Bien que le système de soins de santé soit bien développé dans la plupart des pays d’Europe occidentale, les spécialistes et les professionnels des soins de santé sont de plus en plus conscients du fait que le fossé ne cesse de se creuser dans le domaine de la santé entre les groupes défavorisés sur le plan socio-économique et les groupes plus favorisés.
En raison du contexte socio-économique difficile dans lequel elles évoluent, les personnes socialement défavorisées sont davantage sujettes aux maladies mais sont moins à même de solliciter ou de recevoir des soins de santé adaptés. Dans les groupes défavorisés sur le plan socio-économique, le poids à la naissance des enfants tend à être inférieur à celui de la moyenne de la population et leur durée de vie est plus courte. Dans ces groupes, les périodes d’hospitalisation ont tendance à être plus fréquentes et plus longues que chez les personnes dont les revenus sont plus élevés.
En cas de maladie mortelle, les chances de survie des personnes socialement défavorisées tendent à être plus faibles que la moyenne. De nombreux problèmes de santé que rencontrent les personnes défavorisées peuvent être directement liés à des facteurs tels qu’une alimentation de mauvaise qualité, une consommation de tabac et d’alcool élevée, des conditions de logement inadaptées, le chômage, un environnement professionnel dangereux, une sécurité quasiment inexistante et le stress. En raison de leur santé médiocre, les personnes socialement défavorisées ont souvent plus de difficultés à être des membres productifs de la société, la mauvaise santé devenant un facteur important d’exclusion sociale.
La sécurité sociale joue un rôle déterminant pour ce qui est de proposer un remède aux inégalités sociales dans le domaine de la santé. Il demeure toutefois indispensable de s’attaquer également au problème à titre préventif. Il faut pour cela recourir à des stratégies efficaces de promotion de la santé visant spécifiquement les personnes socialement défavorisées. Dans ce cadre, l’Institut flamand pour la promotion de la santé (VIG) a mis sur pied un projet de recherche étalé sur deux ans en collaboration avec le Réseau européen des agences promotrices de la santé (ENHPA). Ce projet s’est achevé par un séminaire d’experts internationaux sur le ‘Rôle de la promotion de la santé dans la lutte contre les inégalités dans le domaine de la santé’.
Recommandations pour une politique constructive
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Les facteurs sociaux ayant un impact considérable sur la santé des populations, l’amélioration de la qualité de la vie de tous les citoyens européens ne passe pas seulement par l’amélioration des systèmes de soins de santé, mais aussi par la reconnaissance de l’impact des politiques sociales et de l’environnement social sur la santé publique. Dans ce contexte, le Conseil des ministres de la santé recommande la mise en place de politiques actives et coordonnées en vue de la réduction des inégalités sociales dans le domaine de la santé.
Politique à mettre en oeuvre
Au niveau national
Définir et promouvoir des objectifs nationaux et régionaux pertinents dans le domaine de la santé, qui tiennent compte des facteurs déterminants pour la santé afin de réduire les inégalités dans ce domaine.
Intégrer les facteurs déterminants pour la santé dans d’autres domaines d’action aux niveaux national, régional et local afin de réduire les inégalités dans le domaine de la santé (importance de la politique intersectorielle).
Mettre en place une procédure d’interpellation des ministres de la santé et un organe de surveillance ‘pour des politiques publiques saines’, en tenant compte de l’impact des mesures économiques et sociales sur la santé publique.
Au niveau local
Appuyer et encourager le développement de la collectivité, qui est une des manières de procéder pour réduire les inégalités dans le domaine de la santé.
Pour être efficace, le développement de la collectivité requiert l’intégration des services locaux, la mise en place d’équipes pluridisciplinaires et l’élaboration d’approches par domaines, des évaluations bien conçues des besoins dans des cadres différents, la participation de la collectivité et des partenariats, éléments essentiels pour obtenir des résultats durables. Dans ce contexte, il importe d’appuyer l’élaboration de programmes d’action communautaire intégrés (intersectoriels) et de programmes de développement durables dans les quartiers défavorisés; de créer les conditions propices à une mise en œuvre efficace de ces programmes pour ce qui est de la participation de la population et de la mobilisation de la société; d’assurer une évaluation appropriée de l’impact de ce processus. Il est également essentiel de renforcer les programmes éducatifs et de permettre aux personnes d’exercer leur citoyenneté et de prendre leur destin en main en améliorant leur situation et leur qualité de vie (responsabilisation).
Accès aux services de santé
Réduire les obstacles , accroître et assurer l’accès à des soins de santé et à des services de prévention efficaces et leur utilisation par les groupes socialement défavorisés et vulnérables (par exemple, les migrants défavorisés, les jeunes et les enfants, les personnes âgées).
Fournir les informations adaptées pour permettre aux personnes défavorisées d’utiliser les services de manière optimale et réorienter l’organisation des services afin que les groupes défavorisés puissent y accéder plus facilement.
Encourager (la mise au point) des politiques permettant de réduire les obstacles financiers aux services de santé et maintenir les politiques élaborées en matière de santé dans le cadre de politiques sociales fondées sur l’équité et la solidarité.
Données de base
Surveillance
Favoriser la poursuite de la mise au point d’indicateurs et de systèmes de surveillance pour mesurer les inégalités dans le domaine de la santé. Plus précisément, on devrait disposer d’un plus grand nombre d’informations sur les facteurs déterminants pour la santé (comportement), tels que les facteurs structurels et l’éducation à la santé, et pas uniquement sur la mortalité et la morbidité. Ces informations devraient être regroupées par classe sociale, sexe, groupe ethnique, etc.
Assurer une gestion appropriée de ces informations en coopération avec toutes les parties concernées, y compris la population, et convaincre les décideurs de prendre ces informations en considération.
Instaurer une coopération au niveau européen pour accroître la comparabilité des données relatives aux inégalités en matière de santé et mettre au point des lignes directrices relatives à la collecte des données.
Évaluation de l’incidence sur la santé
Encourager l’utilisation des évaluations de l’incidence sur la santé comme moyen efficace de lutte contre les inégalités en la matière.
Évaluation
Encourager le recours à des approches méthodologiques appropriées pour évaluer les interventions en matière de promotion de la santé, visant à réduite les inégalités en matière de santé.
Assurer des ressources financières et une formation suffisantes en matière d’évaluation pour mieux connaître les méthodes permettant de lutter efficacement contre les inégalités dans le domaine de la santé.
Créer et promouvoir des moyens permettant de diffuser des modèles de bonnes pratiques, des approches méthodologiques fondées sur des données probantes, y compris l’évaluation.
Diffusion
Prévoir des modalités efficaces d’échange d’informations sur la lutte contre les inégalités sociales dans le domaine de la santé, grâce à des conférences, des réseaux et d’autres moyens aux niveaux local, national et européen.
Assurer la diffusion des informations et des recommandations sous une forme qui soit utile et utilisable par toutes les parties concernées.
Conseil de l’Union européenne, Bruxelles, 15 novembre 2001, 13505/1/01 REV 1.
D’après une note aimablement fournie à la rédaction par le Cabinet de Madame la Ministre Nicole Maréchal.
(1) Ces recommandations sont fondées sur les conclusions finales du séminaire d’experts sur le rôle de la promotion de la santé dans la lutte contre les inégalités dans le domaine de la santé – Parlement européen – 28 et 29 septembre 2001 et des ‘Rencontres européennes: approche communautaire de la santé et inégalités sociales’ – Palais des Congrès -19 et 20 octobre 2001.