Cultures&Santé a publié dernièrement un kit d’animation qui vise à expliquer le fonctionnement d’un centre public d’action sociale (CPAS), ses missions et toutes les étapes de la procédure liée à une demande d’aide.
Pourquoi un kit d’animation sur les CPAS ?
L’intérêt de pouvoir disposer d’un outil d’animation sur les CPAS est d’abord apparu chez les acteurs de première ligne, actifs notamment dans les maisons de quartier, les cours d’alphabétisation, l’insertion socio-professionnelle…
Ces professionnels ou bénévoles observent chez leur public une précarité de plus en plus grande, vécue comme un équilibre extrêmement fragile. Un équilibre dans lequel un imprévu peut totalement bouleverser le quotidien d’une personne : une perte d’emploi, une séparation, une hospitalisation… Cet événement peut l’amener à se retrouver sans les ressources nécessaires pour mener une vie conforme à la dignité humaine : se loger, se nourrir, se vêtir, assurer son hygiène, avoir accès aux soins de santé… Autant de besoins de base ayant un impact direct sur le bien-être des individus et sur leur santé physique, psychique et sociale.
Beaucoup d’exclusions du chômage ont eu lieu ces derniers temps, dues à la réforme des allocations d’insertion.
D’autre part, pas mal de demandeurs d’asile récemment arrivés en Belgique ont obtenu le statut de réfugié. Conséquence, ils sont de plus en plus nombreux à se heurter aux obstacles qui parsèment la voie d’accès à l’aide sociale.
Le récent rapport du service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale indique que seuls 35% des exclus du chômage se sont présentés dans les CPAS. Même si on suppose qu’une partie d’entre eux a pu trouver d’autres solutions et d’autres ressources, on peut logiquement se poser la question de savoir ce qu’il est advenu des autres. D’où l’importance d’accompagner ces publics et de travailler en collectif sur les croyances, les représentations, les appréhensions et les freins qui peuvent exister quand on aborde les CPAS et plus largement l’aide sociale.
Ce kit d’animation vient donc en soutien aux professionnels, bénévoles et relais…et à leurs publics. Il permet d’avoir une meilleure connaissance des procédures, d’informer sur les missions et le fonctionnement des CPAS mais invite également à mieux comprendre le rôle de l’aide sociale dans la société et donne des clés pour débattre autour des enjeux qui lui sont liés.
Les CPAS : une action au plus près des déterminants de santé
Si l’octroi du revenu d’intégration est souvent évoqué comme leur rôle par excellence, les CPAS sont aussi actifs dans de nombreux autres domaines. Ils développent des partenariats (avec des associations, des organismes de formations…) et créent un ensemble de services et d’institutions (maisons de repos, crèches, épiceries sociales…) en fonction des besoins locaux.
En raison de la multiplicité de leurs missions, leur rôle est prépondérant dans l’amélioration des conditions de vie des populations les plus fragilisées. Leurs actions touchent à de nombreux déterminants de la santé que sont le logement (exemples : prime d’installation, constitution de la garantie locative…), l’emploi (exemple : article 60), l’énergie (exemple : fonds social mazout), le revenu, et enfin l’accès aux soins de santé, par le biais notamment, de la carte médicale, dispositif indispensable pour assurer une meilleure accessibilité de ces soins aux usagers des CPAS. Dans ce kit d’animation, nous souhaitions mettre en avant les différentes aides en lien avec ces déterminants.
Les aides préventives mises en place par les CPAS sont également moins connues du grand public. De plus, ces services comme la médiation de dette ou l’accompagnement à la réduction de consommation d’énergie sont souvent accessibles à un public plus large que le public bénéficiaire du CPAS.
Un support de littératie en santé
La création et la diffusion du kit CPAS s’inscrit dans une perspective de développement de la littératie en santé des personnes. Ce concept-clé pour Cultures&Santé désigne l’ensemble des capacités qui permettent à l’individu d’accéder, de comprendre, d’évaluer et d’appliquer une information qui s’avère stratégique pour sa santé et celle de ses proches voire de sa communauté. Les informations relatives au fonctionnement de l’aide sociale entrent bien dans ce cadre-ci.
Le kit se compose de divers supports illustrés : une affiche, une ligne du temps, un guide reprenant des repères théoriques et un guide proposant des pistes d’utilisation. Il est destiné aux professionnels et relais de l’éducation, de la santé, de la culture et du social qui souhaitent amener la thématique de l’aide sociale octroyée par les CPAS auprès de groupes d’adultes, également dans un souci de promouvoir leur santé.
L’animation a pour vocation, à travers la création d’un espace d’information mais aussi de dialogue, de fournir des clés de compréhension du système, des clés utiles pour pouvoir accéder à cet ensemble de services contributeurs de santé.
Les personnes qui sollicitent l’aide du CPAS sont confrontées à des procédures complexes, souvent peu accessibles au citoyen lambda et encore moins à celui qui vient d’un autre pays, qui est peu alphabétisé, qui ne maîtrise pas la langue française ou qui dispose de moins de repères pour évoluer dans la complexité de notre société. Agir pour la littératie en santé, c’est donc aussi adapter la communication.
