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De jeunes activistes contre les mutilations génitales féminines

Le 31 Mar 25

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Table-ronde intergénérationnelle, création théâtrale, podcast. En septembre 2024, le GAMS Belgique (Groupe pour l’Abolition des Mutilations Sexuelles féminines) a créé un groupe de jeunes activistes contre les mutilations génitales féminines (MGF). Ce collectif se dessine comme un espace d’empowerment pour les jeunes qui ont grandi en Belgique. 

Elles sont près de quinze, ont entre 18 et 35 ans, certaines ont été excisées d’autre pas et elles ont rejoint en septembre dernier le groupe Youth Activists créé par le GAMS Belgique. L’association, qui a la santé communautaire dans les gènes, cherche à prévenir l’excision chez les petites filles, car la prévalence est en augmentation. On peut estimer que 23 000 femmes vivant en Belgique ont subi des MGF et 12 000 filles sont à risque d’excision, en particulier en région Bruxelles-capitale, dans les provinces d’Anvers et de Liège (chiffres 2020). 

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Repère

Les mutilations sexuelles féminines (MGF) sont une pratique traditionnelle qui peut entraîner de graves conséquences sur la santé des filles et des femmes tout au long de leur vie. Ces mutilations sont condamnées par les conventions internationales des droits humains.  

  • 230 millions de femmes et de filles sont concernées par les MGF dans le monde,  
  • 600 000 en Union Européenne. 

Les cinq pays les plus concernés sont la Somalie, la Guinée, Djibouti, l’Egypte et le Mali. 

« Jusqu’à présent, nous accompagnions surtout les femmes venues par la demande d’asile. Nous n’arrivions pas ou très peu à entrer en contact avec les jeunes issu.es de la deuxième génération, né.es en Belgique ou venu.es par le regroupement familial qui seront un jour amené.es à avoir des enfants », précise Aminata Sidibé, la coordinatrice régionale pour Bruxelles et de la COP MGF. C’est devant ce constat, que les équipes du GAMS Belgique ont lancé un appel à mobilisation en se rapprochant de cercles étudiants ou encore en sollicitant des jeunes intéressé.es par la question de l’excision. 

Trouver des réponses et forger des arguments 

« J’avais envoyé ma candidature pour faire un stage au GAMS, mais ce n’était pas possible, explique Samsam, qui est actuellement en master de psychologie clinique à l’ULB. Alors l’équipe m’a proposé de rejoindre le groupe Youth Activist. Je connaissais déjà bien l’association, parce que j’ai grandi à Verviers où il y a une permanence. Je suis d’origine somalienne, ce qui fait que le sujet me touche particulièrement ». En Somalie, 99,2% des femmes ont subi une excision. « C’est un sujet dont tout le monde parle très ouvertement, c’est genre, normal quoi, moi j’ai envie de pouvoir informer mes tatas des conséquences ». 

Plusieurs de ses comparses ont rejoint le groupe Jeune pour s’informer sur le sujet de l’excision et consolider leur argumentaire contre les MGF. « Je suis née en Guinée et j’ai été excisée dans le dos de ma mère  », explique Aminata. «  Ma tante nous a emmenées au village avec ma sœur et elle a organisé ça comme ça. J’étais petite, je m’en souviens bien. Je suis arrivée en Belgique vers 6-7 ans. J’ai rejoint le groupe Jeune pour avoir le plus d’arguments possibles contre l’excision quand je retournerai en visite en Guinée ». 

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Après une présentation rapide du GAMS, les animateur.rices lancent le débat à l’ULB – Photo GAMS Belgique

Dans de nombreuses familles, l’échange est difficile en raison de leur conservatisme. « Je me posais beaucoup de question sur l’excision  », raconte Kadiatou qui est née en Belgique. «  Je voulais comprendre pourquoi mes parents avait fait ce choix, mais c’est très difficile ne serait-ce que de leur poser des questions. Un jour, ma sœur m’a parlé du GAMS, ça m’aide, car c’est important d’avoir des réponses ». 

Théâtre-action : Être une femme, c’est quoi ?  

Pour la quinzaine des droits des femmes, le groupe Jeune a mis au point une création collective en théâtre-action, initiée par Vivianne et Carolina, deux travailleuses sociales du GAMS. Quatre des activistes et une stagiaire du GAMS sont montées sur scène à la salle de la Jeunesse à Bruxelles le 10 mars dernier. Elles ont pris la parole sous forme de saynètes très réalistes, inspirées de leurs vécus, devant une quarantaine de spectateur.rices. 

Pour commencer Maïmouna mime un frotteur, qui se colle à une des filles dans le bus. Après un moment de malaise qui paraît interminable, l’une des passagères finit par intervenir pour stopper l’agression sexuelle. Le frotteur s’écarte en insultant sa victime. Maïmouna est stagiaire au GAMS, pour devenir relais communautaire en parallèle d’une formation d’animatrice interculturelle. Elle a fait partie de la toute première tentative de créer un groupe jeune en 2018-2019. « Nous étions toutes issues de la demande d’asile, avec le nouveau groupe, on intègre les jeunes nées ici ou venues par le regroupement qui peuvent s’adresser à leurs pairs », explique-t-elle.  

Les autres saynètes évoquent la discrimination à l’emploi, la pression patriarcale et sexiste. Quand la nouvelle génération souhaite poursuivre ses études ou briguer des postes intéressants, la misogynie intégrée des mères s’exprime sous la forme de remarques très explicites : « tu sais ma chérie, les hommes ont peur des femmes trop diplômées, pourquoi tu t’entêtes dans les études ? », « Si tu prends ce boulot très prenant, que va dire ton mari ? As-tu pensé à tes enfants ? ». 

Plusieurs sketchs mettent en avant les conflits du quotidien dans la parentalité notamment. Un couple se retrouve en fin de journée. Le papa propose de changer la couche de l’enfant, mais il ne sait pas où sont rangées les lingettes. La discussion se tend. « Elles sont dans le tiroir de droite » précise la femme. « Et les couches ? », « Mais voyons, à gauche, on dirait que tu ne vis pas ici, tu es mon voisin ou quoi ? ». « Pourquoi tu te fâches ? » demande l’homme. « Je ne suis pas fâchée, je m’exprime ».  

Les cinq comédiennes s’entremêlent les unes aux autres comme des lianes en égrainant la liste des présupposés qui minent la vie des femmes : être une femme, c’est porter tout le poids du monde sur ses épaules, être bonne à mariée, être jugée.  Avant d’arrêter la liste avec un puissant « non, non, non » et d’exprimer leur désir d’émancipation : être une femme, c’est être ambitieuse, avoir une voix, être autonome, être qui on veut, ne pas être une mère parfaite, ne pas savoir cuisiner, avoir le droit d’exister, connaître l’orgasme.  

Après la représentation, le public a pu échanger avec les comédiennes. Leurs récits faisaient écho à un débat intergénérationnel qui avait eu lieu à l’ULB. 

Excision : poser les termes du débat 

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Les participants au débat intergénérationnel à l’ULB – Photo du GAMS Belgique

Le 25 février dernier, le GAMS Belgique et le cercle Binabi (qui regroupe les étudiant.es issus des diasporas subsahariennes) organisait l’événement « Entre héritage et changement : Débats intergénérationnels » sur le Campus Solbosch de l’ULB.  

La soirée visait à échanger autour de la culture, des traditions et des violences basées sur le genre. Comment nos héritages façonnent-ils nos perceptions et nos choix ? Comment repenser les traditions tout en déconstruisant les violences ?  

Les premières interventions ont permis de mettre en lumière les incompréhensions liées au conflit de génération. « On parle la même langue que nos parents mais on ne se comprend pas, explique Madeleine*. Nos parents reproduisent l’éducation qu’ils ont reçu en fonction de ce qu’ils ont vécu, de leurs expériences. Il y a un décalage. Ma mère a grandi au Cameroun, on n’a pas les mêmes références ».  

Aux difficultés de communication parent-enfant se greffent souvent les conflits de loyauté et d’identité vis à vis du pays d’origine. « Certains parents vont serrer la vis le plus possible à leur enfant, car il sert de faire-valoir au moment du retour dans le pays d’origine. Finalement, la culture, la tradition, c’est à la fois leur refuge, et ça montre leur incapacité à se remettre en question » constate Aminata, qui est originaire de Guinée et fait partie du groupe Jeune.  

De son côté, Mariama Baha quitté la Guinée pour protéger ses deux filles de l’excision. Elle vit depuis 8 ans en Belgique. « On est dans un conflit d’identité, de loyauté et de modèle – c’est difficile de demander aux parents de donner une éducation qu’ils n’ont eux-mêmes pas reçu. Moi-même, j’ai longtemps pensé qu’être une femme c’était un péché, surtout quand ta propre famille te ramène toujours à ta fonction de femme, à la maternité et qu’elle estime que tu dois te soumettre aux rites ».  

« Nos parents ne sont pas allés à l’école, il faut leur expliquer, les convaincre, que les temps ont changé. Ce sera un combat, ça ne va pas être facile, il faut se serrer les coudes », encourage une quarantenaire dans l’amphi.  

Pour Caroline*, qui se forme pour devenir sage-femme, « la tradition est un frein à des progrès sociaux, dans la santé en particulièrement car l’excision peut avoir des conséquences dramatiques ». En gynécologie, elle accompagne beaucoup de patientes qui ont des complications au moment de l’accouchement.  

Les échanges mettent en lumière le tiraillement qui existe entre deux visions opposées de la parentalité : d’un côté certains parents utilisent la boussole de l’honneur et du maintien des apparences à tout prix pour imposer des pratiques condamnées au niveau international, tandis que d’autres choisissent la boussole du respect et du droit.  

Pour continuer la discussion, le GAMS Belgique diffusera en mai le premier épisode du podcast « A travers nos regards » tiré des conversations entre les membres du groupe Youth Activist sur les traditions, l’éducation (reçue et ce qu’on veut transmettre), la double identité et les pratiques néfastes dans la communauté. 

* nom d’emprunt 

Pour aller plus loin :  

  • Le site du GAMS Belgique : gams.be 
  • Formation en ligne et outils : E-Campus End FGM e-Campus, une nouvelle plateforme européenne dédiée aux professionnel·les travaillant avec les personnes concernées par les mutilations génitales féminines (MGF). Cette initiative, portée par un consortium d’organisations européennes (GAMS Belgique, MIGS, CUT, AIDOS, APF et le réseau européen End FGM), vise à renforcer les compétences des (futur·es) professionnel·les de divers secteurs et à soutenir les personnes concernées grâce à une formation théorique et pratique, et la mise à disposition d’outil en cinq langues. 

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Génération sans Tabac : le marathon des acteurs de promotion de la santé

Le 31 Mar 25

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Les cigarettiers ont pris une longueur d’avance. Depuis quelques années, ils mettent en avant des nouveaux produits sans fumée marketés pour la jeunesse qui sont devenus la nouvelle porte d’entrée pour la dépendance au tabac et à la nicotine. Si la loi évolue en Belgique – des nouvelles mesures sont entrées en vigueur en janvier et en avril 2025 – la Fondation contre le cancer et le Fonds pour les affections respiratoires (FARES) lancent un appel aux acteurs du social-santé pour atteindre l’objectif d’une génération sans tabac en 2040. 

Nora Mélard est Experte Prévention Tabac à la Fondation contre le Cancer,

Frédéric Godeaux est responsable de Communication du Fonds des Affections Respiratoires – FARES asbl.

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Fumer n’est pas un comportement individuel, car le risque qu’une personne commence à fumer dépend de son exposition aux produits de tabac. Tiffany a 16 ans, l’âge moyen de la première cigarette selon l’enquête de santé 2018 de Sciensano. Elle a plus de risques de commencer à fumer si son entourage fume, sa famille, ses ami.es. Chaque fois que Tiffany voit quelqu’un fumer dans un film, une série, sur les réseaux sociaux, sa perception de la cigarette ou de la cigarette électronique s’ancre : ce ne doit pas être si mauvais pour la santé si c’est autorisé à la vente et commun dans notre société.  

Si la jeune fille commence à fumer, elle vivra le moment présent, en se disant que c’est fun, rigolo, qu’elle veut pouvoir partager ça avec ses ami.es, sans vraiment réfléchir aux conséquences. Le jour où elle voudra arrêter – plus de 70% des personnes qui fument quotidiennement ont déjà essayé d’arrêter de fumer – il lui sera pourtant difficile de se débarrasser de cette triple dépendance.  

Car les produits de tabac peuvent entraîner à des degrés variables :   

  • une dépendance physique due à la nicotine ;  
  • une dépendance psychique : besoin de nicotine pour se détendre, se concentrer, gérer les émotions et vivre au quotidien ; 
  • une dépendance comportementale : la cigarette classique ou électronique est associée à des situations et des comportements de sa vie quotidienne. 

En Belgique, 15% des Belges fumaient au quotidien en 2018 (contre 19% en 2013 estimait Sciensano). Toutefois, ces statistiques précèdent le boom de la cigarette électronique, il faut attendre les résultats consolidés de la nouvelle enquête de santé 2023-2024 pour connaître précisément l’ampleur de l’usage de la cigarette électronique au niveau national. 

En 2018, Sciensano relevait aussi qu’un nombre croissant de Belges n’avaient jamais fumé de leur vie, mais que la proportion de ceux qui avaient arrêté de fumer était plutôt stable. Chez les publics plus vulnérables et précaires, la consommation de tabac diminuait, elle, très peu. 

Créer des Espaces sans tabac 

Pour encourager l’arrêt du tabac et réduire le risque d’initiation tabagique, les autorités fédérales ont adopté la Stratégie Interfédérale pour une génération sans tabac, publiée en décembre 2022. L’objectif est d’atteindre une génération sans tabac en 2040, et plus précisément de réduire la consommation quotidienne de produits de tabac à 5%, et l’initiation à (presque) 0%. 

Le 1er janvier 2025, certaines mesures de la Stratégie Interfédérale, sont entrées en vigueur, dont :  

  • l’extension de l’interdiction de fumer dans les lieux publics ouverts aux terrains de sport, plaines de jeux, parcs d’attraction, zoos, et fermes pour enfants ; 
  • la création d’un périmètre de 10m sans tabac aux entrées et sorties des lieux publics scolaires et extra-scolaires, et de soins.  

Depuis le 1er avril, il est aussi interdit d’exposer des produits de tabac dans les points de vente, et de les vendre dans les magasins d’une superficie supérieure ou égale à 400m². 

L’objectif de ces mesures est de réduire la visibilité de la consommation de tabac, d’offrir de plus en plus d’espaces libérés du tabac, où la population, et principalement les jeunes, ne sont pas exposés aux produits de tabac, ce qui permet d’en dénormaliser leur consommation.  

Cette salve de mesures vise aussi à réduire les risques liés au tabagisme passif, c’est à dire l’exposition à la fumée de tabac et aux particules fines émanant de la cigarette électronique. Les personnes qui fumaient mais ont réussi à arrêter, sont aussi moins tentées de recommencer.  

Chaque opérateur.rice de promotion de la santé peut se saisir de cette actualité pour aborder la discussion au sein de sa structure et s’interroger sur ce qui est mis en place pour réduire les risques d’exposition aux produits du tabac et pour aider les personnes à arrêter de fumer : activités de sensibilisation ou d’aide au sevrage, acteurs mobilisés ou mobilisables. Chaque initiative compte ! Le SPF Santé Publique, l’AVIQ et l’Alliance pour une Société sans Tabac diffusent d’ailleurs un webinaire qui présente les changements législatifs et quelques astuces pour la mise en place d’Espaces sans tabac. 

Faire connaître les options d’aide au sevrage tabagique 

Les offres d’aide au sevrage tabagique restent encore trop peu connues du grand public, alors que certains dispositifs ont fait leurs preuves, comme Tabacstop. En 2004, la Fondation contre le Cancer a mis en place cette ligne téléphonique gratuite d’information sur les produits de tabac, qui fait du coaching pour aider à l’arrêt du tabac depuis 2007. En appelant le 0800 111 00, ou via le site tabacstop.be, toute personne qui désire arrêter de fumer peut bénéficier d’un coaching gratuit par un.e tabacologue. Elle bénéficiera alors d’un suivi de huit séances sur une période de plus ou moins trois mois, pour préparer à son rythme l’arrêt tabagique. Depuis 2007, 12 530 personnes ont suivi un coaching complet d’arrêt tabagique, avec un taux de succès de 50% au bout de l’accompagnement, 22% à six mois et 20% à un an. Ce sont des résultats encourageants, car en comparaison, le taux de succès sans aide est de 4%1.  

Une autre solution est de prendre rendez-vous chez un.e tabacologue. Ces professionnel.les de la santé ont des formations diverses (médecine générale, diététique, ergothérapie, soins infirmiers, kinésithérapie, pharmacie, psychologie ou sage-femme). Grâce à leurs connaissances approfondies sur la dépendance, le changement de comportement, les substituts nicotiniques, etc., les tabacologues ont tous les outils nécessaires pour aider les personnes qui fument à arrêter de fumer.  

Pour bénéficier d’un suivi plus abordable, les personnes qui fument peuvent également se rendre auprès d’un Centre d’Aide aux Fumeurs. Il en existe trente répartis en Wallonie et à Bruxelles. 

Enfin, alors que les substituts nicotiniques sont efficaces dans le cadre du sevrage tabagique pour pallier à la dépendance physique due au manque de nicotine, ceux-ci restent encore trop chers en Belgique. Ceci pousse d’ailleurs beaucoup de personnes à les acheter à l’étranger (en France, ils sont vendus moins chers…). Un remboursement structurel au niveau des autorités permettrait de les rendre plus accessibles. 

« Foutu pour foutu » ?

Non, il n’est jamais trop tard pour arrêter de fumer. Les conséquences néfastes sur la santé peuvent être fortement réduites par l’arrêt du tabac. Parmi les décès attribuables au fait de fumer en 2019, la majorité (87%) sont survenus chez des personnes qui fumaient, alors que seulement 6% sont survenus chez des personnes qui ont arrêté de fumer depuis 15 ans.2  

En fonction de l’âge auquel on arrête de fumer, l’espérance de vie peut augmenter de 4 à 10 ans, selon des études américaines.3 Les personnes qui arrêtent de fumer entre 25 et 34 ans ont même une espérance de vie similaire à celles qui n’ont jamais fumé, mais le gain diminue avec l’âge au moment de l’arrêt. 

Comment prendre part à des initiatives sur le terrain 

Comme chaque année au mois de mai a lieu la Campagne “Ensemble Vers Un Nouveau Souffle” qui vise à informer et sensibiliser la population à la thématique du tabagisme, et à accompagner les personnes qui fument et qui souhaitent réfléchir à leur consommation. Cette initiative des différents membres du Plan Wallon Sans Tabac est soutenue par la Région Wallonne. Elle s’appuie sur un large panel d’activités de sensibilisation, en distanciel et en présentiel. 

• Une mobilisation des professionnel.les de la santé et du social, qui offre l’opportunité de renforcer ses connaissances et ses compétences autour du tabagisme par différents modules de formation (webinaires de tabacologie). Mais également par des séances de découverte de supports d’information et d’outils d’animation afin de les soutenir dans leur démarche d’accompagnement à l’égard de leurs patient.e.s et usager.es.  

• Des ressources et des activités sont proposées aux personnes qui fument et à leur entourage : site internet, brochures d’information, stands de sensibilisation, conférences, ramassages de mégots, jeux/animations, distribution de kits de sensibilisation, activités bien-être (comme la méditation pleine conscience, le yoga ou la marche nordique), activités ludiques et bien plus encore. 

Le site ensembleversunnouveausouffle.be présente les ressources pour que les professionnel.les de la santé et du social puissent prendre part à la campagne. N’hésitez pas à faire circuler cette information au sein de vos structures ! 

Passer par le “Buddy Deal” 

Buddy Deal est une campagne financée à 100% par la Fondation contre le Cancer. L’objectif est de ne pas fumer pendant un mois, avec le soutien d’un Buddy (un.e ami.e, un.e collègue ou tout autre personne de son entourage) et d’une communauté de plusieurs milliers de personnes qui arrêteront de fumer en même temps. Les personnes qui arrêtent de fumer pendant un mois ont cinq fois plus de chances d’arrêter définitivement, et le soutien de l’entourage est vu comme une aide essentielle. Le Challenger et son Buddy relèvent ensemble le défi. Et en échange des efforts du Challenger de ne pas fumer, le Buddy promet une contrepartie. Ils concluent ainsi un Buddy Deal pour un mois, du 1er au 31 mai.  

Les Challengers peuvent également participer sans avoir de Buddy. Avec des milliers d’autres Challengers, le soutien via un groupe Facebook dédié et les conseils par email, et sur le site, les Challengers seront encouragés à relever le défi. 

Le site buddydeal.be donne des pistes d’action aux professionnel.les de la santé et du social. Ils peuvent prendre part à cette campagne et l’utiliser comme opportunité pour promouvoir les offres d’accompagnement au sevrage tabagique. 

