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L’allaitement maternel, encore et toujours sous influences ?

Le 30 Déc 20

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L’allaitement maternel, encore et toujours sous influences ?

Trop peu de mères allaitent en Wallonie, et la majorité n’allaitent pas assez longtemps. Décrire la situation de l’allaitement en abordant différentes dimensions offre une lecture et un éclairage permettant de mieux comprendre les raisons d’une situation épidémiologique parmi les moins favorables des pays à hauts revenus.Afin de pallier le manque de données représentatives de l’allaitement maternel à l’échelle régionale, un module d’une vingtaine de questions sur le sujet a été introduit dans les enquêtes de couverture vaccinale (ECV) ayant lieu en Wallonie et à Bruxelles et qui portent sur les enfants de 18 à 24 mois. Au-delà de quelques données épidémiologiques qui balisent l’article, la réflexion portera essentiellement sur les principales raisons qui pourraient expliquer des taux et durées d’allaitement parmi les plus bas des pays ou régions à hauts revenus. Un bref éclairage historique permettra de constater que l’allaitement a toujours été sous influences multiples. L’hypothèse que celui-ci n’a jamais véritablement été, parmi la population autochtone, un comportement profondément inscrit dans la culture peut clairement être posée. Par ailleurs, les diverses « emprises » que l’allaitement maternel subit, que celles-ci soient médicale, féministe, maritale, politique… ne laissent pas suffisamment la place à une information objective, scientifique et rigoureuse. En 2012 et 2015, ces enquêtes qui portaient sur plus de 520 familles montrent que le sevrage est plus souvent subi que désiré, que celui-ci est souvent dû à des problèmes directement liés à l’allaitement (engorgement, douleurs, perception de manque de lait entre autres), ce qui laisse supposer une prise en charge non adéquate ou non efficace des diverses difficultés rencontrées. Par ailleurs, l’information reçue par les professionnels de santé en la matière est lacunaire.

Moins de 12% des enfants allaités exclusivement pendant 6 mois

Alors que dans certains pays nordiques l’allaitement dépasse 95%, en Wallonie celui-ci est initié par 82% des mères. Une diminution significative est observée entre l’allaitement à la naissance et à la sortie de la maternité puisque celui-ci chute à 77% (et de 74% à 69% pour l’allaitement exclusif). En Wallonie, seuls 12% des enfants sont allaités exclusivement à 6 mois, durée pourtant recommandée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

Le pourcentage de mères qui allaitent ainsi que les durées d’allaitement sont en Wallonie, et de façon générale, en Belgique, parmi les plus faibles des pays à hauts revenus (1,2).

Depuis un certain nombre d’années, des efforts sont réalisés dans notre pays, notamment au travers de l’Initiative Hôpital Ami des Bébés (IHAB). Cette stratégie élaborée en 1992 par l’OMS et l’UNICEF en vue d’améliorer les taux d’allaitement maternel partout dans le monde a été initiée en Belgique en 2002. À ce jour, 23% des sites de maternités sont labellisées en BelgiqueNote bas de page. Dans le sud du pays, ce sont 25% des enfants qui naissent dans l’une de ces maternités.D’après les enquêtes de couverture vaccinale, les caractéristiques des parents qui initient plus fréquemment l’allaitement exclusif sont cohérentes par rapport à la littérature scientifique internationale (3) : notamment, un niveau d’études supérieur des parents, une nationalité étrangère, le fait d’avoir un emploi, un conjoint soutenant, le fait d’être primipare… . Il en est de même pour les paramètres liés à la naissance, comme le fait d’être né par voie basse ou à terme qui sont associés positivement à l’allaitement. En ce qui concerne la durée, le profil des mères qui allaitent plus longtemps est assez proche de celui décrit par ailleurs, par exemple être multipare, être de nationalité étrangère, avoir un congé de maternité prolongé par un congé parental (4), mais aussi ne pas avoir introduit de compléments lactés à la maternité. La littérature regorge d’analyses épidémiologiques à propos de ces différents facteurs ou prédicteurs des différents modes d’allaitement (exclusif, total, complété), les données wallonnes et bruxelloises ont été discutées dans différents articles publiés précédemment (3–5). Connaître ces différents facteurs de risque permet de mieux cerner les sous-groupes de la population plus à même de ne pas adopter le comportement attendu et devrait donc permettre par la même occasion de mieux cibler la population sur laquelle devrait porter les messages de promotion de l’allaitement. Oui, mais … en Belgique, il semblerait que nous n’en soyons pas encore là !

Trop peu d’informations dispensées aux (futures) mamans

Près de 53% des mères déclarent avoir été informées par un prestataire de soins sur les avantages de l’allaitement pour l’enfant à naître et 42% sur les avantages pour elles. Or, la littérature internationale (5) et nos données antérieures (3,5) démontrent que le fait de connaître les avantages mais aussi d’avoir pris tôt la décision d’allaiter, et si possible avant même la grossesse, sont gages de fréquence et de durée d’allaitement plus importantes. De façon générale, les données récoltées en 2012 montrent le trop peu d’informations reçues sur le sujet pendant la période prénatale. L’information est plus fréquente et ceci de façon statistique quand les mères ont été suivies par une sage-femme plutôt que par un gynécologue. En Wallonie, pourtant, le gynécologue est de loin le prestataire de soins le plus consulté pendant la grossesse. Dans le même ordre d’idées, alors que l’OMS recommande d’allaiter 6 mois exclusivement, selon les ECV, seules 20% des mères connaissent cet objectif. Les mères ayant accouché dans une maternité IHAB ne connaissent pas plus souvent cette durée « idéale » que celles ayant accouché dans une maternité non labellisée. Pourtant, les enfants sont allaités plus longtemps (6 mois) quand la mère connaît cette durée que dans le cas contraire (3.5 mois) (4).

Les mères suivies par une sage-femme pendant la grossesse ont une meilleure connaissance des durées idéales de l’allaitement et des avantages de celui-ci.

Manque de formation des prestataires de soins

À ce stade nous pouvons ébaucher plusieurs hypothèses pour expliquer ces données qui démontrent une faible transmission des connaissances sur le sujet entre professionnels et patientes, notamment avant l’accouchement. Les gynécologues pensent-ils qu’il n’est pas toujours de leur ressort de promouvoir l’allaitement, considèrent-ils suffisamment l’importance d’entamer la réflexion le plus tôt possible ? Ne pensent-ils pas trop souvent que la discussion pourra avoir lieu au moment même ou peu après la naissance de l’enfant ? Ceux-ci possèdent-ils suffisamment de temps lors des consultations prénatales pour faire la promotion de l’allaitement ? De façon générale, en Belgique francophone, contrairement à d’autres pays (Australie, Etats-Unis …) (6) ou régions (Québec…) (7), il n’existe pas de lignes directrices inter-professionnelles, ni a fortiori intra-professionnelles, en matière d’allaitement ni de promotion de celui-ci. Par ailleurs, les médecins ne sont pas suffisamment formés. Une étude flamande publiée en 2006 démontre le manque de connaissances des différents types de prestataires de soins qui ont un lien avec la dyade mère/enfant (entre autres : gynécologue, puéricultrice, travailleur médico-social, pédiatre…) (8). Ce même constat a été dressé il y a une quinzaine d’années déjà (9) et plus récemment dans le plan opérationnel du Plan nutrition santé (PNNS-B) (10). Il semble donc que les professionnels ne possèdent pas de connaissances suffisantes pour pouvoir promouvoir correctement l’allaitement, le soutenir et intervenir adéquatement en cas de difficultés, bien plus fréquentes qu’on ne le croit. Or, de façon générale en Belgique, « les mères se montrent en général très influencées par leur médecin » (9), alors qu’elles « sont peu souvent conscientes du fait qu’ils n’ont pas reçu de solide formation en matière d’accompagnement pratique de l’allaitement et qu’ils ont tendance à décourager la poursuite de celui-ci dès qu’il y a des difficultés, tout simplement parce qu’ils ne savent pas comment y remédier (9)».

Il n’existe pas en Belgique francophone de lignes directrices communes intra- ni inter-professionelles au sujet de l’allaitement maternel.

La moitié des mères ont rencontré des difficultés liées à l’allaitement

Avant leur premier accouchement, 47% des mères ont déclaré ne pas avoir eu conscience que l’allaitement est une pratique qui pouvait s’avérer douloureuse et parfois compliquée à mettre en place. Or la littérature montre que les mères qui sont averties de la possibilité de douleurs et difficultés liées à l’allaitement dépasseront plus facilement celles-ci si elles doivent y faire face.En 2012, l’analyse détaillée sur les raisons de sevrage a démontré que :

  • les difficultés y compris la perception de manque de lait était responsable de près de 60% de sevrage avant que l’enfant ait atteint l’âge de 3 mois (11).
  • la majorité des mères (plus de 60%) ont déclaré avoir eu le désir d’allaiter plus longtemps.

Ce constat ne doit pas être une fatalité puisque l’on sait qu’une prise en charge correcte à la maternité mais aussi à la sortie de celle-ci a un impact considérable sur la durée de l’allaitement. A contrario, sans aide adéquate, la plupart des mères sont amenées à sevrer leur enfant (12). Dans ce sens, une revue systématique de la littérature publiée en 2016 arrive à la conclusion que le soutien communautaire apparaît comme essentiel pour maintenir l’effet de l’IHAB sur la durée de l’allaitement (13). Or, en 2014, le Centre fédéral d’expertise de soins de santé (KCE) dénonçait l’existence d’ « un vide de soins » dans notre pays, malgré la mosaïque de possibilités de prise en charge (en général disparates et peu connues) (14).

Raccourcissement du séjour à la maternité : contrainte supplémentaire ?

Dans le cadre de la réforme du paysage hospitalier et du financement des hôpitaux, sept projets pilotes portant sur le thème « accouchement avec séjour hospitalier écourté » ont cours dans les différents hôpitaux sélectionnés (15). Ces projets pilotes prendront fin en 2018. Au terme de cette période, le gouvernement décidera quels aspects des projets seront introduits à plus grande échelle (16). Il reste à espérer qu’une fois le raccourcissement de séjour effectif, la prise en charge à domicile de la parturiente soit suffisamment efficace afin de réduire le nombre de mères sevrant leur enfant par manque de soutien approprié. En effet, il semble assez évident qu’un séjour hospitalier raccourci ne joue pas en faveur d’un meilleur soutien à l’allaitement maternel. La parturiente plus rapidement livrée à elle-même devrait trouver seule ou avec l’aide de ses proches des solutions en cas de nécessité. Par conséquent, si aucun programme de soutien n’est mis en place, le risque de ne pouvoir dépasser les difficultés liées à la montée de lait (engorgement, crevasses, entre autres), augmentera de façon drastique. Ce moment s’avère pourtant périlleux pour un nombre important de mères. Dans notre échantillon, plus de la moitié de celles-ci ont déclaré avoir rencontré des difficultés les premières semaines de vie de l’enfant.

Quelle culture de l’allaitement dans nos régions?

ImageUn petit détour historique montre l’importance de la mise en nourrice aux 18ème et 19èmesiècles principalement en France (17) où cette pratique est massive et tardive (50% des enfants à Lyon en 1890) (17), et dans une moindre mesure en Belgique (18), ainsi que l’usage répandu du lait d’animaux pour la préparation de biberons. Ces pratiques trouvent notamment leur origine dans le fait que la religion catholique interdisait les relations sexuelles pendant la période de l’allaitement (avec l’effet d’une surfécondité chez les mères non allaitantes qui pouvaient avoir jusqu’à 8, 10 enfants à Lyon au 18 ème siècle). Autrement dit, dès que les moyens financiers le permettaient, l’enfant était placé en nourrice, parfois à plusieurs centaines de kilomètres des parents (17). Ces pratiques liées à la mise en nourrice et à l’usage du lait animal de qualité souvent médiocre (frelaté ou coupé d’eau douteuse (19) à une époque où la pasteurisation n’était pas connue (il a fallu attendre 1865) ont été responsables d’une surmortalité des enfants en bas âge jusqu’à la fin du 19ème siècle (17,18). En France, il a fallu attendre la première guerre mondiale pour voir la pratique de la mise en nourrice disparaître (17). L’usage des wet nurses a été nettement moindre en Angleterre et aux États-Unis où le modèle de la mère au foyer était dominant (17).Les premiers laits en poudre de qualité sont apparus en Europe dès la fin de la seconde guerre mondiale, période où le travail des femmes à l’extérieur du domicile a pris toute son ampleur. Le féminisme égalitariste avec Simone de Beauvoir comme chef de file, aura lui aussi joué un rôle néfaste pour l’allaitement. Celle-ci écrira en 1949 : « l’allaitement ne leur apporte aucune joie, au contraire, elles redoutent d’abîmer leur poitrine ; c’est avec rancune qu’elles sentent leurs seins crevassés, leurs glandes douloureuses, la bouche de leur enfant les blesse : il leur semble qu’il aspire leurs forces, leur vie, leur bonheur. Il leur inflige une dure servitude, et il ne fait plus partie d’elles : il apparaît comme un tyran, elles regardent avec hostilité ce petit individu étranger qui menace leur chair, leur liberté, leur moi tout entier » (20). A contrario, pour les féministes d’Outre-Atlantique, l’allaitement et la maternité, étaient considérés comme une manifestation de libération des femmes.Le nadir des taux d’allaitement du 20ème siècle a été atteint dans les années 1960. Epoque qui correspond à l’extension de la médicalisation de l’accouchement (à la veille de la seconde guerre mondiale 80% des accouchements avaient encore lieu à domicile) (18). Le biberon est alors vu « comme l’instrument de l’alimentation scientifique » (21) puisqu’il permet de mesurer de façon objective la quantité de liquide absorbé. Le paradigme pasteurien, dominant à l’époque, dans cette volonté de tout mesurer, tout quantifier, impose par le biais des médecins aux mères allaitantes la régularité des tétées ou les tétées à heures fixes comme règle absolue, quitte à devoir réveiller ou laisser le nourrisson pleurer, s’il désire des tétées complémentaires (22). Ces conditions qui ont été observées jusque dans les années 1980 (17) ne respectaient pas la physiologie de l’allaitement et nuisaient à la production lactée. Les mères n’arrivaient, par conséquent, pas à poursuivre l’allaitement ou le poursuivre de façon optimale.

Transmission des savoirs : modèle « savant » versus modèle « populaire »

Depuis les années 60, la diffusion des règles d’alimentation s’est principalement faite par les professionnels de santé, majoritairement masculins, dans un premier temps. Ceux-ci étaient détenteurs d’un savoir considéré comme légitime. La transmission des connaissances s’est faite selon un modèle que l’on peut définir de « savant » (21). Le corps médical reste encore à l’heure actuelle la principale source de transmission de connaissances en la matière. En Belgique, en 2003, le rapport de l’asbl Réseau Allaitement Maternel soulignait que « le médecin belge prend une place prédominante (…) pour ce qui concerne la naissance, les soins et l’alimentation des jeunes enfants. (9) » Les parents ne remettent pas en question le savoir médical (9). Le statut de médecin implique automatiquement une légitimation des conseils qu’il donne. En opposition à ce modèle de transmission « savant », le modèle « populaire » est basé sur une transmission familiale et intergénérationnelle (21). Ce mode de transmission est plus fréquent dans les populations allochtones. Dans un tel contexte où les comportements de maternage sont observés, les messages issus du discours savant ont moins d’impact et d’influence, tout particulièrement en matière de puériculture.

La religion : influence positive, influence négative…

Plus largement dans la culture arabo-musulmane, et juive aussi, l’allaitement a toujours été considéré comme un devoir sacré. La durée de l’allaitement est d’ailleurs recommandée, selon le Livre considéré, pour une période de 18 mois, 2 ans, 5 ans (Coran, Haddith, Torah). L’usage d’une nourrice est possible mais uniquement dans des conditions définies (décès ou maladie de la mère, jumeaux…). Dans le droit positif d’un certain nombre de pays arabo-musulmans, des dispositions légales sont consacrées à l’allaitement et à la mise en nourrice (prohibition de mariage entre frères et sœurs de lait y compris sur leur descendance… ) (23).

Un article publié en décembre 2016 démontre qu’au sein des pays occidentaux les plus densément peuplés de catholiques, les taux d’allaitement sont moins élevés (Irlande, France, Pologne, Belgique…). L’inverse est vrai pour les pays à majorité protestante (Suède, Danemark, Islande…) (24).

ImageCe constat se retrouve à l’intérieur même des pays où les taux d’allaitement sont inférieurs dans les provinces ou régions les plus catholiques (en France, Irlande, Canada) (24). Dans les années 60, à Bruxelles, la propagande pour l’allaitement semblait plus importante dans les maternités laïques que catholiques (25).D’après les différentes étapes historiques brièvement décrites jusqu’ici, on peut se poser la question de l’existence (ou plutôt de l’inexistence) d’un mode de transmission « populaire » dans la population autochtone. Encore aujourd’hui, la plupart des (futures) mères d’origine belges n’ont pas reçu conseils et recommandations de leur propre mère. Ces dernières n’ont pour ainsi dire pas allaité et ne peuvent être en conséquence des référentes en la matière. En France et en Belgique, le résultat se marque par une faible connaissance en matière d’allaitement tant dans la population autochtone que chez les praticiens, probablement parce que cette «culture de l’allaitement» n’a jamais été profondément ancrée dans les mœurs et par conséquent n’est jamais arrivée à contrer les différents « effets de mode » auxquels l’allaitement a dû et doit encore faire face.L’ensemble de ces diverses influences façonnent les normes socio-culturelles. Ces dernières influencent les choix individuels qui à leur tour renforcent les normes et les habitudes. Celles-ci cautionnent des comportements qu’on peut finir par ne plus questionner tellement ceux-ci apparaissent comme « normaux » (ex : le lait en poudre considéré comme la norme).

Trop peu de promotion de l’allaitement en Belgique

Un hiatus existe entre l’évidence scientifique de la supériorité du lait maternel et le manque de volonté de promouvoir l’allaitement. En effet, la promotion de l’allaitement doit encore trouver ses marques dans notre pays. Il existe aujourd’hui un paradoxe entre « la philosophie » de l’IHAB qui promeut l’allaitement à la maternité et le manque de prise en charge à la sortie de celle-ci ainsi que l’inexistence pour ainsi dire de promotion de l’allaitement dans la durée. La promotion de l’allaitement maternel doit devenir une affaire de responsabilité partagée par tous. Or à présent c’est un consensus mou que l’on observe par peur de culpabiliser les mères qui feraient le choix de ne pas allaiter. Par la même occasion, on observe une complaisance par rapport aux préparations pour nourrissons qui est en parfaite contradiction par rapport au Code International de commercialisation des substituts de lait maternelNote bas de page (1981) (28) et son application en Belgique par l’arrêté royal du 18/02/1991 relatif aux denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière.

Les sociétés commerciales de préparations lactées sont plus dynamiques et convaincantes pour imposer une image positive et favorable de leurs produits que ne l’est le secteur public pour promouvoir l’allaitement maternel.

« Dans une culture où le poids des règles imposées par l’alimentation artificielle est si fort » (29), où l’allaitement nocturne n’est pas discuté, où le besoin élevé de tétées est mal compris (et par conséquent mal vécu), où l’autonomie et l’indépendance des tout petits sont valorisées dès les premières semaines (l’enfant « doit » pouvoir faire ses nuits rapidement)…, les conditions nécessaires à une mise en route efficace de l’allaitement sont peu fréquemment réunies.La prévention reste la solution la plus adéquate mais nécessite :

  • la prise de conscience de taux et durées inférieurs aux autres pays européens ou de l’OCDE ;
  • la formation de tous les types de professionnels de l’enfance (médecins mais aussi puéricultrice, travailleuses médico-sociales…) afin d’éviter les messages contradictoires et contre-productifs dénoncés par les mères.

Trop souvent, comme le dit Gojard, les discours de promotion de l’allaitement (souvent peu cohérents et mal maîtrisés) correspondent à un modèle « savant » de l’allaitement et sont donc voués à l’échec auprès de mères qui ne relèvent pas de ce modèle et ont un effet de stigmatisation pour les mères de milieux supérieurs qui pour une raison ou l’autre ne veulent pas allaiter (21).L’allaitement maternel reste un enjeu majeur de santé publique qui demande et nécessite avant tout un questionnement sur la place qu’on veut lui réserver dans notre pays. Il est temps de définir une stratégie de promotion de l’allaitement qui aille bien au-delà de l’Initiative Hôpital Ami des Bébés car cette dernière seule ne suffit pas à maintenir les bénéfices gagnés par la qualité de la prise en charge de ces maternités.

Vers une vision pluridisciplinaire et multidimensionnelle

A l’heure où les compositions les plus diverses de laits commerciaux s’inventent (hypoallergéniques, anti-reflux, diarrhées chroniques, confort digestif, satiété…) et dans un marché en pleine expansion, la promotion de l’allaitement maternel semble pour certains ne pas nécessiter de déployer attention et soutien spécifiques, alors que pour d’autres l’allaitement maternel semble être à la pédiatrie ce que la vaccination est à la santé publique. Certes, les laits commerciaux sont de qualité suffisante pour assurer une croissance correcte mais c’est trop rapidement oublier ou faire fi de toutes les vertus immunologiques, anti-inflammatoires, anti-infectieuses, trophiques, épigénétiques mais aussi écologiques et économiques du lait maternel. Les approches sociologiques, anthropologiques, historiques, psycho-sociales… sont essentielles pour mieux cerner les représentations de l’allaitement maternel dans la société actuelle et mieux expliquer les raisons des taux et durées si faibles. Ces différentes représentations traduisent plus profondément le rapport mère/enfant particulier la place de la mère dans la société, les pratiques de la puériculture et la pédiatrie dans la sphère du maternage, la perception de la mère par rapport à sa responsabilité en matière de soins maternels…Réduire les études sur des comportements, tel que l’allaitement, à l’analyse des facteurs socio-démographiques ou socio-économiques ne permet en aucun cas d’expliquer les causes et mène trop souvent à un discours simpliste, manichéen dans lequel on fige les patients (en l’occurrence les mères) dans une catégorie dans laquelle il est difficile de s’extraire. Ouvrir la réflexion au contexte plus global (politique, sociétal, religieux…) et moins ciblé sur l’individu permet d’être moins stigmatisant, accusateur et culpabilisant.

Références

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  30. Suizzo Marie-Anne. FRENCH AND AMERICAN MOTHERS’ CHILDREARING BELIEFS Stimulating, Responding, and Long-Term Goals. Journalof Cross-Cult Psychol. 2004;35(5).

Pour être « labellisable » une maternité doit respecter « les 10 conditions pour favoriser le succès de l’allaitement » énoncées dans « la Déclaration conjointe OMS/UNICEF sur l’allaitement et les services de maternité » ainsi qu’avoir un taux d’allaitement maternel exclusif de minimum 75%.

Ce Code cherche à protéger le consommateur contre les pratiques commerciales susceptibles de décourager l’allaitement maternel comme par exemple la promotion de laits artificiels, la distribution d’échantillon gratuit, la promotion d’aliments pour bébés comme les petits pots, céréales, jus, eau embouteillée afin de ne pas nuire à l’allaitement exclusif…

Les défis de la recherche en promotion de la santé : vers une science des solutions

Le 30 Déc 20

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Les défis de la recherche en promotion de la santé : vers une science des solutions

Un matin ensoleillé aux prémices de l’été, les acteurs du secteur de la promotion de la santé se sont retrouvés sur les bancs du campus bruxellois de l’UCL. Conviés par le RESO (le service universitaire de promotion de la santé de l’UCL) pour une matinée d’échange, nous étions impatients de venir écouter cette grande dame de la promotion de la santé, Christine FerronNote bas de page. Au programme, une ambitieuse question : « Partenariats acteurs-chercheurs-citoyens et décideurs politiques : pourquoi et comment travailler ensemble ? ». Avec la contribution du RESO, Education Santé vous propose un retour sur cette matinée.

