Articles de la catégorie : Dossier

Perdre un parent dans l’enfance

Le 30 Déc 20

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Tuer le silence, le silence qui entoure la mort et qui empêche les proches – enfants et parents – de vivre cette mort. Permettre les mots qui disent les émotions, la douleur, la révolte mais aussi les souvenirs qui apaisent et permettent d’apprendre à vivre malgré l’absence. C’est le message essentiel d’un colloque organisé par l’association ‘Cancer et Psychologie’ (1) les 16 et 17 mars derniers. Celui-ci s’adressait tant aux soignants qu’aux parents et aux enseignants (hélas, peu nombreux).
Quand on dit ‘colloque’, on pense ‘rationalité’, ‘objectivité’, ‘sérieux’, ‘théorie’, ‘discours institutionnel’. Rien de tout cela lors de ces deux journées. A franchement parler, je n’ai jamais vu un colloque aussi vivant, aussi riche d’émotions exprimées, reconnues et accompagnées! Place était donnée aux professionnels mais tout autant aux enfants endeuillés et à leurs parents. Ceux-ci ont pu y exprimer leurs émotions, leurs témoignages mais aussi leurs attentes vis-à-vis des professionnels.
La première journée était ‘enfants admis’. Après l’allocution d’ouverture du Ministre Jean Marc Nollet , était proposée une représentation théâtrale pour enfants ‘Pour toujours et jamais plus comme avant’ par la Compagnie des Hirsutes et le théâtre de l’Hydre: c’est l’histoire d’un enfant qui a perdu son papa. Non, il ne l’a pas perdu: il est mort. Un homme raconte un petit morceau de l’histoire de cet enfant qui cherche LA réponse à sa grande question: ‘qu’est-ce qu’il y a après la mort?’ S’en est suivi un échange avec les enfants présents.
L’après-midi, les enfants participaient à des ateliers créatifs sur les thématiques rencontrées dans la pièce et sur les émotions qu’elle a suscitées. Du côté des adultes, plusieurs intervenants ont éclairé différentes dimensions du problème chez l’enfant: les spécificités du deuil chez l’enfant, la culpabilité et l’agressivité dans le deuil, le contexte du décès et l’impact sur l’enfant, le corps malade et les répercussions du décès sur la famille. En fin de journée, les enfants présentaient aux adultes leurs réalisations.
La deuxième journée a permis de découvrir des expériences d’accompagnement du deuil menées par différentes équipes dans des lieux tels que l’hôpital, le domicile, l’école ou des groupes de paroles spécifiques sans oublier en début d’après-midi, la projection d’extraits du film ‘Paroles d’orphelins’ de Serge Moati . Enfin, la réflexion s’est élargie autour du thème du deuil et de la créativité par des approches telles que la littérature enfantine, l’écriture, le conte…
Même les conclusions de ces deux journées ont été construites par un échange entre participants et intervenants, sur base d’une simple consigne ‘quels sont les mots, les phrases qui vous ont marqués, au vous avez retenus?’.

Pourquoi des ateliers créatifs

?
La difficulté de prendre en charge le processus de deuil chez l’enfant ont conduit les deux thérapeutes du secteur enfants de l’asbl ‘Cancer et Psychologie’ à instituer, dans deux hôpitaux bruxellois, des ateliers créatifs destinés aux enfants et aux adolescents dont un des parents est mourant ou souffre d’une maladie très grave. Il ne s’agit pas d’une garderie mais d’un outil thérapeutique dont la régularité (tous les mercredis après-midi) est réclamée par les enfants eux-mêmes. A côté de ces ateliers en hôpital, un Espace Atelier a été créé à Bruxelles dans les locaux de Cancer et Psychologie. C’est un lieu d’écoute spécialisée, de jeux et de parole, animé par deux psychologues, pour permettre d’exprimer ses émotions, de les partager ou simplement d’écouter les autres en parler. Deux autres Espaces-Ateliers – enfants et adolescents – ont également démarré à Namur, au Foyer Saint-François, centre de soins palliatifs.

Bernadette Taeymans
Pour des renseignements complémentaires ou pour obtenir les actes du colloque qui seront prochainement publiés, adressez-vous à l’asbl ‘Cancer et psychologie’, avenue de Tervueren 215/14, 1150 Bruxelles, tél. du lundi au vendredi de 10 à 12h 02-735 16 97. (1) Cette association a pour objectif l’accompagnement psychologique des personnes atteintes d’un cancer, de leurs proches et des soignants.
(2) Ce spectacle créé il y a bientôt 3 ans a été primé par le Ministère de l’Education de la Communauté française. Il s’adresse aux plus de 6 ans et constitue une bonne base d’échanges, en classe par exemple.
Contact: la compagnie des hirsutes: 02-538 00 79

Parler de la mort avec des enfants…

Le 30 Déc 20

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Est-ce vraiment un sujet pour la promotion de la santé? Peut-être pensez-vous ‘Mais c’est exceptionnel, c’est l’affaire de quelques-uns qui doivent être pris en charge par des spécialistes. Pourquoi y prêter attention, c’est déjà tellement difficile, douloureux, mieux vaut ne pas y penser, ne pas s’y attarder, les distraire de ces pensées morbides.’
A l’école de mon fils (une centaine d’enfants), en deux mois, deux événements tragiques ont bouleversé la communauté: l’oncle d’une copine s’est tué dans un accident de voiture, et le frère d’une éducatrice est mort dans un accident de travail. Autant vous dire que cela ne passe pas inaperçu: les enfants ne sont ni sourds, ni aveugles, ni insensibles. Sans oublier la mort du poisson rouge pendant nos vacances à l’étranger… et la tristesse, et les questions qui ont suivi ‘Je n’ai pas pu lui dire au revoir!’, ‘C’est pour tout comme ça?’ (comprenez: et tout le monde va mourir?).
La mort n’est pas étrangère à l’enfance même si on la souhaiterait bénie et sans souffrance.
Marquer son affection aux proches endeuillés que l’on côtoie, (se) poser des questions sur la mort, toutes ces ‘petites’ choses font partie de la vie d’une communauté (enfantine ou non) et permettent de grandir en humanité. Ce n’est pas du travail en plus, c’est tout simplement la vie. C’est la place des enseignants, des parents, des enfants. Les articles de ce dossier vous permettront d’ouvrir le débat, de découvrir quelques pistes pour ‘apprivoiser la mort’ avec les enfants comme nous le dit Marie Ange Abras .
Bernadette Taeymans

Promotion de la santé mentale

Le 30 Déc 20

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La Ligue wallonne pour la santé mentale a initié un groupe de travail intitulé ‘promotion de la santé et articulation du psychique et du social’. Ce groupe se réunit depuis mars 98 dans le but de tenter de tirer des conséquences pratiques de l’articulation du psychique et du social. L’hypothèse de départ qui sous-tend sa réflexion est d’envisager la santé ‘sociale’ comme base et comme condition de la santé mentale des individus.

Tissu social et santé mentale

Des pratiques qui se situent au carrefour du psychologique et du social, de l’individuel et du collectif, du curatif et du préventif, se fondent sur une telle hypothèse. Ces pratiques constituent le champ, mal connu et méconnu, de la promotion de la santé mentale.
C’est l’exploration de ce champ, de ses limites et de ses méthodes que vise le groupe à partir d’expériences concrètes ainsi que de l’élaboration de repères théoriques et méthodologiques. Le groupe tente d’examiner en quoi le travail au niveau du tissu social est aussi un travail en santé mentale et sur le psychique, à côté des dispositifs psychothérapeutiques traditionnels, et ce, concernant une population qui ne consulte pas les soignants. Ce sont les pratiques sociales collectives, les pratiques communautaires en santé mentale et les pratiques de promotion de la santé mentale.
Etant donné le rapport entre le lien social et la santé mentale, ce groupe tente d’examiner comment la préservation du tissu social est un facteur de prévention. Les recherches en épidémiologie anthropologique montrent, par exemple, comment l’absence ou la présence du soutien social agit comme facteur favorisant ou atténuant le risque d’apparition d’une difficulté, hors du champ de la psychopathologie.
Le groupe s’est penché sur diverses expériences comme le projet santé du CPAS de Namur, les projets communautaires en santé mentale à ‘La pioche’ (Marchienne) et au ‘Méridien’ (Saint-Josse), les Plans sociaux intégrés (Nivelles), l »Ecoute-Enfants’ (Namur), des projets de promotion de la santé mentale pour des enfants de 0 à 6 ans, les Réseaux d’échanges de savoirs,…

Perspectives de travail

Dans une société caractérisée par la rupture des liens sociaux et la mise à mal de la ‘matrice’ culturelle de la construction identitaire, le groupe tente de dresser un état des lieux des pratiques sociales et cliniques en amont des dispositifs d’aide ou de soins, et qui ont pour effet la cohésion sociale et le support social de telle sorte que les personnes sans souffrance physique manifeste n’aient pas à trouver individuellement auprès des professionnels une réponse à une question de nature collective.
Après avoir pesé les enjeux théoriques, pratiques, éthiques et politiques des pratiques sociales collectives, des approches communautaires et de promotion en santé mentale, nous voulons en partenariat formuler des propositions d’actions et de recherches prioritaires et spécifiques en matière de prévention primaire et de promotion de la santé mentale. Dans le cadre de ‘2001, année de la santé mentale’, le groupe s’est donné pour tâche la rédaction d’un ‘livre blanc’ destiné à sensibiliser les intervenants et les décideurs et à soutenir leurs pratiques.
Par ailleurs, en janvier 2001, le groupe a reçu une subvention pour un projet introduit dans le cadre de l’appel à projets de la Région wallonne ‘Activer le lien social’. Ce projet prévoit la formation à la méthode du récit de vie et l’utilisation de cette méthode dans la pratique de chacun des membres.
D’après le dossier de synthèse du groupe de travail ‘promotion de la santé et articulation du psychique et du social’
Pour en savoir plus, vous pouvez contacter la Ligue wallonne pour la santé mentale, rue Muzet 32, 5000 Namur, tél. 081-23 50 10.

Quelques rendez-vous à ne pas manquer!

Lieux de santé – lieux de vie / lieux de vie – lieux de santé , colloque-action proposé par le Cabinet du Ministre wallon des affaires sociales et de la santé, les 13 et 14 septembre à Namur. Ligue wallonne pour la santé mentale, tél.: 081-23 50 10.
Souffrances du lien social , une réflexion sur la santé mentale dans notre pays, en collaboration avec les universités (Centre de sociologie de la santé – ULB) les 20 et 21 septembre à Bruxelles. Institut de Sociologie: tél. 02-650 34 78.
Journée mondiale de la santé mentale le 10 octobre : diffusion de recommandations en conclusion des événements mis en œuvre et des contacts pris (session parlementaire et rencontre inter-provinciale)
Transformations en santé mentale, entre évolution des pratiques et mutations sociales , un colloque organisé les 11 et 12 octobre par la Ligue bruxelloise francophone pour la santé mentale, tél. 02-511 55 43.
Forum interactif des pratiques en santé mentale centrées sur le rapprochement avec le public et la dé-stigmatisation, permettant la rencontre entre les professionnels et bénévoles d’une part et les personnes à la recherche d’informations d’autre part. Bruxelles le 13 octobre (tél. 02-511 55 43) et Namur le 17 novembre (tél. 081-23 50 10).

Les attitudes et réactions du grand public face à la santé mentale

Le 30 Déc 20

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A l’occasion de ‘2001, année de la santé mentale’, une enquête d’opinions a été réalisée sur l’image de la santé et de la maladie mentales, ainsi que de l’offre de soins auprès du grand public. En janvier 2001, 903 personnes de 20 à 70 ans ont été interrogées.
En voici quelques résultats.

Pour rester sain d’esprit, que faut-il faire?

Pour la plupart des répondants (67%), rester sain d’esprit est avant tout une question de volonté, de tournure d’esprit, de discipline, de philosophie de l’existence. Viennent ensuite l’hygiène de vie (56%), les contacts sociaux, les amis (42%), les activités physiques (37%).

Faire appel à des professionnels ou s’en sortir soi-même?

Première réaction, il faut en parler: à son entourage (54%), à son médecin (39%). Cependant, 3% des répondants estiment qu’il est préférable de n’en parler à personne!
Les avis sont partagés: faut-il résoudre seul ou faire appel à des professionnels et cela dépend fort du problème rencontré.
Par exemple, il vaut mieux faire appel à des professionnels dans des situations telles que : être anorexique, battre ses proches, être boulimique, consommer régulièrement de la drogue, être cleptomane, avoir des colères violentes sans pouvoir se contrôler, ne pas pouvoir se passer de sa dose de vin, de bière ou d’alcool chaque jour, être tout le temps agressif avec ses proches, avoir des périodes d’euphorie, suivies de périodes d’abattement complet, avoir des mouvements désordonnés, se laisser complètement aller, ne plus se laver ni se coiffer, être stressé au point de ne plus pouvoir faire ce qu’on doit convenablement.
Pour les personnes interrogées, il vaut mieux résoudre soi-même des problèmes tels que: parler tout seul, être agressif au volant de sa voiture, pleurer pour un oui ou un non, être apathique, sans pouvoir se secouer, ne rien faire de bon, avoir un souci maniaque de propreté, de désinfection, d’hygiène, oublier sans cesse des choses dans la vie quotidienne, ne pas se rappeler où on a mis un objet, ne pas se rappeler ce qu’on doit faire, être tout le temps découragé, ne rien envisager avec optimisme, broyer du noir.

Quels sont les problèmes qui font le plus peur?

Les deux problèmes qui viennent en tête sont la dépression (61%) et l’agressivité, la violence (53%).

Que faire pour éviter qu’un problème ne s’aggrave?

Tout d’abord en parler, rencontrer d’autres personnes, avoir une bonne hygiène de vie (du sommeil, du repos, de l’exercice physique). En parler à son médecin de famille et éventuellement consulter un psychologue, un spécialiste. Prendre des médicaments ne vient que plus tard.

Pourquoi a-t-on des problèmes psychologiques?

Les personnes interrogées citent essentiellement des situations de vie problématiques: des problèmes familiaux tout d’abord (divorce, séparation, disputes conjugales, enfance malheureuse,…), des problèmes d’argent et la solitude ensuite et des problèmes professionnels.
Les causes considérées comme occasionnelles ou rares sont l’hérédité, l’ennui, le manque de volonté, des difficultés d’ordre sexuel.
Les principales conséquences dans la vie quotidienne sont la détérioration des rapports avec le conjoint et la dépression.

Comment réagissent les proches?

Les personnes confrontées à un proche qui a des problèmes psychologiques sont prêtes à l’aider personnellement à surmonter ses difficultés, à l’écouter (81%). Ils sont prêts à le raisonner pour lui faire prendre conscience de ses difficultés et de la nécessité de faire quelque chose (78%), à lui conseiller fortement de voir un médecin (69%) ou à demander eux-mêmes conseil à un médecin pour pouvoir l’aider au mieux (61%).
Seulement 40% des personnes interrogées estiment que dans certains cas, il est important de prendre contact avec un centre spécialisé pour le faire soigner.
Mais face à une personne qui ne fait pas partie de ses proches, les personnes interrogées se sentent démunies: c’est l’incertitude quant au comportement à adopter, la méfiance, la peur. Elles considèrent que c’est l’affaire des professionnels.

Consultons-nous?

63% des personnes interrogées déclarent n’avoir jamais ressenti le besoin de consulter pour un problème psychologique. 26% ont consulté au moins une fois dans leur vie pour un tel problème. 9% déclarent y avoir songé mais y ont renoncé en définitive.

Besoin d’information, toujours!

Près de neuf personnes sur dix estiment que les gens ne sont pas suffisamment informés sur les problèmes psychologiques et mentaux: ni les symptômes, ni les causes, ni les conséquences, ni les thérapies ne sont suffisamment connus. Les thèmes les plus demandés sont la dépression, le stress, les difficultés de l’adolescence et de l’enfance.
Surprenant que la demande d’information porte sur ces thèmes: encore, aurait-on tendance à dire au vu du nombre d’articles paraissant dans les magazines féminins et autres. Cela peut sans doute se comprendre dans la mesure où se sont les problèmes qui font le plus peur et où chacun se sent potentiellement vulnérable. Dans notre société de performance, on arrête pas de dire ou d’entendre «je suis stressé, je suis déprimé». La question de l’information en la matière est plus celle d’une information juste et précise: quels symptômes nécessitent de consulter, quelle prise en charge est conseillée,…
Reste cependant dans cette enquête, une absente, c’est la psychose: peut-être est-ce lié à la formulation des questions qui portaient sur la santé mentale et non la maladie mentale mais il n’en reste pas moins qu’il y a un silence (un tabou) pas facile à vivre pour les proches et les personnes malades.
Il y a encore du travail en promotion de la santé en perspective mais aussi pour des associations telles que SIMILES (voir Education Santé n°154)!

Pour plus de renseignements, Fondation Julie Renson: tél. 02-538 94 76.

Approche communautaire de la santé et inégalités sociales

Le 30 Déc 20

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La récente présidence belge de l’Union européenne m’a donné l’occasion de mettre en chantier avec mes collègues des autres Communautés -la Communauté flamande et la Communauté germanophone- une des problématiques que nous considérons comme prioritaire depuis plusieurs années.
En effet, comme Ministre de la Santé, j’ai souhaité faire de la prise en compte des inégalités en matière de santé une priorité impérieuse de la politique de Promotion de la santé de la Communauté française. Cette dimension est clairement exprimée dans le programme quinquennal de Promotion de la santé et dans ma déclaration de politique de santé.

Pourquoi retenir cette priorité?

