Juin 2009 Par Colette BARBIER Données

Dans les lignes qui suivent, Éducation Santé vous livre l’essentiel du chapitre consacré au dépistage du cancer du sein dans le Tableau de bord de la santé en Communauté française (1).
En 2003, la Fondation Registre du Cancer a recensé 9053 nouveaux cas de cancer du sein féminin, en Belgique. Cela équivaut à un taux d’incidence de 171/100 000 femmes par an.
En Région wallonne, 2 654 cancers du sein féminin ont été enregistrés pour la même année, soit un taux d’incidence de 142/100 000 femmes. Pour la Région bruxelloise, 802 cancers du sein ont été dénombrés, soit un taux d’incidence de 149/100 000 femmes (2).
Le cancer du sein représente une priorité pour la Communauté française, non seulement du fait de son impact sur le plan médical et psychologique, mais aussi parce que, au niveau de la santé publique, il est le plus fréquent des cancers féminins et qu’il représente la première cause de mortalité par cancer chez la femme.

La mortalité

Ainsi, en 1997, 2 416 décès par cancer du sein ont été enregistrés en Belgique, ce qui correspond à 4,7 % de tous les décès féminins. La même année, en Région wallonne, 818 femmes sont décédées d’un cancer du sein, tandis qu’à Bruxelles, on dénombrait 220 décès par cancer du sein.

Une campagne adaptée à la réalité multiculturelle bruxelloise

Les stars qui assurent une partie de leur corps, voilà un phénomène qui existe depuis bien longtemps. Fred Astaire et Jamie Lee Curtis avaient assuré leurs jambes, Bruce Springsteen sa voix, Keith Richards sa main. Et les seins? Cela s’est déjà vu aussi. La célèbre poitrine de Dolly Parton, par exemple. Aujourd’hui, ‘notre’ Miss Belgique, Zeynep Sever , vient compléter cette liste.
Dans la méthode que propose Zeynep pour assurer ses seins, il n’est en rien question d’image, et encore moins d’argent, mais de santé.
En collaboration avec Miss Belgique et Brumammo, le Centre bruxellois de coordination pour le dépistage du cancer du sein, la campagne a pour objectif d’attirer l’attention des Bruxelloises de 50 à 69 ans sur l’importance du dépistage du cancer du sein. Pourquoi? Parce que les Bruxelloises de cette tranche d’âge ne prêtent pas encore suffisamment attention à la santé de leurs seins. Et elles ne sont pas assez nombreuses à faire le mammotest gratuit.
Pour le Ministre bruxellois de la santé Benoît Cerexhe , « les pouvoirs publics doivent mettre tout en œuvre pour promouvoir le dépistage du cancer du sein car , grâce à ce type de prévention , la maladie peut être traitée à temps et de façon plus efficace . Certaines femmes ont déjà contracté la maladie , et l’ignorent . Ce sont ces femmes que nous souhaitons toucher au travers de la campagne ».
En tant que Bruxelloise d’origine turque, Zeynep est le symbole de la diversité cosmopolite de Bruxelles. « En l’utilisant comme figure de proue , nous espérons toucher les différents groupes de population », explique l’autre ministre bruxellois de la santé, Guy Vanhengel . « Et sa maman va aussi participer à la campagne , car ce sont bien évidemment les femmes entre 50 et 69 ans que nous voulons encourager à effectuer un mammotest ».
D’après un communiqué par Brumammo le 20/04/2009

Selon certaines estimations, l’espérance de vie à la naissance chez les femmes passerait de 80,5 à 81,2 ans si le cancer du sein était complètement éliminé des causes de décès en Belgique.

Évolution de l’incidence dans le temps

Le rapport confirme l’augmentation continuelle de l’incidence du cancer du sein depuis les années 80, dans l’ensemble du monde. Selon de nombreux auteurs, cet accroissement est dû en grande partie au perfectionnement des méthodes diagnostiques et au dépistage. Ceux-ci révèlent en effet des petits cancers très faiblement évolutifs qui auraient pu rester méconnus.

Évolution de la mortalité dans le temps

Le risque de décéder d’un cancer du sein reste néanmoins assez stable depuis les années 80 dans l’ensemble du monde et diminue même dans certaines régions. S’il y a plus de cancers, ceux-ci n’entraînent pas plus de décès. Cette relative stabilité du taux de mortalité est à mettre en relation avec l’amélioration des traitements et la plus grande précocité du diagnostic.
Au milieu des années 80, le taux de mortalité égalait 35-36 pour 100 000, en Belgique. Depuis lors, ce taux reste stable et diminue même un peu chez les femmes en pré-ménopause.