Des données probantes, une absolue nécessité

« Pourquoi travailler ensemble ? Pour produire et diffuser des données probantes en promotion de la santé », c’est ainsi que démarre la présentation de Christine Ferron. Tout sourire et d’une façon toute professorale (dans son riche parcours, elle a aussi enseigné), la première partie de son exposé porte sur ces données probantes et les enjeux capitaux qu’elles représentent en promotion de la santé. La préoccupation n’est pas nouvelle bien entendu, mais il est indéniable que les termes « evidence-basedNote bas de page », « programmes modèles », « fondés sur la science »… sont en vogue, notamment auprès des politiques et autres pouvoirs subsidiants. L’OMS définit ces données fondées sur des preuves comme « des conclusions tirées de recherches et autres connaissances qui peuvent servir de base utile à la prise de décision dans le domaine de la santé publique et des soins de santé ».Suivant cette définition, ces données peuvent être issues d’autres lieux que la recherche scientifique. Christine Ferron revient de long en large sur ces « autres lieux » tels que la littérature griseNote bas de page, ou encore sur leurs diverses natures (des données tacites issues de l’expérience des acteurs de terrain, des données contextuelles, etc.). On parle d’ « evidence ice-bergNote bas de page » pour désigner la quantité gigantesque de données probantes existantes et « tout l’enjeu de faire remonter à la surface ces données issues de l’expérience, en général mal connues, mal diffusées mais néanmoins essentielles ». Pour cela, des partenariats entre acteurs, chercheurs et décideurs devront se mettre en place…ImageLes enjeux pour le secteur sont en effet gigantesques, que ce soit pour prouver l’efficacité de la promotion de la santé (« Hé oui, on en est encore là aujourd’hui » soupire Mme Ferron avec un air goguenard), l’augmenter et améliorer ses actions, etc. On ne vous apprend rien en affirmant que notre secteur souffre encore parfois d’un manque de crédibilité. Par ailleurs, l’enjeu est aussi éthique : « Une démarche non probante peut être une démarche inutile, inefficace, voire délétère. Prenons par exemple le cas des recommandations de couchage des bébés dans les années ’80 – sur le ventre – qui étaient intuitives mais pas basées sur des preuves… et il s’est avéré que ces recommandations étaient délétères pour les cas de mort subite du nourrisson. »La notion d’utilité se pose aussi d’emblée lorsqu’on parle de données probantes. En effet, déployer des moyens considérables pour tirer des conclusions « de bon sens » ne nous avancera pas beaucoup. Mais il faut aussi que les recommandations issues des résultats des recherches « collent » avec les réalités de terrain et les pratiques, et soient jugés éthiquement acceptables. L’utilisation de la peur auprès du public par exemple est depuis longtemps remise en cause. Pour éviter d’entendre « ceux du terrain » dire « tout ça, ce n’est que de la théorie de labo », pour éviter que des programmes complexes soient mal compris et réduits à quelques résultats attendus dans les conclusions d’une recherche, la rencontre entre les personnes issues de la recherche et ceux qui mettent en place des projets de promotion de la santé est absolument nécessaire. Christine Ferron parle même d’une nécessaire « acculturation et reconnaissance réciproque aux principes méthodologiques et éthiques de leurs secteurs d’intervention respectifs, et à leurs contraintes et ressources respectives ».Avant de revenir sur ces incontournables rencontres entre acteurs (dans le but de créer des partenariats de recherche, qui vont guider l’action avec des données probantes, donc utiles… vous me suivez ?), Christine Ferron assure nos bases théoriques et nous explique la recherche interventionnelle.

Vers une science des solutions

« Il existe un mythe tenace et pernicieux en santé publique, selon lequel la connaissance des mécanismes et des facteurs de risque des maladies constitue un savoir suffisant pour planifier des interventions de prévention et de promotion de la santé des populationsNote bas de page », expriment très justement Louise Potvin et consorts. Et Christine Ferron d’ajouter : « Louise Potvin l’explique comme tel : il existe une science des problèmes, fortement investiguée, et une science des solutions. Tout un pan de la recherche actuelle va s’intéresser à tester des solutions, c’est-à-dire tester la mise en œuvre d’actions pour répondre aux problèmes identifiés, optimiser les modalités d’implantation de ces actions, etc. La recherche interventionnelle en promotion de la santé se positionne dans le cadre de cette science des solutions et plutôt du côté des approches populationnelles, voire environnementales ou sur les écosystèmes. »La recherche interventionnelle en promotion de la santé regroupe en soi tous types de recherches, allant de l’épidémiologie sociale à la recherche évaluative, en passant par la recherche en sciences sociales… L’éventail est large. Peu importe le type, du moment que cette recherche « utilise des méthodes scientifiques pour produire des connaissances sur les interventions, les programmes ou les politiques (que ce soit dans le secteur de la santé ou d’autres) dont les finalités sont

  • d’avoir un impact favorable sur les déterminants sociaux, culturels et environnementaux de la santé dans une population ;
  • d’agir sur la répartition des facteurs de risque et de protection dans cette population, de réduire les inégalités sociales de santéNote bas de page. »

La recherche interventionnelle s’applique à des interventions de nature complexe, qui caractérisent les approches en promotion de la santé. Elle peut porter sur toutes les étapes de la résolution des problèmes (et donc de la mise en place des solutions…) : la pertinence et la cohérence des interventions, son adaptation dans le contexte local et l’évolution de ce contexte suite à l’application du projet ou programme, ou plutôt l’objectivation du lien entre l’évolution du contexte et l’intervention en elle-même.Car la question de la transférabilité de l’intervention est tout à fait centrale et étudiée explicitement. La recherche interventionnelle ne se concentre pas tant sur l’évaluation des résultats obtenus d’une intervention en promotion de la santé que sur l’analyse et la compréhension des effets, des processus et des mécanismes à l’œuvre. Elle se distingue ainsi des recherches évaluatives, à ce jour plus courantes dans le milieu.

La recherche interventionnelle, vecteur de partenariat acteur-chercheur

Revenons donc à la question centrale, celle du partenariat entre acteurs, chercheurs, citoyens et décideurs politiques. Christine Ferron nous emmène au Pays de Redon, en Bretagne, pour nous conter l’expérience formidable qui y a été menée. Une vaste intervention intersectorielle de promotion de la santé a été montée sur plusieurs années, sous-tendue dès sa conception par une recherche interventionnelle. Cela a abouti notamment à la mise en place d’une assemblée locale de santé qui regroupe des décideurs, des citoyens, des acteurs… Nous ne détaillerons pas ici toute l’expérience mais sachez que celle-ci est décryptée dans l’ouvrage « Intervenir localement en promotion de la santé. Les enseignements de l’expérience du Pays de Redon – Bretagne du Sud »Note bas de page.La question des partenariats entre les différentes parties prenantes se trouve donc à la source, tout au long du processus, et dans le résultat et la pérennisation du programme. Questions-réponses avec la salle.

La participation citoyenne

D’emblée, une personne interpelle Christine Ferron sur la question de l’implication des citoyens de manière générale, comment procéder ? « Toutes ces questions mobilisent notre expertise en promotion de la santé. En tant qu’acteurs de promotion de la santé, on dispose déjà de nombreux outils et d’un savoir-faire pour impliquer les personnes dans nos projets. Dans le cadre d’une recherche interventionnelle, on peut s’appuyer sur les mêmes ressources, les acteurs-relais, etc. L’enjeu sera plutôt de maintenir leur intérêt pour le projet, ce qui veut dire qu’à aucun moment, ils ne doivent se sentir exclus, manipulés ou instrumentalisés. »

Quid des rapports de pouvoir ?

« C’est vrai pour la recherche interventionnelle mais aussi pour les recherches participatives, collaboratives… : ça change les relations entre les acteurs concernés ! On ne peut pas monter ce type de projet en maintenant des hiérarchies fortes et descendantes. La co-construction est un élément-clé, avec un effet relativement durable d’après mon expérience. C’est aussi pour cela qu’il est indispensable au départ de travailler nos représentations réciproques. »

Comment impliquer les décideurs et les chercheurs ?

L’implication des décideurs n’est pas une évidence… en tant qu’acteurs de promotion de la santé, on le sait déjà. Mais avec l’expérience du Pays de Redon, Christine Ferron nous donne une note d’optimisme : « Ils n’ont pas tout de suite saisi l’enjeu et l’intérêt de la démarche. Les décideurs membres du comité local – des élus pour la plupart, sont venus par curiosité et ont beaucoup appris en prenant part au projet. Mais faute de temps leur présence était intermittente… L’Agence régionale de santé (les services de l’Etat en région) a trouvé progressivement sa place au sein du comité de pilotage. C’est en prenant une part active aux échanges et à la prise de décision que ses représentants se sont appropriés le projet, et l’ont valorisé comme un gain significatif pour le territoire. C’est là que c’est devenu très intéressant. Ces décideurs se sont vraiment impliqués au moment-clé du projet où les chercheurs ont commencé à céder leur place et où il s’agissait de penser la suite. »« Selon moi, l’enjeu est plutôt de faire entrer les chercheurs dans cette dynamique participative. Ils n’ont en général pas l’habitude d’avoir en face d’eux des citoyens ou des représentants de la population auxquels on donne l’opportunité de donner un avis sur un protocole de recherche, sur la façon dont certaines dimensions sont explorées… »

Un traducteur-coordinateur

« A chaque étape, il s’agit d’être attentif à la compréhension et à la validation des données théoriques, des choix méthodologiques, de constructions d’hypothèses, etc. Evidemment, cela prend du temps mais la réussite du projet en dépend. Il ne faut pas hésiter à faire en permanence des aller-retour à chaque étape du projet pour s’assurer que chacun est d’accord et a entièrement saisi ce qui se passe, le pourquoi, la formulation…Tout doit être très explicite. D’où l’enjeu de mettre en place dès le départ une fonction de traduction et de coordination. »« De mon expérience, ce rôle (de traducteur-coordinateur) est joué par le pilote de l’intervention. Ne fût-ce que parce que nous autres, acteurs de la promotion de la santé, avons l’habitude des partenariats complexes, d’animer des dynamiques de groupe, de veiller à l’implication de tous. »« Bien que ce rôle échoit souvent aux acteurs de la promotion de la santé, une formation supplémentaire est tout de même requise. Pour jouer un rôle de traducteur, il faut maîtriser les deux langues et donc être un minimum formé à la recherche de manière à maîtriser le vocabulaire, les méthodes, la compréhension des concepts scientifiques. En France, ce type de formation de base à la recherche se développe de plus en plus. Attention toutefois, il n’est pas demandé aux chargés de projet de changer de métier, mais de s’équiper pour mener à bien ce nouveau type de partenariat. »Pour conclure, l’absolue nécessité de fournir des données probantes sur les actions et programmes en promotion de la santé n’est plus à démontrer. Mais au cours de cette matinée, Christine Ferron nous a fourni des pistes sur le « comment ». Basculer vers une science des solutions, un défi de taille à relever pour le secteur !

Portfolio de ressources proposé par le RESONote bas de page

  1. Intervenir localement en promotion de la santé. Les enseignements de l’expérience du Pays Redon-Bretagne Sud.

You C., Joanny R., Ferron C., Breton E. Rennes (France) : Ecole des hautes études en santé publique (EHESP). 2017. 191p.https://www.ehesp.fr

  1. Promotion de la santé : une dynamique d’échanges entre chercheurs et intervenants du terrain

Sourimont M. Rennes (France) : Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (IREPS) Bretagne. Horizon pluriel. 2013/25. p.16.https://irepsbretagne.fr

  1. Recherche interventionnelle en santé publique : quand chercheurs et acteurs de terrain travaillent ensemble

Ferron C., Breton E., Guichard A. Saint-Denis (France) : Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES). Santé en Action. 2013/245. pp.10-41.https://inpes.santepubliquefrance.fr

  1. Collaborer entre chercheurs et acteurs de terrain ? Réflexions, points d’attention et questions à se poser pour une collaboration fructueuse

Periferia asbl. Bruxelles (Belgique). 2014https://periferia.be/collaborer-entre-chercheurs-et-acteurs-de-terrain

  1. Développer un projet de recherche interventionnelle en promotion de la santé : principes, outils, place et rôle de chacun

Sizaret A., Sandon A. Dijon (France): Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (IREPS) Bourgogne Franche-Comté. 2018. p.28https://ireps-bfc.org

  1. Recherche interventionnelle en santé publique, transfert de connaissances et collaboration entre acteurs, décideurs et chercheurs – le défi français de l’innovation

Cambon L., Alla F. Montrouge (France) : Institut de Recherche en Santé Publique. Questions de Santé Publique. 2014/4 (Vol.27). pp.1-4https://sites.uclouvain.be/reso/opac_css/index.php

  1. Recommandations pour l’élaboration d’un projet de recherche interventionnelle en promotion de la santé

Joanny R. Rennes (France) : Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (IREPS) Bretagne. 2014. p.60https://www.cres-paca.org

  1. La recherche en promotion de la santé. Actes du colloque du Pôle régional de compétences Lyon, janvier 2015

Berger D., Boussouar M. Lyon (France) : Editions des archives contemporaines. 2016. p.94

  1. Global health promotion and population health intervention research

Jackson S. New-York (USA): Sage Publishing. Global Health Promotion. 2017/3 (Vol.24). pp.3-4

  1. Ce que l’intervention fait à la recherché dans un contexte de maladie grave

Marchand A., Rollin Z. Laxou (France) : Société Française de Santé Publique (SFSP). Santé Publique. 2015/3 (Vol.27). pp.331-338

  1. Valoriser les résultats de la recherche auprès des acteurs de terrain

Paris (France) : Fondation Internationale de la Recherche Appliquée sur le Handicap (Firah). 2018. p.76https://www.firah.org

  1. Promotion de la santé basée sur des données probantes : un domaine émergeant

Juneau C-E., Jones C., McQueen D., et al. New-York (USA) : Sage Publishing. Global Health Promotion. 2011/1 (Vol.18). pp. 122-133

  1. Analyser la transférabilité d’une intervention: application du modèle fonctions clés/ implémentation/ contexte à un programme de prévention du diabète

Fianu A., Villeval M., Naty N., et al. Laxou (France) : Société Française de Santé Publique (SFSP). Santé Publique. 2017/4 (Vol. 29). pp. 525-534

  1. La complexité : concept et enjeux pour les interventions de santé publique

Pagani V., Kivits J., Minary L., et al. Laxou (France) : Société Française de Santé Publique (SFSP). Santé Publique. 2017/1 (Vol. 29). pp. 31-39https://www.cairn.info

  1. Unpacking Black Boxes : Mechanisms and Theory Building in Evaluation

Astbury B., Leeuw F. New-York (USA): Sage Publishing. American Journal of Evaluation. 2010/3 (Vol.31). pp.363-381

Déléguée générale de la Fédération Nationale d’Education et de promotion de la santé (FNES) en France.

« Fondé sur des preuves » en anglais

On entend par là toute la masse de publications « non conventionnelles » (non gérées par l’édition) comme les rapports de réunion, les mémoires étudiants, etc.

UIPES, 2004.

Cfr. Recherche interventionnelle en santé publique : Quand chercheurs et acteurs de terrain travaillent ensemble : portfolio ci-dessous

Hawe P., Potvin L. (2009) What is population health intervention research? Revue canadienne de santé publique, 100 https://journal.cpha.ca/index.php/cjph/article/view/1748/1933

Cfr. portfolio ci-dessous

Toutes les ressources mentionnées sont disponibles au centre documentaire UCL/IRSS – RESO et/ou en ligne

Quels soins de santé mentale pour les personnes âgées ?

Le 30 Déc 20

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Quels soins de santé mentale pour les personnes âgées ?

Les enfants et les adultes ont leurs réseaux spécifiques de soins de santé mentale, mais qu’en est-il des personnes âgées ? Faut-il organiser leurs soins en un réseau séparé ou peut-on les intégrer dans le système de soins des « adultes » ? À cette question, le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) répond que l’âge chronologique ne doit pas servir de critère décisif car les « personnes âgées » constituent un groupe de population très hétérogène, avec des individus en pleine forme et d’autres très fragiles. Il est également d’avis qu’il faut maintenir leurs contacts privilégiés avec leur médecin généraliste, tant pour leurs problèmes somatiques que psychiques. Toutefois, certains problèmes de santé mentale nécessitent des connaissances spécifiques. Le KCE plaide donc pour une extension des différentes offres de soins de santé mentale des « adultes » aux personnes âgées, tout en prévoyant de les renforcer par des spécialistes (à former) en santé mentale de la personne âgée et en mettant l’accent sur les interventions dans les lieux de vie et sur la collaboration entre tous les intervenants d’aide et de soin. En Belgique, les soins de santé mentale ont fait l’objet d’une série de réformes depuis une vingtaine d’années. Leur objectif global est de permettre aux personnes de rester le plus possible dans leur milieu de vie, et de n’avoir recours à l’hospitalisation que lorsqu’il n’y a plus d’autre solution. Dans le cadre de ces réformes, le SPF Santé publique a demandé au KCE de déterminer s’il fallait organiser les soins de santé mentale des personnes âgées en un réseau séparé (comme pour les enfants et adolescents) ou si l’on pouvait les englober dans les soins des « adultes » en général.

L’âge de la carte d’identité n’est pas le plus important…

Dans la plupart des pays occidentaux, on considère que l’âge chronologique de 65 ans – qui a été jusqu’il y a peu celui de la retraite professionnelle – correspond au passage du statut d’adulte actif à celui de « personne âgée ». Or une très grande partie des personnes qui ont dépassé cet âge sont encore en bonne forme, actifs et autonomes. Sur un plan médical aussi, on considère aujourd’hui que la vieillesse se définit davantage par une certaine fragilité et par l’accumulation de pathologies, que par une limite d’âge précise. Bref, les personnes âgées constituent une catégorie de patients très hétérogène. Leurs soins ne doivent donc pas être organisés sur la seule base de l’âge des personnes.

…même si les personnes âgées nécessitent des compétences spécifiques

Cela ne veut pas dire, pour autant, que les personnes âgées peuvent toujours être traitées comme n’importe quel adulte d’âge moyen. Certains de leurs problèmes de santé mentale nécessitent bel et bien des connaissances spécifiques, à la frontière entre la psychiatrie et la gériatrie (p.ex. distinguer une dépression d’une démence débutante, tenir compte des problèmes physiques concomitants, ajuster les doses des médicaments, etc.). Il est donc indispensable de sensibiliser tous les soignants aux spécificités de la psycho-gériatrie et de créer une compétence spécifique en psychiatrie de la personne âgée.

Le médecin généraliste au cœur du système

Les exemples d’organisation des soins de santé mentale étudiés dans d’autres pays montrent que les médecins généralistes sont très souvent les premiers professionnels contactés par les personnes âgées, comme c’est également le cas chez nous. Leur rôle est central pour identifier les problèmes de santé mentale et proposer un premier traitement, tout en tenant compte des problèmes somatiques qui coexistent. Les autres intervenants à domicile sont également bien placés pour aider à l’identification précoce des problèmes de santé mentale.Un bémol toutefois : les acteurs de la première ligne n’ont généralement pas assez de formation et de temps pour prendre en charge les problèmes de santé mentale des personnes âgées. Il est donc indispensable qu’ils abordent ces problématiques avec une vision plus multidisciplinaire et qu’ils bénéficient d’une collaboration franche et ouverte avec les professionnels plus spécialisés (psychologues, psychiatres, gériatres).

Aller à domicile…

Tant en Flandre qu’en Wallonie, certains projets pilotes, issus des Services de Santé Mentale (Centra voor Geestelijke Gezondheid en Flandre), s’adressent directement aux personnes âgées. Une des clés de leur réussite est leur disposition à se déplacer au domicile de leurs patients. Ces initiatives sont cependant trop peu nombreuses et méconnues ; elles mériteraient d’être généralisées à tout le pays.Dans le cadre de la réforme des soins de santé mentale, notre pays a également mis sur pied des équipes mobiles psychiatriques (« article 107 », SPAD – Soins psychiatriques pour personnes séjournant à domicile) en lien avec les institutions de soins psychiatriques. Elles se rendent au domicile des patients mais elles se concentrent principalement sur les personnes de moins de 65 ans. Le KCE suggère donc d’étendre leur champ d’action, de les renforcer en nombre et de les soutenir par des équipes mobiles de troisième ligne, spécialisées dans les soins aux personnes âgées, qui pourraient intervenir dans les cas les plus complexes.D’autres outils existants, comme les « consultations multidisciplinaires autour du patient psychiatrique à domicile » et le recours à des coordinateurs des soins, devraient être activés plus souvent afin de favoriser les indispensables collaborations entre acteurs de terrain.

…y compris dans les maisons de repos

Les MRS doivent souvent héberger des personnes âgées dépendantes présentant des problèmes de santé mentale. Dans la mesure où l’on peut considérer que ces MRS sont bel et bien le « lieu de vie » des personnes qui y résident, le KCE suggère que toutes les interventions à domicile mentionnées ci-dessus soient également possibles en MRS. Il souligne également l’intérêt d’unités spécialisées, avec une offre de soins personnalisée, pour les personnes âgées présentant des troubles du comportement.

Une offre hospitalière suffisante

Pour les personnes âgées dont les soins ne peuvent pas ou plus être prodigués à domicile ou en MRS, il existe à l’étranger des services de psycho-gériatrie, où collaborent des psychiatres, des gériatres et des neurologues. Dans notre pays, il est nécessaire de prévoir une capacité hospitalière suffisante dans les services de psychiatrie, de gériatrie et de psycho-gériatrie. En parallèle, les hôpitaux doivent faire usage de leurs équipes de liaison interne gériatriques et psychiatriques afin d’assurer une prise en charge globale aux patients âgés hospitalisés, dans une vision de continuité et de qualité des soins. L’intégration de psychiatres spécialistes de la personne âgée devrait être favorisée au sein de ces équipes de liaison.

Changer le regard de la société

Enfin, la prise en compte des problèmes de santé mentale des personnes âgées appelle également de nouvelles attitudes dans la société, qui doit lutter contre les stéréotypes liés à l’âge et à la maladie mentale. Il ne faut jamais oublier que la santé mentale est un aspect clé de la promotion du « bien vieillir », tout comme le maintien du sens de la vie et du sentiment d’utilité et d’inclusion dans la communauté.

Pour entrer en contact avec les chercheurs du KCE:Karin Rondia, Communication scientifique KCETél. : +32 (0)2 287 33 48GSM : +32 (0)475 769 766Email : press@kce.fgov.be

Province – communes, partenaires pour la santé

Le 30 Déc 20

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Province - communes, partenaires pour la santé

La Province de Namur accorde un soin particulier à la mise en œuvre de partenariats avec les communes de son territoire. L’été dernier, elle a lancé à ses 38 communes un troisième appel à construire des projets communs, au bénéfice de leurs habitants. Sur les 205 projets choisis par les communes, 58 concernent la santé ou le bien-être.Entre 2017 et 2019 se déroule la troisième phase des partenariats Province-communes en province de Namur. Pour cette édition, la Province de Namur propose aux 38 communes namuroises de faire leur choix au sein d’un catalogue de 47 fiches correspondant chacune à une de ses expertises, un de ses métiers spécifiques, dans ses six domaines de compétences que sont l’action sociale et la santé, la culture, l’économie, l’enseignement, l’environnement et le tourisme.

205 projets dans 38 communes

Au total, la Province a réservé 2,4 millions d’euros pour les partenariats Province-communes 2017-2019. Concrètement, chaque commune dispose d’une enveloppe financière – une sorte de « droit de tirage » – calculée sur base de son nombre d’habitants, de sa superficie et de son indice de cohésion sociale. Et à chaque projet correspond une valeur budgétaire, soit prédéterminée, soit à préciser sur base des spécificités et de l’ampleur du projet envisagé. La Commune sélectionne les projets qui l’intéressent et répartit son enveloppe entre ceux-ci. Si aucune des thématiques proposées ne correspond aux besoins locaux, il existe aussi la possibilité, à certaines conditions, de déposer des projets dits «hors catalogue». L’offre a séduit, puisque la Province a enregistré, pour cette troisième phase de partenariats, pas moins de 205 projets ! Focus sur quelques-uns de ceux-ci, axés en particulier sur la santé et le bien-être.