Quelque définition que l’on donne de la santé (on sait bien aujourd’hui qu’on ne peut la réduire à l’absence de maladies), c’est bien d’un droit qui s’applique à tous qu’il s’agit. Or, d’évidence, tout le monde n’est pas égal devant la santé, en terme de qualité de vie et de bien-être.
Un souci d’équité et de justice sociale est donc certainement un élément fondamental de ce choix. En la matière, ce sont les valeurs qui doivent guider les choix de société et les politiques.
Parmi ces facteurs qui déterminent de façon significative la santé, la précarité sociale, socio-économique est un des facteurs, si pas le facteur déterminant.
Les Rencontres européennes sur l’approche communautaire de la santé et les inégalités sociales nous ont fourni l’occasion d’envisager quelle définition on peut donner à la précarité socio-économique, ainsi que la corrélation avec d’autres facteurs comme le niveau d’éducation ou l’environnement culturel.
Le constat ne souffre plus de discussion. Il est confirmé par plusieurs études récentes. Ainsi, les inégalités sociales face à la santé apparaissent dans la plupart des domaines abordés par L’enquête de santé par interview , réalisée dans notre pays pour la première fois en 1997, et répétée l’an dernier (les résultats sont attendus pour l’automne 2002).
Les personnes défavorisées adoptent plus souvent des comportements néfastes pour leur santé: plus grande consommation de tabac et d’alcool, alimentation moins saine, moins d’activités physiques de loisir…
Les politiques de prévention sont assez égalitaires en matière de vaccination mais le sont moins lorsqu’il s’agit de prévenir des complications cardio-vasculaires ou de dépister un cancer. A l’égard du sida (connaissance des modes de contamination et de protection, pratique du test), les inégalités sociales sont beaucoup plus inquiétantes.
Ces inégalités ont une conséquence sur l’état de santé général. Dans les groupes aux niveaux de revenu et d’instruction faibles, les gens s’estiment en moins bonne santé, formulent plus de plaintes de santé, sont plus souvent dépressifs et sont plus souvent limités dans leurs activités suite à des maladies ou accidents. Par contre, on ne compte pas plus d’affections chroniques au sein de ces groupes.
Ces différences ne semblent pas avoir d’importantes conséquences directes sur la consommation de soins. On observe peu d’inégalités en ce qui concerne la fréquentation d’un généraliste et d’un spécialiste. La consommation de médicaments ne présente pas non plus de grandes différences sociales, si ce n’est pour les médicaments non prescrits qui sont bien plus utilisés par les gens privilégiés. L’accès aux soins dentaires est par contre nettement plus lié à l’appartenance sociale.
Plusieurs auteurs (Evans, Renaud) affirment que si l’on veut améliorer l’état de santé de nos populations, il s’agit d’investir massivement dans l’amélioration des conditions sociales des populations les moins favorisées.
A la suite de cela, plusieurs institutions en Europe ont développé une réflexion, puis plus récemment publié des résolutions ou des recommandations en cette matière.
Ainsi, la Commission européenne propose un nouveau plan communautaire de santé publique qui intègre la notion de déterminants de santé et notamment les déterminants sociaux, qui en appelle à davantage de transversalité dans les programmes et invite à mobiliser l’ensemble des compétences des Traités pour s’engager dans la réduction des inégalités en matière de santé.
L’OMS Région Europe vient également d’adopter à Madrid en septembre dernier des résolutions visant à ce que les Etats membres se mobilisent activement dans ce même but.
Comme on le voit, notre initiative ne s’inscrit évidemment pas dans un terrain vierge.

Comment mettre en œuvre une politique de réduction des inégalités en santé?

La promotion de la santé est un processus qui permet à l’individu et aux collectivités d’agir sur les facteurs déterminants de la santé et par là d’améliorer celle ci en privilégiant l’engagement de la population dans une prise en charge collective et solidaire de la vie quotidienne, alliant choix personnel et responsabilité sociale. Elle vise à améliorer le bien-être de la population en mobilisant de façon concertée l’ensemble des politiques publiques.
On dit qu’au royaume des aveugles, le borgne est roi: à trop vouloir dépister, diagnostiquer et traiter, on finit par oublier que la santé n’est pas l’affaire exclusive des professionnels de soins ni d’un seul Ministère. A trop vouloir responsabiliser les individus quant à leur mode de vie personnel, on finit par oublier que ces modes de vie sont eux-mêmes largement déterminés par l’environnement social, économique et culturel!
Une des dimensions de notre travail sera donc bien de restaurer les responsabilités des différents secteurs et acteurs de la vie sociale par rapport à l’impact des inégalités sociales en matière de santé. Comment décideurs politiques, professionnels de la santé et acteurs de terrain, personnes et collectivités concernées par ce problème peuvent-ils s’emparer de cette question? Quelle réponse sont-ils en mesure d’y apporter? Comment les démarches des uns et des autres se complètent ou s’interpellent-elles, voire se contestent-elles?
Un premier accent des journées européennes fut celui d’une appréhension assez globale des mécanismes et réalités des inégalités sociales en santé . Les questions suivantes ont été abordées: quels indicateurs paraissent devoir être retenus? Quelles conclusions peut-on tirer des programmes de recherche en la matière? Comment repositionner le champ de la santé dans celui du développement social? Quels sont les leviers du changement social?
La seconde polarité , sans doute la plus spécifique de ce colloque , fut celle du terrain et de l’action communautaire .
Elle représente un angle de vue et un type de stratégie d’intervention sur l’environnement social et politique parmi d’autres.
Cette dimension a été développée au cours d’échanges entre des promoteurs de programmes qui, à travers l’Europe, cherchent à travailler à la réduction des inégalités en matière de santé à travers des actions de développement communautaire. Ces programmes ont été analysés sous quatre facettes:
-la participation du public précarisé comme acteur. Comment aller à sa rencontre?
-la définition des problèmes (le diagnostic ). Comment en percevoir l’expression complexe?
-qui sont les acteurs de la pièce? Comment s’organise la gestion des temps, des pouvoirs, des rapports de force? Quelle pertinence pour le travail intersectoriel ou le travail en réseau?
-la formation des professionnels, des populations et du monde politique à un transfert du pouvoir d’agir. Quel rapport avec les modes de représentations socioculturelles de la précarité de la santé?
On se trouve là à des niveaux de grande proximité par rapport aux lieux d’émergence des problèmes, où la participation des publics concernés peut être envisagée dans l’analyse des situations, dans l’élaboration des solutions ou dans le constat de carences, ou encore dans la nécessité d’interpellation et dans l’évaluation de cette démarche.
Il y a là des laboratoires de développement social et de démocratie participative qui me paraissent devoir être explorés par une expérimentation réelle. Quelle efficacité et quelle pertinence pour les démarches communautaires et locales? Quelle capacité de retisser du lien social et quel impact positif sur la santé? Quel risque d’étouffer (si l’action communautaire est interprétée sur le mode de la rustine sociale) ou quelle possibilité de soutenir des dynamiques de changement social?
C’est en osant la participation citoyenne qu’on pourra en estimer les capacités. C’est en donnant du pouvoir et de la capacité d’agir qu’on pourra estimer la possibilité pour les individus et les collectivités, en particulier, les publics précarisés, de devenir acteurs de leur santé.
Le « penser global, agir local » est entré dans les slogans de l’actualité. Il me semble que l’équation devrait pouvoir se lire de façon dialectique et dans les deux sens. Il y a à reconnaître d’une part la qualité de la pensée locale – et la contribution majeure qu’elle peut représenter dans la compréhension des problématiques – et d’autre part la nécessité globale d’agir, par exemple en mobilisant transversalement les compétences interministérielles autour de la précarité. Ou, autre exemple, en transposant des moyens du secteur curatif vers celui de la promotion de la santé et de la prévention.

Les deux priorités de la Communauté française

Pour ma part, je compte bien consolider un travail en réseau en Communauté française, articulé avec les initiatives européennes. Cette articulation se fera tant au niveau des expériences de terrain sur le plan communautaire qu’au niveau du développement du plan communautaire européen de santé publique. Je continuerai également de travailler à des procédures d’interpellations trans-sectorielles.
La Communauté française insiste en particulier sur les deux points suivants.
La mise en œuvre des programmes de santé publique proposés par la Direction générale de la Santé publique de la Commission européenne. Cette dernière établira ainsi un nouveau programme d’action communautaire qui veillera à agir sur les déterminants de la santé grâce à la prévention et la promotion de la santé. Ce programme veillera à avoir recours à tous les pouvoirs du Traité dans ce domaine.
La Communauté française, via son Programme quinquennal , vise de la même façon à améliorer le bien-être de la population en mobilisant de façon concertée l’ensemble des politiques publiques.
L’engagement dans la réduction des inégalités en matière de santé peut se manifester:
-par des politiques positives favorisant la solidarité au sein de la population, l’intégration sociale des personnes âgées ou handicapées, etc.;
-par des mesures visant à réduire les inégalités en matière de santé entre différents groupes de population ou à lutter contre l’exclusion sociale.
La valorisation du rôle de la promotion de la santé dans le traitement des inégalités en matière de santé par la surveillance. Cela peut se traduire concrètement en:
-développant des directives pour la collecte des données et en établissant une coordination au niveau européen;
-encourageant les législations qui viennent soutenir le programme de réduction des inégalités dont les objectifs sont décidés aux niveaux local et national;
-favorisant le développement communautaire par l’identification et l’utilisation des approches de développement communautaire pour mettre en œuvre localement les cibles nationales de santé;
-soutenant l’évaluation par la diffusion des modèles de «bonne pratique» d’approches méthodologiques et de méthodes d’évaluation pour s’attaquer aux inégalités en matière de santé;
-en créant et soutenant des occasions de partager l’information par le biais de réseaux et autres moyens au niveau local, national et européen.
Un fameux chantier en perspective!
Nicole Maréchal , Ministre de la Santé de la Communauté française Wallonie-Bruxelles
Adresse de l’auteur: rue Belliard 9-13, 1040 Bruxelles.

Le rôle de la promotion de la santé dans la lutte contre les inégalités

Le 30 Déc 20

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Bien que le système de soins de santé soit bien développé dans la plupart des pays d’Europe occidentale, les spécialistes et les professionnels des soins de santé sont de plus en plus conscients du fait que le fossé ne cesse de se creuser dans le domaine de la santé entre les groupes défavorisés sur le plan socio-économique et les groupes plus favorisés.
En raison du contexte socio-économique difficile dans lequel elles évoluent, les personnes socialement défavorisées sont davantage sujettes aux maladies mais sont moins à même de solliciter ou de recevoir des soins de santé adaptés. Dans les groupes défavorisés sur le plan socio-économique, le poids à la naissance des enfants tend à être inférieur à celui de la moyenne de la population et leur durée de vie est plus courte. Dans ces groupes, les périodes d’hospitalisation ont tendance à être plus fréquentes et plus longues que chez les personnes dont les revenus sont plus élevés.
En cas de maladie mortelle, les chances de survie des personnes socialement défavorisées tendent à être plus faibles que la moyenne. De nombreux problèmes de santé que rencontrent les personnes défavorisées peuvent être directement liés à des facteurs tels qu’une alimentation de mauvaise qualité, une consommation de tabac et d’alcool élevée, des conditions de logement inadaptées, le chômage, un environnement professionnel dangereux, une sécurité quasiment inexistante et le stress. En raison de leur santé médiocre, les personnes socialement défavorisées ont souvent plus de difficultés à être des membres productifs de la société, la mauvaise santé devenant un facteur important d’exclusion sociale.
La sécurité sociale joue un rôle déterminant pour ce qui est de proposer un remède aux inégalités sociales dans le domaine de la santé. Il demeure toutefois indispensable de s’attaquer également au problème à titre préventif. Il faut pour cela recourir à des stratégies efficaces de promotion de la santé visant spécifiquement les personnes socialement défavorisées. Dans ce cadre, l’Institut flamand pour la promotion de la santé (VIG) a mis sur pied un projet de recherche étalé sur deux ans en collaboration avec le Réseau européen des agences promotrices de la santé (ENHPA). Ce projet s’est achevé par un séminaire d’experts internationaux sur le ‘Rôle de la promotion de la santé dans la lutte contre les inégalités dans le domaine de la santé’.

Recommandations pour une politique constructive

(1)
Les facteurs sociaux ayant un impact considérable sur la santé des populations, l’amélioration de la qualité de la vie de tous les citoyens européens ne passe pas seulement par l’amélioration des systèmes de soins de santé, mais aussi par la reconnaissance de l’impact des politiques sociales et de l’environnement social sur la santé publique. Dans ce contexte, le Conseil des ministres de la santé recommande la mise en place de politiques actives et coordonnées en vue de la réduction des inégalités sociales dans le domaine de la santé.

Politique à mettre en oeuvre

Au niveau national

Définir et promouvoir des objectifs nationaux et régionaux pertinents dans le domaine de la santé, qui tiennent compte des facteurs déterminants pour la santé afin de réduire les inégalités dans ce domaine.
Intégrer les facteurs déterminants pour la santé dans d’autres domaines d’action aux niveaux national, régional et local afin de réduire les inégalités dans le domaine de la santé (importance de la politique intersectorielle).
Mettre en place une procédure d’interpellation des ministres de la santé et un organe de surveillance ‘pour des politiques publiques saines’, en tenant compte de l’impact des mesures économiques et sociales sur la santé publique.

Au niveau local

Appuyer et encourager le développement de la collectivité, qui est une des manières de procéder pour réduire les inégalités dans le domaine de la santé.
Pour être efficace, le développement de la collectivité requiert l’intégration des services locaux, la mise en place d’équipes pluridisciplinaires et l’élaboration d’approches par domaines, des évaluations bien conçues des besoins dans des cadres différents, la participation de la collectivité et des partenariats, éléments essentiels pour obtenir des résultats durables. Dans ce contexte, il importe d’appuyer l’élaboration de programmes d’action communautaire intégrés (intersectoriels) et de programmes de développement durables dans les quartiers défavorisés; de créer les conditions propices à une mise en œuvre efficace de ces programmes pour ce qui est de la participation de la population et de la mobilisation de la société; d’assurer une évaluation appropriée de l’impact de ce processus. Il est également essentiel de renforcer les programmes éducatifs et de permettre aux personnes d’exercer leur citoyenneté et de prendre leur destin en main en améliorant leur situation et leur qualité de vie (responsabilisation).

Accès aux services de santé

Réduire les obstacles , accroître et assurer l’accès à des soins de santé et à des services de prévention efficaces et leur utilisation par les groupes socialement défavorisés et vulnérables (par exemple, les migrants défavorisés, les jeunes et les enfants, les personnes âgées).
Fournir les informations adaptées pour permettre aux personnes défavorisées d’utiliser les services de manière optimale et réorienter l’organisation des services afin que les groupes défavorisés puissent y accéder plus facilement.
Encourager (la mise au point) des politiques permettant de réduire les obstacles financiers aux services de santé et maintenir les politiques élaborées en matière de santé dans le cadre de politiques sociales fondées sur l’équité et la solidarité.

Données de base

Surveillance

Favoriser la poursuite de la mise au point d’indicateurs et de systèmes de surveillance pour mesurer les inégalités dans le domaine de la santé. Plus précisément, on devrait disposer d’un plus grand nombre d’informations sur les facteurs déterminants pour la santé (comportement), tels que les facteurs structurels et l’éducation à la santé, et pas uniquement sur la mortalité et la morbidité. Ces informations devraient être regroupées par classe sociale, sexe, groupe ethnique, etc.
Assurer une gestion appropriée de ces informations en coopération avec toutes les parties concernées, y compris la population, et convaincre les décideurs de prendre ces informations en considération.
Instaurer une coopération au niveau européen pour accroître la comparabilité des données relatives aux inégalités en matière de santé et mettre au point des lignes directrices relatives à la collecte des données.

Évaluation de l’incidence sur la santé

Encourager l’utilisation des évaluations de l’incidence sur la santé comme moyen efficace de lutte contre les inégalités en la matière.

Évaluation

Encourager le recours à des approches méthodologiques appropriées pour évaluer les interventions en matière de promotion de la santé, visant à réduite les inégalités en matière de santé.
Assurer des ressources financières et une formation suffisantes en matière d’évaluation pour mieux connaître les méthodes permettant de lutter efficacement contre les inégalités dans le domaine de la santé.
Créer et promouvoir des moyens permettant de diffuser des modèles de bonnes pratiques, des approches méthodologiques fondées sur des données probantes, y compris l’évaluation.

Diffusion

Prévoir des modalités efficaces d’échange d’informations sur la lutte contre les inégalités sociales dans le domaine de la santé, grâce à des conférences, des réseaux et d’autres moyens aux niveaux local, national et européen.
Assurer la diffusion des informations et des recommandations sous une forme qui soit utile et utilisable par toutes les parties concernées.
Conseil de l’Union européenne, Bruxelles, 15 novembre 2001, 13505/1/01 REV 1.
D’après une note aimablement fournie à la rédaction par le Cabinet de Madame la Ministre Nicole Maréchal.
(1) Ces recommandations sont fondées sur les conclusions finales du séminaire d’experts sur le rôle de la promotion de la santé dans la lutte contre les inégalités dans le domaine de la santé – Parlement européen – 28 et 29 septembre 2001 et des ‘Rencontres européennes: approche communautaire de la santé et inégalités sociales’ – Palais des Congrès -19 et 20 octobre 2001.

Exclusion sociale, la définir pour en finir

Le 30 Déc 20

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Depuis les années 80, le terme d’exclusion sociale connaît un succès sans cesse grandissant dans le discours commun, politique, médiatique, voire sociologique. Un très large consensus semble ainsi s’être formé autour de ce ‘concept’ censé être le plus approprié pour désigner l’ensemble des manifestations les plus extrêmes de la question sociale. Or, les mots que nous employons ne sont jamais neutres. Ils déterminent notre perception, notre compréhension et notre rapport au réel. Que signifie dès lors cet usage immodéré de la notion d’exclusion? Quelle compréhension de la question sociale tente-t-elle d’imposer et de légitimer?
Un récent ouvrage intitulé L’exclusion, définir pour en finir s’attache à ces questions. Son objectif: ‘faire passer l’exclusion du stade d’évidence au statut de question, de catégorie à penser – de catégorie à dépasser’ (1). Dans les lignes qui suivent, nous en retiendrons deux contributions: celles des sociologues Robert Castel et Saül Karsz . Toutes deux poursuivent en effet de façon assez complémentaire un objectif commun: décoder, déconstruire la notion d’exclusion afin de déterminer dans quelle mesure cette catégorie de la pensée sociale, devenue pour bon nombre d’entre nous un réflexe à la fois linguistique et théorique, imprègne la façon dont nous comprenons le fonctionnement et l’organisation de nos sociétés ainsi que la manière dont nous envisageons nos possibilités d’actions.
En soumettant la notion d’exclusion à la critique, l’objectif poursuivi par ces deux auteurs ne consiste évidemment ni à nier ni à relativiser l’ampleur, la diversité et le caractère dramatique des disparités sociales existantes, mais vise au contraire à montrer en quoi l’emploi irréfléchi d’une telle notion – l’exclusion – nous contraint, bon gré mal gré, à adopter à l’égard des logiques de relégations sociales un jugement idéologiquement orienté qui, quand il ne contribue tout simplement pas à légitimer le statu quo , a des implications pour le moins problématiques.

