Inégalités sociales et santé, quel rôle pour les politiques publiques ?
Le 30 Déc 20
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Les politiques publiques ont-elles un rôle à jouer pour lutter contre les inégalités sociales et favoriser la santé ? Oui… Mais lequel ? C’est sur cette question que se sont penchés Marie-France Raynault, chercheuse pour le Centre Léa-Roback, et Pierre Chauvin, directeur de recherche à l’INSERM, lors de la conférence inaugurale du certificat « Santé et Précarité ». En route vers la santé dans toutes les politiques, en appliquant le principe d’universalisme proportionné.
Dans la continuité des politiques favorables à la santé avancée dans la Charte d’Ottawa (1986), la stratégie intersectorielle proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) met en avant l’intégration de la santé dans toutes les politiques (déclaration d’Adélaïde, 2010). A cette occasion, l’agence a réaffirmé encore une fois que « les déterminants de la santé et du bien-être sont extérieurs au secteur de la santé et sont d’ordre social et économique». Les politiques publiques, quel que soit le secteur d’activité, ont un rôle à jouer car elles influencent les déterminants de la santé. Mais encore faut-il considérer les inégalités sociales (de santé) et en faire une priorité.
En bref, les inégalités sociales de santé (ISS) peuvent être définies comme les disparités de santé entre des groupes sociaux. Leur grande particularité est qu’elles sont systématiques et évitables. On voit donc se dessiner la réponse à notre question « quel rôle pour les politiques publiques ? »
ISS : des conséquences en cascade
Au cours de sa présentation, Marie-France Raynault est revenue sur un modèle en « escalateurs inversés » (l’un montant, l’autre descendant) pour illustrer l’écart qui se creuse du plus pauvre au pus riche et ce, à chaque étape de vie.
Les inégalités existent déjà à la naissance. Parmi les plus pauvres, il y aura davantage de naissances prématurées, de bébés ayant un faible poids, ou même de retards de croissance intra-utérine. L’écart se creuse davantage en regard de la maturité scolaire (la maturité affective, le développement cognitif et langagier, les compétences sociales requises, etc.). Cela peut avoir une influence sur le décrochage scolaire. Par exemple, une étude sur le décrochage scolaire à Montréal a mis en évidence le terrible constat qu’un enfant sur deux n’ayant pas acquis une maturité affective suffisante en commençant l’école, se retrouvera en situation de décrochage scolaire. Par la suite, le décrochage scolaire renforce une situation d’exclusion et peut entraîner des problèmes d’adaptation sociale, ce qui aura un impact sur l’insertion professionnelle, sur le niveau de revenu, sur le milieu de vie (la salubrité des logements, la mobilité, etc.)… lesquels ont des répercussions sur l’état de santé général (les habitudes de vie, la perception subjective de sa santé, le taux de personnes souffrant de maladies chroniques ou de problèmes de santé mentale). Et au final, toute cette cascade de causes à effets influence l’espérance de vie.
L’importance des politiques publiques
Quelle stratégie mettre en place pour réduire les effets de la pauvreté sur la santé ? En regard du modèle simple et parlant de R. SmithMarie-France Raynault illustre son propos avec les services de garde d’enfants et le cas des mères de famille monoparentale. Celles-ci font partie d’un groupe particulièrement vulnérable face aux ISS. Toutefois, pour les soutenir, de nombreuses politiques publiques peuvent être mises en œuvre :
- des politiques de soutien au revenu comme les allocations familiales, les congés parentaux, le crédit d’impôt pour l’enfant, etc. ;
- des politiques d’éducation : mise en place de services de garde, des formations accessibles ;
- des politiques de logement, de santé…
Marie-France Raynault s’attache à démontrer au cours de son intervention que les services de garde d’enfants représentent « un instrument puissant de réduction des ISS » et qu’il est fondamental pour les politiques d’investir dans la petite enfance en regard de la cascade des déterminants que nous évoquions plus haut. Les raisons sont multiples. Nous en citons quelques-unes :
- au niveau du développement du cerveau de l’enfant
PROMOTION DE LA SANTE – Avis de la Conférence Nationale de la Santé sur la littératie en santé
Le 30 Déc 20
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…CONTENU A VENIR…
Tirez votre plan ! Une analyse de « Plans » pour promouvoir la santé en Flandre, en France, au Québec et en Suisse
Le 30 Déc 20
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Les acteurs de la promotion de la santé de la Région wallonne et de la Région Bruxelles-Capitale n’auront probablement jamais autant entendu parler de Plans que depuis ces dernières années. Dans le jargon de la profession, ce mot a désormais une signification bien spécifique. Il est même possible qu’il faille éviter ce mot pour les 15 prochaines années à venir au risque de voir ces acteurs pâlir ou être victimes d’une crise d’angoisse.De fait, avec l’élaboration des nouvelles politiques régionales de promotion de la santé – que nous appelons « Plans de promotion de la santé » – c’est tout un secteur qui ressent les conséquences du processus long et complexe d’élaboration d’un Plan. Malgré tout, ce contexte aura constitué une opportunité pour le secteur de se réaffirmer et de se fédérer. Le service universitaire de promotion de la santé de l’Université catholique de Louvain, le RESO, s’est attelé à la réalisation d’une analyse de quelques politiques nationales et régionales afin d’alimenter les réflexions amorcées lors de la construction des Plans bruxellois et wallon. Cette analyse a fait l’objet de la rédaction d’un rapport de synthèse que nous avons appelé, en bon Belges que nous sommes[1] : « Tirez votre Plan ! Une analyse de « Plans » pour promouvoir la santé en Flandre, en France, au Québec et en Suisse ».Ce rapport de synthèse s’adresse aux politiques, experts et professionnels belges et d’ailleurs qui, dans le cadre de l’élaboration d’une politique de promotion de la santé, seraient susceptibles de participer ou d’être directement impliqués dans celle-ci.Il s’est rapidement avéré que la dénomination Plan n’était pas généralisée dans tous les pays … Nous en avons donc donné la définition suivante : « Toute production des politiques (stratégies, politiques, programmes …), autant nationales que régionales, visant à structurer le secteur de la santé hors soins, à prioriser les objectifs de santé à atteindre et à guider les actions des associations oeuvrant pour améliorer la santé et le bien-être des populations dans une vision de la santé faisant écho à la charte d’Ottawa. »[2]L’étape ultérieure a été de sélectionner les Plans que nous allions analyser. Notre premier choix s’est porté sur le Plan de la Région flamande[3] pour son ancrage dans un contexte similaire à celui des Régions bruxelloise et wallonne. Ensuite, nous avons préféré choisir des pays francophones, afin de bien comprendre les nuances liées à la langue, et proches du contexte socio-économique de la Belgique. Ce qui nous a amenés à sélectionner un Plan national et un Plan régional pour les pays (et province) suivants : la Suisse[4][5], la France[6][7] et le Québec[8][9]. Ce qui fait un total de 7 Plans analysés.Généralement, les Plans suivent un développement similaire : ils commencent par des éléments de contexte et de conception, continuent sur un diagnostic de l’état de santé de la population, poursuivent sur les priorités du Plan (en termes d’objectifs et d’actions), abordent la mise en œuvre de ces priorités et terminent par la présentation des méthodes et démarches d’évaluation du Plan. L’objectif de ce rapport de synthèse est de mettre en exergue des faits saillants des Plans sélectionnés en termes de conception, de contenu, de mise en œuvre et d’évaluation. Ces 4 parties constituent le corps du rapport et de cet article.
La démarche d’élaboration
Premier constat en matière de conception, les Plans analysés sont tous sous la tutelle du ministre ou de l’instance publique en charge de la santé. Deuxième constat, il y a une volonté d’adopter une approche inclusive et participative de la part des décideurs. Bien que les méthodes d’élaboration soient succinctement développées dans les Plans, tous ont bénéficié de moments de concertation avec les différentes parties prenantes (professionnels, usagers, etc.). Cette approche inclusive prend la forme de groupes de travail ou de mise en consultation du Plan.
Le contenu des Plans
Le cœur d’un Plan, ce sont ses priorités de santé. Celles-ci permettent d’éviter un éparpillement des ressources afin de les concentrer sur des sujets auxquels la préséance est donnée. Pour choisir les priorités de santé, diverses méthodes et sources de données sont utilisées : l’analyse de l’état de santé de la population, les résultats de l’évaluation du Plan précédent, un alignement sur les orientations de l’OMS, l’utilisation de critères de priorisation.Les priorités sont ensuite énoncées sous forme d’objectifs. En ce sens, leur contenu est riche en informations. Les thèmes sur lesquelles portent les objectifs des Plans analysés se déclinent en 5 grandes catégories : les problématiques de santé, les déterminants de la santé, les populations spécifiques, les milieux de vie et les stratégies d’action. Les principaux thèmes au sein de ces grandes catégories ont été répertoriés et présentés sous la forme de tableaux synthétiques pour permettre une comparaison entre les pays. Au terme de ce travail de classification, nous avons donc obtenu 5 tableaux à l’image de celui ci-dessous.Ces tableaux ne sont pas destinés à rapporter les thèmes non abordés par les Plans ou à tirer des conclusions sur des éventuelles omissions. Il s’agit plutôt d’un outil de simplification et de schématisation qui permet d’avoir une vue d’ensemble globale et immédiate des thèmes prioritaires des Plans.Comment lire ce tableau ?
Nous proposons ici l’exemple du tableau portant sur les objectifs ciblant des problématiques de santé. Dans la deuxième colonne, on voit l’ensemble des thèmes qui ont trait à des problématiques de santé. Pour chaque Plan, nous avons indiqué si un ou plusieurs de leurs objectifs portaient sur chacun de ces thèmes. Si c’est le cas, la case est en couleur. On remarque par exemple que le Plan national français et le Plan flamand ne formulent pas d’objectifs ciblant des problématiques de santé. Sur base des 5 tableaux, nous nous sommes posés deux questions : par quelle(s) approche(s) les objectifs des Plans ont-ils été formulés et quels sont les thèmes prioritaires des objectifs ? En termes d’approches de formulation des objectifs, nous avons observé qu’un même Plan peut combiner plusieurs approches. Le Plan flamand définit ses objectifs en ciblant presque uniquement des milieux de vie et les Plans français adoptent une approche ciblant principalement des stratégies d’action. Au Québec, les Plans diversifient beaucoup plus leurs approches, mêlant l’approche par problématiques de santé, par population et par stratégies. Enfin, en Suisse, le Plan national utilise une approche par stratégies et par population alors que le Plan régional utilise une approche par problématiques de santé.En termes de thèmes prioritaires ciblés par les objectifs, nous constatons qu’ils sont assez similaires entre les Plans. Par exemple l’alimentation, les assuétudes, la qualité et l’accès aux soins et à la prévention. Toutefois, certains thèmes plus spécifiques (parce que probablement plus dépendants du contexte) sont abordés dans certains Plans seulement, comme par exemple la nutrition prénatale et postnatale dans le Plan régional québécois, les problèmes d’adaptation sociale dans le Plan national québécois, les personnes en période de rupture dans le Plan régional français ou les milieux du loisir pour enfants dans le Plan de la Région flamande. Certains objectifs suggèrent une timide ouverture vers la démarche de « santé dans toutes les politiques » en visant l’environnement ou l’enseignement par exemple.
La mise en œuvre des Plans
Dans la suite logique des choses, les Plans abordent ensuite la mise en œuvre de leurs objectifs. Il s’agit ici de comprendre comment il est prévu d’atteindre les objectifs des Plans. Avec la définition des objectifs, cette partie est centrale. Le Plan flamand et les Plans nationaux suisse et québécois développent d’ailleurs la mise en œuvre sous la forme d’un « plan de mesures » plus concret. Le plan régional français est quant à lui décliné en programmes territoriaux. Le Plan régional québécois se présente sous la forme de « fiches » détaillées. Le Plan régional suisse est mis en œuvre par des contrats de prestations avec les acteurs de terrain. Enfin, le Plan national français a été mis en œuvre par une loi[10].
Les dispositifs d’évaluation de la mise en œuvre des Plans
Nous faisons le constat que dans les Plans sélectionnés, des indicateurs d’évaluation de l’implémentation et de l’efficacité sont prévus mais il ne semble pas clair cependant si les dispositifs d’évaluation permettraient de vérifier la présence d’effets de contexte. Autrement dit, « dans quelle mesure le contexte (socio-économique, culturel, ethnique, etc.) et les acteurs (professionnels, citoyens, etc.) interagissent avec l’implémentation des Plans, affectent leur fidélité et affectent leur potentiel d’efficacité pour la santé des personnes et des communautés »[11].L’évaluation des programmes et actions de promotion de la santé est au cœur de nombreux débats entre acteurs/chercheurs/décideurs. Nous souhaitons mettre en avant que l’évaluation des interventions de promotion de la santé vise d’une part à permettre de produire des connaissances autant sur les effets de ces interventions que sur leurs processus et d’autre part à mesurer leur efficacité et leur efficience. L’enjeu est de s’appuyer sur ces connaissances pour optimiser les actions de terrain. En réponse à un besoin d’outils et de méthodes adaptés aux réalités des interventions de promotion de la santé, nous avons relevé quelques initiatives présentées dans les Plans analysés, comme par exemple l’outil quint-essenz en Suisse, la matrice utilisée en Flandre ou encore la recherche interventionnelle en santé des populations dans laquelle la France et le Québec investissent de plus en plus.Dans un ouvrage publié en 2013 par Carole Clavier et Evelyne de Leeuw, intitulé « Health promotion and the policy process »[12], les auteures soutiennent qu’en promotion de la santé, les acteurs et les chercheurs auraient tout à gagner de mieux comprendre comment les politiques publiques sont élaborées afin de les influencer positivement, de les évaluer adéquatement et de les implémenter efficacement. Notre rapport fait écho à leur constat qui souligne que l’axe premier de la charte d’Ottawa « élaboration de politiques pour la santé », manque d’une base théorique solide pour appuyer l’action. Les résultats de notre analyse sont un pas dans ce sens. L’analyse complète est téléchargeable sur le site : https://uclouvain.be/reso
[1] L’expression « tirez votre plan » est un belgicisme qui signifie « débrouille-toi ».
[2] Malengreaux Ségolène, « Tirez votre plan ! Une analyse de « Plans » pour promouvoir la santé en Flandre, en France, au Québec et en Suisse », Woluwé Saint Lambert : RESO, 2017, p.9 Téléchargeable sur https://uclouvain.be/reso
[3] « Strategisch plan – de vlaming leeft gezonder in 2025 », Agentschap Zorg & Gezondheid, 2016. Téléchargeable sur : https://www.zorg-en-gezondheid.be/sites/default/files/atoms/files/Strategisch_Plan_GezLev_vGCCorr.pdf
[4] « Stratégie Nationale Prévention des maladies non transmissibles (stratégie MNT) 2017-2024 », Berne, Office fédéral de la Santé Publique et la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé, 2016. Téléchargeable sur : https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/themen/strategien-politik/nationale-gesundheitsstrategien/strategie-nicht-uebertragbare-krankheiten.html?_organization=317
[5] « Stratégie cantonale de prévention et de promotion de la santé 2016-2026 », République et canton de Neuchâtel. Téléchargeable sur https://www.ne.ch/autorites/DFS/SCSP/prevention/Documents/Strat%C3%A9gie_cantonale_pr%C3%A9vention_promotion_sant%C3%A9_rapport%20complet.pdf
[6] « Stratégie Nationale de Santé, feuille de route », Ministère des Affaires Sociales et de la Santé, Septembre 2013. Téléchargeable sur : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/SNS-Feuille_de_route.pdf
[7] « Projet Régional de Santé des Pays de la Loire », version actualisée du 26 mars 2016, Agence Régionale de Santé Pays de la Loire. Téléchargeable sur : https://www.pays-de-la-loire.ars.sante.fr/le-projet-regional-de-sante-1ere-generation-2012-2016
[8] « Programme national de santé publique pour améliorer la santé de la population du Québec 2015-2025 », Ministère de la Santé et des Services Sociaux, Gouvernement du Québec, 2015. Téléchargeable sur https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2015/15-216-01W.pdf
[9] Direction de santé publique de la Montérégie (2016), « Plan d’action régional de santé publique 2016-2020 », Longueuil, Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Centre. Téléchargeable sur https://extranet.santemonteregie.qc.ca/depot/document/3858/PAR-VF.pdf
[10] LOI 2016-41 du 26 janvier 2016 de « modernisation de notre système de santé »
[11] Malengreaux Ségolène, « Tirez votre plan ! Une analyse de « Plans » pour promouvoir la santé en Flandre, en France, au Québec et en Suisse », Woluwé Saint Lambert : RESO, 2017, p.46 Téléchargeable sur https://uclouvain.be/reso
[12] CLAVIER C. and de LEEUW E., « Health promotion and the policy process », Oxford University Press, 2013.
Campagne de sensibilisation
Le 30 Déc 20
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C’est mieux, mais peut et doit mieux faire. Tel est le bilan de la consommation trop importante d’antibiotiques en Belgique et dans d’autres pays européens. La journée européenne d’information sur les antibiotiques, qui a lieu le 18 novembre, garde donc malheureusement tout son sens. Chez nous, le SPF Santé publique et la Commission belge pour la coordination de la politique antibiotique (BAPCOC) saisissent cette 10ème édition pour taper une fois encore sur le clou au moyen d’une campagne de sensibilisation à destination des patients et des professionnels de santé.« Les antibiotiques ne sont pas des bonbons, clame Maggie De Block, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, face à l’utilisation trop fréquente et incorrecte que la population belge en fait.Trop d’antibiotiques, cela signifie à l’heure actuelle, qu’en dehors des institutions hospitalières, les médecins généralistes prescrivent encore plus de 1000 traitements antibiotiques par an pour 1000 habitants. Les adolescents, notamment, prennent plus d’antibiotiques que le reste de la population. Pourtant, on sait que la consommation d’antibiotiques est loin d’être anodine. Non seulement, ils provoquent leur lot d’effets secondaires. Plus grave, les bactéries développent des résistances aux antibiotiques. Résistances qui, en se multipliant comme c’est le cas maintenant, finiront par entrainer une kyrielle de problèmes de santé publique : « Les infections que nous pouvons actuellement traiter sans problèmes ne pourront plus l’être à l’avenir », prévient Maggie De Block. Les actes chirurgicaux, les traitements contre le cancer et les transplantations pourront devenir très dangereux à cause du risque inhérent d’infection. Nous pourrions également ne plus disposer d’antibiotiques actifs.La bonne nouvelle, c’est qu’il est scientifiquement prouvé que la diminution des traitements par antibiotiques entraîne la diminution de la résistance. Il est donc primordial de continuer à informer les professionnels de santé et les patients sur la bonne utilisation des antibiotiques.