Un répertoire d’outils « 0-5-30 » à Hastière

Pour la Cellule Promotion Santé, une équipe de la Direction de la Santé publique, travailler en partenariat est une évidence. Les projets qui s’élaborent avec les communes s’inscrivent naturellement dans ce fonctionnement. C’est la deuxième fois que la Commune d’Hastière choisit le thème «0-5-30», une combinaison qui résume trois comportements de santé: 0 tabac, 5 portions de fruit et de légume et 30 minutes d’activité physique par jour. Au cours de la phase II des partenariats Province-communes (2014-2016), les employées de l’Accueil Temps Libre (ATL) de la commune ont suivi un module de formation pour développer leurs connaissances dans ce domaine et leur permettre de construire des activités de promotion de la santé auprès des enfants dont elles ont la chargeNote bas de page. A l’issue du module, les accueillantes ont créé ensemble des outils et des animations leur permettant de mettre le concept en application. Deux journées d’échanges ont alors été organisées et co-construites par les accueillantes, leur coordinatrice et la Province de Namur accompagnée de son partenaire, le Centre local de Promotion de la Santé en province de Namur pour partager les outils ou les animations développés. Carine Crucifix est en charge de ce projet pour la Cellule Promotion Santé provinciale: «Pour cette nouvelle phase de partenariats, l’objectif est de mettre en valeur les idées des accueillantes et de créer un répertoire reprenant de manière détaillée les animations et outils qu’elles ont-elles-mêmes conçus, afin de faciliter l’échange des pratiques et de mutualiser les ressources. Conçu sous une forme évolutive, ce répertoire pourra s’enrichir au fil du temps ». Les employées de l’Accueil Temps Libre d’Hastière souhaitent qu’il puisse servir aux enseignants de la commune et aux accueillantes des autres communes. La fiche projet 0-5-30 a aussi été sélectionnée par les communes d’Havelange et de La Bruyère, qui la déclineront en fonction de leurs besoins propres, avec le public qu’elles identifieront comme prioritaire.

En route vers le label Ecole 21

ImageLe dispositif Ecole 21 est né en 2008 dans le cadre du projet franco-belge Interreg IV Générations en santé, auquel ont collaboré plusieurs Provinces wallonnesNote bas de page. Depuis, la Cellule Promotion Santé accompagne des écoles vers l’obtention de ce qui est beaucoup plus qu’un label. En choisissant la fiche projet «Ecole 21», les communes proposent à leurs écoles d’entrer dans une démarche alliant promotion de la santé et développement durable. Nadège Fivet, de la Cellule Promotion Santé, coordonne ce vaste travail, qui vise à faciliter l’acquisition et le développement de comportements favorables à l’éducation, à la santé et à l’environnement : «L’adhésion des écoles au projet se fait sur base volontaire. A Gesves, Floreffe et La Bruyère, les 12 établissements auxquels nous avons présenté le concept ont choisi de s’engager. Ils acquièrent le label en signant la Charte Ecole 21 et rejoignent ainsi le réseau européen des Ecoles 21». Actuellement, les comités de pilotage se mettent en place dans chaque école. Les prochaines étapes sont la réalisation de diagnostics des besoins par école, l’identification des priorités et l’élaboration de plans d’actions. En outre, des outils pédagogiques permettant d’aborder différentes thématiques (développement durable, santé, climat scolaire…) sont rassemblés dans une malle mise à la disposition de chaque Commune, en collaboration avec le Centre de Ressources Documentaires provincial qui propose aussi une formation à l’utilisation de ces outils. Enfin, dans le cadre de ce partenariat, chaque école bénéficie d’un petit subside pour soutenir la concrétisation d’un projet au choix.

Prévention des risques à Havelange

A côté de la Cellule Promotion Santé, un autre service provincial possède une expertise dans le domaine de la promotion de la santé, et plus spécifiquement dans la prévention du SIDA, des infections sexuellement transmissibles, des hépatites et dans la réduction des risques liés à l’usage de produits psychotropes. Le Service de Santé Affective, Sexuelle et Réduction des Risques (SASER) a également une pratique de travail en réseau profondément ancrée. Il élabore des projets de proximité avec des acteurs de terrain, mettant en action des personnes issues des publics-cibles en vue de les rendre actrices de leur santé. La Commune d’Havelange a décidé de prendre au sérieux la consommation d’alcool chez les jeunes et les risques d’accidents de la route qui y sont liés. Elle a sélectionné la fiche «Contribuer à la réduction des risques lors d’événements festifs par la formation de pair locaux». Jaqueline Collin du SASER travaille en très étroite concertation avec les «Jeunesses» locales et le Patro, en vue de sensibiliser les jeunes à une consommation responsable. Le projet comportera des actions de réduction des risques liés à la consommation de psychotropes, principalement l’alcool, et des nuisances sonores dans les fêtes. Ces actions seront déterminées par les jeunes eux-mêmes, qui ont déjà identifié des moments-clés: les grands feux, les kermesses, les soirées et week-ends du Patro.

C’est quoi le bonheur à Philippeville ?

Ambitieux projet, que celui dans lequel la Commune de Philippeville et la Province de Namur se sont lancées ensemble ! Au départ, le choix de la thématique de «santé dans toutes les politiques» (health in all policies) par le Collège communal de Philippeville est en lien avec la Déclaration de politique communale «Philippeville, Commune où il fait bon vivre !». Pour opérationnaliser cette intention, la Commune souhaite mettre en place un outil pérenne d’aide à la prise de décisions et à la priorisation d’actions. Le CLPS en province de Namur est aussi partie prenante. En mobilisant citoyens, agents communaux et décideurs autour d’une réflexion sur le bien-être à Philippeville, le projet vise à dégager et à hiérarchiser – par une enquête qualitative participative – les principales composantes qui déterminent le bien-être collectif des habitants de Philippeville. Il a aussi pour objectif de sensibiliser le Collège communal à l’impact des politiques sur la santé et le bien-être collectif de la population et de doter l’Administration communale d’un outil qui lui permettra d’estimer, de manière prospective, l’impact de décisions prises par le collège sur le bien-être de la population.En donnant un rôle aux citoyens, aux professionnels actifs sur le territoire et aux employés des services communaux dans la prise de décision, la démarche participative permet à chacun de devenir acteur de l’organisation de la société et du processus de changement. Le projet a officiellement été lancé le 23 avril, lors d’une soirée au cours de laquelle a été le nouveau documentaire «C’est quoi le bonheur pour vous?» de Julien PeronNote bas de page.

Santé mentale: soutenir les professionnels de première ligne et augmenter l’offre de soins

Dans le catalogue proposé aux communes, deux offres de partenariat étaient proposées par les Services de Santé mentale de la Direction de la Santé publique : l’une offre un soutien aux professionnels de première ligne et l’autre permet un accès de proximité aux soins de santé mentale pour la population. «La première a été choisie par trois communes, dont les équipes du CPAS bénéficieront prochainement de séances de supervision élaborées sur mesure en fonction des besoins et animées par des spécialistes de la santé mentale. La seconde, sélectionnée par cinq communes, se décline de manière très différente selon les réalités locales. Dans chaque cas, le premier travail est de bien comprendre les besoins locaux et d’élaborer ensemble un projet qui contribue à y répondre», explique Colette Nigot, responsable du Département de Santé mentale. A Bièvre, il s’agit de poursuivre le partenariat initié dans la phase II, en offrant des ateliers collectifs pour les parents et les adolescents, ainsi que des plages de permanence d’une assistante sociale. A Eghezée, un psychologue sera mis à disposition du CPAS un après-midi par semaine pour apporter à la population et particulièrement, aux bénéficiaires du CPAS et aux personnes éprouvant des difficultés de mobilité, une offre de proximité en matière de soins psychologiques. A Philippeville, le projet vise la prévention des violences conjugales et familiales, partant du constat d’un aggravement de cette problématique et d’un déficit de prise en charge par les structures existantes. Il se concrétise par la mise en place et l’animation d’une plateforme de concertation locale sur les violences intrafamiliales et conjugales, par des permanences de l’asbl « Ça vaut pas le coup » du Réseau Solidaris spécialisée dans l’accompagnement des personnes victimes de violences conjugales et intrafamiliales et par des groupes de paroles.

Et encore…

Les thématiques de partenariat sont multiples. Sans entrer dans les détails :

  • Trois communes ont choisi de faire appel aux services du SAMI (service d’analyse des milieux intérieurs) pour mener une campagne d’information sur les risques du radon sur la santé et distribuer des détecteurs à la populationNote bas de page ;

  • Quatre communes ont inscrit des employés à une formation d’animateurs socio-sportifs des espaces publics ;

  • Avec les conseils et l’accompagnement du directeur du Domaine provincial de Chevetogne, quatre communes créeront une nouvelle plaine de jeux, vue comme espace de socialisation et de loisir actif ;

  • Dix communes se sont engagées ou ont décidé de poursuivre le processus « Ville amie des aînés »Note bas de page ;

  • Cinq communes ont demandé la création ou le développement sur leur territoire d’une ou plusieurs haltes-accueil du Bébé Bus. Il s’agit d’une formule itinérante d’accueil des tout-petits, adaptée aux publics fragilisés, qui offre aux petits une opportunité de socialisation et de stimulation, tandis que leurs parents bénéficient d’un accompagnement et d’un soutien à la parentalité ;

  • Face au problème de la mobilité en milieu rural qui a de réels impacts sur la santé, l’emploi, la formation ou encore l’accès à la culture, six communes ont décidé de prioriser la mobilité inclusive et solidaire pour leurs publics fragiles et dépendants, au travers d’un partenariat à trois : la commune (et/ou son CPAS), la Province et une centrale de mobilité ;

  • Trois communes ont choisi d’acquérir des vélos et/ou d’organiser des formations à la conduite cycliste.

Au plus près des besoins locaux

Si les thématiques et les objectifs généraux sont prédéfinis dans le catalogue, chaque projet concret cherche à rencontrer un réel besoin local identifié par la commune. Un comité de pilotage propre au projet rassemble des représentants de la Commune, de la Province et bien souvent d’organismes partenaires comme une association locale ou, pour les projets de santé, le CLPS… Ce comité détermine, sur base d’une analyse des besoins, les objectifs spécifiques du projet, le contexte, les modalités de ce qui sera mis en place, en suivant une méthode commune de gestion de projet. Et une équipe mène le projet au quotidien sur le terrain. Même si, à côté des projets sur mesure, certains sont davantage «clé sur porte», dans tous les cas, on est loin de la politique de «simple» subsidiation d’autrefois. Pour les Communes, cela requiert parfois d’adapter leurs attentes et leur vision du partenaire provincial. Un changement de culture qui paraît parfois inconfortable mais dont la plus-value est rapidement visible.


Selon la définition de l’ONE : « L’accueil extrascolaire temps libre : Ces lieux d’accueil fonctionnent avant ou après l’école, le mercredi après-midi et parfois durant le week-end. Ils sont situés dans les écoles ou en dehors. Les plus connus sont les ‘garderies scolaires’, et les associations qui organisent des animations spécifiques. » (https://www.one.be/parents/accueil-temps-libre/)

Lire à ce sujet BROUSSOULOUX S., LORENZO P., TINTINGER V., Évaluation du dispositif École 21: des pistes pour sa pérennisation, Education Santé, n°308, février 2015 (https://educationsante.be/article/evaluation-du-dispositif-ecole-21-des-pistes-pour-sa-perennisation/)

Le radon est un gaz radioactif qui peut s’infiltrer dans les bâtiments par le sous-sol. Chaque année, le radon cause environ 480 cancers du poumon en Belgique. Plus d’info sur le radon et sa prévention : www.actionradon.be

Voir à ce sujet l’article : PROVINCE DE NAMUR, Une province et ses communes, amies des aînés, Education Santé n°341, février 2018 (https://educationsante.be/article/une-province-et-ses-communes-amies-des-aines/)

Inégalités sociales et santé, quel rôle pour les politiques publiques ?

Le 30 Déc 20

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Inégalités sociales et santé, quel rôle pour les politiques publiques ?

Les politiques publiques ont-elles un rôle à jouer pour lutter contre les inégalités sociales et favoriser la santé ? Oui… Mais lequel ? C’est sur cette question que se sont penchés Marie-France Raynault, chercheuse pour le Centre Léa-Roback, et Pierre Chauvin, directeur de recherche à l’INSERM, lors de la conférence inaugurale du certificat « Santé et Précarité ».  En route vers la santé dans toutes les politiques, en appliquant le principe d’universalisme proportionné.

Dans la continuité des politiques favorables à la santé avancée dans la Charte d’Ottawa (1986), la stratégie intersectorielle proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) met en avant l’intégration de la santé dans toutes les politiques (déclaration d’Adélaïde, 2010). A cette occasion, l’agence a réaffirmé encore une fois que « les déterminants de la santé et du bien-être sont extérieurs au secteur de la santé et sont d’ordre social et économique». Les politiques publiques, quel que soit le secteur d’activité, ont un rôle à jouer car elles influencent les déterminants de la santé. Mais encore faut-il considérer les inégalités sociales (de santé) et en faire une priorité.

En bref, les inégalités sociales de santé (ISS) peuvent être définies comme les disparités de santé entre des groupes sociaux. Leur grande particularité est qu’elles sont systématiques et évitables. On voit donc se dessiner la réponse à notre question « quel rôle pour les politiques publiques ? »

ISS : des conséquences en cascade

Au cours de sa présentation, Marie-France Raynault est revenue sur un modèle en « escalateurs inversés » (l’un montant, l’autre descendant) pour illustrer l’écart qui se creuse du plus pauvre au pus riche et ce, à chaque étape de vie.

Les inégalités existent déjà à la naissance. Parmi les plus pauvres, il y aura davantage de naissances prématurées, de bébés ayant un faible poids, ou même de retards de croissance intra-utérine. L’écart se creuse davantage en regard de la maturité scolaire (la maturité affective, le développement cognitif et langagier, les compétences sociales requises, etc.). Cela peut avoir une influence sur le décrochage scolaire. Par exemple, une étude sur le décrochage scolaire à Montréal a mis en évidence le terrible constat qu’un enfant sur deux n’ayant pas acquis une maturité affective suffisante en commençant l’école, se retrouvera en situation de décrochage scolaire. Par la suite, le décrochage scolaire renforce une situation d’exclusion et peut entraîner des problèmes d’adaptation sociale, ce qui aura un impact sur l’insertion professionnelle, sur le niveau de revenu, sur le milieu de vie (la salubrité des logements, la mobilité, etc.)… lesquels ont des répercussions sur l’état de santé général (les habitudes de vie, la perception subjective de sa santé, le taux de personnes souffrant de maladies chroniques ou de problèmes de santé mentale). Et au final, toute cette cascade de causes à effets influence l’espérance de vie.

L’importance des politiques publiques

Quelle stratégie mettre en place pour réduire les effets de la pauvreté sur la santé ? En regard du modèle simple et parlant de R. SmithMarie-France Raynault illustre son propos avec les services de garde d’enfants et le cas des mères de famille monoparentale. Celles-ci font partie d’un groupe particulièrement vulnérable face aux ISS. Toutefois, pour les soutenir, de nombreuses politiques publiques peuvent être mises en œuvre :

  • des politiques de soutien au revenu comme les allocations familiales, les congés parentaux, le crédit d’impôt pour l’enfant, etc. ;
  • des politiques d’éducation : mise en place de services de garde, des formations accessibles ;
  • des politiques de logement, de santé…

Marie-France Raynault  s’attache à démontrer au cours de son intervention que les services de garde d’enfants représentent  « un instrument puissant de réduction des ISS » et qu’il est fondamental pour les politiques d’investir dans la petite enfance en regard de la cascade des déterminants que nous évoquions plus haut. Les raisons sont multiples. Nous en citons quelques-unes :

Tirez votre plan ! Une analyse de « Plans » pour promouvoir la santé en Flandre, en France, au Québec et en Suisse

Le 30 Déc 20

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Tirez votre plan ! Une analyse de « Plans » pour promouvoir la santé en Flandre, en France, au Québec et en Suisse

Les acteurs de la promotion de la santé de la Région wallonne et de la Région Bruxelles-Capitale n’auront probablement jamais autant entendu parler de Plans que depuis ces dernières années. Dans le jargon de la profession, ce mot a désormais une signification bien spécifique. Il est même possible qu’il faille éviter ce mot pour les 15 prochaines années à venir au risque de voir ces acteurs pâlir ou être victimes d’une crise d’angoisse.De fait, avec l’élaboration des nouvelles politiques régionales de promotion de la santé – que nous appelons « Plans de promotion de la santé » – c’est tout un secteur qui ressent les conséquences du processus long et complexe d’élaboration d’un Plan. Malgré tout, ce contexte aura constitué une opportunité pour le secteur de se réaffirmer et de se fédérer. Le service universitaire de promotion de la santé de l’Université catholique de Louvain, le RESO, s’est attelé à la réalisation d’une analyse de quelques politiques nationales et régionales afin d’alimenter les réflexions amorcées lors de la construction des Plans bruxellois et wallon. Cette analyse a fait l’objet de la rédaction d’un rapport de synthèse que nous avons appelé, en bon Belges que nous sommes[1] : « Tirez votre Plan ! Une analyse de « Plans » pour promouvoir la santé en Flandre, en France, au Québec et en Suisse ».Ce rapport de synthèse s’adresse aux politiques, experts et professionnels belges et d’ailleurs qui, dans le cadre de l’élaboration d’une politique de promotion de la santé, seraient susceptibles de participer ou d’être directement impliqués dans celle-ci.Il s’est rapidement avéré que la dénomination Plan n’était pas généralisée dans tous les pays … Nous en avons donc donné la définition suivante : « Toute production des politiques (stratégies, politiques, programmes …), autant nationales que régionales, visant à structurer le secteur de la santé hors soins, à prioriser les objectifs de santé à atteindre et à guider les actions des associations oeuvrant pour améliorer la santé et le bien-être des populations dans une vision de la santé faisant écho à la charte d’Ottawa. »[2]L’étape ultérieure a été de sélectionner les Plans que nous allions analyser. Notre premier choix s’est porté sur le Plan de la Région flamande[3] pour son ancrage dans un contexte similaire à celui des Régions bruxelloise et wallonne. Ensuite, nous avons préféré choisir des pays francophones, afin de bien comprendre les nuances liées à la langue, et proches du contexte socio-économique de la Belgique. Ce qui nous a amenés à sélectionner un Plan national et un Plan régional pour les pays (et province) suivants : la Suisse[4][5], la France[6][7] et le Québec[8][9]. Ce qui fait un total de 7 Plans analysés.Généralement, les Plans suivent un développement similaire : ils commencent par des éléments de contexte et de conception, continuent sur un diagnostic de l’état de santé de la population, poursuivent sur les priorités du Plan (en termes d’objectifs et d’actions), abordent la mise en œuvre de ces priorités et terminent par la présentation des méthodes et démarches d’évaluation du Plan. L’objectif de ce rapport de synthèse est de mettre en exergue des faits saillants des Plans sélectionnés en termes de conception, de contenu, de mise en œuvre et d’évaluation. Ces 4 parties constituent le corps du rapport et de cet article.

La démarche d’élaboration

Premier constat en matière de conception, les Plans analysés sont tous sous la tutelle du ministre ou de l’instance publique en charge de la santé. Deuxième constat, il y a une volonté d’adopter une approche inclusive et participative de la part des décideurs. Bien que les méthodes d’élaboration soient succinctement développées dans les Plans, tous ont bénéficié de moments de concertation avec les différentes parties prenantes (professionnels, usagers, etc.). Cette approche inclusive prend la forme de groupes de travail ou de mise en consultation du Plan.

Le contenu des Plans

Le cœur d’un Plan, ce sont ses priorités de santé. Celles-ci permettent d’éviter un éparpillement des ressources afin de les concentrer sur des sujets auxquels la préséance est donnée. Pour choisir les priorités de santé, diverses méthodes et sources de données sont utilisées : l’analyse de l’état de santé de la population, les résultats de l’évaluation du Plan précédent, un alignement sur les orientations de l’OMS, l’utilisation de critères de priorisation.Les priorités sont ensuite énoncées sous forme d’objectifs. En ce sens, leur contenu est riche en informations. Les thèmes sur lesquelles portent les objectifs des Plans analysés se déclinent en 5 grandes catégories : les problématiques de santé, les déterminants de la santé, les populations spécifiques, les milieux de vie et les stratégies d’action. Les principaux thèmes au sein de ces grandes catégories ont été répertoriés et présentés sous la forme de tableaux synthétiques pour permettre une comparaison entre les pays. Au terme de ce travail de classification, nous avons donc obtenu 5 tableaux à l’image de celui ci-dessous.Ces tableaux ne sont pas destinés à rapporter les thèmes non abordés par les Plans ou à tirer des conclusions sur des éventuelles omissions. Il s’agit plutôt d’un outil de simplification et de schématisation qui permet d’avoir une vue d’ensemble globale et immédiate des thèmes prioritaires des Plans.Comment lire ce tableau ? ImageNous proposons ici l’exemple du tableau portant sur les objectifs ciblant des problématiques de santé. Dans la deuxième colonne, on voit l’ensemble des thèmes qui ont trait à des problématiques de santé. Pour chaque Plan, nous avons indiqué si un ou plusieurs de leurs objectifs portaient sur chacun de ces thèmes. Si c’est le cas, la case est en couleur. On remarque par exemple que le Plan national français et le Plan flamand ne formulent pas d’objectifs ciblant des problématiques de santé. Sur base des 5 tableaux, nous nous sommes posés deux questions : par quelle(s) approche(s) les objectifs des Plans ont-ils été formulés et quels sont les thèmes prioritaires des objectifs ? En termes d’approches de formulation des objectifs, nous avons observé qu’un même Plan peut combiner plusieurs approches. Le Plan flamand définit ses objectifs en ciblant presque uniquement des milieux de vie et les Plans français adoptent une approche ciblant principalement des stratégies d’action. Au Québec, les Plans diversifient beaucoup plus leurs approches, mêlant l’approche par problématiques de santé, par population et par stratégies. Enfin, en Suisse, le Plan national utilise une approche par stratégies et par population alors que le Plan régional utilise une approche par problématiques de santé.En termes de thèmes prioritaires ciblés par les objectifs, nous constatons qu’ils sont assez similaires entre les Plans. Par exemple l’alimentation, les assuétudes, la qualité et l’accès aux soins et à la prévention. Toutefois, certains thèmes plus spécifiques (parce que probablement plus dépendants du contexte) sont abordés dans certains Plans seulement, comme par exemple la nutrition prénatale et postnatale dans le Plan régional québécois, les problèmes d’adaptation sociale dans le Plan national québécois, les personnes en période de rupture dans le Plan régional français ou les milieux du loisir pour enfants dans le Plan de la Région flamande. Certains objectifs suggèrent une timide ouverture vers la démarche de « santé dans toutes les politiques » en visant l’environnement ou l’enseignement par exemple.

La mise en œuvre des Plans

Dans la suite logique des choses, les Plans abordent ensuite la mise en œuvre de leurs objectifs. Il s’agit ici de comprendre comment il est prévu d’atteindre les objectifs des Plans. Avec la définition des objectifs, cette partie est centrale. Le Plan flamand et les Plans nationaux suisse et québécois développent d’ailleurs la mise en œuvre sous la forme d’un « plan de mesures » plus concret. Le plan régional français est quant à lui décliné en programmes territoriaux. Le Plan régional québécois se présente sous la forme de « fiches » détaillées. Le Plan régional suisse est mis en œuvre par des contrats de prestations avec les acteurs de terrain. Enfin, le Plan national français a été mis en œuvre par une loi[10].