Une notion dangereuse

Selon Castel, la notion d’exclusion ou d’exclu(s) est à la fois une notion ‘molle’ et ‘dangereuse’ (2). Notion ‘molle’ d’abord, parce que très peu analytique. Sous l’étiquette ‘d’exclus’ sont en effet rangées une multitude de trajectoires de vie individuelles et/ou collectives particulières: chômeurs de longue durée, jeunes des banlieues déshéritées, familles en situation de pauvreté, minimexés, enfants en décrochage scolaire durable… Or quelles similitudes ces trajectoires ont-elles entre elles? Qualifier l’ensemble de ces situations par le seul terme d’exclusion ne permet ni descriptions pointues ni compréhension en profondeur des logiques de relégation propres à chaque situation ou type de situation.
‘Dangereuse’ ensuite, parce que cette notion tend à figer des parcours en un ensemble de situations de fait, à les autonomiser en ‘situations – limites’. L’exclusion est immobile . Elle désigne un état , ou plutôt des états de privation (3). Dans cette perspective, que Castel qualifie de ‘substantialiste’, l’exclusion porte en elle-même ses propres causes, le risque étant par conséquent de renvoyer aux ‘exclus’ la responsabilité de leur propre situation. Or, l’ensemble des situations qualifiées d’exclusion ne peuvent acquérir de sens et donc devenir compréhensibles que si elles sont resituées dans des processus ou des dynamiques sociales dont elles ne sont que l’aboutissement ultime. Comme l’écrit Castel, la condition faite à ceux qui sont out dépend toujours de la condition de ceux qui sont in ‘. Ce sont toujours les orientations prises aux foyers de décision en matière de politique économique et sociale , de management des entreprises , de reconversions industrielles , de recherche de la compétitivité , etc .- qui se répercutent comme une onde de choc dans les différentes zones de la vie sociale (4).

Désaffiliation

Ce sont ces processus actifs de relégation, allant du centre à la périphérie du social, marqués par différents stades de vulnérabilité et de déstabilisation – pour l’essentiel dus à la dégradation du rapport salarial et à l’affaiblissement des protections s’y rattachant – qu’il s’agit d’identifier, décrire et analyser si l’on veut saisir l’exacte signification des situations ‘d’exclusion’ et y remédier au mieux. C’est la raison pour laquelle l’auteur propose la notion de désaffiliation censée, selon lui, mieux rendre compte de l’aspect dynamique de la question sociale et, surtout, lui rendre toute sa portée politique: envisagées comme l’aboutissement de parcours régressifs dont les causes sont à rechercher en amont, les situations de désaffiliation remettent en question l’ensemble de notre organisation sociale. Il y a là , écrit encore Castel, une sorte d’effet boomerang par lequel les problèmes posés par les populations qui échouent aux bordures d’une formation sociale font retour vers son centre . (5)
Ainsi, la notion d’exclusion prise dans son acception courante présente un piège pour la réflexion et pour l’action. Piège pour la réflexion puisqu’un découpage du social en catégories aussi simplistes qu’inclus / exclus, ‘in’ et ‘out’ ne nous permet pas de saisir comment ceux qui se situent dans la première catégorie produisent les seconds. À cela, on pourrait ajouter que ce type de catégorisation joue une véritable fonction d’occultation.
Un passionnant travail d’enquête publié il y a peu de temps et mené dix années durant par deux sociologues dans les usines Peugeot de Sochaux–Montbéliard (6) en est une bonne illustration. Alors qu’on comptait en France encore près de 6,5 millions d’ouvriers en 1990, c’est-à-dire l’un des groupes sociaux les plus importants de la société française, les auteurs de l’enquête font remarquer que la question ouvrière fait l’objet depuis une quinzaine d’années d’un véritable refoulement collectif et politique, y compris à gauche, comme si évoquer le sujet était maintenant jugé totalement incongru.
Or, quels sont les résultats de leurs enquêtes? Une dégradation massive et catastrophique des conditions de travail causée par une ‘japonisation’ radicale du management visant à briser toutes formes de résistances et d’actions collectives, par les exigences de production à flux tendu et de qualité absolue, par le blocage systématique de toutes formes de promotions professionnelles, par le recrutement quasi systématique de jeunes intérimaires payés au niveau du SMIC, par l’individualisation des contrats de travail, par les entreprises délibérées de dévalorisation de la symbolique du monde ouvrier,…

Relégation

Ce ‘véritable drame’, pour reprendre les auteurs, de la classe ouvrière reste pourtant étonnamment absent du débat publique. L’explication résiderait notamment dans le fait que, la crise s’approfondissant, de nouveaux découpages du monde social se sont imposés, un repositionnement de la question sociale s’est opéré (focalisant davantage l’attention publique sur les questions relatives à l’immigration, les banlieues, la très grande pauvreté…), qui ont progressivement recouvert la question ouvrière.
La classe ouvrière, malgré les nouvelles formes violentes d’exploitation et de vulnérabilité qu’elle subit, s’est pour ainsi dire retrouvée du jour au lendemain rangée du côté des ‘in’ (ceux qui ont un emploi et, dans la vulgate libérale, des ‘avantages acquis’). De ce fait, l’attention publique s’est durablement détournée d’elle au point de la rendre pour ainsi dire invisible.
Piège pour la réflexion, la notion d’exclusion risque également de l’être pour l’action. Pour une première raison évidente: la ‘lutte contre l’exclusion’ appelle rapidement des mesures de type caritatif ou assistanciel qui n’ont d’autres effets que de contenir la misère en la rendant plus supportable. À l’opposé, les politiques et initiatives d’insertion se sont fortement développées pour faire activement face aux divers phénomènes dits ‘d’exclusion’. Si Castel les juge indispensables, il souligne toutefois un danger en quelque sorte inhérent à leurs modalités d’action: visant des publics qui ont déjà basculé ou qui en sont proches, il faut veiller à ce que les mesures d’insertion – d’ordre technique – n’économisent un effort d’ordre préventif et plus global – d’ordre politique – sur l’amont, au risque de laisser les logiques socio-économiques de précarisation (issues des exigences accrues de compétitivité, de rentabilité, de surqualification à l’embauche…) continuer à jouer à plein et que, pour les personnes ‘ciblées’ – ceux-là même que J . Donzelot nomme les normaux inutiles -, l’insertion ne soit plus vécue à terme comme une étape par principe transitoire, mais comme un état permanent (7).

La bonne cible

C’est en ce sens également que la vigilance s’impose à l’égard de l’ensemble des dispositifs de lutte contre ‘l’exclusion’ répondant aux principes dits de discriminations positives. Si le fait de donner plus à ceux qui ont moins semble relever du bon sens, les actions sociales ciblées déployées par les mesures de discriminations positives présentent les mêmes ambiguïtés fâcheuses et les mêmes dangers potentiels que la catégorie sociale d’exclusion dont elles s’inspirent par ailleurs.
Outre le risque bien réel, et vérifié, de stigmatisation, les mesures de discriminations positives s’appliquent toujours aux marges des systèmes, aux zones officiellement qualifiées ‘d’exclusion’, sur lesquelles elles concentrent l’essentiel de leurs efforts. De la sorte, elles s’interdisent d’influer de quelque manière que ce soit sur le centre de ces mêmes systèmes dont les (dys)fonctionnements sont pourtant à l’origine des dérives qu’elles tentent constamment de corriger.
Et pour peu que de telles techniques de rattrapages sociaux se transforment en politiques systématiques de lutte contre l’exclusion, voire de justice sociale, il y a alors fort à parier qu’une telle ‘politique’ s’engage pour longtemps dans un cercle vicieux la contraignant à se nourrir elle-même de ses propres contradictions.

«Dedans», «dehors» ou «hors-course»?

Selon Karz , cette fois, le succès de la catégorie d’exclusion sociale, contemporain de la révolution conservatrice et de l’emprise grandissante du libéralisme (8) peut s’expliquer notamment par son caractère à la fois polysémique, paradoxal et consensuel.
Polysémique : les situations particulières pouvant être rangées sous la catégorie d’exclusion sociale sont innombrables. C’est une catégorie à la fois trop riche et trop pauvre, sans rigueur et sans finesse, une catégorie «fourre-tout». C’est ce qui explique en partie son succès théorique et pratique.
Paradoxal : le terme d’exclusion sociale semble suggérer qu’il existe un en dehors, une extériorité du social, lieu indéterminé – et indéterminable – dans lequel auraient précisément basculé les exclus sociaux. Or, paradoxalement, pour être exclus, il faut être dedans . Un en dehors du social est à vrai dire difficilement pensable. Il ne peut à proprement parler y avoir d’exclusion sociale, mais il y a de l’exclusion dans le social, dans l’économique, dans la culture, dans la consommation… Les places ne manquent en définitive pour personnes, seule une certaine catégorie de places manque, et en particulier les places dominantes. Dire que les exclus sociaux sont exclus dans le social, c’est reconnaître qu’une place leur est assignée et qu’ils y remplissent une fonction, ont leur utilité: ils seraient hors course ‘, comme on dit , en oubliant que si la course suppose des coureurs , elle comporte aussi des arbitres , des parieurs , des spéculateurs et des profiteurs , des spectateurs assis ou debout sur des gradins , eux mêmes classés par catégories de confort et de prix , des vestiaires , la pelouse à entretenir , le ménage à faire , le crottin des chevaux à ramasser , etc . Ne pas ou ne plus être dans la course n’interdit nullement d’en faire partie , les perdants étant essentiels aux gagnants , ne serait ce qu’en termes de comparaison et de référence ! En outre , croire les perdants hors course ‘, c’est concevoir celle ci du point de vue des battants ‘, c’est à dire des dominants qui jouent à méconnaître les divisions et les conflits dont la dite course est le théâtre et où se trouvent les bases de leur domination (9).

Et les exclueurs?

L’exclusion sociale, prise au pied de la lettre, est une catégorie mystificatrice: elle dédouane ou déresponsabilise pour ainsi dire le social de la question sociale, de ses incohérences, de ses conflits. Elle induit une conception d’un social pacifié, exempt de tous rapports de force, de concurrence, de domination, d’exploitation, de coercition, mais toutefois confronté au défi d’insérer dans son espace des populations qui, pour des raisons subjectives ou objectives, n’y auraient jamais eu accès. Dans ce registre , on parle d’exclus , mais sans exclueur : plus d’acteurs , seulement des victimes (10).
Consensuelle enfin: la problématique de l’exclusion repose sur un principe philosophico-éthique fédérateur: inclus et exclus, au-delà des différences matérielles, économiques, politiques ou encore familiales qui les séparent, partagent une humanité commune.
Ce principe humaniste fait de la problématique de l’exclusion une problématique dont la dimension est essentiellement morale. L’exclusion sociale est intolérable parce qu’elle bafoue la dignité humaine. L’exclu est par principe celui qui se trouve empêché de participer à l’humaine condition. Cet idéal d’humanité, référent éthique de la question de l’exclusion, a pour vertu proprement idéologique de ramener au second plan les déterminants socio-politiques de l’exclusion: si les intérêts immédiats des uns (exclus) et des autres (inclus) divergent, tous sont toutefois supposés vouloir partager la même société, qui est la société intégrée des hommes. Il s’agit pour les premiers de pouvoir s’y insérer et pour les seconds de s’y maintenir ou d’assurer leur situation (11).
Ce référent humaniste, principe opérateur de la question de l’exclusion et de son caractère consensuel, reste finalement vide de sens: il n’explique pas grand chose de l’histoire individuelle et collective . On dit humain quand on ne peut pas , ou on ne veut pas , ou on n’a pas trop intérêt à dire ce qu’il s’agit d’analyser , ce qu’il s’agit de transformer ou de défendre . L’humain garantit que , la nuit , tous les chats sont gris (12).

Trompe-l’oeil

Ainsi, la catégorie de l’exclusion véhicule une conception globalisante de nos sociétés contemporaines dont les structures et régimes (notamment capitalistes), bien que perfectibles (il y a de l’exclusion) semblent indépassables. Elle s’inscrit dans le sillage du discours commun relatif à la fin des utopies socialistes et au caractère historiquement indépassable des démocraties libérales. Contrairement à la question sociale spécifique du capitalisme de la fin du XIXe siècle et de la première moitié du XXe siècle, la configuration de la question sociale par la catégorie de l’exclusion ne s’inscrit plus dans le cadre du conflit entre capital et travail, entre exploiteurs et exploités, mais d’un ‘côte à côte’ pacifique (si ce n’est quelques émeutes et fièvres sociales somme toute éphémères) entre ‘in’ et ‘out’ voulant in fine la même société tout simplement parce qu’aucune autre ne saurait exister.
Et S. Karsz de résumer comme suit la reformulation de la question sociale que la catégorie d’exclusion s’emploie à imposer. Ramené à sa plus simple expression , cela donnerait : société capitaliste ( du passé ) = lutte des classes = projet révolutionnaire pour les uns , projet conservateur pour les autres ; société ( capitaliste ) contemporaine = exclusion pour certains = insertion pour tout le monde , avec contrat d’insertion pour les défaillants (13).
Frédéric Ligot
Article paru le 15 octobre 2001 dans la revue bimensuelle Démocratie , et reproduit avec son aimable autorisation
(1) L’exclusion, définir pour en finir . Sous la direction de Saül Karsz, avec Michel Autès, Robert Castel, Richard Roche, Monique Sassier. Dunod, Paris, 2000.
(2) On retrouvera dans l’apport de Robert Castel un condensé des analyses qu’il a déjà développées sur le sujet dans son ouvrage Les métamorphoses de la question sociale. Une chronique du salariat , Paris, Éditions Fayard, 1995.
(3) Idem, p. 15.
(4) Idem, p. 21.
(5) Idem.
(6) Stéphane Beaud et Michel Pialoux. Retour sur la condition ouvrière. Enquête aux usines de Sochaux Montbéliard, Fayard. 1999.
(7) Les métamorphoses de la question sociale, p.432.
(8) L’exclusion, définir pour en finir, p.103
(9) Idem, p.124
(10) Alexandre C., Entre assistanat et solidarités , Cahiers de l’Atelier, janvier-février 1996. Cité par l’auteur.
(11) Si ce n’est pas la même société qu’ils veulent, ce ne sont plus des inclus ou des exclus mais, par exemple, des classes sociales, p.137.
(12) L’exclusion, définir pour en finir, p. 139.
(13) Idem, p. 145.

Pouvoir d’agir et pratiques sociales : changer le monde au quotidien

Le 30 Déc 20

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Dans le cadre de séminaires intitulés «De l’analyse à l’action pour des environnements favorables à la santé de personnes socio-économiquement défavorisées», organisés par Cultures et Santé et Question Santé, une première intervention était consacrée au thème suivant: «Développer le pouvoir d’agir des personnes et des collectivités en milieux défavorisés: une alternative crédible ».
Pour développer ce thème, nous avions invité Monsieur Yann Le Bossé, psychosociologue spécialisé en psychologie communautaire et professeur au Département des Fondements et des Pratiques en Education de l’Université Laval à Québec.

En voulant s’attaquer aux causes socio-économiques des inégalités de santé, à qui n’est-il pas arrivé de se sentir démuni devant ce qui apparaît comme une tâche trop complexe ou trop lourde? De plus, même dans le travail communautaire, les résultats sont exigés de plus en plus vite et on en attend des effets magiquement durables! Or, tous ceux qui privilégient l’approche communautaire savent combien elle demande de patience et de ténacité. Ce qu’elle vise, ce ne sont pas forcément des résultats immédiats, mais surtout une modification à long terme des façons de parvenir à ces résultats. L’approche centrée sur le développement du pouvoir d’agir des personnes et des collectivités (DEPAPC), développée dans cet article, propose de tenter d’étayer et de systématiser les pratiques de terrain que ce soit dans le domaine social, de la promotion de la santé ou dans d’autres contextes sociaux. Mais y a-t-il vraiment quelque chose de nouveau à proposer?

Ni policier, ni sauveur: quel est le pouvoir d’agir d’un intervenant?

La plupart du temps, les intervenants ont tendance à se positionner dans une relation d’aide unilatérale envers les personnes concernées (1). Ainsi, souvent, les modèles d’interventions ne sont pas construits d’après les besoins exprimés par les personnes concernées, mais d’après ceux perçus par les intervenants. Soulignons cette réflexion de Sarason (1976): J’ai été amené à comprendre que tout ce que les professionnels réussissent à faire avec la meilleure intention du monde , c’est de définir un problème de telle sorte que sa solution nécessite uniquement le recours à des professionnels , ce qui ( étant donné le manque patent de ressources (2)) rend le problème insoluble (3).
Est-il acceptable pour un acteur de santé ou un travailleur social de mettre son expertise entre parenthèse pour valoriser celle de l’Autre (4)? Cet Autre, responsable de sa vie et qui se voit enlever toute possibilité d’y prendre part, parce que celui qui est chargé de l’aider est sincèrement convaincu qu’il sait ce qui est bon pour lui!
Et si ce qu’on croit bon – pour nous – ne l’était pas pour l’autre? Si ce besoin perçu ne rencontre pas une demande? Et si, et si,… Et si, au lieu de se perdre en hypothèses, on sortait de ce que Breton appelle la «monopolisation professionnelle» (5) pour en arriver à une «harmonisation des attentes et des objectifs des différents acteurs (bailleurs de fonds, planificateurs de programmes, professionnels et membres d’une communauté)» (6). Selon Le Bossé (7), la volonté collective qui émergera de ce consensus deviendra suffisamment forte pour «soulever des montagnes», elles qui ne manquent pas de se dresser dans les tentatives de mobilisation d’une communauté.
Parallèlement à cette notion de «monopolisation professionnelle» se dessine celle de «double victimisation». En effet, lorsque l’intervenant se retrouve dans une situation où son projet n’atteint pas les objectifs qu’il s’était fixés, il peut être amené à faire des reproches à «son public», à lui en faire porter la responsabilité. Cela se traduit par des expressions comme «Après tout ce qu’on a fait pour eux», «C’est à se demander si ces gens veulent bien être autonomes», «Quand on voit tous les services mis en place pour eux, ils ne les utilisent même pas»,…
Pourtant, la performance du professionnel est, la plupart du temps, appréciée en fonction de sa capacité à résoudre le problème en lieu et place de la personne concernée!
Selon Le Bossé, la notion de double victimisation réfère aux «situations dans lesquelles les personnes concernées doivent faire face à une forme plus ou moins ouverte d’hostilité de la part des professionnels chargés de les aider en plus d’être aux prises avec les difficultés propres à leur situation»(8).
Tout le monde est victime: l’intervenant, car il se sent trahi, et la personne aidée, parce qu’on lui ajoute un fardeau supplémentaire.
Qu’en serait-il si tous les acteurs concernés par un problème s’asseyaient ensemble autour d’une table pour le définir de manière collective?
Prenons un exemple issu des pratiques sociales au Québec.
« Dans un quartier où réside une majorité de familles à faibles revenus, une équipe du CLSC – Centre Local de Services Communautaires (qui pourraient en certains points être comparés aux CPAS, ndlr) constate que sur le territoire qu’elle dessert, le pourcentage de bébés de petit poids est nettement supérieur à la moyenne. Or, cette situation peut avoir un impact sur l’incidence et la prévalence des maladies infantiles et sur certains problèmes de croissance. Les intervenants décident donc de mettre en place un programme préventif auprès des futures mamans du quartier afin qu’elles puissent bénéficier d’une information de base sur les besoins nutritifs d’une femme enceinte et d’une meilleure alimentation pendant leur grossesse. Après des mois d’efforts pour obtenir le financement nécessaire, l’équipe est en mesure d’offrir ce nouveau service. Or, malgré une importante campagne d’affichage dans les lieux publics et plusieurs démarches d’informations dans le quartier, très peu de femmes enceintes répondent à l’appel de l’équipe du CLSC. De plus, il apparaît que la majorité de celles qui se présentent utilisent les suppléments fournis à leur intention pour nourrir les autres membres de la famille (…)»(9).
Dans cet exemple, il est aisé d’imaginer ce processus de «double victimisation»: «elles ne profitent pas des suppléments alors que nous savons qu’elles en ont besoin». Besoin, le mot est à nouveau lâché: le besoin de qui? Sous quel point de vue faut-il considérer l’initiative?
Pour sortir de ce carcan, les intervenants doivent être prêts à sortir de leur point de vue pour envisager celui des personnes concernées.
Dans notre exemple, le projet mis en place l’a été sous l’angle de la santé publique. En fait, les intervenants s’interrogent sur les carences éventuelles des futures mamans et mettent en place un programme pour les réduire. Il n’est évidemment pas question de nous en indigner, mais plutôt d’entamer une réflexion sur «pourquoi ne pas mettre en présence tous les acteurs impliqués dans le changement afin d’être sûr de prendre en considération tous les aspects du problème et des solutions envisagées?».