Une campagne, plusieurs canaux d’information
La campagne belge, lancée dans le sillage de la journée européenne d’information sur les antibiotiques, s’articule autour du thème « Les antibiotiques : prenez-les comme il faut et uniquement quand il le faut ». Ce message, diffusé d’abord par la radio et la presse écrite, le sera ensuite par les pharmaciens et médecins au moyen d’affiches et de dépliants d’informations pour leurs patients. Pendant le pic d’épidémie grippale, une action sera menée dans les pharmacies afin de récolter les antibiotiques non utilisés.
Formation e-learning pour aider les généralistes
Le SPF Santé publique et la BAPCOC lancent aussi, pour la première fois cet hiver, une formation e-learning pour aider les médecins généralistes à réduire l’utilisation des antibiotiques. En dix minutes, ceux-ci pourront apprendre des techniques de communication et prendre connaissance d’une nouvelle brochure, basée sur les dernières connaissances scientifiques, expliquant l’évolution naturelle de la toux, à diffuser auprès de leurs patients. Car trop nombreux sont les patients qui continuent de croire qu’une toux persistant plus d’une semaine doit être soignée par des antibiotiques.L’objectif de la formation en ligne est d’aider les praticiens à discuter du bon usage des antibiotiques avec leurs patients.
Résultats attendus pour 2020 et 2025
L’objectif final du SPF Santé publique et de la BAPCOC est d’atteindre les 600 prescriptions pour 1000 habitants en 2020, puis 400 en 2025, pour que les antibiotiques continuent à nous protéger dans le futur.Pour en savoir plus :https://www.usagecorrectantibiotiques.be/fr
Pourquoi est-il si difficile de prescrire moins d’antibiotiques ?
Nous avons demandé au Professeur Herman GOOSSENS, président de la Commission belge pour la coordination de la politique antibiotique (BAPCOC), pourquoi il est à ce point difficile de diminuer les prescriptions d’antibiotiques, alors que l’on insiste depuis maintenant deux décennies sur la nécessité d’en consommer moins…Professeur Herman Goossens : nous n’avons pas vraiment la réponse. Dans notre pays, les premières campagnes de sensibilisation ont entraîné une diminution d’environ 35% de la consommation d’antibiotiques entre 2000 et 2007. La consommation est ensuite restée stable.La France a connu la même situation. Sa très belle campagne « Les antibiotiques, c’est pas automatique », lancée en 2002, fut suivie d’une diminution de l’utilisation d’antibiotiques jusqu’en 2008-2009. La baisse s’est ensuite stoppée.Si nous avons prévu d’analyser, en collaboration avec l’INAMI, les obstacles à une consommation moindre d’antibiotiques, nous pouvons cependant déjà dire que la consommation d’antibiotiques ne diminue pas chez certains groupes de patients, comme les adolescents. Par ailleurs, des médecins généralistes prescrivent vraiment trop d’antibiotiques.La Belgique est également la championne des pays européens en matière d’utilisation d’antibiotiques à large spectre. Ces antibiotiques (comme la moxifloxacine et l’amoxicilline-clavulanate) ont été introduits plus tardivement sur le marché belge. Ils coûtent plus chers que les anciens antibiotiques, généralement à spectre plus étroit. À chaque fois qu’un de ces nouveaux antibiotiques a été lancé, les firmes pharmaceutiques ont exercé une énorme pression sur les médecins pour qu’ils les prescrivent, alors que les anciens antibiotiques étaient toujours efficaces.E.S. : l’industrie pharmaceutique est donc un obstacle à une consommation moindre d’antibiotiques ?Pr H. G. : l’industrie pharmaceutique a exercé, jusqu’il y a une dizaine d’années, une très forte pression sur les médecins généralistes pour pousser à la consommation d’antibiotiques, puisque les bénéfices étaient générés par le volume des prescriptions. Cette pression des firmes pharmaceutique n’est actuellement plus aussi forte car les antibiotiques sont devenus très bon marché, à l’exception des antibiotiques à large spectre. Il se peut cependant que des médecins aient conservé cette attitude de prescrire beaucoup d’antibiotiques.E.S. : les patients exercent-ils une pression sur les médecins généralistes pour se voir prescrire des antibiotiques ?Pr H. G. : oui, probablement. Cette pression est, ici aussi, beaucoup moindre qu’auparavant.Lorsque nous avons commencé nos campagnes de sensibilisation il y a presque 17 ans, une enquête réalisée auprès de patients en Flandre et en Wallonie avait révélé qu’ils étaient nombreux à demander des antibiotiques, même pour un rhume. De leur côté, les médecins généralistes expliquaient qu’ils voulaient bien ne plus prescrire d’antibiotiques… mais leurs patients allaient alors en réclamer à un autre médecin. Les campagnes de sensibilisation ont permis de diminuer cette pression des patients sur les médecins, à tel point que des généralistes déplorent à présent le fait que des patients refusent de recourir aux antibiotiques même quand c’est absolument nécessaire. Les patients disent eux-mêmes à leur médecin que les antibiotiques sont mauvais pour la santé. Ils veulent, par ailleurs, lutter contre les résistances aux antibiotiques et, par conséquent, y recourir le moins possible.Je pense que l’utilisation abusive et incorrecte des antibiotiques relève d’une responsabilité partagée. Cependant, les médecins sont toujours seuls responsables des prescriptions. Nous cherchons encore à découvrir pourquoi certains médecins généralistes sont aussi résistants à nos campagnes et interventions… Nous savons toutefois qu’il faut parfois les aider dans leur communication avec les patients.C’est pourquoi nous sommes en train d’envoyer un e-learning module à tous les généralistes de Belgique (17.000) pour les encourager à changer leur attitude et les aider à communiquer avec leurs patients au moyen d’une brochure. Ce module, d’une durée de dix minutes, a déjà été testé dans quatre pays européens (Espagne, Pays-Bas, Angleterre et Pologne) et a fait l’objet d’une étude très intéressante et convaincante. Nous avons donc décidé de le faire traduire en français et en néerlandais pour le rendre accessible aux médecins généralistes belges au cours de cet hiver.
Tante Biotique est une édition spéciale de Bob et Bobette, créée à l’initiative de la BAPCOP et destinée à sensibiliser les parents et les enfants à la consommation excessive d’antibiotiques. Chouette et éducatif en même temps, l’album peut-être lu en ligne ou obtenu gratuitement par la poste (jusqu’à épuisement du stock).
Maux de dos : un mode d’emploi pour la prise en charge
Le 30 Déc 20
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Mal au dos, que faire ? Face à la grande variété de solutions proposées à ceux et celles qui souffrent de ce « mal du siècle », le KCE avait déjà publié en mai dernier un Guide de pratique clinique basé sur les plus récentes connaissances scientifiques. En guise de prolongation, voici un itinéraire de soins qui définit, pour un patient donné et en fonction du type et de la durée de sa douleur, les examens à effectuer et les traitements à proposer pour progresser de la façon la plus cohérente possible. C’est la première fois qu’un itinéraire de soins est réalisé en commun avec des représentants de toutes les professions de soins concernées et avec les patients. Il englobe à la fois les douleurs lombaires (mal de dos simple) et radiculaires (de type sciatique). Pour en faciliter l’usage, le KCE en a également développé une version interactive en ligne (www.lombalgie.kce.be).Si vous souffrez de mal de dos, il y a de fortes chances que vous ayez déjà testé toutes sortes de traitements, de votre propre initiative ou sur le conseil de votre kiné, médecin traitant, ostéopathe,… et ceci avec des succès variables. C’est le constat de cette hétérogénéité – d’approches mais aussi de résultats – qui a incité le KCE à développer un itinéraire de soins pour tous les professionnels de la santé concernés par ce problème fréquentissime.
Qu’est-ce qu’un itinéraire de soins ?
Un itinéraire de soins est une sorte de « marche à suivre » qui définit, pour un patient donné à un moment donné de sa pathologie, les examens à effectuer et les traitements à proposer pour progresser de la façon la plus cohérente possible. Pour caricaturer, il ne saurait être question de proposer d’emblée une intervention chirurgicale avant d’avoir essayé la kinésithérapie !
Fruit d’un travail commun de toutes les professions concernées
L’itinéraire de soins que publie aujourd’hui le KCE est en quelque sorte la suite du guide de pratique clinique pour les douleurs lombaires et radiculaires qu’il avait publié en mai dernier. L’un comme l’autre résultent d’un travail de longue haleine mené en étroite collaboration avec la Spine Society of Belgium et des représentants des médecins généralistes, kinésithérapeutes et autres praticiens des techniques manuelles (ostéopathes et chiropracteurs), spécialistes en médecine physique et réadaptation, chirurgiens orthopédistes, neurochirurgiens, anesthésistes/algologues (cliniques de la douleur) et psychologues.
Une grande attention aux aspects liés au travail
Pour la conception de l’itinéraire de soins, le groupe de travail s’est adjoint les compétences d’ergothérapeutes et d’ergonomes, de médecins du travail et de médecins-conseils des mutualités. En effet, la volonté du groupe était de consacrer une grande attention au maintien ou à la reprise du travail, un domaine où beaucoup de nouvelles dispositions ont été prises, qui ne sont pas encore bien connues. « L’itinéraire a été pensé tous ensemble pour s’adresser à tous les professionnels de soins dans un esprit de bonne collaboration et de complémentarité, en n’oubliant pas de leur rappeler, ici et là, l’importance d’une bonne communication entre eux…» soulignent Pascale Jonckheer et Anja Desomer, les deux chercheuses du KCE qui ont piloté cette longue aventure.
La parole aux patients
Les patients ont également été sollicités pour la conception de cet itinéraire de soins, via des groupes de discussion où ils ont évoqué leurs cheminements à travers le système de soins. Cela a permis aux chercheuses d’identifier plusieurs malentendus fondamentaux entre patients et soignants. Par exemple, les patients sont souvent très anxieux d’obtenir un « diagnostic » précis pour leur mal de dos, alors que les soignants savent d’expérience que, le plus souvent, le mal de dos n’est pas la manifestation d’une lésion précise de la colonne vertébrale mais bien l’expression d’un dysfonctionnement passager, qui ne peut être visualisé sur une radio ou une IRM. Ces examens sont donc superflus et la prise en charge immédiate doit être la moins médicale possible, au risque que les patients interprètent parfois cela comme de la désinvolture de la part des soignants. Une communication plus claire à ce sujet s’impose donc.
Prévenir le passage à la chronicité
Dans environ 10% des cas, le mal de dos persiste plusieurs semaines ; à partir de 3 mois, on considère qu’il est chronique. Tout l’itinéraire de soins est focalisé sur la prévention de ce passage à la chronicité. En effet, il existe des facteurs de risque, désormais bien identifiés, qui permettent de distinguer les personnes dont la douleur risque de perdurer. Ces facteurs sont à la fois psychologiques (p.ex. une anxiété très marquée) et socio-professionnels (p.ex. un conflit avec l’employeur). À chaque étape de l’itinéraire, ce risque doit être (ré-)évalué, afin d’adapter la prise en charge au profil spécifique du patient.Il s’agit donc pour les soignants de trouver un juste équilibre. D’une part, ils doivent préconiser une démarche dédramatisante pour la majorité de leurs patients lombalgiques, encourager l’activité physique, ne pas faire de radios, prescrire le moins de médicaments possible. Et d’autre part, ils doivent rester attentifs à détecter les 10% d’entre eux qui risquent de développer un problème chronique potentiellement invalidant.
Un outil interactif pour mieux s’y retrouver
C’est la première fois qu’un itinéraire de soins s’adresse de façon globale à tous les intervenants professionnels concernés, englobe à la fois les phases aigues et chronique et considère en parallèle les douleurs lombaires (mal de dos simple) et radiculaires (de type sciatique). Revers de la médaille, le résultat est inévitablement assez complexe. C’est pourquoi le KCE a développé un outil informatique sous la forme d’un site web interactif que chacun peut utiliser à partir de son ordinateur ou de sa tablette (www.lombalgie.kce.be). « Nous l’avons voulu le plus convivial possible et nous l’avons fait tester par des praticiens de terrain. Toutes les associations scientifiques participantes y ont apposé leur logo. Nous avons également pris contact avec eHealth et les principaux producteurs de logiciels médicaux en leur proposant d’inclure un lien vers cet outil dans leurs logiciels. De cette façon, nous espérons qu’il sera adopté par le plus grand nombre de soignants » concluent les deux chercheuses.
Personnes de contact sur le terrain :
Dr Thomas ORBAN, médecin généraliste, président de la Société Scientifique de Médecine générale : 0475 / 902 926Prof Henri NIELENS, Service de Médecine physique et réadaptation, Cliniques universitaires St Luc : 02 /764.16.50 (ou 010.47.45.05 vendredi après-midi)Pour entrer en contact avec les chercheurs du KCE :Karin Rondia, Communication scientifique KCETél. : +32 (0)2 287 33 48GSM : +32 (0)475 769 766Email : press@kce.fgov.be
Que penser du Wi-Fi et des ondes électromagnétiques à l’école?
Le 30 Déc 20
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Il en va ainsi des évolutions technologiques : utilisées tout d’abord dans un cercle restreint, elles se démocratisent et se répandent dans l’ensemble de nos milieux de vie. La technologie « sans fil » n’y fait pas exception, elle s’est généralisée dans la vie courante pour les téléphones, les babyphones, les gsm… mais aussi pour la connexion à internet pour toute une série d’appareils, grâce au wi-fi ou au réseau mobile.Via l’utilisation de tableaux connectés, en passant par les ordinateurs de la salle informatique, les tablettes et smartphones qu’utilisent professeurs et élèves, l’école, elle aussi, intègre ces nouvelles technologies. Face à une exposition de plus en plus accrue des enfants, au sein même de l’école, aux ondes qu’émettent ces appareils, certains s’interrogent sur leurs effets potentiels sur la santé et ont interpellé l’ONE et la Commission de Promotion de la Santé à l’Ecole à ce sujet.Un groupe de travail s’est dès lors constitué au sein de l’ONE
en 2016 dans le but d’émettre des recommandations quant à l’utilisation des appareils produisant des ondes électromagnétiques de radiofréquence à l’école, à l’attention des professionnels de Promotion de la Santé à l’Ecole, des acteurs scolaires et des Ministres de l’Enfance et de l’Enseignement.
Concrètement, un groupe de travail pour quoi faire ?
Faire le point sur les données scientifiques actuelles et les recommandations existantes sur les risques éventuels de l’exposition aux ondes électromagnétiques des enfants en âge scolaire (maternelle, primaire, secondaire) qui émanent des instances de santé nationales et internationales.Ceci afin de libeller des points d’attention et des propositions de gestion de cette exposition au sein des établissements scolaires dans une optique de promotion de la santé.Sur base de la récolte de ces données et recommandations, un rapport provisoire a été soumis au débat d’un panel d’experts pour aboutir, après cette consultation, à la constitution du rapport final.
Qu’est-ce qu’une onde électromagnétique de radiofréquence ?
La technologie sans fil utilise des ondes électromagnétiques de radiofréquence qui ont une fréquence entre 100 kilohertz et 300 gigahertz ; elles sont la combinaison d’un champ électrique et magnétique qui provoque un rayonnement électromagnétique non ionisant.Ces ondes sont émises par de nombreux objets de notre environnement : ondes télé, ondes radio, ondes émises par le gsm, le wi-fi, le micro-onde etc…Afin de quantifier la dose d’ondes qu’émet un appareil, et que notre corps reçoit, la mesure fréquemment utilisée est celle du DAS : débit d’absorption spécifique. Il s’agit d’une estimation par calcul de la quantité d’énergie absorbée par une partie du corps d’un adulte pendant une seconde (il n’existe pas à l’heure actuelle de modèle qui prenne en compte les particularités des corps des enfants). Le DAS s’exprime en watt par kg. Le DAS maximal (lorsque l’appareil émet à pleine puissance) doit obligatoirement figurer sur le descriptif des caractéristiques techniques de certains appareils lors de leur vente, c’est le cas pour un gsm ou un smartphone par exemple. Le DAS maximum autorisé pour un gsm est de 2 watt par kg. Cela correspond à la quantité reçue lors d’un usage très proche de la tête et dans de mauvaises conditions de réception, comme par exemple lorsque nous sommes en mouvement (en marche, dans la voiture, dans le train…).Dans notre quotidien, les sources de ces ondes peuvent être des sources lointaines et statiques sur lesquelles nous n’avons pas de contrôle ou des sources plus proches de nous, intermittentes et sur lesquelles nous pouvons agir. Nous ne pouvons avoir d’action sur les antennes relais qui se situent dans notre voisinage, mais nous pouvons par contre décider de la manière et de la fréquence à laquelle nous utilisons notre propre gsm ou smartphone. Lorsque nous achetons un téléphone mobile et/ou intelligent, nous pouvons également faire de la valeur du DAS, un de nos critères de sélection.
Que savons-nous sur les effets de ces ondes ?
Il est acquis que les ondes électromagnétiques de radiofréquences peuvent provoquer, en fonction de leur fréquence et de leur intensité, un réchauffement de la matière. C’est la propriété recherchée par le four à micro-ondes par exemple.En raison de ce réchauffement lié aux ondes (celui-ci pouvant mener à des lésions cellulaires) des seuils d’émission maximale ont été établis pour la technologie sans fil.Actuellement, le monde scientifique n’a pas mis en évidence d’autres effets néfastes possibles de ces ondes mais ceux-ci ne sont pas exclus.Si l’état des connaissances ne permet pas actuellement d’apporter une réponse univoque quant à la nocivité des ondes électromagnétiques de radiofréquence sur notre santé, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a néanmoins jugé les données disponibles suffisamment pertinentes dans le domaine de la téléphonie mobile, pour classer ces ondes dans la catégorie « peut-être cancérogènes » en ce qui concerne le risque de cancer de la tête et du cou.Certaines personnes se plaignent « d’hypersensibilité » aux ondes électromagnétiques. Actuellement, aucune association autre que psychologique n’a encore pu être démontrée entre l’exposition à ces ondes et les symptômes présentés. En clair, cela signifie que les symptômes et la souffrance ressentis par les personnes sont réels mais il n’a pu être prouvé actuellement que ceux-ci étaient attribuables à l’exposition à ces ondes. L’OMS évoque dans ce cas la présence d’un effet « nocebo » : une personne qui pense être soumise à quelque chose de nocif (ici les ondes électromagnétiques) ressent des symptômes aspécifiques.Toutefois, la recherche se poursuit.Il est cependant clairement admis au sein de la communauté scientifique, que les enfants absorbent davantage d’ondes électromagnétiques que des adultes soumis à ces ondes aux mêmes conditions. Cela s’explique en raison de leur petite taille, qui occasionne une absorption plus importante pour une même zone, et des propriétés diélectriques
de leurs tissus qui sont différentes de celles des adultes.Il est établi également que l’exposition induite est différente en fonction des appareils. L’intensité du champ électromagnétique produite par la téléphonie mobile est beaucoup plus importante que l’intensité du champ d’un routeur wi-fi, sans que la durée d’exposition ne vienne changer la donne.Sans négliger la part d’exposition aux bornes wi-fi, les messages prioritaires à adresser concernent surtout l’usage de la téléphonie mobile. Afin de limiter son exposition, il s’agira de veiller à utiliser son téléphone dans des conditions optimales : dans de bonnes conditions de réception (là où le réseau est performant), à l’arrêt (pour ne pas que le mobile cherche de manière continue à se relier au relais) et à distance du corps (via une oreillette par exemple).