Les dispositifs d’évaluation de la mise en œuvre des Plans

Nous faisons le constat que dans les Plans sélectionnés, des indicateurs d’évaluation de l’implémentation et de l’efficacité sont prévus mais il ne semble pas clair cependant si les dispositifs d’évaluation permettraient de vérifier la présence d’effets de contexte. Autrement dit, « dans quelle mesure le contexte (socio-économique, culturel, ethnique, etc.) et les acteurs (professionnels, citoyens, etc.) interagissent avec l’implémentation des Plans, affectent leur fidélité et affectent leur potentiel d’efficacité pour la santé des personnes et des communautés »[11].L’évaluation des programmes et actions de promotion de la santé est au cœur de nombreux débats entre acteurs/chercheurs/décideurs. Nous souhaitons mettre en avant que l’évaluation des interventions de promotion de la santé vise d’une part à permettre de produire des connaissances autant sur les effets de ces interventions que sur leurs processus et d’autre part à mesurer leur efficacité et leur efficience. L’enjeu est de s’appuyer sur ces connaissances pour optimiser les actions de terrain. En réponse à un besoin d’outils et de méthodes adaptés aux réalités des interventions de promotion de la santé, nous avons relevé quelques initiatives présentées dans les Plans analysés, comme par exemple l’outil quint-essenz en Suisse, la matrice utilisée en Flandre ou encore la recherche interventionnelle en santé des populations dans laquelle la France et le Québec investissent de plus en plus.Dans un ouvrage publié en 2013 par Carole Clavier et Evelyne de Leeuw, intitulé « Health promotion and the policy process »[12], les auteures soutiennent qu’en promotion de la santé, les acteurs et les chercheurs auraient tout à gagner de mieux comprendre comment les politiques publiques sont élaborées afin de les influencer positivement, de les évaluer adéquatement et de les implémenter efficacement. Notre rapport fait écho à leur constat qui souligne que l’axe premier de la charte d’Ottawa « élaboration de politiques pour la santé », manque d’une base théorique solide pour appuyer l’action. Les résultats de notre analyse sont un pas dans ce sens. L’analyse complète est téléchargeable sur le site : https://uclouvain.be/reso


[1] L’expression « tirez votre plan » est un belgicisme qui signifie « débrouille-toi ».

[2] Malengreaux Ségolène, « Tirez votre plan ! Une analyse de « Plans » pour promouvoir la santé en Flandre, en France, au Québec et en Suisse », Woluwé Saint Lambert : RESO, 2017, p.9 Téléchargeable sur https://uclouvain.be/reso

[3] « Strategisch plande vlaming leeft gezonder in 2025 », Agentschap Zorg & Gezondheid, 2016. Téléchargeable sur : https://www.zorg-en-gezondheid.be/sites/default/files/atoms/files/Strategisch_Plan_GezLev_vGCCorr.pdf

[4] « Stratégie Nationale Prévention des maladies non transmissibles (stratégie MNT) 2017-2024 », Berne, Office fédéral de la Santé Publique et la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé, 2016. Téléchargeable sur : https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/themen/strategien-politik/nationale-gesundheitsstrategien/strategie-nicht-uebertragbare-krankheiten.html?_organization=317

[5] « Stratégie cantonale de prévention et de promotion de la santé 2016-2026 », République et canton de Neuchâtel. Téléchargeable sur https://www.ne.ch/autorites/DFS/SCSP/prevention/Documents/Strat%C3%A9gie_cantonale_pr%C3%A9vention_promotion_sant%C3%A9_rapport%20complet.pdf

[6] « Stratégie Nationale de Santé, feuille de route », Ministère des Affaires Sociales et de la Santé, Septembre 2013. Téléchargeable sur : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/SNS-Feuille_de_route.pdf

[7] « Projet Régional de Santé des Pays de la Loire », version actualisée du 26 mars 2016, Agence Régionale de Santé Pays de la Loire. Téléchargeable sur : https://www.pays-de-la-loire.ars.sante.fr/le-projet-regional-de-sante-1ere-generation-2012-2016

[8] « Programme national de santé publique pour améliorer la santé de la population du Québec 2015-2025 », Ministère de la Santé et des Services Sociaux, Gouvernement du Québec, 2015. Téléchargeable sur https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2015/15-216-01W.pdf

[9] Direction de santé publique de la Montérégie (2016), « Plan d’action régional de santé publique 2016-2020 », Longueuil, Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Centre. Téléchargeable sur https://extranet.santemonteregie.qc.ca/depot/document/3858/PAR-VF.pdf

[10] LOI 2016-41 du 26 janvier 2016 de « modernisation de notre système de santé »

[11] Malengreaux Ségolène, « Tirez votre plan ! Une analyse de « Plans » pour promouvoir la santé en Flandre, en France, au Québec et en Suisse », Woluwé Saint Lambert : RESO, 2017, p.46 Téléchargeable sur https://uclouvain.be/reso

[12] CLAVIER C. and de LEEUW E., « Health promotion and the policy process », Oxford University Press, 2013.

Campagne de sensibilisation

Le 30 Déc 20

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Campagne de sensibilisation

C’est mieux, mais peut et doit mieux faire. Tel est le bilan de la consommation trop importante d’antibiotiques en Belgique et dans d’autres pays européens. La journée européenne d’information sur les antibiotiques, qui a lieu le 18 novembre, garde donc malheureusement tout son sens. Chez nous, le SPF Santé publique et la Commission belge pour la coordination de la politique antibiotique (BAPCOC) saisissent cette 10ème édition pour taper une fois encore sur le clou au moyen d’une campagne de sensibilisation à destination des patients et des professionnels de santé.« Les antibiotiques ne sont pas des bonbons, clame Maggie De Block, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, face à l’utilisation trop fréquente et incorrecte que la population belge en fait.Trop d’antibiotiques, cela signifie à l’heure actuelle, qu’en dehors des institutions hospitalières, les médecins généralistes prescrivent encore plus de 1000 traitements antibiotiques par an pour 1000 habitants. Les adolescents, notamment, prennent plus d’antibiotiques que le reste de la population. Pourtant, on sait que la consommation d’antibiotiques est loin d’être anodine. Non seulement, ils provoquent leur lot d’effets secondaires. Plus grave, les bactéries développent des résistances aux antibiotiques. Résistances qui, en se multipliant comme c’est le cas maintenant, finiront par entrainer une kyrielle de problèmes de santé publique : « Les infections que nous pouvons actuellement traiter sans problèmes ne pourront plus l’être à l’avenir », prévient Maggie De Block. Les actes chirurgicaux, les traitements contre le cancer et les transplantations pourront devenir très dangereux à cause du risque inhérent d’infection. Nous pourrions également ne plus disposer d’antibiotiques actifs.La bonne nouvelle, c’est qu’il est scientifiquement prouvé que la diminution des traitements par antibiotiques entraîne la diminution de la résistance. Il est donc primordial de continuer à informer les professionnels de santé et les patients sur la bonne utilisation des antibiotiques.

Une campagne, plusieurs canaux d’information

La campagne belge, lancée dans le sillage de la journée européenne d’information sur les antibiotiques, s’articule autour du thème « Les antibiotiques : prenez-les comme il faut et uniquement quand il le faut ». Ce message, diffusé d’abord par la radio et la presse écrite, le sera ensuite par les pharmaciens et médecins au moyen d’affiches et de dépliants d’informations pour leurs patients. Pendant le pic d’épidémie grippale, une action sera menée dans les pharmacies afin de récolter les antibiotiques non utilisés.

Formation e-learning pour aider les généralistes

Le SPF Santé publique et la BAPCOC lancent aussi, pour la première fois cet hiver, une formation e-learning pour aider les médecins généralistes à réduire l’utilisation des antibiotiques. En dix minutes, ceux-ci pourront apprendre des techniques de communication et prendre connaissance d’une nouvelle brochure, basée sur les dernières connaissances scientifiques, expliquant l’évolution naturelle de la toux, à diffuser auprès de leurs patients. Car trop nombreux sont les patients qui continuent de croire qu’une toux persistant plus d’une semaine doit être soignée par des antibiotiques.L’objectif de la formation en ligne est d’aider les praticiens à discuter du bon usage des antibiotiques avec leurs patients.

Résultats attendus pour 2020 et 2025

L’objectif final du SPF Santé publique et de la BAPCOC est d’atteindre les 600 prescriptions pour 1000 habitants en 2020, puis 400 en 2025, pour que les antibiotiques continuent à nous protéger dans le futur.Pour en savoir plus :https://www.usagecorrectantibiotiques.be/fr

Pourquoi est-il si difficile de prescrire moins d’antibiotiques ?

Nous avons demandé au Professeur Herman GOOSSENS, président de la Commission belge pour la coordination de la politique antibiotique (BAPCOC), pourquoi il est à ce point difficile de diminuer les prescriptions d’antibiotiques, alors que l’on insiste depuis maintenant deux décennies sur la nécessité d’en consommer moins…Professeur Herman Goossens : nous n’avons pas vraiment la réponse. Dans notre pays, les premières campagnes de sensibilisation ont entraîné une diminution d’environ 35% de la consommation d’antibiotiques entre 2000 et 2007. La consommation est ensuite restée stable.La France a connu la même situation. Sa très belle campagne « Les antibiotiques, c’est pas automatique », lancée en 2002, fut suivie d’une diminution de l’utilisation d’antibiotiques jusqu’en 2008-2009. La baisse s’est ensuite stoppée.Si nous avons prévu d’analyser, en collaboration avec l’INAMI, les obstacles à une consommation moindre d’antibiotiques, nous pouvons cependant déjà dire que la consommation d’antibiotiques ne diminue pas chez certains groupes de patients, comme les adolescents. Par ailleurs, des médecins généralistes prescrivent vraiment trop d’antibiotiques.La Belgique est également la championne des pays européens en matière d’utilisation d’antibiotiques à large spectre. Ces antibiotiques (comme la moxifloxacine et l’amoxicilline-clavulanate) ont été introduits plus tardivement sur le marché belge. Ils coûtent plus chers que les anciens antibiotiques, généralement à spectre plus étroit. À chaque fois qu’un de ces nouveaux antibiotiques a été lancé, les firmes pharmaceutiques ont exercé une énorme pression sur les médecins pour qu’ils les prescrivent, alors que les anciens antibiotiques étaient toujours efficaces.E.S. : l’industrie pharmaceutique est donc un obstacle à une consommation moindre d’antibiotiques ?Pr H. G. : l’industrie pharmaceutique a exercé, jusqu’il y a une dizaine d’années, une très forte pression sur les médecins généralistes pour pousser à la consommation d’antibiotiques, puisque les bénéfices étaient générés par le volume des prescriptions. Cette pression des firmes pharmaceutique n’est actuellement plus aussi forte car les antibiotiques sont devenus très bon marché, à l’exception des antibiotiques à large spectre. Il se peut cependant que des médecins aient conservé cette attitude de prescrire beaucoup d’antibiotiques.E.S. : les patients exercent-ils une pression sur les médecins généralistes pour se voir prescrire des antibiotiques ?Pr H. G. : oui, probablement. Cette pression est, ici aussi, beaucoup moindre qu’auparavant.Lorsque nous avons commencé nos campagnes de sensibilisation il y a presque 17 ans, une enquête réalisée auprès de patients en Flandre et en Wallonie avait révélé qu’ils étaient nombreux à demander des antibiotiques, même pour un rhume. De leur côté, les médecins généralistes expliquaient qu’ils voulaient bien ne plus prescrire d’antibiotiques… mais leurs patients allaient alors en réclamer à un autre médecin. Les campagnes de sensibilisation ont permis de diminuer cette pression des patients sur les médecins, à tel point que des généralistes déplorent à présent le fait que des patients refusent de recourir aux antibiotiques même quand c’est absolument nécessaire. Les patients disent eux-mêmes à leur médecin que les antibiotiques sont mauvais pour la santé. Ils veulent, par ailleurs, lutter contre les résistances aux antibiotiques et, par conséquent, y recourir le moins possible.Je pense que l’utilisation abusive et incorrecte des antibiotiques relève d’une responsabilité partagée. Cependant, les médecins sont toujours seuls responsables des prescriptions. Nous cherchons encore à découvrir pourquoi certains médecins généralistes sont aussi résistants à nos campagnes et interventions… Nous savons toutefois qu’il faut parfois les aider dans leur communication avec les patients.C’est pourquoi nous sommes en train d’envoyer un e-learning module à tous les généralistes de Belgique (17.000) pour les encourager à changer leur attitude et les aider à communiquer avec leurs patients au moyen d’une brochure. Ce module, d’une durée de dix minutes, a déjà été testé dans quatre pays européens (Espagne, Pays-Bas, Angleterre et Pologne) et a fait l’objet d’une étude très intéressante et convaincante. Nous avons donc décidé de le faire traduire en français et en néerlandais pour le rendre accessible aux médecins généralistes belges au cours de cet hiver.

Tante Biotique est une édition spéciale de Bob et Bobette, créée à l’initiative de la BAPCOP et destinée à sensibiliser les parents et les enfants à la consommation excessive d’antibiotiques. Chouette et éducatif en même temps, l’album peut-être lu en ligne ou obtenu gratuitement par la poste (jusqu’à épuisement du stock).

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Maux de dos : un mode d’emploi pour la prise en charge

Le 30 Déc 20

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Maux de dos : un mode d’emploi pour la prise en charge

Mal au dos, que faire ? Face à la grande variété de solutions proposées à ceux et celles qui souffrent de ce « mal du siècle », le KCE avait déjà publié en mai dernier un Guide de pratique clinique basé sur les plus récentes connaissances scientifiques. En guise de prolongation, voici un itinéraire de soins qui définit, pour un patient donné et en fonction du type et de la durée de sa douleur, les examens à effectuer et les traitements à proposer pour progresser de la façon la plus cohérente possible. C’est la première fois qu’un itinéraire de soins est réalisé en commun avec des représentants de toutes les professions de soins concernées et avec les patients. Il englobe à la fois les douleurs lombaires (mal de dos simple) et radiculaires (de type sciatique). Pour en faciliter l’usage, le KCE en a également développé une version interactive en ligne (www.lombalgie.kce.be).Si vous souffrez de mal de dos, il y a de fortes chances que vous ayez déjà testé toutes sortes de traitements, de votre propre initiative ou sur le conseil de votre kiné, médecin traitant, ostéopathe,… et ceci avec des succès variables. C’est le constat de cette hétérogénéité – d’approches mais aussi de résultats – qui a incité le KCE à développer un itinéraire de soins pour tous les professionnels de la santé concernés par ce problème fréquentissime.

Qu’est-ce qu’un itinéraire de soins ?

Un itinéraire de soins est une sorte de « marche à suivre » qui définit, pour un patient donné à un moment donné de sa pathologie, les examens à effectuer et les traitements à proposer pour progresser de la façon la plus cohérente possible. Pour caricaturer, il ne saurait être question de proposer d’emblée une intervention chirurgicale avant d’avoir essayé la kinésithérapie !

Fruit d’un travail commun de toutes les professions concernées

L’itinéraire de soins que publie aujourd’hui le KCE est en quelque sorte la suite du guide de pratique clinique pour les douleurs lombaires et radiculaires qu’il avait publié en mai dernier. L’un comme l’autre résultent d’un travail de longue haleine mené en étroite collaboration avec la Spine Society of Belgium et des représentants des médecins généralistes, kinésithérapeutes et autres praticiens des techniques manuelles (ostéopathes et chiropracteurs), spécialistes en médecine physique et réadaptation, chirurgiens orthopédistes, neurochirurgiens, anesthésistes/algologues (cliniques de la douleur) et psychologues.

Une grande attention aux aspects liés au travail

Pour la conception de l’itinéraire de soins, le groupe de travail s’est adjoint les compétences d’ergothérapeutes et d’ergonomes, de médecins du travail et de médecins-conseils des mutualités. En effet, la volonté du groupe était de consacrer une grande attention au maintien ou à la reprise du travail, un domaine où beaucoup de nouvelles dispositions ont été prises, qui ne sont pas encore bien connues. « L’itinéraire a été pensé tous ensemble pour s’adresser à tous les professionnels de soins dans un esprit de bonne collaboration et de complémentarité, en n’oubliant pas de leur rappeler, ici et là, l’importance d’une bonne communication entre eux…» soulignent Pascale Jonckheer et Anja Desomer, les deux chercheuses du KCE qui ont piloté cette longue aventure.

La parole aux patients

Les patients ont également été sollicités pour la conception de cet itinéraire de soins, via des groupes de discussion où ils ont évoqué leurs cheminements à travers le système de soins. Cela a permis aux chercheuses d’identifier plusieurs malentendus fondamentaux entre patients et soignants. Par exemple, les patients sont souvent très anxieux d’obtenir un « diagnostic » précis pour leur mal de dos, alors que les soignants savent d’expérience que, le plus souvent, le mal de dos n’est pas la manifestation d’une lésion précise de la colonne vertébrale mais bien l’expression d’un dysfonctionnement passager, qui ne peut être visualisé sur une radio ou une IRM. Ces examens sont donc superflus et la prise en charge immédiate doit être la moins médicale possible, au risque que les patients interprètent parfois cela comme de la désinvolture de la part des soignants. Une communication plus claire à ce sujet s’impose donc.

Prévenir le passage à la chronicité

Dans environ 10% des cas, le mal de dos persiste plusieurs semaines ; à partir de 3 mois, on considère qu’il est chronique. Tout l’itinéraire de soins est focalisé sur la prévention de ce passage à la chronicité. En effet, il existe des facteurs de risque, désormais bien identifiés, qui permettent de distinguer les personnes dont la douleur risque de perdurer. Ces facteurs sont à la fois psychologiques (p.ex. une anxiété très marquée) et socio-professionnels (p.ex. un conflit avec l’employeur). À chaque étape de l’itinéraire, ce risque doit être (ré-)évalué, afin d’adapter la prise en charge au profil spécifique du patient.Il s’agit donc pour les soignants de trouver un juste équilibre. D’une part, ils doivent préconiser une démarche dédramatisante pour la majorité de leurs patients lombalgiques, encourager l’activité physique, ne pas faire de radios, prescrire le moins de médicaments possible. Et d’autre part, ils doivent rester attentifs à détecter les 10% d’entre eux qui risquent de développer un problème chronique potentiellement invalidant.

Un outil interactif pour mieux s’y retrouver

C’est la première fois qu’un itinéraire de soins s’adresse de façon globale à tous les intervenants professionnels concernés, englobe à la fois les phases aigues et chronique et considère en parallèle les douleurs lombaires (mal de dos simple) et radiculaires (de type sciatique). Revers de la médaille, le résultat est inévitablement assez complexe. C’est pourquoi le KCE a développé un outil informatique sous la forme d’un site web interactif que chacun peut utiliser à partir de son ordinateur ou de sa tablette (www.lombalgie.kce.be). « Nous l’avons voulu le plus convivial possible et nous l’avons fait tester par des praticiens de terrain. Toutes les associations scientifiques participantes y ont apposé leur logo. Nous avons également pris contact avec eHealth et les principaux producteurs de logiciels médicaux en leur proposant d’inclure un lien vers cet outil dans leurs logiciels. De cette façon, nous espérons qu’il sera adopté par le plus grand nombre de soignants » concluent les deux chercheuses.

Personnes de contact sur le terrain :

Dr Thomas ORBAN, médecin généraliste, président de la Société Scientifique de Médecine générale : 0475 / 902 926Prof Henri NIELENS, Service de Médecine physique et réadaptation, Cliniques universitaires St Luc : 02 /764.16.50 (ou 010.47.45.05 vendredi après-midi)Pour entrer en contact avec les chercheurs du KCE :Karin Rondia, Communication scientifique KCETél. : +32 (0)2 287 33 48GSM : +32 (0)475 769 766Email : press@kce.fgov.be

Que penser du Wi-Fi et des ondes électromagnétiques à l’école?

Le 30 Déc 20

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Que penser du Wi-Fi et des ondes électromagnétiques à l’école?

Il en va ainsi des évolutions technologiques : utilisées tout d’abord dans un cercle restreint, elles se démocratisent et se répandent dans l’ensemble de nos milieux de vie. La technologie « sans fil » n’y fait pas exception, elle s’est généralisée dans la vie courante pour les téléphones, les babyphones, les gsm… mais aussi pour la connexion à internet pour toute une série d’appareils, grâce au wi-fi ou au réseau mobile.Via l’utilisation de tableaux connectés, en passant par les ordinateurs de la salle informatique, les tablettes et smartphones qu’utilisent professeurs et élèves, l’école, elle aussi, intègre ces nouvelles technologies. Face à une exposition de plus en plus accrue des enfants, au sein même de l’école, aux ondes qu’émettent ces appareils, certains s’interrogent sur leurs effets potentiels sur la santé et ont interpellé l’ONE et la Commission de Promotion de la Santé à l’Ecole à ce sujet.Un groupe de travail s’est dès lors constitué au sein de l’ONENote bas de page en 2016 dans le but d’émettre des recommandations quant à l’utilisation des appareils produisant des ondes électromagnétiques de radiofréquence à l’école, à l’attention des professionnels de Promotion de la Santé à l’Ecole, des acteurs scolaires et des Ministres de l’Enfance et de l’Enseignement.

Concrètement, un groupe de travail pour quoi faire ?

Faire le point sur les données scientifiques actuelles et les recommandations existantes sur les risques éventuels de l’exposition aux ondes électromagnétiques des enfants en âge scolaire (maternelle, primaire, secondaire) qui émanent des instances de santé nationales et internationales.Ceci afin de libeller des points d’attention et des propositions de gestion de cette exposition au sein des établissements scolaires dans une optique de promotion de la santé.Sur base de la récolte de ces données et recommandations, un rapport provisoire a été soumis au débat d’un panel d’experts pour aboutir, après cette consultation, à la constitution du rapport final.

Qu’est-ce qu’une onde électromagnétique de radiofréquence ?

La technologie sans fil utilise des ondes électromagnétiques de radiofréquence qui ont une fréquence entre 100 kilohertz et 300 gigahertz ; elles sont la combinaison d’un champ électrique et magnétique qui provoque un rayonnement électromagnétique non ionisant.Ces ondes sont émises par de nombreux objets de notre environnement : ondes télé, ondes radio, ondes émises par le gsm, le wi-fi, le micro-onde etc…Afin de quantifier la dose d’ondes qu’émet un appareil, et que notre corps reçoit, la mesure fréquemment utilisée est celle du DAS : débit d’absorption spécifique. Il s’agit d’une estimation par calcul de la quantité d’énergie absorbée par une partie du corps d’un adulte pendant une seconde (il n’existe pas à l’heure actuelle de modèle qui prenne en compte les particularités des corps des enfants). Le DAS s’exprime en watt par kg. Le DAS maximal (lorsque l’appareil émet à pleine puissance) doit obligatoirement figurer sur le descriptif des caractéristiques techniques de certains appareils lors de leur vente, c’est le cas pour un gsm ou un smartphone par exemple. Le DAS maximum autorisé pour un gsm est de 2 watt par kg. Cela correspond à la quantité reçue lors d’un usage très proche de la tête et dans de mauvaises conditions de réception, comme par exemple lorsque nous sommes en mouvement (en marche, dans la voiture, dans le train…).Dans notre quotidien, les sources de ces ondes peuvent être des sources lointaines et statiques sur lesquelles nous n’avons pas de contrôle ou des sources plus proches de nous, intermittentes et sur lesquelles nous pouvons agir. Nous ne pouvons avoir d’action sur les antennes relais qui se situent dans notre voisinage, mais nous pouvons par contre décider de la manière et de la fréquence à laquelle nous utilisons notre propre gsm ou smartphone. Lorsque nous achetons un téléphone mobile et/ou intelligent, nous pouvons également faire de la valeur du DAS, un de nos critères de sélection.

Que savons-nous sur les effets de ces ondes ?