Les enjeux des uns font-ils les affaires des autres?

En règle générale, dès la mise en place d’un projet, plusieurs enjeux sont implicitement présents:
-idéologiques: par exemple, donner plus d’autonomie;
-socio-économiques: par exemple, réduire les coûts de prise en charge;
-socio-sanitaires: par exemple, diminuer l’incidence de tel problème;
-scientifiques: par exemple, développer une connaissance rigoureuse;
-administratifs et organisationnels: par exemple, optimiser la gestion du programme, harmoniser les objectifs du programme avec les pratiques de l’institution,…
-de l’intervenant: par exemple, produire des changements qui confirment le sentiment de compétence;
-de la personne qui reçoit de l’aide: par exemple, que la situation qui fait problème soit résolue de manière viable à moyen et à long terme
Bien entendu, chaque enjeu n’a pas le même pouvoir d’influencer la finalité et les modalités du programme. Généralement, les enjeux de ceux qui disposent des fonds et du pouvoir décisionnel pèsent plus lourd dans la balance que ceux des personnes qui composent plus directement avec le problème. Cependant, chaque acteur seul ne peut avoir conscience que des enjeux qui lui sont propres, ceux des autres lui étant a priori étrangers.
Dans la mise sur pied d’une action, trois éléments sont importants à prendre en compte:
-la définition du problème et des solutions en fonction des différents enjeux;
-la demande formulée par les personnes aidées;
-la conception que les intervenants se font du problème.
Dès lors, il devient important de favoriser l’implication de toutes les personnes concernées, non seulement dans la définition de ce qui constitue un problème pour eux, mais également dans la prise en compte des solutions envisageables.
Nous allons voir plus loin que cette façon d’agir diffère de la manière traditionnelle en ceci qu’elle ne se fonde pas sur les carences individuelles ou collectives, mais bien sur les forces et les compétences en présence.
Afin de mieux comprendre l’approche centrée sur le développement du pouvoir d’agir, nous vous proposons un retour aux sources de ce concept.

L’empowerment ou le développement du pouvoir d’agir: donnons du sens à nos pratiques

Dans la langue anglaise, le mot «empowerment» est un terme commun qui signifie un gain de pouvoir.
Ce mot est un composé des éléments suivants:
le préfixe «Em» qui traduit l’expression d’un mouvement,
le radical «Power» qui signifie pouvoir,
le suffixe «Ment» qui indique la présence d’un produit, d’un résultat.
«Empowerment», au sens littéral du terme se définit donc comme un «mouvement d’acquisition de pouvoir qui produit un résultat tangible». Cela se traduit concrètement par «la capacité des personnes à exercer un plus grand contrôle sur ce qui est important pour elles, leurs proches et leurs communautés»(10).
Les premières traces de l’usage de ce mot remontent aux premiers colons aux Etats-Unis d’Amérique. Il est également utilisé dans un contexte organisationnel pour désigner le potentiel d’initiatives dont disposent les employés. Dans le cadre des pratiques sociales, ses premières utilisations remontent aux mouvements féministes du début du XXe siècle aux Etats-Unis.
Dans ce contexte des pratiques sociales, « l’utilisation de ce terme est généralement associée à un pouvoir instrumental personnel et collectif qui vise à exercer un plus grand contrôle sur sa réalité ( ex : accès aux ressources , participation aux décisions ,…). (…) L’empowerment est en quelque sorte une tentative d’élargir le champ des actions possibles du point de vue tant des ressources personnelles ( ex : l’habileté à la communication ) que de celle de l’environnement ( ex : accès à des services adéquats , à un logement convenable ). C’est donc d’un pouvoir d’agir dont il s’agit , d’un pouvoir d’initier ou de contribuer au changement souhaité »(11).
Deux éléments se distinguent dans cette notion:
-la cible de changement (ce qui est important pour les personnes ou les communautés);
-le moyen de production de ce changement (l’acquisition d’un plus grand contrôle).

La cible de changement

Comme évoqué ci-dessus, l’adoption d’une action centrée sur le pouvoir d’agir met en avant le principe d’expertise expérientielle (12): les personnes aux prises avec un problème sont les mieux placées pour définir la nature de leurs besoins et des solutions compatibles avec leur situation. Chacun est l’expert de sa vie.
Cependant, une telle affirmation n’exclut pas la contribution des professionnels et autres bailleurs de fonds à la définition de ce problème.

Le moyen de production du changement

Une fois que la cible du changement fait consensus, il convient de déterminer les moyens d’actions à privilégier. Si cette démarche est un premier pas, elle ne suffit pas. En effet, la sélection des méthodes d’intervention va être influencée, notamment par la disponibilité des ressources.
Pour cela, il apparaît pertinent de faire en sorte que les personnes visées par le changement soient également celles qui le conduisent. La démarche de l’intervenant se modifiant alors pour leur fournir les ressources nécessaires ou en faciliter l’accès.
L’intervenant devient alors un agent de changement démultiplicateur de compétences, agissant dans de nombreux contextes. Pour maximiser au mieux les compétences des personnes concernées, il est souhaitable d’agir par de petites actions concrètes successives et qui ont de grandes chances de réussir. En effet, agir de la sorte permet de diminuer la probabilité d’échec et donc d’augmenter le sentiment de compétence.

Trois principes fondamentaux

Prendre le temps

Tant dans la définition de la cible du changement que dans la mise en œuvre des moyens d’actions, il est important de prendre tout le temps nécessaire. D’ailleurs, comme le souligne Biarnes (1998): « Il vaut mieux prendre le temps de créer les conditions d’un changement effectif plutôt que de prendre le risque d’imposer un échec supplémentaire aux personnes concernées » (13). En effet, cette approche favorise l’enracinement du changement sur du long terme.
A l’opposé, l’approche préventive de l’éducation pour la santé, basée sur les principes du marketing social, emploie des stratégies de communication de masse: presse, T.V., campagnes d’affichages,… Celles-ci sont la plupart du temps éphémères.
D’après Brieger et Ramakrishna, « l’un des facteurs qui différencie le marketing social des autres stratégies axées sur l’individu est l’échelle d’intervention . En effet , il tente de transformer l’individu à l’échelle de la ville , de la région , de l’Etat ou du pays ». Les auteurs avancent également que « le marketing social est inadapté lorsque des obstacles structurels importants s’opposent au changement chez l’individu (…). Le marketing social ne convient pas non plus dès lors que les efforts et les ressources du seul individu sont insuffisants pour parvenir au comportement désiré » (14).
L’approche centrée sur le développement du pouvoir d’agir préconise que l’on prenne le temps de créer un espace de négociation pour toutes les personnes concernées par la situation qui fait problème. Ceci parce qu’elles sont les expertes de leur situation et qu’elles connaissent bien les conditions de vie dans lesquelles elles vont devoir opérer le changement visé. Si elles prennent le temps de participer à la définition du problème qui les occupe, leur volonté d’action n’en sera que plus considérable… et la maxime «de la discussion jaillit la lumière» prendra tout son sens.

Partager le pouvoir et les expertises

Comme évoqué précédemment, chaque acteur impliqué dans le changement connaît d’une part les enjeux auxquels il doit faire face et, d’autre part, possède sa propre expertise de son milieu de vie. Pour construire un projet qui s’inscrira dans la durée, il est préférable de favoriser la négociation entre les différents acteurs afin que chacun puisse faire valoir son point de vue. Chaque acteur devra classer ses enjeux par priorité et en laisser tomber certains pour arriver à un consensus solide à la fin de la négociation. C’est le consensus établi par tous les acteurs en présence qui permettra de faire avancer le projet.
Cette démarche est à différencier de la consultation populaire. Dans ce cas, si les acteurs du programme veulent connaître le point de vue des futurs usagers, cela n’implique aucun partage effectif du pouvoir de la définition et de la réalisation du changement.

Collaborer avec les personnes concernées

La faisabilité d’une démarche centrée sur le pouvoir d’agir repose en bonne partie sur la contribution active et continue des personnes concernées. Cependant, on pourrait douter de la participation effective des personnes que l’on veut aider. En effet, elles ne sont peut-être pas disposées à donner du temps pour coopérer à un projet, quelle que soit l’étape. En fait, cet obstacle ne peut exister que si l’action a été conçue de manière traditionnelle. Par conséquent, si les personnes concernées ont participé à la décision du changement et à sa volonté de réalisation, la probabilité de leur implication sera d’autant plus grande. Toutefois, lors de la mise en place, il faudra veiller à développer des pratiques de concertation compatibles avec leurs conditions de vie, leurs compétences et leur expérience. Ainsi, il est illusoire de demander à des personnes peu scolarisées de participer à des réunions où le jargon technique empêcherait la bonne communication, par exemple. Par contre, on pourrait envisager l’utilisation d’un vocabulaire plus courant ou des réunions sous d’autres formes.

Limites de l’approche

Ces quelques pistes de réflexions ne doivent pas faire oublier que l’on ne peut pas transmettre, par un enseignement ou des techniques particulières, un vécu de pouvoir d’agir, ni en donner aux gens. L’approche n’est pas non plus uniforme, ni en ce qui concerne le temps qu’elle requiert, ni dans ses modalités. Ces éléments varient en fonction des contextes et des personnes. La mission du professionnel consiste à faciliter ce processus en contribuant à réunir les conditions de son émergence. « L’approche centrée sur le pouvoir d’agir n’est pas non plus une solution miracle : les problèmes ne disparaissent pas parce que les personnes sont placées au centre de l’intervention . Ce qui change , c’est qu’au lieu de faire partie du problème , l’intervenant contribue au développement de sa solution . »(15)
Si les changements espérés mettent du temps à se manifester de manière stable, c’est justement parce que l’action est centrée non pas sur la personne, mais sur la situation. Les personnes ne sont plus stigmatisées. Ceci fait que l’application est plus restreinte et délicate dans un contexte d’intervention en autorité. De plus, cette méthode est personnellement très exigeante, car elle demande une remise en question perpétuelle de ses propres valeurs. Le professionnel doit pouvoir se dégager du rôle central qu’il est habitué à assumer et sortir de la logique unilatérale « aidant-aidé ».

Conclusion

«Changer le monde au quotidien»: tout un programme! L’approche centrée sur le pouvoir d’agir apporte des pistes de changement… Non pas magiquement, mais au contraire en se fondant sur trois principes bien concrets: prendre le temps, partager le pouvoir et les expertises, et collaborer avec toutes les personnes concernées. Non par de grands projets trop ambitieux, mais plutôt par une suite d’actions se déroulant de proche en proche, à petit pas, pour favoriser leur réussite et encourager leurs auteurs.
De plus, pour Yann Le Bossé, l’approche centrée sur le pouvoir d’agir, « outre le fait qu’elle permet de dépasser les dualismes propres aux pratiques sociales traditionnelles ( personnes / groupes ; liberté / fraternité ;…), offre l’opportunité de redéfinir la relation entre les professionnels et les personnes concernées en donnant à ces dernières la place qu’elles auraient dû toujours occuper . » (16)
Barbara De Coster
Adresse de l’auteur: Cultures & Santé, chaussée de Mons 130, 1070 Bruxelles.
(1) LE BOSSE Y. et DUFORT F. L’approche centrée sur le pouvoir d’agir: une autre façon d’intervenir, in DUFORT F., GUAY J. (sous la direction de). Agir au cœur des communautés: la psychologie communautaire et le changement social. Québec: Les Presses de l’Université Laval, 2001, p. 94.
(2) Le manque de ressources financières, humaines,…
(3) SARASON, 1976, cité dans: LE BOSSE Y. Empowerment et pratiques sociales: illustration du potentiel d’une utopie prise au sérieux. In: Nouvelles pratiques sociales, vol 9, n° 1, 1996, pp.127-140.
(4) « L’Autre, c’est toute personne humaine, comme vous et moi, mais plus encore la personne socialement défavorisée, qui n’est « pas comme nous », l’immigré qui n’est « pas de chez nous ». Avec A majuscule pour dire qu’on l’identifie parmi tant d’autres », d’après IYAKAREMYE S. (et l’équipe de Cultures et Santé). L’éducation pour la santé avec la logique de l’Autre. Bruxelles, brochure, 1999, 28 p.
(5)LE BOSSE Y. et DUFORT F., 2001, ibidem.
(6) LE BOSSE Y. Maximiser la participation des parents au sein des initiatives communautaire: vers une nécessaire négociation des enjeux mutuels (article soumis à publication).
(7) LE BOSSE Y., op. cit.
(8) LE BOSSE Y. et DUFORT F., 2001, ibidem.
(9) LE BOSSE Y. et DUFORT F., 2001, ibidem, p.95.
(10)Définition proposée par Monsieur Le Bossé dans le cadre de son intervention, le 22 mai 2001.
Notons également la similitude avec la définition de la Promotion de la Santé par l’OMS en 1986, lors de la charte d’Ottawa: « processus qui confère aux populations les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé ».
(11) LE BOSSE Y. et DUFORT F., 2001, ibidem
(12) Versus l’expertise professionnelle.
(13) BIARNES (1998) cité dans LE BOSS Y. et DUFORT F., ibidem, 2001.
(14) BRIEGER W.R., RAMAKRISHNA J. Education sanitaire: le marketing social n’est pas une panacée. In: Forum Mondial de la Santé, vol 8, 1987, pp. 414-417.
(15) LE BOSSE Y. Empowerment et pratiques sociales: illustration du potentiel d’une utopie prise au sérieux. In: Nouvelles pratiques sociales, vol 9, n° 1, 1996, pp. 127-140.
(16) LE BOSSE Y., 1996, ibidem.
(17) Ninacs (1995) , cité dans: LE BOSSE Y. et DUFORT F. L’approche centrée sur le pouvoir d’agir: une autre façon d’intervenir, in DUFORT F., GUAY J. (sous la direction de). Agir au cœur des communautés: la psychologie communautaire et le changement social. Québec: Les Presses de l’Université Laval, 2001.

Les quatre axes de pratiques à garder en mémoire

Adoption de l’unité d’analyse «acteur en contexte»

Si le terme «contexte» signifie un ensemble d’éléments qui déterminent une situation où il existe des éléments incapacitants, le mot «acteur» quant à lui renvoie au caractère dynamique et engageant de la personne aidée. De cette façon, les intervenants ne parlent plus du «public cible», mais de «situations à risque».
Ces situations comprennent les personnes qui en sont la cible. Le changement ne se fait pas uniquement sur le plan individuel, mais aussi contextuel. Les problématiques sociales sont des réalités complexes qui nécessitent autant des changements structurels que des compétences individuelles. Donc, la personne doit être acteur de sa vie et l’intervenant doit être en mesure de favoriser ses compétences..

Implications des personnes aidées dans la définition des problèmes et des solutions

Chaque acteur du projet possède sa propre expertise. Ainsi, pour ne pas faire de gâteau avec la moitié des ingrédients, les concepteurs de l’action se rendent compte qu’ils ont également besoin de l’expertise de chacun (bailleurs de fonds, planificateurs, concepteurs, intervenants, personnes aidées,…). Cela demande de pouvoir renoncer à une solution disponible si elle n’est pas acceptable pour la personne. Dans le cas contraire, la solution risque de ne pas être appliquée ou de manière inefficace.

Introduction d’une démarche de conscientisation (interdépendance des facteurs)

Selon Ninacs (17), il existe trois types de conscience:
-la conscience collective: «je ne suis pas le seul à avoir le problème»;
-la conscience sociale: «les problèmes individuels ou collectifs sont influencés par la façon dont la société est organisée»;
-la conscience politique: «les solutions passent par un changement social».
Les personnes concernées doivent avoir conscience de tous les éléments qui contribuent à leurs difficultés. L’intervenant doit donc être prêt à soutenir des actions qui visent à produire un changement dans le milieu, à la mesure de ses moyens et en fonction de son contexte.

Prise en compte des contextes d’applications

Il faut être conscient qu’il n’existe pas de solutions en kit, celles-ci étant dépendantes des contextes. Il est donc important de négocier la façon dont le programme va être appliqué en fonction des particularités de contextes et du profil des personnes accompagnées.

