Mai 2016 Par Pascale DUPUIS Initiatives

Avoir bon cœur est bon pour le cœur (et le reste)

Quand on a besoin d’aide et qu’on en reçoit, on se sent (généralement) mieux. Quand on en donne, l’effet serait de même nature… mais en double!. Ainsi, les aînés qui apportent leur aide à autrui se sentent en meilleure santé que les autres. Mais c’est à tout âge de la vie que le bénévolat a des effets marqués sur la santé de ceux qui l’exercent. Sans compter ses effets bénéfiques pour la santé publique.

Un volontariat est une activité exercée gratuitement et librement, au profit d’autrui, dans le cadre d’une organisation sans but lucratif. En Belgique, c’est ainsi qu’il est défini depuis la loi relative aux droits des volontaires adoptée en 2005, qui fêtait donc ses 10 ans en 2015. 1.165.000 citoyens exercent une activité volontaire – ou bénévole, les termes étant synonymes en Belgique –, ce qui représente une personne sur huit. Il existe de très nombreuses façons d’être bénévole, dans de multiples secteurs, de l’environnement au sport en passant par la santé, la jeunesse ou encore la culture. On peut être clown dans un hôpital, surveiller les passages cloutés devant les écoles, animer des adolescents dans un mouvement de jeunesse, participer à l’organisation d’une compétition sportive, nettoyer des espaces publics, partager son savoir en soudure, participer à la gestion d’une association…

Facteur de santé et de qualité de vie chez les aînés

L’action du bénévole est par essence tournée vers les autres, mais elle est aussi bonne pour lui-même. Nombreuses sont les études qui vont en ce sens, en particulier chez les plus de 60 ans, qui représentent la plus grande part des bénévoles en Belgique (24%). Comme on peut s’y attendre, le fait d’exercer une activité volontaire est associé à une meilleure santé perçue et à une plus grande satisfaction vis-à-vis de la vie. C’est ce que démontre notamment une recherche menée sur les aînés de Taiwan qui indique qu’un volontariat régulier est associé à de meilleures fonctions physiques et à moins de dépressions.

Une recension de la littérature portant sur les bénéfices du volontariat chez les aînés a conclu que le volontariat est associé à une réduction des symptômes de dépression, à une meilleure santé perçue et à moins de limitations fonctionnelles. Selon les auteurs, le bénévolat des aînés augmente l’activité sociale, l’activité physique et l’activité cognitive à divers degrés, ce qui, via des mécanismes biologiques et psychologiques, améliore le fonctionnement de l’individu.

Dans le même ordre d’idée, l’étude SHARE consacrée à la santé, au vieillissement et à la retraite en Europe et menée sur un échantillon de 55.000 personnes dans 14 pays a démontré qu’une personne de 60 ans pouvait gagner plusieurs années de bon fonctionnement cognitif si elle s’engageait dans une activité de volontariat, si elle maintenait une vie sociale active ou si elle continuait à travailler. De toute évidence, le volontariat a un rôle privilégié à jouer dans les politiques qui visent un vieillissement actif.

Meilleurs comportements de santé chez les jeunes

Il n’y a pas que les personnes âgées qui bénéficient des effets positifs du bénévolat. Des chercheurs américains ont conclu que l’âge ne jouait aucun rôle dans le lien entre volontariat et bien-être. L’engagement volontaire a donc aussi un impact sur la santé des plus jeunes, notamment par le biais des comportements de santé. Bonne nouvelle pour les 15-29 ans, qui, en Belgique, constituent le plus grand groupe de bénévoles après les aînés (22%). Une vaste étude menée sur plus de 70.000 étudiants américains vient de montrer que les jeunes volontaires sont plus susceptibles que les autres de respecter les recommandations qui concernent la pratique d’une activité physique et que ceux qui font une à neuf heures de volontariat par semaine souffrent moins de dépression.

La Plate-forme francophone du Volontariat

La Plate-forme francophone du Volontariat (PFV) est une asbl qui a pour objet de susciter, faciliter et encourager la pratique du volontariat en Belgique francophone.

La PFV articule son travail autour de quatre missions:

  • défendre et promouvoir le volontariat tel que défini dans sa charte;
  • lever les obstacles à l’exercice de ce volontariat;
  • améliorer la qualité du volontariat;
  • représenter, défendre et porter les intérêts ses membres.

C’est une structure pluraliste composée de plus de 200 organisations. Elle mène ses actions en partenariat avec ses membres et ses volontaires actifs dans différents centres locaux.

Vous souhaitez faire du bénévolat? Si vous cherchez une organisation auprès de laquelle vous engager, vous pouvez vous adresser au centre le plus proche de chez vous ou consulter les petites annonces du site www.levolontariat.be.

