Janvier 2009 Par F. COUSIN Initiatives

Depuis un peu plus de 7 ans, à l’initiative du «Service prévention tabac» et du Comité scientifique «tabac» du FARES (Fonds des affections respiratoires), une formation en tabacologie (1) a vu le jour en Communauté française de Belgique. L’Université libre de Bruxelles, l’Université de Liège, l’Université catholique de Louvain, la Société scientifique de médecine générale et la Fondation belge contre le cancer se sont jointes d’emblée à ce projet. Son succès est constant. A ce stade, il est apparu nécessaire de mener une évaluation de l’impact à long terme de cette formation.

Introduction

La formation est organisée sur le modèle de deux formations analogues, dont une mise en oeuvre en France. Elle compte 49 heures de cours réparties sur 7 samedis entre la mi-octobre et la fin avril, au terme desquelles un mémoire et un rapport de stage sont exigés. Depuis 3 ans, ce programme est complété par une rencontre de post-formation qui offre l’intérêt d’actualiser les données et d’ouvrir la réflexion vers des publics ou des approches particulières (tabac et adolescence, tabac et cannabis, chicha – effets de mode et usages, tabac et promotion de la santé, etc).
L’enseignement proposé concerne le tabac et son usage. Il aborde les effets du tabagisme sur la santé, la recherche dans le domaine du tabac, en particulier sur le phénomène de dépendance et les méthodes d’aide à l’arrêt, ainsi que les évolutions législatives relatives à la protection contre le tabagisme.
Les aspects psychologiques et pharmacologiques associés au sevrage constituent également une partie importante de l’enseignement. Les relations et les similitudes avec l’usage d’autres assuétudes sont aussi étudiées.
La formation s’adresse aux professionnels de santé et aux étudiants des disciplines correspondantes afin d’augmenter leurs compétences dans l’accompagnement des fumeurs à la gestion de leur tabagisme, en divers lieux de vie. Il s’agit de leur donner les moyens d’acquérir plus d’assurance et de connaissances dans ce domaine via des lieux d’échanges, de ressources et de partages de pratiques.

Qui sont les tabacologues?

Une évaluation de la formation a été réalisée en mars 2008 afin de mesurer de façon rétrospective l’impact de celle-ci dans la pratique des professionnels ayant obtenu leur certificat de tabacologue entre 2002 et 2006. Un questionnaire anonyme a été envoyé aux 125 tabacologues diplômés sur cette période.
De manière générale, on constate que les participants viennent d’horizons professionnels divers en Communauté française. Relevons également la pluridisciplinarité des participants, ce qui renforce les objectifs de transversalité et de travail en réseau, chers au Service prévention tabac du Fares. Sur les 125 tabacologues, 43% sont médecins, 19% sont infirmier(e)s, 27% sont psychologues et 11% sont issus d’autres professions telles que pharmacien(ne)s, diététicien(ne)s, ergothérapeutes, kinésithérapeutes.

A quelles demandes la formation répond-t-elle?

Pour la moitié des tabacologues interrogés (48,7%), suivre la formation répondait à une réelle nécessité professionnelle. L’intérêt pour la question du tabagisme et son sevrage a également été un élément de motivation à l’inscription. La formation semble, au regard de ces données, répondre à une demande du terrain en matière de prise en charge du tabagisme. En effet, pour presque 70% des tabacologues, la formation a entièrement répondu à leurs attentes.

Quelles sont les compétences acquises au cours de la formation?

En terme de connaissances, l’évaluation révèle que la formation a permis à la majorité des tabacologues d’acquérir de nombreuses connaissances par rapport au tabagisme et à sa prise en charge. Les exposés et les ateliers ont permis aux tabacologues d’enrichir leur bagage théorique de façon satisfaisante. Néanmoins, un quart des tabacologues auraient aimé approfondir encore davantage leurs connaissances sur les aspects psychologiques associés au sevrage comme la motivation, l’estime de soi, le sentiment d’efficacité personnelle, les leviers et les outils à utiliser dans le cadre d’une prise en charge.
Plusieurs tabacologues insistent également sur la nécessité d’intégrer encore plus de pratique sous forme d’ateliers, de jeux de rôle, de mises en situation et d’études de cas, l’acquisition de ces connaissances nécessitant un apprentissage par la pratique.
En terme d’assurance acquise dans l’accompagnement du fumeur à la gestion de son tabagisme, la quasi totalité des tabacologues (94,9%) estime que la formation lui a donné suffisamment de moyens d’acquérir plus d’assurance, notamment par l’obtention de repères et d’outils pratiques et par une meilleure compréhension des symptômes liés au sevrage et au vécu du fumeur.

La formation a-t-elle un impact sur la pratique des professionnels de santé?

