Ce texte est adapté de la note ‘Avis d’initiative émanant du Groupe permanent de suivi de la Convention internationale des droits de l’enfant (GP CIDE) relatif à la transversalité des politiques publiques relatives aux enfants et aux jeunes’ référencée en fin d’article.
Les bénéfices escomptés
La transversalité est devenue un mot d’ordre gorgé de promesses. L’Observatoire de l’Enfance, la Jeunesse et l’Aide à la Jeunesse (OEJAJ) n’est d’ailleurs pas en reste en la matière, lui qui, déjà en 1999, était institué pour promouvoir une meilleure articulation entre les différentes politiques sectorielles qui visent les enfants et les jeunes. L’appel à la transversalité n’a cessé, depuis, de nourrir tous les discours.
C’est que les bénéfices escomptés de la transversalité sont nombreux et intuitivement évidents… surtout par les dommages que son absence induit: manque de cohérence, perte de temps et d’énergie dus à la multiplication d’initiatives et de politiques qui s’ignorent, redondances, effets contre-productifs, voire effets pervers.
Des politiques transversales sont donc censées limiter ou écarter ces dommages: en mutualisant les énergies, en visant la cohérence, en créant des effets multiplicateurs.
En impliquant des acteurs de secteurs différents, elle est également censée favoriser l’accès de chacun-e aux informations, aux outils et à la diversité des approches des uns et des autres.
D’un point de vue politique, elle permet parfois aussi de maintenir à l’agenda des thèmes peu visibles pour l’opinion publique.
Mais la transversalité trouve surtout sa raison d’être et sa plus-value en recentrant l’attention sur le bien-être et les droits de tous les enfants et de tous les jeunes, dans leur globalité et leurs différentes facettes, comme nous y incite la Convention internationale des Droits de l’Enfant (CIDE).
Les obstacles
Si la nécessité de politiques et d’actions transversales en faveur des enfants et des jeunes fait consensus, leur mise en œuvre concrète demeure cependant périlleuse.
Les obstacles à la collaboration se situent à trois niveaux:
- au niveau des autorités de tutelle, il est difficile de neutraliser les rapports de pouvoir existant entre les différents champs de compétences;
- au niveau des secteurs, les opérateurs institués veillent chacun à exercer leurs missions dans leur propre champ d’action et des difficultés peuvent être rencontrées au croisement des différentes prérogatives;
- au niveau des acteurs individuels, l’absence de culture et de références communes, de même que la méconnaissance de la réalité et des logiques d’action de l’autre, peuvent entraver la construction d’une politique transversale.
Ces constats ne sont pas insurmontables. Plusieurs exemples réussis montrent que le temps, la communication entre acteurs, l’information permettent de franchir les difficultés initiales inhérentes aux exercices de collaboration. Autrement dit, il faut pouvoir prendre en considération la culture, le vocabulaire, le contexte, les missions et les marges de manœuvre de chacun des acteurs, ce qui nécessite la mise en place de dispositifs où les différentes parties prenantes sont mises sur un pied d’égalité.
On constate également que les personnes qui ont connu un parcours professionnel transectoriel ou transdisciplinaire ont une approche positive de la transversalité et s’engagent plus facilement dans la coopération intersectorielle.
Les leviers de la transversalité
Plusieurs enseignements ont pu être tirés de ces exemples positifs et réussis: ils constituent autant de leviers pour mener des actions transversales et consolider les collaborations et les synergies entre acteurs.
On ne les reprendra pas tous ici mais on pointera plus particulièrement ceux qui concernent le plus directement les acteurs de terrain eux-mêmes:
La reconnaissance des identités propres des acteurs et de la diversité de leurs références et de leurs cultures est le terreau préalable à la construction d’une démarche transversale, les acteurs ne pouvant s’ouvrir aux autres et collaborer véritablement que si leurs qualités propres sont connues et reconnues. L’objectif est de co-construire un projet transversal tout en veillant à clarifier ensemble les missions de chacun dans son champ de compétences en lien avec celui des autres, d’articuler (distinguer et relier) les missions spécifiques et de faire émerger des points communs et des dynamiques transversales;Il est important que la participation des différents acteurs fasse sens pour chacun afin de les maintenir mobilisés. Les acteurs doivent pouvoir s’approprier la politique et les actions menées. Pour cela, la définition d’une stratégie globale claire et cohérente, de même que l’implication des décideurs politiques sont nécessaires;
La participation des bénéficiaires, à savoir les enfants et les jeunes, doit être prévue de manière à assurer la pertinence de la politique. Mais il faut des conditions particulières de temps, de formation, de langage, de clarté… pour impliquer les premiers intéressés (voir l’article ‘Qui a peur de la participation des enfants et des jeunes?’ dans ce numéro);
Les instances et les lieux de transversalité doivent être si possible pérennes et dynamiques. Pour y faciliter la participation des acteurs, il est indispensable de rendre leurs modalités organisationnelles lisibles, cohérentes, et harmonieuses. De plus, il est important de disposer d’un coordinateur clairement identifié pour piloter le processus de transversalité. Le rôle de correspondant est également essentiel pour assurer l’articulation entre l’organe transversal et les secteurs spécifiques;
La transversalité nécessite des outils appropriés. Les acteurs impliqués doivent être prêts à recourir à des méthodologies innovantes qui modifient éventuellement leurs logiques d’action. L’utilisation de référentiels communs peut être également d’une grande utilité (exemple : le référentiel de ‘soutien à la parentalité’ partagé par l’ONE, le DGDE et l’aide à la jeunesse);
Il est essentiel de promouvoir la transversalité à l’échelon opérationnel également. À ce titre, les protocoles de collaboration impliquant les acteurs de terrain constituent des initiatives à promouvoir. Ils favorisent la mise en relation des opérateurs, les incitent à prendre en considération la culture de l’autre et à formaliser concrètement les champs d’intervention de chacun (voir Collaborations et protocoles à l’adresse);
Les synergies en réseau entre secteurs sont également un vecteur de transversalité (ex.: séminaires sur la lutte contre la pauvreté mis en place par le Délégué général aux droits de l’enfant, l’ONE et la Direction générale de l’Aide à la Jeunesse; formations conjointes du personnel de l’ONE et de l’aide à la jeunesse en matière de prévention de la maltraitance).