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Troisième université de printemps francophone en santé publique

Le 30 Déc 20

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Troisième université de printemps francophone en santé publique

Les questions de santé sont globales. Elles nécessitent une approche multidisciplinaire et des contextualisations tant locales que transnationales. Elles relèvent prioritairement de la promotion de la santé et de la prévention, mais aussi de l’accès équitable à des soins de qualité dans une vision holistique du patient.

Dans le but d’apporter de nouveaux éclairages sur ces questions, la 3e Université de printemps francophone en santé publique se tiendra à Bruxelles du 18 au 21 mai 2015.

Cette Université sera organisée dans le cadre d’un partenariat entre l’École de Santé Publique et le Pôle Santé de l’Université libre de Bruxelles, les Universités de Montréal et de Genève (partenariat G3) et l’asbl Éduca Santé.

Cette initiative est soutenue par le réseau des Universités soeurs de Bruxelles : Besançon, Dakar, Tunis et Port-au-Prince et associera des partenaires spécifiques à certains modules de formation.

Des activités transversales, communes à tous les participants, seront organisées pour favoriser les échanges entre les participants et renforcer ainsi la coopération interprofessionnelle entre les métiers de la santé et entre les secteurs qui ont une influence sur celle-ci.

Des activités ciblées seront aussi proposées pour renforcer les compétences et les pratiques des participants.

L’embarras du choix

Sept modules seront dispensés durant cette troisième édition. Les participants sont invités à s’inscrire à l’un d’entre eux.

Module 1. La santé globale: fondements et applications pratiques

La santé globale est un concept qui découle des transitions sanitaires multiples que nous connaissons et qui font que les problèmes de santé sont devenus mondiaux. Cependant, ce concept est appréhendé différemment par les cliniciens, les professionnels de santé publique, les économistes et les sociologues et en fonction de notre vision de la santé dans nos contextes particuliers.

La notion de santé elle-même est polymorphe. Une même appellation fait référence à plusieurs dimensions et il apparaît donc difficile d’arriver à un concept commun. Cependant, ce module veut identifier et analyser différentes actions de santé globale et la manière dont cela s’inscrit dans les systèmes de santé spécifiques puis de façon de plus en plus globale.

Partenaires : G3 : Université libre de Bruxelles – Université de Montréal – Université de Genève

Module 2. Le patient : partenaire de santé ?

Ce module s’inscrit dans l’analyse des évolutions des rôles respectifs du patient et du professionnel de soins. Les objectifs sont, entre autres, de découvrir et d’explorer les concepts en lien avec la thématique de ‘patient partenaire’, d’exposer les initiatives de collaboration existantes dans son environnement professionnel en utilisant les concepts et modèles découverts et de discuter les enjeux éthiques. Il s’agit aussi de positionner le débat dans le contexte plus général des modifications de la place de l’usager-citoyen dans les services publics et assimilés (santé, emploi ou éducation).

Partenaires : G3 : Université libre de Bruxelles – Université de Montréal – Université de Genève

Module 3. ‘Le dossier patient’, outil de coopération et de continuité des soins

Comment le dossier patient se traite-t-il en médecine générale et à l’hôpital ? Le dossier patient peut-il être un instrument de coopération entre lignes de soins ? Une harmonisation des terminologies est-elle possible ? Peut-il fournir une vision globale de la santé du patient et permettre une continuité des soins efficace lors des différents épisodes de soins ? À quelle condition peut-il être un outil de dialogue avec le patient ? Quels sont les critères de qualité d’un bon dossier patient ? Les technologies informatiques permettent-elles une avancée qualitative effective ? Comment est assurée la protection des données individuelles ?

S’appuyant sur une recherche interuniversitaire en cours, ce module a pour objectif de renforcer les capacités des soignants dans le bon usage du dossier patient, dans toutes ses dimensions et dans les collaborations interprofessionnelles qu’il permet.

Partenaires : Pôle santé ULB – Projet Innoviris Immediate

Module 4. La lutte contre les maladies non transmissibles (MNT) dans les contextes à faibles ressources

La promotion de la santé et la prévention des MNT sont rendues particulièrement complexes du fait de l’éventail très large des publics, secteurs et professionnels concernés. L’élaboration de programmes de promotion de la santé et de prévention des maladies chroniques passent nécessairement par des processus de concertation, participatif et multisectoriel. Les éléments structurants ce type de processus de planification participative sont :

  • d’aider les acteurs et partenaires à éclaircir les enjeux de ce type de programme en regard du contexte international et local;
  • de mettre en place des procédures de programmation adaptées;
  • de faire évoluer les analyses et pratiques en regard d’échanges entre différents secteurs;
  • de partir de l’existant et de favoriser l’intégration des activités de différents secteurs dans une stratégie coordonnée et appropriée par les partenaires et les publics-cibles.

Ce module abordera, sur base d’expériences et d’actions concrètes dans différents contextes, les composantes de programmes de lutte contre les MNT et la place des différents acteurs dans une vision multidisciplinaire et intégrative.

Partenaires : G3 : Université libre de Bruxelles – Université de Montréal – Université de Genève

Module 5. L’école, un cadre de vie favorable à la sécurité des élèves

Pour promouvoir la sécurité des élèves, et ainsi leur santé, l’école favorise l’adoption de comportements influencés par des environnements physiques et sociaux favorables à la sécurité.

Le milieu scolaire développe déjà de nombreuses initiatives en faveur de la santé et de la sécurité des élèves. Mais, pour être efficaces, ces initiatives demandent coordination, partenariat intersectoriel, cohérence et suivi : exigences parfois difficiles à rencontrer.

Les interventions qui contribuent à la sécurité des élèves, ne cherchent pas à supprimer tous les risques ou toutes prises de risque, mais à contrôler les facteurs de risque des accidents et à diminuer la gravité de leurs conséquences sur le développement des enfants.

Le module se basera sur un outil de référence comportant des concepts, des méthodes, des pratiques et des ressources utiles à l’intervention de promotion de la sécurité à l’école. La démarche proposée favorise une approche globale en intégrant différents niveaux d’action sur différents aspects d’une même problématique dans le projet d’école.

Partenaires : Pôle santé ULB – Éduca-Santé

Module 6. Territoires: comment façonnent-ils la santé et comment les mobiliser ?

Le territoire façonne les déterminants socio-environnementaux des conditions de santé. Parallèlement, il constitue un cadre au sein duquel des acteurs et des ressources peuvent être mobilisés pour l’action en santé. En mettant en perspective des expériences concrètes, ce module s’intéressera aux approches territoriales de la santé et aux enjeux que recouvrent les différentes définitions du territoire; il décrira diverses formes existantes d’organisation territorialisée en rapport avec la santé (actions en santé communautaire, réseaux de santé, contrats de quartiers, maisons médicales, etc.) et les défis qu’elles rencontrent; il s’attachera à la manière dont les besoins locaux émergent au travers des données disponibles (profils locaux de santé, travaux de l’Observatoire de la Santé et du Social de Bruxelles-Capitale, atlas de l’Agence Intermutualiste (AIM), etc.); il présentera les dynamiques d’acteurs sur lesquelles s’appuyer; il conclura enfin sur les apports et les limites des approches territoriales de la santé, à différents échelons.

Partenaires : Pôle santé ULB – ASBL Santé, Communauté, Participation

Module 7. L’acteur au coeur de la coopération au développement en santé : au-delà des discours, quoi ? Comment ?

L’importance d’impliquer les acteurs, comme les ‘bénéficiaires directs’, les ‘communautés’ ou plus généralement les ‘partenaires locaux’, dans les interventions de coopération au développement est un des leitmotive de l’aide internationale depuis ses prémices. Ce module veut susciter la réflexion autour des possibilités de mieux impliquer les acteurs dans les programmes de développement dans le secteur de la santé, en proposant une analyse des implications théoriques et pratiques des différentes manières de promouvoir une approche centrée sur les acteurs.

Le fil rouge de la réflexion sera la prise en compte du facteur humain dans toutes les interventions de coopération et ce à différents niveaux : opérationnel, organisationnel, décisionnel.Partenaires: Pôle santé ULB – Be-Cause Health – Agence Belge de Développement (BTCCTB).

Des informations complémentaires sur le déroulement et une description détaillée de chaque module sont disponibles sur le site internet de l’Université de printemps.

Modalités pratiques

Lieu de la formation

École de Santé Publique, Université libre de Bruxelles, Route de Lennik 808, 1070 Bruxelles, Belgique

Dates

Du 18 au 21 mai 2015

Déroulement

  • Lundi 18/05 Conférence inaugurale dès 17h
  • Mardi 19/05 Séquences 1 et 2 de chaque module (de 9h à 17h)
  • Mercredi 20/05 Séquences 3 et 4 de chaque module et conférence sur le temps de midi
  • Événement festif en soirée
  • Jeudi 21/05 Séquence 5 de chaque module et clôture à 14h

Public

Les modules sont destinés aux professionnels de santé en activité ainsi qu’aux décideurs, aux élus, à toutes les autres parties prenantes de programmes de santé publique et de secteurs qui ont un impact sur la santé des populations. De plus amples informations sur les publics visés pour chaque module sont disponibles sur le site de l’Université de printemps.

Inscriptions

Les inscriptions se font en ligne jusqu’au 15 avril.Le nombre de participants par module sera, suivant les thèmes, de 15 à 25 personnes.Les demandes d’inscription sont traitées par ordre d’arrivée et sur base des informations reprises dans les fiches d’inscription.

Tarif

300 euros jusqu’au 15 mars en individuel (après cette date 350 euros), 400 euros en institutionnel jusqu’au 15 mars (après cette date 450 euros).Le prix comprend l’inscription à la formation, l’accès aux conférences (lundi et mercredi), les lunchs de midi, la possibilité de faire des activités sportives à la pause déjeuner, l’événement festif du mercredi soir.

Accréditation

Des demandes sont introduites pour permettre l’accréditation de participation aux différents modules.Pour toutes informations et inscriptions: www.ulb.ac.be/esp/univprintemps

Médecins du Monde contre le brevet d’un nouveau traitement de l’hépatite C

Le 30 Déc 20

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Médecins du Monde contre le brevet d’un nouveau traitement de l’hépatite C

L’organisation non gouvernementale a déposé le 10 février 2015 une opposition au brevet sur le sofosbuvir auprès de l’Office Européen des Brevets (OEB). Ce médicament contre l’hépatite C est vendu à un prix exorbitant : en Belgique, un traitement de 12 semaines coûte 57.000 euros et n’est pas toujours remboursé.

Selon Médecins du Monde, la molécule n’est pas assez innovante pour mériter un brevet. En cas de succès de ce recours juridique, des versions génériques bien moins coûteuses pourront apparaître sur le marché.

«Même la sécurité sociale d’un pays ‘riche’ comme la Belgique ne pourra satisfaire à toute la demande», s’inquiète Pierre Verbeeren, Directeur Général de Médecins du Monde. «C’est la raison pour laquelle nous avons déposé une opposition au brevet sur le sofosbuvir auprès de l’Office Européen des Brevets. Nous devons veiller à ce que ce traitement soit disponible dans sa forme générique, pour tous les patients.»

Depuis de nombreux mois, avec d’autres associations, Médecins du Monde alerte sur les problèmes posés par le prix des nouveaux traitements contre l’hépatite C et particulièrement du sofosbuvir. Le laboratoire Gilead commercialise 12 semaines de traitement à des prix exorbitants, qui entravent l’accès de nombreux patients à ce médicament: 41 000 euros en France, 44 000 euros au Royaume-Uni et 57 000 euros en Belgique, alors que le coût de production ne revient qu’à une centaine d’euros !

En cas de succès de cette opposition au brevet, la mise en compétition du sofosbuvir avec des versions génériques, bien moins chères, serait ouverte. C’est la première fois en Europe qu’une ONG médicale utilise cette voie pour améliorer l’accès des patients aux médicaments.

Le Dr Jerry Wérenne, expert sur les questions relatives à l’hépatite C, précise : «On sait que 80 % des nouvelles contaminations surviennent au sein de publics multi-fragilisés qui accèdent difficilement aux soins. Malheureusement, la construction des prix par les seuls marchés complique encore l’accès aux soins, en particulier pour ces patients qui devraient pourtant être une cible prioritaire en termes de santé publique.»

L’hépatite C est une maladie infectieuse du foie, lourde et complexe, qui fait chaque année 350.000 morts au niveau mondial. En Belgique, on compte 1500 nouveaux cas par an. Le traitement actuel a une forte toxicité et comporte de lourds effets secondaires. Mais sans traitement, la forme chronique de l’hépatite C entraîne de graves lésions du foie, le cancer et d’autres affections pouvant mettre la vie du patient en danger.

L’hépatite C se guérit. Médecins du Monde appelle donc à la mise en place d’une politique de santé publique audacieuse qui permette la mise sous traitement de tous les porteurs du virus afin d’éliminer cette maladie.

Sexualités et grossesses adolescentes: ambivalence d’un âge

Le 30 Déc 20

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Sexualités et grossesses adolescentes: ambivalence d’un âge

La question des grossesses adolescentes est au coeur de nombreuses problématiques de santé publique : contraception, IVG, sexualité, prématurité… À l’occasion de la journée de réflexion autour du programme territorial de prévention et de promotion de la santé en Thiérache 2013-2014, de nouvelles priorités ont été dégagées, notamment la nécessité de travailler sur les stéréotypes persistants et les conduites addictives, tout en tenant compte de l’ambivalence des discours et des comportements au sein de cette population ‘entre deux âges’.

Des connaissances à géométrie variable

Le projet Thiérache Santé Prévention est un dispositif transfrontalier (Picardie, Nord-Pas-de-Calais, Namur, Hainaut) qui réunit les acteurs de la prévention et de la promotion de la santé présents dans cette zone caractérisée par la ruralité et des indices socio-sanitaires plutôt défavorables.

Premier enseignement de cette journée consacrée à la prévention des grossesses adolescentes sur ce territoire : contrairement à une croyance répandue, les jeunes ne sont pas ‘surinformés’ en matière de santé sexuelle. Par exemple, il apparaît que si la gravité d’une maladie comme le sida et ses modes de transmission sont aujourd’hui bien connus des adolescents, cet effet de focale lié aux campagnes massives de prévention a comme revers une minimisation, voire une ignorance des autres maladies sexuellement transmissibles. Enfoncer le clou d’une information depuis longtemps intégrée apparaît donc inutile, voire contre-productif, d’où l’utilité de toujours partir des connaissances et des perceptions des jeunes eux-mêmes. «On constate par exemple que les jeunes filles savent où elles peuvent se faire prescrire la pilule ou qu’il faut la prendre à heure fixe mais beaucoup continuent à croire que la pilule fait grossir ou qu’il faut de temps en temps l’arrêter si l’on ne veut pas devenir stérile !», commente ainsi Annick Vanlierde, chargée de recherche à l’Observatoire de la santé du Hainaut et intervenante de cette journée. Or il est évident que ces peurs qui questionnent frontalement le rapport au corps et les liens entre féminité et maternité peuvent conduire plus sûrement qu’un ‘oubli’ à une grossesse adolescente…

En filigrane de l’enquête sur la sexualité des jeunes en Hainaut présentée par Annick Vanlierde, on observe aussi un enracinement de la désinformation dans certains tabous sociétaux et familiaux : la pseudo-vérité scientifique vient alors consolider certaines valeurs.

«L’une des croyances entretenues par les jeunes est que l’IVG amène la stérilité, sans qu’on sache s’ils associent cette conséquence à l’acte chirurgical lui-même ou à autre chose», explique ainsi Hélène Trouillet de l’IREPS (Instance Régionale d’Éducation et de Promotion de la Santé) Picardie, qui a présenté lors de cette journée les résultats de focus groupes sur le sentiment amoureux et la parentalité à l’adolescence.

