Décembre 2005 Par Patrick TREFOIS Initiatives

En 1997 un spot de sensibilisation à la vaccination contre la rougeole, la rubéole et les oreillons (RRO) était créé. Cet outil médiatique était destiné à soutenir l’introduction dans le calendrier vaccinal d’une deuxième dose de vaccin RRO, à administrer aux enfants à l’âge de 11-12 ans.
Depuis, l’eau a coulé sous les ponts… Une initiative du Bureau régional de l’Europe de l’Organisation mondiale de la santé a réveillé cette année l’intérêt pour cet outil resté sous-utilisé. En 2005, ce spot a été rediffusé à l’occasion d’une Semaine européenne de la vaccination du 17 au 23 octobre.
L’initiative était, en 1997, le fruit d’un partenariat de Question Santé, Provac et de la Société scientifique de médecine générale.
La conception du spot s’appuyait sur un double constat.
D’une part, les parents, et souvent aussi les médecins, banalisent les 3 affections (rougeole, oreillons et rubéole), qui sont considérées comme des maladies d’enfant inévitables, mais sans gravité. Cette représentation lénifiante est pourtant relativisée lorsqu’on examine les données scientifiques présentées au tableau 1, qui illustre la fréquence des complications liées aux 3 maladies et introduit une comparaison avec les effets indésirables du vaccin RRO.
Elle fait fi aussi de la douleur importante occasionnée par les oreillons et du malaise général parfois intense lié à la rougeole.

Tableau 1 – Les complications des maladies et de la vaccination

(pays industrialisés) – Méningite
– Orchite
– Décès

Complications Liées à la maladie Post-vaccination
Rougeole
– Pneumonie
– Convulsions
– Encéphalite
– Panencéphalite sclérosante subaiguë
– Décès
3,8-7,3%
0,3-0,5%
0,5-1/1.000
0,5-2/100.000
1/10.000 à 1/4.000
0
0,02-190/100.000
1/1.000.000
0,05-0,1/1.000.000
0
Oreillons – Méningo-encéphalite
18-25/100.000
0,25% (clinique) à 15/100 (subclinique)
20-30% (après puberté)
1,6 à 3,4/10.000
0
0 (avec souche Jeryl-Lynn actuellement utilisée)
0
0
Rubéole Syndrome de rubéole congénitale 1/14.000 0

D’autre part, beaucoup de jeunes adultes, qu’ils soient parents ou professionnels de santé, n’ont plus eu l’occasion de rencontrer des personnes atteintes de ces maladies. En effet, l’incidence a fortement diminué au cours des 20-25 dernières années, précisément en raison de l’introduction progressive de la vaccination des bébés (voir l’encadré sur l’objectif d’élimination de la rougeole).

L’objectif d’élimination de la rougeole

On attribue à la rougeole, annuellement, près d’un million de décès dans le monde. La grande majorité de ces décès survient dans les pays en voie de développement.
L’incidence de la maladie en Belgique a été suivie par un Réseau de médecins vigies, représentatifs de l’ensemble des médecins généralistes belges, de 1979 à 1980 et de 1982 à 2000. L’incidence obtenue via ce système de surveillance était nettement sous-estimée, mais constituait néanmoins un indicateur utile de l’évolution annuelle de l’infection. L’incidence rapportée a décru de 998 par 100.000 en 1982 à 6 par 100.000 en 1999. La surveillance via le Réseau a été considérée comme non pertinente dès 2000, en raison de l’incidence devenue trop faible.
Pour répondre aux recommandations de l’OMS, un «Comité pour l’élimination de la rougeole» a été mis en place en Belgique. Le rôle du Comité est l’élaboration d’un plan national d’action et le suivi de son implantation. La composition de ce Comité a été approuvée en mai 2003 par le Gouvernement fédéral. Les membres sont des représentants des ministres ayant la santé dans leurs compétences (au niveau fédéral, des Communautés et de la Région de Bruxelles-Capitale), des représentants d’associations de pédiatres et de médecins généralistes, des virologues et des épidémiologistes. L’objectif du plan est d’obtenir l’élimination de la rougeole en 2010. Ce ne sera possible que si la couverture vaccinale atteint 95%, aussi bien pour la première que pour la deuxième dose du vaccin contre la rougeole. L’objectif précis est d’atteindre plus de 85% fin 2007, 90% fin 2008 et de dépasser 95% fin 2009.
Le plan prévoit également la mise en place de nouveaux systèmes de surveillance. En effet, lorsqu’on arrive à obtenir des couvertures vaccinales de l’ordre de 90%, les cas de rougeole deviennent plus rares, mais des épidémies locales restent possibles. La mise en place d’un système de surveillance adapté est nécessaire afin de suivre l’épidémiologie de la maladie. Le plan vise à disposer de données épidémiologiques minimales fiables pour 80% des cas suspects fin 2008.