Il est acquis que les ondes électromagnétiques de radiofréquences peuvent provoquer, en fonction de leur fréquence et de leur intensité, un réchauffement de la matière. C’est la propriété recherchée par le four à micro-ondes par exemple.En raison de ce réchauffement lié aux ondes (celui-ci pouvant mener à des lésions cellulaires) des seuils d’émission maximale ont été établis pour la technologie sans fil.Actuellement, le monde scientifique n’a pas mis en évidence d’autres effets néfastes possibles de ces ondes mais ceux-ci ne sont pas exclus.Si l’état des connaissances ne permet pas actuellement d’apporter une réponse univoque quant à la nocivité des ondes électromagnétiques de radiofréquence sur notre santé, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a néanmoins jugé les données disponibles suffisamment pertinentes dans le domaine de la téléphonie mobile, pour classer ces ondes dans la catégorie « peut-être cancérogènes » en ce qui concerne le risque de cancer de la tête et du cou.Certaines personnes se plaignent « d’hypersensibilité » aux ondes électromagnétiques. Actuellement, aucune association autre que psychologique n’a encore pu être démontrée entre l’exposition à ces ondes et les symptômes présentés. En clair, cela signifie que les symptômes et la souffrance ressentis par les personnes sont réels mais il n’a pu être prouvé actuellement que ceux-ci étaient attribuables à l’exposition à ces ondes. L’OMS évoque dans ce cas la présence d’un effet « nocebo » : une personne qui pense être soumise à quelque chose de nocif (ici les ondes électromagnétiques) ressent des symptômes aspécifiques.Toutefois, la recherche se poursuit.Il est cependant clairement admis au sein de la communauté scientifique, que les enfants absorbent davantage d’ondes électromagnétiques que des adultes soumis à ces ondes aux mêmes conditions. Cela s’explique en raison de leur petite taille, qui occasionne une absorption plus importante pour une même zone, et des propriétés diélectriquesNote bas de page de leurs tissus qui sont différentes de celles des adultes.Il est établi également que l’exposition induite est différente en fonction des appareils. L’intensité du champ électromagnétique produite par la téléphonie mobile est beaucoup plus importante que l’intensité du champ d’un routeur wi-fi, sans que la durée d’exposition ne vienne changer la donne.Sans négliger la part d’exposition aux bornes wi-fi, les messages prioritaires à adresser concernent surtout l’usage de la téléphonie mobile. Afin de limiter son exposition, il s’agira de veiller à utiliser son téléphone dans des conditions optimales : dans de bonnes conditions de réception (là où le réseau est performant), à l’arrêt (pour ne pas que le mobile cherche de manière continue à se relier au relais) et à distance du corps (via une oreillette par exemple).

Quelques précisions préalables importantes quant aux résultats du groupe de travail:

  • Les recommandations du rapport n’ont pas pour vocation d’encourager ou à l’inverse, de mettre un frein à l’essor du numérique en milieu scolaire.

  • Ce rapport se base sur les connaissances scientifiques actuelles. Puisque la recherche progresse et les technologies aussi, le contenu du rapport est amené à évoluer, et ce, peut-être, rapidement.

  • Le champ d’étude du groupe de travail s’est élargi de l’impact de l’utilisation desrouteurs wi-fiau sein des écoles permettant de connecter tablettes, pc et tableaux, à l’usage du gsm et du smartphone présents de manière importante dans l’environnement des enfants.

  • Seuls les effets sanitaires potentiels des ondes électromagnétiques sur la santé ont été abordés.L’aspect pédagogique des technologies numériques ou tout autre effet sanitaire potentiel tel que l’addiction n’ont pas été abordés dans le cadre de ce travail.

Que faire ?

L’état actuel des connaissances ne permet donc pas d’apporter une réponse claire et univoque sur la nocivité des ondes électromagnétiques de radiofréquence sur la santé. Il s’agit donc plus de gérer une incertitude quant aux risques, que le risque en tant que tel.Le groupe de travail a souhaité se positionner résolument dans une optique de promotion de la santé dans laquelle les éléments suivants sont d’importance:

  • l’information, la communication et la transparence avec les parents, les élèves et les enseignants sur ce sujet ;

  • l’empowerment (action qui permet à chacun de s’investir, d’avoir une compréhension suffisante pour être autonome et responsable de ses décisions) ;

  • la logique d’utiliser un outil uniquement quand c’est nécessaire étant donné qu’il existe un manque de connaissances quant à sa nocivité à long terme.

Le groupe de travail a proposé des pistes d’actions à plusieurs niveaux : pour les responsables des établissements scolaires, pour les professionnels de la médecine scolaire, et pour les mandataires politiques. Pour ces derniers, des recommandations en matière de normes et de recherches ont été formuléesLes pistes d’action à explorer à l’école sont :

  • Limiter, autant que c’est possible raisonnablement, l’exposition des enfants aux ondes électromagnétiques de radiofréquence lorsque ce n’est pas nécessaire.

  • Pour limiter l’exposition des enfants, on peut jouer sur le choix d’un matériel, sur le cumul (intensité de l’exposition et durée) et sur la distance.

  • Pour le choix du matériel, on peut favoriser une liaison internet par câble. Si le wi-fi est présent, privilégier une installation susceptible de pouvoir s’éteindre quand elle n’est pas utilisée. Penser à éteindre les pc et les tablettes qui vont continuer à émettre pour chercher où se connecter.

  • Pour la distance, les champs électromagnétiques diminuent relativement rapidement quand on s’en éloigne Une étude d’implantation sera donc la bienvenue pour déterminer où disposer les bornes wi-fi dans les lieux les plus éloignés des enfants, ou dans les lieux de passage.

  • Sensibiliser les enfants pour promouvoir une utilisation du GSM/smartphone à distance : via une oreillette, un kit main libre, en ne gardant pas l’appareil en poche…

Mais encore, pour le monde politique :

  • Sensibiliser les directions et les enseignants sur l’utilisation avisée et précautionneuse de ces appareils en introduisant par exemple dans les formations sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication, ces notions de cumul, de distance et de degré d’exposition….

  • Promouvoir auprès des acteurs scolaires, la nécessité d’une information et d’une communication transparente vis-à-vis des parents et des élèves sur les projets des écoles en matière des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Quelle position adopter en médecine scolaire face à un enfant qui aurait des plaintes d’électro sensibilité ?

L’enfant en souffrance demande une reconnaissance et une prise en charge de son problème.Il est tout d’abord nécessaire de s’assurer que l’enfant a fait l’objet d’une mise au point complète vis-à-vis de ses symptômes tant au niveau physique, psychologique que social et environnemental. Des causes liées à des problèmes de vue, d’allergies, de moisissures, de stress etc. devront d’abord être exclues. Ensuite, la situation sera vue au cas par cas dans un exercice d’équilibre délicat entre la possibilité d’aménagements éventuels afin de réduire l’exposition et les impératifs du projet d’établissement et tout en veillant à ne pas étiqueter l’enfant pour ne pas compromettre son avenir social et professionnel.

Conclusions

A ce jour, la recherche n’a pas permis de répondre de manière univoque aux questionnements soulevés par le développement rapides des nouvelles technologiques quant aux risques liés à l’exposition aux rayonnements électromagnétiques de radiofréquence sur notre santé. Aucune association délétère n’a pu être démontrée actuellement, ce qui est un élément rassurant. Néanmoins de nombreuses inconnues subsistent.Sur base du consensus qui établit que les enfants y sont plus susceptibles que des adultes et qu‘un manque de données existe quant à leurs éventuels effets, il s’avère dès lors raisonnable de limiter l’exposition des enfants à ce qui est nécessaire, à l’école comme à la maison.

Ce groupe de travail est composé de représentants de la Direction Santé et de la Direction Recherche et Développement de l’ONE, de membres du Collège des conseillers pédiatres de l’ONE, des Eco-conseillères de l’ONE, d’un membre du Bureau de la Commission de Promotion de la Santé à l’Ecole et du responsable de la Cellule Promotion des attitudes saines à l’école de la Direction générale de l’Enseignement Obligatoire du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Isolantes (ou de conduction électrique).

Illettrisme et santé, brisons le tabou

Le 30 Déc 20

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« Au moins un patient sur dix est en difficulté avec l’écrit et peut être en danger si on n’en tient pas compte ! ». Education Santé a participé à une matinée de sensibilisation à la problématique de l’illettrisme, organisée par l’asbl Lire & Ecrire à destination des professionnels de la santé.

Au programme de cette matinée, nous avons tout d’abord interrogé nos représentations de l’illettrisme, avant d’en aborder les causes et les conséquences. Ensuite, nous avons échangé sur le lien entre l’illettrisme et la santé, les « trucs et astuces » pour le reconnaître auprès des patients et oser l’aborder.

Au moins un patient sur dix

L’illettrisme vous semble être une problématique d’un autre âge ? Pourtant, aujourd’hui on estime qu’il concerne environ 10% de la population en Belgique. Il n’existe pas de données statistiques précises, les estimations sont issues de données croisées entre les résultats des études PISA, des recherches, les observations de terrain, etc.

Qu’entend-t-on par « illettrisme » ?

L’illettrisme ne se limite pas à l’analphabétisme, c’est-à-dire « l’état d’une personne qui n’a jamais appris à lire et écrire ». Il caractérise les personnes « qui n’arrivent pas à lire et à comprendre un texte simple et court en rapport avec sa vie quotidienne (et dans sa langue maternelle) ». Il ne concerne donc pas non plus les personnes d’origine étrangère qui ne maîtrisent pas notre langue. Chez Lire & Ecrire, de nombreux apprenants sont des « belgo-belges » francophones qui ne maîtrisent pas la lecture et l’écriture, ou qui l’ont perdue. Parmi ces derniers, les animatrices nous relatent que la grande majorité d’entre eux pensent être les seuls dans ce cas et en éprouvent un sentiment de honte très fort.

Les causes sont multiples et variées. Souvent, on retrouvera un contexte de précarité financière mais pas dans tous les cas. Sont cités aussi : la précarité sociale, des troubles de l’apprentissage non pris en compte, un entourage non stimulant… Les causes ne sont pas uniques et se retrouvent  pour chacun dans une combinaison de facteurs.

Bien que l’école primaire soit obligatoire en Belgique, « si on ‘rate le coche’ à l’école vers ses 7 ans, passé la première ou deuxième primaire, c’est trop tard dans notre système éducatif » souligne une animatrice. Et le moyen de remédiation massivement appliqué chez nous est le redoublement des élèves. « Ce système ne fait pas ses preuves, on fait porter la responsabilité à l’enfant, ou ses parents, et on apporte une réponse collective à un problème individuel. », ajoute-t-elle.

Des conséquences lourdes pour la santé

La problématique de l’illettrisme nous renvoie au concept de la « littératie en santé », ou la capacité d’une personne à obtenir, interpréter et comprendre des informations en lien avec la santé afin de pouvoir faire des choix éclairés pour maintenir ou améliorer sa santé ou celle de son entourage. Or, de très nombreuses situations requièrent l’accès à la lecture et l’écriture pour obtenir et comprendre les informations : de la prise de rendez-vous (trouver le bon interlocuteur, noter les informations de rendez-vous, s’orienter dans un hôpital…) à la médication (lire les notices, comprendre les effets indésirables, adapter les posologies…) en passant par les explications et recommandations du médecin, les papiers pour la mutuelle ou autres démarches administratives… Les obstacles sont nombreux et les conséquences peuvent être dramatiques pour la santé.

L’anxiété, l’isolement et l’impact négatif sur l’estime de soi sont trois thèmes qui reviennent tout au long de la matinée de sensibilisation. D’autres conséquences émergent aussi au fil des discussions : la difficulté pour trouver un emploi, la difficulté à sortir des terrains connus (son quartier où l’on a ses habitudes par exemple), la dépendance aux autres, le peu d’autonomie, la contrainte pour la famille (des enfants qui se trouvent à traiter des problèmes d’adultes pour aider leurs parents, par exemple), etc.

La problématique de l’illettrisme, ses causes et conséquences touchent aux inégalités de santé.

« Une femme de 25 ans disposant d’un diplôme de l’enseignement supérieur peut espérer vivre 18 ans de plus en bonne santé qu’une femme du même âge n’ayant suivi aucun enseignement » (projet TAHIB, ISSP, 2010)

Le détecter…

Plusieurs signes peuvent mettre la puce à l’oreille auprès des professionnels de santé. Par exemple, si une personne vient toujours accompagnée en consultation, si elle a systématiquement « oublié ses lunettes pour lire», si les enveloppes ne sont jamais ouvertes dans son sac, le recours systématique aux urgences de l’hôpital pour être sûr de voir un médecin… Chacun dans la salle évoque des moment où  il a « eu des soupçons », mais personne n’a osé poser la question.

…Et l’aborder

« Brisez le tabou ! » nous exhortent les animatrices. Elles ont trop souvent entendu les apprenants qui viennent chez Lire & Ecrire dire « j’attendais qu’on me le demande, je n’ai pas osé le dire mais je l’aurais dit si on me l’avait demandé ».

Gilles Henrard, médecin généraliste, a entamé tout un travail en partenariat avec Lire & Ecrire. Suite à ses rencontres avec des patients illettrés, il propose quelques pistes à ses confrères pour « améliorer sa communication, particulièrement avec les patients analphabètes » :

  • ralentissez;
  • évitez le jargon médical ;
  • montrez ou dessinez des illustrations ;
  • limitez le nombre d’informations données à chaque contact et répétez-les ;
  • faites répétez ce que vous avez dit, faites faire par le patient les gestes que vous avez décrits pour confirmer sa compréhension ;
  • soyez empathiques et encouragez le patient à participer à ses soins.

La matinée de sensibilisation organisée par Lire & Ecrire a permis de remettre en lumière cette problématique encore trop «  taboue » dans nos pratiques de santé et trop souvent oubliée dans les projets, les animations, les campagnes de prévention… Dans une perspective de promotion de la santé, n’oublions désormais pas/plus de prendre en compte ce public concerné par l’illettrisme.

Pour en savoir plus sur l’asbl « Lire & Ecrire » : www.lire-et-ercire.be

Parents d’aujourd’hui, tous égaux face à la santé ?

Le 30 Déc 20

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Parents d’aujourd’hui, tous égaux face à la santé ?

Le 19 janvier dernier, la Société Française de Santé Publique (SFSP) organisait à Paris son second séminaire intitulé « Accompagnement de la parentalité et inégalités sociales de santé ». Une journée riche en rencontres, débats et réflexions qui rassemblait dans le public des professionnels de tous horizons. Ce séminaire fait partie du projet de la SFSP visant à valoriser, construire et diffuser l’expérience et la connaissance pour développer des actions d’accompagnement à la parentalité ayant un impact sur les inégalités sociales de santé. Pour nous parler de parentalité et d’inégalités sociales de santé plusieurs intervenants : le milieu universitaire français et québécois, la caisse nationale des allocations familiales (CNAF), des professionnels de terrain… Education Santé y a assisté et partage avec vous quelques éléments de réflexion.

Médecins, chercheurs, éducateurs, parents… au cours de l’histoire, l’enfant est petit à petit devenu l’objet de beaucoup d’attentions pour la société civile et scientifique. L’enfance est en effet une période de construction intense sur le plan physique, évidemment, mais aussi pour le développement de la citoyenneté et de la santé ! C’est aussi, et surtout, une période très propice à la création des inégalités sociales de santé (ISS) ! En France, on estime aujourd’hui qu’un cinquième des enfants vit sous le seuil de pauvreté.

Parfois dans le marasmes d’informations, les inégalités sociales de santé prennent bien des définitions. Alors pour petit rappel, les ISS ce n’est pas : la précarité, la pauvreté, l’exclusion sociale, les inégalités de santé (au sens génétique, de genre ou encore d’âge) ce sont des écarts injustes et importants que l’on enregistre entre groupes sociaux ou territoires. Ces inégalités se construisent très tôt dans la vie, dès la conception d’un enfant. C’est donc à ce moment qu’il faut agir !

Inégalités et enfance : quelques repères

Forte de ses nombreuses années d’expérience en médecine préventive, le docteur Christine Colin, professeur titulaire de santé publique à l’Université de Montréal, nous a présenté quelques points de repères pour agir sur les ISS.

La petite enfance est une période cruciale où l’ensemble des parents ont une série de besoins et d’inquiétudes semblables. On observe l’influence du gradient social très tôt, dès la conception. Si, comme il nous l’a été rappelé, les ISS ne sont pas la pauvreté, on sait que pour les populations les plus pauvres un certain « fossé » coexiste avec le gradient social. C’est-à-dire qu’il existe une différence significative entre le groupe de population très défavorisé et le groupe juste supérieur. Aujourd’hui, la pauvreté est encore une réalité persistante qui tend à s’aggraver.

« La pauvreté peut être plus dommageable durant la petite enfance, car elle affecte plusieurs sphères constituantes qui auront un impact sur la performance et la réussite scolaire » Jack P. Shonkoff, 2000

L’indigence, en plus des conséquences directes sur la santé périnatale (malformations congénitales, prématurité, petit poids de naissance…) et la santé des enfants (obésité, asthme, anémie…), se répercute sur la parentalité ! L’enfant est souvent synonyme de projet et porteur d’espoir. Pourtant il y a un stress élevé et omniprésent lié à l’état de précarité : payer les factures, acheter à manger, les frais médicaux… Apparaissent un sentiment de honte et une estime de soi compromise ! Des parents qui bien que dotés de compétences parentales et d’amour pour leur(s) enfant(s) se voient souvent jugés incapables de s’occuper de ceux-ci. Simplement, et malheureusement, parce que les compétences parentales sont cachées derrières des difficultés du quotidien sans pour autant être caractérisées par une absence de sécurité matérielle. Ceci entraine de la part des parents une méfiance à l’égard des services de soins et des services sociaux et nuit à l’établissement d’une relation de confiance entre professionnel et parents.

La pauvreté influence aussi l’environnement dans lequel l’enfant grandit et évolue. Il s’agit souvent d’un environnement moins stimulant, lié entre autres, à de faibles interactions sociales et verbales, à la dureté de l’éducation ou encore la qualité des institutions telles que l’école ou des programmes éducatifs. Le regard que la société pose sur la pauvreté marginalise ces populations en inspirant méfiance, préjugés, jugements… qui eux-mêmes influence les sentiments de honte, de stress, etc. chez les populations pauvres. Sorte de spirale autoalimentée. Bien qu’inquiétante, il faut garder à l’esprit qu’il n’y a pas de déterminisme à la pauvreté. Il est évident qu’il y a une majoration des divers risques lié à la précarité mais cela ne s’applique pas à la totalité des enfants. La résiliences est toujours possible, les interventions de promotion de la santé trouvent leur place dans ces contextes précaires et peuvent être efficaces !

« Si l’enfance est une période de fragilité c’est aussi une période d’opportunités. Il faut que les parents sachent qu’ils sont capables d’accompagner leur enfant et de développer des compétences psychosociales »

Agir pour les enfants d’aujourd’hui, c’est agir pour les adultes de demain. Pourquoi ? Parce que les enfants nés dans la précarité peuvent voir leur statut socio-économique amélioré à l’âge adulte. Néanmoins, les effets d’un faible niveau socio-économique pendant l’enfance ne se voient pas totalement effacés ! On observe en effet une répercussion sur la santé des adultes avec une augmentation de la fréquence de l’obésité, la toxicomanie, maladies cardio-vasculaires… L’influence de ce statut est même supérieure à l’addition des différents facteurs de risques qui coexistent. Les préjudices survenus durant le développement de l’enfant sont non seulement irréversibles mais aussi lié à l’effet cumulatif des stresseurs et des menaces.

Que dit le monde scientifique ?

Pour répondre à cette question, Annabelle Pierron, sage-femme et doctorante en santé publique a présenté sa méta-analyse des revues scientifiques en lien avec le sujet. Elle a analysé la littérature publiée sur base de données médicales depuis 2009, année de la parution du rapport de l’OMS sur les déterminants de santéNote bas de page. Ceci dans le but de mettre en évidence trois questions :

  • Quelles sont les interventions les plus efficaces identifiées en matière de promotion de la santé pour les mères et les nouveau-nés ?

  • Est-ce que les auteurs prennent en considération les inégalités sociales de santé ?

  • Quelles sont les pistes d’amélioration proposées par les auteurs ?

Lors de cette méta-analyse elle a pu mettre en évidence les caractéristiques des interventions les plus efficaces. Notamment l’accompagnement comportemental, cognitif et psychologique qui peut se faire en groupes de parole ou via un soutien téléphonique. Celui-ci améliore l’adaptation des couples à la parentalité ainsi qu’une amélioration de la sensibilité et de la réceptivité du nouveau-né. Il existe deux éléments clés qui rendent ces interventions encore plus efficaces : quand elles sont débutées avant la naissance et lorsque les parents y participent activement. On observe alors de vrais bénéfices pour les mères et les bébés et ce, pour un coût faible !ImageAu cours de ses recherches, la doctorante a également pu mettre en évidence que la littérature avait une vision parcellaire des inégalités sociales de santé. Après avoir trié les différents articles avec des critères d’exclusions tels que : les enfants de moins de 3 ans, la prématurité et la présence de pathologies maternelles, elle a retenu 21 articles. Sur cette sélection, 10 d’entre eux abordaient les ISS et seulement 4 les intégraient réellement à l’analyse ! La littérature s’intéresse peu à la période périnatale et aux services universels, c’est-à-dire qu’elle se centre surtout sur des populations dites à risque. Par ailleurs, elle n’étudie ni la qualité de logement, les services de garde des enfants ni le versant relationnel et du lien social. Autre élément important, souvent le parent est associé à la maman ! Le couple envisagé comme une entité parentale est peu étudié, peut-être par difficulté méthodologique. Finalement, comment définir le mot « parent » sachant que la parentalité est une expérience unique et singulière pour chacun, qu’elle ne dépend pas uniquement du/des parent(s) mais aussi des modes de vie ?

Malgré ces difficultés, les auteurs proposent une série de stratégies pour faire face aux ISS : (suite…)

Quand la vapote prend de l’ampleur chez les jeunes.

Le 30 Déc 20

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L’utilisation de l’e-cigarette est-elle un tremplin vers une consommation de tabac classique ? Voilà une question récurrente à laquelle aucune réponse claire ne peut être apportée actuellement en raison de l’apparition récente de ce dispositif de plus en plus en vogue. Le risque est certes réel mais trop peu d’informations sur le long terme sont disponibles pour le confirmer. Ce manque d’information ne permet toutefois pas d’infirmer cette hypothèse. C’est notamment cette incertitude qui justifie le principe de vigilance à l’égard des cigarettes électroniques.

Quand la vapote prend de l’ampleur chez les jeunes.

Les jeunes constituent un sujet fréquemment mis sur la table car ils se présentent comme un groupe à risque pour l’utilisation de cigarettes électroniques. Cette observation inquiète et pose question. Cette recherche vise à éclaircir la dynamique existante dans l’utilisation occasionnelle ou persistante d’e-cigarettes par des jeunes. En d’autres mots, cet article s’intéresse à l’utilisation de la cigarette électronique et aux perceptions qu’en ont les jeunes, ainsi qu’à la manière dont ils justifient son utilisation.

Méthodologie

Étant donné que cette étude vise la compréhension ainsi que l’émission d’hypothèses d’interprétation du processus d’expérimentation – voire d’adoption – de la cigarette électronique chez les jeunes, le choix de la méthode s’est axé vers une recherche qualitative. L’intérêt de cette recherche porte sur les jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans car l’OMS estime qu’il s’agit d’une cible très curieuse face à l’e-cig. La présente étude s’intéresse aux représentations de ces jeunes ainsi qu’aux raisons de leur attrait.

Neuf entretiens semi-directifs ont été menés avec des jeunes. Les répondants étaient âgés de 16 à 24 ans et étaient utilisateurs actuels ou avaient expérimenté l’e-cigarette dans le passé. Parmi ces derniers, trois des plus jeunes répondants témoignaient de leurs expériences à l’âge de 13ans. L’échantillon comptait trois filles contre six garçons.