Bon à savoir : la cigarette électronique 

Son marketing agressif cible les jeunes, avec des goûts attrayants pour des personnes qui ne fumaient pas à l’origine. Dans le cadre d’un sevrage tabagique, elle peut également être une solution légèrement moins nocive pour les personnes qui essaient de se détacher de la cigarette classique. Néanmoins, la prudence est de mise ! Vu l’évolution rapide du marché de la cigarette électronique et le nombre de modèles existants, il est important de sensibiliser les personnes utilisatrices sur la nécessité de s’assurer de la qualité des produits qu’elles achètent, en leur conseillant de se faire accompagner dans leur choix par un.e tabacologue.  

Le FARES a publié une nouvelle brochure sur l’E-cigarette. 

les records de la honte
Campagne de sensibilisation de l’ACT au moment des Jeux Olympiques de Paris 2024

Quand l’industrie du tabac s’approprie des termes de santé publique 

L’industrie du tabac a longtemps mis en avant l’argument de la liberté individuelle pour contrecarrer les politiques de santé publique. Néanmoins, peut-on vraiment parler de liberté individuelle lorsqu’il est question d’un produit qui a été conçu pour être le plus addictif possible ? 

Par ailleurs, le fait d’exposer des jeunes à des produits de tabac si addictifs peut, au contraire, être vu comme une atteinte à leurs droits humains : leur droit à la vie, à la santé, mais également à leur droit à un environnement sain.  

L’industrie du tabac s’est aussi approprié des discours de santé publique et de promotion de la santé, comme celui de la réduction des risques. Sur les sites internet des industriels du tabac, cette notion apparaît partout pour promouvoir la cigarette électronique, le tabac chauffé et les sachets de nicotine. 

Les chiffres de Philip Morris pour 2024 montrent que ces produits sans fumée représentent désormais 40% de ses bénéfices nets mondiaux, surpassant pour la première fois les revenus générés par leur marque-phare Marlboro. Dès lors, attention à leur utilisation du concept de « réduction des risques » !  

Références :

1. Laniado-Laborin, R. (2010). Smoking cessation intervention: an evidence-based approach. Postgraduate medicine, 122(2), 74-82.

2. GBD 2019 Tobacco Collaborators. (2021). Spatial, temporal, and demographic patterns in prevalence of smoking tobacco use and attributable disease burden in 204 countries and territories, 1990–2019: A systematic analysis from the Global Burden of Disease Study 2019. The Lancet, 397(10292), 2337-2360.

3. Jha, P., Ramasundarahettige, C., Landsman, V., Rostron, B., Thun, M., Anderson, R. N., McAfee, T., & Peto, R. (2013). 21st-century hazards of smoking and benefits of cessation in the United States. New England Journal of Medicine, 368(4), 341- 350.

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Ça m’saoule, j’ai craqué. Mobilisation générale sur le campus de l’ULB 

Le 31 Mar 25

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Jeux, quizz, échanges et prises de contact. Le 25 février dernier avait lieu la quatrième édition de « ça m’saoule, j’ai craqué”, une journée de sensibilisation aux consommations et addictions coordonnée par Modus Vivendi, en partenariat avec des acteurs du secteur assuétudes et jeunes, et les services dédiés (médical et promotion santé) de l’Université Libre de Bruxelles. 

« L’alcool est arrivé très tôt dans mon parcours, vers 14 ans, via mes cercles d’amis, témoigne Océane. Suivi rapidement du cannabis et des drogues dures. A 17 ans, j’ai eu une mononucléose et des problèmes de foie.  J’ai dû arrêter l’alcool pendant 3 mois et je n’ai pas repris après. Puis j’ai réalisé que le cannabis me rendait parano et déconnectée et j’ai été témoin de surdoses, ça m’a calmée, j’ai tout arrêté ». En cette journée de sensibilisation, l’étudiante en psychologie sociale et interculturelle appliquée à l’Université Libre Bruxelles anime un stand sur les interactions entre psychotropes pour l’Asbl bruxelloise Modus Vivendi où elle fait un stage. 

Des étudiants se pressent à la journée baptisée « ça me saoule, j’ai craqué », un parcours en promotion de la santé et Réduction des Risques (RdR) conçu par et pour les étudiant.e.s de l’ULB. L’ambiance est bon enfant. Le foyer culturel du Solbosch, accueille une dizaine de stands pour aborder la question des consommations et des addictions (alcool, tabac, psychotropes, écrans…). Chaque association a apporté ses affiches, beach flag, des flyers et des goodies. 

Au cours de l’année universitaire, le projet « Ça m’saoule » se décline en deux moments. En octobre, il aborde les thématiques EVRAS (l’Education à la vie relationnelle, affective et sexuelle) au moment des baptêmes sous l’appellation « ça m’saoûle, j’ai plus de capote » (autrefois «48h pour convaincre”). Les stands se focalisent plus particulièrement sur les infections sexuellement transmissibles (IST), le consentement et les droits des minorités sexuelles LGBTQIA+. C’est une étape obligée dans le parcours de bleusaille pour les étudiant.es désireux.se d’intégrer un cercle.  

Aux dernières 48h, 300 à 400 aspirant.es sont passés sur les stands, tandis que leurs comitards les attendaient à l’extérieur pour qu’ils et elles se sentent moins oppressé.es. 

En février, cette seconde journée s’élargit aux thématiques de l’alcool, du tabac, des psychotropes, de la santé mentale et de l’alimentation. En guise de piqûre de rappel par rapport aux 48h d’octobre, l’asbl O’YES anime un jeu de l’oie sur le consentement « On y va ou pas ? ». Créé avec l’Association des cercles étudiants (ACE) en 2017, l’outil met en avant des situations de vulnérabilités. « Il permet de faire énormément de liens entre les consommations et le consentement. C’est l’occasion de rappeler le cadre de la loi, de faire réagir à des statistiques et de sensibiliser à la culture du viol » décrit Raoul Thelen, formateur et animateur EVRAS pour l’Asbl. 

« C’est important de véhiculer des messages, notamment dès qu’il y a un événement un peu social ou festif, même si on n’est pas parfait, et qu’à un moment je pose ma casquette de déléguée pour aller faire la fête », explique Lola, déléguée RdR pour la Liégeoise (le cercle des étudiants liégeois de l’ULB). Elle s’est formée en début d’année universitaire pour assurer des permanences lors des activités festives sur le campus. 

Avec Marie Gilles, qui coordonne les projets RdR et PromoSanté de l’ULB, les étudiant.es vont découvrir un carnet de notes et une horloge, qui va leur permettre d’objectiver leurs habitudes de consommation que ce soient les repas, les sodas ou boissons alcoolisées, le tabac, ou les substances psychotropes.  

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Photo Modus Vivendi

Donner des repères sur l’alcool 

Des étudiants de l’IHECS présentent le matériel et les quizz tirés de l’exposition « Sans pression » (Alcool : des étudiants dézinguent la guindaille  – Éducation Santé) qui aborde de manière ludique les facteurs qui influencent les jeunes et les étudiants à boire de l’alcool.    

Sur le stand « Classification des drogues », Kerryan, déléguée RdR du cercle agro des bioingénieurs présente un diagramme des psychotropes pour montrer les interactions les plus fréquentes entre l’alcool, les médicaments et les drogues. Un tableau des mélanges, conçu avec les étudiant.es en pharmacie, détaille leur niveau de toxicité et donne des conseils dans l’esprit des 12 commandements

A côté, deux participantes lancent des fléchettes sur une cible qui reprend de manière symbolique ces 12 conseils de RdR : « Cible ton tips ». Les conseils fusent « protège-toi », « fais des pauses conso », « veille sur tes potes », « informe-toi sur le produit avant de consommer », « protège tes oreilles, car les dommages auditifs sont irréversibles », « mange avant de sortir », « bois de l’eau régulièrement », « écoute ton corps », « évite les mélanges ».  

« On est dans un milieu qui reste très consommateur, l’important c’est de donner des balises. On remarque que ces deux dernières années, ça bouge un peu » constate Illia Sarkissiane qui coordonne le projet « Drink Different » de l’asbl Modus Vivendi. Une des équipes de délégués sillonne justement le campus pour sensibiliser aux quantités d’alcool et rabattre des participants sur la journée. Elle fait le focus sur les moments de pré-soirée, ou « préchauffe »” qui concernent les plus gros consommateurs.rices. L’idée est de sensibiliser à un changement de comportement pour que chacun.e, s’il ou elle décide de consommer de l’alcool, le fasse à son rythme plutôt que d’imposer des tournées.  

Modus Vivendi met aussià disposition des réglettes « alcool, connaissez-vous vos limites ? » qui permettent de voir en fonction de son poids et de son genre, l’effet cumulatif des verres d’alcool. « Nous préférons utiliser cette réglette, car on s’est rendu compte que les recommandations standards de l’OMS ne sont pas un bon levier. Une dizaine de verres par semaine, c’est ce que certain.es boivent en une journée. Si on mentionne cette limite, ça les fait rigoler, et on les perd » décrit Illia Sarkissiane. 

Parler tabac, cigarette électronique et dépendances 

Trois stands permettent d’aborder la question du tabac, qui est encore très présent sur le campus de l’ULB – étant donné qu’au rez-de-chaussée du bâtiment où se tient l’événement « ça m’saoule », une librairie vend tous les produits du tabac. 

Pour Laurence Gilson, infirmière tabacologue à l’ULB, la sensibilisation à l’e-cigarette et aux puffs est essentielle. « Certains jeunes arrivent en consultation en pleurant, car ils sont accros. Ils ont commencé assez jeunes par une vape sans nicotine, avec un goût bubble gum, qui leur donne une bonne haleine, décrit-elle. Mais très vite, ils cèdent à la pression du groupe qui trouve que « c’est plus cool de vaper de la nicotine », ça devient comme une tutte qui entraîne la dépendance à la fois au sucre, au geste et à la nicotine ». 

Ces produits hyper marketés à destination des jeunes, avec des lumières qui tournent, fluo, jaune ou rose sont en démonstration au stand « Tournicotine » du FARES. Deux étudiantes tentent leur chance sur le quizz « Vrai ou Faux ». A la première affirmation : « on ne peut pas être accro à la puff », l’une d’elle s’exclame avec beaucoup d’assurance. « c’est vrai parce que dans certains puffs, il n’y a pas de nicotine ! » Son amie semble moins sûre. Ce qui permet de détailler les trois types de dépendance : physique (à la nicotine), psychologique et comportementales/sociales. 

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Le stand du Fares – photo Clotilde de Gastines

L’effort de littératie permet aux participant.es de repartir avec quelques données-clés. Certains puffs contiennent jusqu’à 20 mg de nicotine, alors qu’une cigarette en contient 1 mg. Une heure de chicha équivaut à la combustion de 50 cigarettes. Il est aussi possible de devenir tolérant au CBD, et de risquer une surdose.  

Plus loin, deux étudiants en sciences politiques jouent à « Parcours sans T », un jeu qui visent à améliorer les compétences psychosociales par rapport aux produits du tabac. Ils doivent citer en une minute le maximum d’inconvénients de la cigarette : « cancer, problème cardiaque, oui, mais bon c’est un peu la loterie », dit l’un des deux. Camille Orfiniak du FARES ajoute : « perte d’appétit, dépendance, mauvaise haleine, problème de fertilité, essoufflement, et puis c’est cher ». 

Le second étudiant hoche la tête, il regarde son téléphone avec un peu d’anxiété, il lui reste tout juste 30 minutes pour compléter le tour des stands avant de retourner en cours. « Je veux me rattraper. J’ai déjà fait le parcours en octobre dernier au moment de mon baptême, mais j’en ai plus aucun souvenir tellement j’avais bu depuis 24h, je m’endormais debout, et j’avais trop la honte après coup ». 

Sur cette édition, 80 à 100 étudiants sont passés sur le parcours, 56 l’ont complété. 

parcours d stress

Jeux et animations, un duo gagnant

Le 27 Fév 25

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Depuis une vingtaine d’années, l’asbl Question Santé crée, expérimente, diffuse et surtout utilise les jeux comme support de ses actions tant en Promotion de la santé qu’en Education permanente. Cette utilisation des outils-jeux permet d’apporter ici quelques réflexions sur les avantages que représente l’usage des supports ludiques lors des activités avec différents publics.

Eric Yvergneaux est animateur pour l’ASBL Question Santé

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En cette matinée de novembre 2024 dans le local fraîchement rénové d’un centre d’insertion socio-professionnelle du Hainaut, une dizaine de participant.es s’installent autour du plateau de jeu Parcours D-Stress. Pendant trois heures, sous la conduite d’un animateur, ils vont partir à la découverte du stress en jouant.

Ce jeu de plateau, qui s’adresse au plus de 15 ans, permet de sensibiliser à la problématique du stress, d’échanger sur les causes et les conséquences du stress et d’apporter des solutions afin de mieux le gérer.

La séance débute avec une question rituelle adressée aux participant.es : «  quelle a été, pour vous, votre dernière source de stress ? ». Après quelques secondes de réflexion et d’hésitation, les réponses fusent : la crainte d’arriver en retard quand les transports en commun sont perturbés, la difficulté de conduire un véhicule pour certain.es, le stress des fins de mois quand on ne dispose pas de revenus importants. Les participant.es commencent à se sentir plus à l’aise et plus confiant.es. Après l’explication des règles et la formation des équipes, la partie va pouvoir commencer.  

Pourquoi un jeu ?  

Quels sont les avantages d’utiliser un jeu en animation en Promotion Santé et en Education permanente ? 

Tout d’abord, le jeu présente un avantage social en aidant les participants à être en relation. L’aspect ludique du jeu facilite la mise en place d’une dynamique de groupe. Il va souvent jouer le rôle de « brise-glace », ce qui permet à l’animateur de gagner du temps. Placés devant un jeu, les membres d’un groupe restreint vont presque automatiquement laisser tomber les postures qui peuvent habituellement gêner l’animateur. Le jeu favorise la mise en place d’une dynamique saine et constructive.  Il va créer presque instantanément des interactions, des liens voire des alliances, qui vont générer de la cohésion dans le groupe durant la partie, cohésion qui demeurera une fois le jeu terminé.  

Le jeu a également un avantage éducatif. Lors d’une partie, un espace sécurisé et libre se crée sous la gouverne de l’animateur, où chacun et chacune peut s’exprimer, sans devoir affronter les difficultés du débat, ou de la confrontation à des « leaders ». Stimulé.es par l’aspect ludique, les joueur.euses vont pouvoir prendre beaucoup plus facilement un risque dans leurs prises de parole.  Il s’agit là d’atouts précieux pour proposer une animation efficace, surtout si, comme c’est souvent le cas en Education permanente, l’animateur accueille des participants qui ont une maîtrise inégale de la langue française, ou des codes et des techniques de débat.  

 Un outil-jeu doit être mis en place avec ses règles. Seul un respect de celles-ci va permettre d’obtenir les résultats escomptés, et garantir un espace de dialogue. Sauf si… pour les besoins de la cause, on les détourne !  

Le jeu n’est sans doute pas la panacée, l’outil ultime. Certains sujets ne pourront sans doute pas être abordés via un outil-jeu. Certains groupes ne seront peut-être pas directement réceptifs à cette approche, mais là, c’est l’expertise de l’animateur qui devra faire la différence.  

La partie a démarré ! Les pions progressent sur le plateau. Les quizz sur le stress, les mimes, les cartes de situation, qui donnent un avantage ou le retirent se succèdent à un rythme soutenu. Les participant.es sont maintenant bien entrés dans le jeu, même les plus réservé.es d’entre eux. Ils et elles sourient, plaisantent, répondent aux questions de manière spontanée, et acceptent volontiers lors des séquences de réflexion de partager leur expérience sur le stress. La magie du jeu a fait son effet.  

Et le plaisir dans tout cela ? 

 Si, en animation, jouer n’est pas l’objet principal, mais un moyen, il ne faudra pas oublier une des dimensions essentielles du jeu réussi : le plaisir. Le plaisir apporte la motivation nécessaire, il favorise la participation et les apprentissages. Jouer doit donc procurer aux participants des sensations, des stimulations, en un mot, du plaisir. Le jeu doit être conçu de manière à entretenir une dynamique, notamment en mettant en scène une émulation entre joueurs ou entre équipes, en les entraînant vers un objectif final, la victoire. 

Lors du déroulement de ce type de séances, si l’animation « prend », les participant.es vont adopter une posture différente de celle qu’ils auraient prise lors d’une séance plus « classique ». Le jeu va leur permettre en effet de se projeter dans l’imaginaire créé par le contexte, de s’éloigner d’une réalité quotidienne qui peut être délicate ou difficile.  

Amélie fait partie des participants du jour. Elle a clairement pris le leadership de son équipe. Elle réfléchit mûrement avant d’annoncer son choix et l’action qu’elle souhaite effectuer une fois son tour arrivé. Elle a vite compris ce qui lui apportait un avantage supplémentaire, et bien repéré les actions intéressantes en fonction de la position du pion de son équipe sur le plateau. Thierry, lui, ne cesse de compter les cases qui lui restent avant la ligne d’arrivée, et les points qui permettront d’y arriver. Pour lui, c’est évident, participer n’est pas la seule chose qui compte. Pierre, lui, collectionne les tirages moins favorables. Cela a tendance à le rendre un peu maussade, mais avec le jeu « Parcours D-Stress », la chance peut vite changer de camp. 

Profils-type et jeu d’équilibre 

Lors d’activités basées sur un jeu, certains fonctionnements types peuvent apparaître chez les joueurs.  Parmi ceux-ci, on trouve le « stratège », qui risque de vite se désintéresser des dialogues pédagogiques transmis par le jeu pour ne plus penser qu’à son action suivante.  Il y a aussi le « gagneur », qui va, comme son nom l’indique, accorder une très grande importance à la victoire, et risquer de passer à côté du contenu que véhicule la séance. De plus, le gagneur peut se transformer en « mauvais perdant » si l’on n’y prend garde, ce qui peut avoir un impact négatif sur la dynamique de groupe.  

Certain.es participant.es peuvent également se poser la question de la pertinence d’une séance proposant un jeu, notamment dans un contexte où leur participation est contrainte (au sein de groupe de mobilisation sociale au sein de CPAS, par exemple), en ne voyant que la dimension « jeu de société » et en excluant son intérêt pédagogique.   

Ces attitudes peuvent apparaître comme des écueils, mais elles sont surmontables. Surtout si la personne en charge de l’animation garde à l’esprit ses objectifs et parvient à préserver l’équilibre entre les enjeux du débat et le plaisir de jouer.  

C’est finalement l’équipe d’Amélie qui a remporté la partie. Il est temps de se congratuler, éventuellement d’évacuer quelques frustrations, mais aussi de revenir sur les notions apparues durant la partie et de les exploiter.  

Animer un jeu demande un.e animateur.rice  ! 

Animer un jeu demande à l’animateur.rice de bien maîtriser les enjeux de cette activité. En plus des aspects techniques existants lors d’animations classiques, comme le choix en matière de gestion de la dynamique du groupe, du type de directivité qu’il utilise, de la nature de ses interventions, l’animateur.rice devra être attentif à la manière dont la partie évolue. La nature hybride d’une animation basée sur l’utilisation d’un outil-jeu, nécessite d’allier facilitation au niveau de la circulation de la parole, médiation parfois, et aussi, le cas échéant, régulation. En cela, et même s’il ou elle choisit une posture extrêmement discrète, l’animateur.rice joue un rôle-clé dans la réussite de la séance et la réalisation des objectifs qu’il ou elle s’est fixé.  

Que des avantages ?  

La nature ludique du jeu permet d’atteindre un bon nombre d’objectifs très différents. Elle favorise la dynamique de groupe, stimule et motive les participants. En cela elle facile l’animation en groupe. Elle permet également de libérer la parole, de confronter els points de vues et représentations, d’offrir un rôle actif aux participants, de favoriser les apprentissages. En cela c’est un outil pédagogique puissant.

Parcours D-Stress est le fruit d’une collaboration entre l’asbl Question Santé et Solidaris (retrouvez la fiche Pipsa). 

Focus sur le Jeu : Sa Majesté Normes Ier, pour jouer avec les normes de santé 

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A l’occasion de son 40ème anniversaire, l’équipe Education permanente de Question Santé, à l’instigation de sa directrice de l’époque, Bernadette Taeymans, décide de produire un jeu sur les normes de santé. A l’origine, un jeu existait, « Débats Débiles », crée par Cyril Blondel & Jim Dratwa, publié aux éditions « Le Droit de Perdre » (ce jeu est utilisé régulièrement en France dans le cadre d’activités de type « Café Philo »).  

Les règles du jeu de « Sa Majesté Normes Ier » sont simples :  un des joueurs choisit un mot sur une carte et formule une question avec ce mot. Les autres participants du jeu devront alors répondre par « oui » ou par « non » à la question posée par le joueur. Le joueur a gagné s’il a réussi à poser une question qui divise au maximum les autres participants. En d’autres termes, l’objectif idéal est d’obtenir autant de réponses « oui » que de réponses « non » à la question posée. Le joueur qui aura réussi à poser une question qui divise le plus les participants sera couronné Sa Majesté Normes Ier ! 

