Juin 2007 Par B. SWENNEN M.-C. MIERMANS K. LEVIE Stratégies

A côté du Programme quinquennal de promotion de la santé, la Communauté française s’est dotée d’un Plan communautaire opérationnel (PCO) (1). Tout en rappelant un ‘fondamental’ de la promotion santé, à savoir l’importance d’une approche globale de la santé, de la prévention, de la médecine préventive, le PCO décline sept problématiques prioritaires. Nous vous proposons de faire le point à leur propos à partir de ce numéro, au départ de la réflexion du Conseil supérieur de promotion de la santé. C’est la politique de vaccination qui ouvre la série.

Introduction

La lutte contre les maladies évitables par la vaccination s’inscrit dans les objectifs de santé au niveau de la Communauté française et fait à ce titre partie du PCO.
Depuis 1989, Provac, association interuniversitaire, anime en collaboration avec l’Administration le programme de vaccination en Communauté française.
La première année du PCO (2006), correspondait ainsi à la dernière année du projet 2003-2006 de Provac, engagé lors de la précédente législature. Au cours de ce projet triennal, Provac a participé à la définition des objectifs du PCO pour ce qui concerne le programme de vaccination.
Le PCO formule des objectifs de niveau 1 et de niveau 2 pour chaque domaine. Pour le programme de vaccination, l’objectif de niveau 1 du PCO est de «susciter l’adhésion maximale de la population et des professionnels aux recommandations vaccinales résumées dans le calendrier vaccinal approuvé par le Gouvernement de la Communauté française. (c’est-à-dire, selon le cas, augmenter ou maintenir les taux de couverture vaccinale). Il faut aussi adopter des stratégies adaptées pour les populations fragilisées et les migrants.»
Cet objectif général se décline en trois objectifs de niveau 2:
-développer les connaissances et la motivation de la population vis-à-vis de la vaccination;
-permettre l’accès maximal aux vaccins des publics-cibles retenus par la Communauté française;
-assurer la cohérence et la pertinence du programme de vaccination.
Au cours de la première année du PCO, Provac a donc mis en œuvre différentes actions qui permettent de rencontrer les objectifs fixés par le PCO. Certaines de ces actions s’inscrivent de façon récurrente dans l’organisation du programme.

Actions réalisées selon les objectifs du PCO

Développer les connaissances et la motivation de la population vis-à-vis de la vaccination

Quatre actions spécifiques sont réalisées pour rencontrer cet objectif. Ces actions visent d’une part la population générale, plus particulièrement les parents de nourrissons et d’enfants en âge scolaire, d’autre part le public professionnel des structures préventives (ONE, services PSE et CPMS) et de première ligne (médecins généralistes et pédiatres).
Pour approcher la population et l’informer des vaccinations utiles, le programme s’est doté de plusieurs outils d’information: des dépliants et depuis 2006, une brochure plus étoffée pour aider les parents à mieux comprendre les enjeux de la vaccination.
Depuis plusieurs années, le programme édite deux dépliants: «Quels vaccins pour protéger votre bébé?» et «L’âge des rappels de vaccination». Etant donné l’évolution rapide des recommandations vaccinales, ces deux dépliants font annuellement l’objet de mise à jour. Le premier est mis à disposition des parents via les services de l’ONE et des vaccinateurs privés, le second est distribué de façon systématique par les services PSE aux élèves de troisième maternelle et de sixième primaire, âges auxquels les vaccinations de rappel sont recommandées. En 2006, la présentation des dépliants est restée semblable, seuls les contenus ont été mis à jour: introduction de la recommandation de la vaccination pneumocoque dans le dépliant «nourrisson» et restructuration du dépliant «L’âge des rappels de vaccination» en raison de la modification du rythme des visites médicales en médecine scolaire (suppression de la visite en première primaire) ayant entraîné la modification de la stratégie vaccinale pour l’organisation de la vaccination de rappel à 5 – 6 ans.
La nouvelle brochure destinée aux parents d’enfants de 0-2 ans: «Vacciner? Mieux comprendre pour décider» est un nouvel outil pour le programme. L’idée de cette brochure est née du constat de la carence de ce type d’outil éducatif, de la demande de certains parents d’être mieux informés sur la vaccination ainsi que de la demande des TMS de pouvoir disposer d’une brochure présentant les maladies évitables par la vaccination.
Cette brochure a pour objectif de stimuler la réflexion individuelle et collective sur la vaccination de façon attractive. Elle a été réalisée en partenariat avec l’ONE et est le fruit d’une démarche d’assurance de qualité.
Elle s’adresse aux parents d’enfants de 0 à 2 ans, qui veulent mieux comprendre les arguments actuels à mettre dans la balance en matière de vaccination et qui veulent prendre une part active dans la décision de vacciner leur enfant. Un certain niveau de compétence linguistique est nécessaire pour aborder ce document.
Cette brochure est disponible depuis juin 2006 auprès des vaccinateurs. Avant toute mise à jour, son utilisation sera évaluée et le contenu éventuellement modifié ou complété.