Ce que les jeunes en disent

  1. L’initiation et le maintien

Utilité perçue

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Aucun jeune n’affirme l’innocuité de la cigarette électronique mais tous assurent qu’elle est moins nocive que le tabac. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils l’ont choisi pour leur sevrage tabagique.

« Ça m’étonnerait que tu meures d’un cancer après la cigarette électronique. Après je n’en sais pas plus (…) mais au moins, je n’ai pas de jaunissement des dents. »

Les jeunes sont plus sensibles aux effets observables à court terme qu’aux risques à long terme. Même s’ils avouent ne pas s’être renseignés davantage, le plaisir immédiat prend le dessus sur les éventuels risques futurs. Percevoir l’e-cig comme moins risquée que le tabac suffit à justifier leur comportement et contribue à l’image positive qu’ils en ont.

La technologie de la cigarette électronique est sans conteste l’une des explications de son succès grandissant. Lorsque les jeunes envisagent d’arrêter de fumer, ils se tournent spontanément vers ce dispositif sans envisager d’autres solutions. L’un des jeunes non-fumeurs interrogé confie même avoir choisi la cigarette électronique pour sa ressemblance avec la consommation de tabac et son côté « fun ». Même lorsque la motivation initiale est l’arrêt du tabac, la cigarette électronique peut facilement prendre la place d’un gadget.

« C’est comme passer d’un Nokia 3310 à un Iphone. » « On a vu qu’il y en avait des super belles… le design nous intéressant fort aussi. J’en voulais une sophistiquée. » « Si t’as quelque chose de mieux de la cigarette électronique, je peux être preneur mais il faut que ce soit un truc qui soit un peu fun quoi. »

De toute évidence, la matérialisation de l’objet ainsi que sa sophistication technologique et visuelle apparaissent comme très importantes pour les jeunes. Malgré cela, il faut préciser que le niveau d’investissement (temps, financier, apprentissage) dans ce nouvel objet et le type d’utilisation semble varier selon le genre de l’utilisateur ainsi que ses besoins et désirs.

« Je regardais sur un site hier, et j’avais l’impression qu’on achetait une fusée. Pour moi, ça doit être simple d’utilisation sinon je ne vois pas l’intérêt. (…) en tout cas, pour les filles, les simples c’est le mieux. »

La cigarette électronique plaît car elle mime les habitudes sociales, les gestuelles ainsi que les ressentis tabagiques, et les jeunes sont désireux de retrouver un maximum de ces similitudes dans leur nouveau comportement. Cette imitation gestuelle justifie la présence des vapoteurs avec les fumeurs à l’extérieur. En réalité, la cigarette électronique leur permet de maintenir les habitudes sociales du tabac, et de maintenir une place dans le groupe des fumeurs. Notons que  certaines différences comme la variété des goûts et odeurs en font un dispositif encore plus attirant pour les jeunes.

« C’est surtout pour le geste et quand je suis avec des amis qui fument… me dire que moi aussi j’ai quelque chose. » « Sortir fumer avec les autres aux pauses, etc. » « T’es pas là avec ton patch à te caresser le bras. »

L’influence sociale

Si les amis constituent le point commun de l’initiation des jeunes interrogés, les jeunes expliquent aussi observer de plus en plus de vapoteurs dans leur quotidien. Les récits confirment qu’il existe une influence des leaders d’opinion, mais ils démontrent également que l’augmentation de l’observabilité de la technologie et de son accessibilité occasionne un changement de perception et d’utilité perçue.

« On en voit de plus en plus dans la rue.» « C’est devenu un effet de mode d’avoir une belle cigarette électronique. » « Moi ce n’est pas pour me donner un « genre » si je fume la cigarette électronique, mais c’est parce qu’on a commencé ça dans le groupe. » « À la base, j’ai surtout commencé pour l’effet de mode. »

La pratique semble effectivement de plus en plus observable dans les groupes de jeunes. Les deux cadets comparent l’e-cigarette à une mode éphémère comme les cartes Panini ou Pokémon, et expliquent leur achat en raison de l’engouement présent dans leur école.

L’image dégagée par le jeune vapoteur a une influence sur l’initiation à ce comportement. Beaucoup de jeunes utiliseraient donc l’e-cigarette pour le côté « m’as-tu-vu » de l’objet.

« C’est stylé de fumer la cigarette électronique. » « Quand je me suis acheté ma cigarette électronique, c’était un peu pour faire mon malin je dois dire. »

Grâce à ses goûts et sa ressemblance avec la cigarette classique, l’e-cigarette offre la possibilité d’adopter un comportement comparable au tabac sans ses inconvénients (santé, odeurs, goûts). Vapoter constitue donc une sorte d’opportunité pour les jeunes non-fumeurs de s’apparenter au groupe de fumeurs tout en utilisant un dispositif différent.

Le support social

Lors de l’initiation, les jeunes ont besoin d’un temps d’adaptation pour se familiariser avec ce nouvel outil et ses multiples produits. Le groupe est présent durant cette période d’apprentissage et leur apporte le soutien dont ils ont besoin. Pour certains, cette période est jugée indispensable alors que pour d’autres elle est source d’abandon.

« Je me suis forcé au début. » « Quand j’ai commencé, c’était dégueulasse mais je l’ai refait plusieurs fois et ça a été progressif. »

Lorsque les jeunes ont acquis un certain niveau de connaissance de la pratique, l’e-cig devient plus agréable et offre de nombreuses perspectives. Le jeune met alors en avant ses capacités d’exploitation et en fait profiter les autres.

« Moi ça m’amuse de faire ma petite popote et mélanger les goûts pour avoir vraiment ce que je recherche, mais ça pas mal de gens ne savent pas le faire ! »

En plus de l’apprentissage social, l’e‑cigarette semble développer un autre caractère que le tabac qui n’est autre que le partage d’expérience. Parce qu’ils partagent un comportement analogue et parce qu’ils échangent sur leurs expériences personnelles, les vapoteurs se distinguent des autres et s’identifient comme faisant partie d’un même groupe.

« On s’échangeait des goûts. » « C’est vraiment un truc de partage. » « Les gens qui ont une cigarette électronique dans la rue, tu les regardes et tu souris tu vois… c’est une sorte de groupe. » « C’est vraiment devenu un petit réseau. »

  1. Le vapoteur : un « entrepreneur de moral » (Becker)

« C’est complètement inutile de faire venir un tabacologue à l’école avec un discours moralisateur… »

Il est intéressant de remarquer que les jeunes – souvent critiques face aux discours des professionnels de la santé à l’égard du tabagisme – tiennent des propos relativement similaires et engagés dans leurs entretiens.

Effectivement, les récits des jeunes sont sans équivoque ; l’e-cig constitue un outil plus bénéfique pour lutter contre le tabagisme que les autres substituts au tabac. C’est à ce titre qu’ils démontrent une volonté de défendre la cigarette électronique auprès des plus sceptiques, et une volonté d’initier les plus curieux. S’ils perçoivent l’e-cigarette comme la solution aux dangers du tabac et qu’ils considèrent cette nouvelle pratique comme totalement légitime, ils la font valoir et s’en font les promoteurs.

« J’ai des potes qui ont été en acheter une après que j’ai parlé avec eux. » « Celui qui fume, je vais essayer de le convaincre. »

Pour certains, l’existence goûts et leur variété infinie constituent l’atout majeur de la cigarette électronique. Ils considèrent que cet aspect doit être mis en avant pour séduire davantage jeunes et les déjouer du tabac.

« Je crois qu’ils devraient mettre ça encore plus en avant pour les jeunes et au moins ils passeront directement par là et pas par une cigarette normale nocive qui leur fera du mal aux poumons. »

Toutefois, si certains n’ignorent pas que l’e-cig n’est pas une consommation totalement anodine, cela ne les empêche pas de relativiser le risque pris.

« Un coca-cola, c’est nocif aussi et pourtant t’en trouves partout et ils en font de la pub… » « Sans prise de risques, t’as l’impression d’être un robot en fait. » « Jupiler a été le sponsor des diables rouges.»

Comment la cigarette électronique est-elle parvenue à s’introduite si aisément dans le quotidien des jeunes ?

Tous les jeunes interrogés ont commencé par l’intermédiaire d’un proche et témoignent de l’engouement existant pour l’e-cig dans leur groupe. Ainsi, ils font référence à une augmentation de l’observabilité de cette pratique. Lorsque l’on sait que l’utilité qu’un individu perçoit d’un comportement augmente si sa présence est élevée dans le groupe, le milieu scolaire apparait comme un endroit clé de visibilité du comportement ainsi que le lieu d’initiation de nombreux jeunes.

Si le maintien de la vapote est facilité par le soutien d’un groupe, l’initiation au comportement semble être aisée. Lorsque le vapoteur est débutant, le groupe a tendance à le rassurer en minimisant les effets désagréables. L’interaction avec les pairs est d’une importance capitale tant elle influence le sentiment de sensations agréables du novice et motive donc sa consommation. Le groupe influence aussi le maintien car il les aide à faire face aux jugements sociaux qui les stigmatisent. La vapote constitue donc un comportement nécessitant le support des autres jusqu’à ce que le jeune devienne entièrement autonome dans sa nouvelle pratique.

Les jeunes perçoivent l’e-cigarette comme non nocive, ou moins nocive que le tabac, ce qui suffit à justifier leur choix de comportement. Notons que cette absence de risque perçue n’est pas toujours combinée avec une recherche approfondie sur le sujet, et ne représente donc pas toujours le risque réel. C’est l’augmentation de l’observabilité du comportement dans leurs groupes de pairs et les effets de réseaux d’une part, ainsi que les effets du marketing et messages des leaders d’opinions d’autre part qui influencent leurs perceptions des risques et croyances sur l’e-cigarette. Vapoter apparaît pour les jeunes comme un comportement légitime car celui-ci imite les rites tabagiques et permet l’équilibre entre croyances et comportements.

Quelles conclusions peut-on en tirer?

L’attitude des vapoteurs peut être qualifiée d’ambigüe lorsque d’un côté, ils souhaitent maintenir leur appartenance sociale au groupe de fumeurs ; et de l’autre côté, ils revendiquent la singularité de leur nouvelle pratique ainsi que l’exemplarité de ses adeptes. Selon eux, vapoter à l’intérieur est égal étant donné que la cigarette électronique n’a pas les mêmes implications que le tabac. Aucun des jeunes n’associe la vapeur dégagée par la cigarette électronique au tabagisme passif, et les vapoteurs passifs eux-mêmes semblent être plus tolérants.

Aussi, en tant qu’« entrepreneurs de moral », le discours des jeunes vapoteurs est parfois équivoque. En effet, ils défendent l’innocuité de la cigarette électronique d’une part, et considèrent qu’il faut promouvoir ses atouts. Selon eux, c’est le côté ludique de ce nouvel outil technologique qui doit être mis en avant afin d’éviter l’initiation tabagique des jeunes. Alors que d’autre part, ils valorisent une exploitation précautionneuse de l’e-cig, et estiment qu’elle ne peut être considérée comme un jeu. Notons que même lorsque la motivation initiale est l’arrêt du tabac chez les jeunes, la cigarette électronique semble prendre la place d’un gadget grâce à ses possibilités de sophistications et personnalisations.

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Pour conclure, lorsque l’on sait que les innovations technologiques se répandent plus facilement dans les groupes favorisés que dans les groupes défavorisés (DiMaggio et Garip, 2011), la cigarette électronique ‑ en partant du postulat qu’elle améliore la santé – pourrait constituer un nouvel outil susceptible de ne profiter qu’aux plus aisés. Sachant que la vapote se diffuse rapidement au moyen des effets de pairs, l’hypothèse qu’elle maintienne la stratification sociale voire augmente les inégalités de santé devrait être envisagée plus sérieusement.

Si l’adoption de la cigarette électronique semble constituer une solution évidente aux dangers du tabac, la présente étude qualitative démontre que le comportement associé au fait de vapoter est une matière aussi vaste que complexe qui suscite avis variés et propos ambivalents de la part des jeunes utilisateurs eux-mêmes.

Paradoxalement, ce sont les normes sociétales actuelles et les discours sanitaires défendus par les autorités qui contribuent à l’essor du vapotage ; ce même comportement qui par son succès ascensionnel et fulminant – notamment auprès des jeunes – en vient à inquiéter la santé publique et s’insérer dans l’agenda politique.

Une version plus détaillée des résultats se trouve sur le site internet www.educationsanté.be

Programme de dépistage du cancer colorectal en Fédération Wallonie-Bruxelles

Le 30 Déc 20

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ImageDépistage du cancer colorectal : où en est-on ?

Le cancer colorectal est une priorité de Santé publique dans le monde car il affecte plus d’un million de personnes chaque année dont 50% en décèdent.

En Belgique, en 2014, presque 9 700 nouveaux cas de cancer colorectal ont été diagnostiquésNote bas de page.

C’est le troisième cancer le plus fréquent chez l’homme, le deuxième chez la femme. Il représente le cancer digestif le plus fréquent et 13% de tous les cancers en Belgique.

Il est souvent diagnostiqué à un stade avancé et il est donc associé à une mortalité élevée. Avec plus de 11%, c’est la seconde cause de décès par cancer, après le cancer du poumon. Avec plus de 3000 décès par an par cancer colorectal en Belgique, c’est plus de 4 fois le nombre de tués sur nos routes chaque année, c’est presque 10 décès par jour !

L’incidence de ce cancer augmente nettement à partir de 50 ans et environ ¾ des cancers colorectaux se manifestent dans la population asymptomatique sans antécédents personnels ou familiaux.

Détecté à un stade précoce, le cancer colorectal se guérit dans 9 cas sur 10. Les experts du Conseil de l’Union européenne et du Centre Fédéral d’ExpertiseNote bas de page (KCE) ont recommandé d’offrir un dépistage du cancer colorectal aux personnes asymptomatiques et sans antécédents personnels ou familiaux entre 50 et 74 ans.Image

Le test de dépistage

Le test qui a été utilisé depuis 2009 dans le Programme de dépistage du cancer colorectal en Fédération Wallonie-Bruxelles est l’Hemoccult®, test de recherche de sang occulte dans les selles à base de résine de gaïac (gFOBTNote bas de page). Celui-ci a montré son efficacité mais aussi ses limites.

Sur base de nombreuses études internationales et les résultats d’un projet pilote mené en 2014 dans deux entités de la Wallonie, il a été décidé d’évoluer vers un test immunologique de recherche de sang occulte dans les selles (iFOBTNote bas de page).

La généralisation de l’utilisation de ce nouveau test représente une avancée significative pour le dépistage du cancer colorectal.

Avantages multiples du test iFOBT

Ce test est plus performant en détectant des lésions à un stade plus précoce tout en détectant environ deux fois plus de cancers et trois fois plus d’adénomes. Sa fiabilité est plus importante (spécifique de l’hémoglobine humaine, lecture automatisée, ajustement possible du seuil de positivité). Ce test est aussi plus simple : un seul prélèvement suffit. Sa réalisation est rapide et la compliance des patients est meilleure.

Au vu de ses qualités, la généralisation de l’utilisation du test immunologique est un élément décisif pour accroître l’efficacité du programme, améliorer la participation et la fidélisation à ce dépistage.

L’utilisation du test immunologique en Fédération Wallonie-Bruxelles a été généralisée en mars 2016. En parallèle, la lecture des tests Hemoccult® encore en circulation s’est poursuivie jusqu’en mai 2017.

Que se passe-t-il en cas de test positif ?

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En cas de test positif, une coloscopie complète est recommandée. Dans un cas sur deux, la coloscopie ne montrera rien, mais dans les autres cas elle permettra de déceler la présence d’un cancer ou d’enlever une lésion précancéreuse pour éviter qu’elle ne dégénère en cancer.

Comment réaliser un test de dépistage ?

Première participation

Pour une première participation à ce dépistage, les personnes sont invitées à en parler avec leur médecin généraliste qui pourra leur remettre un test iFOBT. Une nouvelle procédure mise en place début 2016 permet de réapprovisionner automatiquement le stock du médecin généraliste. Les avantages de cette nouvelle procédure sont le respect de l’âge de l’éligibilité (50 à 74 ans) et de la périodicité de 2 ans entre deux tests, le réapprovisionnement automatique du stock chez le médecin, la diminution du gaspillage due à l’inutilisation de tests qui se périment et la relance possible des patients n’ayant pas réalisé le test remis par leur médecin.

Depuis juillet 2017, les personnes invitées mensuellement ont la possibilité de demander gratuitement l’envoi du kit de dépistage à leur domicile via une plateforme web sécurisée et un code unique précisé sur la lettre d’invitation. Cette alternative devrait permettre aux personnes qui consultent très peu leur médecin généraliste de participer à ce dépistage sans devoir nécessairement se rendre chez leur médecin généraliste.

Systématisation de l’envoi des tests à domicile lors des réexamens.

Pour les personnes ayant déjà réalisé un test de dépistage, l’envoi d’un nouveau test de dépistage deux ans après un test négatif directement au domicile de la personne a été généralisé en mars 2015. Cette procédure garantit une plus grande fidélisation au programme de dépistage du cancer colorectal et un plus grand respect de la périodicité entre deux dépistages.

Quel est le public cible pour le dépistage ?

Depuis 2009, toute la population éligible est invitée tous les deux ans entre 50 et 74 ans à participer au Programme de dépistage sans aucune exclusion. Cette population de la Fédération Wallonie-Bruxelles représente environ 1.150.000 personnes.Une partie de cette population bénéficie déjà de coloscopies régulières, de tests de recherche de sang dans les selles en dehors du Programme ou d’un suivi pour un cancer colorectal. Cela représente environ 17% de la population cible. Afin de ne pas importuner ces personnes et de réduire les coûts liés à ces courriers d’invitations inutiles, ces personnes doivent être exclues temporairement des listes d’invitation. Par ailleurs, en n’excluant pas ces personnes, le taux de participation de la vraie population cible est évidemment très sous-évalué !

Suite à l’autorisation de la Commission de la protection de la vie privée et grâce à une collaboration avec la Fondation Registre du cancer et l’Agence intermutualiste, ces listes de sélection ont été appliquées en Fédération Wallonie-Bruxelles depuis juillet 2016.

Résultats

Les résultats des tests Hemoccult® analysés pendant la période 2009 à 2015 sont en conformité avec les chiffres attendus avec ce test gFOBT. Sur presque 280.000 tests analysés au cours de cette période, 3,3% des tests ont été positifs. Sur plus de 7.000 coloscopies connues à ce jour, 516 cancers ont été dépistés et 2803 présences d’adénomes tous stades confondus.

Seule la participation de la population est trop faible. Des changements de procédures ont donc été appliqués en cours de période afin d’augmenter la participation et la fidélisation à ce programme de dépistage.

Depuis la généralisation du test immunologique en mars 2016, les premiers résultats montrent un taux de positivité de 7,5% au seuil de détection de 75ng Hb /ml. Il est prématuré de donner des résultats complets sur le suivi des tests positifs par manque de connaissance de toutes les coloscopies réalisées, mais les premiers résultats sont en adéquation avec les attendus.

Taux de participation

Afin d’avoir un impact réel sur la réduction de la mortalité liée au cancer colorectal, il faut au minimum que 50% de la population soit dépistée.Entre 2009 et 2015, le taux de participation était bas, environ 10%, variable d’une région à l’autre.Suite à de nombreux changements dans l’organisation de ce Programme en Fédération Wallonie-Bruxelles, le taux de participation augmente sensiblement depuis 2016 et devrait atteindre 25% fin 2017.

Source : Fondation Registre du Cancer, 2016

gaïac Faecal Occult Blood Test

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Littératie en santé (Health literacy) et sources d’information

Le 30 Déc 20

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De plus en plus de patients prennent part activement aux décisions liées à leur santé et deviennent des ‘patients éclairés’. Pour assumer ce rôle actif, différentes compétences sont nécessaires. Ces compétences sont l’essence même du concept de ‘littératie en santé’. Ce concept est défini comme « la connaissance, la motivation et les compétences des individus à accédercomprendreévaluer et utiliser l’information de santé en vue de porter des jugements et prendre des décisions dans la vie de tous les jours en ce qui concerne la santé, la prévention des maladies et la promotion de la santé, de manière à maintenir ou améliorer la qualité de vie. »(SØRENSEN K. et al., 2012). Etre un ‘littéraire en santé’ signifie donc bien plus que de disposer d’un savoir ou une connaissance en matière de santé. Il s’agit de compétences, de capacités à agir.

En 2014, une étude menée par la Mutualité chrétienne et l’UCL était la première à mesurer le niveau de littératie en santé dans la population belge, montrant que 4 belges sur 10 n’avaient pas un niveau de compétence suffisant en matière de santé. Bien que ces résultats étaient très semblables aux ceux d’autres pays européens, ils méritaient une confirmation. C’est pourquoi, en 2016, la MC et l’UCL ont organisé une nouvelle enquête. Au-delà de l’évaluation du niveau de littératie en santé, cette étude visait également à mieux savoir si le public interrogé recherche des informations en santé, sur quels thèmes, auprès de quelles sources, ainsi que ce qu’il pense de la fiabilité de ces sources et comment il les utilise.

1.Méthode

L’enquête a été réalisée durant les mois de mars et avril 2016, grâce à un questionnaire en ligne, entièrement anonyme, en français et néerlandais. Ce questionnaire a été élaboré par les chercheurs de l’UCL et relu par les services de promotion de la santé de la MC ainsi que par le département R&D. Près de 100.000 membres de la MC, de 18 ans et plus, ont été contactés afin de participer à cette étude. Ils formaient, au départ, un échantillon représentatif de la population belge.

Au total, 7.197 personnes ont répondu au questionnaire. Après l’élimination de ceux et celles qui n’avaient répondu qu’à quelques questions, 5.711 répondants ont été conservés. Du fait que les jeunes adultes étaient insuffisamment représentés parmi les répondants, on a procédé à une repondération sur l’âge, le sexe, et la région. Après cette repondération, les 5.711 répondants donnent une image représentative de la population belge, ce qui garantit la robustesse des résultats.

2.Résultats

2.1 Niveau de littératie en santé

Le questionnaire comportait 16 questions destinées à mesurer la littératie en santé, permettant de calculer un score final entre 0 et 16. Sur la base de ce score, 3 niveaux de compétences en santé peuvent être différentiés : « insuffisant » pour un score de 0 à 8, « limité » pour un score de 9 à 12 et « suffisant » pour un score de 12 et plus.

Globalement, environ six Belges sur dix (57%) disposent d’un niveau de compétence suffisant en matière de santé. Le niveau de littératie en santé est limité pour trois Belges sur dix (28%) et il est même insuffisant pour 15% de Belges. Donc, au total, près quatre Belges sur dix en savent trop peu en matière de santé …

Ce résultat confirme largement celui qu’on avait obtenu lors de la première étude menée en 2014. Il place la Belgique au même niveau que d’autres pays européens, comme le montre l’European Health Literacy Survey (HLS-EU), qui a mesuré, en 2011, le niveau de littératie en santé dans 8 pays européens (l’Autriche, la Bulgarie, l’Allemagne, la Grèce, l’Irlande, les Pays-Bas, la Pologne et l’Espagne). Selon cette étude, portant sur 8.000 européens, 12% des répondants ont des compétences insuffisantes, 35% des compétences limitées, et seuls 53% disposent d’un niveau suffisant de littératie en santé. Or, même si les résultats belges sont comparables aux autres pays européens, ils nous placent aussi assez loin derrière nos voisins des Pays-Bas. En effet, dans l’étude européenne, 75% des Néerlandais ont un niveau de compétence suffisant en santé.

Pour les répondants à notre étude, examinons comment le niveau de littératie en santé varie selon divers critères d’analyse. On peut observer des différences selon le niveau d’études, la région, l’âge, l’état de santé.