L’intérêt de ce jeu est multiple. Il s’agit de jouer de façon rythmée, décalée, et ainsi de créer une dynamique de groupe en mettant en place une ambiance conviviale et détendue. 

L’objectif final n’est évidemment pas uniquement de jouer, mais de sensibiliser les participants aux enjeux de santé et aux normes qui les sous-tendent, dans une optique commune d’Éducation permanente et de Promotion de la Santé. Questionner notre regard sur la santé, nuancer notre réflexion, notre point de vue, débattre des normes dominantes, du politiquement correct, expérimenter les différents points de vue (accords-désaccords) : argumenter et respecter d’autres points de vue que le sien, dégager des questions et thématiques de santé à développer ultérieurement ; tout cela fait partie des objectifs de « Sa Majesté Normes 1er ».  

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Soigner une approche critique de la santé par le genre 

Le 27 Fév 25

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Après plusieurs mois d’interruption, les activités de l’ASBL Femmes et Santé (FESA) redémarrent avec le soutien du GAMS Belgique. La nouvelle équipe annonce déjà un premier rendez-vous le 28 mai pour célébrer la Journée internationale d’action pour la santé des femmes et poursuit la structuration du service support genre.

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Constituée en octobre, la nouvelle équipe Femmes et Santé (FESA) conserve et valorise l’ADN de l’association qui va fêter ses 20 ans. L’asbl féministe de promotion de la santé a pour missions de réduire les inégalités de santé et les violences faites aux femmes, de soutenir une analyse de genre en santé pour des équipes et institutions, des projets et la recherche. 

Fabienne Richard, coordinatrice ad interim est par ailleurs directrice du GAMS, Marwa Mohamed El Rufai est chargée de mission pour la région wallonne, Julia De Clerck et Léa Rollin sont chargées de mission pour la région bruxelloise. 

Unir ses forces et ses réflexions 

Le 20 février dernier avait lieu le (re)lancement officiel du Réseau bruxellois Femmes et Santé : pour favoriser les liens entre les différents acteur.rices du secteur. Il a réuni une vingtaine de participant.es au cours d’un workshop d’échange de pratiques.  

Après le redémarrage du réseau bruxellois, FESA organisera également des événements communs avec le réseau Wallon pour la santé des femmes. Celui-ci a continué de fonctionner malgré la mise en suspens des activités de Femmes et Santé sur Bruxelles. 

En région bruxelloise, FESA compte aussi relancer les ateliers autour de l’auto-santé et les ouvrir aux publics minorisés. « Ces ateliers d’auto-santé n’avaient plus lieu depuis deux ans, car l’équipe précédente avait mis le focus sur la diffusion des deux référentiels d’auto-santé et la formation à leur utilisation, explique Fabienne Richard, coordinatrice. En tant que nouvelle équipe, nous souhaitons refaire du terrain et rencontrer notre public cible, car rien ne remplace la pratique, et celle-ci nourrit le plaidoyer ». 

L’auto-santé est parfois vue comme une activité réservée aux personnes privilégiées qui ont le temps et l’argent de penser à leur santé. L’équipe souhaite renforcer la vocation intersectionnelle de l’asbl afin que « les principes et les pratiques d’auto-santé soient accessibles autant aux femmes migrantes, qu’à celles porteuses de handicap, aux minorités de genre, aux publics marginalisés (prison, sans abri, santé mentale) », précise Julia De Clerck. 

L’Asbl a également réédité Que se passe-t-il dans nos culottes ?, un carnet d’activité réalisé en partenariat avec la Fédération pluraliste des centres de planning familial (FPCPF) pour les enfants à partir de 9 ans qui se posent des questions sur les règles, leur corps, la puberté et les changements. 

Structuration du service Support Genre  

Le service support Genre lance ses activités en partenariat avec l’Observatoire du sida et des sexualités de l’ULB. Destiné aux professionnel·les de la santé et du social, ce « service de support en matière d’approche genrée des inégalités de santé » a pour objectif de soutenir les acteur-ices œuvrant à améliorer la qualité de vie de l’ensemble de la population bruxelloise susceptible de subir des inégalités de genre en matière de santé.

L’OSS et FESA se partagent la tâche : 

  • FESA poursuivra sa mission de mise en réseau et proposera un service gratuit d’accompagnement et de soutien opérationnels des acteurs·rices de la promotion de la santé. 
  • L’OSS assurera la récolte de données, de documentation, d’enquête et de recherche.  

Après l’attribution du service support en mars 2024, l’OSS a missionné la chercheuse Aurélie Aromatario pour qu’elle réalise un état des lieux des savoirs. La chercheuse a réalisé une revue de littérature scientifique, et identifié les acteur-rices du genre et de la promotion de la santé en région bruxelloise. « Ce travail a permis de réaliser un état des lieux des savoirs et de la connaissance en socio-anthropologie de la santé, ce qui nous donne un bon aperçu des intersections ». Dans les prochains mois, l’OSS publiera un document d’une cinquantaine de pages à destination principale des acteur-ices de la promotion de la santé avec une approche théorique sur la question de la santé et du genre. 

Le service support en genre veut promouvoir une santé inclusive en améliorant la compréhension des inégalités de santé liées au genre et en répondant aux besoins spécifiques des acteurs de santé sur le terrain. 

« Avoir une approche basée sur le genre, c’est avoir une approche critique de la santé, cela oblige à changer de lunettes, pour ne pas se contenter d’aborder la santé des femmes par exemple sous l’angle de leur santé reproductive, comme c’est souvent le cas » explique Aurélie Aromatario. Des pans entiers de la santé des femmes sont encore « invisibilisés » dit-elle. Ainsi, l’endométriose, une affection qui touche une femme sur dix, met en moyenne sept ans à être diagnostiquée. Et ses causes sont toujours inconnues. Comme la gynécologie a longtemps eu pour mission centrale de se concentrer sur la fonction reproductive des femmes, l’endométriose ou le vaginisme sortaient du prisme. 

La chercheuse cite plusieurs affections pour lesquelles pèse le poids du genre. 

  • L’alcoolisme : chez les hommes, l’alcool est souvent considéré comme une affection en soi, alors qu’elle peut procéder d’un état dépressif. Chez les femmes, un médecin va plus rapidement interroger sur la dépression, ce qui va avoir pour conséquence une surreprésentation des femmes dans la catégorie Santé mentale et une sous-représentation dans les catégories liées aux assuétudes. 
  • L’ostéoporose : celle-ci est trop souvent sous-diagnostiquée chez les hommes. Elle est en générale découverte trop tardivement quand la maladie est très avancée, entraînant des risques de mortalité plus élevés. 
  • La vaccination contre le papillomavirus (HPV) : la première campagne de vaccination en 2010 concernait seulement les femmes, car le virus peut provoquer des lésions qui évoluent en cancer au niveau du col de l’utérus.  C’est typique d’une affection pensée uniquement comme un risque au féminin, et un gros raté en termes de santé publique, car les hommes non vaccinés sont potentiellement porteurs et peuvent transmettre le virus. Certaines des lésions pré-cancéreuses générées par le HPV (cavité buccale, anus…) peuvent en outre concerner les hommes également. Il a fallu plusieurs réajustements des campagnes de vaccination au fil des années pour dépasser ces impensés.  

Le service support genre permettra ainsi d’initier une réflexion au sein des équipes et institutions désireuses de faire évoluer leurs pratiques. Une étude exploratoire dans le domaine de la promotion de la santé sera ainsi mise en place dans les années à venir par Charlotte Pezeril qui reprend ce dossier auprès de l’OSS. 

Le 28 mai prochain, FESA fête ses 20 ans et célèbre la Journée internationale d’action pour la santé des femmes avec des plénières, une conférence gesticulée, des ateliers d’auto-santé, et une projection de film. 

Références :  

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Tournée Minérale : impact et nouveaux outils pour les professionnels

Le 3 Fév 25

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Depuis 2017, la campagne Tournée Minérale® mobilise chaque année en février plus d’1,5 million de Belges autour d’un défi : un mois sans alcool. Pause après les agapes de fin d’année pour certains, occasion de réfléchir au sens de sa consommation pour d’autres. Tournée Minérale® c’est surtout l’occasion, dans notre culture où l’alcool est omniprésent (sport, vie étudiante, savoir-faire brassicole, publicité, etc.), de remettre les enjeux de santé publique qui y sont liés au centre de l’attention durant un mois. Mais en quoi cette stratégie de promotion de la santé concerne-t-elle les professionnels de première ligne ?

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Chaque année en Belgique, près de 10 000 décès sont imputables à l’alcool, soit 10,5 % des décès (OMS, 2018) Par ailleurs, le mésusage de l’alcool coûte entre 4,2 et 6 milliards d’euros par an à notre pays (Thienpondt et al., p. 12, 2017).

L’alcool est responsable de plus de 200 pathologies et, même modérée, la consommation peut augmenter le risque de maladies graves (CSS, 2024, p.11). Le Conseil Supérieur de la Santé rappelle en effet qu’aucun niveau de consommation d’alcool n’est sans risque. En Belgique, 77 % des personnes de 15 ans et plus consomment de l’alcool (Gisle, 2018, p.6).

Un défi pour questionner sa consommation 

Face à ces constats de santé publique, Tournée Minérale® invite les participants, sous forme de défi, à analyser durant un mois leur relation à l’alcool et à passer d’une consommation réflexe à une consommation choisie. Depuis sa création, la campagne a gagné une popularité croissante, réunissant désormais plus de 20% des adultes belges chaque année, soit 1,5 million de Belges ! 

Réduire le « treatment gap » grâce à la Tournée Minérale® 

En 2024, un tiers des participants ont déclaré s’être renseigné ou avoir consulté un professionnel de santé dans la foulée de leur participation. 

Le « treatment gap » désigne l’écart entre les personnes souffrant de troubles de santé et celles qui se font accompagner pour ce problème de santé. En Belgique, sur 100 personnes présentant un mésusage d’alcool (Filee et al., 2004), seulement huit reçoivent une prise en charge adaptée (Mistiaen et al., 2015) 

Tournée Minérale® apparait alors comme une piste intéressante pour réduire cet écart de prise en charge. En effet, la campagne offre un cadre bienveillant pour aborder ces questions souvent taboues. Elle peut alors servir de porte d’entrée pour identifier les besoins des patients et orienter ceux en difficulté vers des soins adaptés. 

Des bénéfices à court et long termes 

Les participants à Tournée Minérale® rapportent de nombreux bienfaits ressentis : 

À court terme : 70% des participants en 2024 ont signalé des améliorations de leur sommeil, de leur énergie ou de leur concentration (Indiville, 2024).

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À moyen terme : Une étude menée par l’Université de Gand a démontré que les participants avaient réduit de 20 % leur consommation d’alcool six mois après leur participation (Thienpondt et al., 2017, p.12). Sachant que le Belge boit, en moyenne, près de deux fois trop par rapport aux recommandations, Tournée Minérale contribue donc sensiblement à l’amélioration de la santé publique. 

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Des outils pour les professionnels de santé 

En 2024, 1 participant sur 10 déclarait vouloir être accompagné par un professionnel de santé pour la prochaine édition. 

Ainsi, Univers Santé, l’asbl qui coordonne Tournée Minérale en Belgique francophone, a conçu, en collaboration avec des acteurs de terrain et pour la deuxième année consécutive, des outils spécifiques afin de soutenir les professionnels de première ligne. 

En 2025, l’accent est mis sur les médecins généralistes, les pharmaciens et les psychologues (notamment grâce à l’implication de la SSMG et d’acteurs de la Province de Namur- lire p.XX).  

Ces supports, disponibles gratuitement, incluent : 

  • des affiches et flyers pour les cabinets, salles d’attente, comptoirs… ; 
  • une vidéo muette de 15 secondes pour les écrans ; 
  • des badges à porter sur son pull/sa blouse pour indiquer son soutien à la campagne avec légèreté et engager la conversation.

Références 

  • Conseil Supérieur de la Santé, 31 janvier 2025. Mesures de réduction des dommages et des risques liés à la consommation d’alcool (Avis n°9782)
  • Conseil Supérieur de la Santé (2024). Mesures de réduction des méfaits liés à la consommation d’alcool : avertissements sanitaires dans le marketing, recul de l’âge de la première consommation d’alcool et prix minimum de l’alcool. (Avis n°9781).
  • Filee D, Gosset C, Reginster JY, Dor B, Orban T. Probex (2004) Projet buveurs excessifs. SSMG-ULG 
  • Gisle, L., Demarest, S., Drieskens, S. (2018) Enquête de santé 2018 : Consommation d’alcool. Bruxelles, Belgique : Sciensano ; Numéro de rapport : D/2019/14.440/65. Disponible en ligne : enquetesante.be 
  • Samyn, W., Busschaert, S., Minnebo, J. (2024). Rapport d’évaluation: Tournée Minérale 2024. Belgique. Indiville. 

Pour aller plus loin :  

  • Une carte interactive pour trouver un.e spécialiste (alcoologue) dans sa région sur reseaualcool.be   
  • Un test à réaliser pour évaluer sa consommation d’alcool sur tournee-minerale.be/testalcool  
  • Des infos et deux outils sur aide-alcool.be et le Selfhelp en ligne pour prendre en charge seul.e sa diminution de consommation d’alcool, et l’accompagnement en ligne où un.e thérapeute propose un accompagnement à distance  
  • Le réseau des services d’aide et de soins spécialisés en assuétudes pour réorienter la personne vers le service de soins ambulatoires de sa région sur feditowallonne.be

Risque alcool : la première ligne namuroise se forme au repérage précoce 

Le 3 Fév 25

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Pour qu’ils puissent intervenir tout au long du mois de février dans le cadre de Tournée Minérale®, les acteurs de la Province de Namur ont outillé les médecins généralistes, les pharmaciens et les psychologues dits « de première ligne » sur le mésusage de l’alcool.

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« Tournée Minérale® est un moment-clé pour réfléchir à sa consommation d’alcool. C’est une fenêtre d’opportunité, une proposition de contre-culture par rapport à la culture de l’alcool qui domine en Belgique. On a décidé d’aider les généralistes, les pharmaciens et psychologues à passer le pas », explique Mathilde Pira, chargée de projet du centre local de promotion de la santé (CLPS) de Namur.

Le CLPS pilote depuis trois ans un groupe de travail qui réfléchit à la manière de changer les représentations de professionnel.les de la première ligne. Il regroupe PSYNAM, le CHU UCL Namur, le cercle des généralistes Namurois (RGN), l’association des pharmaciens Namur-Luxembourg (APNL), Promotion Santé et Médecine Générale (PSMG), le Centre d’Education du Patient (CEP). 

Un projet d’initiative hospitalière 

A l’origine, ce projet multi partenarial a été initié par le CHU UCL Namur. Son ambition consistait à être « hôpital promoteur de santé ». Concrètement, des professionnels du CHU UCL Namur – parmi lesquels Pierre Patigny, Charlotte Martin et Fabien Dehaene – ont convié des acteurs « externes » à la structure hospitalière (à l’époque, RESINAM, le CLPS, la LUSS, l’APNL, le CEP) à réfléchir à des enjeux de santé.  

«Le défi était d’une part de les aborder sous l’angle de la  promotion  de la santé, voire de la prévention – ce qui n’est pas un angle d’approche si répandu à l’hôpital ! – et d’autre part, de « faire percoler » une thématique de santé – ici, le « mésusage de l’alcool », non seulement au sein de l’hôpital, en sensibilisant par exemple les professionnels de santé, mais aussi, au-delà des murs de l’hôpital, en mobilisant un large réseau d’acteurs des première et deuxième ligne du Namurois », précise Geneviève Aubouy du CEP.  

Quatre groupes de travail ont ainsi vu le jour, à chaque fois co-piloté par un professionnel du CHU et une association – RESINAM, le CEP, la LUSS et le CLPS. Chacun d’entre eux a travaillé sur des axes précis, autour du fil rouge du mésusage de l’alcool : la perception des patients et des citoyens, la manière de porter des projets innovants en lien avec cette thématique, le plaidoyer politique et la perception des professionnels (de la santé, du social, de l’aide) face aux consommations à risque d’alcool. 

Au cours du temps, Pierre Patigny, psychologue du CHU UCL Namur (site Godinne), a également été chargé, dans le cadre d’un appel à projet du SPF Santé Publique, de créer un « Dispositif alcool » au sein de l’offre de soins du CHU (qui a reçu un financement dédié). C’est en cela que, assez naturellement, le groupe de travail centré sur les professionnels, a en quelque sorte réorienté ses actions. 

Lever les freins 

« Il est nécessaire d’améliorer le repérage précoce et les interventions sur le mésusage de l’alcool, reconnaît le Dr Benjamin Michel, médecin généraliste en maison médicale, détenteur d’un certificat interuniversitaire en alcoologie. Depuis l’étude du KCE parue en 2017 (voir référence), les freins sont connus (le manque de temps, le manque de compétences…) et pourtant il ne se passait pas grand-chose sur le sujet ». 

Or les besoins sont importants. « Beaucoup de professionnels sont confrontés à la consommation de substances. L’alcool concerne 85% de la population », rappelle Floriane Léonard, chargée de communication chez PSYNAM qui réunit 160 psychologues de première ligne. Depuis 2021, l’INAMI a progressivement renforcé l’offre de soins psychologiques dans l’ensemble du pays. Les psychologues de première ligne ont pour mission de fournir un soutien psychologique accessible et de proximité.  

Leur implication dans la thématique du mésusage de l’alcool découle d’une sensibilisation aux enjeux de santé mentale liés aux comportements addictifs, intégrant cette problématique à leur mission d’accompagnement global. Dans le cadre de Tournée Minérale®, les psychologues conventionnés ont pour objectifs d’outiller les professionnels de première ligne et de mener des actions de sensibilisation auprès du grand public. 

Kit d’outil, webinaire, et formation avec jeux de rôle 

Pour anticiper la Tournée Minérale® de cette année, les praticiens de la Province de Namur participant à des groupements de professionnels : généralistes, pharmaciens et psychologues de première ligne ont été conviés à participer en janvier à un webinaire de 30 minutes conçu pour eux. Les participant.es ont pu découvrir un panel d’outils prêts à l’emploi, dont la plupart proviennent du projet européen « SATRAQ » (Sensibilisation et Action Transfrontalière pour une Réduction de la Consommation d’Alcool au Quotidien) mené par le CEP entre 2020 et 2022.  

Dans ce « kit » d’outils, les professionnels ont pu découvrir le guide Tournée Minérale®, des fiches infos, des flyers et des affiches pour leur salle d’attente ou leur officine, précisant la notion d’« unité d’alcool », et les équivalences d’alcool selon le type d’alcool consommé. En outre, deux autres outils précieux sont également disponibles : un verre doseur représentant les volumes de consommation d’« une unité d’alcool » et une réglette figurant, outre le taux d’alcool, le temps d’élimination de l’alcool hors du corps, selon le genre et le poids de la personne.  

Les affiches/le guide, gratuits et téléchargeables ont été conçus en partenariat avec Univers Santé, coordinateur de la Tournée Minérale®, qui lançait la nouvelle campagne ce 1er février à Louvain-La-Neuve. Le slogan principal se veut mobilisateur : « Peu importe notre consommation, on a tous et toutes nos raisons d’y participer ». 

Les supports sont déclinés en fonction de la spécialité :  

  • « Alcool et santé, parlons-en ! » – « Votre médecin vous soutient ».  
  • « Alcool et santé mentale, parlons-en ! » – « Votre psychologue vous soutient ».  
  • « Alcool et médicament, parlons-en » – « Votre pharmacien.ne vous soutient » 

Chaque participant au webinaire avait aussi la possibilité de s’inscrire à la formation plus longue de 2 heures pour travailler sous forme de jeux de rôles à la mise en application des outils. Cette formation, dispensée par un psychologue conventionné et un médecin généraliste dans toute la province, s’appuie sur la démarche de « repérage précoce – intervention brève ».  

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Prévention Santé. Roll-up : Les effets et risques de l’alcool. Boulogne-sur-Mer 

La RP-IB consiste à dépister une consommation susceptible d’être problématique (chez un patient, un usager…). Tout d’abord il s’agit de comprendre la notion d’« unité d’alcool », et les repères pour une consommation à « moindre risque » (prodigués par l’OMS). Ensuite, il est question de pouvoir évaluer les consommations d’alcool « concrètes » de la personne : que consomme-t-elle, et en quelles quantités, dans sa vie de tous les jours ?  

« Le dernier pas, le plus difficile de l’avis de tous les professionnels, consiste à pouvoir entamer le dialogue avec la personne, sur sa consommation d’alcool, sur son éventuelle motivation à la diminuer… précise Geneviève Aubouy. C’est en cela que l’utilisation des outils et les mises en situation des professionnels lors de la formation, représentent une manière de « franchir le pas » et d’oser entamer le dialogue avec le public, autour de cette question du mésusage de l’alcool ». 

En fonction de l’intérêt et de l’évaluation des différentes sessions et des demandes qui pourraient émerger dans le courant du mois de février, le groupe de travail procédera à une évaluation afin de voir s’il réitère l’expérience en 2026. 