Pour cette raison, une attention particulière a été portée à l’accessibilité du support : communication appuyée par des visuels, utilisation de pictogrammes assurant une certaine neutralité, agencement des informations favorisant leur rétention, intégration dans le kit d’un support mémoire à remettre à chaque participant, guide d’animation incluant des repères permettant à l’animateur de répondre aux questions les plus fréquemment posées, pistes d’animation proposées pour susciter l’échange d’expériences et la mise en situation… Cette élaboration s’est appuyée, en amont, sur un recueil des besoins et des préoccupations au sein de plusieurs groupes cibles et en aval sur des expérimentations de l’animation et en testant la compréhension des supports dans différentes associations d’alphabétisation.
Lors de la réalisation de ce support et des échanges menés avec de nombreux experts, nous avons pu nous rendre compte du labyrinthe que constitue ce système : pas d’uniformisation entre les différentes régions du pays, présence de multiples exceptions aux règles principales, critères d’accès toujours plus nombreux, offres de service variant d’une commune à l’autre… Nous avons dû faire de nombreux arbitrages dans le contenu à présenter afin de rendre tout cela plus lisible pour l’animateur et les participants. L’idée est ici de proposer une information de base permettant à tout un chacun de frapper à la porte d’un CPAS avec un minimum de connaissances.
Mais, cette situation pose tout de même question en termes d’accessibilité. Nous aurons beau faire tous les efforts de communication possibles et imaginables, ceux-ci s’avéreront vains si la tendance ne va pas vers une simplification du système en tant que tel. Toutefois, cette simplification ne devra pas se faire au détriment de l’approche individualisée des aides proposées.
Pour une éducation critique
En tant qu’association d’éducation permanente, nous nous devions également de donner à l’animateur quelques repères pour qu’il puisse mener avec son groupe une réflexion critique et citoyenne sur les tenants et aboutissants du système belge de l’aide sociale.
Il s’agit de mettre en avant le fait que ce système est le fruit d’options politiques prises au cours de l’histoire et qu’il repose sur des mécanismes démocratiques. Il nous paraissait important de pouvoir restituer le sens de ce service public : il existe pour permettre à tout un chacun de mener une vie conforme à la dignité humaine.
Toutefois, l’aide sociale en Belgique est un droit résiduaire c’est-à-dire qu’elle ne peut être accordée qu’après que la personne ait fait valoir ses droits à la sécurité sociale. Alors que la sécurité sociale est fondée sur un principe de solidarité (tout le monde y contribue et en bénéficie), l’aide sociale repose sur une autre approche et d’autres mécanismes de financement.
Or actuellement, avec la montée en puissance de l’État social actif et l’hégémonie des politiques libérales, on assiste à la fois à un phénomène d’érosion de la sécurité sociale qui entraîne un recours plus important des personnes à l’aide sociale, et à un conditionnement toujours plus accru du droit à cette aide. Pour pouvoir en bénéficier, le demandeur doit prouver qu’il en a réellement besoin et qu’il fait des efforts pour la mériter. Avec ces choix politiques, on en arrive très vite, sous couvert d’une plus grande responsabilisation individuelle, à jeter le blâme sur la victime, plutôt qu’à agir sur les causes sociales de la précarité et des inégalités.
Vous l’aurez compris, par la réalisation de ce kit, nous ne légitimons aucunement le recul de l’État providence mais nous souhaitons, tout en suscitant une réflexion critique, rendre plus explicite à tous les publics le fonctionnement d’un dispositif répondant à des besoins individuels essentiels dans la quête d’une meilleure qualité de vie.
Le kit d’animation est disponible gratuitement sur demande auprès de Cultures&Santé: www.cultures-sante.be
‘Services publics et pauvreté. Contribution au débat et à l’action politiques’. Rapport bisannuel 2014-2015. Bruxelles: Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale, 2015, p.111.
Même si certains de ses éléments peuvent venir en appui à une communication interindividuelle (exemple: utilisation de l’affiche par une assistante sociale en consultation), le kit a été créé pour être utilisé dans un groupe. En effet, le collectif constitue, selon nous, un excellent moteur pour informer les personnes et développer leur capacité à exercer leurs droits.
Par exemple, les organes de décisions des CPAS (conseil et comités) sont constitués sur base des résultats des élections communales.
Contrairement à la sécurité sociale, qui est octroyée indépendamment des ressources dont la personne dispose, l’aide sociale, constitue un dernier filet de protection offrant une réponse individualisée aux situations de précarité. Elle est donnée au cas par cas en fonction de l’état des besoins de la personne.
Les CPAS sont financés par l’État fédéral et les communes alors que la sécurité sociale est financée majoritairement par les cotisations sociales.
La réforme sur les allocations d’insertion entrée en vigueur le 1er janvier 2015 en est un exemple.