Une autre équipe de recherche s’est intéressée aux effets du volontariat sur les facteurs de risque de maladie cardiovasculaire chez les adolescents. Une centaine de jeunes de quatrième secondaire d’une école canadienne ont été répartis en deux groupes: tandis que les premiers étaient invités à réaliser des activités hebdomadaires avec des enfants de l’école primaire, le groupe témoin était inscrit sur une liste d’attente. Avant et après les activités bénévoles, qui ont duré deux mois, les chercheurs ont mesuré la protéine CRP (une protéine qui permet d’évaluer le risque cardiovasculaire), le niveau de cholestérol, l’indice de masse corporelle… Alors qu’ils n’avaient relevé aucune différence significative au départ, ils en ont observé pour trois de ces marqueurs à la fin de l’expérience. Il semblerait en outre que la plus grande baisse de facteurs de risques cardiovasculaires ait été observée chez les élèves qui ont développé le plus d’empathie et de comportements altruistes.

Facteur d’équilibre chez les adultes

Entre les aînés et les jeunes, les adultes des tranches dites ‘actives’ représentent une moins grande proportion des bénévoles. Paradoxalement, c’est le groupe des 40-49 ans qui présente le plus haut taux de bénévolat, avec 14,8% de la population, suivi par les 50-59 ans (13,3%). Les personnes professionnellement actives qui s’engagent dans le volontariat jouissent d’une meilleure santé que les autres. Elles sont également plus satisfaites de l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée, malgré la charge supplémentaire que cela implique. Chez les adultes d’âge moyen surtout, le bénévolat aurait même un effet sur plusieurs facteurs de risque de maladies cardiovasculaires, comme l’excès de graisse, la dérégulation des lipides, le niveau de glucose ou encore l’hypertension.

Des bénéfices à certaines conditions

Pour être bénéfique, l’engagement bénévole doit rencontrer certaines conditions. Tout d’abord, il semble qu’un minimum de prestations volontaires soit requis. Une recherche portant sur le lien entre volontariat et hypertension a démontré que ceux qui avaient exercé au moins 200 heures de volontariat dans les douze derniers mois étaient moins susceptibles de développer de l’hypertension que les non-volontaires, ou que ceux qui avaient fait moins d’heures. On peut s’attendre à ce que cette condition soit requise pour n’importe quel effet du bénévolat sur la santé. À l’inverse, l’excès nuit en toute chose: l’étude américaine sur le volontariat et la santé des jeunes a aussi révélé que trop d’heures hebdomadaires de volontariat (combinées aux études et à une activité rémunérée) affectent le sommeil et augmentent le sentiment d’être submergé.

Entretenir sa santé, est-ce une motivation suffisante pour se porter volontaire? Absolument pas! La situation est même plutôt paradoxale. D’après deux recherches – l’une menée dans l’État du Wisconsin aux États-Unis et l’autre en Suisse –, les personnes qui font du volontariat régulièrement ou fréquemment vivent plus longtemps ou sont en meilleure santé… mais uniquement si elles le font par altruisme. Les volontaires motivés par des raisons orientées vers eux-mêmes ou poussés par la pression sociale auraient des risques de décès ou de mauvaise santé similaires aux non-volontaires. Devenir volontaire pour profiter des bienfaits du volontariat, ça ne marche pas!

Volontariat et inégalités sociales

Le lien entre volontariat et santé étant établi, on peut légitimement se demander quel est le sens de cette relation… Est-ce le bénévolat qui joue vraiment sur les différents facteurs de santé, ou y a-t-il un biais de sélection, les personnes qui exercent du bénévolat étant, justement, celles qui sont en suffisamment bonne santé pour le faire? Dans ce second cas de figure, il s’agirait d’une belle illustration de l’ ‘effet Matthieu’, c’est-à-dire d’un mécanisme qui tend à accroître les avantages des plus favorisés sur les autres. De là à dire que le bénévolat serait un amplificateur des inégalités sociales, il n’y aurait qu’un petit pas…

En Belgique, il est bien démontré que le taux de bénévolat s’élève en même temps que le diplôme obtenu et que près de la moitié du travail volontaire est effectué par des personnes qui possèdent un diplôme de l’enseignement supérieur ou universitaire.

À Bruxelles, les écarts entre niveaux de formation sont encore plus marqués: les universitaires assument à eux seuls plus de 40% des activités bénévoles. Par ailleurs, les personnes ayant un emploi font significativement plus de volontariat que celles ayant un autre statut, suivies par les étudiants: les travailleurs représentent pas moins de 56,5% des volontaires. Hommes et femmes au foyer, personnes en incapacité de travail et demandeurs d’emploi sont les moins susceptibles de s’engager. Les obstacles à la participation sont bien connus : la pauvreté, le chômage, la lourdeur des démarches administratives et le manque de structure. Les personnes en lutte quotidienne pour survivre ont peu de temps et d’énergie à consacrer à une implication volontaire. Il est aussi plus difficile de trouver une activité et une organisation qui vous accueille comme bénévole quand vous faites partie de la population dite ‘fragilisée’.

Effet de compensation

Pourtant, si l’on s’intéresse aux groupes de population moins favorisés, l’effet bénéfique du volontariat est démontré par plusieurs recherches. Ainsi, d’après une étude suédoise, exercer une activité volontaire diminue significativement la probabilité pour les chercheurs d’emploi de fumer, le nombre de cigarettes fumées, la probabilité de consommer de l’alcool et la probabilité d’avoir un diagnostic d’hypertension. Le volontariat aurait donc un effet de compensation du chômage sur les comportements de santé et sur la santé.