Dans cet ordre d’idée, les données d’Annick Vanlierde montrent qu’environ un quart des adolescents hennuyers de 16 ans pensent que l’IVG se pratique à la demande des parents… Là encore, il semble que le défaut d’information et la méconnaissance de la loi convergent avec certains interdits familiaux. Le propos selon lequel «si je tombe enceinte, je vais me faire tuer» est d’ailleurs récurrent et montre à quel point la grossesse et l’IVG sont perçus comme des actes dirigés ‘contre’ l’autorité parentale.

Grossesses adolescentes : entre stigmatisation et solidarité

«Les jeunes sont souvent dans l’optique de dire qu’ils ne sont pas concernés, que ça ne leur arrivera pas parce qu’ils font attention. Néanmoins, l’exception de l’accident – c’est-à-dire essentiellement à leurs yeux du préservatif qui craque – est centrale. Ils évoquent aussi les conduites à risque, les états d’ébriété. S’ils envisagent ces cas de figure, alors ils parviennent à se projeter dans la situation d’une grossesse non désirée», explique Hélène Trouillet. La possibilité de l’IVG est connue mais elle est rejetée par certains jeunes qui mettent en avant leur volonté d’ ‘assumer’, notamment dans les situations où la famille peut apporter un soutien. «L’idée d’assumer leur rôle de père, d’arrêter leurs études et d’aider leur copine est assez prégnante chez les jeunes garçons», explique encore la formatrice-conseil de l’IREPS.

Dans le Hainaut, on constate d’ailleurs que les chiffres des grossesses précoces sont relativement similaires à ceux des IVG. Ainsi, pour l’année 2009-2010, on enregistre environ 190 naissances vivantes chez les adolescentes entre 13 et 17 ans, tout comme en 2002-2003. Le nombre d’IVG s’élève quant à lui à 208 en 2009-2010 chez les moins de 18 ans, contre 190 pour 2002-2003.

Malgré la complexité des motivations et les risques médicaux ou psycho-sociaux associés, la question de grossesses adolescentes ‘désirées’ mérite donc d’être posée. «Il importe bien sûr de distinguer désir de grossesse et désir de maternité», explique Hélène Trouillet. «Mais l’idée d’une grossesse adolescente comme projet de vie existe». Des pistes d’analyse intéressantes se dégagent d’ailleurs aussitôt qu’on considère le fait que le désir de grossesse, même ambivalent, participe parfois du processus d’individuation de la jeune fille ou, comme le montrent certaines données de la littérature, s’inscrit dans un schéma de répétition familiale.

De même, il est utile de poser l’hypothèse de la grossesse adolescente comme manière de s’approprier sa féminité dans un contexte de domination masculine persistant. Car il faut relever que les grossesses ‘désirées’ le sont généralement par la jeune fille et non par les deux partenaires adolescents.

Enfin, il est à noter que si les grossesses précoces restent stigmatisées par certains jeunes qui estiment que la jeune mère n’est pas assez ‘mature’ pour assumer l’arrivée d’un enfant, l’existence d’une ‘solidarité féminine’ apparaît très nettement dans les focus groupes. «La perception des jeunes face à ces grossesses semble moins stigmatisante que celle véhiculée dans la société ou par les médias. Cela vient aussi du fait que dans la population étudiée, beaucoup connaissent des jeunes filles qui sont mères. Chez les adolescentes, il existe en tout cas un discours très fort pour dire que, si elle est tombée enceinte par accident, par exemple dans le contexte particulier des soirées, la jeune fille n’est pas responsable», commente Hélène Trouillet.

Conduites addictives et stéréotypes

Cette notion de ‘dérapage’ lors de soirées attire encore l’attention sur la nécessité pour les professionnels de la prévention d’associer les questions de sexualité et de conduites addictives. «Les jeunes disent clairement qu’en soirée, il peut grosso modo se passer tout et n’importe quoi pour la bonne raison qu’ils ne s’en souviennent pas… L’alcool comme les drogues entrent ici clairement en ligne de compte», commente Hélène Trouillet.

Ces circonstances particulières induites par les sorties posent aussi l’hypothèse de la fragilité des discours de prévention une fois ‘au pied du mur’. «Il y a une véritable ambivalence que l’on peut aussi retrouver chez les adultes : que deviennent les discours de prévention face à la pulsion amoureuse et sexuelle?», interroge la formatrice-conseil.

La prévention ne peut donc pas se satisfaire de traiter les aspects techniques de l’usage du préservatif par exemple : elle doit aussi amorcer une réflexion sur la manière d’intégrer certaines demandes et certains gestes dans le cadre de la pulsion et de l’affectivité. Preuve que cette anticipation réaliste représente un enjeu important : l’étude sur les jeunes en Hainaut indique que 34 % des filles qui ont déjà eu des rapports sexuels disent utiliser toujours un préservatif contre 69% des garçons…

Les divergences entre discours et pratiques semblent donc évidentes, tout comme celles entre le vécu des filles et des garçons. «On constate que les filles, qui ont plus de pression sur les épaules et sont soumises à plus d’injonctions, sont mieux informées que les garçons et se perçoivent davantage dans le contrôle de la situation», commente Annick Vanlierde. Les stéréotypes de genre restent d’ailleurs puissants. Ainsi, les données recueillies dans le Hainaut montrent qu’entre 20 à 30 % des garçons sont d’accord avec l’affirmation selon laquelle une fille qui prend la pilule est une fille facile ! «On constate que sur la question de l’égalité des sexes, les jeunes peuvent tenir dans un même discours des propos totalement contradictoires», observe Hélène Trouillet.

Cette ambivalence se retrouve également dans une perception à la fois très sexualisée et très sentimentale du partenaire. «Les petits noms utilisés pour parler de son copain ou de sa copine sont très instructifs à cet égard. Autant, les jeunes vont employer ‘ma salope’ ou ‘ma pédale’, ce qui peut à nos yeux être assez insultant, autant ils donneront dans le ‘ma chérie’, ‘ma bien-aimée’, ‘mon petit cœur de beurre’», poursuit Hélène Trouillet.

De même, la diminution des sms dérangeants à caractère sexuel observés par les jeunes hennuyers reflète sans doute davantage une banalisation qu’une raréfaction de ces sms. «Envoyer une photo de soi en petite tenue pour approcher la personne qu’on convoite semble devenu quelque chose de courant, qui peut nous heurter en tant qu’adultes mais qui fait désormais partie des manières d’entrer en relation», commente Annick Vanlierde.

Caractérisée par l’existence de codes très spécifiques et parfois déconcertants, l’adolescence mérite d’être considérée dans son ambivalence constitutive, a fortiori quand il s’agit d’aborder la question de la sexualité et de la grossesse. Ce n’est qu’en tenant compte de cette complexité que pourra s’élaborer la prévention de demain.

Comment vivre 100 ans… tout en y prenant plaisir

Le 30 Déc 20

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On vit aujourd’hui en moyenne 40 ans plus vieux qu’il y a un siècle et demi. Quels sont les secrets de la longévité ? Quelles sont nos chances de vivre jusqu’à 100 ans ? Comment les premiers moments de la vie, notre style de vie et notre engagement professionnel façonnent-ils nos parcours de vie ? Comment fonctionne une société qui vieillit ?

Voici quelques questions intrigantes abordées dans une exposition de l’UCL intitulée «Comment vivre 100 ans… tout en y prenant plaisir», présentée au Forum des Halles de Louvain-la-Neuve.

On y apprend notamment que, depuis le milieu du XIXe siècle, notre espérance de vie a progressé d’environ trois mois chaque année. Le vieillissement de la population, au départ causé par une diminution de la fécondité qui réduit l’importance des jeunes générations, est maintenant porté par un allongement des durées de vie aux âges élevés. En 2014, la Belgique comptait plus de 1 800 centenaires, et selon les Nations Unies, leur nombre pourrait être multiplié par 8 d’ici à 2050 !

Cette exposition itinérante a été développée par le réseau Population Europe, et elle est accueillie à Louvain-la-Neuve à l’initiative du Centre de recherche en démographie de l’UCL.

Par le biais de textes abordables, de graphiques, d’interviews et de jeux, les visiteurs sont amenés à découvrir, en quelques clics, ce que les changements démographiques signifient pour chacun de nous.

Concrètement, dix thèmes sont présentés sur une stèle illuminée portant une photo. Cette photo permet d’interagir avec un iPad présentant le contenu de l’exposition sur cette thématique. Un encadré portant spécifiquement sur la population de la Belgique est disponible. Par exemple, saviez-vous que 9 centenaires sur 10 en Belgique sont des femmes ? Que l’espérance de vie des femmes a doublé depuis 1845 ? Que les célibataires font face à des risques de décès plus élevés que les personnes mariées ?

Une exposition de photos illustrant la diversité démographique de Louvain-la-Neuve est présentée en parallèle, par les étudiants du kot-à-projets UCL Photokot.

Par le biais de cette exposition, le Centre de recherche en démographie de l’UCL invite le grand public à un voyage dans le futur de notre société européenne vieillissante. L’objectif est de réaffirmer la place des changements démographiques au cœur de nos vies quotidiennes et des grands défis de notre société.

De nombreux résultats scientifiques présentés dans cette exposition trouvent un écho dans les travaux menés à l’UCL. Par exemple, les démographes de l’UCL mènent des recherches sur les inégalités face au décès, la planification des besoins de soins de santé pour les personnes âgées ou les enjeux du vieillissement à domicile en Wallonie.

Infos pratiques

L’exposition a lieu au Forum des Halles de Louvain-la-Neuve.

Entrée libre.

Elle est visible jusqu’au 2 avril, de 9 à 20 h du lundi au vendredi et de 11 à 17 h le samedi.

La malbouffe en Belgique n’est pas une fatalité

Le 30 Déc 20

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La malbouffe en Belgique n’est pas une fatalité

D’après une étude britannique largement reprise par la presse, la Belgique est le 3e pays au monde où l’on mange le moins sainement. Ce constat marquant cache une réalité complexe de la consommation alimentaire fortement marquée par les inégalités sociales. C’est pourquoi, en l’absence d’une réelle politique de l’alimentation en Belgique, Solidaris lance une plateforme de débat sur le web : www.alimentationdequalite.be.

La sonnette d’alarme de la malbouffe a encore retenti : des chercheurs de l’Université de Cambridge classent la Belgique dans le top 3 des pays où l’on mange le moins sainement au monde. L’étude réalisée sous la direction du Dr Fumiaki Imamura a analysé les changements en matière de régimes alimentaires entre 1990 et 2010 et ce, pour 187 pays.

Outre ce classement, dans cette même période, une progression de l’obésité en Belgique a été observée; elle est passée de 11 % à 14 % entre 1997 et 2013. Tout cela fait peser des risques sur la santé des Belges et sur la viabilité du système de soins de santé.

Faible revenu salarial rime souvent avec surpoids

L’alimentation est un domaine particulièrement marqué par les inégalités sociales de consommation, ce qui se traduit par des inégalités sociales de santé. En Belgique, 48% des personnes à faible revenu sont en surpoids (Indice de Masse Corporelle supérieur à 25), contre 43 % de la population à haut revenu. En ce qui concerne l’obésité (Indice de Masse Corporelle supérieur à 30), il s’agit respectivement de 17% et 12%.

Les responsabilités de la malbouffe sont collectives

Le niveau de revenu, même si c’est un bon indicateur, n’explique cependant pas tout. Les conditions d’existence, les appartenances sociales, l’éducation, les représentations de l’alimentation, la culture familiale ou encore les liens sociaux sont autant d’éléments qui influencent fortement les comportements alimentaires.

L’offre alimentaire (commerces, horeca, restauration collective) définit l’enveloppe des choix possibles, tandis que la publicité, le marketing et les prix généralement plus bas de la malbouffe orientent les choix des consommateurs, et surtout pour les plus pauvres.

Le chemin obligé de la lutte contre l’obésité et la malbouffe en général passe inévitablement par la réduction des inégalités sociales. Une politique alimentaire intégrée favorisant l’accès à une alimentation de qualité pour tous reste à construire. Des actions doivent être mises en œuvre à tous les niveaux de pouvoir car nombre de politiques influencent de près ou de loin l’accès à une alimentation de qualité.

Nouvel outil de concertation

Parce que l’alimentation est un véritable enjeu de santé publique, Solidaris lance la plateforme www.alimentationdequalite.be. Ce site est un outil à destination de tous les acteurs professionnels de l’alimentation, via lequel chacun peut participer à la réflexion, apporter son éclairage ou son expertise. L’objectif est de susciter le débat afin de mieux comprendre les causes multiples d’une consommation alimentaire inadéquate et d’amener les différents acteurs du système alimentaire à convenir des stratégies à adopter.

Par cette mise en réseau, cette plateforme a l’ambition d’être un embryon de Conseil de l’alimentation qui fait défaut dans notre pays et de construire une véritable politique concertée de l’alimentation.

Pour plus d’infos, le Livre blanc ‘Pour un accès de tous à une alimentation de qualité’ de Solidaris avance de nombreuses pistes.

Politique nutritionnelle en France

Le 30 Déc 20

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Politique nutritionnelle en France

«Prendre des mesures radicales est une nécessité pour les citoyens et notre système de santé» (Serge Hercberg)

La politique nutritionnelle engagée, depuis 2001, par les pouvoirs publics français connaît un nouvel élan avec des propositions en faveur d’une alimentation plus saine.

La Santé en action : Quel état des lieux peut-on faire aujourd’hui du surpoids et de l’obésité dans notre pays ?

Serge Hercberg : Depuis 2000, la situation s’est légèrement améliorée alors que pendant les deux décennies précédentes, la fréquence du surpoids et de l’obésité avait doublé. Nous observons une stabilisation, voire une diminution de cette fréquence chez les enfants: de 18% en 2001, au moment du lancement du Plan national nutrition santé (PNNS), à 17,5 % environ dans les plus récentes enquêtes.

Chez les adultes, nous avons constaté une augmentation de la prévalence du surpoids et de l’obésité – autour de 17 % aujourd’hui – mais cette progression s’est ralentie au cours des trois dernières annéesNote bas de page.

Malgré tout, il faut tempérer cette note d’optimisme car il existe de très fortes inégalités sociales de santé particulièrement nettes pour l’obésité. Les populations les plus défavorisées présentent, en effet, un risque beaucoup plus grand, tant chez l’enfant que chez l’adulte. L’obésité est un marqueur social, lié au niveau socio-économique des ménages.

Nous notons que l’amélioration est concomitante avec la mise en oeuvre de politiques de santé publique, notamment le PNNS. Sans affirmer un lien de causalité, il est raisonnable de penser que les mesures déployées expliquent en grande partie cette évolution.

S. A. : En quinze ans, quels sont les domaines où la prévention a progressé ?

S. H. : Des progrès indéniables ont été réalisés dans le champ de l’information et de la communication. La connaissance s’est améliorée, celle des professionnels de santé mais aussi celle du grand public : par exemple, 85 % des Français savent qu’il est bon de manger au moins «cinq fruits et légumes par jour», un des repères du PNNS.

La mobilisation des différents acteurs, notamment de terrain, qu’ils soient du secteur de la santé ou de l’éducation, du monde associatif, des collectivités territoriales, correspond à une prise de conscience de l’importance de la nutrition; c’est une avancée.

Enfin, nous avons fait une petite révolution culturelle car la problématique de la nutrition intègre désormais aussi bien l’alimentation que l’activité physique : ce qui rentre dans le corps avec l’alimentation est mis en balance avec ce qui sort grâce à l’activité physique. C’est une des réussites de la politique de santé publique développée en France.