Les facteurs démographiques

L’âge est un facteur important dans l’apparition du cancer du sein car le risque de souffrir d’un cancer du sein varie au cours de l’existence. Plus de 75% des cas surviennent en effet après 50 ans. En 2003, 22,4 % des cancers du sein sont apparus avant l’âge de 50 ans. Dans la tranche 50-69 ans, ce sont 50,4 % des cancers qui ont été dénombrés. 27,2 % des cancers du sein furent enregistrés à partir de 70 ans.
De même en ce qui concerne les décès, l’âge est un facteur important, les taux de mortalité par cancer du sein augmentant avec l’âge. Ainsi, en 1997, 11,6 % des décès par cancer du sein sont survenus avant l’âge de 50 ans. Entre 50 et 69 ans, 40,7 % de décès par cancer du sein furent dénombrés. 47,7 % de ces décès concernaient les femmes de 70 ans et plus.

Les facteurs socio-économiques

D’une part, le rapport met en évidence le fait que le taux d’incidence du cancer du sein est plus élevé chez les femmes ayant un statut socio-économique élevé (niveau d’éducation ou de revenu). Les raisons de cette différence relèvent soit d’une augmentation des facteurs de risque (grossesse tardive, premières règles à un âge plus jeune, ménopause à un âge plus tardif, consommation d’oestrogènes, obésité, consommation d’alcool, mais aussi diagnostic plus fréquent dû à un meilleur accès au dépistage), soit d’une diminution des facteurs protecteurs (allaitement moindre, nombre d’enfants plus faible).
D’autre part, la survie au cancer du sein est par contre moins bonne chez les femmes défavorisées sur le plan socio-économique par rapport aux femmes ayant un statut plus élevé. Plusieurs hypothèses sont proposées: un retard de diagnostic, un traitement différent, une moindre résistance liée à une nutrition de moins bonne qualité, à la présence de co-morbidité ou au support social plus faible. Le dépistage est également moins fréquent chez les femmes qui disposent de faibles revenus ou qui ont renoncé à des soins pour des raisons financières.

Les facteurs socioculturels

Le mode de vie occidental est particulièrement associé au cancer du sein. À Bruxelles, il a été montré que les femmes d’origine non européenne de plus de 55 ans ont un risque plus faible de développer un cancer du sein par rapport aux femmes belges. Le rôle des facteurs protecteurs (nombre d’enfants, allaitement) semble jouer un rôle important face à ce phénomène.
Par ailleurs, la culture influence la sensibilisation des femmes à la problématique du cancer du sein, sensibilisation qui intervient notamment dans la motivation au dépistage et au diagnostic. Ainsi, l’Enquête de santé par interview de 2004, indique que le pourcentage de femmes de 50-69 ans ayant passé un examen de dépistage dans les deux ans est de 72 % pour les femmes belges, 71 % pour les non-belges ressortissantes de l’Union européenne mais de 14 % seulement pour les femmes originaires d’un pays n’appartenant pas à l’Union.
Un effort semble donc nécessaire pour favoriser l’accès au dépistage. Plusieurs obstacles existent cependant. Tout d’abord, au niveau de l’accès à l’information: mauvaise compréhension du français, faible usage des médias belges, illettrisme… Ensuite dans le domaine des croyances et des représentations: l’image du cancer est tellement négative que le sujet est tabou (en parler, c’est le provoquer). Il y a aussi l’absence d’une culture de la prévention, la peur d’être ‘obligée’ de rencontrer des médecins masculins, etc.
Comme chaque culture possède son langage, ses références et ses résistances, il est donc nécessaire d’adapter les messages. Le rôle du médecin traitant est particulièrement souligné dans ce domaine car il s’agit d’une personne proche, crédible et qui connaît bien ses patientes. Des actions de proximité par le milieu associatif devraient également être prévues.