Précarité sociale, précarité sexuelle

Le 30 Déc 20

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La précarité affecte la vie affective et sexuelle comme elle affecte tous les autres domaines de la vie . Les intervenants sociaux sont donc amenés à reconstruire la confiance en soi dans ce domaine aussi . Une enquête de l’asbl Repères identifie leur rôle et ses limites .
Les personnes qui vivent dans des conditions précaires sont quelquefois amenées à vivre des rencontres amoureuses et des relations sexuelles dans des circonstances précipitées et sans possibilité de recul. Ainsi, les jeunes qui vivent en homes, les jeunes « des rues » sont plus exposés que les autres au multipartenariat. Les conditions de telles rencontres sont peu propices à la négociation de moyens de prévention dont le manque de moyens financiers rend en outre l’achat difficile. Enfin, les conditions de vie de ces personnes les mènent plus que d’autres à adopter des conduites à risque comme la prostitution occasionnelle, l’échange de seringues, etc. La précarité affecte donc la vie affective et sexuelle comme elle affecte tous les autres domaines de la vie.
Les intervenants professionnels qui travaillent avec ces personnes doivent les amener, dans ce domaine comme dans d’autres, à restaurer une certaine estime de soi, développer une image plus positive d’elles-mêmes, négocier sans se faire rejeter. Un tel travail, difficile et exigeant, suppose une réflexion et une démarche spécifiques. C’est le travail de l’asbl Repères. Depuis des années, elle forme des professionnels relais spécialisés en éducation pour la santé et plus spécifiquement à la vie amoureuse et/ou sexuelle.
Le concept de santé sexuelle est encore assez peu usité. Fidèle à l’esprit de la santé communautaire, Repères comprend la santé comme une ressource, ou plutôt un ensemble de ressources, que les individus et les collectivités qu’ils forment peuvent mobiliser pour accéder au bien-être. Afin de remplir toujours mieux sa mission, l’asbl a mis sur pied un ambitieux travail de recherche-action.
Première étape, une enquête réalisée dans 21 institutions en mars 2000. Objectif: cerner la perception et les représentations que les travailleurs se font de leur travail et de leur rôle, de leurs compétences et de leurs limites.
Les résultats de l’enquête viennent d’être publiés. Ils mettent en évidence toute la complexité de la problématique. Les intervenants associent les difficultés relationnelles des jeunes et leur passé marqué par l’instabilité et les carences affectives, l’abandon, la contrainte. Ils éprouvent donc un sentiment d’impuissance face aux situations à gérer et expriment des difficultés à situer leur rôle dans l’indispensable travail de requalification à mener avec ces jeunes. Premier constat pour l’asbl: pour être adéquate, l’action des intervenants suppose la capacité de prendre suffisamment de distance avec leurs propres histoires, leurs valeurs et leurs références. De plus si, à titre individuel, les intervenants sont sensibles à la prise en compte de la santé sexuelle des personnes qu’ils encadrent, les institutions ont généralement fort peu intégré formellement la prise en charge de ces problématiques. Celles, assez rares, qui ont réussi à formaliser ces questions, constatent des effets largement positifs. C’est l’un des aspects les plus féconds de l’enquête. Il devrait déboucher sur des démarches concrètes: nécessité de définir l’enjeu de l’implication institutionnelle et les conditions à mettre en œuvre pour un questionnement institutionnel. Essentiel, mais délicat.
Enfin, les résultats de l’enquête montrent le besoin d’articuler le travail des professionnels de terrain avec l’intervention de personnes et de structures reconnues dans le domaine de la santé sexuelle. Les prochaines étapes de la recherche-action devraient permettre d’identifier les pistes d’action nécessaires pour rencontrer ces besoins cruciaux.
A.M.P.
Renseignements: Repères asbl, rue de la Sarriette 19, 1348 Louvain-La-Neuve.
Tél.: 010 – 45 73 31.

Pour en savoir plus

Le 30 Déc 20

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L’action communautaire n’est pas propre à la promotion de la santé. Elle s’est développée depuis longtemps dans le champ de l’éducation permanente et de l’action sociale. Depuis que la santé fait l’objet d’une approche plus globale impliquant des dynamiques locales et une participation active des usagers, elle suscite un regain d’intérêt.

Je ne crois pas que la démocratie puisse survivre, sauf comme une formalité, si la participation du citoyen est limitée au vote, s’il est incapable d’une certaine initiative et sans possibilité d’influencer la structure sociale, économique et politique qui l’entoure…
L’individu ne peut influencer que s’il a du pouvoir.
Saül Alinsky

L’asbl Santé, communauté, participation nous propose un cadre de référence en la matière qu’elle décline en une collection de six brochures ambitionnant de faire le point sur les aspects significatifs de cette pratique.
Entamée en 1999, la publication vient de s’achever avec la parution simultanée des numéros 5 et 6.

1. Des concepts et une éthique (1999)

Auteurs: Martine Bantuelle, Jacques Morel, Yves Dario
Définitions de la santé, objectifs de la prévention, évolution de l’éducation sanitaire vers la promotion de la santé, émergence des valeurs et pratiques communautaires.

2. Les acteurs et leurs pratiques (1999)

Auteurs: Martine Bantuelle, Jacques Morel, Yves Dario
Quels sont les acteurs? Comment et sur quoi peuvent-ils agir? Pourquoi agir? Signification et importance de la pratique de réseau.
Epuisé

3. Le diagnostic communautaire (2000)

Auteurs: Martine Bantuelle, Jacques Morel, Denis Dargent
Un modèle dynamique. Sur quoi porte le diagnostic communautaire? Qui fait le diagnostic communautaire? A quoi sert-il, comment le mettre en place?

4. La participation des acteurs (2000)

Auteurs: Martine Bantuelle, Jacques Morel, Denis Dargent
Le courant communautaire, les enjeux de citoyenneté et de solidarité, les formes organisées de la participation, les acteurs et leurs spécificité (habitants, professionnels, institutionnels).

5. L’évaluation, un outil au service du processus (2001)

Auteurs: Martine Bantuelle, Jacques Morel, Denis Dargent
La démarche évaluative, l’évaluateur, les spécificités communautaires de l’évaluation, les enjeux de l’évaluation participative.

6. Des ressources pour agir (2001)

Auteur: Denis Dargent, avec la collaboration de Martine Bantuelle, Jacques Morel, et Samia Mammer
Actions communautaires en Belgique et en France, outils, textes législatifs pertinents en Belgique, les formes organisées de participation, les formations en France et en Belgique.

Chaque brochure se termine par une bibliographie sélective. Ces documents sont disponibles gratuitement auprès de l’asbl Santé, communauté, participation, Bd du Midi 25/5, 1000 Bruxelles. Tél.: 02-514 40 14. Fax: 02-514 40 04. Courriel: info@sacopar.be.

La nécessité d’indicateurs de santé globale en médecine scolaire

Le 30 Déc 20

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La pratique des bilans de santé réalisés dans le cadre de la médecine scolaire en Communauté française de Belgique pose depuis longtemps le problème de la pertinence des indicateurs utilisés pour rendre compte de l’état de santé global des enfants et des adolescents . C’est principalement en termes de morbidité que la santé est observée. Qu’en est-il du bien-être des élèves? Derrière un bilan somatique rassurant pour le médecin scolaire risque bien souvent de se cacher une réalité plus complexe. En témoignent de nombreux chiffres, comme ceux d’une enquête sur la santé mentale des jeunes qui rapportait 24 % de symptômes dépressifs chez les adolescents scolarisés (1), ou ceux relatifs à la consommation toujours croissante de substances «addictives» (2) …
Par ailleurs, il n’existe pas de réels programmes d’ éducation pour la santé dans nos écoles: les interventions sont ponctuelles et généralement centrées sur les besoins perçus par les professionnels.
Le décret relatif à la Promotion de la Santé à l’Ecole (PSE) entré en vigueur en Communauté française en septembre dernier devrait permettre de percevoir des changements dans les pratiques et dans l’amélioration de la santé des jeunes, puisqu’il élargit les missions des équipes de médecine scolaire, dans une perspective de santé globale .
Pour rappel, les principaux changements par rapport aux missions précédentes sont les suivants:
– introduction de programmes de promotion de la santé et de promotion d’un environnement favorable dans les écoles;
– recueil standardisé de données sanitaires permettant de définir des priorités d’interventions;
– amélioration du suivi médical des élèves.
Cependant, la mise en œuvre du décret pose un problème majeur: il est prévu que les programmes de promotion de la santé soient construits, pour chaque centre, à travers un «projet santé» basé sur les données sanitaires existantes et les besoins perçus par l’équipe de PSE et les enseignants.
Or les données recueillies en routine (déficiences visuelles ou auditives, statut vaccinal, caries dentaires, scolioses, etc.) ne rendent pas compte du point de vue des enfants et des adolescents sur leur santé, et on sait comme les besoins perçus par les professionnels (de l’éducation ou de la santé) peuvent être loin des préoccupations des élèves et parfois de leurs familles.
Si aucune analyse des besoins auprès des enfants et des adolescents n’est prévue, l’ «éducation pour la santé» risque une fois de plus de se focaliser sur des problèmes qui sont plus les nôtres que les leurs… Si l’on veut promouvoir la santé à l’école, au-delà des constats concernant les problèmes de santé et les comportements à risque des adolescents, il faudrait investiguer davantage le bien-être des enfants et des adolescents, et développer des indicateurs de santé «subjective», de manière à pouvoir concevoir des programmes et des pratiques reflétant et répondant mieux à leurs besoins.
Dr Florence Renard , Médecin scolaire et Assistante à l’Unité d’Education pour la santé, RESO, Ecole de Santé Publique, UCL. (1) De Clercq et al., Enquête santé mentale des jeunes de l’enseignement secondaire en région de Bruxelles-Capitale, PROMES – ULB, 1996, 25p.
(2) Piette et al., Vers la santé des jeunes en l’an 2000 ? Une étude des comportements et modes de vie des adolescents de la Communauté française de Belgique de 1986 à 1994, PROMES – ULB, 1997, 68p.

Concertation et collaboration avec les équipes PMS

Le 30 Déc 20

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Le décret du 20 décembre 2001 relatif à la promotion de la santé à l’école, dit «décret PSE», prévoit en son article 10 une étroite collaboration entre les Services PSE et les Centres PMS. Celle-ci se concrétisera notamment sous forme de concertations définies par l’arrêté d’application du 17 juillet 2002.
Cette collaboration a été et est toujours effective et très étroite dans les Centres PMS organisés par la Communauté française puisque ceux-ci ont intégré, dès leur création, les missions IMS puis PSE et les missions PMS.
Dans les réseaux subventionnés, la collaboration entre les deux services était, sous l’égide de la loi sur l’IMS, beaucoup plus distante et souvent limitée à un échange d’informations médicales concernant les élèves. Cependant, les expériences réalisées lors de la rénovation desdits services et les expériences particulières de coordination SPSE / CPMS actuellement mises en place dans certaines régions ont renforcé les liens et favorisé le rapprochement professionnel. Mais il faut bien reconnaître que ces expériences étaient une question de personnes puisqu’elles étaient lancées sur base volontaire.
Le nouveau décret officialise la nécessaire collaboration entre les Services PSE et les Centres PMS subventionnés, voire avec les Centres PMS organisés par la Communauté française lorsque ces derniers desservent des populations scolaires des réseaux subventionnés.
L’arrêté d’application du 17 juillet 2002 en fixe des modalités pratiques soit obligatoires, soit recommandées.
Indépendamment du contenu concret de ces textes légaux, la volonté de collaboration étroite exprimée par le législateur m’amène à des considérations d’ordre général. Celles-ci sont d’autant plus importantes que la nouvelle définition de la santé n’est plus limitée au concept de la santé physique. Il s’ensuit que le recouvrement partiel des missions PSE et des missions PMS, le fait que les deux services s’adressent aux mêmes consultants et qu’ils collaborent avec les mêmes parents et les mêmes partenaires scolaires, parfois aussi avec les mêmes partenaires extérieurs, sont des sources de confusion de rôles, voire de conflits entre les travailleurs et d’embrouillamini pour les consultants et les partenaires.
Avant donc d’appliquer sur le terrain les mesures pratiques décrites dans l’arrêté d’application, il me paraît nécessaire et indispensable de passer par une étape préalable de rencontre et de réflexion commune entre les SPSE et CPMS concernés et portant sur
– la (re)découverte des travailleurs des deux services;
– la clarification des missions et des rôles des deux services et de chaque travailleur en particulier;
– la mise en évidence des missions et des activités communes et des missions et des activités propres à chaque service;
– l’organisation et la mise en place des modalités de relations communes avec les partenaires scolaires;
– la définition et la mise au point des modalités de réception des demandes et de leur traitement (qui fait quoi). Il est primordial de se mettre d’accord sur les demandes qui seront prises en charge par le SPSE et celles qui seront prises en charge par le CPMS, tant pour ce qui est des missions communes que des missions différenciées. Une information claire et précise des consultants et des partenaires scolaires sur le «qui fait quoi» devra être mise en place afin d’aider les élèves, les familles et les enseignants à choisir l’interlocuteur adéquat et afin d’éviter les imbroglios et les pertes de temps;
– la responsabilité de chacun des gestionnaires des services (médecin responsable PSE et direction PMS) tant à l’égard des personnels que vis-à-vis des activités communes à mettre en place.

Programme commun

La seconde étape me paraît devoir être la définition du programme d’activités communes. En effet, la participation de l’équipe PMS à ces activités n’est pas un automatisme mais le résultat d’une réflexion commune sur les besoins des populations scolaires desservies, sur les objectifs à atteindre en regard des missions des deux services impliqués et sur la réalisation pratique des activités communes.
Il est évident que le programme d’activités communes peut, selon son importance, s’étendre sur une ou plusieurs années scolaires.
La nécessaire concertation avec l’établissement scolaire ne peut elle aussi se concevoir qu’en partenariat SPSE /CPMS afin de garantir l’accord entre les différentes parties et la clarification des rôles de chacun.
La planification des activités sur l’année scolaire doit également faire partie d’une négociation annuelle préalable à la mise en route des activités. Je pense ici aux activités communes de promotion de la santé mais également aux activités différenciées qui s’interpénètrent comme, par exemple, la prévention à la charnière maternel-primaire.
Ce serait un non-sens que les activités médicales PSE et les activités de dépistage PMS développées à ce niveau ne soient pas coordonnées entre les deux organismes afin d’aboutir à une concertation SPSE / CPMS préalablement à l’élaboration de la synthèse tridisciplinaire des données demandée aux CPMS et suffisamment tôt dans l’année scolaire pour permettre la mise en place des remédiations qui s’imposent avant l’entrée dans l’enseignement primaire.
Avant de terminer cet article, qu’il me soit permis de revenir quelque peu sur les activités de promotion de la santé. Comme je l’ai dit, elles seront l’objet d’une attention particulière quant à leur thème et aux implications qui en découlent afin de déterminer la participation ou non de l’équipe PMS.
L’hygiène dentaire et l’hygiène corporelle, par exemple, ne nécessitent pas la présence de l’équipe PMS s’il s’agit uniquement d’apprendre aux enfants la technique du brossage de dents ou les gestes pour bien se laver le corps. Par contre, si, au travers de ces animations, on touche aux habitudes de vie et aux principes éducatifs familiaux, l’équipe PMS est concernée.
Il en est de même pour les activités d’éducation sexuelle et affective ou de lutte contre les assuétudes: leurs implications psycho-socio-affectives rendent évidente la nécessaire collaboration avec l’équipe PMS.
Encore faut-il s’entendre sur la signification de cette collaboration… S’agit-il d’animer l’activité ensemble? Peut-être… S’agit-il de se répartir l’animation de l’activité et le suivi de l’activité? Peut-être… S’agit-il de tout faire ensemble? Peut-être…
Mais il s’agit certainement d’en discuter ensemble lors de l’émergence du projet à réaliser. Quel est l’objectif poursuivi? Quel est son degré d’adéquation aux besoins des élèves? Quel sera le degré d’implication demandé aux participants? Quels en seront les effets supposés sur les élèves? Quelles peuvent être leurs réactions éventuelles? Quels sont les risques, notamment en termes d’effets pervers? Comment concevoir l’animation? Qui s’en chargera, seul(e) ou en partenariat? Selon quelle technique? Est-il nécessaire de mettre en place la possibilité d’un suivi des élèves après l’animation? Une autorisation parentale doit-elle être demandée? Quelle place accorder aux parents et aux enseignants autour de cette activité? L’activité met-elle en cause l’éthique et les valeurs familiales et/ou scolaires?
Autant de questions (et la liste n’est pas exhaustive) qui méritent une réflexion préalable…
De plus, avant de s’engager, les agents PMS devront s’assurer que ces activités recouvrent bien les spécificités des missions PMS. A titre exemplatif, la lutte contre la pédiculose et les maladies transmissibles ainsi que la promotion et réalisation de la vaccination sont exclusivement du ressort et de la responsabilité des SPSE.
La personne privilégiée pour assurer le relais entre le Service PSE et le Centre PMS est l’infirmière PMS. Elle est responsable des données médicales que lui a transmises le Service PSE et il lui appartient de transmettre à l’équipe PMS, en termes compréhensibles par elle et adaptés à la situation scolaire, les informations qui sont indispensables à l’exercice correct des missions PMS. Le secret médical ne peut être une entrave à l’exercice des missions PMS.
Cependant, pour la négociation du programme d’activités communes de promotion de la santé et pour la négociation d’activités liées à des facteurs pyscho-sociaux, il est recommandé qu’elle se fasse accompagner par l’un(e) de ses collègues PMS ou des deux, selon le cas.
L’inspection PMS est légalement au service du personnel PMS. Dans ce cadre-là, elle est disponible pour toute réflexion conjointe SPSE / CPMS à propos de la collaboration entre ces deux services.
Elle espère que cet article vous a intéressé(e) et vous aidera dans vos pratiques professionnelles…
Marguerite Lion-Delahaut , inspectrice coordonnatrice f.f. pour les Centres PMS
Adresse de l’auteur: rue de l’Espinée 1, 6222 Brye .