S. A. : A contrario, qu’est-ce qui n’a pas ou mal fonctionné ?

S. H. : Nous avons rencontré de grandes difficultés à mobiliser les acteurs du secteur privé, spécialement les industriels de l’agroalimentaire, sur la qualité nutritionnelle de leurs produits. Seule une trentaine de chartes d’engagement a été signée… loin d’une adhésion massive des entreprises concernées.

Mais celles qui ont signé une charte ont réellement amélioré leur offre alimentaire, réduisant de 5 à 25 %, selon les cas, les teneurs en sel, sucre et gras.

Nous n’avons également pas réussi à convaincre, malgré nos efforts, certains opposants qui voient dans ces actions trop de normalisation, voire de médicalisation. Or ce n’est pas l’esprit du PNNS. Nous avons toujours eu la volonté de ne pas réduire l’alimentation à un acte biologique et de dire que plaisir et santé sont associés. Nous avons eu à coeur de penser une politique de santé publique à la française, qui prenne en considération la gastronomie et la convivialité.

Enfin les mesures mises en place n’ont pas eu une efficacité suffisante pour toucher les publics prioritaires, les foyers défavorisés et leurs enfants.

S. A. : Au vu de ce constat, quelles nouvelles stratégies préconisez-vous ?

S. H. : Si l’information et l’éducation demeurent essentielles, il faut les coupler avec une action sur l’environnement, au niveau de l’alimentation et de l’activité physique, afin de donner aux Français les moyens de mettre les recommandations en pratique.

Cette stratégie comprend plusieurs volets : une information concrète et lisible sur la qualité nutritionnelle des produits, un meilleur accès aux aliments dont les qualités sont reconnues et une baisse de la pression marketing pour les moins intéressants. Bien se nourrir ne relève pas que des comportements individuels. Si 85 % des Français connaissent les «cinq fruits et légumes par jour», ils sont 43 % à les consommer et seulement 6 % parmi les foyers les plus défavorisés. Il faut donc, par des réglementations, changer les déterminants qui ne sont pas de la responsabilité des individus mais de notre société (offre alimentaire ou d’activité physique, pression de la publicité, coût des aliments, transparence sur la qualité nutritionnelle des aliments etc.), pour créer des environnements favorables à l’équilibre nutritionnel et ce, pour toutes les catégories de la population.

L’autorégulation et le volontariat ont montré leurs limites, particulièrement quand des enjeux économiques importants interviennent.

S. A. : Comment mettre en oeuvre cette stratégie ?

S. H. : Au coeur du dispositif se trouve la définition de la qualité nutritionnelle des aliments car tous ne se valent pas. Elle pourrait prendre la forme d’un score notant la teneur de plusieurs éléments – sel, sucre, gras, calories, fibres.

Et ce score va servir à plusieurs choses. Premièrement, donner une information simple, sur la face avant de l’emballage des produits, grâce à un dégradé de couleur: du vert au rouge, comme pour les équipements électroménagers.

Plutôt que d’avoir les étiquettes actuelles sur la composition, illisibles, le logo de couleur, attribué en fonction du score, permettra au consommateur de voir si un aliment est plus ou moins favorable à l’équilibre nutritionnel, et ce d’un seul regard. Et donc de comparer. Non pas les chips et les légumes, tout le monde connaît la différence, mais entre deux paquets de céréales, deux pizzas ou deux desserts lactés.

Voilà un système simple donnant une bonne vision de la qualité nutritionnelle des produits, chacun décidant ensuite de son acte d’achat. Il est utilisé en Grande-Bretagne par de grands réseaux de distribution, sur la base du volontariat. En outre, le score pourrait être un outil pour réguler la pression marketing : il s’agirait de définir un seuil au-delà duquel la publicité des produits serait interdite sur les médias, aux heures de grande écoute des enfants. Cette mesure n’interdit pas les produits en question mais la promotion de leur consommation. Elle inciterait les industriels de l’agroalimentaire à améliorer leur offre pour pouvoir communiquer.

S. A. : Comment favoriser l’accès à des aliments de bonne qualité nutritionnelle, souvent plus onéreux, notamment pour les catégories sociales défavorisées ?

S. H. : L’idée serait d’instaurer un système de taxation-subvention proportionnel, là aussi basé sur le score des aliments. Moins ces derniers présentent de qualité nutritionnelle, plus ils seraient taxés. Mais il faut contrebalancer cette mesure par une alternative pour que les consommateurs les plus pauvres ne soient pas pénalisés : les produits aux apports nutritionnels favorables bénéficieraient de subventions, qui pourraient d’ailleurs provenir des ressources de la taxe; ils seraient ainsi moins chers et plus accessibles à tous. C’est un cercle doublement vertueux qui amènera aussi les entreprises agroalimentaires à réduire les teneurs en gras, sel et sucre, comme l’ont fait celles qui se sont engagées via la charte, car elles y auront intérêt économiquement.

S. A. : Des pays ont-ils déjà expérimenté la taxation et certains n’ont-ils pas fait machine arrière ?

S. H. : Ce principe existe déjà, y compris en France, avec la taxe sur les sodas qui a fait reculer le marché de 4 %, alors qu’il était en croissance de 2 % par an, tandis que la consommation des eaux en bouteille progressait.

Certes, le Danemark avait mis en place une taxation, avant de revenir en arrière un an plus tard, mais il faut relativiser cet échec. La taxe, forfaitaire, ne concernait que les produits contenant des acides gras saturés.

Deux arguments ont motivé cet abandon: d’une part, les industriels devaient fournir des données certifiées et, selon eux, le dosage sur tous leurs produits coûtait trop cher; d’autre part, les Danois allaient s’approvisionner dans les pays limitrophes. Cette taxe a été abandonnée pour des raisons économiques qui ne pèsent pas de la même façon en France aujourd’hui : le risque transfrontalier dans un pays aussi vaste que le nôtre paraît limité; et il n’y aura pas de surcoût puisqu’un règlement de la Commission européenne va obliger les entreprises à afficher sur les étiquettes de leurs produits le dosage de certains nutriments – dont ceux que nous prenons en compte pour le score dans nos propositions – à partir de 2016.

Les industriels voient ce projet de taxation comme une contrainte mais elle peut être aussi une voie à l’innovation et favoriser les exportations, avec des produits combinant plaisir et santé. Car l’accès à des aliments de bonne qualité nutritionnelle est devenu un enjeu international.

S. A. : Quel accueil ont reçu vos propositions et avez-vous bon espoir qu’elles soient adoptées ?

S. H. : L’intérêt a été manifeste, de la part du ministère de la Santé mais aussi des professionnels puisque les sociétés savantes en santé publique, en pédiatrie, en nutrition ainsi que des associations de consommateurs ont soutenu ce projet et ont même lancé une grande pétition citoyenne pour soutenir la mesure (www.sfsp.fr). Néanmoins, et on peut le comprendre, un certain nombre d’acteurs économiques ont déclaré publiquement leur opposition.

Nous attendons maintenant un affichage politique fort de l’ensemble des ministères concernés : la Santé, bien sûr, mais aussi l’Agriculture, la Consommation, l’Économie et les Finances. L’obésité, le diabète, l’hypertension, les pathologies cardio-vasculaires et les cancers ont un coût humain, social et économique très important. Il faut que tous soient engagés dans la réflexion pour réduire les risques de ces maladies. Et la nutrition est un moyen simple de diminuer leur fréquence. Prendre des mesures radicales est une nécessité, au niveau individuel et collectif, pour les citoyens et notre système de santé.

Pour en savoir plus

Hercberg S. Propositions pour un nouvel élan de la politique nutritionnelle française de santé publique dans le cadre de la stratégie nationale de santé. 1re partie: mesures concernant la prévention nutritionnelle [Rapport à la ministre de la Santé]. Paris: La Documentation française, 2013: 128 p. En ligne sur le site de la Documentation française.

Article publié initialement dans ‘La Santé en action’ n°430, décembre 2014 et reproduit avec son aimable autorisation.

En Belgique, d’après la récente enquête de santé par interview de l’Institut de santé publique, réalisée en 2013, 14% des adultes de plus de 18 ans sont obèses, pour 12% en 2001 (note de la rédaction d’Éducation Santé).

Une éloge de la résistance

Le 30 Déc 20

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En préambule aux 8e rencontres Renaudot à Paris, ‘Construire ensemble: un défi pour vivre mieux’, l’asbl Sacopar (Santé Communauté Participation) a convié une petite trentaine de personnes à une rencontre-débat sur le thème de ‘L’organisation communautaire au Québec aujourd’hui: un retour en arrière de plusieurs décennies? Quelles leçons en tirer?’

Cela s’est passé dans les locaux de Forest Quartiers Santé, un lieu particulièrement bien choisi pour discuter de ce sujet avec l’invité de Sacopar, Pierre Laurence. Cet expert en démarches communautaires et en développement local a longuement travaillé pour la ville de Montréal. Il est actuellement professeur associé à l’Université du Québec à Montréal et chargé de cours à l’Université du Québec en Outaouais, à Gatineau.

En introduisant l’orateur, Martine Bantuelle (Sacopar) posait d’emblée LA question: la promotion de la santé peut-elle être autre chose qu’une forme de résistance vis-à-vis d’un système de santé qui feint de la considérer comme essentielle tout en l’ignorant superbement?

Pierre Laurence nous expliqua ensuite son parcours, ses engagements, sur un ton très doux contrastant avec la violence de ses propos, stigmatisant les dégâts énormes des politiques d’austérité que doivent subir les populations des deux côtés de l’Atlantique.

Il nous narra comment il a pu réussir des mobilisations locales d’habitants de quartiers défavorisés sans aucun esprit militant au départ; il nous expliqua comment les professionnels qui ont l’humilité d’aller vers les gens plutôt que de les faire venir à eux, au risque de perdre leur ‘sécurité’, mettent un maximum d’atouts dans leur jeu; il fustigea les compressions budgétaires que connaît le secteur social au Québec et le caractère pernicieux des financements publics en partenariat avec des fondations privées, ces dernières imposant souvent leurs priorités aux porteurs de projets.

Les leviers de la lutte contre la pauvreté se réduisant comme peau de chagrin, la mobilisation citoyenne s’impose pour réagir face à une situation d’une grande brutalité et à l’insignifiance d’une opposition politique progressiste.

Il ne fallait pas beaucoup d’imagination aux participants pour se retrouver dans les propos de Pierre Laurence et témoigner à leur tour de leurs difficultés (qui vont jusqu’aux licenciements, ici comme là-bas).

Pour tempérer la morosité ambiante, l’invité du jour mit en évidence la richesse du secteur associatif, force alternative qui peut changer les choses. Il se plut à souligner l’importance du volontariat, notamment de travailleurs forcés d’accepter des contrats à temps partiel et désireux d’offrir leur temps pour de nobles causes: par exemple, la gestion de l’espace public en bien commun, ou plus couleur locale, la sauvegarde des bélugas, les baleines blanches du Saint-Laurent menacées par un projet pharaonique de port pétrolier…

Comme pour boucler la boucle, Martine Bantuelle termina la matinée en se félicitant de la qualité et de la variété des enseignements en santé communautaire et en déplorant dans le même temps l’inadéquation de ces qualifications en regard du nombre et de la fragilité des emplois disponibles.

Le droit à l’alimentation pour tous

Le 30 Déc 20

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Constats et paradoxes

On produit plus de nourriture qu’il n’en faut pour nourrir la planète pourtant, près de 1 milliard de personnes souffrent de la faim. En Belgique, 230 000 personnes ont recours, chaque jour, à l’aide alimentaire pour s’en sortir au quotidien.

On gaspille chaque année 1/3 de la production alimentaire mondiale, de quoi nourrir plus de la moitié de l’humanité.

La malbouffe côtoie les famines: les multinationales de l’agro-alimentaire ont favorisé l’apparition de maladies liées à des alimentations trop grasses et trop sucrées chez nous mais aussi dans les pays les plus pauvres.

80 % des personnes souffrant de malnutrition sont des paysans et des pêcheurs du Sud.

En Belgique, les agriculteurs ne parviennent plus à vivre de leur activité. Dans notre pays, 6.000 emplois ont été perdus ces 10 dernières années dans le secteur agricole et le nombre d’exploitations familiales ne cesse de diminuer au profit de l’agro-industrie.

Il ne faut pas baisser les bras pour autant car la bataille contre la famine a déjà porté ses fruits: le nombre de personnes souffrant de la faim a reculé de 100 millions depuis 10 ans (rapport FAO-FIDA et PAM).

S’indigner ne suffit pas, la Belgique peut agir via une stratégie globale et transversale. Ecolo souhaite que le gouvernement se dote d’un plan national pour le droit à l’alimentation et a déposé une proposition de loi dans ce sens.

Si la Belgique a signé différents traités internationaux garantissant le droit à l’alimentation, aucune loi ne garantit une réponse globale et cohérente à ce problème. Pour répondre à cette situation, le groupe Ecolo-Groen a déposé une proposition de loi instaurant l’obligation d’une mise en œuvre effective du droit à l’alimentation par la Belgique.

Pourquoi faire?

  • Soutenir des systèmes alimentaires durables.
  • Préciser les obligations de l’État en matière d’aide alimentaire.
  • Renforcer la qualité nutritionnelle de l’alimentation fournie au consommateur en Belgique.
  • Lutter contre le gaspillage alimentaire.
  • Renforcer le droit à l’information du consommateur sur l’alimentation.

Comment faire?

  • Garantir des revenus supérieurs au seuil de pauvreté.
  • Imposer des contraintes suffisantes aux productions agro-alimentaires pour une alimentation saine et équilibrée.
  • Concrétiser des politiques transversales d’éducation-formation-sensibilisation à une alimentation équilibrée.
  • Soutenir la production locale et sa distribution.
  • Garantir un financement suffisant pour les programmes d’aide alimentaire, adopter des politiques commerciales, internationales et de coopération qui préservent la production alimentaire dans les pays du Sud.

Pour rappel, le droit à l’alimentation est un droit humain fondamental reconnu et consacré dans plusieurs textes internationaux, notamment la Déclaration universelle des droits de l’Homme et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels. Il s’impose comme une obligation contraignante pour les États qui, comme la Belgique, ont signé et ratifié ces textes internationaux.

Pour garantir ce droit, le Rapporteur spécial des Nations-Unies pour le droit à l’alimentation, le Belge Olivier De Schutter, recommande spécifiquement l’adoption de lois-cadre et de stratégies nationales pluriannuelles et multisectorielles, dotées de financements suffisants et impliquant tous les secteurs et ministères concernés.

Mobilisation citoyenne

Le 30 Déc 20

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La Ligue des Usagers des Services de Santé (LUSS) défend un système social solidaire, basé sur des valeurs démocratiques, avec une sécurité sociale forte, au service de tous les citoyens.

Allongement de la durée de carrière, saut d’index, exclusion du chômage, réduction des budgets dans plusieurs secteurs… Les mesures prises et annoncées par le gouvernement fédéral concernent de près la vie des citoyens, des usagers, des patients. Droits sociaux, pensions et santé sont intimement liés. En ces moments de tension sociale et de doutes, la LUSS veut elle aussi alerter sur les conséquences négatives qu’auront ces mesures pour le citoyen. Par la suite, elle restera vigilante à l’égard des actions mises en place par les politiques publiques, quel que soit le niveau de pouvoir.

La LUSS s’inquiète de la pression exercée sur des personnes déjà fragilisées. Sur les dizaines de milliers de personnes exclues du chômage dès ce mois de janvier 2015, la majorité sera composée de femmes seules avec enfants ou de personnes isolées. Cette mesure renforcera la précarité dans laquelle ces personnes se trouvent déjà. Là où l’on veut diminuer les chiffres du chômage, ce sont les budgets des communes via les Centres publics d’action sociale qui exploseront. Les CPAS éprouvent déjà des difficultés à prendre en charge et informer leurs bénéficiaires. Que se passera-t-il en janvier? Ces mesures vont générer pour les citoyens, déjà affaiblis, des difficultés supplémentaires à faire valoir leurs droits. Et ceci n’est qu’un exemple.

