S’ils sont parfois sollicités pour recueillir leurs avis dans le cadre de la campagne contre les perturbateurs endocriniens (lire notre article), les expert.es du vécu en matière de pauvreté et d’exclusion sociale exercent au sein des institutions.
« Un Expert du Vécu est une personne ayant connu la pauvreté ou l’exclusion sociale, qui est capable d’intégrer ces expériences de manière experte pour apporter un regard critique et constructif au sein d’une institution », explique Annick Delépine, coordinatrice pour le service EdV au sein du SPP-Intégration Sociale. Ce service créé grâce à des co-financements européens en 2004, se déploie progressivement depuis 20 ans.
Chaque expert est recruté et formé puis détaché au sein d’une organisation (au service social de mutuelles, d’hôpitaux) ou d’une administration (service des pensions par exemple). Ils sont actuellement 34 sur le territoire fédéral – 17 travaillent pour des services publics fédéraux et 17 pour l’accessibilité santé (financés par l’INAMI).
« Comme toutes les problématiques social-santé sont interconnectées, les EdV nous permettent d’avoir une approche holistique et de mettre de la santé dans toute la prise en charge des vulnérabilités », ajoute la coordinatrice.
Tout commence en 2004, peu après la fondation du SPP IS deux premiers experts du vécu sont engagés pour intégrer le point de vue des personnes concernées dans la gestion des politiques de lutte contre la pauvreté et l’intégration sociale. Le projet s’élargit grâce à un co-financement entre l’état fédéral et le fonds social européen. Progressivement le projet s’agrandit et mature pour atteindre 24 experts du vécu et trois coordinateurs. Tous travaillent pour une meilleure accessibilité des droits dans les services publics fédéraux. Le réseau se structure.
Lutter contre le non-recours
En 2015, le projet devient un service fédéral. La même année, l’INAMI décide de dupliquer la méthode, en finançant un projet qui permet d’engager 17 EdV et trois coordinateurs en vue d’améliorer l’accès aux soins pour les personnes précarisées. Au total, la Belgique compte désormais 34 experts appuyés par neuf coordinateurs.
Leur mission : lutter contre le non-recours (individuel) et le non-accès au soin (institutionnel), améliorer la littératie, les comportements de santé.
En première ligne, les EdV aident directement les personnes vivant en situation de pauvreté, en endossant deux rôles principaux : informer/être un intermédiaire entre le public cible et les services qui les accueillent ; orienter/accompagner, lorsqu’il s’agit d’accompagner le public cible pour les démarches administratives, tant au sein des services qu’en externe afin de garantir l’accrochage médical et la continuité des soins.
En deuxième ligne, sur base des difficultés ou obstacles d’accès aux soins observés dans le cadre de leurs interventions de première ligne, les EdV signalent les problèmes récurrents rencontrés par le public cible afin d’améliorer l’accessibilité de l’institution partenaire. « Au bout de quatre à six semaines d’observation, l’EdV fait un rapport d’étonnement sur les difficultés rencontrées par le public précarisé lorsqu’il entre en contact avec l’institution. Il est ensuite associé à la recherche de solutions d’accessibilité », précise Annick Delépine. Cela peut passer par des simplifications administratives, par l’amélioration d’outils de communication. Dans le cadre de cette mission, les EdV ont l’occasion de réfléchir de manière critique aux règles, procédures, routines, etc. au sein de l’organisation dans laquelle ils sont détachés.
Enfin, au niveau transversal, lorsque les freins observés par les EdV se situent en dehors du champ d’action de l’institution partenaire, ceux-ci sont transmis à l’équipe de coordination qui pourra proposer le développement d’actions, groupes de travail ou faire remonter la difficulté jusqu’aux décideurs politiques.
Ces implications ont une stabilité dans le temps et elles permettent de nouer des liens avec le terrain : CHW, facilitateurs en santé, acteurs de la promotion de la santé, témoins-experts de la pauvreté en Wallonie.
Au-delà, les EdV peuvent aussi être sollicités dans le cadre de projets ponctuels (par exemple auprès de l’Equity Health Lab dont nous vous avions parlé dans le numéro 405 d’Education Santé) via l’équipe de coordination du service, par exemple sous forme de groupe de travail comme dans le cadre de la campagne de sensibilisation contre les perturbateurs endocriniens.