Les données présentées ici constituent une sorte de puzzle. Chaque pièce contribue à donner une image de la situation en matière de drogues en Communauté française et certaines pièces du puzzle sont manquantes. L’image constituée n’est donc pas exacte. Nous pensons néanmoins, à la lecture de ces données, pouvoir dégager certaines tendances, sans trop nous tromper.
De manière globale, les trois produits les plus consommés actuellement sont le cannabis, l’ecstasy et la cocaïne. Nous analysons ci-dessous les tendances qui semblent se dessiner de manière plus particulière.
Les produits
Le cannabis
La consommation de cannabis a progressé au niveau de la population générale et au sein de la population scolarisée, pour atteindre un niveau de banalisation en fin des années 1990. Cette consommation a doublé entre 1996 et 2000 parmi les personnes participant à l’enquête C.A.T.I. Plus d’un tiers (38% – 42%) des personnes âgées de 18 ans ont déjà au moins expérimenté le cannabis. Cette consommation n’est pas limitée à un public marginal. Il n’existe pas à l’heure actuelle de données concernant les populations plus marginales. Dans la population générale adulte on constate en effet que plus le niveau d’éducation est élevé plus les personnes sont susceptibles d’avoir consommé du cannabis. Enfin, dans la population adulte, ce sont les plus jeunes (20-29 ans) qui ont le plus souvent consommé du cannabis.
En prison , le cannabis est la substance illégale la plus consommée, et rapportée dans les mêmes proportions (38%) pour les personnes détenues.
En parallèle à cette tendance d’augmentation de la consommation de cannabis, on a pu voir apparaître dans les centres de traitement une augmentation relative des demandes d’aide spécifiques , qui sont passées de 3% en 1993 à 13% des demandes en 2000. Ces demandes émanent principalement de personnes jeunes, âgées entre 15 et 25 ans.
Le cannabis est le premier produit par ordre de fréquence, dans les demandes reçues à la ligne téléphonique d’Infor-Drogues.
Les amphétamines et l’ecstasy
La consommation de produits stimulants , de type amphétamines et ecstasy, constitue le deuxième usage, en termes de prévalence, rapporté par les 17-18 ans en milieu scolaire. Environ un dixième de ces derniers ont déjà expérimenté au moins une fois ces produits. On a pu voir également qu’il s’agit de produits consommés par un grand nombre (25% – 30%) des jeunes rencontrés en milieu festif. Cette consommation est également sortie du cadre festif.
L’ecstasy est le deuxième produit par ordre de fréquence, dans les demandes reçues à la ligne téléphonique d’Infor-Drogues.
Cette consommation relativement importante ne s’est pas traduite par une augmentation des demandes de traitement enregistrées dans notre système. Ceci est peut-être lié aux caractéristiques des centres qui participent au système. En effet, les jeunes usagers de stimulants ne se reconnaissant pas sous l’étiquette de “ toxicomane ” n’ont pas tendance à adresser leurs demandes vers le secteur spécialisé, au contraire. Par ailleurs, pour une grande majorité, cette consommation ne pose pas de problème, ou n’est pas perçue comme pouvant en poser.
Dans les populations d’usagers de drogues rencontrés via les opérations boule-de-neige, environ un cinquième des consommateurs d’amphétamines déclare les consommer en injection.
Les champignons hallucinogènes et le LSD
Parmi les substances hallucinogènes, y compris l’ecstasy, on a pu voir que les champignons hallucinogènes sont relativement populaires parmi les jeunes. Que ce soit en milieu scolaire (9% des 17-18 ans) ou en milieu festif (env. 30%), cette consommation est relativement importante. Le LSD est moins populaire.
Si cette consommation n’a pas ou peu d’incidence sur les demandes de traitement, elle peut expliquer nombre de “ bad trips ” observés en milieu festif.
La cocaïne
La cocaïne est un produit assez fréquemment utilisé. Dans une enquête de population générale elle constituait le deuxième produit utilisé ou essayé (8%) après le cannabis. En milieu scolaire 3% des élèves de 17-18 ans ont déjà essayé la cocaïne.
La cocaïne est le troisième produit par ordre de fréquence, dans les demandes reçues à la ligne téléphonique d’Infor-Drogues.
Il semble y avoir une augmentation de consommation de cocaïne dans la fin des années 1990. Cette consommation a toujours un caractère festif (en témoignent les fortes prévalences parmi les personnes rencontrées en milieu festif : 15-30%), mais est également fréquente dans d’autres cadres principalement parmi les usagers de drogues des opérations boule-de-neige et consommateurs en injection. La chute importante de prix (et de qualité) peut expliquer ce phénomène.