Le niveau de formation a une grande influence sur le niveau de compétence en santé (voir Figure 1). En effet, 45% des personnes qui n’ont qu’un diplôme de l’enseignement primaire disposent d’un niveau suffisant de littératie en santé, contre 62% chez les personnes qui ont une formation universitaire. On retrouve aussi ce clivage social au niveau d’un indicateur de privation matérielle. Cette notion était mesurée dans le questionnaire par le fait de ne pas avoir les moyens de s’offrir certaines choses figurant sur une liste de 9 items. Près de 5% de nos répondants peuvent être considérés comme étant en situation de privation matérielle. La proportion de ces personnes avec un niveau suffisant de compétences en santé est plus faible : 46%, par rapport à 58% pour ceux et celles qui ne vivent pas en situation de privation matérielle.

On observe des différences régionales. Ainsi, les répondants résidant en Région flamande et à Bruxelles ont un meilleur niveau de littératie en santé que ceux qui résident en Wallonie. Pour les Wallons, le pourcentage de répondants ayant un niveau suffisant est de 47%, bien inférieur à celui observé en Flandre et à Bruxelles (voir Figure 2).

Si on ne remarque pas de différence importante selon le sexe, on voit toutefois un effet d’âge. Dans les groupes d’âge de 18 à 74 ans, le pourcentage de répondants ayant un niveau suffisant de compétences en santé oscille autour de 60% (de 55 à 61%). Par contre, pour les 75 ans et plus, ce pourcentage est nettement inférieur : 46%. (voir Figure 3).

Les différences sont bien marquées selon l’état de santé des répondants. On peut le mettre en évidence de diverses façons : selon l’état de santé déclaré, l’indice de masse corporelle, la fréquence de contact avec le médecin généraliste.

Par rapport à l’état de santé déclaré par les répondants (voir Figure 4) : 35% de ceux et celles qui déclarent leur santé ‘mauvaise’ à ‘très mauvaise’ ont un niveau suffisant de littératie en santé. Par contre, pour les répondants qui disent avoir une ‘bonne’ ou ‘très bonne’ santé, ce pourcentage est, respectivement de 64% et 67%.

Quant à l’indice de masse corporelle, on observe que la proportion des personnes en sous-poids (BMI<18,5) ou obèse (BMI>=30) avec un niveau suffisant de littératie en santé est plus faible que la moyenne : respectivement 49% et 52%.

Et, selon la fréquence de contact avec le médecin généraliste, on observe que plus cette fréquence est élevée, plus le niveau de littératie diminue (voir Figure 5). Pour les personnes qui consultent plusieurs fois par mois leur médecin généraliste, 39% d’entre elles disposent d’un niveau suffisant de compétences en santé. Par contre, pour ceux et celles qui consultent (moins d’) une fois par an, ce pourcentage est nettement plus élevé : 63%.

Figure 1 : Niveau de littératie en santé selon le niveau d’études (en %)

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Figure 2 : Niveau de littératie en santé selon la région (en %)

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Figure 3 : Niveau de littératie en santé selon l’âge (en %)

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Figure 4 : Niveau de littératie en santé selon l’état de santé déclaré (en %)

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Figure 5 : Niveau de littératie en santé selon la fréquence de contact avec un médecin généraliste (en %)

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2.2 La recherche et les sources d’information en santé

Par informations en santé, on vise les informations en rapport avec les problèmes de santé, les traitements, les contacts avec les professionnels de santé, mais aussi la prévention et le bien-être. Les répondants de l’enquête sont 95% à chercher ce type d’informations. Evidemment tout le monde ne cherche pas avec la même intensité : près de 54% des répondants cherchent ‘occasionnellement’, 29% ‘régulièrement’ et 12% ‘souvent’.

Quand on cherche de l’information en santé, sur quels sujets plus précisément ? Au Tableau 1, nous reprenons les répondants qui cherchent bien de l’information en santé, les sujets recherchés étant classés selon que la fréquence de recherche se fait ‘régulièrement’ ou ‘souvent’ (dernière colonne du tableau). Le top 3 des sujets recherchés sont : les informations sur un mode de vie sain, sur les symptômes et sur les causes de maladies ou plaintes. Les sujets moins fréquemment recherchés sont les informations relatives aux thérapies alternatives, au choix d’un établissement de soins et aux associations de patients.

Tableau 1 : « Sur quels sujets avez-vous déjà recherché des informations ? » (en %)

Sujets

JAMAIS

PARFOIS

RÉGULIÈREMENT

SOUVENT

RÉGULIÈREMENT + SOUVENT

Mode de vie sain (alimentation, activité physique, arrêter de fumer…)

17

42

29

13

42

Symptômes d’une maladie ou plaintes

10

58

24

8

32

Causes de maladies ou de plaintes

13

56

23

8

31

Traitement d’une maladie spécifique

14

55

22

9

31

Éventuels effets secondaires de médicaments

29

42

21

8

30

Utilisation correcte de médicaments

31

40

22

7

29

Choix d’un prestataire de soins (p. ex. médecin, kinésithérapeute…)

30

46

19

5

24

Éventuels risques de traitements

28

48

18

6

24

Vos droits dans l’assurance maladie (sécurité sociale), tels que le droit à l’intervention majorée ou à un remboursement spécifique

35

43

17

5

22

Mesures de prévention (vaccination, dépistage, soins dentaires préventifs…)

35

46

15

4

19

Vos droits en tant que patient

44

37

14

5

19

Les traitements alternatifs (p. ex. homéopathie, phytothérapie, acupuncture, etc.)

49

34

11

6

17

Le choix d’un établissement de soins (p. ex. hôpital)

44

40

12

4

16

Organisations de patients

72

21

5

2

7

Quant aux motivations à l’origine d’une recherche d’information, les deux premières motivations mises en avant sont : le fait d’avoir ainsi plus de contrôle sur sa propre santé et connaître les expériences d’autres personnes vivant des situations similaires (voir Tableau 2). On remarque aussi une proportion non négligeable (de 9 à 13%) de répondants pour lesquels il s’agit de compenser, ‘régulièrement’ ou ‘souvent’, un oubli, un manque ou une incompréhension par rapport aux informations transmises par le médecin. Quant aux deux dernières raisons, elles sont bien plus présentes chez ceux qui ont un très faible niveau d’instruction (respectivement 16% et 22%) ou vivent en situation de privation matérielle (respectivement 15% et 23%).

Tableau 2 : « Pourquoi avez-vous recherché des informations sur la santé ? » (in %)

JAMAIS

PARFOIS

RÉGULIÈREMENT

SOUVENT

RÉGULIÈREMENT + SOUVENT

Cela me permet de mieux contrôler ma santé

25

44

23

8

31

Je voulais connaître l’expérience d’autres personnes dans la même situation que moi

29

45

19

7

26

Pour bien me préparer avant de me rendre à la consultation chez mon médecin ou un autre prestataire de soins

30

48

17

6

22

J’avais besoin d’un second avis

41

41

14

4

18

Je ne me souvenais pas de tout ce que mon médecin a dit

47

41

10

2

13

Mon médecin me donne trop peu d’informations

58

32

7

3

10

Je n’avais pas bien compris ce que mon médecin a dit

57

34

7

2

9

Certaines sources d’information sont clairement privilégiées. Pour près de 55% des répondants, la première source est le médecin généraliste. On voit, à nouveau, toute l’importance et la place centrale qu’occupe le médecin de famille. L’Internet vient en seconde position (28%), la famille en troisième (5%). D’autres sources qui sont sollicitées sont le médecin spécialiste (4%) et le pharmacien (2%).

Le niveau de ‘confiance’ exprimé par les répondants envers les différentes sources possibles n’est pas le même (Figure 6). D’une façon générale, elle est très grande vis-à-vis des médecins généralistes, spécialistes et pharmaciens. Elle est moindre vis-à-vis de la famille et de l’Internet. Globalement, pour ce dernier, seulement 29% des répondants ont ‘beaucoup’ ou ‘totalement’ confiance. Mais si on se limite à ceux et celles qui ont sélectionné l’Internet comme étant la première source d’information consultée, le niveau de confiance augmente : 48% d’entre eux ont ‘beaucoup’ ou ‘totalement’ confiance. Cela dit, même si c’est leur source privilégiée, 51% de ces répondants n’ont qu’ ‘un peu’ confiance en Internet. C’est assez rassurant : ils ont bien un regard critique, savent que toutes les informations qu’on peut trouver sur l’Internet ne sont pas forcément fiables.

Figure 6 : « Dans quelle mesure vous fiez-vous aux sources d’information suivantes en matière de santé ? » (in %)

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Un résultat frappant est que les sources d’information privilégiées par les répondants varient avec l’âge (voir Figure 7). Le médecin de famille est la première source d’information dans toutes les tranches d’âge sauf celle des 18-34 ans. Et, plus on avance en âge, plus l’importance du médecin de famille comme première source est croissante. Par contre, pour les 18-34 ans, c’est l’Internet qui est la première source préférée (42%), devant le médecin généraliste. Si les 35-44 ans sont encore près de 35% à citer l’Internet comme première source d’information, la fréquence du web comme première source diminue rapidement avec l’âge. Par rapport au médecin et à l’Internet, la famille apparaît plutôt ‘marginale’ comme première source d’information, sauf dans la tranche 18-34 ans ou 14% la mentionnent. Mais ce pourcentage diminue très vite avec l’âge.

Il y a également une influence du niveau d’études sur les sources d’information privilégiées : comme on peut le constater à la Figure 8, au fur et à mesure que le niveau d’études augmente, l’importance de l’Internet comme première source d’information augmente, ainsi que celle de la famille. Ainsi, pour les répondants qui ont suivi des études de l’enseignement supérieur de type long, l’Internet constitue la première source d’information pour 37% d’entre eux. Cela dit, quel que soit le niveau d’études, c’est bien le médecin généraliste qui reste la première source d’information, avec toutefois une fréquence décroissante en fonction du niveau d’études.

D’une façon générale, l’Internet est un outil de recherche fort présent : près de 89% de ceux qui cherchent de l’information en santé l’utilisent d’une façon ou d’une autre. Ce dernier résultat est peut-être biaisé du fait de la méthode d’enquête : le questionnaire étant en ligne, par définition tous les répondants étaient informatiquement équipés. Mais pas tant que cela, car le taux d’équipement des ménages belges est très élevé. D’après le SPF Economie, 82,1% des ménages en Belgique possèdent au moins un ordinateur et 81,8% disposent d’une connexion internet. Les Belges vivent vraiment à l’heure de la société de l’information!

Et, quand on est en recherche d’information en santé, comme on le voit à la Figure 9, les sites les plus fréquemment consultés sont les moteurs de recherche. Notons également que le site de la MC et les sites de prestataires de soins (généraliste, spécialiste, hôpital, …) sont également bien positionnés.

Figure 7 : « Quand vous avez des questions en matière de santé, quelles sources d’information consultez-vous en premier lieu ? » – Top-3 en fonction de l’âge (en %)

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Figure 8 : « Quand vous avez des questions en matière de santé, quelles sources d’information consultez-vous en premier lieu ? » – Top 3 selon le niveau de formation (en %)

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Figure 9 : « Sur quels sites Web recherchez-vous des informations en matière de santé ? » (en %)

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Chercher de l’information en santé n’est pas neutre, elle entraîne certaines conséquences. Et elles sont parfois frappantes. Ainsi, près de 19% des répondants ne parlent jamais de l’information sur la santé qu’ils ou elles ont trouvée auprès d’un professionnel de la santé. En revanche, comme on le voit au Tableau 3, la très grande majorité des répondants a plutôt tendance à consulter son médecin. Notons malgré tout une proportion non négligeable de répondants (de 6 à 8%) qui se diagnostiquent eux-mêmes, se sentent anxieux, prennent le risque de reporter une consultation auprès de leur médecin, ce qui n’est pas souhaitable. Et, ici, un clivage social apparaît à nouveau : le pourcentage de répondants qui disent reporter ‘régulièrement’ ou ‘souvent’ une consultation est plus élevé chez ceux qui ont seulement un diplôme de primaire (14,5%) ou sont soumis à privation matérielle (9%).

Tableau 3 : « Quelles sont les conséquences de votre recherche d’informations en matière de santé ? » (en %)

JAMAIS

PARFOIS

RÉGULIÈREMENT

SOUVENT

RÉGULIÈREMENT + SOUVENT

Je consulte mon médecin traitant

8

39

36

17

53

Ces informations m’ont rassuré(e)

10

63

24

4

28

Je consulte mon pharmacien

29

49

17

6

22

Je pose mon propre diagnostic

56

36

7

2

8

La lecture des informations m’angoisse

43

49

6

2

8

Je reporte les consultations chez mon médecin

72

22

5

1

6

3. Un axe d’actions pour la MC

Depuis longtemps, la MC prend de nombreuses initiatives relatives à la promotion de la santé et entend bien poursuivre ses efforts afin d’améliorer les connaissances et compétences en santé du public. Avec 4 Belges sur 10 qui ont des compétences limitées ou insuffisantes en matière de santé, il y a encore du travail à faire ! Et il s’agit bien d’une mission fondamentale, car de bonnes compétences en santé ont des conséquences positives par rapport aux comportements liés à la santé, comme l’alimentation équilibrée, l’activité physique, la consommation d’alcool, la prise de médicaments ou encore la participation au dépistage et l’autogestion de soins chez des malades chroniques. La MC souligne le fait que la mutualité doit évoluer vers le concept de ‘mutualité santé’ et se profiler comme « une source fiable de conseils et d’informations sur la santé, l’initiatrice et le soutien d’une multitude de projets qui favorisent la bonne santé de tous, au quotidien ».

Sans compter les publications (presse mutualiste, brochures, e-zine, …), les séances, cours et sessions d’information régionales, le site de la MC regorge d’informations relatives à la santé, aux maladies et traitements, ainsi que des conseils liés à la prévention. Ces informations sont validées par des experts et régulièrement actualisées.

De plus, ces dernières années, des points d’information ‘malades chroniques’ ont été mis en place (avec, du côté francophone, l’organisation d’un chat mensuel). Des outils ont été développés, par exemple, du côté francophone : www.jepenseaussiamoi.be, ainsi qu’une plateforme sur l’incapacité de travail.

Ne vous laissez pas piéger : lisez et cliquez intelligemment en vous posant 7 questions

Des informations sur la santé sont disponibles partout : sur Internet, dans le journal, les magazines. Mais que pouvez-vous encore croire ? Évaluer les informations en gardant sept questions intelligentes à l’esprit fera du bien à votre santé.

1. Qui ?

Qui prend la parole ?

  • Est-ce un professeur ou un expert ? Cette personne travaille-t-elle pour une université ou un organisme de santé fiable ?
  • S’agit-il d’une personne qui se fait passer pour un expert, mais qui en fait n’a rien à voir avec la santé ?

2. Quoi ?

  • Quel est le véritable message ?
  • Lisez toujours l’article complet.
  • Ne vous laissez pas piéger par des en-têtes ou des photos à sensation.

3. Où ?

Où lisez-vous les informations ?

  • Sur le site Web d’une organisation fiable ou dans une revue fiable ? Vérifiez toujours qui sont les auteurs ou les initiateurs sur un Web.
  • Sur un site Web non fiable débordant de publicités ou dans une revue à sensation pure ?

4. Quand ?

Quand le texte a-t-il été rédigé ?

  • S’agit-il d’un texte récent ou d’une étude récente ? La science évolue sans cesse.
  • S’agit-il d’informations obsolètes ?

5. Pourquoi ?

Dans quel but ce texte a-t-il été rédigé ?

  • L’objectif est-il d’informer correctement ou de sensibiliser le public ? Veut-on mettre en exergue une nouvelle étude fiable ?
  • Souhaite-t-on uniquement faire de la publicité pour certains produits (p. ex. des suppléments alimentaires) ?

6. Comment ?

Comment arrive-t-on à la conclusion ?

  • Sur la base d’une étude fiable ?
  • Après une enquête auprès d’une poignée de personnes ? S’agit-il d’un avis ou d’une idée ?

7. Crédible ?

  • Écoutez votre bon sens.
  • Est-ce trop beau pour être vrai ? Dans ce cas, ce n’est généralement pas vrai.

[1] Exemples : A quel point trouvez-vous facile ou difficile de trouver des informations sur les traitements des maladies qui vous concernent ? de suivre les instructions de votre médecin ou votre pharmacien ?

Ces 16 questions forment la version courte du questionnaire qui a servi à l’étude européenne HLS-EU.

Voir : https://www.healthliteracyeurope.net/hls-eu.

[2] Résultats également comparables à ceux obtenus au Canada où environ 60% des adultes ont un faible niveau de littératie en santé.

Source : https://www.phac-aspc.gc.ca/cd-mc/hl-ls/index-fra.php .

[3] Sont considérées en situation de privation matérielle les personnes vivant dans un ménage ne pouvant pas se permettre financièrement quatre des éléments suivants : (1) payer des factures à temps, (2) s’offrir chaque année une semaine de vacances hors de son domicile, (3) s’offrir un repas composé de viande, de poulet ou de poisson tous les deux jours au moins, (4) faire face à une dépense imprévue, (5) posséder un téléphone, (6) posséder une télévision couleur, (7) posséder un lave-linge, (8) posséder une voiture personnelle et (9) chauffer convenablement son domicile.

La définition de la privation matérielle provient de :

https://statbel.fgov.be/fr/binaries/COMMUNIQU%C3%89%20DE%20PRESSE%20privation%20mat%C3%A9rielle%20SILC2015_tcm326-277076.pdf .

[4] Body Mass Index ou indice de masse corporelle : calculé en divisant le poids (exprimé en kg) par le la taille (exprimé en mètre) au carré.

Source : https://apps.who.int/bmi/index.jsp?introPage=intro_3.html .

[6] Il reste bien une fracture numérique : en 2015, 13% des Belges entre 16 et 74 ans n’ont jamais utilisé Internet. Il s’agit de ménages avec de faibles revenus, de personnes plus âgées, de personnes avec un niveau d’études plus faible.

Source : https://economie.fgov.be/fr/binaries/Barometre_de_la_societe_de_l_information_2016_tcm326-278973.pdf, page 34.

[7] Hermesse J. 2016. Un Pacte est un engagement mutuel ! Editorial d’En marche, édition du 1er décembre 2016

Décrochage scolaire et manque de sommeil : vers une génération de Zzzombie sur les bancs de l’école?

Le 30 Déc 20

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« La fatigue en classe, la nouvelle maladie du 21ème siècle dans les écoles ? » Voilà la question mise en débat lors de la conférence du même nom ce 14 septembre à Bruxelles. Cette dernière a été organisée par l’Ecole du sommeil en partenariat avec Question Santé, le SIPES et l’OMS. L’objectif était de mettre en perspective les différents liens qui peuvent exister entre un rythme de sommeil perturbé et les conséquences négatives sur le travail scolaire. Pour ce faire, les résultats de la dernière étude de l’Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) portant sur la question ont été présentés.

Les objectifs de l’étude

Les différents objectifs de l’étude HBSC réalisée en fédération Wallonie-Bruxelles étaient :

  • « Décrire les comportements de santé des jeunes scolarisés en FWB, leur bien-être et leur état de santé
  • Analyser les évolutions de ces indicateurs au cours des enquêtes
  • Comparer la situation des jeunes en FWB par rapport à ceux des autres pays participant à l’enquête
  • Identifier les disparités démographiques, scolaires et sociales afin de cibler les interventions de promotion de la santé »

L’enquête HBSC c’est une étude qui se réalise tous les 4 ans et ce depuis 1986 dans une quarantaine de pays ou de régions. En Fédération Wallonie-Bruxelles elle concerne les jeunes scolarisés de la 5ème primaire à la dernière année du secondaire soit un échantillon composé de 14 000 jeunes qui ont entre 10 et 22 ans. Elle touche à différents thèmes liés à la santé comme le bien-être (les relations familiales, le bien-être en milieu scolaire, la confiance en soi, …), les comportements en lien avec la santé (la vie relationnelle, affective et sexuelle, la consommation de tabac, la pratique du sport, …) ou encore l’état de santé plus globale comme la santé perçue.

Des résultats qui interpellent

Quatre grands axes majeurs de la problématique du sommeil ont été plus finement analysés  :

  • les heures de sommeil,
  • la cassure du rythme circadien pendant le weekend,
  • les difficultés pour dormi,
  • fatigue matinale.

Les heures de sommeil

Dans le graphique présenté ici on peut clairement remarquer que la durée de sommeil durant la semaine évolue en fonction de l’âge. Plus l’âge augmente, plus la proportion de jeunes qui dorment en moyenne 9 heures ou plus par nuit diminue. Environ 20% des élèves de 5ème et 6ème primaire n’ont pas ces 9 heures de sommeil en semaine, et cette proportion atteint les 40% lors du passage en 1ère secondaire ! Face à ces chiffres qui évoluent drastiquement, rappelons qu’une période de sommeil de 9 heures correspond à une nuit de 22 à 7 heure…

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Cassure du rythme circadien le weekend

Les jeunes ont tendance à briser leur rythme de sommeil : étant en manque de sommeil la semaine, ils se rattrapent en dormant davantage le weekend. Or, majorer sa durée de repos de 2 heures durant cette petite période ne permet aucunement de compenser des nuits trop courtes en semaine. Ce déséquilibre appelé la « dette de sommeil » serait même contreproductif.

Cette habitude concerne plus ou moins 20% des plus jeunes de 5ème et 6ème primaire, augmente chez les adolescents et connait un pic à 48% chez les élèves de 5ème secondaire. Là encore, le passage en secondaire marque une nette augmentation de cette tendance.

Des difficultés pour dormir

Les « difficultés pour dormir » englobent plusieurs situations comme un obstacle à l’endormissement, des réveils nocturnes, un environnement peu propice au sommeil (la présence de bruit, de lumière, une chambre partagée, …), on peut supposer que ces causes externes et internes co-existent.

Sur ce graphique, on peut lire des chiffres frappants puisqu’en moyenne 30% des élèves déclarent  avoir des difficultés pour dormir plusieurs fois par semaine, voir tous les jours pour la moitié des jeunes.

Par ailleurs, il existe une disparité entre les sexes, les jeunes filles étant en effet plus sujettes aux difficultés à dormir que leurs homologues masculins. Présentes en Belgique et à l’international, ces difficultés sont d’autant plus marquées en fédération Wallonie-Bruxelles où, à l’âge de 13 ans, on objective 38% des filles ayant des difficultés pour dormir contre 24% chez les garçons. Analysées d’un point de vue international, ces difficultés augmentent significativement avec l’âge, passant de 20% des filles à l’âge de 11 ans à 28% à l’âge de 15 ans. Notons qu’en Fédération Wallonie-Bruxelles, l’effet de l’âge est gommé pour les jeunes filles sans explications supplémentaires.

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La fatigue matinale

Cette fatigue matinale est une des conséquences d’une mauvaise qualité de sommeil. Elle peut être à l’origine de difficultés de concentration en classe, de comportements inappropriés ou encore de difficultés d’apprentissage. Dans l’enquête HBSC, pour l’ensemble du public étudié, plus d’un jeune sur deux déclare ressentir plusieurs fois par semaine un état de fatigue dès le réveil.

Suite à une analyse multivariée des données disponibles, on n’observe pas de différences entre genres ou liées au niveau socio-économique. Par contre, la fatigue matinale est plus présente dans les familles recomposées ou monoparentales. Si l’étude n’explore pas scientifiquement la question de la composition des familles, des hypothèses peuvent être avancées. Par exemple une plus grande difficulté d’organisation au sein de ces familles ou encore un climat socio-affectif différent. Il existe également un lien avec la sédentarité et plus particulièrement l’utilisation des écrans : les jeunes qui utilisent les écrans (TV, ordinateur, internet, jeux) plus de 3 heures par jour ou qui pratiquent une activité sportive moins de deux fois par semaine sont d’avantage sujets à cette fatigue matinale. L’école du sommeil souligne que la problématique des écrans est déjà  présente chez les enfants dès la troisième année primaire. Elle avance également le cercle vicieux des réseaux sociaux qui envoient des notifications durant la nuit. La tentation est donc grande pour le jeune d’interrompre son sommeil pour les consulter. Ces interruptions qui ne demandent parfois que quelques secondes ont pourtant un effet délétère sur la qualité du sommeil car elles brisent les cycles, ne permettant pas au jeune d’atteindre le sommeil profond et réellement réparateur qui s’installe en fin de cycle.

