Avril 2012 Par Christian DE BOCK Editorial

Pour notre système de sécurité sociale en tout cas.
La ‘sortie’ récente de Pedro Brugada , cardiologue à l’UZ-VUB de Bruxelles, n’est pas passée inaperçue, c’est le moins qu’on puisse dire. Son idée, très simple, est de pénaliser les fumeurs invétérés en les obligeant à assumer les conséquences de leur inconséquence, y compris financières. La collectivité n’a pas à supporter les frais occasionnés par ces individus, selon l’éminent spécialiste. Et qu’on ne vienne pas lui dire que le tabac est une drogue dure, il a lui-même fumé et arrêté de fumer sans problème. Simple question de volonté.
De beaux esprits ont trouvé qu’il poussait le bouchon un peu loin, comme Lieven Annemans (universités de Gent et VUB) ou encore Jean Hermesse (Mutualité chrétienne) et Jean-Pascal Labille (Mutualité socialiste).
Pourtant, l’idée est excellente, et, habilement exploitée, elle contribuerait à de formidables économies en matière de soins de santé.
Dans le même ordre d’idée, on pourrait sanctionner les obèses, rien de plus facile que d’objectiver la chose. Votre BMI dépasse la norme, on diminue d’abord vos remboursements proportionnellement s’il est entre 25 et 30, et quand vous êtes dans la zone rouge, on coupe le robinet. Vous consommez plus de 5g de sel par jour, on vous colle une franchise progressive pour chaque gramme de sel excédentaire.
Concernant les maladies chroniques, soyons fermes avec les diabétiques de type 2, c’est de leur faute. Pas besoin de tartiner là-dessus, Brugada y a aussi pensé. Il déclarait au Soir « L’enfant qui naît avec un diabète inné a droit à tous les soins , l’adulte qui attrape la maladie parce qu’il n’adapte pas son style de vie doit être responsable de ses actes et assumer les conséquences de son mauvais comportement .» (1)
Et on aurait tort de s’arrêter en si bon chemin: supprimons les remboursements pour les gens qui boivent un peu trop de vin blanc ou pas assez de vin rouge, pour les automobilistes qui polluent en plus d’être sédentaires, pour les cyclistes qui brûlent les feux rouges, pour les gens qui utilisent les ascenseurs et pas les escaliers, pour les dépressifs, pour les malades mentaux et bien entendu surtout pour les vieux et les handicapés qui ont l’inélégance de concentrer la majeure partie des interventions solidaires de la sécu.
Oui, mais le contrôle de tout ça, direz-vous. On ne va quand même pas sombrer dans l’arbitraire !
Pas de souci, il n’y a plus qu’à créer le Service public fédéral de la police sanitaire (2) pour objectiver toutes les déviances, et nous vivrons enfin dans le meilleur des mondes (3). Il suffisait d’y penser…
Christian De Bock (1) «Il faut pénaliser ceux qui refusent de modifier leur vie», propos recueillis par Frédéric Soumois, Le Soir du 14 février 2012.
(2) En attendant sa régionalisation, mais méfions-nous du laxisme wallon…
(3) À lire ou relire sur ce sujet, la BD ‘définitive’ de Griffo et Van Hamme, ‘S.O.S. Bonheur’ (3 tomes), parue chez Dupuis en 1988 et 1989, qui reste aujourd’hui encore d’une actualité totale (disponible en intégrale).