Quelques précisions préalables importantes quant aux résultats du groupe de travail:
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Les recommandations du rapport n’ont pas pour vocation d’encourager ou à l’inverse, de mettre un frein à l’essor du numérique en milieu scolaire.
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Ce rapport se base sur les connaissances scientifiques actuelles. Puisque la recherche progresse et les technologies aussi, le contenu du rapport est amené à évoluer, et ce, peut-être, rapidement.
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Le champ d’étude du groupe de travail s’est élargi de l’impact de l’utilisation desrouteurs wi-fiau sein des écoles permettant de connecter tablettes, pc et tableaux, à l’usage du gsm et du smartphone présents de manière importante dans l’environnement des enfants.
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Seuls les effets sanitaires potentiels des ondes électromagnétiques sur la santé ont été abordés.L’aspect pédagogique des technologies numériques ou tout autre effet sanitaire potentiel tel que l’addiction n’ont pas été abordés dans le cadre de ce travail.
Que faire ?
L’état actuel des connaissances ne permet donc pas d’apporter une réponse claire et univoque sur la nocivité des ondes électromagnétiques de radiofréquence sur la santé. Il s’agit donc plus de gérer une incertitude quant aux risques, que le risque en tant que tel.Le groupe de travail a souhaité se positionner résolument dans une optique de promotion de la santé dans laquelle les éléments suivants sont d’importance:
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l’information, la communication et la transparence avec les parents, les élèves et les enseignants sur ce sujet ;
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l’empowerment (action qui permet à chacun de s’investir, d’avoir une compréhension suffisante pour être autonome et responsable de ses décisions) ;
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la logique d’utiliser un outil uniquement quand c’est nécessaire étant donné qu’il existe un manque de connaissances quant à sa nocivité à long terme.
Le groupe de travail a proposé des pistes d’actions à plusieurs niveaux : pour les responsables des établissements scolaires, pour les professionnels de la médecine scolaire, et pour les mandataires politiques. Pour ces derniers, des recommandations en matière de normes et de recherches ont été formuléesLes pistes d’action à explorer à l’école sont :
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Limiter, autant que c’est possible raisonnablement, l’exposition des enfants aux ondes électromagnétiques de radiofréquence lorsque ce n’est pas nécessaire.
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Pour limiter l’exposition des enfants, on peut jouer sur le choix d’un matériel, sur le cumul (intensité de l’exposition et durée) et sur la distance.
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Pour le choix du matériel, on peut favoriser une liaison internet par câble. Si le wi-fi est présent, privilégier une installation susceptible de pouvoir s’éteindre quand elle n’est pas utilisée. Penser à éteindre les pc et les tablettes qui vont continuer à émettre pour chercher où se connecter.
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Pour la distance, les champs électromagnétiques diminuent relativement rapidement quand on s’en éloigne Une étude d’implantation sera donc la bienvenue pour déterminer où disposer les bornes wi-fi dans les lieux les plus éloignés des enfants, ou dans les lieux de passage.
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Sensibiliser les enfants pour promouvoir une utilisation du GSM/smartphone à distance : via une oreillette, un kit main libre, en ne gardant pas l’appareil en poche…
Mais encore, pour le monde politique :
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Sensibiliser les directions et les enseignants sur l’utilisation avisée et précautionneuse de ces appareils en introduisant par exemple dans les formations sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication, ces notions de cumul, de distance et de degré d’exposition….
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Promouvoir auprès des acteurs scolaires, la nécessité d’une information et d’une communication transparente vis-à-vis des parents et des élèves sur les projets des écoles en matière des nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Quelle position adopter en médecine scolaire face à un enfant qui aurait des plaintes d’électro sensibilité ?
L’enfant en souffrance demande une reconnaissance et une prise en charge de son problème.Il est tout d’abord nécessaire de s’assurer que l’enfant a fait l’objet d’une mise au point complète vis-à-vis de ses symptômes tant au niveau physique, psychologique que social et environnemental. Des causes liées à des problèmes de vue, d’allergies, de moisissures, de stress etc. devront d’abord être exclues. Ensuite, la situation sera vue au cas par cas dans un exercice d’équilibre délicat entre la possibilité d’aménagements éventuels afin de réduire l’exposition et les impératifs du projet d’établissement et tout en veillant à ne pas étiqueter l’enfant pour ne pas compromettre son avenir social et professionnel.
Conclusions
A ce jour, la recherche n’a pas permis de répondre de manière univoque aux questionnements soulevés par le développement rapides des nouvelles technologiques quant aux risques liés à l’exposition aux rayonnements électromagnétiques de radiofréquence sur notre santé. Aucune association délétère n’a pu être démontrée actuellement, ce qui est un élément rassurant. Néanmoins de nombreuses inconnues subsistent.Sur base du consensus qui établit que les enfants y sont plus susceptibles que des adultes et qu‘un manque de données existe quant à leurs éventuels effets, il s’avère dès lors raisonnable de limiter l’exposition des enfants à ce qui est nécessaire, à l’école comme à la maison.
Ce groupe de travail est composé de représentants de la Direction Santé et de la Direction Recherche et Développement de l’ONE, de membres du Collège des conseillers pédiatres de l’ONE, des Eco-conseillères de l’ONE, d’un membre du Bureau de la Commission de Promotion de la Santé à l’Ecole et du responsable de la Cellule Promotion des attitudes saines à l’école de la Direction générale de l’Enseignement Obligatoire du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Isolantes (ou de conduction électrique).
Illettrisme et santé, brisons le tabou
Le 30 Déc 20
Publié dans la catégorie :
« Au moins un patient sur dix est en difficulté avec l’écrit et peut être en danger si on n’en tient pas compte ! ». Education Santé a participé à une matinée de sensibilisation à la problématique de l’illettrisme, organisée par l’asbl Lire & Ecrire à destination des professionnels de la santé.
Au programme de cette matinée, nous avons tout d’abord interrogé nos représentations de l’illettrisme, avant d’en aborder les causes et les conséquences. Ensuite, nous avons échangé sur le lien entre l’illettrisme et la santé, les « trucs et astuces » pour le reconnaître auprès des patients et oser l’aborder.
Au moins un patient sur dix
L’illettrisme vous semble être une problématique d’un autre âge ? Pourtant, aujourd’hui on estime qu’il concerne environ 10% de la population en Belgique. Il n’existe pas de données statistiques précises, les estimations sont issues de données croisées entre les résultats des études PISA, des recherches, les observations de terrain, etc.
Qu’entend-t-on par « illettrisme » ?
L’illettrisme ne se limite pas à l’analphabétisme, c’est-à-dire « l’état d’une personne qui n’a jamais appris à lire et écrire ». Il caractérise les personnes « qui n’arrivent pas à lire et à comprendre un texte simple et court en rapport avec sa vie quotidienne (et dans sa langue maternelle) ». Il ne concerne donc pas non plus les personnes d’origine étrangère qui ne maîtrisent pas notre langue. Chez Lire & Ecrire, de nombreux apprenants sont des « belgo-belges » francophones qui ne maîtrisent pas la lecture et l’écriture, ou qui l’ont perdue. Parmi ces derniers, les animatrices nous relatent que la grande majorité d’entre eux pensent être les seuls dans ce cas et en éprouvent un sentiment de honte très fort.
Les causes sont multiples et variées. Souvent, on retrouvera un contexte de précarité financière mais pas dans tous les cas. Sont cités aussi : la précarité sociale, des troubles de l’apprentissage non pris en compte, un entourage non stimulant… Les causes ne sont pas uniques et se retrouvent pour chacun dans une combinaison de facteurs.
Bien que l’école primaire soit obligatoire en Belgique, « si on ‘rate le coche’ à l’école vers ses 7 ans, passé la première ou deuxième primaire, c’est trop tard dans notre système éducatif » souligne une animatrice. Et le moyen de remédiation massivement appliqué chez nous est le redoublement des élèves. « Ce système ne fait pas ses preuves, on fait porter la responsabilité à l’enfant, ou ses parents, et on apporte une réponse collective à un problème individuel. », ajoute-t-elle.
Des conséquences lourdes pour la santé
La problématique de l’illettrisme nous renvoie au concept de la « littératie en santé », ou la capacité d’une personne à obtenir, interpréter et comprendre des informations en lien avec la santé afin de pouvoir faire des choix éclairés pour maintenir ou améliorer sa santé ou celle de son entourage. Or, de très nombreuses situations requièrent l’accès à la lecture et l’écriture pour obtenir et comprendre les informations : de la prise de rendez-vous (trouver le bon interlocuteur, noter les informations de rendez-vous, s’orienter dans un hôpital…) à la médication (lire les notices, comprendre les effets indésirables, adapter les posologies…) en passant par les explications et recommandations du médecin, les papiers pour la mutuelle ou autres démarches administratives… Les obstacles sont nombreux et les conséquences peuvent être dramatiques pour la santé.
L’anxiété, l’isolement et l’impact négatif sur l’estime de soi sont trois thèmes qui reviennent tout au long de la matinée de sensibilisation. D’autres conséquences émergent aussi au fil des discussions : la difficulté pour trouver un emploi, la difficulté à sortir des terrains connus (son quartier où l’on a ses habitudes par exemple), la dépendance aux autres, le peu d’autonomie, la contrainte pour la famille (des enfants qui se trouvent à traiter des problèmes d’adultes pour aider leurs parents, par exemple), etc.
La problématique de l’illettrisme, ses causes et conséquences touchent aux inégalités de santé.
« Une femme de 25 ans disposant d’un diplôme de l’enseignement supérieur peut espérer vivre 18 ans de plus en bonne santé qu’une femme du même âge n’ayant suivi aucun enseignement » (projet TAHIB, ISSP, 2010)
Le détecter…
Plusieurs signes peuvent mettre la puce à l’oreille auprès des professionnels de santé. Par exemple, si une personne vient toujours accompagnée en consultation, si elle a systématiquement « oublié ses lunettes pour lire», si les enveloppes ne sont jamais ouvertes dans son sac, le recours systématique aux urgences de l’hôpital pour être sûr de voir un médecin… Chacun dans la salle évoque des moment où il a « eu des soupçons », mais personne n’a osé poser la question.
…Et l’aborder
« Brisez le tabou ! » nous exhortent les animatrices. Elles ont trop souvent entendu les apprenants qui viennent chez Lire & Ecrire dire « j’attendais qu’on me le demande, je n’ai pas osé le dire mais je l’aurais dit si on me l’avait demandé ».
Gilles Henrard, médecin généraliste, a entamé tout un travail en partenariat avec Lire & Ecrire. Suite à ses rencontres avec des patients illettrés, il propose quelques pistes à ses confrères pour « améliorer sa communication, particulièrement avec les patients analphabètes » :
- ralentissez;
- évitez le jargon médical ;
- montrez ou dessinez des illustrations ;
- limitez le nombre d’informations données à chaque contact et répétez-les ;
- faites répétez ce que vous avez dit, faites faire par le patient les gestes que vous avez décrits pour confirmer sa compréhension ;
- soyez empathiques et encouragez le patient à participer à ses soins.
La matinée de sensibilisation organisée par Lire & Ecrire a permis de remettre en lumière cette problématique encore trop « taboue » dans nos pratiques de santé et trop souvent oubliée dans les projets, les animations, les campagnes de prévention… Dans une perspective de promotion de la santé, n’oublions désormais pas/plus de prendre en compte ce public concerné par l’illettrisme.
Pour en savoir plus sur l’asbl « Lire & Ecrire » : www.lire-et-ercire.be
Parents d’aujourd’hui, tous égaux face à la santé ?
Le 30 Déc 20
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Le 19 janvier dernier, la Société Française de Santé Publique (SFSP) organisait à Paris son second séminaire intitulé « Accompagnement de la parentalité et inégalités sociales de santé ». Une journée riche en rencontres, débats et réflexions qui rassemblait dans le public des professionnels de tous horizons. Ce séminaire fait partie du projet de la SFSP visant à valoriser, construire et diffuser l’expérience et la connaissance pour développer des actions d’accompagnement à la parentalité ayant un impact sur les inégalités sociales de santé. Pour nous parler de parentalité et d’inégalités sociales de santé plusieurs intervenants : le milieu universitaire français et québécois, la caisse nationale des allocations familiales (CNAF), des professionnels de terrain… Education Santé y a assisté et partage avec vous quelques éléments de réflexion.
Médecins, chercheurs, éducateurs, parents… au cours de l’histoire, l’enfant est petit à petit devenu l’objet de beaucoup d’attentions pour la société civile et scientifique. L’enfance est en effet une période de construction intense sur le plan physique, évidemment, mais aussi pour le développement de la citoyenneté et de la santé ! C’est aussi, et surtout, une période très propice à la création des inégalités sociales de santé (ISS) ! En France, on estime aujourd’hui qu’un cinquième des enfants vit sous le seuil de pauvreté.
Parfois dans le marasmes d’informations, les inégalités sociales de santé prennent bien des définitions. Alors pour petit rappel, les ISS ce n’est pas : la précarité, la pauvreté, l’exclusion sociale, les inégalités de santé (au sens génétique, de genre ou encore d’âge) ce sont des écarts injustes et importants que l’on enregistre entre groupes sociaux ou territoires. Ces inégalités se construisent très tôt dans la vie, dès la conception d’un enfant. C’est donc à ce moment qu’il faut agir !
Inégalités et enfance : quelques repères
Forte de ses nombreuses années d’expérience en médecine préventive, le docteur Christine Colin, professeur titulaire de santé publique à l’Université de Montréal, nous a présenté quelques points de repères pour agir sur les ISS.
La petite enfance est une période cruciale où l’ensemble des parents ont une série de besoins et d’inquiétudes semblables. On observe l’influence du gradient social très tôt, dès la conception. Si, comme il nous l’a été rappelé, les ISS ne sont pas la pauvreté, on sait que pour les populations les plus pauvres un certain « fossé » coexiste avec le gradient social. C’est-à-dire qu’il existe une différence significative entre le groupe de population très défavorisé et le groupe juste supérieur. Aujourd’hui, la pauvreté est encore une réalité persistante qui tend à s’aggraver.
« La pauvreté peut être plus dommageable durant la petite enfance, car elle affecte plusieurs sphères constituantes qui auront un impact sur la performance et la réussite scolaire » Jack P. Shonkoff, 2000
L’indigence, en plus des conséquences directes sur la santé périnatale (malformations congénitales, prématurité, petit poids de naissance…) et la santé des enfants (obésité, asthme, anémie…), se répercute sur la parentalité ! L’enfant est souvent synonyme de projet et porteur d’espoir. Pourtant il y a un stress élevé et omniprésent lié à l’état de précarité : payer les factures, acheter à manger, les frais médicaux… Apparaissent un sentiment de honte et une estime de soi compromise ! Des parents qui bien que dotés de compétences parentales et d’amour pour leur(s) enfant(s) se voient souvent jugés incapables de s’occuper de ceux-ci. Simplement, et malheureusement, parce que les compétences parentales sont cachées derrières des difficultés du quotidien sans pour autant être caractérisées par une absence de sécurité matérielle. Ceci entraine de la part des parents une méfiance à l’égard des services de soins et des services sociaux et nuit à l’établissement d’une relation de confiance entre professionnel et parents.
La pauvreté influence aussi l’environnement dans lequel l’enfant grandit et évolue. Il s’agit souvent d’un environnement moins stimulant, lié entre autres, à de faibles interactions sociales et verbales, à la dureté de l’éducation ou encore la qualité des institutions telles que l’école ou des programmes éducatifs. Le regard que la société pose sur la pauvreté marginalise ces populations en inspirant méfiance, préjugés, jugements… qui eux-mêmes influence les sentiments de honte, de stress, etc. chez les populations pauvres. Sorte de spirale autoalimentée. Bien qu’inquiétante, il faut garder à l’esprit qu’il n’y a pas de déterminisme à la pauvreté. Il est évident qu’il y a une majoration des divers risques lié à la précarité mais cela ne s’applique pas à la totalité des enfants. La résiliences est toujours possible, les interventions de promotion de la santé trouvent leur place dans ces contextes précaires et peuvent être efficaces !
« Si l’enfance est une période de fragilité c’est aussi une période d’opportunités. Il faut que les parents sachent qu’ils sont capables d’accompagner leur enfant et de développer des compétences psychosociales »
Agir pour les enfants d’aujourd’hui, c’est agir pour les adultes de demain. Pourquoi ? Parce que les enfants nés dans la précarité peuvent voir leur statut socio-économique amélioré à l’âge adulte. Néanmoins, les effets d’un faible niveau socio-économique pendant l’enfance ne se voient pas totalement effacés ! On observe en effet une répercussion sur la santé des adultes avec une augmentation de la fréquence de l’obésité, la toxicomanie, maladies cardio-vasculaires… L’influence de ce statut est même supérieure à l’addition des différents facteurs de risques qui coexistent. Les préjudices survenus durant le développement de l’enfant sont non seulement irréversibles mais aussi lié à l’effet cumulatif des stresseurs et des menaces.
Que dit le monde scientifique ?
Pour répondre à cette question, Annabelle Pierron, sage-femme et doctorante en santé publique a présenté sa méta-analyse des revues scientifiques en lien avec le sujet. Elle a analysé la littérature publiée sur base de données médicales depuis 2009, année de la parution du rapport de l’OMS sur les déterminants de santé
. Ceci dans le but de mettre en évidence trois questions :
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Quelles sont les interventions les plus efficaces identifiées en matière de promotion de la santé pour les mères et les nouveau-nés ?