Le milieu scolaire joue également un rôle ici : on observe une corrélation marquée avec l’appréciation de l’environnement scolaire ou la relation avec les professeurs. Des enfants appréciant peu leur école ou leurs professeurs déclarent davantage de fatigue matinale.

Enfin, comme identifié dans les autres axes, on constate aussi que la fatigue matinale augmente en même temps que le niveau scolaire.

Des pistes pour demain

À la vue des différents éléments présentés dans l’étude HBSC, on peut supposer que certains facteurs en plus de coexister, se renforcent les uns les autres. Par exemple, augmenter la durée d’utilisation des écrans réduit le temps à consacrer à une activité sportive et induit donc plus de sédentarité et ainsi de suite. Il s’agit là d’axes intéressants à étudier dans le futur au même titre que d’autres facteurs potentiellement liés tels que l’alimentation, l’absentéisme scolaire, les comportements à risques, …

A la fin de la conférence des pistes d’action ont étés proposées :

  • Réduire le temps passé devant les écrans
  • Favoriser la pratique d’un sport au moins 3fois/semaine
  • Promouvoir une durée de sommeil adéquate et garder le rythme le weekend
  • Favoriser le bien-être à l’école

Pour aller plus loin…

Les résultats complets de l’enquête sont disponibles sur le site https://sipes.ulb.ac.be/ .

Point actualité

Le 2 octobre dernier, le prix Nobel de médecine était décerné à trois chercheurs américains : Jeffrey C. Hall, Michael Rosbash et Michael W. Young pour leurs travaux sur le contrôle des rythmes circadiens. Alors que ces rythmes ont étés découverts dès le XVIIe siècle ces trois chercheurs ont trouvé, en 1984, en étudiant la mouche vinaigre, un gène qui intervient dans la gestion du rythme biologique journalier.

Ils ont alors proposé un modèle qui explique le fonctionnement de ce gène. Ce dernier agit la nuit en produisant une protéine qui s’accumule dans les cellules. Pendant la journée, cette protéine est consommée par l’organisme. S’en suivra la découverte d’autres protéines qui interviennent dans cette fonction vitale primordiale pour les être multicellulaires qu’est l’horloge biologique.

Le pharmacien, un acteur clé en soin de santé

Le 30 Déc 20

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Le pharmacien, un acteur clé en soin de santé

Proche et disponible, la pharmacie est le premier lieu de contact entre le patient et le monde de la santé. Située souvent près du domicile, 86%Note bas de page des Belges restent fidèles à leur officine en laquelle ils ont confiance. Le nouveau service de « pharmacien de référence » place le patient au cœur du processus de santé et rappelle le rôle du pharmacien en tant que prestataire de soin.

Depuis le 1er octobre, le système de « pharmacien de référence » est entré en vigueur. Il s’agit d’un service assurant le suivi et l’accompagnement de l’observance thérapeutique du patient en créant un schéma de médication. « Il faut qu’il y ait un lien de confiance, une relation thérapeutique qui soit avérée pour que le pharmacien puisse exercer ce rôle de la manière la plus efficace possible », explique Alain Chaspierre, Vice-président de l’Association Pharmaceutique Belge (APB).Le « pharmacien de référence » est un praticien choisi librement par un patient qui utilise au minimum un médicament de manière chronique et qui a eu une dispensation de quatre autres médicaments remboursés dans la même pharmacie durant l’année précédente.Les publics cibles sont les patients chroniquesNote bas de page mais pas seulement. Ceux qui vont bénéficier le plus de ce service sont les personnes polymédiquées, c’est-à-dire les patients qui utilisent plus de cinq médicaments régulièrement, ceux qui éprouvent des difficultés avec leur traitement, et tous les patients qui vont le demander.

Le rôle primordial du pharmacien

Les fonctions du pharmacien restent inchangées, elles sont clairement établies dans l’arrêté royal du 21 janvier 2009, qui définit les soins pharmaceutiques de base. « Lorsque vous vous rendez dans une pharmacie, le pharmacien vous délivre un médicament et regarde ceux que vous prenez déjà, si cela convient, s’il n y a pas d’interaction majeure par exemple, et ensuite il vous explique la posologie » rappelle Alain Chaspierre.

Un outil indispensable

Le schéma de médication constitue une avancée majeure dans le traitement des patients chroniques. Il sera édité par le pharmacien de référence du patient qui le tiendra à jour au départ et à chaque modification de traitement. Il s’agit d’un outil de communication de première ligne. « Ce schéma va vivre et évoluer avec le patient, en permettant d’avoir une vue hélicoptère de l’ensemble des traitements, prescrits et non prescrits, par un généraliste ou un spécialiste. Cela fait partie de l’accompagnement des soins pharmaceutiques de base. Avant, on écrivait nos conseils d’utilisation sur les étiquettes ou on les dispensait oralement. Aujourd’hui, on va les encoder et surtout les partager avec différents professionnels de santé. Cela permet un meilleur aperçu du traitement tout en impliquant les patients dans leur médication », explique Arnaud Lambert, pharmacien dans une officine à Namur. La période où le pharmacien griffonnait sur la boite est donc révolue.

Quels sont les avantages de ce service ?

Ils sont multiples. Premièrement, cela permet une meilleure communication entre le médecin généraliste et les spécialistes. Tous les professionnels de la santé sont au courant de ce que les collaborateurs de la santé ont déjà prescrit au patient. Cela permet d’avoir une vue complète de ce que le patient utilise, y compris l’automédication.Deuxièmement, l’observance thérapeutique du patient est meilleure. Non seulement, la posologie du traitement est claire pour le patient, mais cela permet aussi au professionnel de la santé qui le reçoit d’en prendre connaissance. Généralement, la première question que le médecin pose est « Quels sont les médicaments que vous prenez ? » et si le patient oublie de citer un traitement, cela peut engendrer un mauvais diagnostic. Aussi, si un patient est hospitalisé en état d’inconscience, le médecin aura accès au schéma thérapeutique de ce dernier. L’objectif est d’éviter de faire des erreurs dans sa prise en charge.

L’informatisation des données au service du patient

En Belgique, le système eHealth permet l’échange de données de santé. Depuis le 1er octobre, deux nouveaux éléments sont entrés en vigueur à condition que le patient donne son consentement. Le premier est l’échange des données entre hôpitaux et l’échange des données entre les hôpitaux et les médecins généralistes. Et le second élément est le Dossier Pharmaceutique Partagé (DPP). Alain Chaspierre rappelle que Cela permet au pharmacien de référence désigné comme tel de voir le parcours thérapeutique du patient. Par exemple, si un patient se rend dans une autre pharmacie que celle de référence, peu importe laquelle, le pharmacien de référence sera au courant de son traitement et pourra consolider un schéma de médication complet du patient. »Le pharmacien de référence va être le point de contact pour la médication du patient pour tous les prestataires de soin. À l’horizon 2020, le nom du pharmacien de référence et le nom du médecin généraliste seront couplés au nom du patient dans les données eHealth. Donc, lorsqu’un professionnel de la santé utilisera la carte d’identité d’un patient, il aura son nom, le nom du médecin traitant qui a le DMG et le nom du pharmacien de référence qui s’occupe de son schéma de médication.Le but est de mettre en place un accompagnement personnalisé et d’améliorer la qualité des soins en ayant une vue exhaustive et complète de la médication du patient : une avancée stratégique dans la prise en charge du traitement du patient.

La pharmacie au centre du village

Pourquoi n’est-ce pas le médecin traitant qui propose le schéma de médication ? Cette question appelle deux éléments de réponse. D’abord, il peut y avoir une différence entre l’intention thérapeutique et la réelle délivrance du traitement.Ensuite, il peut y avoir une interaction entre les médicaments ou encore une erreur dans la prescription. Dans ce cas, le pharmacien peut prendre contact avec le médecin pour modifier le prescrit, signaler l’indisponibilité ou la pénurie du traitement en pharmacie. L’intérêt du schéma de médication créé par le pharmacien est donc de reprendre précisément ce que le patient prend réellement.Depuis l’annonce de ce service, il y a un réel engouement de la part des patients. Surtout, qu’il s’agit d’un service gratuit pour ceux qui font partie du groupe cible. Le patient signe une convention autorisant l’échange de ses données de santé. Pour ce service, le pharmacien est rémunéré sur base d’un honoraire annuel par patient de 31.80€ tvac, financé par des réaffectations au sein de l’enveloppe des pharmaciens. Il ne s’agit donc pas d’un budget supplémentaire de l’INAMI.

Les espaces de confidentialité

De nos jours, la stratégie globale est de réorienter la profession de pharmacien vers plus de prestations de services à valeur ajoutée pour les patients plutôt que de simples actes de dispensation. Celle-ci correspond à l’évolution du métier et est axée sur la réalité de terrain.L’intérêt d’une mise à disposition d’un espace privé pour le patient, réservé à la concertation, lui permet de poser toutes les questions de santé en toute confidentialité. Le pharmacien (ré)explique pourquoi le médecin a prescrit ce traitement, l’intérêt de le prendre, comment éviter les effets indésirables… Le but est de vérifier que le patient ait bien compris l’utilisation de son traitement.Toutes les officines ne disposent pas d’un espace de confidentialité à proprement parler. Néanmoins, il est toujours possible pour un patient de discuter en privé avec son pharmacien. Ce service de dialogue et d’écoute fait partie inhérente du métier, et est destiné à renforcer la relation de confiance entre le pharmacien et son patient pour un meilleur suivi.

Éducation du patient

Alain Chaspierre cite l’exemple d’un projet sur l’ostéoporose. « Pour que le traitement soit efficace, le patient doit prendre des médicaments pour l’ostéoporose et du calcium. À un moment donné, lorsqu’il y a assez de calcium, on ne donne plus que le produit pour l’ostéoporose. En fonction de l’évolution, le traitement sera réajusté. » Aujourd’hui, quand le pharmacien réalise une vue d’ensemble de la médication, il se rend compte que beaucoup de patients ne prennent plus le calcium ou le prennent au mauvais moment. C’est l’intérêt d’avoir une vue générale sur l’ensemble du traitement.Il est donc primordial d’impliquer le patient dans son traitement, de l’autonomiser afin d’optimaliser son adhésion thérapeutique.

La médication active et les services du pharmacien

Le métier de pharmacien se décline principalement sous trois angles. La prévention compose le premier élément. Elle suppose l’instauration d’une relation de confiance entre le patient et le pharmacien de référence, qui pourra ensuite développer ses services de soutien à l’adhésion thérapeutique.Ensuite, l’orientation des patients qui commence par une écoute attentive du pharmacien. Ce dernier est disponible pour informer le patient et lui proposer des pistes afin de remédier à son problème de santé. Il s’agit d’un service d’accompagnement. Comme le souligne Arnaud Lambert, « dans les soins de santé, le pharmacien est souvent mis sur le côté. On oublie qu’on est là pour s’assurer que les médicaments sont bien utilisés, pour éviter justement que la personne ne devienne encore plus malade. Notre boulot n’est pas de donner des médicaments pour que les gens se soignent, c’est d’éviter qu’ils en prennent finalement. Dans ce cadre, le schéma de médication permet d’éviter des cascades médicamenteuses à n’en plus finir. Par exemple, le fait de prendre un médicament qui produit un effet indésirable et en prendre un autre pour contrer cet effet, et ainsi de suite. Si on voit directement tout ce que le patient utilise, on peut constater la source du problème. Je prends le temps qu’il faut pour écouter mes patients, cela fait partie inhérente de mon métier » rappelle le pharmacien.Finalement, le suivi pharmaceutique constitue le troisième élément du métier. Les pharmaciens rendent beaucoup de services, qui ne sont pas toujours visibles par manque de quantification. Avec le service de pharmacien de référence, on objective ce qu’ils font déjà, et le travail réalisé en coulisse est un peu plus visible.La fonction du pharmacien reste donc primordiale dans la promotion de la santé en tant que premier interlocuteur avec les patients, et cela tant pour les écouter que les guider. Le nouveau service de « pharmacien de référence » permet donc de renforcer ce rôle de conseiller en santé.



Alain Chaspierre, Vice-président de l’APB

Tout patient à qui 5 médicaments remboursés ont été délivrés dans la même officine au cours de l’année écoulée, dont au moins un médicament chronique.

Santé environnementale: inégalités et inconnues

Le 30 Déc 20

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Inter-Environnement Wallonie (IEW), la fédération des associations au service de l’environnement, a organisé en février dernier son Université annuelle. Une septième édition consacrée à la santé environnementale et plus spécifiquement à la pollution de l’air extérieur et aux perturbateurs endocriniens.

Santé environnementale: inégalités et inconnues

Les menaces invisibles sont à la fois les plus anxiogènes et celles dont on parvient le mieux à faire abstraction. Polluants de l’air et perturbateurs endocriniens entrent dans cette catégorie : s’ils inquiètent de plus en plus, nous les balayons d’un revers de la main dès qu’il s’agit de se promener en ville par beau temps, de se vernir les ongles ou de boire une canette de soda, autant de comportements anodins susceptibles de nous mettre en contact avec eux.

N’en déplaise à certains pouvoirs publics et lobbies, n’en déplaise surtout à notre tranquillité d’esprit, les données scientifiques s’accumulent pour affirmer le rôle délétère de certaines de ces substances/combinaisons de substances sur notre santé, esquissant ce qui pourrait bien s’apparenter demain à un « scandale sanitaire » , comme l’a rappelé en introduction le Secrétaire général d’Inter-Environnement, Christophe Schoune : « 12,5 millions de morts par an seraient liées à des problèmes de santé environnementale. C’est plus que les ravages de la malnutrition en Afrique », a-t-il avancé.

Certes, nous ne fonctionnons plus aujourd’hui avec un modèle mono-factoriel, où il s’agirait de pointer une fois pour toutes l’unique coupable des fléaux contemporains : cancers, obésité, problèmes cognitifs… Mais l’étiologie complexe des maladies chroniques incite précisément à traquer la part de responsabilité de chaque facteur, en particulier quand celui-ci relève de la législation et du choix de société, non du mode de vie individuel.« Face à des lobbies puissants, nous avons aujourd’hui besoin de consensus. Or il y a encore de nombreuses lacunes. Il faut remettre la science à sa juste place », a pour sa part estimé le Dr Didier Vander Steichel, directeur médical de la Fondation contre le Cancer.

Différentiel de vulnérabilité

Selon le rapport 2015 de l’Agence Européenne pour l’Environnement, la pollution de l’air est le facteur de risque environnemental numéro un pour la santé humaine. Elle est principalement accusée d’augmenter l’incidence des maladies respiratoires, cardiovasculaires et du cancer. En Europe, elle serait responsable de 491.000 morts prématurées annuelles et de 11.700 pour la seule Belgique.Les principaux polluants atmosphériques accusés de porter atteinte à la santé humaine sont les particules fines, l’ozone et le dioxyde d’azote.

Le benzo(a)pyrène (BaP), cancérigène avéré, est également responsable de dommages sur la santé, particulièrement en Europe de l’Est. Transports, industries, production d’énergie, chauffage des bâtiments, agriculture, déchets… Les activités humaines qui produisent ces polluants sont nombreuses.En Wallonie, c’est le secteur résidentiel (chauffage de bâtiments) qui représente 62% des émissions de particules fines, suivi par le transport (14%) et l’industrie (14%).

Pour les oxydes d’azote, le transport arrive en tête (51%), suivi de l’industrie (33%). Les émissions du transport routier sont d’ailleurs considérées comme globalement plus dommageables, car elles se produisent principalement dans des zones à forte densité de population. Selon les valeurs définies par la législation européenne, 9 à 14% de la population urbaine est exposée à des niveaux de pollution supérieurs aux valeurs de référence (25 mg/m3). Mais ce chiffre grimpe entre 87 et 93% si l’on prend en considération les lignes directrices définies par l’OMS (10 mg/m3)…

Denis Zmirou-Navier, professeur de santé publique à la Faculté de médecine de l’Université de Lorraine et Directeur du Département Santé-Environnement-Travail de l’École des Hautes Études en Santé Publique, a proposé lors de cette Université annuelle un exposé sur les inégalités territoriales et sociales liées à la pollution de l’air. Rappelant que le concept d’« Environnemental Justice » est né dans les années 80 aux États-Unis dans le chef de citoyens afro-américains contestant l’installation de décharges dans les quartiers les plus pauvres et les plus « black » du Comté de Warren (Caroline du Nord), il a montré que le raisonnement s’appliquait à de nombreuses métropoles européennes: si l’on considère par exemple le Grand Lille, les populations les plus pauvres habitent effectivement plus près des installations industrielles.

Les recherches du Pr Denis Zmirou-Navier montrent néanmoins que les liens entre territoire et santé sont plus complexes que cette malheureuse équation. Le cas de Paris est à cet égard emblématique. Si les zones les plus polluées de la capitale se situent sans surprise autour du périphérique, elles se retrouvent aussi dans l’hypercentre, autour de la rue de Rivoli et le long de la Seine, là où habitent les Parisiens… les plus riches.Une spécificité qui a permis à Denis Zmirou-Navier de distinguer dans ses recherches le différentiel d’exposition et le différentiel de vulnérabilité. Si le premier désigne le fait que les personnes les plus pauvres sont aussi les plus exposées aux pollutions de l’air, le second montre que, pour un même niveau d’exposition, les populations les plus pauvres pâtissent d’effets sanitaires supérieurs !

À Paris, une personne défavorisée habitant un quartier peu pollué a ainsi un risque trois fois plus élevé de décéder à l’occasion des petits pics de pollution atmosphérique qu’une personne aisée. Si elle est défavorisée et qu’elle habite de surcroît dans une zone de forte pollution atmosphérique (du côté du Boulevard périphérique par exemple), son risque est alors cinq fois plus élevé…Le différentiel de vulnérabilité permet donc de montrer que les inégalités de santé s’additionnent aux inégalités environnementales sans pour autant se superposer strictement à elles puisque, à pollution atmosphérique égale, les plus précaires sont ceux qui en paient le plus lourd tribut.

Selon le Pr Denis Zmirou-Navier, plusieurs facteurs expliquent cette observation et notamment le fait que les moins favorisés ont généralement un habitat moins protégé de la chaleur (isolation thermique, climatisation), un état de santé plus précaire en lien avec des pratiques et de modes de vie défavorables (tabac, alcool, sédentarité/obésité), un accès moindre ou plus tardif aux soins…Mais ce serait surtout le concept d’« exposome » qui permettrait de comprendre ce différentiel: définissant le cumul des expositions au cours d’une vie dans les différents micro-environnements rencontrés (travail, domicile, transports, espaces verts ou non…), l’exposome est en quelque sorte la dette de santé qu’engrangent au fil du temps les plus précarisés.

À partir de ce constat, Denis Zmirou-Navier a rappelé que trois philosophies distinctes d’action publique sont envisageables : l’universalisme généralisé, le ciblage des populations prioritaires, ou l’universalisme proportionnel qui consiste à agir pour tout le monde mais d’abord là où la vulnérabilité est la plus importante. Autant d’options qui décideront par exemple des nouvelles implantations d’espaces verts. « Les urbanistes auront à l’avenir un impact majeur sur la santé. C’est pourquoi il est important de les sensibiliser à ces questions », a souligné le chercheur.

Inodores, incolores, insipides

« Inodores, incolores, insipides »: les perturbateurs endocriniens sont des polluants bien plus impalpables encore comme l’a rappelé lors de cette journée le Pr Jean-Pierre Bourguignon, pédiatre endocrinologue (CHU de Liège et Unité de Neuroendocrinologie développementale – GIGA Neurosciences, ULg). Utilisées dans l’industrie du plastique, des pesticides, des agents pharmaceutiques et cosmétiques, de l’industrie des solvants et des lubrifiants, ces substances chimiques sont capables de perturber notre système hormonal en interférant avec la synthèse, l’action et/ou la dégradation des hormones qui régulent les fonctions de notre organisme.

Elles sont principalement soupçonnées d’avoir des effets sur le système reproducteur (endométriose, fibromes utérins, cancer du sein chez la femme ; anomalies du tractus urogénital, diminution de la qualité du sperme et infertilité, cancer des testicules chez l’homme), mais aussi, depuis quelques années, sur le développement du cerveau (TDAH, autisme, baisse du QI) et sur l’obésité et le diabète.Certes, les niveaux de probabilité causale varient pour ces différents troubles et s’inscrivent ici encore dans un schéma multifactoriel (gènes, mode de vie etc.). Mais les soupçons sont loin d’être pour autant infondés. Ils reposent d’abord sur la croissance parallèle entre l’incidence de maladies pouvant impliquer le système hormonal et la production de substances chimiques de synthèse dans l’industrie. Deuxièmement, sur l’observation d’effets de perturbation hormonale dans la faune exposée à des perturbateurs endocriniens. Enfin, sur des études de laboratoire qui ont montré les effets de certaines substances chimiques sur l’apparition de maladies.

Pour autant, les connaissances des scientifiques restent largement insuffisantes. « Seules 1300 substances ont été étudiées, c’est-à-dire 1% de tous les perturbateurs endocriniens », a rappelé le Pr Jean-Pierre Bourguignon. Ces substances sont d’autant plus difficiles à étudier que leur nocivité ne semble pas correspondre aux critères utilisés habituellement.« Pour les toxicologues, ‘ la dose fait le poison ‘. Mais ce n’est pas vrai pour les endocrinologues ! », a rappelé le Pr Bourguignon.

Dans le cas des perturbateurs endocriniens, les doses les plus faibles pourraient même être celles qui créent les effets les plus importants ou, à tout le moins, des effets contraires aux doses les plus fortes, ce que l’on désigne sous le vocable d’effets ‘non monotones’. Exemple ? Des expériences en laboratoire ont montré que si une dose forte de bisphénol A avançait la puberté, une dose très faible pouvait la retarder. C’est pourquoi les scientifiques qui travaillent sur le sujet plaident aujourd’hui pour une stratégie basée sur le danger, alors que l’industrie plaide pour une stratégie basée sur l’estimation du risque – laquelle tient notamment compte de la relation dose/réponse, en l’occurrence peu fiable.

Autre problème majeur dans l’évaluation des perturbateurs endocriniens : l’« effet cocktail », c’est-à-dire les interactions qui peuvent avoir lieu entre les dizaines voire les centaines de substances auxquelles nous sommes exposés et qui ne correspond pas au simple risque cumulé des différentes substances prises isolément…L’enjeu d’une évaluation indépendante semble d’autant plus crucial que les effets des perturbateurs endocriniens pourraient s’égrainer sur plusieurs générations, comme cela a été montré pour le Distilbène, prescrit aux femmes enceintes dans les années 40 à 50 et dont les effets sont encore sensibles sur les petits-enfants de ces femmes. « Ces effets épigénétiques peuvent être comparés à une photocopieuse qui livrerait des copies de plus en plus pâles du code ADN. Le code est bien là mais il n’est plus bien traduit. », a comparé le Pr Bourguignon, rappelant que la réalité selon laquelle « l’acquis module l’inné » est parfaitement illustrée par les perturbateurs endocriniens auxquels le fœtus serait particulièrement sensible.

Ce caractère de transmissibilité renforce malheureusement l’hypothèse d’un futur « scandale sanitaire » dont se rendent aujourd’hui coupables les autorités européennes qui rechignent à légiférer de manière claire sur les perturbateurs endocriniens, en raison des immenses enjeux commerciaux sous-jacents mais aussi parfois d’une forme de « bonne foi » qui suppose, comme l’a rappelé le Pr Bourguignon, que « la technologie ne peut pas être mauvaise ». Hélas, elle le peut – et pas au même prix pour tous.