Parmi les usagers de drogues rencontrés à travers les opérations boule-de-neige, on observe, entre 1996 et 1999 une augmentation de 54% à 69% de la consommation de cocaïne. Cette augmentation va de pair avec une consommation plus fréquente par voie intraveineuse.
Cette consommation a des répercussions sur les demandes de traitement: on observe que les demandes liées à des problèmes de consommation de cocaïne sont passées de 2 à 5% entre 1993 et 2000. Cette augmentation est surtout visible dans le secteur résidentiel. Cette augmentation est la plus importante en province de Liège.
Les benzodiazépines et médicaments psychotropes
La consommation de médicaments calmants et hypnotiques est rapportée de manière relativement importante dans la population scolaire, où en 1998, 5% des élèves de 17-18 ans rapportaient en avoir consommé.
Dans la population en milieu festif, des taux de consommation de benzodiazépines qui varient entre 5 et 9% sont rapportés.
Environ la moitié des consommateurs de drogues plus marginalisés, dont les consommateurs en injection, rencontrés à travers les opérations boule-de-neige rapportent consommer des benzodiazépines.
En prison , l’usage de benzodiazépines est rapporté par 13% des personnes détenues. Il s’agit du deuxième produit par ordre de fréquence , juste après le cannabis.
L’usage de tranquillisants, plus particulièrement de benzodiazépines, est bien ancré parmi les différents sous-groupes de population. La forte consommation de ces molécules dans la population générale et de manière légale, alliée aux manques de connaissances et de sensibilisation sur les risques spécifiques concourent probablement à cet usage.
L’héroïne
En milieu scolaire, ce sont 1-2% des élèves les plus âgés qui ont déjà consommé de l’héroïne.
En milieu festif, 8 à 10% des personnes rencontrées sont consommatrices d’héroïne.
Parmi les personnes détenues, 12% consomment de l’héroïne en prison. Il s’agit du troisième produit par ordre d’importance.
Parmi les usagers de drogues rencontrés à travers les opérations boule-de-neige, environ 70% déclarent consommer de l’héroïne.
Le poids relatif des demandes de traitement pour consommation d’héroïne est en diminution dans les enregistrements des demandes de traitement. Il reste cependant le produit invoqué le plus souvent. En 2001, elle était responsable d’environ la moitié de l’ensemble des demandes.
L’alcool
L’alcool est le produit rapporté par le plus grand nombre de personnes rencontrées en milieu festif, mais à des niveaux souvent comparables à ceux rapportés pour le cannabis.
La consommation d’alcool est responsable d’environ un quart des demandes de traitement enregistrées dans le système.
Les modes d’usage et les risques
La consommation d’héroïne par voie intraveineuse est en diminution. Ce mode d’usage est passé entre 1993 et 2000 de 96% à 19% des premières demandes de traitement pour consommation d’opiacés.
L’augmentation de la consommation de cocaïne observée s’accompagne d’une augmentation de cette consommation en injection d’une part et fumée (crack) d’autre part. D’après certaines données, le mode en injection est passé entre 1993 et 2000 de 24% à 51%. L’injection de cocaïne , et son augmentation , mérite une attention toute particulière . En effet, la consommation en injection est généralement de type compulsif et implique 10 à 20 injections par jour pendant plusieurs jours consécutifs. En outre, comme on l’a vu plus haut, la chute des prix s’est certainement accompagnée d’une chute de qualité et donc de la présence de produits de coupe peut-être toxiques.
L’emprunt de seringues lors des injections est en légère diminution et se situe aux environ de 35%. Le partage des autres composants du matériel d’injection, probablement vecteur des hépatites, lui aussi en légère diminution, est rapporté par plus de la moitié des personnes rencontrées (53%) à travers les opérations boule-de-neige.
La poly -consommation et les mélanges de produits sont des pratiques courantes et en expansion dans différents groupes d’usagers de drogues, principalement parmi les usagers de drogues dites récréatives et parmi les usagers de drogues dites dures.
Les infections au VIH et hépatites B et C
D’après les données recueillies à travers les opérations boule-de-neige, le taux de dépistage du sida est passé de 64% à 80% entre 1996 et 2000.
Les injecteurs récents (2 ans ou moins) rapportent une plus faible sensibilisation aux dépistages du sida et des hépatites, avec des taux de dépistage de 50% pour le VIH et de 30% pour les hépatites.
Concernant les données sur les taux de dépistage du VIH et hépatites, il existe une forte discordance entre celles en provenance du TDI (Treatment Demand Indicator) et celles recueillies dans les opérations boule-de-neige. Le taux de réponse manquante dans le TDI est très élevé et reflète la difficulté qu’ont certains thérapeutes à aborder ces questions lors de leurs entretiens même avec un consommateur par voie intraveineuse.