Promotion de la santé à l’école: le défi

Le 30 Déc 20

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Les services Promotion de la santé à l’école (ex-IMS) suivent depuis la rentrée scolaire 2002 une formation qui vise à faire vivre les recommandations du décret PSE sur le terrain.
Cette formation PSE est organisée, non sans peine, par le Service Education pour la santé de la Croix-Rouge. Si on dit ‘non sans peine’, c’est parce qu’il semble difficile pour les formateurs et pour les participants des services PSE de se retrouver dans un climat propice à l’apprentissage de nouvelles manières de travailler. Qu’est-ce qui bloque, qui cloche, qui empêche les différents partenaires de préparer sereinement l’avenir du travail des services PSE? Est-ce la résistance des équipes à suivre une formation imposée d’ ‘en haut’? Un climat social où règne l’insécurité de l’emploi? Une concurrence entre les divers partenaires appelés à travailler en promotion de santé dans les écoles? La difficulté de remettre ses pratiques professionnelles en cause, d’y réfléchir sous un nouvel éclairage? Les freins ne manquent pas. Tous sont humains et par conséquent, complexes, sensibles et sujets à la grogne.
Reste aux uns et aux autres à ne pas oublier l’essentiel: le travail capital à accomplir, au jour le jour, pour la santé et le bien-être des élèves.
C’est ce que nous rappelle Marie Ledoux Courcelle , coordinatrice pédagogique des formations PSE au Service Education pour la santé de la Croix-Rouge.
Education Santé: Pouvez-vous expliquer le rôle du Service Education pour la santé?
Marie Ledoux-Courcelle: Le Service Education pour la santé a été mandaté par le cabinet Maréchal pour mettre en place et coordonner la formation Promotion de la santé à l’école auprès des différentes équipes PSE du territoire de la Communauté française de Belgique, et ce dans les 3 réseaux existants: le libre, le provincial et celui de la Communauté française, avec une particularité qui différencie ce dernier: les missions IMS et PMS sont accomplies par une même équipe. Dans le réseau libre et le provincial, les bureaux, les lieux sont parfois bien distincts, certaines équipes n’ont jamais travaillé en collaboration. De ce fait, il y a une différence majeure quant à la façon dont la formation est perçue selon les prérequis. Les modes de fonctionnement sont quelquefois totalement différents, et par extension, chaque équipe a des contraintes et des ressources différentes. Notre public est très hétérogène. Cela peut être très positif mais également constituer un frein au bon déroulement des séquences de formation. Les groupes de participants aux formations sont constitués de médecins, d’infirmières, exceptionnellement d’assistantes en promotion de la santé ou en éducation pour la santé. C’est la première fois qu’une formation regroupe des médecins et des infirmières.
E.S.: Comment s’organise la formation?
M.L-C.: 15 groupes sont répartis en Communauté française. Chaque groupe compte entre 18 et 30 participants. Une trentaine de formateurs , issus d’organismes spécialisés en matière de promotion de la santé, collaborent à cette formation PSE. Les Centres locaux de promotion de la santé (CLPS) font également partie de nos partenaires; suivant les groupes et les régions, chaque CLPS intervient de manière plus ou moins soutenue dans le déroulement de cette formation.
Pour 2002-2003, la formation s’est organisée en 6 modules de 2 jours. Ceux-ci ont débuté en novembre 2002, et se terminent en juin 2003 pour «rempiler» l’année prochaine.
De manière globale, la première année s’articule essentiellement autour des approches conceptuelles et théoriques tout en incluant progressivement des notions plus concrètes de l’école en projet-santé. La deuxième année s’orientera vers la ‘formation-action’. Un accompagnement des équipes PSE pour la mise en place de leur projet est envisagé. Pour rappel, la démarche visant l’instauration de projets en promotion de la santé à l’école a été fixée par décret ministériel. Dans leurs missions, 70% du temps des services PSE est consacré aux missions biométriques (biomédicales), aux vaccinations… et 30% doit relever de la promotion de la santé. Dans un premier temps, il s’agira d’instaurer un esprit de promotion de la santé à l’école et/ou de consolider ce qui est déjà établi.
En effet, certaines équipes PSE sont déjà en projet avec les écoles, d’autres ne se sont jamais investies dans cette pratique; dans certaines équipes, les infirmières n’ont jamais quitté le centre, dans d’autres, le personnel médical et paramédical se rend dans les écoles et collaborent avec celles-ci sur des projets-santé: médecins et infirmières sont aussi initiateurs de projets… Il y a plein de réalités concrètes sur le terrain en matière de promotion de la santé des enfants et des adolescents!
E.S.: D’où viennent les grosses tensions senties au sein des groupes de formation?
M.L-C.: Je pense que plusieurs raisons peuvent être avancées. Il y a d’abord le facteur humain lié à tout processus de changement et de mise en projet. Le fait qu’un décret impose une pratique constitue une première réticence de la part des équipes qui doivent suivre une formation PSE. Il y a également la réalité de terrain: le fait que l’IMS devienne PSE a causé certaines restructurations, les gens se sentent dans l’insécurité en matière d’emploi tant au niveau de la sauvegarde de celui-ci qu’au niveau des exigences induites par le changement lié aux directives du décret de la promotion de la santé à l’école. C’est légitime. De plus, les équipes perçoivent cette nouvelle orientation de leur pratique de manière abrupte: ‘Ah! Tout d’un coup, Mme Maréchal a pensé que…’ Or l’application de ce décret est la conséquence de tout un travail préalable: le service Education pour la santé a rencontré environ 20 centres PSE fin juin 2002 pour faire l’analyse des besoins afin de compléter les infos du cabinet et le travail de la cellule scientifique qui a planché un an et demi sur le projet. En novembre 2002, on commençait les formations. Cela n’a pas été improvisé.
Cela coince aussi parce que, pour les équipes, un quota impressionnant de tâches à réaliser semble être imposé. Il est un fait que quelle que soit l’équipe et son évolution dans le domaine de la promotion de la santé, il s’agira de s’inscrire dans cette dynamique. Pour certaines, cela se traduira par l’établissement de partenariats, pour d’autres, par l’action pragmatique sur le terrain.
En 2004, un rapport d’activités devra relater leur démarche en promotion de la santé. Ce rapport constitue également une grosse crainte pour les équipes qui se disent: ‘Si on ne fait pas telle ou telle chose, ce sont nos subsides qui sont en jeu…’. Mais cette grille sera fidèle à la grille traditionnelle de mise en place d’un projet en promotion de la santé en Communauté française. Beaucoup d’entre nous l’utilisent couramment. Le souci des équipes rencontrées au cours de la formation PSE, est surtout lié à l’insécurité induite par une injonction encore peu explicite, pour certains, encore à ce jour. Elles ont l’impression qu’on leur demande de faire complètement autre chose alors qu’il ne s’agit pas de cela du tout.
Une grande partie de l’énergie des formateurs se focalise sur le fait de mettre des mots et d’identifier ce qu’ils font déjà et qui peut s’inscrire dans une démarche en promotion de la santé. Evidemment, ensuite il s’agit de cadrer cela avec la méthodologie et les ressources mobilisables dans le domaine. C’est ici, notamment, que la participation des partenaires locaux tels que les CLPS est précieuse.
E.S.: Les équipes ne voient pas la réflexion qu’il y a eu avant la mise en place des formations?
M.L-C.: Non et même lorsqu’on le souligne et le répète, elles n’arrivent pas à appréhender le fait qu’il y a tout un processus scientifique réalisé avec de nombreux partenaires sous-jacent à la construction de cette initiative du cabinet Maréchal.
De plus, pour rappel, en juin, nous avons rencontré les équipes; en septembre, nous avons organisé quatre grosses journées d’information à Bruxelles, Liège, St-Hubert et à Charleroi pour initier les équipes susceptibles de suivre la formation, pour enfin établir la configuration finale de la formation qui allait leur être proposée tout en rappelant les objectifs du décret. Attention, la formation PSE ne doit pas être identifiée au décret, elle relève des moyens d’appliquer une partie du décret. Là aussi, cela pose problème: les participants font souvent l’amalgame entre formation, décret et cabinet. Il est important alors de recadrer notre fonction pédagogique dans l’accompagnement des équipes dans leur projet de promotion de la santé à l’école. Malgré cette précision, nous sommes régulièrement interpellés sur le décret alors que cela ne relève pas de notre mission.
E.S.: On vous adresse des critiques politiques…
M.L-C.: Tout à fait! Comme je l’ai dit, notre mission n’est pas de fournir des explications quant aux dispositions ministérielles. Toutefois, on ne peut pas, en tant que pédagogues, ignorer le malaise. Les stratégies relevant de la gestion de projet sont intimement liées au contenu des modules, y porter attention nous permet aussi de les travailler. Pour le reste, nous conseillons d’interpeller directement le cabinet et la ministre. Je pense que la difficulté est là: les gens identifient le Service Education pour la santé mais aussi les formateurs comme des intermédiaires, des missionnaires choisis par le cabinet alors que ce n’est pas du tout le cas.
On ne peut nier, qu’au début, un phénomène de résistance était très marqué, non par rapport à la formation, mais par rapport au contexte et c’est là qu’il y a eu, dès le départ, d’énormes difficultés surtout lorsqu’un module commence par une étape de conceptualisation (santé, promotion de la santé…). Parmi les participants, certains n’ont jamais suivi de formation continue, ces personnes sont en permanence dans « l’agir » et nous disent: ‘On a autant d’enfants, autant de vaccinations. Qu’est-ce qu’on a à perdre son temps ici à réfléchir sur ce qu’on fait?’
Dans un processus de formation, les résultats ne sont pas immédiats. Or, ils sont dans ce que l’on appelle ‘l‘activisme’, qui cela dit leur a été imposé depuis longtemps.
En contrepartie, les personnes qui sont souvent en formation ont parfois l’impression de perdre du temps avec les autres. Comme processus pédagogique, cela peut être intéressant mais dans ce contexte, c’est parfois difficile.
E.S.: Pensez-vous que le climat peut s’améliorer?
De module en module, je vois que le climat devient plus positif. Il y a par exemple, des médecins ou des infirmières sceptiques au début qui deviennent moteurs dans la formation. C’est assez anecdotique, mais dans un groupe à la fin du 4e module, la réalisation d’un exercice, le parachute, visant à identifier nos compétences en processus de changement a apporté, en quelque sorte, un indice de satisfaction vis-à-vis de la formation PSE. Il s’agit d’un dessin représentant le ciel, le soleil, les endroits où on ne peut pas aller, les intempéries… qui représentent le soutien qu’on peut avoir, les compétences, les contraintes que l’on subit en processus de changement… Un médecin avait mis le prénom du formateur et par extension la formation, en ressource et en soleil. Quelle évolution! Avant de partir, en saluant le formateur, il l’a remercié alors que d’habitude, il fait partie des plus sceptiques. Il intervenait avec des arguments scientifiques pour valider ou invalider ce qui était dit mais c’était hors propos, puisqu’on est dans une démarche de promotion de la santé et pas de « préventif-quantitatif ». Pour certains toute la vérité tient dans cette dernière approche alors que notre belle théorie de promotion de la santé constitue une « belle chose » mais très peu réaliste! Leur réaction a changé. Ils ont compris qu’on pouvait modifier la manière de travailler pour viser la promotion de la santé et que ça ne se fait pas tout seul.
Les équipes PSE peuvent voir la formation comme une contrainte mais je me dis aussi que c’est une vraie opportunité d’être encadré de la sorte. Les pratiques doivent changer pour s’inscrire en cohérence avec l’évolution de notre société.
E.S.: Les journées de sensibilisation ‘promouvoir la santé à l’école secondaire’ pour les directeurs d’écoles constituent-elles l’autre versant de la formation PSE?
M.L-C.: Non, en fait c’est l’autre volet d’activité du Service Education pour la santé. Ce projet n’est pas lié au décret. Les journées de sensibilisation à la promotion de la santé à l’école pour les directeurs des écoles secondaires font partie d’un projet soutenu par la Communauté française, et où effectivement, nourri des expériences du Réseau européen d’écoles en santé (REES), le service comme l’avaient fait nombre de nos partenaires a identifié le directeur comme plaque tournante pour la mise en place de projets en promotion de la santé. Au quotidien, le directeur a beaucoup de missions à remplir et pour certains, la santé passe après d’autres priorités. Nous trouvions important de les sensibiliser à la promotion de la santé voire de les resensibiliser. Le travail avec les équipes PSE, l’a démontré: deux jours sur ce qu’est la promotion de la santé, porte sur de nombreuses questions et on se rend compte qu’on peut y réfléchir beaucoup plus.
E.S.: Sensibiliser le directeur permet de préparer le terrain pour les équipes PSE, non?
M.L-C.: Chaque école doit développer un projet d’école. Il pourrait être axé sur le sport, les compétences psychosociales ou n’importe quel thème. Etant donné que les déterminants de la santé sont multiples, cela constitue autant de points d’ancrage pour que les équipes PSE et les divers partenaires puissent implanter un projet de promotion de la santé. La promotion de la santé, se construit en interdisciplinarité en prenant en compte les savoirs-faire transversaux.
E.S.: Avez-vous pensé aux réactions des familles des élèves qui seront également touchées par cette nouvelle vision de la promotion de la santé puisqu’elle vise les divers aspects de la vie de tous les jours…
M.L-C.: L’année prochaine, la formation sera un temps de ‘formation-action’ qui devra être travaillé en partenariat avec l’école.
Chaque école est porteuse d’un projet pour lequel plusieurs instances se mobilisent: on peut y retrouver un conseil de participation composé de parents, d’enseignants, du directeur, du personnel technique. En promotion de la santé, il s’agit d’envisager l’élève dans l’école et hors de l’école, suivant une approche systémique. Une telle démarche concerne inévitablement les parents.
Toutefois, il est intéressant d’étudier la relation parents-école. Il y a toute la question de voir comment les parents sont identifiés par l’école et comment les parents identifient celle-ci. Certains ont un vécu scolaire très difficile et quand ils y retournent avec leurs enfants, c’est comme s’ils étaient jugés eux-mêmes. On doit repenser cette relation si l’on veut devenir partenaires. Le parent a l’expertise de sa famille. L’enseignant a l’expertise de son cours, de sa discipline, plus celle de la vie de l’enfant en classe et à la limite, dans l’école. Mais ce sera peut-être plutôt le surveillant de la cantine qui saura vraiment comment est l’enfant dans l’école. Lorsqu’on arrive à rassembler ces différentes expertises et faire un consensus en tenant compte de la diversité des offres et besoins des gens, on réunit plus de critères de réussite. A Namur, dans le cadre du projet REES, des parents se sont mobilisés pour animer les garderies les mercredis après-midi en s’occupant de la cour, en mettant des fleurs… C’est ça aussi la promotion de la santé à l’école. C’est la vie et qui est expert de la vie à l’école? Les gens qui y vivent! Ce sont eux les partenaires de la promotion de la santé à l’école.
E.S.: Comment les élèves vont-ils recevoir les messages de promotion de la santé?
M.L-C.: Justement, ils ne vont pas les « recevoir » parce que l’axe majeur de la promotion de la santé à l’école impose que l’élève ne soit plus sujet mais acteur du projet. Si on s’inscrit dans une réelle promotion de la santé, ce sont les élèves qui vont faire émerger leurs besoins pour nous les expliquer, qui vont se mobiliser pour être partenaires des projets mis en place. Le principal acteur de la promotion de la santé à l’école, c’est l’élève. L’agent PSE est celui qui donnera l’opportunité pour que les élèves expriment, développent un projet. Le but du jeu est que l’élève soit dans une dynamique de promotion de la santé. L’agent PSE est agent de changement, coordinateur pour qu’un projet puisse se faire, il est également une personne ressource. Il ne faut pas oublier que l’important dans notre pratique, c’est le bien-être de l’enfant, de l’adolescent. On travaille pour cela, pour l’élève. Quand on s’égare, il faut penser à ça: est-ce qu’au bout du compte, on essaie de répondre le mieux possible à notre interlocuteur? Quelque part, on est certainement dans ce secteur professionnel parce que notre principale préoccupation, c’est l’élève!
E.S.: Comment pouvez-vous expliquer que, pour beaucoup d’acteurs du milieu médical et scolaire et pour le grand public, la promotion de la santé soit encore perçue de manière floue, peu mobilisatrice?
M.L-C.: J’ai fait quelques formations au Canada, notamment avec le réseau francophone international de promotion de la santé. On rencontre des professionnels de Suisse, de France… Le gros handicap des travailleurs en promotion de la santé belges, c’est qu’ils font un travail remarquable sur le terrain mais publient très peu. Quand on dit que c’est difficilement compréhensible, flou… C’est parce qu’il n’y a pas vraiment d’écrit, à part votre revue Education Santé mais, à titre d’exemple, beaucoup de directeurs d’écoles ne la connaissent pas.
C’est dilué parce que les acteurs de promotion de la santé sont des gens pragmatiques, ils n’ont pas l’habitude d’écrire. Les gens vont de projet en projet, ils font des choses merveilleuses mais rien ou si peu n’est retranscrit sauf parfois lors d’une présentation pour un colloque ou une occasion bien précise. Par rapport aux autres pays, notre pratique est reconnue mais il y en a très peu de traces. De plus, si nous sommes peu identifiés dans d’autres secteurs d’activité comme partenaires, c’est que l’aspect global de la santé est entendu mais non appréhendé en tant que tel. On pourrait intervenir dans de nombreux champs de la vie quotidienne puisque les déterminants de santé sont multiples et interdépendants.
E.S.: Le mot de la fin?
M.L-C.: Il faut travailler dans un climat d’ouverture. Si les équipes PSE pouvaient se mettre des « lunettes promotion de la santé » pour lire leurs missions et être attentives à ce qui est intéressant à travailler dans ce domaine, ça serait certainement utile pour fonctionner en cohérence avec des principes proposés par décret ministériel, il est vrai, mais qui, ne l’oublions pas, visent la promotion de la santé de l’enfant et de l’adolescent..
On ne change pas de pratique, on change de philosophie de travail.
Propos recueillis par Sylvie Bourguignon
Contact: Marie Ledoux-Courcelle, coordinatrice pédagogique des formations PSE, Service Education pour la santé Croix-Rouge, Place Brugmann, 29, 1050 Bruxelles. Tél.: 02-349 55 86. Fax: 02-343 89 90

Depuis 1998, le Service Education pour la santé de la Croix-Rouge est reconnu, dans le cadre d’un programme quinquennal, pour diffuser sur le territoire de la Communauté française les concepts et les méthodes de l’ «Ecole en Santé».
Ce programme « Ecole en santé », mis sur pied conjointement par l’OMS, la Commission européenne et le Conseil de l’Europe, a été expérimenté dans les écoles pilotes du Réseau Européen d’Ecoles en Santé (REES), dans 40 pays et dans une vingtaine d’écoles (tous niveaux et réseaux confondus) en Communauté française.
Le programme propose une approche globale et intégrée de la santé et repose sur les « 12 critères d’une école en santé », qui sont:
1. Construire le programme de promotion de la santé à partir des attentes, des demandes, des besoins des élèves.
2. Promouvoir activement l’estime de soi de chaque élève.
3. Favoriser les bonnes relations entre enseignants et élèves et entre les élèves eux-mêmes.
4. Faire percevoir clairement aux élèves et aux enseignants le projet pédagogique et les objectifs sociaux de l’école.
5. Mobiliser les élèves dans des activités stimulantes incitant à un mode de vie sain.
6. Protéger et/ou améliorer l’environnement physique que constitue l’école.
7. Fonder des relations solides entre l’école et le milieu familial.
8. Etablir des liens continus entre l’enseignement maternel, l’enseignement primaire et l’enseignement secondaire associés pour élaborer des programmes d’éducation cohérents.
9. Promouvoir activement la santé et le bien-être du personnel enseignant et du personnel d’encadrement.
10. Conférer aux enseignants un rôle de référence en matière de santé.
11. Affirmer le rôle complémentaire de l’alimentation scolaire dans le programme d’éducation pour la santé.
12. Exploiter le potentiel éducatif des services de santé dans l’optique d’un soutien actif du programme d’éducation pour la santé.

On retrouve les fondements du programme « Ecole en santé » intégrés aux lignes directrices du Décret de Promotion de la Santé à l’Ecole (PSE), entré en vigueur en septembre dernier. Ce décret élargit les missions des équipes de médecine scolaire dans une approche de santé globale (lire également l’article du Dr Florence Renard dans ce numéro).
C’est donc sur base de son expérience des ‘Ecoles en santé’ que le Service Education pour la santé a été désigné par la Ministre de la santé et de l’Aide à la Jeunesse pour coordonner la formation des équipes PSE (ex-IMS). Ces équipes seront amenées à élaborer avec les communautés scolaires, des projets santé pour répondre aux besoins des élèves et au contexte spécifique de chaque établissement.