Dans le domaine de la santé, la LUSS s’inquiète particulièrement de la tendance à la sur-responsabilisation des patients, avec les conséquences négatives qui en découlent : stigmatisation quant à des comportements estimés ‘mauvais’, normalisation des patients quant aux bonnes pratiques vis-à-vis de leur maladie et conséquences financières pour le patient qui ne suivrait pas les ‘règles’.

Nous nous inquiétons des dérives qui risquent de se produire par mesure d’économie et de rationalisation. Par exemple, face à l’annonce faite de la promotion de l’auto-soin et l’auto-gestion de sa santé, s’agira-t-il d’inciter les personnes à se soigner elles-mêmes pour faire des économies ? Selon la LUSS, le patient peut agir sur sa santé, mais uniquement si les moyens lui en sont donnés et si les services publics sont adéquats et renforcés. Nous pouvons comprendre que les deniers publics peuvent être mieux utilisés mais pas n’importe comment et pas au détriment de la qualité de vie de citoyens.

Nous ne voulons pas que le patient porte à lui seul le poids et la responsabilité de sa maladie, de ses ennuis de santé alors que ceux-ci sont souvent liés au niveau de vie, à l’emploi, à l’éducation, à l’environnement… secteurs qui ne relèvent pas uniquement de la responsabilité individuelle.

Enfin, la LUSS craint l’affaiblissement des valeurs démocratiques qui unissent notre pays. Les représentants politiques se doivent d’œuvrer pour le bien commun et de veiller à l’intérêt général. Nous ne voulons pas d’un Etat qui réduise l’accès aux soins de santé des citoyens en fonction de leur langue, de leur origine ou de leur statut social !

La LUSS défend ces valeurs démocratiques depuis de nombreuses années. Elle a fêté ses 15 ans le 29 novembre 2014 et a lancé, à cette occasion, une mobilisation et une invitation à agir en tant qu’association de patients, en tant qu’usager pour un système de santé de qualité et accessible à tous. Une occasion de revenir, en présence de personnalités politiques, sur les débuts de la LUSS, ses fondements, les motivations qui la portent avec pour moteur les valeurs de solidarité, d’équité, d’accès à un système de santé pour tous, de citoyenneté. Valeurs qui aujourd’hui semblent être remises en question, ce qui a amené la LUSS à défendre, ce jour là et pour l’avenir, la vision et la philosophie suivante : «Les usagers au pouvoir : créons un demain solidaire».

Face à la situation sociale et politique actuelle, les membres du conseil d’administration de la Ligue des Usagers des Services de Santé souhaitent positionner les associations de patients en acteurs démocratiques, vigilants, attentifs à la qualité de vie, au respect et à la tolérance vis-à-vis de tous les usagers. La LUSS veut intervenir dans le débat public dans un esprit de dialogue et attend un signal fort et des actions claires de la part des autorités pour, ensemble, trouver des solutions pour un demain solidaire.

Ligue des Usagers des Services de Santé, LUSS asbl, Avenue Sergent Vrithoff 123, 5000 Namur. Tél. : 081 74 44 28. Courriel : luss@luss.be. Site internet.

France : Une campagne controversée de communication sur le tabac

Le 30 Déc 20

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France : Une campagne controversée de communication sur le tabac

Le programme national de réduction du tabagisme (PNRT)

«En France, 13 millions d’adultes fument quotidiennement. Et la situation s’aggrave. Le nombre de fumeurs augmente, surtout chez les jeunes. Nous ne pouvons plus nous résigner à ce que le tabac tue 73000 personnes chaque année dans notre pays, soit l’équivalent d’un crash d’avion de ligne par jour, avec 200 passagers à bord! Nous ne pouvons plus accepter ce fléau qui tue vingt fois plus que les accidents de la route, alors même qu’il est évitable.»

Marisol Touraine, la Ministre des Affaires sociales, de la Santé et des Droits des femmes a présenté fin septembre 2014 un ambitieux plan d’actions coordonnées contre le tabac. Les objectifs en sont très ambitieux: diminution de 10% du nombre de fumeurs dans 5 ans; moins de 20% de fumeurs en France dans 10 ans; les enfants qui naissent aujourd’hui doivent être la première génération de non-fumeurs dans 20 ans.

Le programme s’articule selon trois axes prioritaires et dix mesures phares:

Axe 1 – Protéger les jeunes et éviter l’entrée dans le tabagisme

  • Adopter les paquets de cigarette neutres pour les rendre moins attractifs
  • Interdire de fumer en voiture en présence d’enfants de moins de 12 ans
  • Rendre non-fumeurs les espaces publics de jeux pour enfants
  • Encadrer la publicité pour les cigarettes électroniquesNote bas de page et interdire le vapotage dans certains lieux publics

Axe 2 – Aider les fumeurs à arrêter

  • Diffuser massivement une campagne d’information choc (voir ci-dessous)
  • Impliquer davantage les médecins traitants dans la lutte contre le tabagisme
  • Améliorer le remboursement du sevrage tabagique

Axe 3 – Agir sur l’économie du tabac

  • Créer un fond dédié aux actions de lutte contre le tabagisme (prévention, sevrage, information)
  • Renforcer la transparence sur les activités de lobbying de l’industrie du tabac
  • Renforcer la lutte contre le commerce illicite du tabac

La nouvelle campagne de prévention de l’INPES

La ministre annonçait une campagne choc, nous n’avons pas été déçus.Cette réalisation de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) rappelle que le tabac tue un consommateur sur deux au moyen de deux spots massivement diffusés cet automne (télévision, radio, internet) et jouant ouvertement la carte de l’émotion. Dans l’un, une mère vraisemblablement décédée depuis peu s’adresse à ses enfants («Je voulais vous dire une dernière fois que je vous aime et que votre maman sera toujours près de vous»), dans l’autre un homme tout aussi mort témoigne de son amour pour sa veuve. Les voix off sont illustrées par des plans sombres d’un hôpital particulièrement lugubre.Le message renvoie aussi au dispositif d’aide au sevrage ‘Tabac Infor Service’ (téléphone et internet).

Mobilisation de professionnels

Très rapidement, un certain nombre de professionnels de la santé publique et de la promotion de la santé se sont élevés contre cette campagne, en exigeant son arrêt immédiat. Leur rejet de l’initiative de la ministre et de l’INPES s’appuie sur un solide argumentaire, dont voici quelques extraits.

«Cette campagne de prévention utilise des ressorts émotionnels, essentiellement négatifs, comme la peur et la culpabilité que peuvent ressentir indifféremment l’ensemble des spectateurs et auditeurs, fumeurs, non-fumeurs, malades, non-malades, hommes, femmes, adultes, enfants…

Si l’utilisation de la peur en prévention n’est pas neuve et ressort d’un long compagnonnageNote bas de page, il convient pourtant de vivement réagir face à cette campagne. Elle constitue en effet le dernier avatar d’une utilisation massive et imposée des émotions négatives au sein des stratégies de communication en santé, inspirée du marketing, et ayant pour objectif de convaincre les individus de modifier leurs comportements.

Le refus catégorique de ces stratégies utilisant la peur, la menace, la culpabilité est étayé par les travaux théoriques de chercheurs en sciences sociales, par les pratiques et l’expérience des professionnels du domaine de l’éducation pour la santé, de même que sur une réflexion philosophique sur le ‘vivre ensemble’.

On note que l’INPES lui-même, dans le cadre des réflexions qui présidaient à son dixième anniversaire, fustigeait ce type de communication. Au cours de cet événement, l’institut a rappelé que l’objectif des campagnes est de signifier l’engagement des pouvoirs publics et travailler sur les compétences psychosociales.

Leurs méthodes reposent entre autres sur les valeurs suivantes:

  • respecter le choix de chacun;
  • ne pas inquiéter, pour éviter le rejet du message;
  • ne pas stigmatiser (notamment les comportements individuels à risque), ne pas marginaliser, ne pas culpabiliser;
  • ne pas imposer une norme sociale, par exemple en opposant des ‘bons’ et des ‘mauvais’ comportements;
  • ne pas informer sur les risques sans proposer des solutions (moyens de prévention);
  • inciter à la réflexion, à la remise en question, pour amener les destinataires du message à construire une réflexion qui leur est propre et respecter leur autonomie, leurs croyances et leur responsabilité.

L’INPES, sous une pression qui reste à déterminer, contredit ses propres principes de communication pourtant étayés par de longues décennies d’études.

Plus précisément, quatre arguments invalident et s’opposent à cette campagne médiatique sur le tabagisme.

Dans une société utilisant massivement la mise en scène émotionnelle et le ton compassionnel du traitement de l’information dans les médias, quels que soient les sujets traités (guerre, emploi, souffrance sociale, immigration, etc.) nous pensons que ce type de spot médiatique participe d’un climat délétère renforçant le repli sur soi et le brouillage des enjeux réels (ici en termes de santé) et la culpabilisation des individus, fumeurs ou non. L’usage des émotions négatives, à ce point mises en scène, s’inscrit dans une logique de contrôle social que nous n’acceptons pas, de même qu’il renforce cette injonction paradoxale permanente incitant à toujours plus de rationalité dans les actes, alors que l’émotion domine massivement l’espace médiatique et politique.

L’objectif annoncé est incohérent: il est, selon la présentation du spot faite sur le site internet de l’INPES, de «déclencher une émotion auprès du spectateur et […] favoriser la prise de conscience et la mobilisation de tous». Or l’émotion brute suscitée ne peut inciter à la réflexion critique, seule gage de prise de conscience. Comment réfléchir lorsqu’on est pris à la gorge tant par les sons que par les images? De même, la «mobilisation de tous» requiert le réel débat citoyen et le partage d’enjeux communs au sein de la société. Mais ni le débat démocratique, ni la mobilisation collective ne peuvent avoir lieu sous le coup de l’émotion, mais bien au contraire dans l’échange de points de vue, dans des prises de paroles contradictoires et argumentées et des communautés d’intérêt. Loin de nier l’affect, il s’agit bien au contraire de le prendre en compte et de le faire vivre comme inhérent à la condition humaine, sans en faire le primat de toute action.

Ce recours à l’émotion brute, sans l’avoir anticipée et sans pouvoir y échapper, contredit fondamentalement les fondements de l’éducation pour la santé et de la promotion de la santé: le pari de l’intelligence collective, la confiance dans la capacité de tout un chacun à penser, réfléchir et poser des choix de vie faisant sens dans son parcours de vie et de santé, l’intérêt des dynamiques collectives comme espace et temps de construction des individus.

A contrario, les registres émotionnels et compassionnels ne participent assurément pas à autonomiser «les gens». Qui s’est jamais senti «libre de penser» et «libre d’agir» alors qu’une vive émotion lui était imposée, ou qu’il était plongé dans l’angoisse?

L’éthique même des pratiques des professionnels travaillant à la promotion de la santé, mais aussi le principe hippocratique ‘Primum non nocere’ (‘D’abord, ne pas nuire’), sont particulièrement mis à mal dans ce spot.

Enfin, en regard de ses effets pervers, l’utilisation sadique de la peur en prévention n’a aucune justification sur le plan de l’efficacité. Les revues scientifiques en sciences humaines, sociales et politiques regorgent de papiers argumentant de façon solide l’inefficacité de ces approches et ce, depuis des décenniesNote bas de page:

  • la dissonance cognitive provoquée par ces messages, le caractère impensable, inconcevable des situations évoquées, suscitent la mise en place de mécanismes de rejet, non pas du comportement incriminé, mais du message tout entier, et de son émetteur perçu comme un persécuteur;
  • plus les récepteurs du message sont en situation de vulnérabilité (économique, relationnelle, affective), plus ces menaces sont génératrices de souffrance, et moins ils sont en mesure d’y faire face, faute de ressources humaines et matérielles;
  • la peur court-circuite toute mentalisation préalable à l’action, sidère les personnes et les paralyse. Cela s’avère particulièrement vrai lorsqu’il s’agit de dissuader des gestes ne comportant aucun danger à court terme mais procurant à leurs auteurs un plaisir immédiat. Le comportement tabagique, qui répond à cette description, est donc particulièrement peu accessible à la peur.

C’est pourquoi nous affirmons que les stratégies utilisées dans cette campagne médiatique, relevant de stratégies de communication les plus éculées, délétères, non-éthiques, non-efficaces, contredisent ce que nous défendons dans des pratiques professionnelles étayées sur le plan théorique: le renforcement de l’autonomie des personnes dans des dynamiques collectives en faveur de leur santé. Ce en quoi, par ailleurs, mais de la manière la plus vive, nous nous opposons de même fondamentalement aux intérêts de l’industrie du tabac.»

L’INPES a réagi en disant que le Collectif se trompe de cible et qu’il devrait concentrer son énergie au combat contre l’ennemi commun, l’industrie du tabac.

Parmi les 25 membres du Collectif, deux compatriotes, Chantal Vandoorne (APES-ULg et Présidente du Conseil supérieur de promotion de la santé) et Patrick Trefois (Question Santé). Nous leur avons demandé pourquoi il se sont joints à cette démarche visant à ‘censurer’ la campagne ‘Le tabac tue un fumeur sur deux’.

Tout en adhérant à l’argumentaire développé par le collectif, la première souligne que son rejet de la campagne est d’abord d’ordre éthique: «Je ne peux m’empêcher de penser à l’impact dévastateur que pourrait avoir ce spot sur les enfants qui ont un parent fumeur ou un parent malade, impact d’autant plus dévastateur que les sentiments provoqués par ces messages risquent de rester dans l’implicite.»

Quant au second, il se fait presque lyrique en témoignant de son indignation.

«Je considère que le recours à la peur est illégitime. Aucune preuve scientifique de l’efficacité de tels messages n’existe. Et comme médecin, et c’est je pense valable pour tout professionnel de la santé, l’éthique dit ‘primum non nocere’.

Or le pouvoir nuisible de tels messages est probable. Instrumentaliser la peur, c’est jouer avec un sentiment négatif qui pousse plutôt les personnes à se recroqueviller qu’à s’ouvrir et réfléchir, qui éveille des réflexes primitifs. Où sont le développement des aptitudes, le respect et la participation tant invoqués par la promotion de la santé?

Sans parler des dégâts collatéraux vis-à-vis des personnes ayant vécu ou vivant de tels drames humains. Mais c’est le prix à payer dans toute guerre, disent les gens qui ont le pouvoir. Cela me dérange que des professionnels de la santé prennent ce type de pouvoir: c’est condescendant. Non, décidément, ce n’est pas une, mais plusieurs raisons qui m’ont incité à signer cette pétition.»

Et en Belgique francophone?

Une campagne aussi ‘musclée’ est–elle envisageable chez nous? Peut-être pas. Il faut savoir que pour passer gratuitement à l’antenne en Fédération Wallonie-Bruxelles, les messages de promotion de la santé doivent être validés par une commission d’avis indépendante des opérateurs et du pouvoir exécutif, dont un critère d’appréciation essentiel est d’ordre éthique. Peu probable qu’une création jouant de façon aussi explicite sur la peur franchisse le cap…

D’ailleurs, la dernière campagne ‘tabac’ diffusée gratuitement sur les ondes francophones belges en 2014 porte sur la ligne Tabacstop de la Fondation Contre le Cancer. Le spot, visible sur le site de Question Santé, adapté d’une création californienne en dessin animé est axé sur l’aide que peut apporter le soutien téléphonique au sevrage tabagique. On est donc à des années-lumière du ton dramatique de la campagne française.

