Message prononcé lors de la dernière séance du Conseil Supérieur de promotion de la santé à Bruxelles, le 4 décembre 2015.
Savez-vous combien d’entre nous faisions déjà partie de la première composition du Conseil? J’ai vérifié, nous sommes neuf membres de la première heure, dont sept sont présents aujourd’hui. Comme quoi la promotion de la santé conserve!
Le temps des pionniers
La première fois que j’ai mis les pieds ici au Ministère, c’était en 1992 je crois, du temps de la Cellule permanente éducation santé, qui, bien que permanente comme son nom l’indique, dura beaucoup moins longtemps que notre Conseil.
De cette époque héroïque, je me souviens en particulier de deux choses: d’abord des tout débuts de ce qui allait devenir la Commission d’avis sur les campagnes radiodiffusées, notre petit groupe ayant été épaulé à son démarrage par un grand publicitaire belge à la retraite, qui, confronté à l’enthousiasme des demandeurs d’espaces gratuits nous rappelait régulièrement que «Trop de pub tue la pub».
Une formule qui vaut pour bien des domaines et qui, associée à la publicité, ne manquait pas de piquant venant d’un professionnel qui avait pollué nos cerveaux pendant des dizaines d’années. Cela dit, entre nous, le nombre de campagnes que nous avons dû subir depuis 1995 pour la bonne cause de la promotion de la santé lui donne largement raison!
Deuxième moment mémorable, lorsque le conseiller juridique de la ministre francophone de la santé de l’époque, Laurette Onkelinx, vint nous présenter les grandes lignes du futur décret du 14 juillet (ça ne s’invente pas!) 1997.
Le fait que quelques mois plus tard, la ministre me suggérait (euphémisme) de poser ma candidature pour être le premier président de notre auguste assemblée n’était peut-être pas sans lien avec la verdeur de mes remarques lors de cette présentation. Pourtant ce n’est pas du tout dans ma nature de m’énerver lors d’échanges verbaux empreints d’une parfaite courtoisie!
Le premier des cinq
Toujours est-il que j’ai donc eu la chance de diriger les travaux du Conseil pendant son premier mandat. Mis à part le surcroit de travail que cela représente, ce fut un vrai plaisir. Le contexte était favorable, avec un décret assez original pour l’époque, s’appuyant sur une vision vraiment démocratique et citoyenne de la santé.
Le plus remarquable, c’est que dans l’enceinte du Conseil, je sentais un vrai souffle qui nous éloignait enfin d’une vision de la santé verrouillée par la médecine réparatrice. Fait à souligner (et c’est toujours le cas aujourd’hui), ceux des membres du Conseil appartenant à la profession médicale n’étaient pas en reste en matière d’ouverture d’esprit et de vision globale de la santé.
Avec le recul et aussi il faut bien le dire avec l’aide d’une mémoire habilement sélective, je parlerais d’une forme de légèreté qui inspira quelques-uns de nos meilleurs avis, sur les dépistages, l’éthique, la mondialisation, les partenariats public-privé, les inégalités sociales de santé et j’en passe.
Souvent, nous avons dû remettre avis sur des dossiers d’agrément ou autres qui concernaient directement certains d’entre nous: c’était inévitable, notre Conseil étant constitué pour une bonne part d’acteurs du dispositif de promotion de la santé francophone. Nous n’avons sans doute pas toujours pu éviter les conflits d’intérêt, malgré nos précautions. Mais il y a sans doute pire, comme ce prof d’une de nos facultés de médecine affirmant «Je n’ai jamais eu de conflit d’intérêt, j’ai toujours accepté l’argent de toutes les firmes pharmaceutiques!»
Il est vrai que la modestie des montants en jeu dans notre secteur favorise assurément l’honnêteté…
Un homme et trois femmes
Après moi, il y eut Patrick Trefois, pour un mandat plus court en 2003. Patrick à l’esprit remarquablement modérateur, dont seule une très légère crispation des traits exprimait la protestation muette (il est très fort en matière de mutisme) lors d’un de nos débats aussi passionnants qu’inutiles, une de nos meilleures spécialités.
Inutiles, nos débats, vous trouvez que j’exagère? Que pensez-vous alors de ces trois constats posés par le Conseil:
Étroitesse des moyens et choix budgétaires en promotion de la santé;
Verticalisation et carence des programmes de médecine préventive;
Manque de concertation entre les différents secteurs et niveaux de compétences.
Ils auraient pu être écrits hier, ils datent d’il y a 6 ans quasi jour pour jour!
Ensuite ce fut au tour de Martine Bantuelle, ‘Martine au Conseil’, un des meilleurs albums de la célèbre série de la littérature enfantine, qui mena sa barque avec une poigne de fer dans un gant d’acier. Avec elle à la manœuvre, il fallait être téméraire pour quitter une réunion en cours: on n’a entendu personne dire à l’époque: «Nos échanges sont interminables, je ‘Sacopar’ avant la fin!».
Puis, dans un tout autre genre, Chantal Leva, dont l’esprit extrêmement diplomatique en énerva plus d’un à l’époque bénie où la ministre confia à une officine privée l’évaluation de notre secteur. Un exercice grassement rétribué, dont les résultats firent grincer bien des dents et suscitèrent une levée de bouclier quelque peu excessive, soyons de bon compte.
Après un de nos travaux inutiles les plus réussis, la co-construction d’un nouveau code de la santé francophone avec le cabinet de notre ministre de tutelle, code qui fila à la poubelle des réformes institutionnelles alors qu’il était pratiquement terminé, le Conseil obtint quand même un sursis de 18 mois.
Cela me permet d’une certaine manière de boucler la boucle aujourd’hui en assistant notre ultime présidente, Chantal Vandoorne, qui sous ses dehors d’institutrice à l’ancienne cache des trésors de patience et une volonté d’atteindre ses objectifs dont peu d’obstacles la détournent, pas même deux cabinets régionaux qui, au départ, nous snobaient avec une belle unanimité!
Indispensable soutien
Et pour terminer, un brin de pathos: quand je songe aux nombreuses amitiés nouées ici au fil des ans, ce n’est pas sans un pincement de cœur que je me retrouve dans ce bâtiment pour nos dernières réunions depuis quelques mois.
Je pense aussi à tous ces collaborateurs de la DG Santé qui nous ont secondés avec une rare gentillesse et une belle efficacité au fil des ans, avec une pensée toute particulière pour le regretté Dr Brunson et aussi pour celles et ceux qui vont quitter ‘Molenbek’ pour d’autres horizons professionnels et leurs incertitudes.
Merci à tous!