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Est-ce que les auteurs prennent en considération les inégalités sociales de santé ?
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Quelles sont les pistes d’amélioration proposées par les auteurs ?
Lors de cette méta-analyse elle a pu mettre en évidence les caractéristiques des interventions les plus efficaces. Notamment l’accompagnement comportemental, cognitif et psychologique qui peut se faire en groupes de parole ou via un soutien téléphonique. Celui-ci améliore l’adaptation des couples à la parentalité ainsi qu’une amélioration de la sensibilité et de la réceptivité du nouveau-né. Il existe deux éléments clés qui rendent ces interventions encore plus efficaces : quand elles sont débutées avant la naissance et lorsque les parents y participent activement. On observe alors de vrais bénéfices pour les mères et les bébés et ce, pour un coût faible !
Au cours de ses recherches, la doctorante a également pu mettre en évidence que la littérature avait une vision parcellaire des inégalités sociales de santé. Après avoir trié les différents articles avec des critères d’exclusions tels que : les enfants de moins de 3 ans, la prématurité et la présence de pathologies maternelles, elle a retenu 21 articles. Sur cette sélection, 10 d’entre eux abordaient les ISS et seulement 4 les intégraient réellement à l’analyse ! La littérature s’intéresse peu à la période périnatale et aux services universels, c’est-à-dire qu’elle se centre surtout sur des populations dites à risque. Par ailleurs, elle n’étudie ni la qualité de logement, les services de garde des enfants ni le versant relationnel et du lien social. Autre élément important, souvent le parent est associé à la maman ! Le couple envisagé comme une entité parentale est peu étudié, peut-être par difficulté méthodologique. Finalement, comment définir le mot « parent » sachant que la parentalité est une expérience unique et singulière pour chacun, qu’elle ne dépend pas uniquement du/des parent(s) mais aussi des modes de vie ?
Malgré ces difficultés, les auteurs proposent une série de stratégies pour faire face aux ISS : (suite…)
Quand la vapote prend de l’ampleur chez les jeunes.
Le 30 Déc 20
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L’utilisation de l’e-cigarette est-elle un tremplin vers une consommation de tabac classique ? Voilà une question récurrente à laquelle aucune réponse claire ne peut être apportée actuellement en raison de l’apparition récente de ce dispositif de plus en plus en vogue. Le risque est certes réel mais trop peu d’informations sur le long terme sont disponibles pour le confirmer. Ce manque d’information ne permet toutefois pas d’infirmer cette hypothèse. C’est notamment cette incertitude qui justifie le principe de vigilance à l’égard des cigarettes électroniques.
Les jeunes constituent un sujet fréquemment mis sur la table car ils se présentent comme un groupe à risque pour l’utilisation de cigarettes électroniques. Cette observation inquiète et pose question. Cette recherche vise à éclaircir la dynamique existante dans l’utilisation occasionnelle ou persistante d’e-cigarettes par des jeunes. En d’autres mots, cet article s’intéresse à l’utilisation de la cigarette électronique et aux perceptions qu’en ont les jeunes, ainsi qu’à la manière dont ils justifient son utilisation.
Méthodologie
Étant donné que cette étude vise la compréhension ainsi que l’émission d’hypothèses d’interprétation du processus d’expérimentation – voire d’adoption – de la cigarette électronique chez les jeunes, le choix de la méthode s’est axé vers une recherche qualitative. L’intérêt de cette recherche porte sur les jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans car l’OMS estime qu’il s’agit d’une cible très curieuse face à l’e-cig. La présente étude s’intéresse aux représentations de ces jeunes ainsi qu’aux raisons de leur attrait.
Neuf entretiens semi-directifs ont été menés avec des jeunes. Les répondants étaient âgés de 16 à 24 ans et étaient utilisateurs actuels ou avaient expérimenté l’e-cigarette dans le passé. Parmi ces derniers, trois des plus jeunes répondants témoignaient de leurs expériences à l’âge de 13ans. L’échantillon comptait trois filles contre six garçons.
Ce que les jeunes en disent
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L’initiation et le maintien
Utilité perçue
Aucun jeune n’affirme l’innocuité de la cigarette électronique mais tous assurent qu’elle est moins nocive que le tabac. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils l’ont choisi pour leur sevrage tabagique.
« Ça m’étonnerait que tu meures d’un cancer après la cigarette électronique. Après je n’en sais pas plus (…) mais au moins, je n’ai pas de jaunissement des dents. »
Les jeunes sont plus sensibles aux effets observables à court terme qu’aux risques à long terme. Même s’ils avouent ne pas s’être renseignés davantage, le plaisir immédiat prend le dessus sur les éventuels risques futurs. Percevoir l’e-cig comme moins risquée que le tabac suffit à justifier leur comportement et contribue à l’image positive qu’ils en ont.
La technologie de la cigarette électronique est sans conteste l’une des explications de son succès grandissant. Lorsque les jeunes envisagent d’arrêter de fumer, ils se tournent spontanément vers ce dispositif sans envisager d’autres solutions. L’un des jeunes non-fumeurs interrogé confie même avoir choisi la cigarette électronique pour sa ressemblance avec la consommation de tabac et son côté « fun ». Même lorsque la motivation initiale est l’arrêt du tabac, la cigarette électronique peut facilement prendre la place d’un gadget.
« C’est comme passer d’un Nokia 3310 à un Iphone. » « On a vu qu’il y en avait des super belles… le design nous intéressant fort aussi. J’en voulais une sophistiquée. » « Si t’as quelque chose de mieux de la cigarette électronique, je peux être preneur mais il faut que ce soit un truc qui soit un peu fun quoi. »
De toute évidence, la matérialisation de l’objet ainsi que sa sophistication technologique et visuelle apparaissent comme très importantes pour les jeunes. Malgré cela, il faut préciser que le niveau d’investissement (temps, financier, apprentissage) dans ce nouvel objet et le type d’utilisation semble varier selon le genre de l’utilisateur ainsi que ses besoins et désirs.
« Je regardais sur un site hier, et j’avais l’impression qu’on achetait une fusée. Pour moi, ça doit être simple d’utilisation sinon je ne vois pas l’intérêt. (…) en tout cas, pour les filles, les simples c’est le mieux. »
La cigarette électronique plaît car elle mime les habitudes sociales, les gestuelles ainsi que les ressentis tabagiques, et les jeunes sont désireux de retrouver un maximum de ces similitudes dans leur nouveau comportement. Cette imitation gestuelle justifie la présence des vapoteurs avec les fumeurs à l’extérieur. En réalité, la cigarette électronique leur permet de maintenir les habitudes sociales du tabac, et de maintenir une place dans le groupe des fumeurs. Notons que certaines différences comme la variété des goûts et odeurs en font un dispositif encore plus attirant pour les jeunes.
« C’est surtout pour le geste et quand je suis avec des amis qui fument… me dire que moi aussi j’ai quelque chose. » « Sortir fumer avec les autres aux pauses, etc. » « T’es pas là avec ton patch à te caresser le bras. »
L’influence sociale
Si les amis constituent le point commun de l’initiation des jeunes interrogés, les jeunes expliquent aussi observer de plus en plus de vapoteurs dans leur quotidien. Les récits confirment qu’il existe une influence des leaders d’opinion, mais ils démontrent également que l’augmentation de l’observabilité de la technologie et de son accessibilité occasionne un changement de perception et d’utilité perçue.
« On en voit de plus en plus dans la rue.» « C’est devenu un effet de mode d’avoir une belle cigarette électronique. » « Moi ce n’est pas pour me donner un « genre » si je fume la cigarette électronique, mais c’est parce qu’on a commencé ça dans le groupe. » « À la base, j’ai surtout commencé pour l’effet de mode. »
La pratique semble effectivement de plus en plus observable dans les groupes de jeunes. Les deux cadets comparent l’e-cigarette à une mode éphémère comme les cartes Panini ou Pokémon, et expliquent leur achat en raison de l’engouement présent dans leur école.
L’image dégagée par le jeune vapoteur a une influence sur l’initiation à ce comportement. Beaucoup de jeunes utiliseraient donc l’e-cigarette pour le côté « m’as-tu-vu » de l’objet.
« C’est stylé de fumer la cigarette électronique. » « Quand je me suis acheté ma cigarette électronique, c’était un peu pour faire mon malin je dois dire. »
Grâce à ses goûts et sa ressemblance avec la cigarette classique, l’e-cigarette offre la possibilité d’adopter un comportement comparable au tabac sans ses inconvénients (santé, odeurs, goûts). Vapoter constitue donc une sorte d’opportunité pour les jeunes non-fumeurs de s’apparenter au groupe de fumeurs tout en utilisant un dispositif différent.
Le support social
Lors de l’initiation, les jeunes ont besoin d’un temps d’adaptation pour se familiariser avec ce nouvel outil et ses multiples produits. Le groupe est présent durant cette période d’apprentissage et leur apporte le soutien dont ils ont besoin. Pour certains, cette période est jugée indispensable alors que pour d’autres elle est source d’abandon.
« Je me suis forcé au début. » « Quand j’ai commencé, c’était dégueulasse mais je l’ai refait plusieurs fois et ça a été progressif. »
Lorsque les jeunes ont acquis un certain niveau de connaissance de la pratique, l’e-cig devient plus agréable et offre de nombreuses perspectives. Le jeune met alors en avant ses capacités d’exploitation et en fait profiter les autres.
« Moi ça m’amuse de faire ma petite popote et mélanger les goûts pour avoir vraiment ce que je recherche, mais ça pas mal de gens ne savent pas le faire ! »
En plus de l’apprentissage social, l’e‑cigarette semble développer un autre caractère que le tabac qui n’est autre que le partage d’expérience. Parce qu’ils partagent un comportement analogue et parce qu’ils échangent sur leurs expériences personnelles, les vapoteurs se distinguent des autres et s’identifient comme faisant partie d’un même groupe.
« On s’échangeait des goûts. » « C’est vraiment un truc de partage. » « Les gens qui ont une cigarette électronique dans la rue, tu les regardes et tu souris tu vois… c’est une sorte de groupe. » « C’est vraiment devenu un petit réseau. »
-
Le vapoteur : un « entrepreneur de moral » (Becker)
« C’est complètement inutile de faire venir un tabacologue à l’école avec un discours moralisateur… »
Il est intéressant de remarquer que les jeunes – souvent critiques face aux discours des professionnels de la santé à l’égard du tabagisme – tiennent des propos relativement similaires et engagés dans leurs entretiens.
Effectivement, les récits des jeunes sont sans équivoque ; l’e-cig constitue un outil plus bénéfique pour lutter contre le tabagisme que les autres substituts au tabac. C’est à ce titre qu’ils démontrent une volonté de défendre la cigarette électronique auprès des plus sceptiques, et une volonté d’initier les plus curieux. S’ils perçoivent l’e-cigarette comme la solution aux dangers du tabac et qu’ils considèrent cette nouvelle pratique comme totalement légitime, ils la font valoir et s’en font les promoteurs.
« J’ai des potes qui ont été en acheter une après que j’ai parlé avec eux. » « Celui qui fume, je vais essayer de le convaincre. »
Pour certains, l’existence goûts et leur variété infinie constituent l’atout majeur de la cigarette électronique. Ils considèrent que cet aspect doit être mis en avant pour séduire davantage jeunes et les déjouer du tabac.
« Je crois qu’ils devraient mettre ça encore plus en avant pour les jeunes et au moins ils passeront directement par là et pas par une cigarette normale nocive qui leur fera du mal aux poumons. »
Toutefois, si certains n’ignorent pas que l’e-cig n’est pas une consommation totalement anodine, cela ne les empêche pas de relativiser le risque pris.
« Un coca-cola, c’est nocif aussi et pourtant t’en trouves partout et ils en font de la pub… » « Sans prise de risques, t’as l’impression d’être un robot en fait. » « Jupiler a été le sponsor des diables rouges.»
Comment la cigarette électronique est-elle parvenue à s’introduite si aisément dans le quotidien des jeunes ?
Tous les jeunes interrogés ont commencé par l’intermédiaire d’un proche et témoignent de l’engouement existant pour l’e-cig dans leur groupe. Ainsi, ils font référence à une augmentation de l’observabilité de cette pratique. Lorsque l’on sait que l’utilité qu’un individu perçoit d’un comportement augmente si sa présence est élevée dans le groupe, le milieu scolaire apparait comme un endroit clé de visibilité du comportement ainsi que le lieu d’initiation de nombreux jeunes.
Si le maintien de la vapote est facilité par le soutien d’un groupe, l’initiation au comportement semble être aisée. Lorsque le vapoteur est débutant, le groupe a tendance à le rassurer en minimisant les effets désagréables. L’interaction avec les pairs est d’une importance capitale tant elle influence le sentiment de sensations agréables du novice et motive donc sa consommation. Le groupe influence aussi le maintien car il les aide à faire face aux jugements sociaux qui les stigmatisent. La vapote constitue donc un comportement nécessitant le support des autres jusqu’à ce que le jeune devienne entièrement autonome dans sa nouvelle pratique.
Les jeunes perçoivent l’e-cigarette comme non nocive, ou moins nocive que le tabac, ce qui suffit à justifier leur choix de comportement. Notons que cette absence de risque perçue n’est pas toujours combinée avec une recherche approfondie sur le sujet, et ne représente donc pas toujours le risque réel. C’est l’augmentation de l’observabilité du comportement dans leurs groupes de pairs et les effets de réseaux d’une part, ainsi que les effets du marketing et messages des leaders d’opinions d’autre part qui influencent leurs perceptions des risques et croyances sur l’e-cigarette. Vapoter apparaît pour les jeunes comme un comportement légitime car celui-ci imite les rites tabagiques et permet l’équilibre entre croyances et comportements.
Quelles conclusions peut-on en tirer?
L’attitude des vapoteurs peut être qualifiée d’ambigüe lorsque d’un côté, ils souhaitent maintenir leur appartenance sociale au groupe de fumeurs ; et de l’autre côté, ils revendiquent la singularité de leur nouvelle pratique ainsi que l’exemplarité de ses adeptes. Selon eux, vapoter à l’intérieur est égal étant donné que la cigarette électronique n’a pas les mêmes implications que le tabac. Aucun des jeunes n’associe la vapeur dégagée par la cigarette électronique au tabagisme passif, et les vapoteurs passifs eux-mêmes semblent être plus tolérants.
Aussi, en tant qu’« entrepreneurs de moral », le discours des jeunes vapoteurs est parfois équivoque. En effet, ils défendent l’innocuité de la cigarette électronique d’une part, et considèrent qu’il faut promouvoir ses atouts. Selon eux, c’est le côté ludique de ce nouvel outil technologique qui doit être mis en avant afin d’éviter l’initiation tabagique des jeunes. Alors que d’autre part, ils valorisent une exploitation précautionneuse de l’e-cig, et estiment qu’elle ne peut être considérée comme un jeu. Notons que même lorsque la motivation initiale est l’arrêt du tabac chez les jeunes, la cigarette électronique semble prendre la place d’un gadget grâce à ses possibilités de sophistications et personnalisations.
Pour conclure, lorsque l’on sait que les innovations technologiques se répandent plus facilement dans les groupes favorisés que dans les groupes défavorisés (DiMaggio et Garip, 2011), la cigarette électronique ‑ en partant du postulat qu’elle améliore la santé – pourrait constituer un nouvel outil susceptible de ne profiter qu’aux plus aisés. Sachant que la vapote se diffuse rapidement au moyen des effets de pairs, l’hypothèse qu’elle maintienne la stratification sociale voire augmente les inégalités de santé devrait être envisagée plus sérieusement.
Si l’adoption de la cigarette électronique semble constituer une solution évidente aux dangers du tabac, la présente étude qualitative démontre que le comportement associé au fait de vapoter est une matière aussi vaste que complexe qui suscite avis variés et propos ambivalents de la part des jeunes utilisateurs eux-mêmes.
Paradoxalement, ce sont les normes sociétales actuelles et les discours sanitaires défendus par les autorités qui contribuent à l’essor du vapotage ; ce même comportement qui par son succès ascensionnel et fulminant – notamment auprès des jeunes – en vient à inquiéter la santé publique et s’insérer dans l’agenda politique.
Une version plus détaillée des résultats se trouve sur le site internet www.educationsanté.be
Programme de dépistage du cancer colorectal en Fédération Wallonie-Bruxelles
Le 30 Déc 20
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Dépistage du cancer colorectal : où en est-on ?
Le cancer colorectal est une priorité de Santé publique dans le monde car il affecte plus d’un million de personnes chaque année dont 50% en décèdent.
En Belgique, en 2014, presque 9 700 nouveaux cas de cancer colorectal ont été diagnostiqués
.
C’est le troisième cancer le plus fréquent chez l’homme, le deuxième chez la femme. Il représente le cancer digestif le plus fréquent et 13% de tous les cancers en Belgique.
Il est souvent diagnostiqué à un stade avancé et il est donc associé à une mortalité élevée. Avec plus de 11%, c’est la seconde cause de décès par cancer, après le cancer du poumon. Avec plus de 3000 décès par an par cancer colorectal en Belgique, c’est plus de 4 fois le nombre de tués sur nos routes chaque année, c’est presque 10 décès par jour !
L’incidence de ce cancer augmente nettement à partir de 50 ans et environ ¾ des cancers colorectaux se manifestent dans la population asymptomatique sans antécédents personnels ou familiaux.
Détecté à un stade précoce, le cancer colorectal se guérit dans 9 cas sur 10. Les experts du Conseil de l’Union européenne et du Centre Fédéral d’Expertise
(KCE) ont recommandé d’offrir un dépistage du cancer colorectal aux personnes asymptomatiques et sans antécédents personnels ou familiaux entre 50 et 74 ans.
Le test de dépistage
Le test qui a été utilisé depuis 2009 dans le Programme de dépistage du cancer colorectal en Fédération Wallonie-Bruxelles est l’Hemoccult®, test de recherche de sang occulte dans les selles à base de résine de gaïac (gFOBT
). Celui-ci a montré son efficacité mais aussi ses limites.
Sur base de nombreuses études internationales et les résultats d’un projet pilote mené en 2014 dans deux entités de la Wallonie, il a été décidé d’évoluer vers un test immunologique de recherche de sang occulte dans les selles (iFOBT
).
La généralisation de l’utilisation de ce nouveau test représente une avancée significative pour le dépistage du cancer colorectal.