Cela dit, en 2012, une campagne ‘attitudes saines’ de la Ministre de la santé francophone de l’époque, qui ridiculisait les jeunes obèses de façon humoristique outrancière, très ‘second degré’, avait suscité un tel tollé qu’elle a été stoppée prématurément…

Entre 1 et 2 millions de personnes utiliseraient quotidiennement la cigarette électronique en France, où elle est nettement mieux implantée que chez nous.

RUITER R.A., KESSELS L.T., PETERS G.J. & KOK G. (2014) Sixty years of fear appeal research: current state of the evidence. International Journal of Psychology, 49, 2, 63-70.

La peur en prévention’, Coordination par Patrick Trefois, Question de santé, numéro spécial, 2003.

Les écoles renferment le terreau des inégalités de santé

Le 30 Déc 20

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Les écoles renferment le terreau des inégalités de santé

Le projet SILNE, Smoking Inequalities

Introduction

Le tabagisme est responsable d’environ un décès sur cinq dans les pays développés. Il affecte également la qualité de vie, en augmentant le nombre d’années de vie avec incapacité (13% de toutes les incapacités) [1]. Le tabac reste donc encore et toujours une problématique importante de santé publique : près d’un quart de la population belge fume [2]. D’autant plus qu’un individu devient rarement fumeur à sa majorité : c’est à l’adolescence (entre 13 et 18 ans) qu’ont lieu les premiers contacts avec la cigarette.

De plus, en Belgique, 14% des élèves du secondaire fument tous les jours [3] et sont déjà dépendants. La littérature scientifique a montré que les relations sociales à l’adolescence jouent un rôle dans la transmission de comportements de santé dont le tabagisme [4]. Les adolescents passant le plus clair de leur temps à l’école, une part importante de leur socialisation amicale se déroule dans le milieu scolaire. Ce qui fait du contexte scolaire un terrain idéal pour étudier l’effet de la socialisation par les pairs sur les comportements de santé.

Le projet européen SILNE vise à comprendre comment les liens sociaux entre les adolescents scolarisés affectent ces comportements. À terme, l’objectif est d’aider les écoles à jouer un rôle dans la prévention du tabac chez les jeunes scolarisés. Dans cet article, nous présentons brièvement cette recherche et ses résultats concernant le tabac. Cet article est aussi l’occasion de restituer partiellement les résultats de l’enquête à la Communauté éducative et aux écoles qui ont participé à la recherche.

En quoi consiste SILNE ?

SILNE teste l’hypothèse que le tabagisme est un comportement social : les adolescents fumeurs se regrouperaient entre eux de même que les adolescents non-fumeurs. Ce comportement social (appelé ‘effet de pairs’ dans la littérature) peut s’expliquer par la pression des pairs, par l’influence des normes du groupe et par le bénéfice retiré de la pratique d’un comportement en groupe plutôt que seul [5].

De plus, la littérature suggère que le risque de commencer à fumer est directement proportionnel au pourcentage de fumeurs dans l’école [6]. Il est donc important de comparer les écoles entre elles. À cette fin, SILNE utilise les outils d’analyse des réseaux sociaux visant à décrire les relations sociales au sein des écoles (liens d’amitié et de coopération) ainsi que les comportements liés à la santé.

En Belgique, cette enquête a été réalisée en 2013 par des chercheurs de l’Institut de Recherche en Santé et Société (IRSS) de l’UCL.Dans six villes d’Europe (Namur-Belgique, Tampere-Finlande, Hanover-Allemagne, Latina-Italie, Amersfoort-Pays-Bas, Coimbra-Portugal), 11 015 élèves de troisième et quatrième secondaire (moyenne d’âge de 15.2 ans) ont participé à l’enquête dans 50 écoles, sur un total de 13 870 étudiants répertoriés, soit un taux de participation de 79%.

Ces dernières ont été classées en fonction du statut socio-économique de leur public (écoles accueillant des élèves moins favorisés comparées à celles qui accueillent des élèves plus favorisés).

Quelques mots concernant la méthode : dans chaque école, les relations sociales des élèves du deuxième degré de l’enseignement secondaire ont été représentées sous forme d’un graphique, qui reconstitue le réseau social de ces derniers. Tous les élèves des classes concernées ont été sollicités pour remplir un questionnaire à propos de leurs relations sociales (qui sont mes amis proches au sein de mon école ?) et de leurs comportements de santé (tabac, alcool, cannabis, activités sportives…).

Résultats SILNE à Namur

Si le tabagisme reste une problématique européenne importante, avec en moyenne 20% de jeunes fumeurs réguliers (définis comme fumant minimum une à deux cigarettes par semaine), Namur se distingue avec une prévalence de 24% de fumeurs réguliers. En outre, ce pourcentage varie fortement d’une école à l’autre : 30% (ou plus) de fumeurs réguliers dans trois écoles (écoles 18, 10, 78)Note bas de page, 21 % de fumeurs réguliers dans deux écoles (4 et 17), et près de 15% dans les deux dernières écoles (5 et 21). Notons que ce pourcentage varie aussi selon le public des écoles : les écoles à public plus favorisé sont moins confrontées à ce problème que les autres. Cette différence s’observe également au niveau européen (voir tableau 1).

Depuis le décret de la Communauté française de mai 2006 [6], fumer dans l’enceinte de l’école est strictement interdit. L’étude SILNE montre cependant que le respect des règles en la matière est faible et très variable entre les écoles (voir figure 1).

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En effet, seuls les élèves de l’école 5 (15% de fumeurs réguliers) déclarent en majorité (62%) que les règles en matière de tabac sont strictement respectées. À l’inverse, dans l’école 18 (33% de fumeurs réguliers), seuls 13% des élèves disent que les règles sont strictement respectées. C’est aussi dans cette école 18 que le plus d’élèves (61%) déclarent voir d’autres élèves fumer dans l’enceinte de l’école, contre seulement 4% dans l’école 5. Ces disparités concernent également les enseignants : 56% des élèves de l’école 18 disent voir fumer le corps enseignantNote bas de page contre 4% dans l’école 5. Les règles concernant le tabac ne sont donc pas appliquées de la même manière d’une école à l’autre. Certes, il est sans doute plus difficile pour une école de faire respecter les règles lorsque la prévalence de fumeurs dépendants est élevée.

Le respect de la réglementation est un facteur explicatif parmi d’autres, à côté du tabagisme des pairs et des parents. D’une manière générale, les élèves ont tendance à surestimer le pourcentage de fumeurs dans leur école. Cette surestimation nous amène à porter notre attention sur les relations d’amitié des adolescents.

SILNE montre que la probabilité qu’un élève fume augmente si ses amis fument et si les amis de ses amis fument. En moyenne, 34% des élèves namurois (fumeurs et non-fumeurs confondus) ont un meilleur ami fumeur.

Dans toutes les écoles, le nombre de meilleurs amis fumeurs était toujours plus élevé que le pourcentage de fumeurs réguliers dans l’école. Cela montre que les fumeurs occupent une place centrale dans les réseaux sociaux. La figure 2 illustre ce phénomène pour l’école 18. Cette école qui rassemble les trois filières (mais accueille plus d’élèves de l’enseignement technique et professionnel) est composée de 62% de filles avec une moyenne d’âge de 16 ans pour la troisième et quatrième secondaire.

En important, dans le logiciel UCINETNote bas de page, la base de données de l’enquête reprenant les attributs des élèves et les personnes citées par les élèves de l’école enquêtée, nous pouvons créer des matrices carrées qui correspondent chacune à différentes relations étudiées. Grâce à ce logiciel, nous pouvons notamment établir le graphe des relations sociales (réseau) des individus en tenant compte de certains de leurs attributs (sexe, comportement de santé, popularité…) et enfin calculer un certain nombre de dimensions de ce réseau (densité, centralité, réciprocité, homophilie ou hétérophilie) à l’aide de ces graphes et des calculs matriciels. La figure 2, dessinée sur NetDraw (Ucinet), représente les relations d’amitié entre les individus de l’école 18 ainsi que leurs principaux attributs (sexe, popularité et fumeur ou non).

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Dans les questionnaires distribués par les chercheurs, il a été demandé aux élèves de citer leurs cinq amis proches dans l’école. Chaque point du graphe correspond à un élève. Lorsqu’un élève en cite un autre, un trait est tracé entre ceux-ci. Les traits sont orientés, les flèches indiquent le sens du lien d’amitié. Un lien d’amitié entre deux élèves est réciproque quand ceux-ci se citent mutuellement. Plus un élève a été cité par les autres, et plus la forme qui le représente sera grande.

Comme on peut le voir sur ce graphique, les fumeurs réguliers ont tendance à être moins isolés que les non-fumeurs. De plus, les deux élèves les plus populaires de l’école sont deux fumeurs réguliers. Le graphique montre un effet de regroupement (clustering) des élèves qui présentent un comportement tabagique similaire. En effet, les fumeurs ont tendance à se citer entre eux.

Ce graphique montre la place centrale occupée par les fumeurs dans ce réseau et l’influence qu’un groupe d’amis partageant le même comportement peut avoir sur l’adoption et le maintien d’un comportement (tabagisme par exemple) chez un adolescent.

Conclusion : inégalités et tabagisme

La problématique du tabagisme ne semble plus être en tête de l’agenda des écoles. Celles-ci se justifient en soulignant la priorité d’autres problématiques telles que le cannabis et l’alcool [7]. Pourtant, SILNE a montré que le nombre de jeunes fumeurs à l’école reste élevé, relevant par là toute l’actualité de la problématique du tabac. De plus, les écoles peuvent jouer un rôle important dans la lutte anti-tabac. Sans doute le rôle du corps enseignant dans ce domaine doit-il être questionné : est-il possible d’appliquer une réglementation si elle n’est pas soutenue par les enseignants [8] ?

Comme nous l’avons constaté, la réglementation semble peu appliquée et l’est de manière variable entre les écoles. De plus, les écoles où il y avait le plus de fumeurs réguliers étaient aussi celles où les règlementations tabagiques étaient les moins connues et les moins respectées. Renforcer la connaissance et l’application des règles anti-tabac pourrait être une piste pour prévenir le tabagisme. En effet, la réglementation portant sur le tabac est un instrument efficace de santé publique permettant de réduire la prévalence du tabagisme [9, 10]. Une première mesure assez simple pourrait être d’augmenter la présence de signes visibles, rappelant l’interdiction de fumer dans les écoles.

Ensuite, les relations sociales contribuent à diffuser le tabagisme parmi les élèves d’une même école. En effet, un élève dans une école où il y a plus de fumeurs a plus de risques de commencer à fumer parce qu’il est plus exposé à ce comportement [6].

Les amis présents dans le réseau social d’un adolescent peuvent influencer les choix de celui-ci en ce qui concerne l’adoption ou le maintien d’un comportement lié à la santé. Si le réseau permet de diffuser des comportements comme le tabagisme, il peut aussi servir de support aux campagnes de prévention. Ainsi, des campagnes de prévention peuvent être menées directement par les élèves. On peut alors y impliquer des non-fumeurs et des ex-fumeurs, surtout s’ils sont populaires.

La prévention par les pairs peut être efficace comme l’a montré le programme ASSIST réalisé au Pays de Galles [11]. Pendant dix semaines, les élèves populaires de certaines écoles ont fait de la prévention contre le tabac. Ceux-ci ont engagé des conversations informelles avec les autres élèves sur les risques du tabagisme et les avantages d’être non-fumeur. L’année d’après, la prévalence du tabagisme avait diminué dans ces écoles. Le respect de la réglementation et les effets de pairs sont des facteurs explicatifs parmi d’autres. Cependant, une stratégie de prévention efficace pourrait impliquer les parents. Les associations de parents (UFAPEC, FAPEO) peuvent, par exemple, participer activement aux projets favorisant des lieux sans tabac.

Enfin, le but de SILNE est d’étudier les inégalités de santé, qui pourraient en partie avoir pour origine les relations sociales au sein de contextes scolaires bien particuliers. De fait, les groupes sociaux moins favorisés fument plus, commencent plus tôt à fumer et ont plus de difficulté à arrêter. Cela a un impact considérable sur les inégalités de santé entre classes sociales. Le tabagisme est responsable de près de la moitié des décès dans la classe sociale la moins favorisée [6]. Or, comme nous l’avons vu dans nos résultats, ces disparités sont visibles dès l’adolescence et se reflètent dans les écoles, les écoles moins favorisées comptant davantage de fumeurs. Les écoles renferment donc le terreau dans lequel les inégalités sociales de santé s’enracinent. Étant donné que le projet SILNE s’intéresse à d’autres problématiques que le tabagisme en milieu scolaire, l’équipe belge reviendra vers vous pour prolonger la discussion sur la propagation des comportements liés à la santé (alcool, cannabis) en milieu scolaire.

Bibliographie

[1] MURRAY CJ, LOPEZ AD. , 1997, Global mortality, disability, and the contribution of risk factors: Global Burden of Disease Study. Lancet, 349: 1436-1442.

[2] https://s9xjb.wiv-isp.be/SASStoredProcess/guest?_program=/HISIA/SP/selectmod&module=tobacco, consulté le 22/10/14.

[3] FAVRESSE D., DE SMET P., 2008, Tabac, alcool, drogues et multimédias chez les jeunes en Communauté française de Belgique. Résultats de l’enquête HBSC 2006, Service d’Information, Promotion Education Santé (SIPES), ESP-ULB, Bruxelles.

[4] KOBUS, K., 1998, Peers and adolescent smoking, Addiction (supl1): 37-55.

[5] DIMAGGIO, P., GARIP, F., 2012, Network Effects and Social Inequality, Annual Review of Sociology, 38: 93-118

[6] LORANT V., LAC HONG NGUYEN., PRIGNOT J., février 2008, Pourquoi les populations défavorisées fument-elles plus et que faire en Communauté française de Belgique?, Revue Éducation Santé, 231.

[7] Décret de la Communauté française du 5 mai 2006 relatif à la prévention du tabagisme dans les écoles et l’interdiction de fumer à l’école (2010). Moniteur belge, 21 juin, p. 31468.

[8] ROBERT P.-O . ABOU NASSIF M.-R., AKHECHAA R., DENIS C., GODEAU A., GOUDIABY L E, GYSEN J., LOURADOUR G., MOURAUX H.LORANT V., juin 2014, Application de la législation anti-tabac au sein de l’enseignement secondaire de la Région Bruxelles-Capitale: une analyse d’implantation, Revue Éducation Santé, 301: 7-15.

[9] CHALOUPKA, F.J., STRAIF, K. & LEON, M.E. (2011). Effectiveness of tax and price policies in tobacco control. Tobacco Control, 20, 235-238.

[10] HOPKINS, D.P, BRISS, P.A., RICARD, C.J., HUSTEN, C.G., CARANDE-KULIS, V.G., FIELDING, J.E. et al. (2001). Reviews of evidence regarding interventions to reduce tobacco.

[11] https://www.wales.nhs.uk/sitesplus/888/page/43855, consulté le 30/10/14.

Voir figure 1: ‘Règle anti-tabac dans votre école’.

La question ne précisant pas si les professeurs ont été vus en train de fumer dans l’école ou non.

Borgatti, S.P., Everett, M.G. and Freeman, L.L. 2002. UCINET for Windows: Software for Social Network Analysis. Harvard, MA: Analytic Technologies.

Vie & VIH aujourd’hui : expo

Le 30 Déc 20

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Vie & VIH aujourd

La Journée mondiale de lutte contre le sida du 1er décembre permet chaque année de faire le point sur la maladie, son incidence, les avancées en matière de dépistage, les progrès thérapeutiques. C’est aussi l’occasion de dénoncer les discriminations dont les personnes porteuses du VIH sont encore et toujours victimes et de marteler un indispensable message de solidarité.