Des actions à destination du grand public 

Tout au long du mois de février, PSYNAM, les psychologues conventionnés et leurs partenaires organisent de nombreuses actions à destination du grand public.  

Ces actions visent à sensibiliser aux risques liés à la consommation d’alcool, partager des témoignages, et développer des compétences pour mieux gérer sa consommation ou celle de ses proches. Le but étant d’ouvrir le dialogue sur ce sujet parfois délicat. 

Références 

  • Médecine Générale : pourquoi si peu de prise en charge des problèmes d’alcool – Etude du KCE 2017 
  • Projet SATRAQ : preventionsante.eu/index.php/satraq 
  • Le guide Tournée minérale pour les professionnel.les
  • Rendez-vous sur PSYNAM.be pour découvrir la programmation des actions à destination du grand public – qui est mise à jour en temps réel. 
brightly colored bottles of alcohol free drinks on display with black straws and humorous labels for a refreshing party atmosphere

Alcool : le concept canadien de continuum de risque 

Le 3 Fév 25

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Le Canada modernise ses repères sur la consommation d’alcool, en se basant sur le concept de « continuum de risque » pour aider le grand public à prendre des décisions éclairées. Si les recommandations sont désormais non-genrées, des messages spécifiques visent les femmes et les filles.  

brightly colored bottles of alcohol free drinks on display with black straws and humorous labels for a refreshing party atmosphere

« Avec les experts qui travaillaient sur la refonte des repères de la consommation d’alcool, nous nous sommes dit que les règles et les recommandations strictes étaient peu adaptées. Désormais le Canada se base sur le concept de « continuum de risque » pour permettre à chacun.e de se situer dans l’échelle du risque (faible, modéré, élevé) et de prendre des décisions éclairées », explique Catherine Paradis, la responsable technique à l’OMS Europe dans l’Unité « Alcool, drogues illicites et santé pénitentiaire », qui intervenait lors d’une conférence européenne sur la réduction du fardeau de l’Alcool à Bruxelles le 3 décembre dernier. 

« Boire plus de 6 verres par semaine cause des risques pour la santé. Boire moins, c’est mieux ». Voici les nouveaux repères fixés par le Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS) en janvier 2023. Avant cela, les recommandations canadiennes de santé publique (établies en 2011) étaient de maximum 10 unités standards par semaine pour les femmes (et pas plus de 2 par jour) et de 15 pour les hommes (pas plus de 3 par jour).  

Unité standard : un différentiel important dans le décompte 

La définition de l’unité standard est différente entre l’Europe et le Canada. Une unité d’alcool correspond à une bière de 33 cl au Canada, contre 25 cl en Europe, un verre de vin de 14 cl, contre 10 cl… Par conséquent, en convertissant les quantités, les recommandations canadiennes sont très légèrement en dessous des belges (une unité de moins pour la bière par exemple).

Pour rappel, en Belgique, les recommandations fixent la consommation maximale à 10 unités d’alcool par semaine, mais les Belges boivent deux fois plus, selon les estimations d’Univers Santé.

Un tableau synthétique à destination du grand public présente le continuum de risque qu’entraîne la consommation d’alcool et donne des repères (avec des couleurs allant du vert au rouge rappelant le Nutriscore) qui aident les personnes à décider elles-mêmes du degré de risque qu’elles sont prêtes à prendre pour leur santé. Ainsi, le fait de boire 7 verres standards ou plus par semaine entraîne un risque de plus en plus élevé de développer sept types de cancer, la plupart des maladies cardiovasculaires, des maladies du foie, et de mener à des actes de violence.  

repere canada alcool 0 a 8 verres
Le tableau issu de l’affiche destinée au grand public « boire moins c’est mieux » du Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances (CCDUS) 

Le sous-texte du concept “continuum de risque” est de pouvoir communiquer sur le fait que : « où que vous soyez sur le continuum, chaque verre compte, toute réduction sera bénéfique pour votre santé, cela concerne donc bien tout le monde aussi bien la personne qui boit peu que celle qui passera de 40 à 30 verres par semaine », ajoute Catherine Paradis. 

L’affiche propose à chacun.e d’analyser sa consommation d’alcool sur une semaine pour ajuster le tir en fonction du niveau de risque. « Vous pouvez réduire votre consommation d’alcool petit à petit. Chaque verre en moins compte ». Le CCDUS conseille aussi : « Les jours où vous prenez de l’alcool, limitez votre consommation à deux verres standards ». 

6000 études et deux ans de recherche  

Ces repères sont l’aboutissement d’un travail de recherche colossal qui a duré deux ans. Ils reposent sur l’examen de près de 6 000 études évaluées par des pairs et la participation de 23 scientifiques représentant 16 organisations. « Les preuves scientifiques sur la nocivité de l’alcool se sont révélées massives et accablantes. Nous savions que nous devions travailler à trouver une limite basse. Ce que nous n’avions pas anticipé, c’est à quel point l’alcool même en toute petite quantité s’est révélé nocif sur la santé et le bien-être des personnes » explique Catherine Paradis. 

Les commentaires reçus dans le cadre de groupes de discussion et de trois consultations du grand public et des intervenants ont permis de rendre les repères les plus clairs et pratiques possibles pour ceux et celles qui s’en serviront (médecins, conseillers, intervenants communautaires, responsables des politiques, grand public, etc.). 

L’affiche a ensuite transcrit en mots simples et faciles à comprendre les résultats de cette recherche sur les conséquences de la consommation d’alcool en termes d’espérance de vie. « Boire moins présente des avantages pour vous-même et pour les autres. Cela réduit le risque de blessures, de violence et de plusieurs problèmes de santé, qui peuvent raccourcir la vie ». 

Le tableau du continuum en couleur avec le nombre de verres standards sera-t-il décliné sous forme de label simplifié, à la façon du Nutriscore européen, dans l’étiquetage des bouteilles ? Rien n’est moins sûr. Le CCDUS se demande si les pouvoirs publics canadiens qui ont le monopole de la vente des boissons alcooliques pourraient sinon envisager d’indiquer “le risque accru de cancer” sur les contenants, comme c’est déjà le cas sur les paquets de cigarettes. 

pretty, young woman drinking some nice red wine at home, in the evening after work on her sofa (color toned image; shallow dof)

Prévention pour tou.tes et messages-clés pour les femmes 

L’affiche précise aussi que « la recherche nous apprend qu’il n’y a pas de quantités ni de sortes d’alcool bonnes pour la santé. Que ce soit du vin, de la bière, du cidre ou un shooter d’alcool fort, ça ne change rien. Boire de l’alcool, même en petite quantité, entraîne des conséquences pour tout le monde, peu importe l’âge, le sexe, le genre, l’origine ethnique, la tolérance à l’alcool ou encore les habitudes de vie ». 

Dans le rapport final complet, une partie est consacrée à la question des femmes et de l’alcool. Avec ces nouvelles recommandations, le Canada s’est inscrit dans la tendance mondiale de ne plus différencier les hommes et les femmes au moment de formuler des directives sur la consommation d’alcool (contrairement à ce qui était en place avant).  

A de faibles niveaux de consommation, les différences physiologiques entre les femmes et les hommes n’ont qu’une faible incidence sur le risque de mortalité. Toutefois, au-delà d’un faible niveau de consommation, le risque augmente davantage pour les femmes que pour les hommes. « Les experts sont conscients de la complexité de cette réalité et de la nécessité de bien la décrire (…) pour interpeller et informer efficacement la population. Les directives actualisées de consommation d’alcool doivent être diffusées avec les subtilités appropriées » précisent les auteur.es du rapport. 

En juin 2022, Galvanizing Equity publiait Le sexe, le genre et l’alcool : Directives de consommation à faible risque : notions importantes pour les femmes, dont les principaux messages de santé publique destinés aux filles et aux femmes sont : 

  • La consommation d’alcool présente des risques tant pour les hommes que pour les femmes, mais tous ne sont pas sur un pied d’égalité. En effet, l’alcool a des effets plus graves sur l’organisme des femmes.
  • L’organisme des femmes métabolise l’alcool différemment, ce qui cause davantage de problèmes de santé, plus tôt, après une consommation moindre, en raison de la taille, du ratio de masse grasse et d’eau, des effets hormonaux et des différentes actions enzymatiques qui décomposent l’alcool.  
  • La consommation d’alcool augmente le risque de cancer du sein. 
  • Les femmes connaissent aussi plus de lésions hépatiques que les hommes pour une consommation moindre d’alcool. 
  • Des facteurs liés au genre contribuent aux effets négatifs de la consommation d’alcool, surtout pour les femmes, dont l’augmentation du risque d’agression sexuelle et de violence conjugale. 
  • Les filles et les femmes ayant des antécédents de mauvais traitement durant l’enfance progressent plus rapidement de leur premier verre à la dépendance à l’alcool. 
  • En lien avec la grossesse, les auteur.es rappellent que l’alcool nuit autant à la santé de la femme qu’à celle du fœtus. Il n’y a aucune limite de consommation d’alcool sûre pendant la grossesse, et que le risque augmente avec la quantité d’alcool consommée.

Référence :  

  • Centre canadien sur les dépendances et l’usage de substances • Repères canadiens sur l’alcool et la santé : rapport final – janvier 2023
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VIH/Sida : une expo en hommage à 40 ans de lutte 

Le 30 Déc 24

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Donner une voix, un visage et une histoire aux Belges porteurs du VIH. L’exposition conçue par la Plateforme Prévention Sida fait la part belle aux témoignages et retrace 40 ans de la lutte contre le VIH/sida en Belgique.

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Dominique est une des premières Belges à avoir été contaminée à l’âge de 34 ans en 1985. Elle raconte ses dix ans d’errance thérapeutique, son expérience de patiente-test pour les premières tri-thérapies qui génère alors énormément d’effets secondaires, l’amélioration des traitements dont les prises sont simplifiées. « Aujourd’hui, je vis, je suis même grand-mère, mais j’espère un jour être délivrée de ce possesseur, de cet être viral, qui ne peut toujours pas être évincé du corps où il génère des virus cachés qui repartent infester le corps, au quart de tour, dès toute mutation du virus avec résistance au traitement ou interruption de traitement » dit-elle. 

L’exposition exposition intitulée « Vi(H)VRE !, histoire d’une lutte » se veut un « hommage vibrant » à toute personne touchée de près ou de loin par le VIH. D’abord installée sous le dôme de la Bourse de Bruxelles du 28 novembre au 8 décembre, puis itinérante en Wallonie, c’est un récit à plusieurs voix sur l’épidémie de sida. Celles des survivant.es, des soignant.es et des militant.es.  

Ecrire cette histoire, une nécessité 

« La lutte contre le sida, c’est une mémoire en morceaux, expliquait Charlotte Pezeril, anthropologue et directrice de l’Observatoire du sida et des sexualités, le soir de l’inauguration. L’histoire n’a jamais été écrite, et avec la disparition de l’Agence Prévention Sida (active entre 1991 et supprimée en 1996 – NDLR), beaucoup d’archives ont disparu. Pourtant, l’épidémie n’est pas finie, donc c’est important de comprendre l’échec et les erreurs que nous avons pu faire en termes de prévention et de tirer des leçons politiques de cette épidémie ». 

Pour concevoir l’exposition, la Plateforme Prévention Sida s’est inspirée d’une exposition française qui avait eu lieu au Mucem à Marseille en 2021 sous le titre « VIH/Sida, l’épidémie n’est pas finie », et fait ainsi d’une pierre deux coups : écrire l’histoire belge de l’épidémie et alerter pour remobiliser, car les contaminations sont en hausse pour la troisième année consécutive.  

En 2023, 665 personnes ont été diagnostiquées. Cela représente une augmentation de 13 % par rapport à 2022, précisait Sciensano dans son rapport épidémiologique publié le 7 novembre dernier (cf référence). « Il nous faut des stratégies concertées, car cette hausse va de pair avec l’augmentation des contaminations pour plusieurs IST (gonorrhée, chlamydia, syphilis) », précise Yves Coppieters, ministre wallon de la Santé, de l’Environnement, des Solidarités et de l’Économie sociale, venu participer à l’inauguration pour saluer « l’apport du militantisme » dans la lutte contre le sida.  

L’activisme des personnes malades, moteur de la lutte 

Le parcours chronologique suit la forme du célèbre ruban rouge, symbole de la solidarité. Il met en avant les témoignages des premier.es patient.es et de survivant.es, des personnes parfois issues des communautés LGBTQIA+, ou issues de l’immigration. « Les malades du sida défendaient leurs droits à sauver leur vie. Leur implication a été un moteur dans la lutte, la recherche de traitements, la mise en place d’une politique de prévention adaptée, et l’acquisition de nouveaux droits pour les patients » explique Thierry Martin, le directeur de la Plateforme Prévention Sida le soir de l’inauguration.  

Leur parole permet de retracer les avancées sociales et juridiques qui ont pu voir le jour grâce à leur mobilisation dans la lignée des « principes de Denver ». En 1983, une association sur la santé sexuelle des personnes homosexuelles, gay et lesbiennes publie une déclaration à Denver (Colorado-USA). Ils et elles déclarent avoir le droit d’être impliqués dans les décisions politiques sur le sida, d’être traités dignement, de ne pas être désignés comme des victimes, mais comme des personnes « ayant » le sida. 

L’équipe de la Plateforme Prévention Sida a aussi fait un immense travail de valorisation des archives de télévision. Parmi les incontournables, figurent les images du journal télévisé de Jacques Bredael du 11 mars 1991, qui est interrompu par des militants d’Act Up, réclamant que l’on parle du SIDA à la RTBF ou encore le premier spot de prévention très anxiogène diffusé à partir de 1987 « Ouvrez les yeux pour que le Sida ne vous les ferme pas ». 

La boîte de Pandore des discriminations 

La ligne du temps donne aussi la parole aux militant.es et au personnel soignant qui ont participé à la lutte. Parmi eux figure le Pr Nathan Clumeck, virologue au CHU Saint-Pierre qui est le premier médecin belge à s’être intéressé au virus. Il raconte le doute qui entoure ses recherches à l’époque. « Certains médecins pensaient que l’épidémie s’éteindrait d’elle-même au bout de trois mois. Ils mettaient le doute sur l’existence réelle de cette maladie et la résumait à un problème typiquement « africain », lié à un parasite ou à la malnutrition, d’autres parlaient d’une maladie homosexuelle ».  

En 1987, l’estimation du nombre de personnes séropositives en Belgique oscille entre 5000 et 10000 personnes, selon un reportage de la RTBF de l’époque qui précise que « le nombre élevé des sujets hétérosexuels et qui n’appartiennent à aucun groupe à risque distingue la Belgique des autres pays européens » 

vitrine bd joe

Une salle de l’exposition est dédiée à une collection d’objets emblématiques de la lutte. Des préservatifs, des photos « historiques », comme celle de la reine Fabiola enlaçant une patiente fin 1992 (5 ans après Lady Di), des revues médicales, la bande dessinée « Jo » signée par Derib en 1991. « Cette BD s’inspire de l’histoire d’une de mes jeunes patientes, se souvient le Pr Nathan Clumeck en s’arrêtant devant la vitrine. Elle avait été contaminée au cours d’un rapport sexuel unique et elle était décédée. Je faisais partie d’un groupe qui se demandait comment sensibiliser les jeunes, et c’est là que le dessinateur Derib a proposé d’en faire une BD qui a très bien fonctionné ».  

Au cours de ses années sombres, de nombreuses associations militantes se mobilisent. « En 1987-1988, on rapatriait des cercueils, se rappelle Maureen Louhenapessy qui travaillait alors dans la structure qui deviendra plus tard SidAids Migrants. « Avec le sida, j’ai découvert l’étendue des discriminations, c’était comme une boîte de Pandore, il fallait allier la lutte contre l’homophobie et la lutte contre le racisme, pour le droit à l’information, la littératie et la décolonisation des pratiques de santé ». Elle souligne qu’alors, la Belgique a été un des premiers pays européens à créer une aide médicale d’urgence pour les personnes malades du sida.  

A l’époque, Espace Prostitution (devenu Espace P) réalise un diagnostic de la situation auprès de 460 professionnels du travail du sexe. « On travaillait en réduction des risques en proposant un dépistage et en distribuant des préservatifs. A l’époque beaucoup de jeunes garçons se prostituaient au centre-ville de Bruxelles. Une fois diagnostiqués, il leur restait quelques années à vivre. C’était tragique », se souvient Cécile Cheront, sa directrice.  

Vivre aujourd’hui avec le VIH 

Fabien est né avec le VIH. Il prend la parole pour faire part de ses incertitudes. « Tu te confines tout seul parce que tu as peur de ce que les autres vont penser, de ce que ce qu’ils vont dire. Si tu rencontres une fille, tu sais pas comment elle réagira, et comment sa famille réagira. Tu ne sais pas. Est-ce que tu auras des enfants un jour et si tu as des enfants, seront-ils porteurs ? ». 

Pour Mike Mayné, porte-parole de l’asbl Ex-Aequo, les avancées médicales permettent d’avoir une vie. « Avec le I=i, indétectable = intransmissible, on sait qu’on est pas un danger pour les autres, et qu’on ne propage pas le virus ». Mais cette vie porte en elle « une part d’auto-censure, dit-il. On s’impose pas mal de limites à nous-même pour commencer dans nos relations interpersonnelles, familiales et amoureuses ». Les personnes séropositives ont la possibilité de discuter entre pairs au sein de groupes de paroles (chez Ex-Aequo, à la Plateforme Prévention Sida…), sur la ligne d’écoute : Aide Info Sida, et ou lors de la journée Santé positive qui a lieu en septembre.  

Ensuite, au niveau institutionnel, certains professionnel.les ne savent pas toujours comment réagir. « Quand le personnel soignant n’est pas issu d’un centre de référence, il ne sait pas forcément s’y prendre. J’ai déjà vu une infirmière enfiler trois paires de gants, et écrire VIH en gros et en rouge sur la couverture de mon dossier, ce qui est très gênant quand on doit passer d’un service à l’autre ». Pour améliorer la prise en charge des patients séropositifs, la Fédération Laïque de Centres de Planning Familial (FLCPF) en collaboration avec la Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG) et Ex Aequo ASBL ont développé un webinaire sur la prophylaxie pré-exposition (PrEP) dans une approche de promotion de la santé. Conçu pour les médecins généralistes, il est susceptible d’intéresser les professionnel·les qui jouent un rôle d’information et d’accompagnement des patient·es. 

Le suivi médical permet de « sauver les meubles » constate Mike Mayné sans que les co-morbidités soient pour autant bien connues, alors que les personnes séropositives ont une plus forte prévalence en termes de tabagisme, de dépression et d’anxiété, et certaines maladies sont plus virulentes : le Covid, le papillomavirus humains (HPV). 

Selon la Plateforme Prévention Sida, la discrimination envers les personnes séropositives et migrantes, notamment les femmes, reste omniprésente et ralentit la fin de l’épidémie. Par ailleurs, les survivant.es, devenu.es des personnes âgées ont besoin d’un suivi psychologique renforcé en raison du taux d’anxiété ou de dépression.  

Le ministre a rappelé que la Wallonie avait renforcé les 19 opérateurs agréés sur le VIH dans le cadre de la programmation en promotion de la santé en ce compris la prévention.  

Leurs missions sont notamment de développer l’adhésion à la prévention combinée favorisant le respect des mesures d’hygiène de base, la réduction des risques, la vaccination, le dépistage et le traitement tout au long de la vie auprès des professionnels (éducatifs, sociaux et de la santé) et des publics clés de manière adaptée et diversifiée ; et d’améliorer la qualité de vie et éliminer les discriminations par la création d’un environnement favorable envers les populations vulnérables. 
 
Il a en outre précisé qu’un plan d’action pluriannuel afin de stimuler la prévention primaire, secondaire et tertiaire du VIH et des IST, était en cours d’élaboration au niveau de l’AViQ. Les opérateurs agréés seront impliqués dans sa rédaction. Ce plan sera présenté au comité de direction de l’Agence à la fin du deuxième trimestre 2025, au plus tard.  

Saluant l’engagement des personnes vivant avec le VIH, des associations et des militants, le ministre a reconnu que « la lutte est par essence intersectionnelle. Ensemble, on est capable de construire un avenir sans sida ». 