Avantages multiples du test iFOBT
Ce test est plus performant en détectant des lésions à un stade plus précoce tout en détectant environ deux fois plus de cancers et trois fois plus d’adénomes. Sa fiabilité est plus importante (spécifique de l’hémoglobine humaine, lecture automatisée, ajustement possible du seuil de positivité). Ce test est aussi plus simple : un seul prélèvement suffit. Sa réalisation est rapide et la compliance des patients est meilleure.
Au vu de ses qualités, la généralisation de l’utilisation du test immunologique est un élément décisif pour accroître l’efficacité du programme, améliorer la participation et la fidélisation à ce dépistage.
L’utilisation du test immunologique en Fédération Wallonie-Bruxelles a été généralisée en mars 2016. En parallèle, la lecture des tests Hemoccult® encore en circulation s’est poursuivie jusqu’en mai 2017.
Que se passe-t-il en cas de test positif ?
En cas de test positif, une coloscopie complète est recommandée. Dans un cas sur deux, la coloscopie ne montrera rien, mais dans les autres cas elle permettra de déceler la présence d’un cancer ou d’enlever une lésion précancéreuse pour éviter qu’elle ne dégénère en cancer.
Comment réaliser un test de dépistage ?
Première participation
Pour une première participation à ce dépistage, les personnes sont invitées à en parler avec leur médecin généraliste qui pourra leur remettre un test iFOBT. Une nouvelle procédure mise en place début 2016 permet de réapprovisionner automatiquement le stock du médecin généraliste. Les avantages de cette nouvelle procédure sont le respect de l’âge de l’éligibilité (50 à 74 ans) et de la périodicité de 2 ans entre deux tests, le réapprovisionnement automatique du stock chez le médecin, la diminution du gaspillage due à l’inutilisation de tests qui se périment et la relance possible des patients n’ayant pas réalisé le test remis par leur médecin.
Depuis juillet 2017, les personnes invitées mensuellement ont la possibilité de demander gratuitement l’envoi du kit de dépistage à leur domicile via une plateforme web sécurisée et un code unique précisé sur la lettre d’invitation. Cette alternative devrait permettre aux personnes qui consultent très peu leur médecin généraliste de participer à ce dépistage sans devoir nécessairement se rendre chez leur médecin généraliste.
Systématisation de l’envoi des tests à domicile lors des réexamens.
Pour les personnes ayant déjà réalisé un test de dépistage, l’envoi d’un nouveau test de dépistage deux ans après un test négatif directement au domicile de la personne a été généralisé en mars 2015. Cette procédure garantit une plus grande fidélisation au programme de dépistage du cancer colorectal et un plus grand respect de la périodicité entre deux dépistages.
Quel est le public cible pour le dépistage ?
Depuis 2009, toute la population éligible est invitée tous les deux ans entre 50 et 74 ans à participer au Programme de dépistage sans aucune exclusion. Cette population de la Fédération Wallonie-Bruxelles représente environ 1.150.000 personnes.Une partie de cette population bénéficie déjà de coloscopies régulières, de tests de recherche de sang dans les selles en dehors du Programme ou d’un suivi pour un cancer colorectal. Cela représente environ 17% de la population cible. Afin de ne pas importuner ces personnes et de réduire les coûts liés à ces courriers d’invitations inutiles, ces personnes doivent être exclues temporairement des listes d’invitation. Par ailleurs, en n’excluant pas ces personnes, le taux de participation de la vraie population cible est évidemment très sous-évalué !
Suite à l’autorisation de la Commission de la protection de la vie privée et grâce à une collaboration avec la Fondation Registre du cancer et l’Agence intermutualiste, ces listes de sélection ont été appliquées en Fédération Wallonie-Bruxelles depuis juillet 2016.
Résultats
Les résultats des tests Hemoccult® analysés pendant la période 2009 à 2015 sont en conformité avec les chiffres attendus avec ce test gFOBT. Sur presque 280.000 tests analysés au cours de cette période, 3,3% des tests ont été positifs. Sur plus de 7.000 coloscopies connues à ce jour, 516 cancers ont été dépistés et 2803 présences d’adénomes tous stades confondus.
Seule la participation de la population est trop faible. Des changements de procédures ont donc été appliqués en cours de période afin d’augmenter la participation et la fidélisation à ce programme de dépistage.
Depuis la généralisation du test immunologique en mars 2016, les premiers résultats montrent un taux de positivité de 7,5% au seuil de détection de 75ng Hb /ml. Il est prématuré de donner des résultats complets sur le suivi des tests positifs par manque de connaissance de toutes les coloscopies réalisées, mais les premiers résultats sont en adéquation avec les attendus.
Taux de participation
Afin d’avoir un impact réel sur la réduction de la mortalité liée au cancer colorectal, il faut au minimum que 50% de la population soit dépistée.Entre 2009 et 2015, le taux de participation était bas, environ 10%, variable d’une région à l’autre.Suite à de nombreux changements dans l’organisation de ce Programme en Fédération Wallonie-Bruxelles, le taux de participation augmente sensiblement depuis 2016 et devrait atteindre 25% fin 2017.
Source : Fondation Registre du Cancer, 2016
gaïac Faecal Occult Blood Test
immunological Faecal Occult Blood Test
Littératie en santé (Health literacy) et sources d’information
Le 30 Déc 20
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De plus en plus de patients prennent part activement aux décisions liées à leur santé et deviennent des ‘patients éclairés’. Pour assumer ce rôle actif, différentes compétences sont nécessaires. Ces compétences sont l’essence même du concept de ‘littératie en santé’. Ce concept est défini comme « la connaissance, la motivation et les compétences des individus à accéder, comprendre, évaluer et utiliser l’information de santé en vue de porter des jugements et prendre des décisions dans la vie de tous les jours en ce qui concerne la santé, la prévention des maladies et la promotion de la santé, de manière à maintenir ou améliorer la qualité de vie. »(SØRENSEN K. et al., 2012). Etre un ‘littéraire en santé’ signifie donc bien plus que de disposer d’un savoir ou une connaissance en matière de santé. Il s’agit de compétences, de capacités à agir.
En 2014, une étude menée par la Mutualité chrétienne et l’UCL était la première à mesurer le niveau de littératie en santé dans la population belge, montrant que 4 belges sur 10 n’avaient pas un niveau de compétence suffisant en matière de santé. Bien que ces résultats étaient très semblables aux ceux d’autres pays européens, ils méritaient une confirmation. C’est pourquoi, en 2016, la MC et l’UCL ont organisé une nouvelle enquête. Au-delà de l’évaluation du niveau de littératie en santé, cette étude visait également à mieux savoir si le public interrogé recherche des informations en santé, sur quels thèmes, auprès de quelles sources, ainsi que ce qu’il pense de la fiabilité de ces sources et comment il les utilise.
1.Méthode
L’enquête a été réalisée durant les mois de mars et avril 2016, grâce à un questionnaire en ligne, entièrement anonyme, en français et néerlandais. Ce questionnaire a été élaboré par les chercheurs de l’UCL et relu par les services de promotion de la santé de la MC ainsi que par le département R&D. Près de 100.000 membres de la MC, de 18 ans et plus, ont été contactés afin de participer à cette étude. Ils formaient, au départ, un échantillon représentatif de la population belge.
Au total, 7.197 personnes ont répondu au questionnaire. Après l’élimination de ceux et celles qui n’avaient répondu qu’à quelques questions, 5.711 répondants ont été conservés. Du fait que les jeunes adultes étaient insuffisamment représentés parmi les répondants, on a procédé à une repondération sur l’âge, le sexe, et la région. Après cette repondération, les 5.711 répondants donnent une image représentative de la population belge, ce qui garantit la robustesse des résultats.
2.Résultats
2.1 Niveau de littératie en santé
Le questionnaire comportait 16 questions destinées à mesurer la littératie en santé, permettant de calculer un score final entre 0 et 16. Sur la base de ce score, 3 niveaux de compétences en santé peuvent être différentiés : « insuffisant » pour un score de 0 à 8, « limité » pour un score de 9 à 12 et « suffisant » pour un score de 12 et plus.
Globalement, environ six Belges sur dix (57%) disposent d’un niveau de compétence suffisant en matière de santé. Le niveau de littératie en santé est limité pour trois Belges sur dix (28%) et il est même insuffisant pour 15% de Belges. Donc, au total, près quatre Belges sur dix en savent trop peu en matière de santé …
Ce résultat confirme largement celui qu’on avait obtenu lors de la première étude menée en 2014. Il place la Belgique au même niveau que d’autres pays européens, comme le montre l’European Health Literacy Survey (HLS-EU), qui a mesuré, en 2011, le niveau de littératie en santé dans 8 pays européens (l’Autriche, la Bulgarie, l’Allemagne, la Grèce, l’Irlande, les Pays-Bas, la Pologne et l’Espagne). Selon cette étude, portant sur 8.000 européens, 12% des répondants ont des compétences insuffisantes, 35% des compétences limitées, et seuls 53% disposent d’un niveau suffisant de littératie en santé. Or, même si les résultats belges sont comparables aux autres pays européens, ils nous placent aussi assez loin derrière nos voisins des Pays-Bas. En effet, dans l’étude européenne, 75% des Néerlandais ont un niveau de compétence suffisant en santé.
Pour les répondants à notre étude, examinons comment le niveau de littératie en santé varie selon divers critères d’analyse. On peut observer des différences selon le niveau d’études, la région, l’âge, l’état de santé.
Le niveau de formation a une grande influence sur le niveau de compétence en santé (voir Figure 1). En effet, 45% des personnes qui n’ont qu’un diplôme de l’enseignement primaire disposent d’un niveau suffisant de littératie en santé, contre 62% chez les personnes qui ont une formation universitaire. On retrouve aussi ce clivage social au niveau d’un indicateur de privation matérielle. Cette notion était mesurée dans le questionnaire par le fait de ne pas avoir les moyens de s’offrir certaines choses figurant sur une liste de 9 items. Près de 5% de nos répondants peuvent être considérés comme étant en situation de privation matérielle. La proportion de ces personnes avec un niveau suffisant de compétences en santé est plus faible : 46%, par rapport à 58% pour ceux et celles qui ne vivent pas en situation de privation matérielle.
On observe des différences régionales. Ainsi, les répondants résidant en Région flamande et à Bruxelles ont un meilleur niveau de littératie en santé que ceux qui résident en Wallonie. Pour les Wallons, le pourcentage de répondants ayant un niveau suffisant est de 47%, bien inférieur à celui observé en Flandre et à Bruxelles (voir Figure 2).
Si on ne remarque pas de différence importante selon le sexe, on voit toutefois un effet d’âge. Dans les groupes d’âge de 18 à 74 ans, le pourcentage de répondants ayant un niveau suffisant de compétences en santé oscille autour de 60% (de 55 à 61%). Par contre, pour les 75 ans et plus, ce pourcentage est nettement inférieur : 46%. (voir Figure 3).
Les différences sont bien marquées selon l’état de santé des répondants. On peut le mettre en évidence de diverses façons : selon l’état de santé déclaré, l’indice de masse corporelle, la fréquence de contact avec le médecin généraliste.
Par rapport à l’état de santé déclaré par les répondants (voir Figure 4) : 35% de ceux et celles qui déclarent leur santé ‘mauvaise’ à ‘très mauvaise’ ont un niveau suffisant de littératie en santé. Par contre, pour les répondants qui disent avoir une ‘bonne’ ou ‘très bonne’ santé, ce pourcentage est, respectivement de 64% et 67%.
Quant à l’indice de masse corporelle, on observe que la proportion des personnes en sous-poids (BMI<18,5) ou obèse (BMI>=30) avec un niveau suffisant de littératie en santé est plus faible que la moyenne : respectivement 49% et 52%.
Et, selon la fréquence de contact avec le médecin généraliste, on observe que plus cette fréquence est élevée, plus le niveau de littératie diminue (voir Figure 5). Pour les personnes qui consultent plusieurs fois par mois leur médecin généraliste, 39% d’entre elles disposent d’un niveau suffisant de compétences en santé. Par contre, pour ceux et celles qui consultent (moins d’) une fois par an, ce pourcentage est nettement plus élevé : 63%.
Figure 1 : Niveau de littératie en santé selon le niveau d’études (en %)
Figure 2 : Niveau de littératie en santé selon la région (en %)
Figure 3 : Niveau de littératie en santé selon l’âge (en %)
Figure 4 : Niveau de littératie en santé selon l’état de santé déclaré (en %)
Figure 5 : Niveau de littératie en santé selon la fréquence de contact avec un médecin généraliste (en %)
2.2 La recherche et les sources d’information en santé
Par informations en santé, on vise les informations en rapport avec les problèmes de santé, les traitements, les contacts avec les professionnels de santé, mais aussi la prévention et le bien-être. Les répondants de l’enquête sont 95% à chercher ce type d’informations. Evidemment tout le monde ne cherche pas avec la même intensité : près de 54% des répondants cherchent ‘occasionnellement’, 29% ‘régulièrement’ et 12% ‘souvent’.
Quand on cherche de l’information en santé, sur quels sujets plus précisément ? Au Tableau 1, nous reprenons les répondants qui cherchent bien de l’information en santé, les sujets recherchés étant classés selon que la fréquence de recherche se fait ‘régulièrement’ ou ‘souvent’ (dernière colonne du tableau). Le top 3 des sujets recherchés sont : les informations sur un mode de vie sain, sur les symptômes et sur les causes de maladies ou plaintes. Les sujets moins fréquemment recherchés sont les informations relatives aux thérapies alternatives, au choix d’un établissement de soins et aux associations de patients.
Tableau 1 : « Sur quels sujets avez-vous déjà recherché des informations ? » (en %)
Sujets JAMAIS
PARFOIS
RÉGULIÈREMENT
SOUVENT
RÉGULIÈREMENT + SOUVENT
Mode de vie sain (alimentation, activité physique, arrêter de fumer…) 17
42
29
13
42
Symptômes d’une maladie ou plaintes 10
58
24
8
32
Causes de maladies ou de plaintes 13
56
23
8
31
Traitement d’une maladie spécifique 14
55
22
9
31
Éventuels effets secondaires de médicaments 29
42
21
8
30
Utilisation correcte de médicaments 31
40
22
7
29
Choix d’un prestataire de soins (p. ex. médecin, kinésithérapeute…) 30
46
19
5
24
Éventuels risques de traitements 28
48
18
6
24
Vos droits dans l’assurance maladie (sécurité sociale), tels que le droit à l’intervention majorée ou à un remboursement spécifique 35
43
17
5
22
Mesures de prévention (vaccination, dépistage, soins dentaires préventifs…) 35
46
15
4
19
Vos droits en tant que patient 44
37
14
5
19
Les traitements alternatifs (p. ex. homéopathie, phytothérapie, acupuncture, etc.) 49
34
11
6
17
Le choix d’un établissement de soins (p. ex. hôpital) 44
40
12
4
16
Organisations de patients 72
21
5
2
7
Quant aux motivations à l’origine d’une recherche d’information, les deux premières motivations mises en avant sont : le fait d’avoir ainsi plus de contrôle sur sa propre santé et connaître les expériences d’autres personnes vivant des situations similaires (voir Tableau 2). On remarque aussi une proportion non négligeable (de 9 à 13%) de répondants pour lesquels il s’agit de compenser, ‘régulièrement’ ou ‘souvent’, un oubli, un manque ou une incompréhension par rapport aux informations transmises par le médecin. Quant aux deux dernières raisons, elles sont bien plus présentes chez ceux qui ont un très faible niveau d’instruction (respectivement 16% et 22%) ou vivent en situation de privation matérielle (respectivement 15% et 23%).
Tableau 2 : « Pourquoi avez-vous recherché des informations sur la santé ? » (in %)
JAMAIS
PARFOIS
RÉGULIÈREMENT
SOUVENT
RÉGULIÈREMENT + SOUVENT
Cela me permet de mieux contrôler ma santé 25
44
23
8
31
Je voulais connaître l’expérience d’autres personnes dans la même situation que moi 29
45
19
7
26
Pour bien me préparer avant de me rendre à la consultation chez mon médecin ou un autre prestataire de soins 30
48
17
6
22
J’avais besoin d’un second avis 41
41
14
4
18
Je ne me souvenais pas de tout ce que mon médecin a dit 47
41
10
2
13
Mon médecin me donne trop peu d’informations 58
32
7
3
10
Je n’avais pas bien compris ce que mon médecin a dit 57
34
7
2
9
Certaines sources d’information sont clairement privilégiées. Pour près de 55% des répondants, la première source est le médecin généraliste. On voit, à nouveau, toute l’importance et la place centrale qu’occupe le médecin de famille. L’Internet vient en seconde position (28%), la famille en troisième (5%). D’autres sources qui sont sollicitées sont le médecin spécialiste (4%) et le pharmacien (2%).
Le niveau de ‘confiance’ exprimé par les répondants envers les différentes sources possibles n’est pas le même (Figure 6). D’une façon générale, elle est très grande vis-à-vis des médecins généralistes, spécialistes et pharmaciens. Elle est moindre vis-à-vis de la famille et de l’Internet. Globalement, pour ce dernier, seulement 29% des répondants ont ‘beaucoup’ ou ‘totalement’ confiance. Mais si on se limite à ceux et celles qui ont sélectionné l’Internet comme étant la première source d’information consultée, le niveau de confiance augmente : 48% d’entre eux ont ‘beaucoup’ ou ‘totalement’ confiance. Cela dit, même si c’est leur source privilégiée, 51% de ces répondants n’ont qu’ ‘un peu’ confiance en Internet. C’est assez rassurant : ils ont bien un regard critique, savent que toutes les informations qu’on peut trouver sur l’Internet ne sont pas forcément fiables.
Figure 6 : « Dans quelle mesure vous fiez-vous aux sources d’information suivantes en matière de santé ? » (in %)
Un résultat frappant est que les sources d’information privilégiées par les répondants varient avec l’âge (voir Figure 7). Le médecin de famille est la première source d’information dans toutes les tranches d’âge sauf celle des 18-34 ans. Et, plus on avance en âge, plus l’importance du médecin de famille comme première source est croissante. Par contre, pour les 18-34 ans, c’est l’Internet qui est la première source préférée (42%), devant le médecin généraliste. Si les 35-44 ans sont encore près de 35% à citer l’Internet comme première source d’information, la fréquence du web comme première source diminue rapidement avec l’âge. Par rapport au médecin et à l’Internet, la famille apparaît plutôt ‘marginale’ comme première source d’information, sauf dans la tranche 18-34 ans ou 14% la mentionnent. Mais ce pourcentage diminue très vite avec l’âge.