Les avancées thérapeutiques en matière de traitement de l’infection par le VIH ont été importantes ces dernières années. Le sida est à présent considéré comme une maladie chronique, avec laquelle on peut vivre longtemps si on suit correctement le traitement. Certes, ces traitements sont plus faciles à suivre (pilule unique) et mieux supportés qu’auparavant, mais ils n’en sont pas moins toujours assortis d’effets secondaires. De plus, s’ils parviennent à contrôler le virus, ils ne vont pas jusqu’à la guérison et l’état inflammatoire suscité par la présence du VIH favorise le développement de nombreuses autres pathologies.

La séropositivité reste donc difficile à vivre physiquement. À cela s’ajoutent les difficultés d’ordre affectif, social et psychologique: dépression, manque d’estime de soi, auto-exclusion, rejet par des proches ou collègues, discriminations dans la vie professionnelle et dans la vie sociale, avec, pour corollaire, l’isolement et la peur de dire sa séropositivité, de parler de sa maladie.

Il est tout aussi capital de continuer à se protéger et c’est pourquoi, à côté de la lutte contre la discrimination, la prévention reste un axe d’action prioritaire de la Plate-forme prévention sida.

Cette prévention passe par l’information et la sensibilisation du grand public et des groupes à risque. Surtout, elle implique l’intensification des dépistages pour faire baisser le pourcentage de dépistages tardifs. Actuellement près de 4 dépistages sur 10 sont tardifs, ce qui augmente considérablement le risque de nouvelles transmissions du VIH. Il importe donc de changer l’image de la séropositivité, mais aussi de renforcer l’offre de dépistages, notamment l’offre de dépistages anonymes et gratuits.

Pourquoi la prévention reste-t-elle une priorité?

Parce que chaque jour, en Belgique comme dans le monde entier, le VIH se transmet à de nouvelles personnes. Malgré les progrès enregistrés par la lutte contre le sida au niveau mondial, le nombre de contaminations se situe toujours à un niveau élevé. En 2013, 35 millions de personnes vivaient avec le VIH dans le monde. La même année, 2,1 millions de personnes ont été infectées par le VIH et 1,5 million de personnes sont décédées de maladies liées au sida. Même si le nombre de nouvelles infections est en régression, ces chiffres restent évidemment impressionnants.

En Belgique aussi la situation reste préoccupante. En 2013, 1115 nouvelles infections ont été diagnostiquées. On observe également une forte augmentation du nombre d’infections sexuellement transmissibles (IST), ce qui traduit clairement un relâchement des comportements de prévention. En clair, même si l’on parle beaucoup moins du sida aujourd’hui, le risque n’a pas pour autant diminué.

L’exposition ‘Vie & VIH aujourd’hui’

Marie, Jan, Alic, Carine, Carlotta, Jean-Christophe, et les autres… pour témoigner du VIH/sida, pour nous inciter à la réflexion, à la prévention, à la solidarité…

L’exposition est composée d’une part de photos présentant des portraits très ‘nature’, en couleur, accompagnés d’un extrait du témoignage. Ces photos ont été réalisées par Sylvie Dessault (voir encadré).

D’autre part, elle propose des petits films d’environ deux minutes qui présentent ces témoignages en ‘live’: les gens pourront les regarder sur le site de la Plate-forme et, s’ils le désirent, les partager sur les réseaux sociaux. Les coups de gueule, les craintes, ce qu’on a sur le coeur, ce qu’on a envie de dire concernant le VIH/sida. Il suffit de quelques mots pour participer à cette grande communauté. Chacun peut filmer son témoignage – sur smartphone par exemple – et le poster sur www.preventionsida.org.

Pourquoi cette exposition? Parce que le sida se transmet non seulement par le virus VIH, mais aussi par le silence, l’indifférence, l’ignorance, les préjugés et les tabous. Pour lutter contre les idées fausses et les discriminations. Et enfin parce que, malgré les progrès en matière de traitements et de stratégies de prévention, le sida est toujours là. Il continue à se faufiler dans la vie des femmes et des hommes jusque dans leur intimité. Il contamine chaque jour de nouvelles personnes.

Qui sont ces témoins et de quoi parlent-ils? Les témoignages présentés émanent de personnes très diverses: des hommes, des femmes, des jeunes et des moins jeunes. Les uns ont été contaminés par le VIH, les autres pas. Certains s’expriment à visage masqué car ils n’osent affronter le regard des autres. Face à la caméra, ils parlent de leur vie, des traitements, des risques qu’ils prennent ou pas, de la nécessité de se protéger et de s’informer, mais aussi d’amour et d’espoir.

Sylvie Dessault, la photographe de l’exposition ‘Vie & VIH aujourd’hui’

Diplômée de l’École de la Cambre, Sylvie Dessault a travaillé dans des domaines très divers, tels que la publicité ou l’architecture, mais ce qui la passionne depuis toujours, c’est le ‘portrait’, qu’il s’agisse d’une personne ou d’un lieu.

La photographe de ‘Vie & VIH aujourd’hui’ n’en est pas à sa première collaboration avec la Plate-forme prévention sida. On lui doit déjà, notamment, dans le cadre des actions passées, de nombreux portraits de témoins et de personnalités participant aux campagnes.

«Ce que j’ai voulu faire ici, ce sont des portraits dans lesquels les gens peuvent se reconnaître, qui soient les plus naturels possible. Je ne les voulais ni ‘pathétiques’, ni esthétisants. C’est pour cela que j’ai fait le choix de la couleur, plus proche de la réalité que le portrait noir et blanc, qui a une connotation plus artistique et induit donc une certaine distance. ‘Vie & VIH aujourd’hui’ n’est pas une exposition d’art, mais une série de témoignages. L’essentiel, c’est de communiquer, de faire passer aux visiteurs les messages et réflexions de ces témoins.»

L’exposition a beaucoup circulé le mois dernier à Bruxelles et en Wallonie (il en existe une douzaine d’exemplaires), notamment dans les grandes gares bruxelloises de la SNCB, partenaire historique de la Journée mondiale de lutte contre le sida. Elle est disponible sur demande via le formulaire de contact sur www.preventionsida.org.

Les témoignages filmés peuvent être visionnés sur le site de la Plate-forme Prévention Sida

Cancer du col de l’utérus

Le 30 Déc 20

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À quand un dépistage généralisé ?

Début 2015, le dépistage par frottis du col de l’utérus reste le principal moyen de réduction de l’incidence des cancers invasifs du col de l’utérus. La vaccination contre les papillomavirus est un ajout dont l’efficacité sur les cancers est encore inconnue.

Les infections génitales à papillomavirus (HPV) sont fréquentes chez les adultes en période d’activité sexuelle. Certains papillomavirus sont à potentiel cancérogène élevé. Les lésions de haut grade du col de l’utérus (lésions précancéreuses) atteignent un pic de fréquence environ 10 ans après la première infection.

À partir de 2006, des vaccins contre des papillomavirus en cause dans la genèse de certains cancers du col de l’utérus sont arrivés sur le marché. Les autorités sanitaires disposaient de deux options non exclusives : organiser un dépistage du cancer du col avec une efficacité très probable et des effets indésirables acceptables, et vacciner les jeunes filles sans savoir avant plusieurs années si éviter des lésions précancéreuses aboutirait à éviter certains cancers.

Le dépistage organisé par frottis du col semblait l’option la moins coûteuse. La vaccination apparaissait comme un ajout susceptible d’optimiser la stratégie en réduisant le risque chez les femmes participant peu ou pas au dépistage. Les autorités de santé en France ont choisi cette option plus coûteuse (en Belgique aussi…). La vaccination a été financée largement et sans grands efforts pour vérifier son efficacité clinique en situation réelle, ni pour concentrer sa promotion sur des groupes davantage susceptibles d’en bénéficier.

Fin 2014, les données du vaccin chez les jeunes femmes avant leurs premières relations sexuelles sont en faveur d’une efficacité partielle vis-à-vis des lésions liées aux HPV contenus dans le vaccin, sans que l’on dispose de données en termes de cancers du col de l’utérus.

Début 2015, le dépistage du cancer du col de l’utérus n’est toujours pas organisé à l’échelle nationale en France, alors qu’il reste le principal outil de lutte contre les cancers invasifs du col.

Évaluation du dispositif École 21 : des pistes pour sa pérennisation

Le 30 Déc 20

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Évaluation du dispositif École 21: des pistes pour sa pérennisation

École 21 est un dispositif expérimenté à partir de 2008 dans le cadre du projet franco-belge Générations en santé, co-financé par le programme européen Interreg IV France-Wallonie-VlaanderenNote bas de page et les institutions locales (provinces en Belgique, agences régionales de santé et collectivités locales, en France).

Pendant les quatre années de cette expérimentation, une vingtaine d’établissements scolaires belges et français, du primaire et du secondaire, ont été accompagnés par les services de promotion de la santé des provinces (Hainaut, Namur, Luxembourg) et par les Ireps (Nord – Pas-de-calais, Picardie, Champagne-Ardennes) pour développer des projets associant les valeurs et les objectifs de la prmotion de la santé et ceux du développement durableNote bas de page.

Le bien-être est au cœur du dispositif. Il concerne autant l’amélioration du cadre de vie que des relations interpersonnelles entre élèves, ainsi qu’entre les élèves et les enseignants.

Le double ancrage d’École 21 a conduit à l’élaboration de projets variés dans les établissements pilotes. Par exemple, la création d’un jardin potager est un projet que l’on retrouve dans plusieurs établissements. En effet, sa mise en œuvre permet de prendre en compte simultanément des objectifs de promotion de la santé et de développement durable; la réalisation d’un tel projet dépendra fortement du contexte dans lequel l’établissement évolue.

L’évaluation proprement dite a débuté en 2012, soit à un an du terme du projet, par la création d’un groupe de travail composé d’opérateurs belges et françaisNote bas de page d’École 21 avec la participation de l’Inpes. L’enjeu de l’évaluation était d’identifier les éléments sur lesquels s’appuyer pour pérenniser le dispositif, voire le déployer au-delà de la zone d’expérimentation.

L’évaluation a été menée à partir de l’outil de catégorisation des résultats (OCR) de projets de promotion de la santé et de préventionNote bas de page et sur le modèle développé par NutbeamNote bas de page. Elle a pris pour objet les conditions d’implantation d’École 21 et non pas les actions mises en œuvre dans les établissements ou une mesure de leur impact sur la santé des élèves.

Sur le plan méthodologique, des données quantitatives et qualitatives ont été recueillies. Un questionnaire a également été envoyé à tous les établissements engagés dans le dispositif (13 retours sur 19). Vingt-deux entretiens semi-directifs ont été réalisés, tant auprès des opérateurs belges et français (n=9) qu’auprès d’établissements scolaires (n=13) de part et d’autre de la frontière. Enfin, une analyse documentaire a été réalisée à partir des comptes rendus des réunions des différents comités structurant le dispositif et des documents de cadrage initiaux décrivant le projet École 21.

L’évaluation a permis de mesurer les facteurs facilitant ou freinant de la mise en place d’École 21.

Une structuration nécessaire

L’inscription du dispositif École 21 dans un programme européen doté d’une enveloppe financière pluriannuelle au montant connu a largement contribué à sa promotion auprès des écoles et à son implantation. Cela a de surcroît favorisé la concertation entre les différentes parties prenantes tout en les légitimant dans leurs actions. Le financement accordé a porté sur la coordination des opérateurs français et belges (financement des réunions des différents comités structurant le dispositif) et l’accompagnement des établissements scolaires par les opérateurs.

Plusieurs comités de pilotage, de surveillance ou d’information avaient été imaginés lors de l’écriture du dispositif.

De tous ces comités, agissant au niveau transfrontalier, national ou local, l’évaluation révèle que deux d’entre eux se sont avérés opérant : le comité franco-belge et la plate-forme transfrontalière. Les comités français et belges, après avoir chacun été réunis une fois, ont été abandonnés car les points abordés dans chacun des comités étaient semblables et parce que la plupart de leurs participants se retrouvaient dans le comité franco-belge.

Ce dernier a fonctionné comme un comité de pilotage institutionnel pour le projet. Ce fut un lieu d’information, de valorisation et de visibilité des actions des écoles. C’est aussi au niveau transfrontalier que s’est effectué le repérage des écoles dans le dispositif. Au niveau de la région, ou de la province pour la Belgique, le dispositif École 21 prévoyait l’organisation d’un comité régional dont le rôle était de coordonner les actions menées à l’échelle du territoire académique, de permettre des échanges entre les établissements École 21, d’établir des liens avec les intervenants xtérieurs. L’évaluation a montré que ces comités ont été très peu réunis, tant du côté français que du côté belge, en raison de l’existence du comité franco-belge, jugé plus opérationnel. Cependant, dans l’hypothèse d’un déploiement du dispositif École 21, et en dehors du programme Interreg IV, la mise en place d’un comité régional garde a priori toute sa pertinence.

De façon complémentaire, la plate-forme transfrontalière, réunissant les seuls opérateurs, a assumé le rôle d’un comité par la supervision et la coordination des activités et en en permettant la réalisation. Elle a servi d’espace d’échange et de prise de décisions. Ce fut la colonne vertébrale du dispositif École 21.

C’est également au niveau européen qu’étaient prévues les modalités de communication du dispositif : un concours de logo a été organisé auprès des écoles engagées afin de créer une charte graphique École 21. Cette action a été perçue très positivement et a permis de créer une dynamique autour du projet dans les établissements. Cela a également contribué à rendre visible le dispositif et a favorisé le sentiment d’appartenance à un réseau d’écoles.

En revanche, le site Internet École 21 et la lettre électronique ont été finalement peu utilisés par les écoles et même les opérateurs. Souvent, les établissements ont créé leur propre rubrique École 21 sur leur site.

Un accompagnement incontournable par un tiers extérieur

L’évaluation montre que l’accompagnement des établissements a été le facteur clé de la mise en œuvre du dispositif et de sa réussite globale. La posture des opérateurs n’a pas été de «faire à la place de», mais bien d’être en appui à l’équipe projet École 21, lorsqu’il y en avait une, ou à tout le moins au référent École 21 de chacun des établissements. Il ne s’agissait pas pour les opérateurs de se substituer aux équipes internes des établissements, mais bien d’accompagner l’émergence d’une dynamique.

Cet accompagnement a d’abord consisté en la réalisation d’un état des lieux, première étape du dispositif, puis à la définition du plan d’action et, enfin, au suivi des actions. L’évaluation rapporte que les rencontres opérateurs/équipes des établissements se sont faites à la fréquence dune rencontre mensuelle à un échange tous les deux mois. Entre ces temps de rencontre, les contacts par mail et par téléphone étaient fréquents. Ce soutien a été unanimement apprécié par les équipes des établissements.

Le projet prévoyait un type de structuration et l’adoption d’une méthodologie permettant l’implantation du dispositif dans l’établissement et assurant la qualité des actions entreprises. Dans chaque établissement, une équipe École 21 a été identifiée. Dans la plupart des cas, le dispositif a été présenté en France au comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté (CESC), qui a pu tenir lieu de comité de pilotage local. En Belgique, le conseil de participation qui existe dans les écoles et qui peu ou prou joue le rôle du CESC n’a jamais été mobilisé et un groupe ad hoc a été constitué. Il ressort cependant qu’au-delà, l’implication du chef d’établissement est essentielle et incontournable pour légitimer le projet dans l’établissement. Mais si l’accord du chef d’établissement est indispensable, en ce qu’il permet d’impulser une dynamique, il est nécessaire qu’il puisse identifier des relais au sein de l’équipe éducative. Le dispositif initial prévoit que le chef d’établissement nomme un référent École 21 au sein de l’équipe éducative. Cela a été réalisé dans tous les établissements. L’évaluation montre que le référent assure la coordination de la mise en œuvre des actions ainsi que leur cohérence. Il peut également avoir un rôle d’intermédiaire entre les différentes parties prenantes du projet.

