Juillet 2020 Par Union internationale de Promotion de la santé et d'Education pour la santé (UIPES) Dossier

Déclaration du Groupe de travail de l’UIPES sur les Déterminants sociaux de la santé. Avril 2020.

Auteurs : Ankur Singh, Erma Manoncourt, Sylvie Stachenko, Marilyn Rice et Edmund Agbeve. Traduction française: Sarah Chaput (Réseau francophone international pour la promotion de la santé)

Les conditions sociales et économiques sont des déterminants de la santé et du bien-être des individus et des populations. Les données probantes montrent que le fait d’être sans emploi, de vivre dans un logement inadéquat ou inabordable, de souffrir d’un handicap, de traverser une crise humanitaire, d’avoir un faible revenu et un faible niveau d’éducation, ainsi que plusieurs autres déterminants sociaux de la santé, ont un impact négatif sur la santé mentale et physique de la population. La COVID-19 a causé des perturbations sans précédent à l’échelle internationale et ses déterminants tout comme ses conséquences sont influencés par des facteurs sociaux, politiques et économiques.Nous soutenons que la crise actuelle aura pour effet d’aggraver les inégalités sociales de santé tant dans l’immédiat qu’à long terme, entre les pays et au sein des pays, à moins que des réponses à tous les niveaux décisionnels prennent en considération ses origines et ses conséquences économiques et sociales. Il serait naïf d’imaginer que la COVID-19 a une incidence égale sur tous les niveaux de désavantage social, que ce soit au niveau individuel ou populationnel.

Depuis sa première éclosion, la pandémie de COVID-19 a mené à la fermeture des frontières, conduit au confinement de pays entiers, mis à l’épreuve les systèmes de santé partout dans le monde et mis sur pause de nombreuses économies. Le nombre de cas positifs a dépassé le million et les décès continuent d’augmenter, avec peu de nations épargnées. Après avoir paralysé plusieurs pays d’Europe, d’Amérique du Nord, d’Océanie et d’Asie, la pandémie ne s’est pas encore déployée dans toute son ampleur dans de nombreux autres pays, en particulier les pays à revenu faible ou intermédiaire.

Le lien entre les inégalités sociales et les maladies non transmissibles (MNT) comme le diabète, les maladies cardiovasculaires, les cancers et leurs facteurs de risque, tout comme le lien avec leur degré de sévérité, est bien établi. Par exemple, les expériences passées ont montré que les individus socialement et économiquement défavorisés sont plus susceptibles de souffrir de MNT. Par ailleurs, les données probantes épidémiologiques émergentes sur la COVID-19 montrent que les personnes souffrant déjà de problèmes de santé et celles en situation de handicap présentent un risque accru de conséquences graves si elles sont infectées. Les populations autochtones et aborigènes ainsi que les minorités ethniques et raciales sont aussi plus à risque de subir les effets négatifs de la COVID-19 en raison de leurs antécédents d’accès limité à des ressources favorables à la santé et de leur exposition accrue aux risques pour la santé.

Plusieurs études montrent que le chômage et le sous-emploi, les mauvaises conditions de vie et de logement, le manque de soutien social et la faible cohésion sociale ont des effets néfastes sur la santé physique et mentale des individus à la fois à court et à long terme. Sans support social adéquat et sans filet de sécurité sociale, les mesures de santé publique générales comme le confinement et les restrictions imposées au marché du travail risquent de se heurter à une résistance et/ou à un faible respect des mesures de la part de la population. Ceci peut mener les personnes socioéconomiquement défavorisées à choisir un emploi et à prendre des décisions plus risquées pour assurer leur subsistance.

Bien qu’elle soit une excellente mesure de santé publique pour prévenir la propagation du virus dans la population, la fermeture des frontières a entraîné des perturbations et aliéné une population habituée aux déplacements. L’exode massif de migrants en Inde est un exemple de ce phénomène. Un autre exemple est celui des individus titulaires d’un visa étudiant ou temporaire (de visiteur ou de travail) qui font souvent face à une double impasse, n’étant ni éligibles aux services sociaux et aux soins de santé de leur pays d’origine, ni à ceux de leur pays d’accueil. C’est l’un des nombreux visages de cette pandémie qui engendre une nouvelle forme d’inégalité en matière de santé, sauf dans le cas où les gouvernements assument l’entière responsabilité des migrants temporaires. Sur une note positive, le Portugal a été proactif dans l’identification de ce problème et a donc révoqué ses critères d’éligibilité pour l’accès aux services sociaux et de santé. Les travailleurs sans papiers, les demandeurs d’asile et les personnes victimes de crises humanitaires sont des groupes de population négligés qui sont dépourvus de services sociaux et de santé et qui sont moins susceptibles de demander ou d’accéder à ces services par crainte d’être expulsés ou déplacés.