Une histoire belge en quatre grands moments 

  1. Un démarrage très lent des pouvoirs publics – En octobre 1983 paraît le premier article d’un média belge dans Le Soir sous le titre : « SIDA : des raisons de ne pas paniquer ». Il mentionne des « morts mystérieuses » aux Etats-Unis et explique que l’épidémie se limite aux 4H (homosexuel, haïtien, hémophile héroïnomane), un mythe à la peau dure. Les premiers cas sont alors identifiés en Belgique au CHU Saint Pierre, dans le service du docteur Nathan Clumeck. De jeunes homosexuels et personnes d’origine africaine atteints de maladie graves, d’infection et de cancers de la peau d’origine inconnue meurent en quelques semaines. En 1985 se crée en Belgique la première association Appel Homo Sida et Espace Prostitution. 
  1. A partir de 1990 : la lutte s’institutionnalise avec la création en Belgique d’une agence spécifique en 1991. En parallèle émerge Act Up Bruxelles qui demande la non-discrimination au travail et va révolutionner les méthodes d’intervention. « C’est le début des solidarités et de la lutte contre les discriminations, le début de la démocratie sanitaire. Des personnes malades deviennent parties prenantes des politiques publiques » relate Charlotte Pezeril. La Belgique est alors à l’avant-garde pour la réduction des risques – en témoigne la création de l’asbl Modus Vivendi en 1993 et d’Ex-Aequo en 1994. « A partir de 1996, l’accès à la trithérapie se massifie. La mortalité et les morbidités baissent, on réapprend à vivre » décrit-elle. 
  1. Entre 1998 et 2014, le sida se normalise : le sida est intégré dans les plans de promotion de la santé. Pour remédier à une forme de vide médiatique se créent en 2001 la plate-forme prévention sida et l’Observatoire du Sida et des sexualités. En 2002, la première loi Droit des patients permet d’assurer la confidentialité sur le statut virologique. 
  1. Continuer à aller vers. L’ONU sida annonce la fin du sida d’ici 2030, et Et pourtant il faut toujours aller vers : les associations obtiennent que le dépistage puisse se faire hors les murs pour le VIH puis l’hépatite C. A partir de 2017 la prophylaxie pré-exposition (PrEP) est remboursée, ce qui permet d’atteindre 95% de réduction de la charge virale.  

Références :  

  • Retrouvez le webinaire « La prescription de PrEP en médecine générale » créé par la Fédération Laïque de Centres de Planning Familial (FLCPF) en collaboration avec la Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG) et Ex Aequo ASBL dans une approche de promotion de la santé. Conçu pour les médecins généralistes, il est susceptible d’intéresser les professionnel.les qui jouent un rôle d’information et d’accompagnement des patient.es. 
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Toilettes à l’école : dix ans de mobilisation et un tabou persistant 

Le 30 Déc 24

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« Royal Popo », « Harry POTter et la chambre des WC », « Des filles, des toilettes, des serviettes ! ». Décliné sous autant d’appellations que d’établissements scolaires, le projet «  Ne tournons pas autour du pot » a permis d’aider plus de 400 écoles à améliorer l’accès aux sanitaires. Toutefois, un tabou persiste sur la question de la mixité.

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Le 19 novembre dernier le fonds BYX, hébergé par la Fondation Roi Baudouin, fêtait les dix ans du programme de promotion de la santé à l’école « Ne tournons pas autour du pot ». « La période COVID a permis de refaire un focus sur l’hygiène des mains, et depuis le lancement du programme, de nouvelles questions ont émergé autour de la mixité et du genre » précise Michel Devriese, le président du fonds BYX.

Le symposium au titre provocateur : « Les toilettes à l’école, toujours un tabou 10 ans après ? » a été l’occasion de présenter une étude interrogeant l’opportunité d’introduire la mixité dans l’usage des espaces sanitaires. La mixité partielle pourrait-elle améliorer l’accès aux sanitaires et le bien-être des élèves ? La question a d’office provoqué une levée de boucliers dans certains établissements.

En 10 ans, 400 établissements scolaires ont déjà bénéficié d’une enveloppe d’un montant de 5000€ pour améliorer leurs installations sanitaires en mettant en place une méthodologie participative impliquant tous les acteurs de l’école, les élèves, leurs parents, les encadrants et la médecine scolaire. « Une réussite, d’autant qu’avant le démarrage du projet en 2015, certains enseignants nous disaient : « les toilettes à l’école ? N’en parlez pas c’est un problème sans solution ! » » s’amuse-t-il, rappelant que l’arrêté royal qui fixe la norme des installations sanitaires et impose la distinction entre les sexes, n’a pas bougé depuis 1957.

L’arrêté royal de 1957 fixe les règles des installations sanitaires en milieu scolaire :

  • au moins un W.C. par vingt filles ou trente garçons et un urinoir par vingt garçons 
  • les installations d’aisance sans chasse d’eau doivent être situées à dix mètres au moins de tout local de classe 
  • des installations sanitaires distinctes sont réservées pour chaque sexe 
  • les W.C. et les urinoirs doivent être à l’abri des intempéries.

Si la mixité est souvent la norme dans les écoles maternelles, elle est plus rare en primaire et secondaire. A St Ghislain, le Lycée provincial d’enseignement technique du Hainaut (LPETH) dispose de sanitaires mixtes à chaque étage, contrairement aux blocs de WC de la cour de récréation. « La mixité n’a jamais eu l’air de poser problème, déclare une enseignante dans l’article Vers un « petit coin » de paradis. À vrai dire, cela nous a toujours semblé normal ».

Les toilettes non-genrées : un sujet brûlant

Pour cerner la question du genre et de l’intérêt ou non d’introduire la mixité dans les sanitaires scolaires, le Fonds BYX a commandé une étude à Marie Gay et Claire Scodellaro. Elles ont mené une enquête en ligne auprès de 2893 répondants sur la mixité de genre avec l’aide de Question Santé, partenaire du projet.

Sur les 579 établissements répondants – quatre se sont mobilisés contre cette idée de mixité et ont encouragé les élèves et leur entourage à répondre massivement.

Il en résulte que la séparation Fille/Garçon reste la norme dans les écoles dans deux établissements sur trois. La mixité plus fréquente dans le réseau libre subventionné non confessionnel et dans les écoles de petite taille. 

  • 61% des répondants sont opposés à la mixité 
  • 18% sont favorables sous condition 
  • 11% favorables sans condition 
  • 10% sont indifférents ou ne souhaitent pas répondre.

Les parents d’élèves sont les plus farouches opposants (72%), suivi des élèves (65%) et des directions (42%). En revanche 46% des directeurs ou directrices sont favorables à la mixité.

Parmi les répondants, 212 jeunes du secondaire s’identifiaient comme LGBTQIA+, ce qui a permis de mieux cerner leurs besoins et leurs difficultés. Lorsqu’ils et elles transgressent la règle de la séparation fille/garçon, ils et elles sont plus souvent rappelées à l’ordre par rapport aux autres élèves.

Des entretiens qualitatifs ont permis d’affiner et de pondérer les résultats. Les chercheuses précisent que certain.es répondant.es niaient farouchement l’existence de la transidentité et de la non-binarité, ce qui n’a pas permis le dialogue.

Les préjugés en opposition à la mixité reposent sur de nombreuses peurs

Les toilettes mixtes seraient :

  • un lieu propice aux rencontres « intimes » entre élèves voire aux relations/agressions sexuelles
  • refusé par les filles, car cela signifierait la fin de « leur refuge » 
  • source de manque d’intimité entre élèves
  • incompatible avec certaines religions et cultures
  • un évitement accru des filles par manque de protection 
  • une altération du niveau de propreté

Les avis en faveur de la mixité sont :

  • elle facilite l’accès car elle réduit l’attente, rapproche les toilettes de la salle de cours en cas de manque d’infrastructures
  • elle améliore le respect des lieux d’autant plus si le personnel enseignant va également dans ses toilettes en alliant donc mixité garçon-fille-non-binaire – et mixité élève-adulte
  • elle est un facteur de cohésion et d’égalité elle améliore largement le bien-être des minorités de genre et réduit les violences, mais pour cela « l’école doit d’abord avoir un climat préalable propice et engager une réflexion sur l’accès aux toilettes », précisent les chercheuses.

Le triplé perdant

Au-delà même de la question de la mixité, les toilettes souffrent toujours de trois problèmes structurels selon une enquête menée en France par Pascale Garnier du Laboratoire Experice et Gladys Chicharro Saito, maîtresse de conférences à l’université Paris 8.

  • un problème d’accès lié au fait qu’il n’y a pas assez de toilettes, ni assez de lavabos et trop de restriction horaire dans l’accès aux lieux, à du papier toilettes, etc.
  • un problème de fonctionnalité. Les portes ne ferment pas, les cloisons sont trop basses et ils laissent passer les sons, et surtout les regards par-dessus ou par-dessous.
  • un problème de confort lié à l’absence de lunettes de toilettes, de porte-manteau, de poubelle et de miroir.

Ce cumul de dysfonctionnements génère certains « conditionnements », décrivent-elles au cours de leur présentation intitulée « Les toilettes, lieu de socialisation des élèves ». 

  • la rétention est souvent la règle. « A l’école, je ne fais pas pipi et je ne bois pas pour ne pas avoir envie d’aller aux toilettes et surtout je ne fais pas caca ».
  • l’urinoir « fait genre ». L’école maternelle est le lieu où les petits garçons apprennent à faire pipi debout. Celui qui va aux toilettes en position assise peut s’entendre dire « tu vas sur les toilettes des filles ? ».

Des sociabilités électives genrées

photo appel secondaire

L’accès restreint aux toilettes répond le plus souvent à un besoin de contrôle des adultes pour éviter l’usage inapproprié des lieux.

L’étude de Gladys Chicharro Saito montre que les jeunes garçons en font un lieu de performance sportive ou de spectacle. « En primaire, c’est une zone d’autonomie temporaire à l’abri du regard des adultes, on peut y jouer manger des bonbons, regarder son portable, fumer c’est un lieu aussi pour s’isoler pour ne pas être vu en cours de récréation tout seul ou un refuge ». En secondaire, la chercheuse constate que l’usage évolue. A l’âge du lycée (l’équivalent des niveaux secondaire pour les 15-18 ans), les garçons vont peu aux toilettes ou en tous les cas ne s’y retrouve pas à plusieurs, « de peur qu’on les taxe d’homosexualité ». Ce qui interroge sur les discriminations subies par les jeunes s’identifiant comme minorité de genre et le climat scolaire.

Pour les filles, les toilettes sont un lieu d’intimité collective. « Les filles trouvent un refuge pour jouer, pour se parler, c’est l’âge des règles – des interrogations sur comment les gérer, masquer un incident, se dépanner en protection hygiénique – tenir la porte en cas d’absence de verrous. C’est un espace de sororité, un “safe space” ».

Rétention et conditionnement des filles

« Seuls 60% des élèves se rendent aux toilettes lorsqu’ils en ont besoin », regrette Vincent Dessart, conseiller de la cellule école inclusive spécialisé sur le bien-être qui représentait la Ministre de l’Education et de l’Enseignement de promotion sociale Valérie Glatigny. Avant de préciser que la priorité de la Fédération Wallonie-Bruxelles en matière de bien-être et d’égalité était de « faire de chaque espace dans l’école un lieu hospitalier », notamment en réfléchissant « autour de l’intimité, la sécurité et l’inclusion ». Pour le moment la Fédération Wallonie Bruxelles recommande la mixité mais ne l’impose pas.

Les problématiques de santé physique sur le fait de se retenir à l’école, sont assez peu documentées par la littérature scientifique, précise la Dre Lise Maskens, médecin scolaire à Jodoigne. Elles concernent plutôt les filles pour qui « la rétention augmente la capacité vésicale, mais aussi le risque de résidu et donc d’infection urinaire. Les conséquences ne sont pas forcément immédiates mais cela peut avoir un impact sur les futures mères au moment des grossesses, de plus ça provoque une sorte de conditionnement chez les petites filles ».

Le témoignage de Coraline Duwelz, une élève de secondaire porte-parole du comité des élèves francophones vient étayer la problématique psychosociale : « c’est choquant de se dire que pour un simple accès à un besoin humain, on fait face à des obstacles. C’est pas sain, c’est pas propre, c’est pas agréable, on manque de tout. Hors des récréations, les profs doivent nous donner une clé pour qu’on puisse accéder aux toilettes, parfois on subit des remarques sexistes, des regards malaisants alors à la fin on n’ose plus demander  ».

Son incompréhension fait réagir Marie Noël, la représentante du délégué aux droits de l’enfant : « est-ce qu’on accepterait qu’on nous impose ce type de condition en tant qu’adulte ? L’enfant a des droits, notamment le droit à la santé et à participer aux règles de la vie de l’école ».

Références :

  • Retrouvez le détail des projets sur une page dédiée baptisée Echos d’écoles qui relate l’actualité des projets « Ne Tournons pas autour du pot »
asian girl speaking during group therapy session

Suicide : des solutions pour endiguer l’effet de contagion 

Le 2 Déc 24

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Tsolair Meguerditchian est psychologue, formatrice et responsable de projets postventions au Centre de Prévention du Suicide 

La prévention du suicide est l’affaire de tous. Le Centre de Prévention du Suicide (CPS) appelle à renforcer les actions de santé publique. L’augmentation des demandes venant des jeunes, a notamment conduit le CPS à structurer des principes d’interventions post crise suicidaire pour éviter l’effet de contagion. 

« Tu as des idées suicidaires ? », « Ne reste pas seul.e ! Des ressources existent ! » Ligne d’écoute, consultations psychologiques, forum en ligne gratuit et anonyme, ces dernières années, le Centre de Prévention du Suicide a développé de nombreux outils pour accompagner les personnes en crise et leurs proches, que l’acte suicidaire soit abouti ou non. 

Un problème de santé publique 

Le suicide revêt une ampleur significative en Belgique, qui figure au 4ème rang des pays de l’Union Européenne. En 2021, 1641 suicides aboutis ont été déclarés en Belgique (contre 1736 en 2020). La Flandre est plus touchée que Wallonie et Bruxelles. Il faut toutefois manier les chiffres avec prudence étant donné que tous les suicides ne sont pas répertoriés ou reconnus comme tels : certains accidents mortels de la route (suicides maquillés), les équivalents suicidaires (liés aux assuétudes). 

graph suicide

Le suicide et les idéations suicidaires concernent l’ensemble de la population. En 2018, 4,3 % de la population l’avait ainsi sérieusement envisagé et 0,2 % avait tenté de se suicider au cours des 12 derniers mois.  

Les pensées suicidaires et les tentatives de suicide sont plus fréquentes chez les femmes, les personnes d’âge moyen (45-64 ans) et dans le groupe avec un niveau d’éducation plus faible. Cependant, en 2021, 1174 hommes avaient mis fin à leurs jours, contre 467 femmes. 

Les jeunes adultes, en particulier ceux âgés de 18 à 29 ans, présentent le taux d’idéation suicidaire le plus élevé. En novembre 2023, 23,4% des femmes de cette tranche d’âge ont rapporté avoir eu des pensées suicidaires au cours des 12 derniers mois, un chiffre en hausse par rapport à 18% en février 2023. Pour les hommes, ce taux était de 13,4% en novembre 2023, en légère baisse par rapport à 14% en février 2023. Dans la tranche d’âge 15-24 ans, plus d’un décès sur quatre est dû à un suicide. 

Au Centre de Prévention du Suicide, la proportion d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes qui utilisent la ligne d’écoute et requièrent des consultations psychologiques a augmenté de 15% depuis 2020. Chez certain.es psychologues du centre, plus de 40 % des patient.es sont des jeunes. Certain.es ont élaboré un plan suicidaire dès leur plus jeune âge. Ces chiffres soulèvent une priorité absolue concernant la santé mentale des adolescents et des jeunes adultes. 

Par ailleurs, il est crucial de souligner que le suicide peut toucher n’importe qui, sans distinction d’âge, de genre, d’origine, de religion ou de classe sociale. Ainsi la tranche d’âge des seniors, les plus de 85 ans, est la tranche d’âge la plus touchée par le suicide abouti. Cette universalité du phénomène souligne l’importance de l’aborder sous divers angles, à travers la prévention, le soutien, la sensibilisation, et la postvention – l’intervention en collectivités après un passage à l’acte suicidaire abouti ou non. 

Détecter les signaux d’alerte 

asian girl speaking during group therapy session

La prévention du suicide est un défi de société qui nécessite des approches tant individuelles que collectives. La clé de la prévention réside dans la capacité à détecter les signaux d’alerte, à offrir un soutien émotionnel et à promouvoir des espaces ouverts de dialogue. Le fait d’intervenir tôt et d’offrir des ressources adéquates permet de créer un climat de confiance et de compréhension pour que les personnes en détresse se sentent écoutées et soutenues.  

Professionnel·le·s de la santé, personnels éducatifs, et amis et famille ont tout intérêt à savoir reconnaître les signes de détresse, tels que : 

  • l’isolement social : perte d’intérêt et de plaisir pour les activités, retrait, recherche de solitude, coupure des contacts, mutisme, repli sur soi, absence d’émotion…  
  • les signes de dépression : trouble du sommeil, trouble de l’appétit, manque d’énergie, fatigue, agitation, tristesse, colère, rage, faible estime de soi, anxiété accrue…  
  • certains comportements : décrochage à l’école ou au travail, désintérêt général, manque d’attention, négligence physique, consommation excessive d’alcool, de drogue et de médicaments, comportements auto-mutilants et dangereux…  
  • les messages directs : «  Je veux mourir », «  Cela ne vaut plus la peine de continuer de vivre » 
  • Les messages indirects : «  Vous seriez mieux sans moi », «  Bientôt je vais avoir la paix »  

Le suicide reste stigmatisé, ce qui rend difficile d’en parler, tant pour les personnes ayant des idées suicidaires (ou endeuillées par suicide) que pour celles qui les soutiennent. Le tabou conduit à une absence de conversation. Ne pas aborder le sujet ouvertement va ensuite entraîner un sentiment d’isolement, des silences gênants et à l’enfermement des émotions. 

Pour ouvrir le dialogue sur la question du suicide, le CPS a notamment développé un jeu de cartes pour sensibiliser autour des idées reçues sur le suicide (voir la page les mythes et les réalités). Il est utilisé lors des sessions d’information pour ouvrir le dialogue.  

Ecouter et orienter 

Se préparer à entendre qu’une personne envisage le suicide est important. Cette révélation peut être très déstabilisante. Il est crucial de prendre la situation au sérieux, d’écouter activement la personne sans la juger, et de lui faire sentir qu’elle n’est pas seule face à ses difficultés. Le calme et la bienveillance sont essentiels pour l’aider à se sentir soutenue, pour faire savoir aux personnes en détresse qu’elles ne sont pas seules.  

Vous pouvez également être une source de soutien, dans les limites de votre rôle et de vos capacités. Après avoir accordé une première écoute, il est conseillé d’informer et de réorienter vers des ressources externes où les personnes en souffrance peuvent obtenir de l’aide, que ce soit par le biais de professionnel.les de la santé mentale, de lignes d’assistance téléphonique comme la ligne d’écoute du Centre de Prévention du Suicide 0800 32 123 ou de groupes de soutien. Il est important de se rappeler que chaque personne possède ses propres ressources. En posant les bonnes questions, nous vous encourageons à les aider à les identifier et à les mobiliser. 

Pour celles et ceux qui sont vulnérables, qui ont déjà exprimé des idées suicidaires ou qui ont des antécédents de comportements suicidaires, un suivi régulier et un soutien peuvent aider à prévenir une situation de crise.  

La postvention, une méthode d’intervention en collectivité 

En 2023, le CPS a structuré son service de postvention. Cette intervention joue un rôle déterminant dans la prévention du suicide.  

Elle a pour but de diminuer la souffrance individuelle, de prévenir un effet de contagion éventuel, d’augmenter le sentiment de sécurité du milieu et ainsi favoriser un retour au fonctionnement habituel dans le secteur concerné.  

Elle se décline avec différentes actions :  

  • En accompagnant les personnes en charge pour la gestion de la crise suicidaire institutionnelle comme, pour annoncer le décès par suicide, rendre hommage ; 
  • En épaulant les personnes directement touchées par le passage à l’acte à travers les groupes de paroles ; 
  • En repérant les personnes vulnérables ; 
  • En faisant connaître les ressources disponibles ; 
  • En cocréant un protocole institutionnel d’intervention et de prévention du suicide. 

En 2023, le CPS a  

  • dispensé huit séances d’informations postventions gratuites (les modules sont en accès libre sur le site web depuis septembre 2023)  
  • sensibilisé et informé 415 professionnel·le·s. à travers les séances d’information. Entre autres des centres de prévention et d’intervention addiction et dépendance, des mouvements de jeunesse, des fédérations de maisons de jeunes, des écoles et internats, les pôles académiques de Bruxelles (hautes écoles et universités), des services d’aide aux victimes, des organismes d’insertion socioprofessionnelles, les services de lutte contre la pauvreté, les SPF Emploi, Santé, Intérieur, les centres d’hébergement et les prisons. 
  • accompagné 15 institutions dans la gestion des crises (suicidaires). Notamment des écoles secondaires, mouvement de jeunesse, institutions publiques. 
  • créé 15 espaces de libre parole, pour un total de plus d’une centaine de personnes touchées par l’acte suicidaire. Plus de la moitié de ces sessions a eu lieu dans des écoles secondaires après des décès par suicide. Les participant.es étaient soit des professionnel.les de l’école, soit les élèves eux-mêmes.  
  • créé trois protocoles institutionnels d’intervention et de prévention du suicide sur mesure. 

Il est important de considérer tous les aspects d’une situation et évaluer si elle est critique et demanderait une action urgente. Dans certains cas, une aide immédiate peut être nécessaire.  

Les protocoles institutionnels d’intervention et de prévention du suicide  

Face à la détresse d’une personne qui fait part de ses idées suicidaires ou que l’on soupçonne suicidaire, il est normal de se sentir démuni et impuissant et de ne pas savoir ni quoi faire ni quoi dire. 