Le Service Education pour la santé de la Croix-Rouge a également organisé 3 journées de sensibilisation à la promotion de la santé à l’école secondaire à l’attention des chefs d’établissements.
Le but était d’initier ou de renforcer l’articulation entre éducation et santé, objectifs d’enseignement et objectifs de bien-être. Il était aussi question d’entamer et d’approfondir le dialogue avec le directeur, acteur central de la vie scolaire.
Cette sensibilisation fait aussi partie des priorités du programme quinquennal du Service Education pour la santé de la Croix-Rouge. Elle s’inscrit dans l’actualité de la réforme de la médecine scolaire.
Nous avons participé à la journée du mercredi 19 février dernier, à Bruxelles.
Les participants étaient répartis dans 4 ateliers: construire la santé à l’école (auquel nous étions inscrits); définir le projet d’école… en santé; développer la confiance en soi pour un mieux-être à l’école et stimuler la participation au projet d’école… en santé.
Dans notre groupe, sur les 14 participants, seuls 3 directeurs étaient présents.
Mme Monique Verly , directrice de l’Institut Provincial de Nursing du Centre à La Louvière, était de la partie. Elle nous donne ses impressions à la fin de cette journée bruxelloise: ‘J’ai apprécié la journée. Mais j’aurais aimé un peu plus de concret, qu’on nous dise, par exemple, que dans telle école on a monté un projet, et qu’on peut, nous, dans notre école, le faire en suivant différentes étapes. Qu’on nous prévienne aussi des problèmes à éviter pour que le projet ne se casse pas la figure.’
Comme quoi, le désir de concret réclamé par les acteurs de l’école, a du mal à s’harmoniser avec les préoccupations des professionnels de la promotion de la santé…

Dossier santé mentale et promotion de la santé

Le 30 Déc 20

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Le fait que les services de santé mentale aient une réglementation et des financements distincts et donc des structures institutionnelles différentes de ceux du secteur de la promotion de la santé ne favorise pas toujours les échanges entre ces deux secteurs. Et pourtant, la santé mentale fait partie des priorités de santé du programme quinquennal; et pourtant, les centres de santé mentale et les Ligues qui les regroupent, ont une mission de prévention primaire et de promotion en santé mentale.
Alors, à l’heure de l’intersectorialité en promotion de la santé, il nous paraît opportun d’échanger nos réflexions, nos expériences et nos perspectives et de tenter d’éclairer les convergences, spécificités, synergies possibles entre ces intervenants…
2001, année de la santé mentale ‘ nous donne cette occasion; voici quelques actions et réflexions menées par les intervenants du secteur de la santé mentale. Nous espérons qu’elles vous permettront d’enrichir votre réflexion et d’envisager les liens et les collaborations possibles entre le secteur de la promotion de la santé et celui de la santé mentale.
Bernadette Taeymans

2001, Année de la santé mentale

Le 30 Déc 20

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Quatre axes principaux ont été mis en évidence :
1. un souhait d’information du public par les acteurs de la santé mentale, entre autre en donnant la parole aux intéressés (patients, soignants, membres des familles) mais aussi en se préoccupant de savoir ce que le grand public pense de la santé et de la maladie mentale ;
2. diffuser un message constructif, visant une dé-stigmatisation de la maladie psychique et ainsi une situation plus favorable pour la personne atteinte de troubles mentaux. Il s’agit d’un travail d’information en profondeur sur les troubles mentaux et les aides offertes pour améliorer la santé mentale, en mettant en place des initiatives à message positif ;
3. la mise en place d’un dialogue entre tous les intervenants concernés par la santé mentale et les instances officielles en vue d’une meilleure information réciproque pour aboutir à une politique de santé mentale concertée ;
4. l’omniprésence quotidienne des questions de santé mentale amène à devoir questionner la place de la santé mentale dans la société et les cas de conscience qui se posent aux soignants en prenant en compte les questions éthiques et sociales, en particulier la question des droits des patients; ce questionnement peut aller jusqu’à interroger notre capacité d’acceptation de la différence.
Une préoccupation sous-tend l’ensemble: celle de prendre en compte l’environnement socio-économique des personnes en difficulté et la nécessité d’aménager des conditions de vie de nature à prévenir les troubles psychiques.
Une initiative de la Fondation Reine Fabiola pour la santé mentale, la Ligue wallonne pour la santé mentale, la Ligue bruxelloise francophone pour la santé mentale, la Vlaamse vereniging voor geestelijke gezondheidszorg, la Fondation Julie Renson.
Pour en savoir plus: tél.: 02-538 94 76, fax: 02-534 38 64 <illu brochure=’brochure’ sant=’sant’> < Une brochure d’information générale disponible auprès des Ligues pour la santé mentale

Une exposition itinérante

Conçue par la Ligue wallonne pour la santé mentale, «Une histoire de la santé mentale» est une exposition didactique sur l’histoire du regard posé sur la santé mentale et des différentes manières de faire face aux problèmes de santé mentale, du début du vingtième siècle jusqu’à nos jours en Belgique. L’exposition se compose d’images, de textes et d’objets faisant partie de l’évolution des soins en santé mentale ; au total, une soixantaine de pièces. L’exposition se divise en sections permettant la représentation des périodes importantes dans l’évolution de la prise en charge de la santé mentale.
Cette exposition itinérante veut permettre au public de se faire une idée de ce qu’a été et de ce qu’est le domaine de la santé mentale… Elle veut démystifier la maladie mentale et la psychiatrie auprès du grand public.
La «folie» reste, malgré l’évolution, une affection mal comprise, entourée de peurs et de croyances souvent infondées. Elle est l’objet d’incompréhensions et de méprises qui déteignent sur le comportement envers les personnes souffrant d’une maladie psychique, que ce comportement soit celui des proches ou même celui des personnes impliquées directement dans les soins donnés au patient.
Il est donc important de favoriser une campagne pour dé-stigmatiser la maladie mentale, pour informer, ce qui permettrait de donner une nouvelle image à la souffrance psychique et aux moyens employés depuis de longues années en vue de la combattre.
La maladie mentale n’a pas seulement été affublée de peurs, mais aussi, elle a été l’objet d’une vision romantique qui cherchait à la magnifier et à diaboliser les moyens et les soins. Cela a été le cas du regard qui, sur elle, a été posé par le mouvement surréaliste au début du siècle. Les exemples ne manquent pas et constituent par ailleurs, une autre vision erronée du domaine de la santé mentale. Vision sur laquelle l’exposition se penchera aussi dans sa dernière partie. Il sera fait une place aux textes d’artistes, comme à ceux de médecins ayant exprimé des idées sur la santé mentale.
La finalité de cette exposition est donc de faire un petit pas dans le chemin qui conduirait vers une nouvelle place du sujet malade et des dispositifs mis à sa disposition au sein de la cité.
Cette exposition est déjà passée par La Louvière, Saint-Hubert, Liège et Namur. Elle sera du 4 au 19 octobre au Forum des Halles à Louvain-la-Neuve.
Pour tout renseignement complémentaire: 081-23 50 10.
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Une école comme ça!

Le 30 Déc 20

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Certains pensent que l’éducation pour la santé n’est pas l’affaire de l’école qui a bien d’autres chats à fouetter et la plupart du temps, ils en réduisent le rôle à un enseignement de matières peu variables d’une année à l’autre.
D’autre estiment qu’ils ont déjà suffisamment à faire avec les apprentissages de la lecture, du calcul et autres branches sans encore en rajouter.
Il en est heureusement qui prônent que l’école est le lieu d’une éducation globale qui doit envisager l’enfant dans son entièreté, répondre à ses besoins, ses aspirations, veiller à son épanouissement dans le respect de sa personnalité, valoriser ses élans créatifs, l’éveiller à la culture, l’amener à être un citoyen responsable plein faisant preuve de bon sens critique.
L’école d’enseignement spécial fondamental de la Communauté française installée à La Louvière a mordu à l’hameçon lorsque le projet «L’école en santé» lui a été proposé.
L’équipe est unanime aujourd’hui pour dire que l’éducation pour la santé fait partie intégrante du projet d’école et répond parfaitement au décret définissant les missions prioritaires de l’enseignement.
La première action menée fut une série de rencontres autour du sujet: que représente pour moi l’éducation pour la santé? Ces réunions en «brainstorming» nous ont permis de mettre au point le projet.
Il s’agit bien entendu d’envisager la santé sous un aspect global, d’aller plus loin que le soin des petits bobos. Les principaux objectifs visent le bien-être physique et mental de chacun à tous les niveaux et favorisent la récurrence de l’aspect santé dans toutes les actions menées.

Quatre axes

Nos réflexions ont débouché sur la mise en évidence de quatre pistes d’action:
– les bonnes habitudes, alimentaires, vestimentaires et corporelles;
– le bien-être, c’est-à-dire connaître son seuil de tolérance et son point d’équilibre, maîtriser sa violence, renforcer les comportements positifs en les mettant en valeur, favoriser l’estime de soi, prendre conscience de son corps et de son schéma corporel;
– les loisirs, l’environnement, apprendre à occuper ses loisirs, organiser et respecter son environnement;
– la gestion de sa santé et de sa sécurité, en repérant et en évitant les dangers, en apprenant l’abc de la sécurité, en gérant son handicap pour devenir le plus autonome possible.

Politique des petits pas

Le programme est copieux et c’est un jour à la fois, pas à pas, au fil du temps, que les actions concrètes se sont mises en place et ont favorisé un réel souci d’éducation pour la santé en situation fonctionnelle. Il ne s’agit en aucun cas d’actions ponctuelles telles que «je me brosse les dents parce que c’est la semaine du dentiste et puis on n’en parle plus»! Ce sont au contraire des actions de longue durée pour installer progressivement de bonnes habitudes.
Chacun a réfléchi à ce qu’il pouvait apporter pour rendre l’école agréable à vivre. Tous les membres de l’équipe adhèrent à l’idée que l’école est un lieu d’apprentissage de la vie, pour la vie, par la vie, un lieu de convivialité, où parler et communiquer ne sont pas de vains mots mais une réalité de tous les jours.
Il n’est pas possible de développer ici les nombreuses actions menées dans le cadre du projet, nous en possédons une liste inépuisable. Je me limiterai donc à quelques mots-clefs qui me semblent importants.
Gestion du temps ou rigueur de la gestion du prévisible pour éviter le stress dû aux imprévus.
La gestion du temps et de l’espace a fait l’objet de nombreuses concertations. Des calendriers annuels et hebdomadaires ont fleuri dans toutes les classes, à la salle des professeurs et dans la farde de communication à l’intention des parents. Dès le mois de juin, les dates des activités sont fixées pour l’année scolaire suivante et toutes les semaines un calendrier est mis au point pour la quinzaine qui suit.
Cohérence
Les actions menées sont réfléchies en termes de santé. Le petit magasin de la récréation permet l’achat de collations saines. Chaque semaine, un «cocktail jus de fruits santé» est préparé par les élèves d’une classe.
La création de la «boutique chic» (vêtements de seconde main mais de qualité) permet à chacun d’être coquet et habillé selon les humeurs du temps à des prix soldés toute l’année. Le défilé de mode favorise l’estime de soi.
L’activité théâtre permet de lutter contre les inhibitions.
Des poubelles adaptées engagent au tri des déchets et responsabilisent au respect de l’environnement.
Etc. etc.
Positivité
Parler en termes positifs, être à l’écoute des enfants, les aider à gérer leur violence en concertation avec eux (organisation des récréations, aménagement du coin repas, actions tendresse,…), les rendre acteurs à part entière de leurs apprentissages, organiser des conseils d’enfants pour les prises de décisions, ont contribué à la pratique d’une évaluation formative et au renforcement des bons comportements.
Evaluation
Evaluer les actions menées est indispensable pour garder le cap en évitant de se disperser vu l’ampleur du projet. L’évaluation permet de rééquilibrer les actions à mener en retournant au schéma de départ, en analysant les points qui ont été travaillés et ceux à envisager. Chacun peut prendre conscience de l’état d’avancement des travaux, des progrès réalisés, des points faibles à renforcer. Les difficultés rencontrées deviennent des défis à relever et non des échecs.
Thérèse Simon , Directrice d’école
Adresse de l’auteur: Ecole d’enseignement spécial fondamental de la Communauté française, Av. Max Buset 24, 7100 La Louvière.

La promotion de la santé à l’école. Le programme REES

Le 30 Déc 20

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Le Service Education pour la santé de la Croix-Rouge de Belgique a organisé l’an dernier quatre journées de travail consacrées à l’école en santé. Alimentées par le bilan du programme développé par le Réseau Européen des Ecoles en Santé (REES dans la suite de l’article), ces rencontres avaient pour objectifs de:

  • transmettre aux participants une description commentée et illustrée du programme REES: origines, méthodes, stratégies, acteurs, actions menées dans les écoles, effets sur les élèves et la communauté scolaire, …
  • permettre aux éducateurs pour la santé actifs en milieu scolaire d’échanger, sur base de l’expérience du REES et de leurs propres expériences, leurs points de vue quant aux enjeux et aux priorités de la promotion de la santé en milieu scolaire;
  • produire d’éventuelles recommandations à l’intention du secteur de l’éducation pour la santé.

Ces journées s’adressaient à toute personne concernée par l’éducation pour la santé à l’école. Une bonne cinquantaine de personnes s’y sont inscrites. Y ont participé:

  • des professionnels de la santé (44%)
  • des agents IMS (22%)
  • des agents PMS (21%)
  • des enseignants (10%)
  • autres (3%)

Le faible pourcentage d’enseignants était prévu, dans la mesure où l’invitation était surtout faite à d’autres acteurs. D’autres stratégies sont mises en place à leur intention.
Après plusieurs années d’expérimentation sur le terrain, la Croix-Rouge a aujourd’hui pour mission de partager les acquis de ce travail avec le plus grand nombre possible d’intervenants en promotion de la santé à l’école. C’est le but de la présentation qui suit.

Le programme REES

Les douze critères d’une école en santé

Tout d’abord, qu’est-ce qu’une école en santé, qu’est-ce qui la distingue d’une école ‘normale’, qui ‘se contente’ d’assumer son rôle de formation des jeunes? Si la Bible a ses 10 commandements, l’Ecole en santé a quant à elle ses 12 critères. En voici la liste:
Une école en santé veille à (1):
1-construire le programme de promotion de la santé à partir des attentes, des demandes, des besoins des élèves;
2- promouvoir activement l’estime de soi de chaque élève;
3- favoriser les bonnes relations entre enseignants et élèves et entre les élèves eux-mêmes;
4- faire percevoir clairement aux élèves et aux enseignants le projet pédagogique et les objectifs sociaux de l’école;
5- mobiliser les élèves dans des activités stimulantes incitant à un mode de vie sain;
6- protéger et/ou améliorer l’environnement physique que constitue l’école;
7- fonder des relations solides entre l’école et le milieu familial;
8- établir des liens continus entre l’enseignement maternel, l’enseignement fondamental et l’enseignement secondaire associés pour élaborer des programmes d’éducation cohérents;
9- promouvoir activement la santé et le bien-être du personnel enseignant et du personnel d’encadrement;
10- conférer aux enseignants un rôle de référence en matière de santé;
11- affirmer le rôle complémentaire de l’alimentation scolaire dans le programme d’éducation pour la santé;
12- exploiter le potentiel éducatif des services de santé dans l’optique d’un soutien actif du programme d’éducation pour la santé.(1) D’après le livret “Le réseau européen d’écoles en santé”, action commune OMS-CE-CCE, Copenhague 1993.On le voit, même si certaines dimensions théoriques du projet commencent à être bien connues, l’adhésion à ces critères représente encore aujourd’hui une véritable révolution dans bien des institutions scolaires.

Repères méthodologiques

Le programme REES s’appuie sur quatre principes méthodologiques fondamentaux:

  • partir des élèves, de «là-où-ils-sont», de leurs besoins, de «prérequis» tels que leurs motivations, leurs capacités, leurs représentations de santé, leurs connaissances,…
  • privilégier les dimensions psychosociales: estime de soi, écoute, capacité à faire face, gestion des conflits,…
  • diversifier les approches pédagogiques: participation, autonomie, information, travail sur les valeurs, …
  • créer un «climat» d’école favorable: relations sociales, accueil, évaluation formative, activités valorisantes, …

Education pour la santé ou promotion de la santé?

Bien que forcément réducteur, le tableau ci-dessous illustre bien ce nouveau paradigme. Il ne doit pas nécessairement être interprété comme un abandon sans nuance d’une approche prescriptive de la prévention, mais plutôt comme la mise en exergue de la plus-value apportée par une vision globale de la santé des élèves.

Education pour la santé Promotion de la santé
l’individu l’individu dans son environnement
l’hygiène / la santé physique les interactions «social, mental, physique»
les savoirs les aptitudes / les valeurs / l’estime de soi
les problèmes les conditions favorables
la classe l’école
l’élève la communauté scolaire et les parents
les actions ponctuelles le curriculum et le projet d’école
les thèmes les capacités communes (transversales)
les symptômes les facteurs déterminants
l’élève «objet» l’élève «acteur» et sujet

Le projet

Aspect institutionnel

Le programme initié par le Conseil de l’Europe, la Communauté européenne et l’OMS Europe a consisté à mettre en place dans chaque pays un réseau d’écoles pilotes développant des projets en fonction des 12 critères.
A la phase pilote et d’évaluation du programme succède aujourd’hui une phase de diffusion auprès d’un maximum d’écoles de la Communauté française. La Croix-Rouge, organisme de référence en matière de promotion de la santé des jeunes en âge scolaire, s’est vue désignée par les Ministres de la Promotion de la santé et de l’Education pour assurer la coordination de ce programme pour la Communauté française de Belgique.

Le rôle de la Croix-Rouge

L’investissement de la Croix-Rouge dans ce programme consiste à:

  • motiver / sensibiliser les équipes de projet des écoles-pilotes;
  • encadrer ces équipes sur le plan méthodologique;
  • coordonner les actions menées dans les écoles;
  • former les acteurs du projet;
  • enregistrer les actions menées;
  • évaluer;
  • communiquer les pratiques mises en place.

Motifs d’adhésion des écoles

Les motifs d’adhésion des écoles ont été essentiellement les suivants:

  • volonté de résoudre / prévenir des problèmes «santé» observés ou appréhendés;
  • volonté de résoudre des problèmes «scolaires» (relations difficiles entre profs et élèves, rejets «culturels», violence,…);
  • volonté de construire l’identité de l’école (projet mobilisateur, projet d’école, image positive,…);
  • construction de l’identité de l’élève (structuration, affirmation de soi, valorisation,…);
  • attrait du label européen et du label Croix–Rouge;
  • dimension réticulaire du programme;
  • intérêt pour le concept «projet d’école».