D’autres études tendent à prouver que plus les personnes se trouvent dans une situation difficile, plus les effets positifs du volontariat sont importants: par exemple, chez les aînés de Nouvelle-Zélande, la relation entre volontariat et bonheur est plus forte chez ceux qui ont un niveau économique plus faible. Une autre recherche a montré que le bénévolat bénéficiait davantage aux personnes atteintes de maladies chroniques. Enfin, l’étude suisse citée plus haut a aussi démontré que les effets positifs du bénévolat sont plus marqués chez les individus isolés et disposant d’un accès limité aux ressources psychosociales – par exemple, les personnes sans emploi ou les migrants.

Par ailleurs, le volontariat contribue indéniablement à l’intégration sociale des personnes exclues ou marginalisées. Par exemple, l’engagement bénévole des personnes en situation de handicap remet en question les stéréotypes négatifs selon lesquels celles-ci ne bénéficient de soins que passivement.

Pour que le volontariat contribue efficacement à l’intégration sociale, il est essentiel de permettre aux personnes exclues ou marginalisées de s’engager davantage. Autant de bonnes raisons de promouvoir le ‘volontariat pour tous’, d’encourager les organisations à favoriser la diversité de leurs volontaires, de sensibiliser les personnes précarisées au bénévolat et de réduire les obstacles administratifs qui se posent aux demandeurs d’emploi et aux personnes en incapacité de travail qui veulent faire du bénévolat.

Acteurs de promotion de la santé

Même si la promotion de la santé est un secteur hautement professionnalisé, les différentes stratégies de promotion de la santé énumérées dans la Charte d’Ottawa reposent en grande partie sur l’engagement citoyen: le renforcement de l’action communautaire, bien sûr, mais aussi la création de milieux favorables, le développement des aptitudes individuelles, voire la réorientation des services de santé et l’élaboration de politiques publiques saines. Les personnes qui s’engagent dans le bénévolat présentent divers profils, qui sont autant de façons d’agir sur le monde qui les entoure: le bénévole de service (par exemple, un participant à la préparation de colis alimentaires ou un médiateur de dettes), le bénévole d’animation (par exemple, un animateur de séances scolaires sur l’alimentation ou un animateur sportif), le bénévole de militance (par exemple, en faveur de l’égalité des genres ou contre les inégalités sociales) et le bénévole de gestion (par exemple, un membre du conseil d’administration ou de l’assemblée générale d’une organisation de santé). À son niveau d’engagement, chacun est susceptible de contribuer à l’une ou l’autre des stratégies de promotion de la santé.

Indispensable pour la santé publique

«Il semble exister un cercle vertueux dans le cadre duquel les bénévoles ‘vont bien en faisant le bien’.» Si le bénévolat est bon pour la santé du bénévole, il l’est aussi pour la santé des autres. En Belgique, 35.000 bénévoles sont actifs dans le secteur des soins de santé. Même si leur nombre est relativement limité, ils assument des fonctions essentielles et complémentaires à celles des professionnels, de l’accueil de l’hôpital au chevet des malades à leur domicile.

Hors de la santé au sens strict, les volontaires sont présents dans de nombreux secteurs de notre société. Par exemple, dans le monde du sport, celui qui rassemble le plus de volontaires, près de sept fois plus d’heures sont prestées à titre bénévole que par des salariés. Grâce à leur engagement, des dizaines de milliers d’enfants et d’adultes ont accès à une activité sportive régulière, près de chez eux, à prix modique.

Le secteur de l’aide alimentaire repose aussi sur le volontariat: des récoltes de vivres à leur stockage et à leur distribution, presque toutes les tâches sont prises en charge par des bénévoles. C’est donc grâce à l’engagement de milliers de volontaires que de nombreuses personnes ont accès à l’alimentation.

En santé mentale, des associations souvent constituées de bénévoles concernés peuvent jouer un rôle clé auprès de ceux qui souffrent. Les bénévoles du secteur de l’environnement également, en militant et en agissant pour une planète plus saine, contribuent à la santé de tous…

Les exemples sont innombrables. Tout récemment, les centaines de citoyens qui se sont mobilisés pour l’accueil des réfugiés au Parc Maximilien et ailleurs témoignent des réponses que le bénévolat peut apporter aux besoins primaires des plus fragiles de notre société.

On est évidemment en droit de se demander s’il est normal que la santé, le bien-être, l’accès à l’alimentation ou à un hébergement reposent sur les bonnes volontés des uns et des autres. C’est un débat important, mais ce n’est pas notre propos ici. Ce qui est certain, c’est que les bénévoles ont toujours été ceux qui identifiaient les besoins sociaux émergents. S’ils sont souvent, dans un premier temps, ceux qui y répondent, le volontariat ne vise nullement à remplacer l’État. Pour se développer, il a au contraire besoin d’un secteur public… en bonne santé.

Avec l’aimable relecture de Jean-Baptiste Dayez, Chargé de développement en matière de volontariat aux Mutualités chrétiennes