Le deuxième point sur lequel a porté l’évaluation concernait la mise en pratique des différentes étapes de la méthodologie de projet. Si la phase de diagnostic a été systématiquement réalisée dans tous les établissements, ce n’est pas le cas pour les autres étapes de la méthodologie de projet qui ont été plus ou moins mises en oeuvre. Enfin, tous les établissements ont participé aux deux journées de regroupement. Ces rassemblements ont été appréciés parce qu’au-delà de leur aspect convivial, ils ont été l’occasion de valoriser les actions mises en œuvre dans les établissements.

Moyens financiers trop limités

Dans sa configuration première, le projet prévoyait un financement des actions dans les établissements scolaires. La demande de financement par le Feder a dû cependant être revue à la baisse avant la validation définitive du projet. Ce financement a été supprimé, les opérateurs escomptant trouver des financements en région, ce qui ne fut pas réellement le cas partout. Les entretiens menés auprès des écoles ont donc légitimement pointé cette absence de financement accordé directement aux établissements.

Mais ce qui semble avoir été le plus pénalisant est l’impossibilité de financement de déplacements des établissements afin de pouvoir faire se rencontrer élèves et équipes École 21. Ce point a été signalé dans tous les entretiens. Or, tant les équipes des établissements que les opérateurs ont souligné combien ces échanges auraient pu conforter le sentiment d’appartenance à un dispositif et aurait permis de créer un ‘réseau’ d’établissements mus par une même dynamique. In fine, la poursuite du dispositif École 21 dans les écoles engagées est largement adossée à la possibilité de tels échanges.

Cependant, et pour compenser ce défaut d’échange, deux rassemblements de l’ensemble des écoles ont été organisés en 2011 et 2012. Ces deux journées, qui en plus de permettre un échange de pratiques et une valorisation des actions entreprises par les établissements, ont été remarquées par les participants pour leur convivialité et leur ouverture.

En conclusion, École 21 est un dispositif très largement apprécié par les équipes des établissements qui l’ont expérimenté. La plupart d’entre elles souhaitent poursuivre la dynamique initiée bien que les financements européens se terminent. L’implantation d’un dispositif de ce type repose sur plusieurs éléments clés, tels que l’adhésion du chef d’établissement et la nomination d’un référent École 21 au sein de l’établissement ou aussi l’accompagnement méthodologique en particulier pour réaliser la phase diagnostic préalable à la mise en place des actions mais aussi pour le suivi des actions. Le cadre d’un financement pluriannuel assuré, s’étendant de la coordination aux actions dans les écoles, est un élément catalyseur.

Aujourd’hui, le dispositif École 21 poursuit son implantation. En transfrontalier, École 21 est l’un des axes du projet Thiérache santé prévention (Interreg IV). En Picardie, le dispositif est promu dans le cadre d’une convention signée entre le rectorat de l’académie d’Amiens, l’Agence régionale de santé et la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt.

Cette convention porte sur le déploiement d’actions en matière de nutrition. Or, la nutrition a été l’un des axes forts d’École 21, par la diffusion de messages portant sur la consommation de fruits et de légumes, la création de jardins potagers ou l’utilisation de circuits courts en matière d’achats alimentaires dans plusieurs établissements…

Une manière de faire vivre conjointement la promotion de la santé et le développement durable !

Article suscité par notre présence au Congrès ADELF-SFSP Santé publique et prévention, qui s’est déroulé du 17 au 19 octobre 2013 à Bordeaux. Voir le texte de Carole Feulien ‘Trois jours à Bordeaux, entre soleil et prévention…’, Éducation Santé n° 295, décembre 2013, p. 2 et 3.

Ce projet a été financé à 50 % par Interreg IV (Feder), et à 50 % par les collectivités locales et institutions régionales ou provinciales.

Pour plus détails, nous vous renvoyons aux articles de Denis Dangaix ‘École 21 un moyen pour sensibiliser les collectivités territoriales’, La Santé de l’Homme, janvier-février 2011, n°411, p. 43 et 44 et celui de Virginie Tintinger, Philippe Lorenzo et Sandrine Broussouloux ‘Promotion de la santé et développement durable dans les collèges en France et en Belgique’, La Santé en action, mars 2014, n°427, p. 38 et 39.

Pour la France, les Ireps de Champagne-Ardenne, Nord – Pas-de-Calais et Picardie, le rectorat de l’académie d’Amiens; pour la Belgique, les provinces de Hainaut, Luxembourg et Namur.

https://www.inpes.sante.fr/outils_methodo/categorisation/V6%20guide_fr.pdf

Nutbeam, Don (2000): Health literacy as a public health goal: a challenge for contemporary health education and communication strategies into the 21th century, in Health promotion international 15, 259-267.

Politique de santé: le citoyen a son mot à dire

Le 30 Déc 20

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Politique de santé: le citoyen a son mot à dire

En Belgique, c’est le ministre de la santé qui décide si un nouveau traitement sera remboursé ou non. Il/elle se base pour cela sur les avis des experts des commissions de l’Institut national d’assurance maladie-invalidité (INAMI). Ces avis reposent sur des preuves scientifiques mais aussi sur un arbitrage entre de nombreux autres critères. Idéalement, cet arbitrage devrait également tenir compte des préférences des citoyens, mais jusqu’à aujourd’hui, ces préférences n’ont jamais été étudiées de manière systématique.

Le KCE a tenté de les identifier en réalisant une enquête de population, avec un maximum de rigueur et d’objectivité. Il en ressort que le Belge accorde une grande importance à la qualité de vie en cas de maladie, par rapport à un allongement de la seule espérance de vie. Cette étude est destinée à aider les décideurs à établir une procédure plus transparente pour les guider dans leurs choix futurs.

L’INAMI conseille, le ministre décide

Il est parfois difficile d’accepter que tous les nouveaux médicaments et toutes les nouvelles technologies de santé ne soient pas immédiatement remboursés par l’assurance maladie. Nous savons tous que la réalité économique limite ces possibilités. Mais ce n’est jamais le seul facteur. D’autres critères entrent en ligne de compte dans les décisions de rembourser ou non un nouveau traitement, tels que sa sécurité d’utilisation, son efficacité, l’amélioration qu’il apporte à la qualité de vie ou à l’espérance de vie des personnes malades, etc.

En Belgique, ces décisions se prennent au terme d’un processus bien défini, au cours duquel des experts, réunis en commission à l’INAMI, consultent les résultats d’études scientifiques et délibèrent entre eux sur la valeur ajoutée du nouveau traitement pour les patients et la société. Ils rendent ensuite un avis au ministre, qui prend la décision finale et en endosse la responsabilité politique.

Une procédure complexe et des choix difficiles

Le KCE étudie depuis plusieurs années ce processus de décision, dans le but d’accroître sa transparence et sa légitimité au regard de la société. Il s’agit en effet d’un processus très complexe car les experts de l’INAMI doivent tenir compte de nombreux critères tels que ceux cités plus haut et, à chaque fois, réaliser entre eux des arbitrages délicats, étant donné que chaque nouveau traitement apporte des bénéfices différents.

Comment impliquer le citoyen dans ce processus de décision ?

Il est essentiel que l’équilibrage entre critères prenne en compte les préférences de la société et des citoyens qui la composent. Jusqu’à présent, ces préférences n’ont jamais été étudiées de manière systématique. Par conséquent, les décideurs politiques en sont souvent réduits à baser leurs choix sur ce qu’ils pensent être dans l’intérêt des gens.

Il est toutefois illusoire de vouloir inclure directement des citoyens dans ces débats: qui va les représenter ? De quelle manière va-t-on les sélectionner ? Il fallait donc trouver un moyen de faire valoir l’avis des citoyens d’une manière objective, c’est-à-dire en exerçant une influence identique sur chaque décision et sans laisser les émotions prendre le dessus.

L’opinion des citoyens pour pondérer les critères de décision

La solution que propose aujourd’hui le KCE n’est encore qu’une étape dans la réforme souhaitée du processus de décision global. Pour un certain nombre de critères sur lesquels s’appuient les experts de l’INAMI, le KCE a mesuré une pondération attribuée par les citoyens. Ces pondérations ont été établies par le biais d’une vaste enquête menée auprès d’un échantillon de 4500 personnes représentatives de la population belge pour l’âge et le genre. Le questionnaire qui leur a été soumis a été élaboré avec toutes les garanties de neutralité et de rigueur scientifique.

La qualité de vie est le critère le plus important

Cette enquête a permis de dégager les préférences des citoyens quant aux critères qui devraient peser le plus lourd dans la balance lorsque des choix de remboursement doivent être faits. Les chercheurs ont d’abord tenté de déterminer pour quel type de maladie les citoyens estiment que le besoin de nouveau traitement est le plus important.

Les participants ont donné la priorité aux maladies qui ont un impact important sur la qualité de vie, puis à celles dont le traitement existant occasionne beaucoup d’inconfort, et seulement ensuite à celles qui ont un impact négatif sur l’espérance de vie. En d’autres mots, les citoyens ont estimé que le besoin de nouveaux traitements est plus élevé en cas de maladie responsable d’une très mauvaise qualité de vie chez ceux qui en sont atteints mais qui ne cause pas leur décès, par comparaison avec une maladie qui n’altère pas beaucoup la qualité de vie mais qui la raccourcit.

D’autres questions portaient sur des critères tels que la fréquence ou la rareté d’une maladie, les coûts des traitements, ou la valeur ajoutée d’un nouveau traitement par rapport à un traitement existant. À noter que les citoyens font preuve d’un grand sens de l’économie puisqu’ils prennent en compte les coûts des traitements pour la société.

D’autres critères plus délicats, comme par exemple la question de savoir si les personnes qui fument, ne font pas de sport ou s’alimentant mal doivent supporter une plus grande part de leurs frais de santé, n’ont pas été analysés dans cette enquête. Ces aspects sont explorés en parallèle par la Fondation Roi Baudouin, avec des méthodes plus qualitatives.

Un soutien pour l’INAMI

À quoi va servir une telle étude? Le KCE propose à l’INAMI (qui était demandeur) d’utiliser les pondérations issues de ce travail d’enquête auprès des citoyens dans ses évaluations futures. D’après une loi récente, l’INAMI doit présenter au printemps prochain une liste de maladies pour lesquelles le besoin thérapeutique est le plus élevé. Le présent rapport pourrait apporter une aide pour cet exercice de réflexion.

Le rapport ne propose donc pas une formule magique. Son but n’est pas de remplacer le processus actuel de décision en matière de remboursement de soins de santé, mais d’y ajouter des informations sur l’importance relative que les citoyens accordent à certains avantages et inconvénients d’un nouveau traitement. Une manière de rendre les décisions politiques plus légitimes aux yeux des citoyens-payeurs.

Résumé du rapport en français

Fouilles policières anti-drogues dans les écoles: il est urgent… d’arrêter!

Le 30 Déc 20

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Fouilles policières anti-drogues dans les écoles: il est urgent… d’arrêter!

Les interventions policières anti-drogues dans les écoles ont tendance à se multiplier ces dernières années. Infor-Drogues et la Ligue des Droits de l’Homme viennent de publier une brochure à ce sujet.

Un premier élément qui étonne est l’ampleur du dispositif déployé (on parle souvent d’une vingtaine de policiers avec plusieurs chiens par intervention) par rapport aux quantités de substances découvertes: en moyenne 2,3 grammes (à 99 % du cannabis) par établissement scolaire!

À cet égard, les auteurs de la brochure relèvent que depuis plusieurs années les enquêtes de santé publique ne constatent pas d’augmentation de consommation de drogue parmi les jeunes scolarisés, mais plutôt un tassement.

D’un point de vue réglementaire, les directions d’école disposent de plusieurs circulaires ministérielles quant aux actions à entreprendre face à la consommation de drogue au sein des établissements scolaires. Aucune ne promeut le recours à la police et encore moins aux fouilles collectives. De plus, la Ligue des Droits de l’Homme et Infor-Drogues, s’appuyant sur une solide analyse juridique, précisent que les fouilles ou les reniflages canins doivent se baser, pour chaque élève visé, sur des indices sérieux de culpabilité. Une fouille ne peut donc pas être mise en oeuvre sur de simples présomptions et ne peut pas être justifiée a posteriori par une découverte de drogue.

Les deux associations insistent également sur les effets néfastes de telles opérations, car elles sapent la confiance nécessaire entre les élèves et l’école. Une école qui ne gère plus elle-même ses problèmes disciplinaires ne sera plus une référence pour ses élèves.

Enfin, le secteur prévention-drogues rappelle que la peur (des produits ou du policier) n’est pas une stratégie efficace, seule l’approche centrée sur l’élève et ses besoins porte des fruits. La question de l’appui à proposer aux écoles est importante et c’est tout un secteur qui se mobilise pour aider les écoles à mettre en place des alternatives. Il réfléchit d’ailleurs à l’organisation d’un vaste colloque participatif autour de cette thématique.

Joyeux anniversaires

Le 30 Déc 20

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Joyeux anniversaires

Il fallait marquer le coup, mesurer le chemin parcouru en 300 numéros d’Éducation santé et saluer l’énergie communicative de son rédacteur en chef tout juste entré dans sa septième dizaine.

Le 17 octobre dernier dans les locaux du FARES à Bruxelles, le petit monde de la promotion de la santé belge francophone est venu faire quelques pas de danse orientale et témoigner de son affection pour l’homme et la revue. Morceaux choisis.

Plongée sous les couvertures

Une série de feuilles verdâtres dactylographiées, voilà à quoi ressemblait le premier numéro d’Éducation Santé lancé en décembre 1978 par la Mutualité chrétienne. «Rendez-vous compte», souligne Christian De Bock, «c’était avant le premier ordinateur personnel et les débuts de l’informatique de bureau!»

On sourit en revenant brutalement 36 années en arrière et en déchiffrant le titre du premier article, d’une modernité criante, signé Christian De Bock : ‘Comment évaluer les messages d’éducation à la santé pendant leur élaboration?’.À tous, y compris celui qui est aujourd’hui rédacteur en chef de la revue, ce temps paraît loin. Très loin. Celui qui a vu naître la revue avant de la prendre sous son aile tenait à raconter son histoire à sa manière, en images et avec humour. Les couvertures défilent, témoins des évolutions de forme, de graphisme et de plumes de la revue mais aussi de ses liens privilégiés tissés au fil du temps avec les acteurs de la promotion de la santé en Belgique francophone et au-delà.

Les minutes passent et on se rend compte qu’une autre histoire se dessine, celle du secteur, de ses événements fondateurs et de ses soubressauts. Il y a cette une sur la reconnaissance structurelle dans le cadre de la première législation de la Communauté française en éducation pour la santé en 1988, celle qui annonce le décret sur la promotion de la santé en 1997 avec ce commentaire ‘Enfin un décret!’, le numéro 200 consacré à l’éthique en promotion de la santé…

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Les clins d’oeil aux collaborateurs d’hier et de demain se succèdent, assortis de marques d’une reconnaissance sincère envers chacun. Quand surgit la couverture de juillet 2010 (couverture du n° 258), Christian amusé explique combien il lui a été difficile d’obtenir l’autorisation de publier ce dessin extraordinaire d’Hergé puisé dans un de ses albums préférés de Tintin et combien il est fier d’y être parvenu avec l’appui du conférencier invité à la parution du 250e.

Le numéro 300 paru en mai 2014 dresse un état des lieux de la promotion santé en Fédération Wallonie-Bruxelles. Quelques mois plus tard, le voilà barré d’un rageur ‘Inventaire avant liquidation’ en écho au démantèlement programmé du secteur.

C’est fou tout ce qu’on peut dire avec des couvertures.

L’homme qui aimait sa femme, la bande dessinée, le cinéma…

Les deux anniversaires fêtés ce jour-là, le sien et celui de la revue, Christian avoue qu’il serait bien en peine de les dissocier tant sa vie professionnelle a abreuvé ses amitiés personnelles.