La très grande majorité des tabacologues ne pratiquait pas d’activité en lien avec le tabagisme avant d’avoir suivi la formation. Suite à la formation, un professionnel sur deux a mis en place une consultation spécifiquement consacrée à la tabacologie en individuel et un tabacologue sur trois travaille dans un Centre d’aide aux fumeurs (2). Ces données mettent en avant l’apport significatif de la formation dans l’accessibilité du fumeur à une structure spécifique d’aide à l’arrêt du tabac. En moyenne, le tabacologue voit entre 8 et 9 fumeurs par semaine en consultation individuelle (de tabacologie ou autre).
Ces données peuvent être complétées par celles de l’annuaire de tabacologie (à consulter sur http://www.fares.be ). Au 30 juin 2008, on comptait 44 Centres d’aide aux fumeurs et 145 tabacologues. Il faut relever la diversité des activités qu’ils ont entreprises suite à la formation, telles l’organisation de séances de sensibilisation pour les professionnels, des interventions de groupe, la coordination de l’aide au sevrage en milieu hospitalier, des activités de prévention en milieu scolaire, etc.
42,3% des tabacologues estiment que la formation leur a permis d’élargir considérablement leur activité professionnelle. L’autre moitié, soit 46,2%, rapportent, quant à eux, que la formation ne leur a que partiellement permis d’élargir leur activité.
L’explication rapportée par quelques-uns d’entre eux concerne un manque de soutien et de reconnaissance de la direction hospitalière pour la tabacologie. A ce sujet, il est probable que la situation évoluera dans les mois à venir après la mise en application du Plan cancer de la Ministre Laurette Onkelinks , qui prévoit le remboursement des consultations de tabacologie.
Les tabacologues travaillent généralement en équipe (59,7%). Celle-ci se compose, pour la majorité d’entre eux, d’autres tabacologues (69,6%) comportant une proportion importante de médecins, de psychologues et d’infirmiers. D’autres professions sont également mentionnées dans des proportions diverses. Le tabacologue peut donc s’appuyer sur une équipe pluridisciplinaire, ce qui est primordial quand on sait qu’un sevrage tabagique signifie se défaire d’une dépendance à la fois physique, psychologique et comportementale.

Conclusion

L’évaluation réalisée auprès des tabacologues diplômés entre 2002 et 2006 révèle que la formation a un impact positif sur leur pratique professionnelle, en termes d’acquis de connaissances, d’assurance dans l’accompagnement du fumeur et d’élargissement de leur champ d’activité. De plus, la formation semble répondre à une réelle demande du terrain. Les perspectives d’amélioration de la formation concernent principalement l’approfondissement des aspects psychologiques associés au sevrage tabagique et une nécessité d’intégrer encore davantage de pratique. En ce sens, l’approche communicationnelle de l’entretien motivationnel, qui faisait l’objet d’un atelier facultatif, a été intégrée au cursus de base de la formation (3).
Il s’avère donc pertinent de poursuivre l’organisation de cette formation toujours unique en Belgique. En effet, la mobilisation et une formation spécifique des professionnels de santé permet d’augmenter l’accessibilité et la proximité de l’accompagnement à la cessation tabagique, ce qui semble important au regard de la prévalence du tabagisme en Belgique (4) et en se référant aux recommandations des experts concernant la prise en charge du sevrage tabagique (5).
Une mobilisation plus large a également été possible en concertation avec les acteurs du Plan wallon sans tabac de la Région wallonne (6), qui a intégré l’aspect formatif et qui a visé à étendre le réseau des professionnels de santé sensibilisés à la prise en charge du tabagisme.
Françoise Cousin avec l’appui du Comité scientifique «tabac» du Fares (7)
Pour obtenir plus d’informations sur la formation en tabacologie ou sur la formation à l’entretien motivationnel: www.fares.be, tél.: 02 512 29 36, courriel: prevention.tabac@fares.be.
Pour obtenir la liste complète des consultations de tabacologie: http://www.fares.be , ligne Tabac Stop 0800.111.00.

(1) La formation est organisée grâce au soutien de la Région wallonne et du Ministère fédéral de la Santé Publique.
(2) Equipe pluridisciplinaire composée de tabacologues travaillant spécifiquement dans le domaine du tabagisme.
(3) Le Fares propose également une formation spécifique à l’entretien motivationnel. Celle-ci se déroule sur 3 jours et permet d’approfondir spécifiquement les aspects psychologiques associés à un changement de comportement, notamment par la pratique.
(4) En 2008, le pourcentage de fumeurs quotidiens s’élève à 30%, soit 3% de plus qu’en 2007 (enquête réalisée par Ipsos à la demande de la Fondation contre le cancer, novembre 2008).
(5) ‘Les spécialistes de la santé doivent proposer une intervention de désaccoutumance à tous leurs patients qui consomment du tabac . La dépendance au tabac est une maladie chronique qui rend nécessaire des interventions répétées (…) Des thérapies efficaces permettent d’augmenter de manière significative les taux d’abstinence à long terme .’ Fiore MC, Jaen CR, Baker TB et al., Treating Tobacco Use and Dependence, Department of Health and Human Services, Public Health Service, May 2008.
(6) Le comité de pilotage du Plan wallon sans tabac est constitué de représentants du Fonds des affections respiratoires, de la Société scientifique de médecine générale, du Département de médecine générale de l’Université de Liège, de la Fédération des Maisons Médicales, du Service d’Etude et de Prévention du Tabagisme, de l’Association pharmaceutique belge et de la Société scientifique des pharmaciens francophones.
(7) Composition: Prof. Pierre Bartsch, Martial Bodo, Dr. Juan Coulon, Jacques Dumont, Dr. Patrick Emonts, Dr. Jeanine Gailly, Prof. Laurence Galanti, Dr. Véronique Godding, Dr. Pierre Nys, Prof. Jacques Prignot, Caroline Rasson, Prof. Jean-Paul Van Vooren, Dr. Maryse Wanlin.