Le public professionnel doit également être ciblé pour améliorer ses connaissances théoriques et pratiques du programme de vaccination.
Cette année, Provac s’est intéressé aux moyens de sensibiliser les jeunes médecins qui démarrent leur spécialisation en médecine générale au programme de vaccination et au rôle de la Communauté française dans la lutte contre les maladies évitables par la vaccination. Un «Kit vaccination» a ainsi été remis à tous les candidats, via les services universitaires de médecine générale. Ce kit présente tous les documents disponibles à la fois pour le grand public mais également pour l’organisation de la pratique vaccinale du médecin: titres d’accès pour la constitution d’un stock de vaccins, dépliants, brochure, mémo du calendrier vaccinal, fiches des recommandations du Conseil supérieur de la santé (ex Conseil supérieur d’hygiène), cartes de vaccination, carnet de formulaire de commande des vaccins auprès de la Communauté française ainsi que les documents rassemblés par le Service de surveillance des maladies infectieuses (Liste des maladies transmissibles à déclaration obligatoire et Carnet de déclaration obligatoire des maladies).
Provac privilégie également le contact avec les professionnels en participant activement aux activités de formation continuée à la fois auprès de TMS (deux demi-journées vaccination organisées par le service formation de l’ONE), des équipes médicales des services PSE et CPMS (3 fois une demi-journée décentralisée organisées par Provac), participation aux séminaires de formation continuée des généralistes (DUMG, CUMG, dodécagroupes, Glems…).
Les quatre actions réalisées pour rencontrer l’objectif «Développer les connaissances et la motivation de la population vis-à-vis de la vaccination» ont donc visé à la fois la population générale et celle des professionnels. Ces actions s’inscrivent dans la continuité; elles seront poursuivies au cours des prochaines années du PCO. Elles sont et seront à chaque fois organisées en tenant compte de l’actualité vaccinale: que ce soit l’introduction d’une nouvelle recommandation, la mise à disponibilité de nouveaux vaccins dans le circuit de distribution organisé par la Communauté française, etc.

Permettre l’accès maximal aux vaccins des publics- cibles retenus par la Communauté française

En pratique, l’efficacité théorique de la prophylaxie vaccinale ne sera atteinte que si la couverture vaccinale est élevée. Pour ce faire, il faut pouvoir garantir un large accès aux vaccins pour les groupes de population concernés. La garantie de la liberté du choix du vaccinateur est un deuxième paramètre important à respecter dans l’organisation de notre système de soins.
Pour garantir à la fois cette liberté de choix et l’accès aux vaccins, le programme a développé la notion de «titre d’accès aux vaccins». Ce système permet au programme de fournir aux publics-cibles qu’il a définis un droit d’accès aux vaccins qui leur sont destinés, tout en respectant leur choix du médecin vaccinateur.
Ainsi, depuis 2001, l’insertion dans le Carnet de l’enfant des vignettes donnant accès aux vaccins recommandés, permet à chaque parent de nourrisson d’obtenir gratuitement les vaccins nécessaires pour compléter le programme de vaccination de leur enfant auprès du médecin de leur choix. Cette insertion de vignettes dans le Carnet de l’enfant se fait avec la collaboration de l’ONE qui assure la distribution du Carnet à tous les nouveau-nés. Si l’on considère le prix de l’ensemble des vaccins proposés aux nourrissons, ce feuillet avait une valeur potentielle de 150€ en 2006 et vaudra près de 300€ en 2007! 90% des parents de nourrissons, interrogés lors des enquêtes de couvertures vaccinales se montrent très satisfaits de ce système.
Suivant les mêmes principes d’accessibilité aux vaccins et de liberté de choix du vaccinateur, une distribution des vignettes est organisée via les services PSE et CPMS auprès des élèves de 3e maternelle et de 6e primaire. Elle assure l’accès aux vaccins utiles pour les vaccinations de 5-6 ans et de 11-12 ans.
Les budgets nécessaires à l’achat de tous les vaccins recommandés sont, depuis l’accord interministériel de 2003, répartis entre le niveau fédéral et les communautés suivant une clef 2/3 – 1/3. Au cours de l’année 2006, les responsables du programme de vaccination ont œuvré à la préparation de la conférence interministérielle des ministres de la santé au cours de laquelle fut acceptée l’introduction du vaccin contre le pneumocoque dans les circuits de distribution des communautés. Cet accord a pris effet en janvier 2007.