Il y a également une influence du niveau d’études sur les sources d’information privilégiées : comme on peut le constater à la Figure 8, au fur et à mesure que le niveau d’études augmente, l’importance de l’Internet comme première source d’information augmente, ainsi que celle de la famille. Ainsi, pour les répondants qui ont suivi des études de l’enseignement supérieur de type long, l’Internet constitue la première source d’information pour 37% d’entre eux. Cela dit, quel que soit le niveau d’études, c’est bien le médecin généraliste qui reste la première source d’information, avec toutefois une fréquence décroissante en fonction du niveau d’études.
D’une façon générale, l’Internet est un outil de recherche fort présent : près de 89% de ceux qui cherchent de l’information en santé l’utilisent d’une façon ou d’une autre. Ce dernier résultat est peut-être biaisé du fait de la méthode d’enquête : le questionnaire étant en ligne, par définition tous les répondants étaient informatiquement équipés. Mais pas tant que cela, car le taux d’équipement des ménages belges est très élevé. D’après le SPF Economie, 82,1% des ménages en Belgique possèdent au moins un ordinateur et 81,8% disposent d’une connexion internet. Les Belges vivent vraiment à l’heure de la société de l’information!
Et, quand on est en recherche d’information en santé, comme on le voit à la Figure 9, les sites les plus fréquemment consultés sont les moteurs de recherche. Notons également que le site de la MC et les sites de prestataires de soins (généraliste, spécialiste, hôpital, …) sont également bien positionnés.
Figure 7 : « Quand vous avez des questions en matière de santé, quelles sources d’information consultez-vous en premier lieu ? » – Top-3 en fonction de l’âge (en %)
Figure 8 : « Quand vous avez des questions en matière de santé, quelles sources d’information consultez-vous en premier lieu ? » – Top 3 selon le niveau de formation (en %)
Figure 9 : « Sur quels sites Web recherchez-vous des informations en matière de santé ? » (en %)
Chercher de l’information en santé n’est pas neutre, elle entraîne certaines conséquences. Et elles sont parfois frappantes. Ainsi, près de 19% des répondants ne parlent jamais de l’information sur la santé qu’ils ou elles ont trouvée auprès d’un professionnel de la santé. En revanche, comme on le voit au Tableau 3, la très grande majorité des répondants a plutôt tendance à consulter son médecin. Notons malgré tout une proportion non négligeable de répondants (de 6 à 8%) qui se diagnostiquent eux-mêmes, se sentent anxieux, prennent le risque de reporter une consultation auprès de leur médecin, ce qui n’est pas souhaitable. Et, ici, un clivage social apparaît à nouveau : le pourcentage de répondants qui disent reporter ‘régulièrement’ ou ‘souvent’ une consultation est plus élevé chez ceux qui ont seulement un diplôme de primaire (14,5%) ou sont soumis à privation matérielle (9%).
Tableau 3 : « Quelles sont les conséquences de votre recherche d’informations en matière de santé ? » (en %)
JAMAIS
PARFOIS
RÉGULIÈREMENT
SOUVENT
RÉGULIÈREMENT + SOUVENT
Je consulte mon médecin traitant 8
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Ces informations m’ont rassuré(e) 10
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Je consulte mon pharmacien 29
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Je pose mon propre diagnostic 56
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La lecture des informations m’angoisse 43
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Je reporte les consultations chez mon médecin 72
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3. Un axe d’actions pour la MC
Depuis longtemps, la MC prend de nombreuses initiatives relatives à la promotion de la santé et entend bien poursuivre ses efforts afin d’améliorer les connaissances et compétences en santé du public. Avec 4 Belges sur 10 qui ont des compétences limitées ou insuffisantes en matière de santé, il y a encore du travail à faire ! Et il s’agit bien d’une mission fondamentale, car de bonnes compétences en santé ont des conséquences positives par rapport aux comportements liés à la santé, comme l’alimentation équilibrée, l’activité physique, la consommation d’alcool, la prise de médicaments ou encore la participation au dépistage et l’autogestion de soins chez des malades chroniques. La MC souligne le fait que la mutualité doit évoluer vers le concept de ‘mutualité santé’ et se profiler comme « une source fiable de conseils et d’informations sur la santé, l’initiatrice et le soutien d’une multitude de projets qui favorisent la bonne santé de tous, au quotidien ».
Sans compter les publications (presse mutualiste, brochures, e-zine, …), les séances, cours et sessions d’information régionales, le site de la MC regorge d’informations relatives à la santé, aux maladies et traitements, ainsi que des conseils liés à la prévention. Ces informations sont validées par des experts et régulièrement actualisées.
De plus, ces dernières années, des points d’information ‘malades chroniques’ ont été mis en place (avec, du côté francophone, l’organisation d’un chat mensuel). Des outils ont été développés, par exemple, du côté francophone : www.jepenseaussiamoi.be, ainsi qu’une plateforme sur l’incapacité de travail.
Ne vous laissez pas piéger : lisez et cliquez intelligemment en vous posant 7 questions
Des informations sur la santé sont disponibles partout : sur Internet, dans le journal, les magazines. Mais que pouvez-vous encore croire ? Évaluer les informations en gardant sept questions intelligentes à l’esprit fera du bien à votre santé.
1. Qui ?
Qui prend la parole ?
- Est-ce un professeur ou un expert ? Cette personne travaille-t-elle pour une université ou un organisme de santé fiable ?
- S’agit-il d’une personne qui se fait passer pour un expert, mais qui en fait n’a rien à voir avec la santé ?
2. Quoi ?
- Quel est le véritable message ?
- Lisez toujours l’article complet.
- Ne vous laissez pas piéger par des en-têtes ou des photos à sensation.
3. Où ?
Où lisez-vous les informations ?
- Sur le site Web d’une organisation fiable ou dans une revue fiable ? Vérifiez toujours qui sont les auteurs ou les initiateurs sur un Web.
- Sur un site Web non fiable débordant de publicités ou dans une revue à sensation pure ?
4. Quand ?
Quand le texte a-t-il été rédigé ?
- S’agit-il d’un texte récent ou d’une étude récente ? La science évolue sans cesse.
- S’agit-il d’informations obsolètes ?
5. Pourquoi ?
Dans quel but ce texte a-t-il été rédigé ?
- L’objectif est-il d’informer correctement ou de sensibiliser le public ? Veut-on mettre en exergue une nouvelle étude fiable ?
- Souhaite-t-on uniquement faire de la publicité pour certains produits (p. ex. des suppléments alimentaires) ?
6. Comment ?
Comment arrive-t-on à la conclusion ?
- Sur la base d’une étude fiable ?
- Après une enquête auprès d’une poignée de personnes ? S’agit-il d’un avis ou d’une idée ?
7. Crédible ?
- Écoutez votre bon sens.
- Est-ce trop beau pour être vrai ? Dans ce cas, ce n’est généralement pas vrai.
[1] Exemples : A quel point trouvez-vous facile ou difficile de trouver des informations sur les traitements des maladies qui vous concernent ? de suivre les instructions de votre médecin ou votre pharmacien ?
Ces 16 questions forment la version courte du questionnaire qui a servi à l’étude européenne HLS-EU.
[2] Résultats également comparables à ceux obtenus au Canada où environ 60% des adultes ont un faible niveau de littératie en santé.
Source : https://www.phac-aspc.gc.ca/cd-mc/hl-ls/index-fra.php .
[3] Sont considérées en situation de privation matérielle les personnes vivant dans un ménage ne pouvant pas se permettre financièrement quatre des éléments suivants : (1) payer des factures à temps, (2) s’offrir chaque année une semaine de vacances hors de son domicile, (3) s’offrir un repas composé de viande, de poulet ou de poisson tous les deux jours au moins, (4) faire face à une dépense imprévue, (5) posséder un téléphone, (6) posséder une télévision couleur, (7) posséder un lave-linge, (8) posséder une voiture personnelle et (9) chauffer convenablement son domicile.
La définition de la privation matérielle provient de :
[4] Body Mass Index ou indice de masse corporelle : calculé en divisant le poids (exprimé en kg) par le la taille (exprimé en mètre) au carré.
Source : https://apps.who.int/bmi/index.jsp?introPage=intro_3.html .
[6] Il reste bien une fracture numérique : en 2015, 13% des Belges entre 16 et 74 ans n’ont jamais utilisé Internet. Il s’agit de ménages avec de faibles revenus, de personnes plus âgées, de personnes avec un niveau d’études plus faible.
Source : https://economie.fgov.be/fr/binaries/Barometre_de_la_societe_de_l_information_2016_tcm326-278973.pdf, page 34.
[7] Hermesse J. 2016. Un Pacte est un engagement mutuel ! Editorial d’En marche, édition du 1er décembre 2016
Décrochage scolaire et manque de sommeil : vers une génération de Zzzombie sur les bancs de l’école?
Le 30 Déc 20
Publié dans la catégorie :
« La fatigue en classe, la nouvelle maladie du 21ème siècle dans les écoles ? » Voilà la question mise en débat lors de la conférence du même nom ce 14 septembre à Bruxelles. Cette dernière a été organisée par l’Ecole du sommeil en partenariat avec Question Santé, le SIPES et l’OMS. L’objectif était de mettre en perspective les différents liens qui peuvent exister entre un rythme de sommeil perturbé et les conséquences négatives sur le travail scolaire. Pour ce faire, les résultats de la dernière étude de l’Health Behaviour in School-aged Children (HBSC) portant sur la question ont été présentés.
Les objectifs de l’étude
Les différents objectifs de l’étude HBSC réalisée en fédération Wallonie-Bruxelles étaient :
- « Décrire les comportements de santé des jeunes scolarisés en FWB, leur bien-être et leur état de santé
- Analyser les évolutions de ces indicateurs au cours des enquêtes
- Comparer la situation des jeunes en FWB par rapport à ceux des autres pays participant à l’enquête
- Identifier les disparités démographiques, scolaires et sociales afin de cibler les interventions de promotion de la santé »
L’enquête HBSC c’est une étude qui se réalise tous les 4 ans et ce depuis 1986 dans une quarantaine de pays ou de régions. En Fédération Wallonie-Bruxelles elle concerne les jeunes scolarisés de la 5ème primaire à la dernière année du secondaire soit un échantillon composé de 14 000 jeunes qui ont entre 10 et 22 ans. Elle touche à différents thèmes liés à la santé comme le bien-être (les relations familiales, le bien-être en milieu scolaire, la confiance en soi, …), les comportements en lien avec la santé (la vie relationnelle, affective et sexuelle, la consommation de tabac, la pratique du sport, …) ou encore l’état de santé plus globale comme la santé perçue.
Des résultats qui interpellent
Quatre grands axes majeurs de la problématique du sommeil ont été plus finement analysés :
- les heures de sommeil,
- la cassure du rythme circadien pendant le weekend,
- les difficultés pour dormi,
- fatigue matinale.
Les heures de sommeil
Dans le graphique présenté ici on peut clairement remarquer que la durée de sommeil durant la semaine évolue en fonction de l’âge. Plus l’âge augmente, plus la proportion de jeunes qui dorment en moyenne 9 heures ou plus par nuit diminue. Environ 20% des élèves de 5ème et 6ème primaire n’ont pas ces 9 heures de sommeil en semaine, et cette proportion atteint les 40% lors du passage en 1ère secondaire ! Face à ces chiffres qui évoluent drastiquement, rappelons qu’une période de sommeil de 9 heures correspond à une nuit de 22 à 7 heure…
Cassure du rythme circadien le weekend
Les jeunes ont tendance à briser leur rythme de sommeil : étant en manque de sommeil la semaine, ils se rattrapent en dormant davantage le weekend. Or, majorer sa durée de repos de 2 heures durant cette petite période ne permet aucunement de compenser des nuits trop courtes en semaine. Ce déséquilibre appelé la « dette de sommeil » serait même contreproductif.
Cette habitude concerne plus ou moins 20% des plus jeunes de 5ème et 6ème primaire, augmente chez les adolescents et connait un pic à 48% chez les élèves de 5ème secondaire. Là encore, le passage en secondaire marque une nette augmentation de cette tendance.
Des difficultés pour dormir
Les « difficultés pour dormir » englobent plusieurs situations comme un obstacle à l’endormissement, des réveils nocturnes, un environnement peu propice au sommeil (la présence de bruit, de lumière, une chambre partagée, …), on peut supposer que ces causes externes et internes co-existent.
Sur ce graphique, on peut lire des chiffres frappants puisqu’en moyenne 30% des élèves déclarent avoir des difficultés pour dormir plusieurs fois par semaine, voir tous les jours pour la moitié des jeunes.
Par ailleurs, il existe une disparité entre les sexes, les jeunes filles étant en effet plus sujettes aux difficultés à dormir que leurs homologues masculins. Présentes en Belgique et à l’international, ces difficultés sont d’autant plus marquées en fédération Wallonie-Bruxelles où, à l’âge de 13 ans, on objective 38% des filles ayant des difficultés pour dormir contre 24% chez les garçons. Analysées d’un point de vue international, ces difficultés augmentent significativement avec l’âge, passant de 20% des filles à l’âge de 11 ans à 28% à l’âge de 15 ans. Notons qu’en Fédération Wallonie-Bruxelles, l’effet de l’âge est gommé pour les jeunes filles sans explications supplémentaires.
La fatigue matinale
Cette fatigue matinale est une des conséquences d’une mauvaise qualité de sommeil. Elle peut être à l’origine de difficultés de concentration en classe, de comportements inappropriés ou encore de difficultés d’apprentissage. Dans l’enquête HBSC, pour l’ensemble du public étudié, plus d’un jeune sur deux déclare ressentir plusieurs fois par semaine un état de fatigue dès le réveil.
Suite à une analyse multivariée des données disponibles, on n’observe pas de différences entre genres ou liées au niveau socio-économique. Par contre, la fatigue matinale est plus présente dans les familles recomposées ou monoparentales. Si l’étude n’explore pas scientifiquement la question de la composition des familles, des hypothèses peuvent être avancées. Par exemple une plus grande difficulté d’organisation au sein de ces familles ou encore un climat socio-affectif différent. Il existe également un lien avec la sédentarité et plus particulièrement l’utilisation des écrans : les jeunes qui utilisent les écrans (TV, ordinateur, internet, jeux) plus de 3 heures par jour ou qui pratiquent une activité sportive moins de deux fois par semaine sont d’avantage sujets à cette fatigue matinale. L’école du sommeil souligne que la problématique des écrans est déjà présente chez les enfants dès la troisième année primaire. Elle avance également le cercle vicieux des réseaux sociaux qui envoient des notifications durant la nuit. La tentation est donc grande pour le jeune d’interrompre son sommeil pour les consulter. Ces interruptions qui ne demandent parfois que quelques secondes ont pourtant un effet délétère sur la qualité du sommeil car elles brisent les cycles, ne permettant pas au jeune d’atteindre le sommeil profond et réellement réparateur qui s’installe en fin de cycle.
Le milieu scolaire joue également un rôle ici : on observe une corrélation marquée avec l’appréciation de l’environnement scolaire ou la relation avec les professeurs. Des enfants appréciant peu leur école ou leurs professeurs déclarent davantage de fatigue matinale.
Enfin, comme identifié dans les autres axes, on constate aussi que la fatigue matinale augmente en même temps que le niveau scolaire.
Des pistes pour demain
À la vue des différents éléments présentés dans l’étude HBSC, on peut supposer que certains facteurs en plus de coexister, se renforcent les uns les autres. Par exemple, augmenter la durée d’utilisation des écrans réduit le temps à consacrer à une activité sportive et induit donc plus de sédentarité et ainsi de suite. Il s’agit là d’axes intéressants à étudier dans le futur au même titre que d’autres facteurs potentiellement liés tels que l’alimentation, l’absentéisme scolaire, les comportements à risques, …
A la fin de la conférence des pistes d’action ont étés proposées :
- Réduire le temps passé devant les écrans
- Favoriser la pratique d’un sport au moins 3fois/semaine
- Promouvoir une durée de sommeil adéquate et garder le rythme le weekend
- Favoriser le bien-être à l’école
Pour aller plus loin…
Les résultats complets de l’enquête sont disponibles sur le site https://sipes.ulb.ac.be/ .
Le pharmacien, un acteur clé en soin de santé
Le 30 Déc 20
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Proche et disponible, la pharmacie est le premier lieu de contact entre le patient et le monde de la santé. Située souvent près du domicile, 86%
des Belges restent fidèles à leur officine en laquelle ils ont confiance. Le nouveau service de « pharmacien de référence » place le patient au cœur du processus de santé et rappelle le rôle du pharmacien en tant que prestataire de soin.
Depuis le 1er octobre, le système de « pharmacien de référence » est entré en vigueur. Il s’agit d’un service assurant le suivi et l’accompagnement de l’observance thérapeutique du patient en créant un schéma de médication. « Il faut qu’il y ait un lien de confiance, une relation thérapeutique qui soit avérée pour que le pharmacien puisse exercer ce rôle de la manière la plus efficace possible », explique Alain Chaspierre, Vice-président de l’Association Pharmaceutique Belge (APB).Le « pharmacien de référence » est un praticien choisi librement par un patient qui utilise au minimum un médicament de manière chronique et qui a eu une dispensation de quatre autres médicaments remboursés dans la même pharmacie durant l’année précédente.Les publics cibles sont les patients chroniques
mais pas seulement. Ceux qui vont bénéficier le plus de ce service sont les personnes polymédiquées, c’est-à-dire les patients qui utilisent plus de cinq médicaments régulièrement, ceux qui éprouvent des difficultés avec leur traitement, et tous les patients qui vont le demander.
Le rôle primordial du pharmacien
Les fonctions du pharmacien restent inchangées, elles sont clairement établies dans l’arrêté royal du 21 janvier 2009, qui définit les soins pharmaceutiques de base. « Lorsque vous vous rendez dans une pharmacie, le pharmacien vous délivre un médicament et regarde ceux que vous prenez déjà, si cela convient, s’il n y a pas d’interaction majeure par exemple, et ensuite il vous explique la posologie » rappelle Alain Chaspierre.
Un outil indispensable
Le schéma de médication constitue une avancée majeure dans le traitement des patients chroniques. Il sera édité par le pharmacien de référence du patient qui le tiendra à jour au départ et à chaque modification de traitement. Il s’agit d’un outil de communication de première ligne. « Ce schéma va vivre et évoluer avec le patient, en permettant d’avoir une vue hélicoptère de l’ensemble des traitements, prescrits et non prescrits, par un généraliste ou un spécialiste. Cela fait partie de l’accompagnement des soins pharmaceutiques de base. Avant, on écrivait nos conseils d’utilisation sur les étiquettes ou on les dispensait oralement. Aujourd’hui, on va les encoder et surtout les partager avec différents professionnels de santé. Cela permet un meilleur aperçu du traitement tout en impliquant les patients dans leur médication », explique Arnaud Lambert, pharmacien dans une officine à Namur. La période où le pharmacien griffonnait sur la boite est donc révolue.