Ce protocole fournit des directives claires et des outils pratiques pour une meilleure gestion des crises suicidaires, couvrant les phases avant, pendant et après l’incident. Il permet d’adopter des attitudes spécifiques : l’écoute active, la bienveillance et l’absence de jugement pour éviter d’être submergé par l’angoisse ou de rejeter les émotions de l’autre. 

Le protocole a pour objectif d’apporter l’aide, les informations et les outils nécessaires aux personnes en charge ainsi qu’à tout.e professionnel.le dans le but de minimiser les risques au sein de l’institution. 

Il s’agit d’une cocréation sur mesure qui se déroule comme suit : 

  • Une première rencontre avec l’équipe. Le but est de savoir dans quels contextes et à quelle fréquence, celle-ci est confrontée à des situations de crise suicidaire (pensées suicidaire, tentative, suicide abouti) ? Comment ces crises suicidaires ont-elles été gérées ? Qu’est-ce qui a été bien fait ? Qu’est-ce qu’on peut faire autrement ? Qu’est-ce qui serait à éviter ? 
  • Sur base de ces réflexions et informations, le CPS formule une proposition pour que ce protocole s’approche au plus à leur réalité du terrain. Les participants seront donc invités à apporter les modifications nécessaires pour que la procédure soit aussi réaliste et applicable que possible. Il est également important de confier chaque tâche à l’avance aux personnes qui en seront chargées, afin que les employés ne se retrouvent pas perdus et désemparés lorsqu’ils sont confrontés à une crise suicidaire. Cela garantira un fonctionnement harmonieux où chacun sait ce qu’il a à faire. 
  • Une fois le protocole finalisé et les outils sur mesure développés, l’intégralité sera présentée à l’équipe. Ceci peut être considéré comme une sorte de formation. Des éléments liés à la prévention du suicide, à la postvention ainsi que les outils et ressources seront présentés. 

  

Ainsi, la mise en place du protocole institutionnel d’intervention et de prévention du suicide aide non seulement à prévenir le suicide, mais contribue également à construire un environnement plus vigilant et solidaire face à cette problématique majeure. 

Une intervention rapide peut faire la différence, et il est crucial de connaître les étapes à suivre dans ces situations délicates.  

En outre, le protocole inclut des directives sur la manière d’annoncer le décès par suicide, de rendre hommage et dans certains cas, de répondre aux médias, qui jouent un rôle significatif dans la sensibilisation et la prévention d’un éventuel phénomène de contagion. 

Pour contacter le Centre de Prévention du Suicide : ww.preventionsuicide.be  

Le CPS peut aussi assurer certaines interventions en anglais. Les interventions en néerlandais, sont menées par leur homologue le CPZ https://www.preventiezelfdoding.be/ 

Outils et documents de référence :

Inactivité physique : les acteurs se mettent en ordre de marche 

Le 31 Oct 24

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Journées d’étude, publications, partenariats locaux, concertations à l’échelon fédéral. Les acteurs de l’activité physique du plat pays ne risquent pas d’avoir des fourmis dans les jambes. Le secteur se structure pour mettre en lumière l’effet protecteur de l’activité physique sur la santé et capitaliser sur des dispositifs innovants. 

Dans le monde, près de 1,8 milliard d’adultes sont exposés à un risque de maladie en raison d’un manque d’activité physique, soit un adulte sur trois selon les dernières estimations de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). La Belgique ne fait pas exception, un.e Belge sur trois bouge suffisamment, selon Sciensano. 

Mais que signifie « bouger suffisamment » ? L’OMS recommande aux adultes de pratiquer chaque semaine 150 minutes d’activité physique modérée et 75 minutes d’activité physique intense, ou a minima d’atteindre 10 000 pas par jour. En Belgique, les hommes (36 %) sont plus nombreux à se conformer à ces recommandations que les femmes (25 %). Les habitants de Flandre (37 %) et les personnes ayant un diplôme de l’enseignement supérieur (38 %) aussi. 

Chez les plus jeunes, les chiffres sont alarmants : seulement un garçon sur cinq (20 %) et une fille sur huit (13 %) âgés de 11 à 18 ans satisfont aux recommandations de l’OMS. Pour un enfant, il est bon de consacrer 60 minutes par jour à une activité physique modérée à vigoureuse – progressivement à partir de l’âge de 7 ans. 

Certaines communes tentent de lever les freins financiers en proposant des chèques-sport revalorisés pour les filles. D’autres mobilisent leur CPAS pour organiser des activités sportives pour des publics éloignés de la pratique sportive. Depuis une dizaine d’années, de plus en plus d’acteurs font la promotion de l’activité physique en Belgique. 

Les initiatives se sont particulièrement structurées en milieu hospitalier dans le cadre des soins de support pour les personnes qui font face au cancer, notamment au sein des maisons de ressourcement. Pour rappel, la Fondation contre le cancer avait mené entre 2007 et 2018 le projet Raviva qui avait permis de remettre 15 000 personnes en mouvement (lire notre article).  

En Flandre, le projet européen (EUPAP) a aussi permis d’expérimenter le modèle suédois de prescription de l’activité physique. Les médecins généralistes peuvent ainsi prescrire à leurs patients un accompagnement avec un coach motivationnel qui va les inciter à reprendre une activité physique (adaptée ou non à une potentielle pathologie) et les amener à changer d’habitudes de vie. Ce projet pilote a convaincu le gouvernement flamand de légiférer en 2018 pour l’implémenter au niveau régional. 

En Wallonie, divers modèles coexistent : suédois, français ou suisse, et les initiatives sont très nombreuses, notamment en activité physique adaptée, sur prescription ou non. Toutes ces initiatives ont un socle commun : elles martèlent que l’inactivité physique et la sédentarité sont des facteurs de risque majeurs pour la santé. Mais qu’ils sont facilement modifiables. (Lire aussi l’interview de Léna Frateur, chargée de promotion de la santé et prévention, référente pour l’alimentation et l’activité physique au sein de l’AViQ Vers une harmonisation des pratiques ?)

Des astuces pour lutter contre la sédentarité 

« Le fait d’être assis plus de huit heures par jour (plus ou moins en continu) est un signe de sédentarité, même si on va faire deux heures de sport le week-end », explique ainsi Frédérique Bernard, kiné et experte en activité physique à la Fondation contre le Cancer. 

En Flandre, l’institut Gezond Leven a ainsi mis au point une pyramide de l’activité physique très didactique pour expliquer comment lutter au mieux contre la sédentarité. 

Le triangle de l'activité physique

  

Activité physique, sédentarité, activité physique adaptée (Selon la ligue cardiologique belge et l’ONAPS) 

La sédentarité : est définie comme étant l’absence de mouvement corporel, d’où une faible dépense énergétique (repos pendant le sommeil, position assise lors de la lecture, devant les écrans, etc.). 

Activité physique modérée  : exercices physiques d’intensité moyenne, praticables par la majorité d’entre nous sans compétence particulière : marche à pied ou marche rapide, natation ou cyclisme de loisirs, gymnastique douce, yoga, etc. 

Activité physique intense  : exercices physiques d’intensité élevée, correspondant à la pratique d’un sport : jogging, natation sportive, sports de balle (tennis, padel, badminton, basketball, volleyball…), aérobic, etc 

L’activité physique adaptée (APA) : joue un rôle crucial dans la promotion de la santé et du bien-être, particulièrement pour les personnes en situation de handicap ou souffrant de maladies chroniques. 

Un effet protecteur contre les maladies chroniques  

L’activité physique a un effet protecteur face à certains cancers (côlon, sein et endomètre) de manière certaine. Il est possible qu’elle réduise aussi le risque d’autres cancers (poumon, œsophage, foie, prostate, etc.), mais des études scientifiques sont encore nécessaires.  

Cet effet protecteur s’explique par plusieurs mécanismes :  

  • De façon directe : l’activité physique réduit le taux de certaines hormones (comme les œstrogènes) et de certains facteurs de croissance (comme l’insuline) qui favorisent le développement des cellules, y compris les cellules cancéreuses.  
  • De façon indirecte : l’activité physique favorise le contrôle du poids corporel. Elle aide à lutter contre l’obésité et le surpoids, qui sont associés à plusieurs types de cancer.  

L’AP a aussi un effet sur les maladies chroniques :   

  • Diabète de type 2 : l’exercice physique améliore la sensibilité à l’insuline et aide à maintenir des niveaux de sucre dans le sang plus stables. Cela peut réduire le risque de développer le diabète de type 2 chez les personnes prédisposées.  
  • Obésité : l’activité physique aide à brûler des calories et à maintenir un poids corporel sain.  
  • Ostéoporose : l’exercice régulier, en particulier les exercices de résistance et les activités de charge, peut stimuler la densité osseuse et réduire le risque d’ostéoporose, une maladie caractérisée par une faible densité osseuse et un risque plus grand de fractures  
  • Dépression et anxiété : l’activité physique libère des endorphines, des hormones de bien-être, qui peuvent améliorer l’humeur et réduire les symptômes de dépression et d’anxiété.  
  • Maladies respiratoires : l’exercice peut améliorer la fonction pulmonaire et renforcer les muscles respiratoires.  
  • Maladies neurodégénératives : des études suggèrent que l’exercice physique peut réduire le risque de maladies neurodégénératives telles que la maladie d’Alzheimer et la maladie de Parkinson ou ralentir leur progression chez certaines personnes.  

Agir en promotion de la santé pour l’activité physique 

L’asbl Cultures & Santé a publié deux documents de référence sur l’Activité physique. Le plus récent est baptisé « Promouvoir l’activité physique et le mouvement : un enjeu pour la santé de toutes et tous » (mars 2024 Focus n°6). 

Ce dossier présente : 

  • des repères théoriques (des définitions, l’explicitation d’enjeux de santé et de société, des recommandations, les déterminants de l’activité physique et du mouvement, un focus sur trois facteurs d’inégalités), 
  • des leviers pour l’action (six balises générales et cinq leviers concrets), 
  • une grille réflexive, 
  • des ressources (organismes, outils, sites et articles) pour aller plus loin. 

Cultures & Santé avait également réalisé une revue de littérature scientifique en décembre 2022. Et elle organise un grand colloque au premier semestre 2025. 

Vers des politiques publiques favorables au développement de l’activité physique en Wallonie  

Depuis 2022, Sciensano anime un groupe d’experts sur l’activité physique sur prescription auquel participent des universitaires, des acteurs de terrain, des coachs et des représentants des pouvoirs publics. « Ce groupe permet de créer un continuum entre ce qui se passe au local, régional et national », explique la chercheuse Shérihane Bensemmane qui anime le réseau et a cartographié les initiatives dans le cadre de son doctorat. « Comme il n’existe pas de directive au niveau national, des programmes co-existent sur le territoire, ils sont parfois similaires, parfois complémentaires. Notre rôle est d’amener un savoir sur ce qui doit être soutenu, pérennisé et étendu pour idéalement : capitaliser ensuite sur l’existant, ça peut être une force ».  

A la demande de l’AVIQ, Sciensano va aussi intervenir comme centre d’expertise sur la thématique. L’institut va mener des études SWOT sur les programmes structurés existant en Wallonie. « On veut être un point d’appui, ajoute Fanny Pandolfi, pour définir les changements nécessaires, améliorer les systèmes, et les harmoniser si c’est pertinent ».  

Charte, appel et mobilisations pour le droit à l’activité physique 

Après l’appel de Toronto en 2010, c’était au tour de l’Unesco de publier en 2015, la Charte internationale de l’éducation physique, de l’activité physique et du sport. 

L’organisme rappelle en préambule que l’éducation physique, l’activité physique et le sport peuvent apporter toutes sortes de bienfaits individuels et sociaux, comme la santé, le développement social et économique, l’autonomisation des jeunes, la réconciliation et la paix. 

Article premier – La pratique de l’éducation physique, de l’activité physique et du sport est un droit fondamental pour tous. 

L’Article 2 rappelle les bienfaits de l’activité physique : 

1/ Développer la maîtrise, le bien-être, la santé, et les aptitudes physiques des participants en améliorant l’endurance, la force, la souplesse, la coordination, l’équilibre et le contrôle. Savoir nager est une compétence vitale pour quiconque est exposé à des risques de noyade. 

2/ Améliorer la santé mentale et le bien-être et les capacités psychologiques : 

– en renforçant l’assurance physique, l’estime de soi et l’efficacité personnelle, en atténuant le stress, l’anxiété et la dépression,  

– en développant les fonctions cognitives et en faisant acquérir un large éventail de compétences et de qualités, comme la coopération, la communication, le leadership, la discipline ou l’esprit d’équipe, qui sont des facteurs de succès dans la participation, l’apprentissage et d’autres aspects de la vie. 

3/ Favoriser les aptitudes et le bien-être sociaux en multipliant et resserrant les liens communautaires et les relations avec la famille, les amis et les pairs, en créant un sentiment d’appartenance et d’acceptation, en faisant acquérir des attitudes et des comportements sociaux positifs et en rapprochant des personnes de milieux culturels, sociaux et économiques différents dans la poursuite d’objectifs et d’intérêts communs.  

4/ Contribuer à la prévention de la toxicomanie, de l’abus d’alcool et de tabac, de la délinquance, de l’exploitation et de la misère, et à la réadaptation des personnes exposées à ces risques.  

Et enfin dans l’article 3 : L’Unesco appelle toutes les parties prenantes à concourir à la définition d’une vision stratégique, en identifiant les options et priorités politiques. 

Lien vers le document : unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000235409_fre 

Structurer la filière sport-santé en oncologie : la Fondation contre le Cancer interpelle les autorités 

Meilleur sommeil, meilleure récupération après les traitements, baisse du niveau de stress et de douleur. La Fondation contre le Cancer appelle à légiférer pour faciliter la pratique d’une activité physique adaptée. Dans un plaidoyer publié en mars dernier, la Fondation demande aux autorités de structurer cette filière d’onco-revalidation. Les bénéfices seraient colossaux pour améliorer la prise en charge et l’espérance de vie de toutes les personnes touchées. 

La Fondation s’est appuyée sur un groupe de travail pour dresser la liste des besoins structurels : 

1. Créer une nomenclature spécifique pour ces prestations de soins, élargissant ainsi l’accès à la revalidation des patients vivant avec ou après un cancer en fonction de leurs besoins physiques, psychologiques et sociaux. Cela implique de trouver un consensus national en revalidation oncologique, reconnue avec critères de qualité et remboursement officiels.   

2. Une coopération étroite dans le cadre de cette revalidation oncologique entre les hôpitaux, les acteurs médicaux et paramédicaux extra-muraux, le secteur sportif traditionnel et les communes devrait être initiée.    

3. Une formation appropriée (avec un label de qualité) et une reconnaissance professionnelle particulière devraient garantir la qualité de ces soins. Ces soins devraient être basés sur une revalidation oncologique s’appuyant sur des preuves scientifiques, comprenant une activité physique et un encadrement psychosocial.   

4. L’évaluation systématique des besoins de revalidation de tous les patients atteints de cancer est indispensable et doit être améliorée. Actuellement elle n’existe pas de manière structurelle en Belgique. Une évaluation systématique des besoins individuels en matière d’onco-revalidation, tant pendant la phase de traitement que pendant la phase de postcure, afin d’aboutir à un programme d’onco-revalidation et à un trajet de soins adaptés aux patients vivant avec ou après un cancer (jusqu’à minimum 6 mois après les traitements oncologiques). Cette évaluation devrait impliquer plusieurs prestataires de soins de santé et spécialités, en premier lieu le médecin et le kinésithérapeute, puis les professionnels du mouvement, avec une formation appropriée.   

5. Les hôpitaux devraient être davantage encouragés à mettre en place des programmes de revalidation oncologique et/ou à augmenter leur capacité. Le personnel hospitalier devrait également soutenir le développement des soins hospitaliers trans- et extra-muros en vue d’un encadrement plus large.   

 

Sources :  

  • 1,8 milliard d’adultes sont exposés à un risque de maladie en raison d’un manque d’activité physique (OMS)
  • L’activité physique sur prescription en Belgique (Sciensano)

bloc

Alcool : des étudiants dézinguent la guindaille 

Le 31 Oct 24

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Une poupée Barbie déguisée en mère Noël se penche pour vomir dans les toilettes. Au-dessus d’elle, se déploie un slogan frappant « Bois ou ne bois pas, c’est toi qui vois ! ». C’est l’affiche d’une exposition immersive sur l’alcool baptisée « Sans pression » réalisée par et pour les étudiants. Après une première édition qui s’est tenue du 7 au 18 octobre à Bruxelles, elle cherche à se prolonger dans de nouveaux lieux. 

affiche expo sans pression 1

L’injonction à boire de l’alcool est inhérente à la vie estudiantine. Cinq étudiants en Master de communication culturelle et sociale (MACCS) à l’Institut des Hautes Etudes des Communications Sociales (IHECS) ont choisi de démonter cette pression et d’y consacrer une exposition immersive dans le cadre de leurs travaux de fin d’études. Elle s’adresse aux 18-25 ans et aborde de manière ludique les facteurs qui influencent les jeunes et les étudiants à boire de l’alcool.  

La collaboration a débuté en 2023. Dans le cadre de leur mémoire médiatique, Julie Delberghe, Shana Hourez, Clara Lebrun, Arthur Simon, Inès Wéry voulaient travailler ensemble sur l’alcool. « Mais le sujet est vaste, il y a beaucoup d’angles, la santé, la famille, la société… Ce qui nous a le plus parlé ça a été la pression sociale » raconte Clara. 

Ne pas boire et devoir se justifier 

Les étudiant.es ont pensé et mis en commun leurs expériences et leurs vécus. « Je consomme de l’alcool, oui, dit Shana. Mais parfois je n’ai pas envie de boire car je dois prendre le volant, ou j’ai des soucis de santé, ou tout simplement, parce que je n’ai pas envie. Et à chaque fois, on doit se justifier, et c’est « ah bah t’es nulle » et toute des phrases clichées. On voulait vraiment relever qu’on ne peut pas dire qu’on n’a pas envie d’alcool sans être jugé, sans devoir se justifier ».   

Et en effet, la part de la pression sociale à consommer de l’alcool peut peser parfois très lourd, au point d’adopter un comportement non par envie mais par volonté de se conformer et de s’intégrer au groupe de pair. Dans une étude réalisée par l’Agence de Sécurité Routière Wallonne en 2022, 40% des jeunes wallons (18-34 ans) pensent que ne pas boire en soirée est mal perçu. Et cette perception de la pression sociale rejoint les pratiques puisqu’un Wallon sur trois déclare consommer plus qu’il ne le souhaite, et un sur quatre déclare boire de l’alcool alors qu’il ne le souhaite pas parce que les personnes qui l’accompagne l’y ont poussé. (voir l’encadré ci-dessous) 

Pour les étudiant.es, les sorties sont les occasions au cours desquelles il est le plus difficile de résister à la pression de l’entourage et de l’environnement à consommer de l’alcool. Selon l’Observatoire de la vie étudiante, un étudiant sur quatre estime ne pas pouvoir y résister dans ce contexte et plus d’un tiers déclare que leur consommation d’alcool a augmenté depuis leur entrée à l’Université, selon l’Enquête sur les assuétudes publiée en septembre 2023 de l’Observatoire de la vie étudiante. 

Immersion dans la guindaille ordinaire 

De septembre à décembre 2023, les cinq étudiant.es ont d’abord travaillé le cadrage théorique de leur sujet : recueil de données, rencontre avec le médecin et alcoologue Thomas Orban, le chercheur Pierre Maurage et le psychologue et addictologue Maurizio Frisina. Une fois le contenu récolté sur le sujet, ils ont entamé leurs réflexions sur le dispositif à mettre en place. Pour aborder la pression sociale à boire de l’alcool dans le milieu étudiant, ils ont choisi de se concentrer sur les moments où il est le plus difficile d’y résister : les soirées. Appuyés par un crowfunding, et l’obtention d’une Bourse Canon, ils ont imaginé une exposition immersive dans une soirée-type.  

Trois objectifs sous-tendent l’exposition : conscientiser sur les conditionnements sociaux qui poussent à boire de l’alcool, augmenter les connaissances sur les facteurs d’influence, et modifier les comportements de consommation. « Ne pas être barbant ni moralisateur », précise Clara, pour déterminer le contenu et la mise en place de l’exposition. 

L’exposition retrace les six étapes d’une soirée de guindaille ordinaire : l’invitation, l’organisation, la pré-soirée, la soirée, l’after et le lendemain. La narration chronologique permet de développer différents axes comme les pressions sociales des pairs et de l’environnement, en particulier celle des médias et du lobbying alcoolier, à chaque moment-clé du déroulement de la soirée, suivi de conseils et de messages de prévention pour le lendemain. Il s’agit de montrer comment l’influence à consommer est systémique. 

Prendre le contrepied des alcooliers 

Cette narration inclut des supports médiatiques interactifs comme les jeux, quizz, sondage d’opinion, et des supports plus contemplatifs comme les vidéos de témoignages et les panneaux de lecture. Le caractère transmédia de l’exposition a été choisi afin que « la lecture soit entrelacée de jeux, de vidéo, etc. pour permettre une meilleure acquisition de l’information » explique Arthur.  