Dès lors, le choix a été fait d’attirer, via un spot télévisé, l’attention des parents, des enfants et (pré)adolescents, et des professionnels sur le passé épidémique de ces maladies et la vaccination qui permet de les éviter (voir encadré).

Le scénario du spot dessin animé

La première scène du spot, en coloris sépia, se déroule dans une classe presque vide, dans un décor des années 50.
Texte: ‘… Après la rougeole et la rubéole, nos écoliers sont décimés par une épidémie d’oreillons. Le pays paie un lourd tribut à ces maladies inévitables…’
Dans la deuxième scène du spot, on découvre une classe colorée, pleine d’élèves, dans un décor contemporain.
Texte: ‘… Aujourd’hui on peut éviter ces trois maladies.’
Le slogan final énonce ‘A 12 mois comme à 11-12 ans, un seul vaccin protège contre la rougeole, la rubéole et les oreillons.’

Évaluation de l’impact de la campagne de 1997

La campagne a bénéficié du dispositif légal permettant l’accès pour des campagnes d’éducation pour la santé à des espaces gratuits de télédiffusion. Il est passé sur les antennes de la RTBF et de RTL-TVI du 1 au 15/9/97, puis du 10 au 17/11/97 et enfin du 10 au 17/1/98 (soit 4 semaines au total).
Pour évaluer l’impact de cette campagne, une enquête par appels téléphoniques a été réalisée par Inra Marketing Unit en février 1998. Cinq cents personnes représentatives de la population nationale de 25 à 55 ans y ont répondu.
La vzw Omtrent Gezondheid a mené durant l’automne 1997 une campagne dont les caractéristiques étaient semblables à celle organisée en Communauté française, à une exception près: le nombre de passages du spot télévisé était beaucoup plus important en Communauté française. Nous disposons donc d’une possibilité de comparaison intéressante entre les Communautés. Notons néanmoins que l’implication de la médecine scolaire dans l’implantation de la deuxième dose RRO à 11-12 ans avait été plus précoce en Communauté flamande qu’en Communauté française.
Une question de l’enquête s’intéressait au souvenir de la campagne télévisée .
Il y avait nettement plus de personnes se souvenant avoir vu le spot RRO à Bruxelles (43%) et en Wallonie (51%) qu’en Flandre (12%). Globalement (chiffres nationaux), on constatait que le spot avait été plus mémorisé par les femmes et par les personnes âgées de 25 à 34 ans (33%, contre 25% des 35-44 ans et 20% des 45-55 ans). Le spot avait également été mieux mémorisé par les personnes ayant des enfants (32% contre 22% des personnes n’ayant pas d’enfant). La mémorisation était similaire entre les personnes de catégories sociales supérieure (27%) et inférieure (29%): ce constat confirme une bonne intelligibilité du spot.
Aux personnes qui se souvenaient avoir vu le spot était posée la question de son contenu (de quoi parlait ce spot?).
On constatait un taux plus important de non-réponses (ne se souviennent pas/ ne savent pas répondre) en Communauté Flamande (47%) qu’en Communauté française (28%). Ceci illustre l’importance de la répétition du message: les spécialistes admettent généralement qu’une campagne doit permettre à un téléspectateur de visualiser un spot au minimum à trois reprises, pour lui permettre une mémorisation du contenu (1).
Le souvenir était globalement beaucoup plus précis en Communauté française: 31% des personnes interrogées ayant vu le spot ont mémorisé comme sujet la rougeole, la rubéole ou les oreillons, 23% le vaccin et 9% la vaccination des enfants de 11-12 ans (voir tableau 2).
On remarque que l’âge (11/12 ans) ciblé lors du spot a été de façon générale moins perçu par le public.