On sait que les professionnels de santé présentent un risque élevé d’infection, ce qui pourrait entraîner une pénurie de ce personnel disponible pour aider à répondre à la pandémie. Les personnes âgées et les personnes handicapées comptent sur les aidants qui sont aussi fortement affectés par les règles de distanciation physique. Comme chaque pays se concentre sur la crise de la COVID-19 au niveau national cela peut aussi vouloir dire que les pays à revenu élevé ne vont peut-être plus apporter de ressources ni leur soutien aux pays à revenu faible ou intermédiaire (PRFI) où la pandémie ne s’est pas encore déployée.

Il est donc essentiel que les organisations mondiales et les partenariats mis en place canalisent les ressources vers ces pays pour leur permettre de réduire ou d’atténuer les conséquences de la COVID-19. Le confinement peut paralyser des économies qui étaient déjà en situation difficile, les PRFI ne disposant pas de ressources suffisantes pour se permettre un processus de fermeture-redémarrage de l’économie. De nombreux PRFI font toujours face au double fardeau des maladies infectieuses et des maladies non transmissibles en raison de mauvaises conditions de logement et d’assainissement, la recette idéale pour la propagation incontrôlée du coronavirus due à une mauvaise hygiène.

Des millions de personnes ont déjà été poussées au chômage ou sont sur le point de l’être. Les systèmes de santé sont mis à rude épreuve, lorsqu’ils ne se sont pas déjà effondrés. À ce jour, une bonne hygiène et la distanciation physique sont les seuls remèdes préventifs connus. Le développement d’un vaccin et son accessibilité à grande échelle ne sont pas envisageables de sitôt. La dépendance accrue des personnes à l’égard des gouvernements et des systèmes publics de protection sociale et de santé est sans précédent. Dans ce contexte, un soutien social adéquat et généreux ainsi qu’un accès universel aux services de santé devraient être envisagés tout autant qu’une intervention forte de contrôle de l’infection, ou que la recherche d’un médicament. C’est particulièrement vrai pour les populations qui sont désavantagées socialement et économiquement et qui souffrent de discrimination.

Il y a cependant un côté positif à cette crise. La COVID-19 est en train de redéfinir nos sociétés. Les personnes qui travaillent dans les supermarchés, les livreurs qui entretiennent les chaînes d’approvisionnement de la ferme et des usines jusqu’aux consommateurs et ceux qui sont impliqués dans le nettoyage sont parmi les rares dont le travail est jugé essentiel dans tous les pays. Leur contribution est inégalée. Souvent, ces travailleurs ont un faible revenu et occupent des emplois précaires, ce qui les expose à un risque élevé de mauvaise santé mentale et physique. C’est une autre facette de la COVID-19 qui a émergé soulignant que de tels arrangements sociaux injustes doivent être contestés. Malgré ses défis, la crise de la COVID-19 présente une opportunité unique de restructurer nos sociétés de manière à réduire les inégalités sociales au sein des pays. Alors que les personnes n’ont pas d’autre choix que de dépendre de la technologie, de nouvelles façons d’améliorer l’engagement social et d’unifier les possibilités pour les zones reculées et dans les villes à l’aide de plateformes en ligne sont en cours de création, ce qui pourrait réduire les inégalités sociales et économiques. Enfin, le coronavirus a placé les considérations éthiques et humaines au coeur des délibérations économiques nationales et mondiales.

Le coronavirus ne fait pas de distinction entre les riches et les pauvres. Toutefois, la capacité des individus, des communautés et des pays à faire face à la pandémie et à ses effets diffère selon leur position sociale et économique. Pour éviter d’aggraver les inégalités, nous suggérons ce qui suit :

  • Premièrement, à court terme, des soins de santé de haute qualité doivent être garantis pour tous, quelle que soit leur condition sociale et économique.
  • Deuxièmement, des dispositions généreuses de soutien social doivent garantir un niveau minimal de revenu, de logement et de sécurité alimentaire à ceux qui subissent les effets immédiats de l’épidémie, avec un plan pour le rétablissement d’une sécurité à long terme.
  • Troisièmement, bien que tous les pays soient à risque, les pertes subies par les PRFI seront plus importantes en raison des pressions existantes sur leur système de santé et leur système économique. Les pays à revenu élevé doivent les soutenir et déployer des ressources pour minimiser les pertes catastrophiques au sein des PRFI.
  • Quatrièmement, la collaboration et la coordination entre les experts de la lutte contre les maladies sont essentielles pour définir les meilleures orientations possibles, qui devront être continuellement révisées à mesure que de nouvelles leçons sont apprises sur ce virus unique. Un leadership mondial sera essentiel pour y parvenir, avec un accent particulier sur les populations défavorisées et celles difficiles à atteindre.
  • Cinquièmement, il va falloir développer des messages communs de promotion de la santé et de prévention des maladies en se fondant sur les connaissances les plus récentes sur la transmission, la prévention et les conditions de rétablissement des maladies, et les diffuser via les canaux de communication les plus appropriés qui ont une large portée.
  • Enfin, l’impact des inégalités sociales, économiques et de santé existantes doit être pris en compte dans toute réponse mondiale, nationale ou locale à la COVID-19.

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