d’ouvrir ses portes à l’hôpital et d’améliorer de façon significative le suivi médical des détenus, cette politique de décloisonnement se poursuit. En retraçant l’histoire de la médecine en milieu pénitentiaire, cet ouvrage a pour objectif d’exposer au lecteur l’évolution que vit la prison depuis ces dernières années. Désormais, elle n’est plus un lieu fermé sur lui-même mais au contraire un tremplin vers le monde libre, l’occasion d’une prise en charge globale de l’individu, entre autres par le biais de l’éducation pour la santé. CRES PICARDIE (2003?), Etude sur les freins à l’accès aux soins des jeunes de 16 à 25 ans en prison, Cres Picardie, Amiens, 111 p. (cote RESO WB.02.10.03, téléchargement possible depuis le site http://www.crespicardie.org ).
L’objectif de cette étude est de mieux comprendre les comportements liés à la santé des jeunes inscrits dans la filière pré-professionnelle renforcée, en particulier d’identifier les freins à l’accès aux soins. Cette étude régionale est basée sur une enquête de terrain auprès des jeunes et de leurs formateurs. Après une analyse conceptuelle des notions de santé, précarité, insertion et adolescence en difficulté, cette étude présente différents types de freins à l’accès et aux recours aux soins (obstacles psychosociaux et culturels, obstacles professionnels, administratifs et financiers…). Cette étude est conçue comme un outil d’aide à l’action.
Yvette Gossiaux , Documentaliste, RESOdoc UCL
(1) HOFFMAN A. (2002), La prison aujourd’hui in Santé Conjuguée , n°22, octobre 2002.
(2) TUFFELI J. (1997), L’état de santé des personnes incarcérées in Promotion de la santé en milieu pénitentiaire , CFES, Vanves, pp. 27-29.
(3) FERON J.M. (2002), La santé en prison: Santé publique ou Ministère de la Justice in Santé Conjuguée , n°22, octobre 2002. Note: J.M. FERON, assistant à l’UCL et médecin à la prison de Huy travaille actuellement à une thèse de doctorat sur la problématique de la santé des détenus.
(4) LECORPS P. (1997), Démarche éthique en éducation pour la santé in Promotion de la santé en milieu pénitentiaire , CFES, Vanves, pp. 57