Quels sont les avantages de ce service ?
Ils sont multiples. Premièrement, cela permet une meilleure communication entre le médecin généraliste et les spécialistes. Tous les professionnels de la santé sont au courant de ce que les collaborateurs de la santé ont déjà prescrit au patient. Cela permet d’avoir une vue complète de ce que le patient utilise, y compris l’automédication.Deuxièmement, l’observance thérapeutique du patient est meilleure. Non seulement, la posologie du traitement est claire pour le patient, mais cela permet aussi au professionnel de la santé qui le reçoit d’en prendre connaissance. Généralement, la première question que le médecin pose est « Quels sont les médicaments que vous prenez ? » et si le patient oublie de citer un traitement, cela peut engendrer un mauvais diagnostic. Aussi, si un patient est hospitalisé en état d’inconscience, le médecin aura accès au schéma thérapeutique de ce dernier. L’objectif est d’éviter de faire des erreurs dans sa prise en charge.
L’informatisation des données au service du patient
En Belgique, le système eHealth permet l’échange de données de santé. Depuis le 1er octobre, deux nouveaux éléments sont entrés en vigueur à condition que le patient donne son consentement. Le premier est l’échange des données entre hôpitaux et l’échange des données entre les hôpitaux et les médecins généralistes. Et le second élément est le Dossier Pharmaceutique Partagé (DPP). Alain Chaspierre rappelle que Cela permet au pharmacien de référence désigné comme tel de voir le parcours thérapeutique du patient. Par exemple, si un patient se rend dans une autre pharmacie que celle de référence, peu importe laquelle, le pharmacien de référence sera au courant de son traitement et pourra consolider un schéma de médication complet du patient. »Le pharmacien de référence va être le point de contact pour la médication du patient pour tous les prestataires de soin. À l’horizon 2020, le nom du pharmacien de référence et le nom du médecin généraliste seront couplés au nom du patient dans les données eHealth. Donc, lorsqu’un professionnel de la santé utilisera la carte d’identité d’un patient, il aura son nom, le nom du médecin traitant qui a le DMG et le nom du pharmacien de référence qui s’occupe de son schéma de médication.Le but est de mettre en place un accompagnement personnalisé et d’améliorer la qualité des soins en ayant une vue exhaustive et complète de la médication du patient : une avancée stratégique dans la prise en charge du traitement du patient.
La pharmacie au centre du village
Pourquoi n’est-ce pas le médecin traitant qui propose le schéma de médication ? Cette question appelle deux éléments de réponse. D’abord, il peut y avoir une différence entre l’intention thérapeutique et la réelle délivrance du traitement.Ensuite, il peut y avoir une interaction entre les médicaments ou encore une erreur dans la prescription. Dans ce cas, le pharmacien peut prendre contact avec le médecin pour modifier le prescrit, signaler l’indisponibilité ou la pénurie du traitement en pharmacie. L’intérêt du schéma de médication créé par le pharmacien est donc de reprendre précisément ce que le patient prend réellement.Depuis l’annonce de ce service, il y a un réel engouement de la part des patients. Surtout, qu’il s’agit d’un service gratuit pour ceux qui font partie du groupe cible. Le patient signe une convention autorisant l’échange de ses données de santé. Pour ce service, le pharmacien est rémunéré sur base d’un honoraire annuel par patient de 31.80€ tvac, financé par des réaffectations au sein de l’enveloppe des pharmaciens. Il ne s’agit donc pas d’un budget supplémentaire de l’INAMI.
Les espaces de confidentialité
De nos jours, la stratégie globale est de réorienter la profession de pharmacien vers plus de prestations de services à valeur ajoutée pour les patients plutôt que de simples actes de dispensation. Celle-ci correspond à l’évolution du métier et est axée sur la réalité de terrain.L’intérêt d’une mise à disposition d’un espace privé pour le patient, réservé à la concertation, lui permet de poser toutes les questions de santé en toute confidentialité. Le pharmacien (ré)explique pourquoi le médecin a prescrit ce traitement, l’intérêt de le prendre, comment éviter les effets indésirables… Le but est de vérifier que le patient ait bien compris l’utilisation de son traitement.Toutes les officines ne disposent pas d’un espace de confidentialité à proprement parler. Néanmoins, il est toujours possible pour un patient de discuter en privé avec son pharmacien. Ce service de dialogue et d’écoute fait partie inhérente du métier, et est destiné à renforcer la relation de confiance entre le pharmacien et son patient pour un meilleur suivi.
Éducation du patient
Alain Chaspierre cite l’exemple d’un projet sur l’ostéoporose. « Pour que le traitement soit efficace, le patient doit prendre des médicaments pour l’ostéoporose et du calcium. À un moment donné, lorsqu’il y a assez de calcium, on ne donne plus que le produit pour l’ostéoporose. En fonction de l’évolution, le traitement sera réajusté. » Aujourd’hui, quand le pharmacien réalise une vue d’ensemble de la médication, il se rend compte que beaucoup de patients ne prennent plus le calcium ou le prennent au mauvais moment. C’est l’intérêt d’avoir une vue générale sur l’ensemble du traitement.Il est donc primordial d’impliquer le patient dans son traitement, de l’autonomiser afin d’optimaliser son adhésion thérapeutique.
La médication active et les services du pharmacien
Le métier de pharmacien se décline principalement sous trois angles. La prévention compose le premier élément. Elle suppose l’instauration d’une relation de confiance entre le patient et le pharmacien de référence, qui pourra ensuite développer ses services de soutien à l’adhésion thérapeutique.Ensuite, l’orientation des patients qui commence par une écoute attentive du pharmacien. Ce dernier est disponible pour informer le patient et lui proposer des pistes afin de remédier à son problème de santé. Il s’agit d’un service d’accompagnement. Comme le souligne Arnaud Lambert, « dans les soins de santé, le pharmacien est souvent mis sur le côté. On oublie qu’on est là pour s’assurer que les médicaments sont bien utilisés, pour éviter justement que la personne ne devienne encore plus malade. Notre boulot n’est pas de donner des médicaments pour que les gens se soignent, c’est d’éviter qu’ils en prennent finalement. Dans ce cadre, le schéma de médication permet d’éviter des cascades médicamenteuses à n’en plus finir. Par exemple, le fait de prendre un médicament qui produit un effet indésirable et en prendre un autre pour contrer cet effet, et ainsi de suite. Si on voit directement tout ce que le patient utilise, on peut constater la source du problème. Je prends le temps qu’il faut pour écouter mes patients, cela fait partie inhérente de mon métier » rappelle le pharmacien.Finalement, le suivi pharmaceutique constitue le troisième élément du métier. Les pharmaciens rendent beaucoup de services, qui ne sont pas toujours visibles par manque de quantification. Avec le service de pharmacien de référence, on objective ce qu’ils font déjà, et le travail réalisé en coulisse est un peu plus visible.La fonction du pharmacien reste donc primordiale dans la promotion de la santé en tant que premier interlocuteur avec les patients, et cela tant pour les écouter que les guider. Le nouveau service de « pharmacien de référence » permet donc de renforcer ce rôle de conseiller en santé.
Alain Chaspierre, Vice-président de l’APB
Tout patient à qui 5 médicaments remboursés ont été délivrés dans la même officine au cours de l’année écoulée, dont au moins un médicament chronique.
Santé environnementale: inégalités et inconnues
Le 30 Déc 20
Publié dans la catégorie :
Inter-Environnement Wallonie (IEW), la fédération des associations au service de l’environnement, a organisé en février dernier son Université annuelle. Une septième édition consacrée à la santé environnementale et plus spécifiquement à la pollution de l’air extérieur et aux perturbateurs endocriniens.
Les menaces invisibles sont à la fois les plus anxiogènes et celles dont on parvient le mieux à faire abstraction. Polluants de l’air et perturbateurs endocriniens entrent dans cette catégorie : s’ils inquiètent de plus en plus, nous les balayons d’un revers de la main dès qu’il s’agit de se promener en ville par beau temps, de se vernir les ongles ou de boire une canette de soda, autant de comportements anodins susceptibles de nous mettre en contact avec eux.
N’en déplaise à certains pouvoirs publics et lobbies, n’en déplaise surtout à notre tranquillité d’esprit, les données scientifiques s’accumulent pour affirmer le rôle délétère de certaines de ces substances/combinaisons de substances sur notre santé, esquissant ce qui pourrait bien s’apparenter demain à un « scandale sanitaire » , comme l’a rappelé en introduction le Secrétaire général d’Inter-Environnement, Christophe Schoune : « 12,5 millions de morts par an seraient liées à des problèmes de santé environnementale. C’est plus que les ravages de la malnutrition en Afrique », a-t-il avancé.
Certes, nous ne fonctionnons plus aujourd’hui avec un modèle mono-factoriel, où il s’agirait de pointer une fois pour toutes l’unique coupable des fléaux contemporains : cancers, obésité, problèmes cognitifs… Mais l’étiologie complexe des maladies chroniques incite précisément à traquer la part de responsabilité de chaque facteur, en particulier quand celui-ci relève de la législation et du choix de société, non du mode de vie individuel.« Face à des lobbies puissants, nous avons aujourd’hui besoin de consensus. Or il y a encore de nombreuses lacunes. Il faut remettre la science à sa juste place », a pour sa part estimé le Dr Didier Vander Steichel, directeur médical de la Fondation contre le Cancer.
Différentiel de vulnérabilité
Selon le rapport 2015 de l’Agence Européenne pour l’Environnement, la pollution de l’air est le facteur de risque environnemental numéro un pour la santé humaine. Elle est principalement accusée d’augmenter l’incidence des maladies respiratoires, cardiovasculaires et du cancer. En Europe, elle serait responsable de 491.000 morts prématurées annuelles et de 11.700 pour la seule Belgique.Les principaux polluants atmosphériques accusés de porter atteinte à la santé humaine sont les particules fines, l’ozone et le dioxyde d’azote.
Le benzo(a)pyrène (BaP), cancérigène avéré, est également responsable de dommages sur la santé, particulièrement en Europe de l’Est. Transports, industries, production d’énergie, chauffage des bâtiments, agriculture, déchets… Les activités humaines qui produisent ces polluants sont nombreuses.En Wallonie, c’est le secteur résidentiel (chauffage de bâtiments) qui représente 62% des émissions de particules fines, suivi par le transport (14%) et l’industrie (14%).
Pour les oxydes d’azote, le transport arrive en tête (51%), suivi de l’industrie (33%). Les émissions du transport routier sont d’ailleurs considérées comme globalement plus dommageables, car elles se produisent principalement dans des zones à forte densité de population. Selon les valeurs définies par la législation européenne, 9 à 14% de la population urbaine est exposée à des niveaux de pollution supérieurs aux valeurs de référence (25 mg/m3). Mais ce chiffre grimpe entre 87 et 93% si l’on prend en considération les lignes directrices définies par l’OMS (10 mg/m3)…
Denis Zmirou-Navier, professeur de santé publique à la Faculté de médecine de l’Université de Lorraine et Directeur du Département Santé-Environnement-Travail de l’École des Hautes Études en Santé Publique, a proposé lors de cette Université annuelle un exposé sur les inégalités territoriales et sociales liées à la pollution de l’air. Rappelant que le concept d’« Environnemental Justice » est né dans les années 80 aux États-Unis dans le chef de citoyens afro-américains contestant l’installation de décharges dans les quartiers les plus pauvres et les plus « black » du Comté de Warren (Caroline du Nord), il a montré que le raisonnement s’appliquait à de nombreuses métropoles européennes: si l’on considère par exemple le Grand Lille, les populations les plus pauvres habitent effectivement plus près des installations industrielles.
Les recherches du Pr Denis Zmirou-Navier montrent néanmoins que les liens entre territoire et santé sont plus complexes que cette malheureuse équation. Le cas de Paris est à cet égard emblématique. Si les zones les plus polluées de la capitale se situent sans surprise autour du périphérique, elles se retrouvent aussi dans l’hypercentre, autour de la rue de Rivoli et le long de la Seine, là où habitent les Parisiens… les plus riches.Une spécificité qui a permis à Denis Zmirou-Navier de distinguer dans ses recherches le différentiel d’exposition et le différentiel de vulnérabilité. Si le premier désigne le fait que les personnes les plus pauvres sont aussi les plus exposées aux pollutions de l’air, le second montre que, pour un même niveau d’exposition, les populations les plus pauvres pâtissent d’effets sanitaires supérieurs !
À Paris, une personne défavorisée habitant un quartier peu pollué a ainsi un risque trois fois plus élevé de décéder à l’occasion des petits pics de pollution atmosphérique qu’une personne aisée. Si elle est défavorisée et qu’elle habite de surcroît dans une zone de forte pollution atmosphérique (du côté du Boulevard périphérique par exemple), son risque est alors cinq fois plus élevé…Le différentiel de vulnérabilité permet donc de montrer que les inégalités de santé s’additionnent aux inégalités environnementales sans pour autant se superposer strictement à elles puisque, à pollution atmosphérique égale, les plus précaires sont ceux qui en paient le plus lourd tribut.
Selon le Pr Denis Zmirou-Navier, plusieurs facteurs expliquent cette observation et notamment le fait que les moins favorisés ont généralement un habitat moins protégé de la chaleur (isolation thermique, climatisation), un état de santé plus précaire en lien avec des pratiques et de modes de vie défavorables (tabac, alcool, sédentarité/obésité), un accès moindre ou plus tardif aux soins…Mais ce serait surtout le concept d’« exposome » qui permettrait de comprendre ce différentiel: définissant le cumul des expositions au cours d’une vie dans les différents micro-environnements rencontrés (travail, domicile, transports, espaces verts ou non…), l’exposome est en quelque sorte la dette de santé qu’engrangent au fil du temps les plus précarisés.
À partir de ce constat, Denis Zmirou-Navier a rappelé que trois philosophies distinctes d’action publique sont envisageables : l’universalisme généralisé, le ciblage des populations prioritaires, ou l’universalisme proportionnel qui consiste à agir pour tout le monde mais d’abord là où la vulnérabilité est la plus importante. Autant d’options qui décideront par exemple des nouvelles implantations d’espaces verts. « Les urbanistes auront à l’avenir un impact majeur sur la santé. C’est pourquoi il est important de les sensibiliser à ces questions », a souligné le chercheur.
Inodores, incolores, insipides
« Inodores, incolores, insipides »: les perturbateurs endocriniens sont des polluants bien plus impalpables encore comme l’a rappelé lors de cette journée le Pr Jean-Pierre Bourguignon, pédiatre endocrinologue (CHU de Liège et Unité de Neuroendocrinologie développementale – GIGA Neurosciences, ULg). Utilisées dans l’industrie du plastique, des pesticides, des agents pharmaceutiques et cosmétiques, de l’industrie des solvants et des lubrifiants, ces substances chimiques sont capables de perturber notre système hormonal en interférant avec la synthèse, l’action et/ou la dégradation des hormones qui régulent les fonctions de notre organisme.
Elles sont principalement soupçonnées d’avoir des effets sur le système reproducteur (endométriose, fibromes utérins, cancer du sein chez la femme ; anomalies du tractus urogénital, diminution de la qualité du sperme et infertilité, cancer des testicules chez l’homme), mais aussi, depuis quelques années, sur le développement du cerveau (TDAH, autisme, baisse du QI) et sur l’obésité et le diabète.Certes, les niveaux de probabilité causale varient pour ces différents troubles et s’inscrivent ici encore dans un schéma multifactoriel (gènes, mode de vie etc.). Mais les soupçons sont loin d’être pour autant infondés. Ils reposent d’abord sur la croissance parallèle entre l’incidence de maladies pouvant impliquer le système hormonal et la production de substances chimiques de synthèse dans l’industrie. Deuxièmement, sur l’observation d’effets de perturbation hormonale dans la faune exposée à des perturbateurs endocriniens. Enfin, sur des études de laboratoire qui ont montré les effets de certaines substances chimiques sur l’apparition de maladies.
Pour autant, les connaissances des scientifiques restent largement insuffisantes. « Seules 1300 substances ont été étudiées, c’est-à-dire 1% de tous les perturbateurs endocriniens », a rappelé le Pr Jean-Pierre Bourguignon. Ces substances sont d’autant plus difficiles à étudier que leur nocivité ne semble pas correspondre aux critères utilisés habituellement.« Pour les toxicologues, ‘ la dose fait le poison ‘. Mais ce n’est pas vrai pour les endocrinologues ! », a rappelé le Pr Bourguignon.
Dans le cas des perturbateurs endocriniens, les doses les plus faibles pourraient même être celles qui créent les effets les plus importants ou, à tout le moins, des effets contraires aux doses les plus fortes, ce que l’on désigne sous le vocable d’effets ‘non monotones’. Exemple ? Des expériences en laboratoire ont montré que si une dose forte de bisphénol A avançait la puberté, une dose très faible pouvait la retarder. C’est pourquoi les scientifiques qui travaillent sur le sujet plaident aujourd’hui pour une stratégie basée sur le danger, alors que l’industrie plaide pour une stratégie basée sur l’estimation du risque – laquelle tient notamment compte de la relation dose/réponse, en l’occurrence peu fiable.
Autre problème majeur dans l’évaluation des perturbateurs endocriniens : l’« effet cocktail », c’est-à-dire les interactions qui peuvent avoir lieu entre les dizaines voire les centaines de substances auxquelles nous sommes exposés et qui ne correspond pas au simple risque cumulé des différentes substances prises isolément…L’enjeu d’une évaluation indépendante semble d’autant plus crucial que les effets des perturbateurs endocriniens pourraient s’égrainer sur plusieurs générations, comme cela a été montré pour le Distilbène, prescrit aux femmes enceintes dans les années 40 à 50 et dont les effets sont encore sensibles sur les petits-enfants de ces femmes. « Ces effets épigénétiques peuvent être comparés à une photocopieuse qui livrerait des copies de plus en plus pâles du code ADN. Le code est bien là mais il n’est plus bien traduit. », a comparé le Pr Bourguignon, rappelant que la réalité selon laquelle « l’acquis module l’inné » est parfaitement illustrée par les perturbateurs endocriniens auxquels le fœtus serait particulièrement sensible.