Les facteurs individuels

La prédisposition génétique au cancer du sein est clairement démontrée. Parmi les mutations génétiques associées au cancer du sein, les gènes BCRA1 et BCRA2 sont concernés mais de nouveaux gènes susceptibles d’être impliqués dans le développement de cette pathologie sont régulièrement évoqués.
L’hérédité : les femmes dont une parente au premier degré (mère, sœur ou fille) a eu un cancer du sein ont un risque 2 à 3 fois plus important de développer cette maladie. Ce risque existe aussi chez les femmes qui ont une parente au second degré touchée par ce cancer.
Des antécédents personnels, comme le cancer de l’endomètre ou de l’ovaire ainsi que l’hyperplasie atypique bénigne du sein, sont associés à un risque de développer une tumeur maligne du sein.
Les facteurs hormonaux , à savoir l’exposition totale et cumulative du tissu mammaire aux oestrogènes, semblent le facteur le plus important du cancer du sein. Plus il y a de cycles menstruels entre la puberté et la ménopause, plus le risque de développer un cancer du sein est élevé. Cela entraîne un risque augmenté chez les femmes qui ont commencé leurs menstruations à un âge précoce (avant 12 ans), chez celles qui atteignent tardivement la ménopause (après 55 ans), chez celles qui n’ont pas eu d’enfant et chez celles qui ont eu leur premier enfant après l’âge de 30 ans. Par ailleurs, les traitements à base d’oestrogènes et de progestatifs tels que donnés à la ménopause sont associés à une augmentation du risque de développer un cancer du sein et sont déconseillés après un diagnostic de cancer du sein.
L’obésité et surtout la plus grande abondance de tissu adipeux est associée au cancer du sein. C’est surtout un excès de poids en début de ménopause qui entraîne une incidence plus élevée de cancers en postménopause.
La consommation excessive d’alcool est aussi un facteur de risque de cancer du sein.
Parmi les facteurs protecteurs, citons l’exercice physique, l’allaitement prolongé et la consommation d’aspirine.

Politiques et stratégies

En juin 2002, le programme de dépistage systématique et gratuit du cancer du sein démarrait en Communauté française.
Selon l’Agence Intermutualiste (AIM), en 2004-2005, le mammotest concernait près de 25 % des femmes de 50 à 69 ans, mais seulement 8,8 % des femmes en Région wallonne et 6,6 % à Bruxelles. Par contre, 46 % des femmes de 50 à 69 ans en Région wallonne et 45 % à Bruxelles ont bénéficié de la couverture par mammographie en-dehors du programme organisé.

Communication

‘Un mammo quoi? Un mammotest’, DVD élaboré par l’Observatoire de la Santé du Hainaut et réalisé par le Secteur audiovisuel de la Direction générale des affaires culturelles de la province, a remporté le premier prix dans la catégorie Information des patients du Festival FILMED d’Amiens.
Cette vidéo est composée de 3 courtes séquences présentant un micro-trottoir, des témoignages et une description de l’examen. Il donne la parole à des femmes du Hainaut, mettant en scène de manière concrète les freins et leviers à la participation au programme de dépistage, jugée insuffisante en Communauté française.
Il vise en particulier les femmes de milieux populaires: les dialogues ont été conçus par les participantes aux ateliers d’un Espace citoyen carolorégien, qui jouent leur propre rôle.
Observatoire de la Santé du Hainaut. Tél.: 065 87 96 00. Fax: 065 87 96 79. Courriel: observatoire.sante@hainaut.be

Si le mammotest présente des lacunes et nécessite un réel investissement de tous les acteurs pour rendre le projet efficace, le Dr Pascale Jonckheer , auteur du chapitre consacré au dépistage du cancer du sein, explique son peu de succès par le fait que « d’une part , les experts et certaines revues scientifiques ont remis en question le mammotest . D’autre part , avant l’arrivée du programme , le dépistage par mammographie couplée à l’échographie était déjà bien implanté en Communauté française . Si , comme ce fut le cas en Flandre , aucune autre stratégie de dépistage n’avait déjà existé auparavant , le mammotest aurait certainement mieux démarré
Colette Barbier
GODIN I., De SMET P., FAVRESSE D., MOREAU N., PARENT F. (eds), Tableau de bord de la santé en Communauté française de Belgique, Service communautaire en promotion santé SIPES (ESP-ULB), Bruxelles, 2007.
Il peut être téléchargé en PDF aux adresses suivantes : http://www.sante.cfwb.be ( rubrique Publications et périodiques , Promotion de la santé et prévention ) et http://www.ulb.ac.be/esp/sipes ( onglet Publications ). (1) Voir ‘Le tableau de bord de la santé en Communauté française’, Éducation Santé n° 236, juillet 2008, http://www.educationsante.be/es/article.php?id=1039
(2) Les responsables du Registre signalent qu’un risque de sous-estimation des taux de cancer est possible en Région wallonne et à Bruxelles, les sources de données de ces deux régions étant encore incomplètes malgré l’amélioration récente de leur couverture.