Le modèle de l’équipe de projet

Dans chaque école-pilote s’est mise en place une équipe de projet. Ses principales caractéristiques:

  • une équipe pluri-disciplinaire sur une base volontaire;
  • ses membres acceptent un engagement à long terme;
  • son rôle est triple: coordonner, gérer, mobiliser;
  • chaque équipe désigne un de ses membres comme coordinateur local.

Les critères de qualité pour un bon fonctionnement

Parmi les critères assurant le bon travail au sein d’une équipe de projet, on a pu identifier:

  • une dimension restreinte: de petites équipes s’ouvrant selon les actions à des personnes extérieures sont les plus performantes;
  • l’association d’éléments internes à l’école (enseignants, éducateurs,…) et d’éléments extérieurs (IMS, parents,…);
  • une distribution explicite des rôles et des tâches (importance de la planification);
  • la réalisation concrète d’un projet (passage relativement rapide à l’action, à la mise en œuvre);
  • une politique des petits pas, une conscience des limites de l’équipe;
  • une dimension «festive» et conviviale;
  • l’existence de valeurs communes (solidarité, droit à l’erreur,…).

Les faiseurs de projet

Un projet d’école en santé vaut ce que valent ses acteurs, et la culture commune qu’ils peuvent être capables de se forger à l’épreuve des faits. Le tableau ci-dessous nous permet de mieux appréhender des freins et leviers classiques, qui ne sont pas propres au milieu scolaire, mais néanmoins particulièrement importants à clarifier si on veut réussir à impliquer au maximum les acteurs dans la dynamique du projet.«Je n’ai pas le temps»
«Je n’ai pas la tête à cela»
«Encore une idée du directeur! C’est non»
«Je n’y comprends rien»
«On a déjà essayé, cela a foiré»
«Je ne vois pas ce que je vais y gagner» «Il y a un risque de dispersion»
«On n’en a ni le temps, ni les moyens»
«C’est trop abstrait pour mes profs» «On ne peut jamais compter sur eux»
«Ils sont débordés»
«Ils sont bons pour les poux»
«Nous (IMS / PMS) ne sommes pas au courant» «Cela ne nous intéresse pas»
«On en a ras le bol de la santé «Que voulez-vous qu’on dise d’intéressant?»
«Je n’y comprends rien»
«Cela ne sert à rien»
«Cela ne s’est jamais fait»
«On ne connaît personne» «Nous sommes peu impliqué dans la vie de l’école»
«Ce qui se passe à l’école, ce ne sont pas nos oignons»
«On n’est pas compétent»
«On va être jugé»

Résistances Solutions
Enseignants «Ce n’est pas mon boulot»
Acceptation des résistances
Définition des rôles
Information santé
Partir de ‘là-où-ils-sont’
Présentation attractive
Directeurs «La santé, ce n’est pas notre affaire»
Valorisation de l’image de l’école
Exemples d’autres écoles
Résolution de problèmes par l’approche globale du projet santé
Conformité au décret relatif aux missions de l’école
IMS / PMS «Que signifient ces initiales?»
Se faire re-connaître
Mise à disposition des ressources
Elèves «On ne nous demande jamais notre avis»
Les jeunes mènent l’enquête
Partir de leur vécu quotidien
Délégués santé
Implication dans la gestion de services santé
Personnel technique, administratif, et de surveillance «Vous croyez que les autres voudront»
Approche personnalisée
Convivialité
Respect des zones de compétences
Parents «On ne nous demande jamais rien»
Définition des objectifs: informer à propos du projet, informer à propos de la santé, sensibiliser, impliquer
Enfant = relais
Pied d’égalité
Respect de la vie privée, de la culture, des habitudes familiales (éviter tout jugement)

Les compétences complémentaires

Parmi les enseignements du REES, nous pouvons relever l’importance de la formation des acteurs, notamment en ce qui concerne ce que nous appelons «les compétences complémentaires», à savoir un ensemble de compétences indispensables à la réussite du projet, mais que ne possèdent pas nécessairement et naturellement, les acteurs des projets. Nous pouvons citer les capacités à:
– analyser la situation, recueillir les besoins, et construire un projet au départ de ces besoins;
– planifier (définir les objectifs, identifier les ressources,…);
– gérer les résistances au changement, les prévenir, motiver les partenaires potentiels;
– gérer une équipe, définir les rôles, répartir les tâches, mener une réunion;
– communiquer le projet, le faire connaître, le rendre visible.
Une des conditions de la réussite des projets santé est d’être conscient de la nécessité de rencontrer ces conditions en formant les acteurs du projet, et en veillant à répartir les tâches selon les capacités initiales des acteurs.

Les projets dans les écoles

L’analyse de la situation

Dans le cadre du REES, l’analyse de la situation a consisté à recueillir des informations sur:
L’état des gens

  • représentations, opinions, croyances, …, en matière de santé
  • attentes, besoins, demandes
  • image, identité
  • climat relationnel
  • «sources» clés: personnel non-pédagogique, professeur d’éducation physique.

L’état des lieux

  • hygiène
  • sécurité
  • conditions de travail
  • lieux clés: toilettes, réfectoire, salle des profs

L’état du temps

  • besoins fondamentaux
  • stress
  • retards
  • temps clés: midi, récréation, accueil

Les résultats de l’analyse de la situation

Les priorités dégagées au terme de l’analyse de la situation, toutes écoles confondues, ne sont pas particulièrement originales, si ce n’est que dans une approche strictement éducative de la santé, un thème comme l’amélioration du milieu ne serait sans doute pas ressorti aussi nettement.Fréquence (nombre de fois où le problème a été cité)

Intensité (en fonction de l’importance accordée au problème par les personnes interrogées) Réalité (le problème se manifeste en faits concrets et objectifs) Unanimité (le problème est pointé par l’ensemble des publics interrogés: élèves, enseignants, parents,…)
1. nutrition 1. milieu de vie 1. milieu de vie 1. milieu de vie
2. milieu de vie 2. assuétudes 2. stress 2. assuétudes
3. hygiène 3.stress 3.relations sociales 3.hygiène
4.assuétudes 4. relations sociales 4.hygiène 4.stress
5.violence 5.hygiène 5.violence 5.violence

Pour vous donner une idée plus précise de ce qu’a pu être concrètement un projet d’école en santé, nous vous proposons ci-contre le témoignage éclairant de Thérèse Simon , cheville ouvrière d’une des écoles du réseau expérimental.

Les représentations de santé des élèves du REES

Dans le cadre de l’analyse de la situation menée dans chaque école, les élèves ont pu exprimer les représentations qu’ils ont de la santé. Nous reprenons ci-dessous les grandes lignes des résultats obtenus pour les facteurs qui, d’après les jeunes interrogés (11-16 ans), influencent le bien-être ou le mal-être d’un individu.
Je suis bien dans ma peau parce que…
j’ai des amis / une famille / un (e) petit(e) ami(e)
je profite de la vie
j’ai une bonne image de moi
j’ai tout ce qu’il me faut sur le plan matériel
j’ai de bonnes habitudes de vie
Je suis mal dans ma peau parce que…
mes parents se disputent
je suis rejeté
je suis seul
je manque d’argent
j’ai de mauvaises habitudes de vie
Enquête – Croix-Rouge de Belgique, REES, 1997

Le bilan du programme REES

Les indicateurs

Différents recueils de données (questionnaires, entretiens semi-dirigés, groupes focalisés,…) nous ont permis de dresser un bilan du programme REES. Voici une liste des indicateurs utilisés pour identifier d’éventuels changements, au niveau des élèves bien sûr, mais aussi de la communauté éducative, et des partenariats qui ont pu être mis en place à l’occasion de la mobilisation ‘école en santé’.

Indicateurs élèves
Estime de soi
Les élèves prennent des responsabilités
Ils parlent d’eux-mêmes en termes positifs
Ils sont autonomes
Ils participent au choix des sujets abordés
Ils participent à des activités sportives
L’école soigne l’accueil
Les élèves prennent facilement la parole
Ils sont valorisés
L’école met en place des modes de participation
Les élèves ne se moquent pas les uns des autres
Relations sociales
Il y a peu d’incidents, de grossièreté
Il y a du respect
Les élèves parlent de l’école en termes positifs
Les relations avec les enseignants sont constructives et sympas
Des ateliers ‘communication’ sont organisés
Les travaux en équipe marchent bien
Les élèves confient leurs problèmes
Les élèves restent de plein gré après les cours
Hygiène
Les élèves se lavent les mains
Ils utilisent des mouchoirs
Ils sont propres
Il y a du savon et des essuies-mains dans les classes
Il y a des affiches encourageant les bonnes habitudes
Les élèves ont de bonnes connaissances en la matière
Alimentation
Les élèves mangent des fruits
Ils apportent des ’10 heures’ équilibrés
Ils consomment des jus de fruits
Ils consomment des repas sains à midi
Les parents parlent des petits déjeuners
Des réunions ont lieu avec les responsables des repas
L’école vend des produits sains
Environnement
Il y a des fleurs
Le réfectoire est propre
Il n’y a pas de tags
On ne crache pas par terre
L’école organise des ateliers
On a placé des poubelles
Les couloirs sont décorés
L’école assure un environnement non-fumeur
Indicateurs communauté éducative
Pratiques pédagogiques
Des liens sont établis entre degrés d’enseignement
Les élèves participent aux cours, au choix des sujets
Des collaborations interdisciplinaires sont mises en place
Le système d’évaluation est positif
Les jugements de valeur sont évités
Le droit à l’erreur est reconnu
On veille à être en phase avec le vécu
La créativité est encouragée
On veille à partir des besoins des élèves
On reconnaît les différences de personnalité
Indicateurs partenariats
IMS, PMS, parents
On connaît les IMS/PMS
On collabore avec les IMS/PMS/ZEP sur des projets santé
On rencontre les parents de façon conviviale
On intègre les parents dans les projets
Les parents participent aux réunions santé
Les parents reçoivent de la documentation
On connaît et collabore avec de nouveaux partenaires
Identité
L’école a bonne réputation
Elle est connue pour son projet santé
La presse locale parle du projet
Les inspecteurs s’intéressent au projet
Des responsables politiques ont marqué leur intérêt
La communauté scolaire est fière de participer au projet
Le pouvoir organisateur utilise le REES comme outil de promotion
L’école est citée en exemple

Vous constatez que la dynamique du projet dépasse largement la seule santé des élèves, pour valoriser une nouvelle manière de vivre ensemble dans un cadre éducatif repensé.

Une bonne progression

Les 7 tableaux ci-dessous synthétisent les avancées et limites ressenties à la fin de l’expérience. Ils sont résumés par une citation représentative de l’état d’esprit des équipes. Ces citations émanent toutes d’acteurs de terrain (enseignants, directeurs, agents IMS/PMS,…) ayant participé au projet.

1. Partir des besoins et des demandes des élèves

Garantie d’efficacité et de rencontre des objectifs Incohérences avec le système pédagogique qui reste trop peu à l’écoute des élèves

Progression Bonne
Point clé Appliquer cette idée dans les pratiques quotidiennes des cours et de la vie à l’école
Aspects positifs Existence d’une demande réelle chez les élèves
Limites Diversité et multiplicité des demandes

La citation
Depuis que l’on prend le temps de voir avec eux ce qu’ils aimeraient faire ou voir, ils sont beaucoup mieux. Cela se voit à la façon dont ils se tiennent, nous parlent, nous demandent certaines choses.

2. L’estime de soi

Les actions menées auprès des autres (les grands chez les petits, les élèves chez les vieux ou les handicapés, le secondaire auprès du primaire,…) sont souvent très riches en termes d’affirmation de soi Formation nécessaire
Lenteur des changements

Progression Bonne
Point clé Responsabilisation des élèves
Aspects positifs Efficacité
Limites Lourd investissement

La citation
Quand on se lance dans l’estime de soi, il faut mesurer son niveau de compétence, être prêt à passer la main. Une fois les élèves lancés dans ce système, ils ont des exigences, des attentes, il faut savoir leur dire: «je ne peux aller plus loin.»

3. Les comportements alimentaires

Offre de produits Militantisme

Progression Faible
Point clé Convivialité
Aspects positifs Amélioration des relations sociales
Limites «Toujours les mêmes (profs)»

La citation
On a voulu lancer un projet « collation » en maternelles avec les élèves de 5eme. Au départ, les profs étaient sceptiques, ils se sont dit: « les élèves ne vont pas marcher.» Les élèves ont marché et les profs ont suivi.

4. L’environnement

Image de soi et de l’école
Interdisciplinarité
Intégration des parents
Règlement Risque de dilution des objectifs «santé» dans une perspective globale du type «tout est dans tout, et inversement».

Progression Très bonne
Point clé Les toilettes
Aspects positifs Aspect concret
Limites Danger de dispersion

La citation
Choisir le thème « environnement », c’est vraiment considérer l’école comme un lieu de vie. c’est important pour beaucoup de jeunes par rapport à leur motivation. il faut qu’ils se l’approprient.

5. Les pratiques pédagogiques

Progresssion Très bonne
Point clé Interdisciplinarité
Aspects positifs

Approche globale
Evaluation formative
Projet

Limites Sentiment de marginalité
Incohérence

La citation
Grâce à des animations moins rigides données par un membre du REES dans les classes, on s’est fait une autre image de l’enseignant, et on s’est ouvert au décloisonnement.

6. Les partenariats avec des associations / des services /…

Progression Outils
Autres écoles Faiblesses pédagogiques
Désappropriation du projet

Faible
Point clé Adéquation de l’offre et la demande
Aspects positifs Inventivité
Limites Démarche inadaptée

La citation
Il faut que les profs se rendent compte que travailler en partenariat, ce n’est pas plus de travail, mais une autre façon de travailler. Mais cela, il faut le prouver.

7. Le bien–être des participants

Progression Réseau
Ressourcement
Plaisir Marginalité / décalage

Très bonne
Point clé Image de soi
Aspects positifs Reconnaissance
Limites Dépendance

La citation
La solidarité, les échanges, les formations, tout cela, j’y adhère. mais j’aurais préféré que cela ait plus d’effets sur les élèves et sur les profs, et peut-être un peu moins sur moi.

Les apports du REES

Qu’est-ce que le programme REES a apporté aux acteurs du projet? On peut distinguer trois lignes de force.
En termes de légitimité , une reconnaissance, la confirmation de leur rôle, de la crédibilité, un soutien.
En termes de méthodes de travail , une structuration des interventions, une approche globale, la promotion du travail en équipe, de la cohérence, le souci de l’évaluation.
En termes d’attitudes, la valorisation de l’écoute, de l’absence de jugement de valeur ( ‘Comprendre et ne pas juger’ disait Georges Simenon!), la capacité de se remettre en question, la modification des représentations mutuelles.

Les limites et erreurs du REES

Pas d’angélisme, l’expérience du réseau a montré aussi les contraintes de ce type de projet mobilisateur. Les limites le plus fréquemment pointées sont les suivantes:

  • exigences méthodologiques démesurées;
  • dépendance vis-à-vis des ‘théoriciens’;
  • liens « trop » affectifs;
  • manque de résultats « rapides »;
  • non-reconnaissance interne;
  • non-transmission des connaissances;
  • non-utilisation du réseau;
  • repli sur soi.

Dix conditions pour faciliter les innovations

Mettre en place un projet santé au sein d’une communauté scolaire implique nécessairement des remises en question, des ruptures avec de vieilles habitudes de travail, et aussi de vieilles habitudes de penser. Comment gérer l’innovation dans une institution généralement caractérisée par une ‘néophobie’ galopante (cela n’a rien de spécifique à l’école d’ailleurs)? Avec Ducros et Finkelstein , et pour terminer sur une note résolument prospective, nous rappellerons brièvement les 10 Règles d’or pour implanter du neuf.Travailler avec des volontaires
Cela implique de débuter avec une minorité, qui a tout intérêt à ne pas faire preuve trop vite de prosélytisme.Ne pas s’épuiser dans les préparatifs
Avec une préparation théorique approfondie et longue, l’action risque de capoter avant de démarrer vraiment. Le mieux est l’ennemi du bien, même si la préparation ne doit pas pour autant être bâclée.Tenir compte des résistances et veiller à ce que chacun y trouve son compte
L’applicabilité d’un projet peut être estimée en clarifiant les trois éléments suivants:

  • l’enseignant sait-il ce qu’il devra faire (instrumentalité)?
  • le projet répond-il à un besoin (congruence)?
  • le coût est-il réaliste?

Proposer un engagement à durée limitée
L’innovation étant toujours risquée, ce type de balise aide les hésitants à sauter le pas.Proposer un objectif précis
Les innovations qui réussissent se donnent un objectif cognitif précis.Obtenir l’adhésion des responsables institutionnels
Ou à tout le moins une neutralité bienveillante.Accepter de négocier l’innovation
Un écueil à éviter est que les concessions finissent par vider l’innovation de tout caractère original.Apporter un soutien dans la durée
Après la mise en œuvre expérimentale, le suivi de l’innovation est indispensable à sa réussite.Proposer une formation continue entre pairs
Cela permet des changements dans les représentations du rôle des enseignants, dans le rapport à l’autorité,…Aider à la théorisation des pratiques
Rester entre soi peut être paralysant. Un apport extérieur permet un meilleur pilotage, et la mise en évidence des acquis de nouvelles pratiques. Le but n’est pas de jouer les experts pour le plaisir, mais de permettre aussi l’évolution d’une innovation.

Références

Voici la liste des documents édités par la Croix-Rouge depuis le démarrage du projet REES, et qui sont toujours disponibles à l’adresse suivante: Service éducation pour la santé de la Croix-Rouge, Place Brugmann 29, 1050 Bruxelles. Tél.: 02-349 55 18. Mél: andre.lufin@redcross-fr.be ou emmanuelle.caspers@redcross-fr.be

  • L’école ‘ensantée’, 1993, 52 pages
  • Les représentations de santé des jeunes, 1995, 112 pages
  • Première étape vers l’école en santé: l’analyse de la situation, 1996, 72 pages
  • Définir le projet d’une école en santé: le choix des priorités, 1996, 24 pages
  • 1,2… Droits santé! Promouvoir au quotidien le bien-être physique et mental des jeunes, 1997, 50 pages
  • Fenêtres ouvertes sur l’école en santé. Actes de la Journée de Ciney, 8/6/1996, 1997, 63 pages
  • Petite histoire de l’éducation pour la santé, 1997, 64 pages
  • L’estime de soi, recherche de repères théoriques, 1998, 32 pages
  • L’ali à l’école. Petit manuel d’éducation nutritionnelle en milieu scolaire, 1998, 68 pages
  • L’école en projet, repères pour implanter un projet-santé en milieu scolaire, 2000, 80 pages