L’inscription du dispositif dans l’univers de l’alcool festif et de ses rituels permet de « jouer sur les codes de la soirée festive : chaque élément se rapporte au décor de l’univers festif en apportant de l’information sur le support, ou joue sur ces codes de l’alcool, de nos habitudes de consommation » détaille Arthur. L’information est ainsi incrustée sur des bouteilles, dans des cuvettes de toilettes, un abribus reconstitué ou encore dans des jeux de soirée, autant d’éléments appartenant à l’univers de la fête. 

Le jeu sur les codes de la guindaille s’ancre dans une charte graphique qui donne l’impression ludique et humoristique de prendre parfois le contrepied des alcooliers. Le dispositif fonctionne comme une marque qui résiste à la pression dans l’univers festif. Il est pensé pour susciter questionnements et réflexions sur soi et sur son environnement en déconstruisant les mécanismes qui poussent à consommer de l’alcool et ainsi à se réapproprier son consentement mais aussi à respecter celui de l’autre. Son slogan : « Bois ou ne bois pas, c’est toi qui vois ! ». 

En quête de perspectives 

En attendant les résultats de l’évaluation de leur projet, durant les heures d’ouverture de l’exposition, leurs créateurs assurent une permanence où ils rencontrent les visiteurs, des cercles qui viennent en groupe s’informer ou encore des acteurs de la santé. Cette permanence leur a permis de récolter les réactions « à chaud » et de disposer d’un espace de discussion autour de leur projet et des consommations d’alcool.  

Selon les retours des visiteurs, un des points forts du dispositif est d’avoir su choisir les bonnes expressions, de saisir la culture de la guindaille, car d’une région à l’autre, et d’un cercle à l’autre les expressions peuvent différer. L’exposition est visible sur Instagram. Ses créateurs souhaitent que d’autres acteurs s’en saisissent ou l’accueillent. Force est de constater qu’elle rappelle aux acteurs de la santé à quel point associer les publics destinataires est essentiel pour aller à leur rencontre.  

Pour faire venir l’exposition, vous pouvez contacter les auteur.es du projet :  Julie Delberghe, Shana Hourez, Clara Lebrun, Arthur Simon, Inès Wéry sur l’adresse mail : sans.pression.pro@gmail.com

Suivre l’exposition sur Linkedin

L’alcool en Belgique : une consommation répandue, problématique et banalisée 

La Belgique se situe au-dessus de la moyenne européenne en termes de consommation d’alcool. Chaque année, les Belges âgés de 15 ans et plus boivent 10,3 litres d’alcool pur, contre 9,2 litres pour les pays européens qui sont les plus gros consommateurs et producteurs au monde.  

Ces statistiques sont le signe que la consommation d’alcool est culturellement et socialement ancrée. Elle occupe une place quasi « naturelle », et surtout impensée, dans nombre d’interactions sociales, et associé à l’univers festif et à la convivialité, selon l’OMS.

La consommation d’alcool y est répandue et banalisée puisque 82% des personnes âgées de 15 ans et plus consomment et 45% des 15-24 ans ont commencé à en consommer avant 16 ans, comme le montrait l’Enquête de santé 2018 de Sciensano. Si la tendance ces 40 dernières années est à une baisse globale des quantités consommées, il n’en reste pas moins que les consommations les plus préjudiciables pour la santé comme le binge drinking (6 unités en 2h pour les hommes, 4h pour les femmes) ou l’hyper-alcoolisation (6 unités ou plus par occasion) n’ont pas baissé et restent à des niveaux élevés. Or, ces types de consommation sont d’abord pratiqués par les jeunes et les hommes.  

Les jeunes (15-24 ans) qui boivent de l’alcool ont en effet tendance à concentrer sa consommation sur un à deux jours par semaine, le plus souvent lors des sorties. A ces occasions, ils boivent des quantités équivalentes à celles que consomment les adultes plus âgés mais réparties sur tous les jours de la semaine ou presque, avec une consommation par occasion plus modérée. Les profils de consommation et des risques pour la santé varient avec l’âge (lire notre article SATRAQ – Pour une réduction de la consommation d’alcool au quotidien).  

D’où l’importance de messages de santé publique différenciés selon les profils de consommation et les publics visés. L’abus d’alcool au cours d’une même occasion est donc plus courant et plus fréquent chez les plus jeunes : 37,5% des 15-24 ans s’hyper-alcoolisent au minimum une fois par mois, 19,7% pratiquent le binge drinking tous les mois voire chaque semaine, et 1 jeune sur 10 présente une consommation problématique d’alcool. 

A lire :

Global status report on alcohol and health and treatment of substance use disorders. Geneva: World Health Organization, 2024

Le Jardin de Bron, à l’interface de la santé communautaire et de la santé planétaire  

Le 31 Oct 24

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Depuis 2022, aux abords de Lyon en France, le Jardin de Bron allie les principes de la santé communautaire et de la santé planétaire pour mieux lutter contre les inégalités sociales de santé. Un projet innovant basé sur l’accueil inconditionnel de toutes les formes de vulnérabilités.  

L’accrochage en salle d’attente – Photo Thierry Durand pour Le Jardin de Bron (DR)

Louise* est arrivée au Jardin avec une demi-heure d’avance, portant une tarte aux pommes confectionnée le matin même par ses soins. « Sans œuf », pour que Patrick, un autre habitué qui ne les tolère pas, puisse en manger. « J’ai commencé à venir ici après avoir fait une chute. Je connais beaucoup de monde maintenant », raconte cette ancienne vendeuse en parfumerie. Au fur et à mesure, une douzaine d’autres personnes rejoindront Louise pour le Club des usagers, animé ce mardi par les deux médiatrices de santé du centre, Juliette Luttun et Clémence Tardy.  

Au programme du jour, un échange autour des différents ateliers qui se tiendront durant la saison – pétanque, danse, relaxation… – dont certains organisés par les usagers eux-mêmes. Fabienne, grande brune souriante, présente son projet « Mouv’ » qui permettra à tous de « participer aux prochains jeux olympiques », plaisante-t-elle, avant de détailler sa proposition. « Nous allons travailler ce que le mouvement nous apporte dans le bien-être physique et mental. Moi, je bouge beaucoup car cela m’aide à canaliser mes émotions. Il faut savoir qu’on ne va pas se faire mal : tous les mouvements peuvent être adaptés en douceur. » « Trop bien », réagit Lara. Employée dans une entreprise de travail adaptée, la jeune femme promet de prendre congé ce jour-là, même si elle manque d’équilibre et que le sport, elle a plutôt du mal à s’y mettre. « Par contre, quand je me commence, je ne peux plus m’arrêter… » 

Vulnérabilités 

Né il y a deux ans à l’initiative de deux médecins venus d’un centre de santé communautaire de la région parisienne, le Jardin de Bron assure des consultations de médecine générale pour tous les habitants de Bron, une ville caractérisée par la coexistence de logements sociaux et de quartiers aisés. Le centre travaille en étroite collaboration avec le CMP (centre médico-psychologique) voisin et compte aussi parmi sa patientèle près de la totalité des 150 personnes hébergées au CADA (Centre d’accueil pour demandeurs d’asile) de Bron, mais aussi les femmes victimes de violences et leurs enfants d’un foyer des alentours, de même que des personnes accompagnées par l’Armée du salut ou le Secours populaire.  

« On retrouve au quotidien les pathologies et des indicateurs liés aux inégalités sociales de santé communes aux quartiers populaires : diabète, obésité, pathologies psychiatriques, détaille le rapport d’activité 2023. On note aussi un plus faible dépistage des cancers et une vaccination contre la grippe moins importante que dans le reste de la région pour les personnes à risque ». Prônant l’accueil inconditionnel, le Jardin assure aussi les IVG et l’accompagnement des personnes en transition de genre (y compris en dehors de Bron), une expertise pour laquelle le centre a rapidement acquis une excellente réputation. « Nous travaillons dans une optique féministe. Nous savons en particulier que les personnes en transition de genre ont beaucoup de difficultés à accéder aux soins et à des médecins formés à ces questions et non maltraitants », explique Océane Cornic, une des coordinatrices.  

Dans cette optique d’accueil inconditionnel, les médiatrices en santé jouent un rôle central. Présentes à la consultation à la demande des médecins, elles ont pour vocation de reformuler, expliquer et fluidifier les échanges entre patient et soignant. Des entretiens individuels permettent par ailleurs de remplir une partie des dossiers d’accès aux droits (complémentaire santé solidaire, dossier d’hospitalisation, déclaration de maternité…).  

« Nous, médiatrices en santé, avons ce rôle de faciliter le parcours de soin des plus vulnérables, explique Clémence Tardy. Ça peut être une personne qui a eu une grosse difficulté sur son parcours et qui a décidé que, si elle devait mourir demain, elle mourrait demain, mais qu’elle n’avait plus besoin de voir de médecin… Ça peut être une personne qui a de grosses difficultés financières et qui pense qu’elle n’a pas droit aux aides ou que c’est une honte de demander les aides. Dans ‘vulnérable’, on n’entend donc pas seulement une personne qui a des problèmes financiers ou qui est primo-arrivante. On accueille aussi des femmes qui ont été responsables dans des multinationales… mais qui ont tellement été des femmes fortes tout au long de leur vie que c’est encore plus dur pour elles de demander de l’aide. La vulnérabilité prend des formes extrêmement différentes ».   

Sobriété du soin  

Le Jardin a comme particularité d’allier cette approche communautaire à celle de santé planétaire, encore souvent cantonnée à la théorie. Apparu dans les années 2000, le concept de santé planétaire est un cadre de travail transdisciplinaire qui envisage les questions de santé à l’interface du monde humain, animal et des écosystèmes. « Au départ, nous avions orienté certains ateliers sur la pollution de l’air, l’alimentation, le logement, raconte Océane Cornic. Mais nous avons constaté que ce n’était pas forcément évident d’intégrer ces sujets en ouverture de centre. Aujourd’hui, l’aspect santé planétaire s’incarne un peu différemment : bien sûr, déjà, il y a une sensibilité écolo dans l’équipe – on vient tous à vélo par exemple – et on a aussi des ateliers réguliers autour de la cuisine végétale, mais cet aspect est surtout présent dans nos pratiques professionnelles de soin ».  

Et la coordinatrice de rappeler que les émissions gaz à effets de serres liées au système de soin sont majoritairement dues aux médicaments et consommables médicaux, juste devant les transports. Sans parler des risques d’antibiorésistance liée à la consommation de médicaments. « Notre angle d’attaque, c’est le volet prescriptions : nous essayons de réduire ce qu’on met sur nos ordonnances, mais aussi le recours aux laboratoires, aux urgences et à l’imagerie. Or on constate que l’approche communautaire permet de mieux déprescrire grâce au lien de confiance entre l’équipe et le patient », poursuit la coordinatrice. Le rapport d’activités 2023 résumait cet objectif en ces termes : « tendre vers le plus haut niveau de santé humaine, de manière équitable, dans le respect des systèmes naturels et en respectant les limites planétaires ». 

Le Jardin de Bron entend notamment mettre en place un maximum d’alternatives aux médicaments pour les problématiques dont on sait qu’elles apporteront des bénéfices égaux ou supérieurs. « Nous proposons par exemple du sport adapté dans le cadre de la prise en charge des douleurs et des maladies chroniques, raconte Océane Cornic. Nous avons aussi mis sur pied des ateliers de soins collectifs pour les troubles dépressifs, les troubles du sommeil et les douleurs chroniques. C’est une approche de thérapie cognitivo-comportementale collective sur 6 à 8 semaines pour travailler sur les changements de croyance et adopter de nouvelles habitudes ». 

L’échange d’expériences et de bonnes pratiques entre participants permet d’obtenir de très bons résultats. « Les gens se sentent davantage compris, moins seuls, commente le Dr Clara Cuzin, généraliste au Jardin. Souvent, ils se donnent des avis très pertinents. Je pense qu’on n’est jamais mieux conseillé que par quelqu’un qui vit la même chose que soi. Les ateliers permettent aussi de développer ce côté moins vertical, avec l’idée que la compétence n’appartient pas au seul médecin, mais qu’elle peut se transmettre ». 

Temps de consult’ 

Émilie, jeune femme gracile vêtue de noir, consulte au Jardin pour la première fois. Patiente au CMP, elle vient d’apprendre qu’elle a contracté une infection à Chlamydia. « J’ai fait n’importe quoi. J’ai eu des rapports non protégés. Je l’ai dit aux deux personnes concernées », raconte-t-elle d’une voix lente. Le Dr Baptiste David la rassure : avec un traitement antibiotique, ce genre d’infection se soigne très bien. « Comment vous vous sentez par apport à ça ? », lui demande-t-il après lui avoir expliqué le traitement. « Pas très bien. Ça m’a remis les idées en place de voir que j’avais ça : faut vraiment que je me protège avec des préservatifs… »  

Pendant dix minutes encore, le généraliste prendra le temps de discuter avec la jeune femme le fait que ses troubles psychiatriques et ses problèmes d’addiction peuvent favoriser les conduites à risque. Car, dans l’optique de sobriété et d’accueil des vulnérabilités qui est la sienne, le Jardin pratique des consultations d’au moins 30 minutes pour les suivis et d’au minimum 20 minutes pour les soins non programmés. 

« Avoir des consultations plus longues, ça permet d’avoir ce genre d’échanges. C’est d’autant plus important lorsqu’on a des patients avec une problématique psychique, car on n’aborde pas la santé somatique de la même manière », résume le médecin. Ce temps de consultation plus long alimente aussi la satisfaction professionnelle des médecins, et participe ainsi à prévenir le burn out des soignants… eux aussi vulnérables à leurs heures. 

*Tous les prénoms des usagers ont été modifiés 

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Accès à la Nature : inégalités, obstacles et solutions  

Le 1 Oct 24

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Actuellement, malgré la gratuité de la nature et le nombre d’espaces verts et bleus en Belgique, il existe des obstacles qui varient selon les circonstances socio-économiques, les contextes culturels et les histoires de vie individuelles.

Un hêtre rouge au Jardin botanique de Meise en mai 2024 (C. de Gastines)
Un hêtre rouge déploie sa canopée au Jardin botanique de Meise en mai 2024 (photo C. de Gastines)

Ces obstacles font écho à trois inégalités en santé environnementale : 

Inégalités d’exposition : les plus précaires vont être les plus exposés à tous les types de pollution. 

Inégalités de responsabilité : celles et ceux qui polluent le moins, sont les plus exposé.es.   

Inégalités d’accès et d’adaptation : les publics les plus touchés ont le moins d’information, de ressources, de levier (financier ou d’accessibilité) et de latitude pour adapter leurs comportements, et se protéger. 

Voici quelques obstacles couramment rencontrés : 

  • Logistiques : le temps, la distance et le coût pour se rendre dans les parcs peuvent être des freins importants. De plus, il existe des inégalités sociales en termes d’accès aux espaces verts et bleus. Les villes doivent entrer dans une logique de végétalisation plus importante. 
  • Sociaux et Culturels : les habitudes reçues étant enfant, les croyances personnelles, spirituelles, culturelles, le lieu de vie, peuvent dissuader certaines personnes de participer à des activités en plein air. Le manque d’expériences de nature et de compétences en plein air durant l’enfance peut rendre difficile l’engagement dans des activités en plein air à l’âge adulte. 
  • Psychologiques : les barrières psychologiques, telles que la peur ou la mauvaise santé mentale, peuvent également être des obstacles significatifs. 

Pour surmonter ces obstacles, des solutions pratiques existent en particulier la mise en place durable d’une alliance entre les professionnels de santé et les professionnels de la nature. 

Parmi les solutions, il faut citer :

  • les expériences de groupe : organiser des sorties de groupe incluant le transport, l’équipement nécessaire, et des guides expérimentés peut aider à rendre les activités en plein air plus accessibles. 
  • l’approche progressive : une introduction progressive aux activités en plein air, avec un soutien adapté, peut aider à surmonter les réticences initiales. 
  • adapter le programme : le développement d’un accompagnement et d’un suivi adapté à chaque pathologie et à chaque patient peuvent faciliter l’accès aux activités de plein air. 
  • créer un développement généralisé et durable : l’organisation d’un programme ancré dans les habitudes des professionnels de santé notamment par l’instauration d’un nouveau canevas de soin à l’INAMI mais également par une convention entre les professionnels de santé et les organismes proposant des activités en nature, dans chaque commune.

Retrouvez le texte complet sur Santé et nature : vers une nouvelle pratique médicale – Canopea

Fiche d’identité Canopea  

Canopea (anciennement Inter-environnement Wallonie) fédère 130 associations environnementales depuis 50 ans. Aujourd’hui, une équipe de 35 salariés et de 43 bénévoles qui travaillent sur l’environnement au sens large. Et plus particulièrement sur les thématiques : Energie, Climat, mobilité, alimentation, ruralité, agriculture, santé environnement.  

  • Canopea mène des actions de plaidoyer pour proposer des solutions collectives et politiques concrètes, et améliorer la participation démocratique aux décisions.   
  • La plateforme donne des formations en Education permanente auprès des professionnel.les et des citoyen.nes.  
  • Elle soulève de la donnée au niveau local pour sensibiliser les citoyens sur leur environnement. Mesures de la pollution sonore, analyse des poussières de maison pour mesurer la pollution intérieure, cartographie, médiation ou encore monitoring.  

Canopea intervient au niveau des entreprises, de l’Etat, des citoyens. Elle a notamment mené la concertation pour rédiger le nouveau plan ENVIeS 2024-2028 (le plan d’actions qui régit toutes les actions et initiatives dans le domaine de la santé environnementale) dont le budget attend la validation du nouveau gouvernement wallon.

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Communication NonViolente en région germanophone 

Le 1 Oct 24

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En région germanophone, la Mutualité Chrétienne a formé près de 500 professionnel.les et citoyen.nes aux principes d’une Communication NonViolente. Cette initiative vise à améliorer les compétences psycho-sociales de la population.

« La communication bienveillante ou NonViolente, ça rend le vivre ensemble un peu plus léger », explique Sonja Nowakowski, formatrice certifiée, qui intervient depuis 2019 en région germanophone à la demande de la Mutualité Chrétienne.

En cinq ans, le pôle MC de Verviers-Eupen a formé 496 personnes à la méthode de la Communication NonViolente (CNV). Le projet vise à améliorer le bien-être de la population de Belgique orientale en renforçant ses capacités de dialogue et de coopération, autrement dit : ses compétences psycho-sociales.

La communauté germanophone finance ce projet à hauteur de 85000 euros depuis 2019. La formation s’adresse en particulier aux professionnel.les du soin, du care, en particulier aux encadrants de la petite enfance, mais aussi aux bénévoles, aux parents, aux actifs et aux couples. 

La CNV comme outil de promotion de la santé 

La Communication NonViolente (CNV) ou bienveillante émerge à la fin des années 60 sur l’impulsion du psychologue américain Marshall B. Rosenberg. Celui-ci s’inspire du pacifisme (aussi bien du mouvement des Droits Civiques américains, que de la pensée de Gandhi), en reprenant le terme sanskrit « Ahimsa », qui signifie « absence de violence » ou « absence de façon de nuire », ce qui l’amène à créer le terme « NonViolent » – délibérément écrit sans espace et sans tiret. La CNV vise à contribuer à un changement social en créant des relations fondées sur l’empathie, la compassion, la coopération harmonieuse et le respect de soi et des autres.

Incompréhension, énervement, agressivité : des conflits peuvent surgir au quotidien dans le milieu familial ou professionnel. La méthode de la communication NonViolente (CNV) permet de dégager des marges de manœuvre en développant un mode d’expression et d’écoute qui favorise les attitudes constructives et positives. Elle vise à prévenir, aborder et résoudre des situations complexes ou conflictuelles pour faciliter l’exercice de la parentalité, l’activité professionnelle ou bénévole, améliorer la relation soignant-soigné, ou encore remédier aux conflits et ou aux non-dits au sein des équipes. 

En 2024, les formations de la MC se sont principalement adressées à des professionnel.les issu.es du secteur du soin : médecins, aides-soignant.es, infirmier.es, qui travaillent en maison de repos, à domicile, en soins palliatifs, ou en hôpitaux.

Faciliter le quotidien des soins et leur qualité

« Une bonne communication est essentielle que ce soit entre le soignant et le patient ou au sein de l’équipe, décrit Vera Jesinghaus, pilote du projet à la MC. Celles et ceux qui prennent peu de temps pour communiquer et ne prêtent pas attention à leur ton provoquent rapidement des situations et des conflits désagréables. Les principes de la Communication NonViolente peuvent faciliter le travail dans le quotidien des soins et leur qualité ». 

Pour l’aide aux patients, l’établissement d’une relation par le biais de services de communication qualifiés est pertinent pour faire face à la problématique de la solitude des personnes âgées. « Dans le même temps, pour pouvoir exercer cette profession à long terme, ces professionnel.les ont la nécessité de s’entraîner à garder une juste distance ou une juste proximité. Le travail relationnel et de communication permet de réduire les sources de stress » ajoute-t-elle. 