La prévalence de l’infection au VIH parmi les UDI (usagers de drogues par voie intraveineuse) est en diminution (6% en 1993 – 3% en 2000), d’après les données TDI. Elle est deux fois plus élevée (7%) parmi les UDI consommateurs de produits autre qu’opiacés, donc cocaïne essentiellement. Les données boule-de-neige, donnent une prévalence de 5%.
La prévalence de l’infection au virus de l’hépatite B est elle aussi en diminution et passée de 24% à 16% entre 1993 et 2000.
La prévalence des hépatites C est en croissance , et a augmenté de 46% en 1993 à 54% en 2000. Parmi les consommateurs de cocaïne en injection, cette prévalence est de 63%. La plus forte prévalence et augmentation de prévalence sont observées dans la province du Hainaut où elles atteignent 80% des UDI en traitement et enregistrés dans le système.
La co-infection aux virus des hépatites B et C, concerne 12% des UDI.
Les consommations au sein de groupes spécifiques de personnes
Parmi les consommateurs rencontrés en milieu festif
Les produits de prédilection sont le cannabis, les champignons hallucinogènes, l’ecstasy, les amphétamines et la cocaïne. Cependant il s’agit d’une population de poly-consommateurs et cette tendance augmente. En 1996, la moitié des personnes rencontrées ne mentionnaient qu’un seul produit, le cannabis pour la plupart; en 2000, ils ne sont plus que 30%.
Parmi les usagers de drogues rencontrés en rue
Chez les usagers de drogues rencontrés à travers les opérations boule-de-neige, la poly-consommation est également de règle. Environ la moitié des contacts sont des consommateurs par voie intraveineuse. La consommation de méthadone “ illégale ” est relativement importante (25-30%) et sa consommation en injection semble augmenter.
L’injection de méthadone de rue se fait avec une forme non-injectable. Cette pratique est donc responsable de nombreuses lésions de la peau et des tissus sous-cutanés.
Parmi les personnes détenues
Environ 40% des personnes en traitement enregistrées dans le système ont une affaire judiciaire en cours.
L’usage de drogues en prison est répandu. Au moins 40% des personnes détenues y consomment une drogue illégale. Pour la moitié d’entre elles, cette consommation comprend d’autres produits que le cannabis.
Cet usage augmente avec le nombre d’incarcérations.
Et la prison constitue un lieu d’initiation aux drogues “ illicites ” pour un quart des personnes détenues. Dans de très rares cas, c’est en prison que se fera la première injection.
Les produits les plus consommés sont le cannabis, les benzodiazépines, l’héroïne, la cocaïne, la méthadone. Ces consommations sont particulièrement à hauts risques étant donné que pour un certain nombre il s’agit du premier contact notamment avec les opiacés.
La mortalité par suicides et overdoses en prison est 20 fois plus élevée que dans la Communauté.
L’injection en prison est moins fréquente qu’en dehors. Environ 2% des personnes détenues déclarent s’être injecté des drogues en prison, alors qu’elles étaient 10 à 20% à s’injecter des drogues le mois précédant l’incarcération.
Au niveau répressif
Le cannabis reste la substance le plus souvent en cause lors des arrestations liées à la drogue.
Les interpellations de mineurs pour usage de cannabis sont en augmentation depuis 1999. Ce constat est peut-être le reflet de la mauvaise compréhension de la circulaire Declerck par les jeunes (“ le cannabis n’est plus illégal ”) et avec pour conséquences soit une plus grande visibilité de cette consommation soit une augmentation de la consommation. Il peut également être le reflet d’une intensification des activités de répression visant les mineurs.
La majorité des infractions liées à la drogue concerne les faits de détention et de consommation.
La mortalité liée à l’usage des drogues
La majorité des décès liés à l’usage des drogues sont dus à une consommation en injection.
L’offre de services destinés au public des usagers de drogues
La répartition géographique de l’offre, que ce soit en termes de prévention, de traitement et de réduction des risques est très inégale en Communauté française. De manière plus particulière, la province du Luxembourg se caractérise par la pauvreté de l’offre de services.
En terme de prévention, la majorité des projets développés actuellement s’inscrivent dans un objectif de promotion de la santé.
Les services accueillant de manière spécifique mères et enfants sont peu nombreux.
L’accessibilité au matériel d’injection est inégalement répartie. Les régions de Mons, Tournai, et les provinces de Namur et du Luxembourg ne disposent d’aucun projet visant cette pratique.
Les actions de réduction des risques dans des milieux particulièrement à risques, tels que prisons ou milieu festif sont en développement.
Source: Eurotox asbl – Unité permanente d’Observatoire Alcool-Drogues Communauté française de Belgique.
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