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Pour évoquer l’homme en toute objectivité, sa collaboratrice Carole Feulien a jugé bon de mener l’enquête auprès de ceux qui le fréquentent. Toute à sa rigueur professionnelle, elle s’est livrée à une analyse dans les règles de l’art des ‘représentations du Christian’. Des photos transmises sous couvert d’anonymat le montrent tour à tour bébé, enfant, jeune, chevelure brune, longue et bouclée, étudiant brillant, fin gastronome, mari attentionné, lève-très-tôt-même-le-week-end, amoureux de Paris, de culture et de bandes dessinées, séducteur, sériephile assumé (voyez la couverture du n° 259) et cinéphile confirmé (ou celle du 194). «Cultivé, en matière de cinéma, au point de trouver le titre d’un film à partir d’une vague indication de décennie, de quelques éléments du scénario… et du nom d’un acteur n’y jouant pas!», rapporte un enquêté.

Bavard, Christian? «Il est tellement bavard qu’il ne me laisse que rarement l’occasion de parler», confie la femme qui partage sa vie. «Même lorsque je commence, il m’interrompt pour continuer. Au fil des années, je pense avoir abandonné et je suis devenue une très bonne ‘écouteuse’. Le combat est trop inégal! »

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Au milieu de ce concert de louanges, Christian ne faiblit pas et savoure chacune de ces bouchées d’amitié. Il sait que dans un instant, il offrira lui aussi deux beaux cadeaux à la soixantaine de personnes venues fêter ses anniversaires. Le premier est une conférence d’ Isabelle Godin, chercheur et professeur à l’École de santé publique de l’Université Libre de Bruxelles, sur la place de la femme dans le monde de la santé. Où l’on apprend, entre autres choses, que l’aspect cyanosé des victimes du choléra a donné naissance à l’expression ‘avoir une peur bleue’.

Le second arrive en courant par le fond de la salle, un aérien tissu violet dans son sillage, sur un air de musique orientale. Pendant une trentaine de minutes, Fédra danse et plonge la salle dans l’univers des Mille et une nuits. Tandis qu’elle ondule avec grâce et générosité des pieds à la tête, on se dit que c’est aussi ça la santé: un corps qui fonctionne auquel on peut demander ce qu’on veut, un travail qu’on aime et qui nous le rend bien, des amitiés chaleureuses.

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Manage et La Louvière : lorsque médecins généralistes et acteurs sociaux se rencontrent

Le 30 Déc 20

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Genèse du projet

L’aventure débute le 5 décembre 2009. À cette date l’asbl Promo Santé et Médecine Générale (PSMG) organise un colloque ayant pour thème ‘Médecine générale, situations de précarité et interdisciplinarité’.De cet événement qui rassemble un peu plus de 70 personnes, parmi lesquelles 51 médecins généralistes, ressortent les constats suivants:

  • les médecins, par manque de connaissances, utilisent peu, voire pas du tout, les aides sociales locales;
  • individuellement, ils peuvent difficilement répondre aux situations complexes rencontrées notamment au sein des familles précarisées, l’état de santé de ces personnes étant de manière évidente influencée par un ensemble de facteurs qui ne sont pas du ressort de la seule médecine.

Pour faire face à ces situations, les médecins généralistes ont donc besoin de collaborer avec les acteurs sociaux locaux. Mais pour pouvoir faire appel à eux, il faut savoir qu’ils existent, ce qu’ils font et comment les contacter…

Sur base de ces constats, cinq médecins ont souhaité prendre l’initiative d’organiser une rencontre de professionnels s’intéressant à la santé des personnes en situation de précarité dans 7 communes de la Région du Centre dans le Hainaut.

Pour les aider dans cette démarche, ils font appel à l’asbl PSMG qui, de son côté, y voit une opportunité de développer un projet pilote au niveau local. Pour l’accompagner dans ce projet, l’asbl se tourne vers différentes associations: dans un premier temps, une collaboration se met en place avec l’Institut Cardijn, afin de ne pas s’enfermer dans le seul point de vue du médecin généraliste et pour garantir la prise en compte du point de vue du secteur social; dans un second temps, un partenariat se développe avec les CLPS de Mons-Soignies et de Charleroi-Thuin, qui apportent leur aide méthodologique et leur connaissance spécifique du tissu associatif local.

Constitution du groupe de travail

Le projet se concentre sur deux entités, La Louvière et Manage, choix justifié par le fait que les médecins porteurs du projet sont majoritairement issus de ces deux communes.

La première étape: établir la liste des acteurs locaux de ce territoire pouvant constituer le groupe de travail qui serait chargé de co-construire le projet.

Il est ainsi décidé de prendre contact avec les acteurs suivants:

  • des acteurs sociaux d’institutions actives sur le terrain: les CPAS des deux communes, les Plans de cohésion sociale, le Relais Santé de La Louvière, le projet communal Objectif Santé de Manage, les services sociaux des deux hôpitaux de la région (Jolimont et Tivoli);
  • des institutions de deuxième ligne: La Louvière Ville Santé, l’Observatoire de la Santé du Hainaut.

La plupart de ces institutions répondront présentes et le Réseau Local Multidisciplinaire du CentreNote bas de page viendra par ailleurs rejoindre rapidement ce groupe de travail. Cet acteur étant reconnu par les médecins généralistes, il allait être un atout de taille sur le terrain de la communication avec ces derniers.

Enfin, pour s’assurer de leur soutien et de la participation des institutions dont ils sont responsables (CPAS , Relais Santé de La Louvière Santé, Plans de Cohésion sociale), une lettre officielle est envoyée aux bourgmestres et échevins de la santé, signée par les médecins généralistes participant au groupe.

Apprendre à se connaître et définir les actions à mener

Les deux premières réunions donnent l’opportunité aux médecins généralistes et aux acteurs sociaux d’échanger, d’entendre les avis des uns et des autres sur la manière dont ils voient leur rôle social, de comprendre ce que l’ ‘un’ attend de ‘l’autre’.

Partant de cas concrets, les constats se confirment: il y une grande méconnaissance de ce qui existe mais également une mauvaise, voire une absence de communication entre les deux secteurs. Le problème est donc bien réel.

Une première piste d’action émerge alors de ce constat partagé: éditer un vade-mecum à destination des médecins généralistes comme préalable à une rencontre entre les acteurs sociaux et les médecins généralistes de la région. Ce vade-mecum se voudrait non exhaustif et se présenterait plutôt comme un recueil des associations/institutions clefs pouvant éventuellement orienter le public vers d’autres s’ils ne sont pas les plus aptes à pouvoir répondre à la demande.

La réalisation de ce travail a pris un peu moins d’un an, durée nécessaire pour identifier les institutions à référencer, définir la forme et la structure du vade-mecum, sélectionner les données qui seront publiées, etc.

Une fois le travail réalisé, la deuxième étape a été d’organiser un événement pour présenter le vade-mecum et pour réunir un maximum d’acteurs locaux. Cette soirée qui a eu lieu en octobre 2011, a permis à 22 médecins généralistes et 39 acteurs sociaux de se rencontrer.

La soirée a été construite autour de trois temps forts:

  • présentation en plénière du vade-mecum, de son contenu et de ses objectifs;
  • organisation de moments de rencontres pour permettre aux médecins généralistes et aux acteurs sociaux de se rencontrer et d’échanger sur leur vision de l’action à mener au bénéfice des personnes en situation de précarité. Ces moments de rencontre ont été organisés sous la forme de ‘speed dating’ structuré autour de stands thématiques: aide sociale générale, aide aux étrangers, assuétudes, aide à l’enfance et à la jeunesse, aide aux familles et aux seniors, handicaps, maltraitance, ‘sans-abrisme’, santé mentale et surendettement. Cette formule a permis, en un minimum de temps, de générer des temps de discussions entre un maximum de personnes

retour en plénière pour un échange d’avis sur le vade-mecum et son utilisation potentielle, ainsi que sur les perspectives de projets communs. De nombreuses idées ont ainsi été émises, à charge du groupe de partenaires d’en étudier la pertinence et la faisabilité. En voici quelques exemples: un référent, une personne, un numéro unique qui pourrait renseigner tous les services; un site interactif; l’animation de GlemsNote bas de page et DodécagroupesNote bas de page ; la concertation entre travailleurs sociaux et médecins généralistes; l’évaluation du vade-mecum.

Suite à cette rencontre et aux perspectives évoquées, le troisième projet porté par les partenaires, a été d’organiser des rencontres entre acteurs sociaux et médecins généralistes au sein des Glems locaux. Ces rencontres ont eu pour objet de continuer à diffuser le vade-mecum, notamment auprès de médecins qui n’étaient pas présents lors de la rencontre d’octobre 2011, mais également de continuer à créer des ponts entre ces deux types d’acteurs.

La méthode utilisée a été de partir d’analyses de cas concrets pour montrer l’intérêt de l’usage du vade-mecum, mais surtout pour permettre de créer et/ou renforcer les liens entre médecins généralistes et acteurs sociaux. Le bilan de ces soirées est très positif. La rencontre entre les deux mondes s’étend pour dépasser l’existence du groupe de travail. Les acteurs sociaux découvrent des médecins généralistes plus accessibles qu’il n’y paraît tandis que ces derniers engrangent des informations qui leur seront directement utiles dans leur travail.

Méthodologie et stratégies

L’élaboration de ce projet se donnant comme cadre celui de la promotion de la santé, les animateurs des réunions de travail (l’asbl PSMG, l’Institut Cardijn et les deux CLPS) ont privilégié une démarche participative, en favorisant l’implication des partenaires présents dans une démarche de co-construction et en favorisant un contexte de travail qui permet le partage des pouvoirs et des savoirs, la spécificité et les connaissances de chaque partenaire étant ainsi reconnues et valorisées à la même hauteur.

Concrètement, ce choix méthodologique se traduit sur le terrain de la manière suivante.

Prise de décision sur un mode démocratique. La préparation du vade-mecum, de la rencontre d’octobre 2011 et des animations pour les Glems ont ainsi été construites et négociées ensemble. Quelles institutions/associations allons-nous reprendre dans le vade-mecum? Quelle sera la porte d’entrée de lecture? Quelles informations y met-on? Où allons-nous réaliser la rencontre? Dans quel créneau horaire? Quelle place laisse-t-on aux autorités communales?

Autant de questions qui peuvent paraître anodines mais qui ne le sont pas lorsque deux mondes aussi différents se rencontrent. Cela a parfois pris du temps pour aboutir à des décisions mais ce temps a permis aux acteurs impliqués de se découvrir et de dépasser les contraintes spécifiques de chacun. Par exemple, les médecins, assez libres dans leur capacité à prendre des décisions ont été perplexes de découvrir que les acteurs sociaux devaient faire remonter les propositions du groupe à leurs instances décisionnelles afin d’avoir leur aval et de pouvoir continuer à s’investir dans le projet. De leur côté, les acteurs sociaux qui s’investissent et participent aux réunions dans un cadre professionnel ont découvert que lorsque les médecins sont présents, c’est de manière bénévole et qu’ils doivent organiser leur présence sans nuire au suivi de leur patientèle.

Gestion du temps de travail. En dehors des réunions, d’autres ‘temps’ doivent également être consacrés au projet: trouver les informations qui figureront dans le vade-mecum, visiter la salle de réunion, s’occuper de la logistique, prendre contact avec les associations/institutions à inviter pour la rencontre, contacter personnellement les médecins généralistes afin de les mobiliser. Les tâches sont ainsi réparties entre les différents acteurs en fonction de l’énergie et du temps qu’ils peuvent se permettre de consacrer au projet. Chacun est libre, rien n’est imposé.

Valorisation des ressources locales. Pour chaque démarche nécessaire à l’avancement du projet, les partenaires cherchent à identifier, stimuler et mobiliser les ressources locales, au sein ou en dehors du groupe de travail. C’est ainsi que l’un peut prendre en charge les frais liés à l’impression du vade-mecum, l’autre la mise à disposition de matériel pour les moments de rencontres, etc. C’est également ainsi que la sensibilisation par les pairs a été privilégiée, partant notamment du constat que les médecins sont les mieux placés pour encourager leurs confrères à participer aux moments de rencontre organisés.

Soutien à la dynamique de groupe. Afin de permettre aux partenaires de s’investir dans la réflexion et dans les actions liées au projet, l’ensemble des démarches spécifiques à la dynamique du groupe est prise en charge par les partenaires qui peuvent justifier ce travail dans le cadre de leurs missions.

Ainsi l’asbl PSMG et les CLPS prennent en charge la préparation et l’animation des réunions, la rédaction et la diffusion des comptes rendus, l’organisation de la répartition des tâches, etc.

Le temps du bilan

Une première évaluation est réalisée 18 mois après la soirée et concerne la pénétration et l’utilisation effective du vade-mecum par les médecins généralistes. Elle s’effectue dans deux groupes de médecins; sur 27 médecins, 26 le connaissent, et 21 le possèdent. Sur ceux-là, 8 l’ont utilisé plus d’une fois et 7 d’entre eux ont trouvé un interlocuteur adéquat. Ceux qui ne l’ont pas utilisé ont leurs propres réseaux, n’en ont pas eu besoin, n’y ont pas pensé ou ne savent plus où il est…

Nous avons retenu de ces résultats que le vade-mecum était parfaitement connu et qu’il était utile à ceux qui en avaient besoin. À chaque rencontre avec des groupes de médecins généralistes, nous continuons de le distribuer.

Les temps ne sont pas toujours faciles et les déceptions font aussi partie du projet (heureusement, pas trop souvent). Comment parfois en effet ne pas se décourager lorsque suite à une première rencontre positive entre une responsable du CPAS et un groupe de médecins locaux, une rencontre entre ces mêmes médecins et plusieurs acteurs sociaux du CPAS est organisée en soirée pour convenir à l’horaire des médecins… et que quatre d’entre eux seulement s’y inscrivent dont la moitié fait partie de notre groupe… Manque d’intérêt? Nous ne le pensons pas. Manque d’enthousiasme à passer une nouvelle soirée hors de chez soi et sur sollicitation sur un même sujet, sans doute.

Notre dernier moment clef au niveau de l’évaluation se déroule au bout de 3 ans de projet. Les accompagnateurs méthodologiques (PSMG et CLPS) ont l’impression que le groupe s’essouffle; les réunions sont de plus en plus espacées, et l’on souffre de l’absence chronique de certains… Il est temps de faire à nouveau le point. Les résultats de l’évaluation sont sans équivoque. Les membres du groupe veulent poursuivre la collaboration, moyennant certaines conditions:

  • travailler à des réalisations concrètes (des exemples de projets sont déjà évoqués: mise au point d’un carnet de communication entre intervenants sociaux et médecins généralistes, au bénéfice du bien-être du patient et de la qualité des interventions qui le concernent; organisation d’un nouvel événement autour d’une thématique qui intéresse les médecins généralistes et les acteurs sociaux; etc.);
  • continuer d’informer et de mobiliser les acteurs sociaux et les médecins généralistes en veillant à ne pas trop solliciter ces derniers.

Le projet continue donc, avec de nouvelles perspectives…

Les Réseaux Locaux Multidisciplinaires ont pour missions l’administration de soins basée sur une approche multidisciplinaire, une meilleure collaboration entre la première et la seconde ligne de soins, une meilleure répartition des tâches et des compétences de chaque intervenant et une gestion proactive et globale des maladies chroniques pour éviter ou en limiter les complications.

Groupes locaux d’évaluation médicale auxquels les médecins sont tenus par l’INAMI de participer au moins deux fois par an.

Groupes de médecins généralistes associés à la Société Scientifique de Médecine Générale, dont l’objectif est la formation continue.