En 2021, une édition consacrée à l’enfance avait déjà permis de former des auxiliaires de puériculture et des assistantes maternelles. Le programme s’étendait sur deux jours de sensibilisation et quatre jours d’approfondissement. Un module spécifique a aussi été ouvert à tous les parents qui le souhaitaient. Ceux-ci ont pu renforcer leurs compétences parentales à l’aide d’un webinaire en ligne d’une durée de 15h. 

La formation vise à ce que chacun.e : 

  • s’exerce à repérer ce qui, dans sa manière de penser et de communiquer, bloque et génère de la violence ou au contraire ce qui facilite la communication et désamorce les conflits ;  
  • développe ses capacités d’écoute ; 
  • apprenne à instaurer un dialogue et à mener des entretiens conflictuels ; 
  • développe sa capacité à clarifier ce qu’il ou elle vit, et à exprimer des demandes claires ; 
  • parvienne à « décoder » l’agressivité en analysant les conflits de rôle ou de hiérarchie de manière à rétablir ou instaurer un dialogue où chacun.e est entendu. 

Les quatre étapes de la CNV 

Les journées de formation sont rythmées par des temps théoriques, en particulier sur la philosophie de la méthode puis par des exercices pratiques très concrets. La CNV se décline en quatre grandes étapes résumées sous l’acronyme OBSD : observation, sentiment, besoin, demande. 

  • Observation (O) : décrire la situation en partant de faits concrets. Cela ouvre la possibilité de formuler des demandes d’actions précises à réaliser dans le futur. 
  • Sentiment (S) : exprimer l’ensemble des sentiments ressentis face à cette situation : que ce soit l’incompréhension, la frustration ou la colère. 
  • Besoin (B) : clarifier se(s) besoin(s), sans penser qu’on se met en situation de faiblesse. 
  • Demande (D) : faire une demande réalisable, concrète, précise et formulée positivement. Le fait que la demande soit accompagnée d’une formulation des besoins la rend négociable. Rosenberg fait d’ailleurs bien la distinction entre « demande » et « exigence ». Les demandes perçues comme des exigences sont vécues comme des actes de domination auquel l’interlocuteur va répondre par la soumission ou la révolte. 

Des sessions sur mesure 

Dans cet espace où la confidentialité est de mise, chacun.e peut partager une situation vécue personnellement, et y appliquer le modèle des quatre étapes à son cas particulier. « On travaille la posture, on essaie d’identifier ce qui va accentuer le conflit, et ce qui peut l’apaiser. Même si je communique de façon non-violente, tous les problèmes ne disparaissent pas instantanément. Mais c’est aidant de se comprendre dans un conflit », précise Sonja Nowakowski qui anime les sessions. Si le temps le permet, elle organise aussi des jeux de rôles pour mettre en pratique les principes essentiels. 

La CNV consiste entre autres à créer des interactions. « Si je propose simplement : « Est-ce que pour toi c’est un bon moment pour se parler ? ». C’est une manière d’ouvrir la porte, et c’est déjà énorme » explique Vera Jesinghaus. Cette proposition toute simple prend le contrepied de l’injonction fréquente : « Ecoute, il faut qu’on parle ». Et ses applications sont illimitées quel que soit le type de conversation. 

« Si on se sent agressé par quelqu’un, il faut pouvoir se demander : « qu’a-t-il voulu faire ? Est-il en stress ? » Ou bien se remettre en question et se demander si on n’a pas fait quelque chose dont il nous tient rigueur », ajoute la pilote du projet.  

Le projet se poursuit cet automne et se prolongera en 2025. La formation donnée auprès des professionnel.les de santé de l’hôpital d’Eupen a convaincu la direction de l’étendre à l’ensemble de son personnel.

Références :  

  • Marshall B Rosenberg : Nonviolent Communication: A Language of compassion, traduit en français sous le titre Les mots sont des fenêtres (ou des murs). 
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Les Pissenlits devient service support en Démarche Communautaire

Le 2 Sep 24

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Formation, concertation sensibilisation, plaidoyer, documentation et accompagnement à la demande. Désigné par la Cocof comme nouveau Service Support en démarche communautaire en santé, Les Pissenlits présente ses nouvelles missions et sa programmation 2024-2027 pour le secteur de la promotion de la santé et du social-santé bruxellois.  

Le 22 février dernier, la Cocof a désigné l’Asbl Les Pissenlits comme Service Support en matière de Démarche Communautaire pour la période 2024-2027. Cette décision est le fruit d’une importante mobilisation collective et une reconnaissance importante pour notre ASBL engagée sur le sujet depuis 27 ans.

Dans son plaidoyer 2023, la Fédération bruxelloise de promotion de la santé (FBPS) avait identifié la nécessité de créer un service support dédié pour développer des démarches communautaires en santé qui puissent bénéficier à la population bruxelloise. Sa revendication a été entendue et prise en compte dans le nouveau Plan de Promotion de la Santé 2023-2027, qui fait partie prenante du Plan Social Santé Intégré.

Ce choix d’inscrire et de financer ce service support reflète la volonté politique de la Cocof de soutenir la participation citoyenne, notamment en promotion de la santé. Nous nous engageons donc à soutenir les parties prenantes des démarches communautaires et à diffuser les principes méthodologiques de cette approche, en mettant l’accent sur la participation citoyenne. Le service support s’adresse tant au secteur de la promotion de la santé, que plus largement au domaine social-santé du territoire bruxellois.

L’essentiel de la démarche communautaire 

La mise en place d’une politique social-santé intégrée signifie que chaque territoire doit garantir l’accès à la santé pour tous et toutes. Promouvoir la participation citoyenne, impulser les principes de la santé communautaire constituent donc un enjeu crucial. Notre rôle va être de sensibiliser les partenaires intersectoriel.les et politiques aux implications méthodologiques de cette approche.

En effet, la démarche communautaire en santé est une stratégie essentielle en santé publique pour lutter contre les inégalités sociales de santé. Elle repose sur une action participative et planifiée sur les déterminants sociaux de la santé. La crise de la Covid-19 a révélé la nécessité de mieux prendre en compte les différents besoins spécifiques des citoyen.nes dans les politiques publiques et les services de santé. Il est important de déployer des réponses multiples et adaptées, et d’associer la population dans la mise en œuvre de ces politiques publiques sans les cantonner au statut d’usager.es. C’est pour cette raison que le Plan Promotion de la Santé (PPS) et le Plan Social-Santé Intégré (PSSI) ont choisi de renforcer les démarches communautaires en santé.

Cette stratégie consiste également  à promouvoir le changement social et à garantir le droit à la santé pour tous et toutes, en impliquant de manière participative toutes les parties prenantes : habitant.es, professionnel.les, services publics, politiques, etc.

La démarche communautaire en santé prend en compte et intègre aussi bien les dimensions et paramètres du champ sanitaire (éducatifs, préventifs, curatifs) que ceux du champ social, économique, environnemental et culturel. L’idée est de décloisonner la santé en travaillant sur les déterminants et en intersectorialité.  

Dans une démarche communautaire en santé, nous agissons sur ce qui détermine la santé : compétences psychosociales, comportements, milieux favorables à la santé, etc. La santé des personnes et d’une population va bien au-delà de la question des pathologies. Cela signifie que pour agir sur la santé des personnes et des communautés, il existe mille recours, mille façons de faire santé, mille actions potentielles, sur les caractéristiques des personnes et des communautés, sur les comportements et sur les environnements.

Les missions et la programmation du Service Support

La planification 2024-2027 du service support vise à renforcer la collaboration entre les institutions, améliorer la formation et l’accompagnement des acteur.trices de la santé communautaire, sensibiliser et promouvoir les principes des démarches communautaires en santé sur le territoire bruxellois.

1)    Formations et accompagnement sur mesure

Les Pissenlits accompagne et  forme les acteur.ices de promotion de la santé dans la mise en œuvre de démarches communautaires. Ces formations annuelles ou bisannuelles visent à établir un cadre méthodologique commun, à améliorer les processus de travail et changer les représentations des professionnel.les. En 2025, débutera l’accompagnement sur demande.

2)    Une nouvelle concertation

Les Pissenlits démarre une nouvelle concertation en septembre. Elle s’inscrit dans la continuité de la concertation coordonnée par la FBPS entre 2021 et 2023. La mobilisation des acteur.rices de la démarche communautaire en Promotion de la santé avait alors permis de clarifier un cadre méthodologique commun dont les balises sont reprises dans un référentiel.  

Les Pissenlits envisage de mener la concertation en 2024-2027 autour de deux objectifs généraux :

  • continuer les échanges de pratiques entre membres de la concertation sur les thématiques participatives émergentes à Bruxelles ;
  • soutenir la diffusion du cadre méthodologique de manière plus large auprès des acteur.rices mettant en œuvre des approches participatives et/ou communautaires dans le social-santé bruxellois.

Les Pissenlits et des membres de la concertation proposeront un appui méthodologique dans les lieux de concertation actuels et à venir comme le conseil de l’action régionale de Brusano. La concertation entre ces différent.es acteur.trices permettra d’améliorer la qualité des interventions. La création d’un espace d’échange collectif favorisera la diffusion d’un cadre méthodologique commun et l’action coordonnée pour réduire les inégalités sociales de santé. De plus, cet espace servira de catalyseur pour élaborer des recommandations à destination des pouvoirs publics.

3)    Plaidoyer, sensibilisation et diffusion

Le service support a pour rôle de sensibiliser et diffuser les principes de la démarche communautaire en santé. Dès lors, nous participons et continuerons à participer régulièrement aux réunions et travaux de divers conseils et coordinations intersectorielles et politiques : l’inter-Sesu (Services Supports), le Conseil consultatif Promotion santé, le Bureau des Conseils, la FBPS, le conseil de l’action régionale de Brusano. Nous intervenons également sur demande lors de conférences ou de colloques.

Enfin, le plaidoyer se trouve au cœur de notre mission pour orienter les politiques de santé, développer des actions et projets inscrits dans les démarches communautaires en santé. Nous croyons fermement que pour créer un changement durable, il est essentiel d’influencer les politiques publiques et les pratiques sociales.

4)    Suivi et documentation

Nous souhaitons constituer un répertoire de ressources (documents, informations, outils pédagogiques) sur les démarches communautaires en santé. Nous commencerons la collecte de données en 2025. Nous mettrons à disposition de la documentation pour aboutir, en 2027, à une publication des analyses des données sur l’implémentation de ces démarches.

Nos actions s’adressent :

  • Aux acteur.trices de la promotion de la santé sur le territoire bruxellois : professionnel.les des secteurs social-santé et autres secteurs qui ont une approche participative en promotion de la santé et souhaitent développer leurs projets dans un cadre méthodologique structuré.
  • Aux expert.es en démarches communautaires en santé sur le territoire bruxellois, qu’iels soient institutionnalisé.es ou non, de différents secteurs et divers modes de gouvernance.
  • Aux administrations communales et régionales ainsi qu’aux décideur.ses politiques intersectoriel.les.
  • Aux professionnel.les ou non, souhaitant enrichir leurs connaissances sur la démarche communautaire : futur.es professionnel.les de la santé, travailleur.seuses sociaux.ales, enseignant.es, étudiant.es, personnel académique, etc.

Un engagement pérenne

pissenlits logo

Avec ses 27 ans d’expérience, l’Asbl Les Pissenlits agit sur les déterminants de santé via un programme d’actions complémentaires issues des demandes des parties prenantes. Ce programme se déploie de manière locale, à Cureghem (Anderlecht), en travaillant sur les aptitudes et compétences psychosociales des personnes vulnérables et se développe à l’échelle régionale avec une action structurelle pour créer des environnements favorables à la santé. Les Pissenlits ont ainsi acquis une expertise de terrain, théorisé leurs pratiques, et contribué à un effort de théorisation collective.

L’Asbl collabore avec divers partenaires intersectoriel.les, institutions communales, régionales francophones et bi-communautaires, ainsi qu’avec différents dispositifs mettant en œuvre la démarche communautaire.

Les Pissenlits ont également une longue expérience dans le partage d’expertise et laformation lors d’interventions dans les cursus de formation (au CPSI, à l’HELB, l’ISFSC et à l’UCL…). Elle répond à des demandes ponctuelles de partage d’expertise. Elle forme à la démarche communautaire : les Maisons Médicales depuis 2021 (subsidiées en initiatives Santé), les acteur·rices en Promotion de la santé et au-delà (dans le cadre de nos missions de Service de support pour la Cocof) et la première ligne social-santé bruxelloise (dans le cadre de nos missions de Service de support pour la Cocom).

Ces formations ont permis aux Pissenlits de développer un corpus de formation solide à partir de l’expertise du terrain et des connaissances théoriques et scientifiques de l’équipe, de généraliser des pratiques et savoirs en démarches communautaires

Les Pissenlits ont participé, de longue date, à généraliser et formaliser des pratiques et savoirs de démarches communautaires en santé dans le cadre de l’élaboration des repères du Secrétariat européen des pratiques de santé communautaire (SEPSAC 2009 – Action communautaire en santé : un observatoire international des pratiques-2004-2008, Belgique-France-Espagne). L’association a aussi participé à la coordination de la revue des Politiques sociales. De plus, les interventions ponctuelles et annuelles et les différentes formations sont toujours pensées sur un modèle participatif, d’échanges entre participant.es, de co-construction et d’évaluation partagée à l’image des démarches communautaires elles-mêmes (1).

Enfin, nous formalisons avec les citoyen.nes, impliqué.es dans nos projets locaux à Anderlecht, leur expertise du vécu de la démarche communautaire. Cette formalisation d’un savoir expérientiel permet d’associer les citoyen.nes à l’équipe dans les formations.

La désignation de l’ASBL Les Pissenlits en tant que Service support en démarche communautaire en santé marque une étape significative dans notre engagement à promouvoir la démarche communautaire en santé et à lutter contre les inégalités sociales de santé. Nous nous réjouissons de renforcer les démarches communautaires et de contribuer activement à une meilleure santé pour tous.

Pour plus d’informations, n’hésitez pas à nous contacter :

ASBL Les Pissenlits

Adresse : Rue Lambert Crickx 19, 1070 Anderlecht

Téléphone (appel ou sms) : 0479/24.22.79

Email : asbl@lespissenlits.be

Site Web : https://www.lespissenlits.be/

Référence :

(1) DEJOU Frédérique, HUBIN Noémie, VANEXEM Vérane, « Agir sur les inégalités sociales de santé : une mise en œuvre de démarche communautaire en santé », Les Politiques Sociales, 2016/1 (n° 1-2), p. 30-47. DOI : 10.3917/lps.161.0030. URL : https://www.cairn.info/revue-les-politiques-sociales-2016-1-page-30.htm

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L’intersectorialité fleurit au sud de l’Entre Sambre et Meuse

Le 2 Sep 24

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Mobilisés depuis 18 ans dans cette région enclavée du sud de la Belgique, un grand nombre d’acteurs issus de différents secteurs mutualisent leurs moyens humains et financiers pour renforcer la qualité de vie et le bien-être des habitants. Un tour de force.

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Page d’accueil du site de la plateforme PISESEM

Dans cette zone, délimitée au nord par la Sambre et à l’est par la Meuse, la population souffre du manque d’infrastructures pour accéder aux services médicaux et sociaux, à l’emploi ou aux lieux de formation, ce qui a un fort impact sur leur santé. Le territoire est encaissé, faiblement peuplé et à cheval sur les provinces du Hainaut et de Namur. Une plate-forme intersectorielle, baptisée PISESEM, y mène des actions de promotion de la santé pour améliorer le bien-être et la qualité de vie des 98 000 habitants.

« Tout a commencé en 2006 », explique Philippe Mouyart, coordinateur du CLPS de Charleroi-Thuin. « Dans le cadre d’un accompagnement de l’ULB, qui a développé le concept de Développement Territorial Local, le CLPS de Charleroi-Thuin a organisé à Chimay un temps de rencontre pour faire prendre conscience des liens qui existent entre la qualité de vie et le développement culturel, social, économique et environnemental. Suite à cette rencontre, les acteurs locaux ont fait le constat qu’ils ont tout à gagner en faisant tomber les cloisons et en renforçant les collaborations entre les secteurs ».

A l’été 2006, le CLPS rassemble 80 acteurs du territoire et dessine des pistes d’actions. Une quinzaine d’entre eux décident de rester mobilisés pour mettre en place des solutions opérationnelles. Progressivement, une plateforme se constitue comme un espace de rencontre, de partage et surtout de mise en réseau entre les différents acteurs de la zone. Elle couvre les cinq communes formant la botte du Hainaut (Beaumont, Sivry-Rance, Froidchapelle, Chimay, Momignies), et les sept communes de l’arrondissement de Philippeville (Walcourt, Cerfontaine, Florenne, Philippeville, Doische, Viroinval, Couvin).

Après plusieurs années de travail, les partenaires ont élaboré un cadre de travail partagé, en rédigeant une charte d’engagement qui définit le cadre de leurs actions. Celle-ci pose une vision globale de la santé comme cadre aux actions. L’objet de la Plateforme est « de contribuer au développement du bien-être et de la qualité de vie des habitants du sud de l’Entre Sambre et Meuse par une démarche intersectorielle dans une perspective de cohésion sociale, de développement local durable, de réduction des inégalités sociales de la santé ».

La plateforme met ainsi la promotion de la santé au cœur de sa dynamique selon deux axes principaux. Il s’agit d’une part de « créer des environnements favorables à la santé : tant physique (nature à préserver, conditions de logement, etc.) que sociaux (conditions de vie, environnement de travail, etc.) en agissant directement et simultanément sur différents déterminants de la santé (mobilité, insertion socio-professionnelle et logement) ».

Et d’autre part, la plateforme vise à « renforcer l’action communautaire en intégrant la participation des habitants dans les groupes de travail mobilité et logement, tout au long du processus ».

Souplesse et mutualisation

Aujourd’hui, la plateforme regroupe entre 60 et 70 services différents, en additionnant les acteurs impliqués dans le comité de pilotage, les plateformes thématiques et les groupes de travail.

Plateforme Pisesem

Pour définir les actions prioritaires à développer, en réponse à des besoins du terrain, les partenaires de la Plateforme organisent régulièrement des présentations de données quantitatives et qualitatives. La dernière présentation a été faite en 2022 (clpsct.org/wp-content/uploads/2022/11/311022-PLS-Sud-ESEM.pdf). Ce sont chaque fois des moments d’échanges qui renforcent les collaborations et qui font naître des projets concrets

Tous les trois ans, une évaluation fait aussi le point sur l’impact des projets et le fonctionnement de la plateforme. La question de se constituer en ASBL se pose de manière régulière, mais pour le moment, la plateforme n’en a pas vu la nécessité. «L’association de fait fonctionne, comme la plateforme n’a pas de locaux, nous tournons sur le territoire », précise Florence Poukens, du CLPS de Namur.

Ce fonctionnement permet d’être en prise avec le terrain et offre une certaine souplesse. Jusqu’à présent la simple mutualisation des ressources a ainsi permis de supporter les coûts, très faibles. Les CLPS de Charleroi-Thuin et de Namur y jouent « un rôle de médiateur pour faciliter les échanges entre les structures, si elles sont concurrentes notamment, ou pour aller au-delà du turn-over qui les fragilise » ajoute-t-elle.

Au titre des réalisations, figure l’asbl MobilESEM. Créée en 2012, elle gère les demandes de soutien à la mobilité. L’objectif est de servir de levier sur ce déterminant très fort de la santé en lien avec de multiples objectifs : se former, travailler, accompagner, avoir des loisirs, accomplir des démarches administratives.  « Les rapports d’activités montrent que le nombre le plus important de demandes de déplacement concernent l’accès aux soins de santé. En second lieu, viennent les demandes pour faire ses courses, puis pour rendre visite à des membres de sa famille », explique Philippe Mouyart. De nombreux ménages, de personnes âgées notamment, sont isolés, comme le précise le portrait socio-démographique, dressé grâce à un partenariat avec l’Observatoire de la santé du Hainaut (voir le lien ci-dessous)

MobilESEM encourage aussi l’activité physique en consacrant une partie de ces activités à la promotion de l’utilisation du vélo et au dessin de nouvelles pistes cyclables.

Les partenaires de la Plateforme s’intéressent également au lien entre le logement et la santé. Dans ce contexte, une APL (Association de Promotion du Logement) vient d’être créée sur le territoire.

En 2023, la plateforme a travaillé sur plusieurs thématiques prioritaires touchant à la santé : santé mentale, accès aux soins de santé, vieillissement de la population et spécificités des publics fragilisés. Les ateliers thématiques ont proposé plus de 70 actions, dont certaines sont en train d’être réalisées. Elles comptent renforcer les compétences des acteurs en santé mentale, travailler sur le sujet de la santé mentale des jeunes, et compléter l’annuaire des professionnel.les du social-santé sur les douze communes concernées. Un groupe de travail prépare également une enquête pour mettre en parallèle les constats des professionnel.les avec ceux des citoyen.nes.

Pour aller plus loin