Tableau 2 – Quel est le contenu du spot?
(question posée aux personnes se souvenant du spot)

Flandre Bruxelles et Wallonie
Rougeole et/ou rubéole et/ou oreillons 3% 31%
Vaccin 8% 23%
Maladies 22% 9%
Vaccination des enfants de 11/12 ans 3% 9%
Ecole, classe 9% confondu
Autres 25% 16%
NSP/SR 47% 28%

Cinquante-quatre pourcents des personnes interrogées déclaraient avoir un ou plusieurs enfants de moins de 13 ans. Ces personnes ont dû aussi répondre à une question sur le comportement ou l’intention de vaccination: «Allez-vous le(s) faire vacciner ou l’avez-vous déjà fait?». Nonante-deux pourcents répondaient positivement: ceci confirme que peu de parents ont une opposition franche à la vaccination RRO (voir aussi plus bas l’encadré sur l’enquête 2003 de PROVAC).

Pourquoi une campagne en 2005

Le Bureau régional de l’OMS organisait dans quelques pays une semaine européenne de la vaccination, du 17 au 23 octobre 2005. PROVAC a proposé à Madame la Ministre Catherine Fonck une participation de la Communauté française, axée sur la problématique de l’élimination de la rougeole.
PROVAC, en collaboration avec la Direction générale de la santé, a ainsi organisé un intéressant colloque «Elimination de la rougeole pour 2010 en Europe. Mise en place de stratégies en Communauté française».
Par ailleurs, pour sensibiliser le public à l’intérêt de la vaccination contre la rougeole, le spot RRO est rediffusé dans la deuxième quinzaine d’octobre et la première quinzaine de décembre.
Patrick Trefois , SCPS – Question Santé
Adresse de l’auteur: Question Santé, rue du Viaduc 72, 1050 Bruxelles. Courriel: question.sante@skynet.be. Internet: http://www.questionsante.org

Les couvertures vaccinales en Communauté française

La 6e enquête de couverture vaccinale a été réalisée par PROVAC en 2003, en Communauté française, Bruxelles excepté.
PROVAC constate que le vaccin contre le RRO n’a pas vu sa couverture vaccinale augmenter depuis l’enquête précédente de 1999, puisqu’elle plafonne toujours à 83%.
Dans un article récemment publié (2), le Dr Béatrice Swennen qualifie ce résultat de «médiocre» et souligne « qu’aucun seuil critique d’immunité n’est atteint pour ces trois valences .
Idéalement , pour la rubéole , 85 87 % de la population devrait être vaccinée .
Etant donnés la contagiosité et le petit nombre de sujets vaccinés qui n’acquièrent pas d’immunité contre la rougeole , la couverture à atteindre est plus élevée , soit 92 95 %.
Et enfin le taux idéal à atteindre pour les oreillons est de 90 à 92 % ».
L’enquête s’est également intéressée aux raisons de non-vaccination des enfants, notamment pour le vaccin trivalent contre la rubéole, la rougeole et les oreillons. PROVAC relève que 10,8 % des parents pensent que l’on vaccine les enfants contre des maladies qui ne sont pas graves.
Dans ce cas, les parents citent en général plusieurs vaccins. La rougeole est la maladie la plus souvent citée, viennent ensuite la rubéole et les oreillons. On constate que les hypothèses de travail posées en 1997 sont toujours d’actualité: il y a encore des efforts à faire pour modifier cette perception de maladies d’enfant banalisées…

(1) Un indice technique appelé OTS («opportunity to see») reflète cette notion: il chiffre le nombre moyen d’occasions que les personnes du public visé ont eu de voir le spot.
En combinant cet indice avec l’audience, c.à.d. le pourcentage de personnes du public visé ayant vu le spot au moins une fois, on obtient un indice calculé qui reflète l’impact d’un spot: c’est le GRP («gross rating point»).
(2) Couverture vaccinale en Communauté française, Vax Info n° 42 septembre 2005.