Assurer la cohérence et la pertinence du programme de vaccination

Pour assurer la cohérence et la pertinence du programme de vaccination, Provac a, en 2005-2006, poursuivi 3 axes de travail: tout d’abord celui, essentiel, de la concertation intersectorielle, ensuite celui de l’évaluation et enfin celui de la réflexion sur l’organisation du centre de référence vaccination, dans le cadre de l’arrêté sur la prévention.
Fin 2005, dans le cadre de la Semaine européenne de la vaccination proposée par le bureau régional de l’OMS pour l’Europe, Provac a organisé le colloque «Élimination de la rougeole». Ce colloque s’inscrivait dans la poursuite des efforts de sensibilisation des professionnels à l’objectif d’élimination de la rougeole et de la rubéole congénitale dans la région pour 2010. Au cours de ce colloque, il a été montré comment la cohérence du programme par rapport à l’objectif d’élimination de la rougeole est assurée par l’organisation concertée de diverses stratégies: législatives, administratives, de communication, de diffusion d’outils d’éducation à la vaccination et de formation.
Toujours soucieux de la collaboration avec tous les intervenants de la vaccination, Provac a mis sur pied un groupe de travail PSE pour préparer les 3 demi-journées décentralisées organisées en juin 2006 et qui permettent un échange en proximité avec les équipes des services PSE et CPMS. Enfin il faut rappeler le partenariat avec l’ONE, déjà mentionné plus haut, plus particulièrement avec le Collège des Pédiatres et le Service Éducation Santé pour réaliser la brochure «Vacciner? Mieux comprendre pour décider».
Au cours de cette année 2006, Provac a fait le constat que, depuis la suppression de la Commission Vaccination du Conseil supérieur de promotion santé, l’absence d’un lieu de concertation entre tous les intervenants de la vaccination constituait un obstacle à la cohérence de la politique vaccinale. Provac a dès lors inclus dans son nouveau projet de convention la possibilité de réunir un «Comité de concertation intersectoriel de la vaccination».

L’évaluation régulière des couvertures vaccinales permet de suivre l’adhésion de la population aux recommandations émises par le programme pour contrôler les maladies évitables par la vaccination. Les recommandations se modifiant au cours du temps, il est essentiel d’en vérifier le suivi. Cela se fait par des enquêtes d’une part auprès d’échantillon d’enfants de 18 à 24 mois pour la vaccination des nourrissons (enquêtes réalisées tous les 3 ans) et d’autre part auprès d’un niveau scolaire soit la 6e primaire soit la deuxième primaire en alternance. En 2006, deux enquêtes ont été réalisées, l’une auprès des nourrissons et l’autre auprès de la 6e primaire. A titre d’exemple, ces enquêtes ont notamment mis en évidence l’amélioration des couvertures de la première et de la deuxième dose de vaccin RRO. Pour les nourrissons le RRO1 est passé de 82,7% en 2003 à 89,0% en 2006. La couverture du RRO2 en 6e primaire est, quant à elle, passée de 65,6% en 2004 à 70,5% en 2006. Ces améliorations confortent le programme dans les stratégies mises en place. Dans le PCO, il est fait mention de la création d’un Centre de référence vaccination pour la Communauté. Ce centre devrait permettre de renforcer la cohérence et surtout la pérennité du programme. Sur ce point, aucune avancée importante n’a pu être réalisée au cours de la première année du PCO. De nombreuses questions restent en suspens: quel en serait le cadre légal? Quel type de pilotage devrait-il assurer? Quels liens avec le Conseil supérieur et la Direction générale de la santé?

Conclusion

La première année du PCO a été pour la prévention vaccinale une année inscrite dans la continuité du programme, riche en actions diverses.
Pour poursuivre, dans le cadre du PCO, le travail en faveur du programme de vaccination, Provac a soumis un nouveau projet de cinq ans, qui met l’accent sur 5 enjeux majeurs:
-le renforcement de la structuration du programme par la mise en place du Comité de concertation intersectoriel vaccination (CCIV) et par l’élaboration du Centre de référence vaccination;
-le maintien de l’adhésion de la population à la prévention vaccinale;
-la preuve pour 2010 de l’élimination de la rougeole et de la rubéole congénitale dans notre Communauté;
-l’introduction de nouveaux vaccins dans le calendrier vaccinal du nourrisson (vaccination contre le Pneumocoque et le Rotavirus) et de l’adolescent (vaccination contre le Virus papillome humain);
-la création d’un registre de la vaccination en Communauté française et le maintien des enquêtes de couverture vaccinale.
Béatrice Swennen , Marie-Christine Miermans , Karin Levie , Provac

(1) Voir BOUCQUIAU A., LONFILS R., TREFOIS P., Le Plan communautaire opérationnel de la Communauté française , Education Santé n° 214, août 2006.