Ce caractère de transmissibilité renforce malheureusement l’hypothèse d’un futur « scandale sanitaire » dont se rendent aujourd’hui coupables les autorités européennes qui rechignent à légiférer de manière claire sur les perturbateurs endocriniens, en raison des immenses enjeux commerciaux sous-jacents mais aussi parfois d’une forme de « bonne foi » qui suppose, comme l’a rappelé le Pr Bourguignon, que « la technologie ne peut pas être mauvaise ». Hélas, elle le peut – et pas au même prix pour tous.
Réduire les inégalités : « Ca suffit de se demander pourquoi, on veut savoir comment ! ».
Le 30 Déc 20
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Interpellés par le problème des inégalités et ses conséquences sociales et de santé, les acteurs de terrain veulent agir. Pour s’attaquer aux inégalités, Richard Wilkinson préconise des politiques focalisées sur la réduction des écarts de revenus, c’est-à-dire des salaires plus égaux et une redistribution plus efficace. Face à cette solution structurelle, les professionnels se sentent souvent démunis ou peuvent avoir le sentiment de sortir de leur champ d’action. A défaut de mener une révolution, il leur est possible de créer dans le système inégalitaire des niches d’égalité.
A l’invitation du Réseau pour l’égalité
, une centaine de professionnels de diverses organisations du non-marchand et quelques citoyens se sont réunis à Namur et ont consacré leur vendredi 10 février 2017 à cette question essentielle : « L’égalité… Comment ? » C’est en retraçant la brève histoire du Réseau pour l’égalité qu’Isabelle Dossogne, chargée de projets au CLPS de Namur et Jonathan Sanglier, responsable de la Cellule Observation de la santé, du social et du logement de la Province de Namur ont ouvert la rencontre.
Né en 2013 dans la foulée de la conférence « Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous ? » de l’épidémiologiste anglais Richard Wilkinson, le réseau regroupe dès son origine le CLPS de Namur, la Fédération des maisons médicales et le Réseau wallon de lutte contre la pauvreté. Les travaux de Richard Wilkinson les inspirent : ce spécialiste des déterminants sociaux de la santé a notamment démontré que les problèmes sociaux et de santé sont plus importants dans les pays présentant les revenus les plus inégalitaires. Autrement dit, ce qui rend les gens malades, ce n’est pas la misère mais les écarts de revenus.
Il a aussi développé le concept de gradient social : plus un individu occupe une position socio-économique défavorable, plus il est en mauvaise santé. Pour expliquer le lien entre inégalités et problèmes de santé, Wilkinson évoque notamment le stress chronique issu des relations sociales qui attaque le système immunitaire et le sentiment de mépris qui génère de la violence au sein de la société. Quand l’égalité augmente, ceux qui en ont le plus besoin en bénéficient bien sûr, mais c’est la santé de tous qui s’améliore. En ce sens, l’égalité est « une espèce de bien commun qui profite à tous »
.
Le premier jour de chaque saison
Quatre ans après cette conférence qui a marqué les esprits, les acteurs du Réseau pour l’égalité, entre temps rejoints par de nombreux autres professionnels du non-marchand, continuent à se réunir le premier jour de chaque nouvelle saison avec la volonté commune de construire l’égalité. Ils le font en partageant leurs savoirs et expériences, en réfléchissant à la notion d’égalité (précise dans la sphère mathématiques, mais tellement plus nuancée en sciences humaines!), en analysant des enjeux tels que l’effet de la structure hiérarchique sur le bien-être des employés ou l’éducation comme levier pour une société plus égalitaire…
Dans la salle du Centre culturel des Abattoirs de Bomel, comme dans le monde de la promotion de la santé, tout le monde (ou presque) connaît le lien entre inégalités et santé. Christian Legrève, responsable du service éducation permanente à la Fédération des maisons médicales et animateur de l’événement, l’annonce avec détermination :« Ca suffit de se demander pourquoi, on veut savoir comment ! ». Comment atteindre l’égalité ? Pour tenter de répondre à cette épineuse question, les membres du Réseau pour l’égalité ont prévu un éclairage économique, un point de vue philosophique, des propositions issues des sphères de l’éducation et de l’économie sociale et des ateliers participatifs.
La redistribution réduit les inégalités de moitié
Le premier orateur, Pierre Reman, directeur de la Faculté ouverte de politique économique et sociale de l’UCL (FOPES) dresse pour les participants l’inventaire des théories économiques abordant les inégalités. Celles-ci sont récentes, car le problème n’intéresse les économistes que depuis quelques années. Pierre Reman pointe trois constats actuels :
- Les inégalités de revenus augmentent :
On assiste à une explosion des hauts revenus tandis que les revenus moyens se tassent, ce qui crée des inégalités à l’intérieur-même de la classe moyenne. Toutes les données ne concordent cependant pas. Certaines semblent indiquer des diminutions d’écarts entre groupes socio-économiques : quand on compare les 20 % les plus riches (la classe moyenne supérieure) aux 20 % les plus pauvres, on observe en effet une réduction des inégalités. Les participants à la journée ne manquent évidemment pas de réagir à ce constat qui ne correspond pas aux observations qu’ils font tous les jours. Reconnaissant qu’une analyse approfondie serait nécessaire pour expliquer le phénomène, Pierre Reman avance l’hypothèse suivante : les inégalités se jouent aujourd’hui de façon insidieuse au sein des groupes sociaux plutôt qu’entre ceux-ci. - Le système fiscal joue bien son rôle redistributif :
La redistribution joue un rôle essentiel en diminuant les inégalités de moitié. Les données chiffrées montrent que la redistribution reste importante en Belgique. La part du produit intérieur brut consacrée à la sécurité sociale n’a pas diminué malgré la crise de 2008, ce qui fait dire à Pierre Reman que « la crise de l’État Providence n’est pas une crise de moyens ». - La situation des jeunes se détériore : On assiste à un glissement de la pauvreté vers les jeunes.
« L’ascenseur social a des ratés », affirme Pierre Reman en citant le sociologue français Louis Chauvel. Le patrimoine économique prime sur le patrimoine culturel : sans capital économique, les jeunes générations vivent moins bien que leurs parents, même avec un diplôme. L’école peine à compenser les inégalités. Les parents d’aujourd’hui n’ont plus la conviction que leurs enfants vivront dans une société meilleure que la leur, comme cela a été le cas pendant longtemps.
Apportant sa contribution à l’édifice commun du jour, Pierre Reman formule quelques recommandations : maintenir et renforcer le financement de la protection sociale, alors qu’il est aujourd’hui remis en question au profit de mécanismes de responsabilisation ; contrer la privatisation larvée ; éviter le piège de l’assistance ; oser la sélectivité (l’universalité avec un dosage de protection sociale complémentaire) et penser le social comme investissement.
Populisme et crise des solidarités
Après l’économiste, le philosophe Edouard Delruelle partage ses constats à partir de sa note « Onze thèses pour sortir du mur. Populisme, démocratie, citoyenneté
» rédigée quelques jours après l’élection de Donald Trump. « En effet, affirme ce professeur de philosophie politique de l’Université de Liège, on ne risque pas d’aller dans le mur. On y est ! ». Edouard Delruelle évoque non une crise mais un dérèglement généralisé sur les plans économique, social, climatique, politique et géopolitique, ainsi qu’une mise à l’épreuve de la démocratie.
Parmi ses onze thèses, la cinquième concerne le lien entre inégalités et populismes. Pour lui, « si le « Nous » politique et social est défaillant, des « Nous » imaginaires viennent le suppléer ». En d’autres termes, plus il y a d’écarts et d’inégalités entre les classes et les groupes, moins il y a de cohésion sociale, plus l’individu a besoin de se référer à des identités collectives de type communautaire, nationaliste, ethnique ou religieux. Edouard Delruelle considère – et c’est sa huitième thèse – que « le nœud du problème se situe dans la crise des solidarités qui affecte très profondément nos sociétés. ».
Citant François Dubet, il affirme que « Ce n’est pas la crise économique qui creuse les inégalités et détruit la solidarité ; c’est au contraire l’affaiblissement de la solidarité qui aggrave les inégalités. ». Malgré ces sombres réflexions, Edouard Delruelle persiste à voir du positif : dans cette période de brouillard qui marque la fin du monde néolibéral, les populismes et les rejets sont des formes de mobilisation, des explosions sociales qui vont obliger le pouvoir à se ressaisir.
Des niches d’égalité dans un système inégalitaire
La sociologue Danielle Mouraux a ensuite pris la parole, partageant le micro avec Xavier Roberti. Spécialiste du monde éducatif et des relations entre les familles et l’école, Danielle Moureaux regrette que l’école soit « un accélérateur de particules d’inégalités sociales ». Elle explique : réussir à l’école est un défi permanent pour l’enfant qui doit apprendre à passer du registre de pensée et d’action familial au registre scolaire et institutionnel.
Le premier est communautaire, individuel, particulier et repose sur les convictions et croyances. Le second est cognitif et rationnel, collectif, universel et inclut l’évaluation. Cette difficulté crée des malentendus sociocognitifs : les enfants, et même souvent les enseignants, ne savent pas que c’est cela qui est attendu. Et entre les enfants issus de familles qui sont à l’aise avec le fonctionnement scolaire et ceux de familles qui en sont plus éloignées, cela engendre des inégalités dans le rapport au savoir. Pour plus d’égalité, une des clés serait d’expliciter davantage aux élèves les objectifs d’apprentissage qui se cachent derrière les activités scolaires.
Pour la sociologue, il est essentiel que les enseignants prennent mieux conscience du rôle de l’école : elle a une mission d’émancipation des plus faibles, elle doit en faire des personnes épanouies, des travailleurs actifs, des citoyens responsables. Cela nécessiterait selon Danielle Moureaux de rendre le métier plus réflexif et plus collectif.
Quant à Xavier Roberti, il a développé son expertise dans le domaine des entreprises d’économie sociale. Il travaille pour l’Union des SCOP (société coopérative et participative) et l’asbl Terre. Pour lui, une de ces « niches d’égalité » est l’entreprenariat féminin dans l’économie sociale. « Les études montrent que les femmes qui dirigent les entreprises font preuve d’une gestion plus éthique, qu’elles sont plus résilientes, plus tenaces et plus axées sur la prospérité, qu’elles ont plus de capacités d’innovation, que leur management est davantage axé sur la participation et qu’elles prônent l’égalité. » avance Xavier Roberti. Une belle piste de solution !
Outre-Atlantique, les mêmes enjeux
De l’autre côté de l’Océan, les mêmes questions interpellent. Au Centre de collaboration nationale sur les politiques publiques et la santé du Canada, la chercheuse Val Morrisson a animé ce 7 mars 2017 un webinaire sur les approches politiques de réduction des inégalités de santé. Soixante-deux participants ont suivi la conférence interactive en ligne
. Pour Val Morrisson, il est d’abord essentiel de saisir la différence entre les déterminants sociaux de la santé et les déterminants sociaux des inégalités sociales de santé. Elle insiste sur ce point, car les actions portant sur les déterminants sociaux de la santé
ne résolvent pas le problème des inégalités sociales de santé.
Pour atteindre cet objectif, il faut agir sur les déterminants sociaux des inégalités sociales de santé, qu’elle définit comme les « structures et processus sociaux sous-jacents qui assignent systématiquement les gens à des positions sociales différentes et qui répartissent inégalement les déterminants sociaux de la santé dans la société »
. Val Morrisson identifie huit approches utilisées pour atteindre les inégalités sociales de santé, du macro au micro : l’économie politique ; l’intersectionnalité ; les politiques macrosociales ; l’approche axée sur le parcours de vie ; l’approche axée sur les milieux ; les approches qui visent les conditions de vie ; les approches qui ciblent les communautés et les approches qui ciblent les personnes
.
« Les actions sur les inégalités sociales de santé découlent des conceptions de leur fondement. Chaque approche est apparue dans une discipline. Elle conçoit et explique les inégalités de santé d’une manière propre. », explique la chercheuse. Par exemple, les approches qui ciblent les personnes s’intéressent aux actions et choix individuels. Les interventions qui en résultent vont donc consister à encourager les personnes, en particulier les plus vulnérables, à faire des « choix santé » et à modifier leurs comportements. Autre exemple : si l’on considère que les inégalités résultent de moments de vulnérabilité, on adopte l’approche axée sur les parcours de vie. Dans ce cas, les interventions vont cibler les circonstances sociales et offrir un soutien pendant les transitions et les crises au long de la vie. Ou encore, si l’on adopte une vision plus large, on verra les inégalités comme des conséquences des macro-politiques déterminant la répartition de la richesse.
Pour agir, l’accent sera mis sur les politiques structurelles fiscales, régissant le marché du travail ou règlementant les marchés. Aux yeux de la conférencière comme pour les participants connectés, les approches les plus macro ont le plus grand potentiel de diminuer les inégalités sociales de santé. Néanmoins, Val Morrisson observe souvent une « dérive vers les habitudes de vie ». C’est ainsi qu’elle appelle cette « tendance à admettre le besoin d’agir sur les déterminants plus structurels des inégalités de santé tout en développant plutôt des interventions qui ciblent les déterminants de la santé liés aux comportements »
. Elle parle de dérive… D’autres invoqueront le pragmatisme et la nécessité d’efficacité et d’efficience.
Sortir du bocal
Retour à Namur, le 10 février. A l’issue de la journée – comme probablement à la fin de la lecture de cet article – on reste un peu sur sa faim. Le concept d‘inégalité a été exposé et analysé, quelques pistes de solution à mettre en œuvre dans des domaines précis ont été partagées, mais on se demande encore quelle stratégie concrète, efficace et accessible contrera le problème. Il faut reconnaître que l’objectif du jour était ambitieux. Le Réseau pour l’égalité a encore du pain sur la planche.
Pour envisager ses perspectives d’avenir, c’est la « technique du bocal » qui est utilisée. Tous les participants installés sur des chaises disposées en cercles concentriques peuvent, à leur guise, venir s’asseoir sur les quelques sièges centraux afin de discuter ensemble. Plusieurs échanges tournent autour de la question de l’inclusion dans le réseau des personnes concernées : « On se fait plaisir avec des concepts, mais comment on les fait venir ? ». Un autre souhait exprimé est celui de dépasser le monde des professionnels (de la santé) et de « faire percoler » la question des inégalités dans la société. La solution la plus profonde reposant sur un changement de système, il est en effet essentiel de sortir du cercle – ou du bocal – des convaincus et de mobiliser le plus grand nombre. Ce qui n’est pas chose aisée car, comme l’identifiait un participant lors d’un des ateliers de l’après-midi : « L’inégalité, on y tient, parce qu’elle nous valorise »… À méditer !
Pour joindre ou rejoindre le Réseau pour l’égalité : ingrid.muller@fmm.be
Wilkinson R. & Pickett K. (2013). Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous. Les petits matins/Institut Veblen/Etopia.
https://edouard-delruelle.be/onze-theses-sortir-mur/
qui faisait partie d’une série de webinaires gratuits en ligne, chacun traitant de différentes priorités en santé publique, présentés par les six Centres de collaboration nationale en santé publique et les Médecins de santé publique du Canada. Les vidéos et documents des webinaires sont accessibles sur https://www.ccnpps.ca/640/Webinaires.ccnpps
Définis par l’Organisation mondiale de la Santé comme « les circonstances dans lesquelles les individus naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent, ainsi que les systèmes de soins qui leur sont offerts. À leur tour, ces circonstances dépendent d’un ensemble de forces plus vastes : l’économie, les politiques sociales et la politique. » (Commission des déterminants sociaux de la santé de l’OMS, 2016).
VicHealth, 2015, p.6, traduction libre par Val Morrisson.
Pour des explications de ces huit approches : Mantoura P. & Morrison V. (2016). Les approches politiques de réduction des inégalités de santé. Montréal, Québec: Centre de collaboration nationale sur les politiques et la santé.
Voir son article référencé en note précédente.
Quand la vapote prend de l’ampleur chez les jeunes. Version exhaustive.
Le 30 Déc 20
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Background
À l’époque, le tabac était très présent dans notre société. Sa légitimité était telle que fumer dans les lieux publics ou en présence d’enfants était chose commune, et ce malgré la connaissance des répercussions néfastes pour la santé. Le manque de mesures de protection autour du tabagisme a duré un siècle avant que l’Organisation Mondiale de Santé (OMS) ne mette en place des stratégies de « dénormalisation ». Ces dernières ont permis la remise en cause de l’acceptabilité sociale de la cigarette et l’avènement de la stigmatisation de l’acte de fumer, avec comme conséquence la dégradation de l’image du fumeur. (Vancassel et Calmes, 2014)
La consommation de tabac est associée à une réduction d’espérance de vie et se trouve être un facteur de risque important (6.3%) du fardeau des maladies (Lim, 2012 ; Ericksen et Whitney, 2013). Le tabagisme est donc actuellement considéré par la santé publique comme une pratique à risque. Dès lors, le fait de fumer est devenu peu à peu une pratique déviante, notamment grâce aux campagnes de prévention. (Peretti-Watel et Constance, 2009)
Si cette vision du tabagisme est liée à son histoire, elle est aussi liée à ses acteurs sociaux car une grande majorité des fumeurs appartiennent aux classes sociales plus défavorisées. En effet, le tabac est l’un des principaux responsables des inégalités sociales de santé. Par inégalités sociales de santé, il faut entendre les écarts de santé qui existent entre des individus de classes sociales distinctes, ayant des revenus et des niveaux de diplômes différents. La stratification sociale joue donc également un rôle important dans le retournement de situation que connaît le tabagisme. (Peretti-Watel et al. 2014) Indéniablement, les ressources financières et culturelles de l’individu influencent ses connaissances et sa compréhension des nouvelles pratiques, ainsi que ses capacités d’exploitation de celles-ci. C’est la raison pour laquelle le statut socioéconomique est reconnu comme un facteur incontestable dans l’adoption et la diffusion des comportements de santé.
En bref, c’est la dénormalisation du tabac qui permet l’avènement de la cigarette électronique car elle apparaît pour l’individu comme une solution rationnelle aux dangers du tabac. Dans cet ordre d’idées, l’e‑cigarette constitue une pratique de contagion simple étant donné qu’il suffit qu’une personne de notre entourage adopte cette nouveauté technologique pour que cela encourage un fumeur régulier à se sevrer. (DiMaggio et Garip, 2011)
Effectivement, elle permet aux fumeurs – qui veulent se conformer aux normes – de devenir adepte d’un nouveau dispositif technologique moins risqué et toxique, mais aussi non stigmatisé par la société. De plus, la diffusion de cette pratique pourrait être encore plus facile et rapide en raison de ses arguments d’économie d’argent sur le long terme.
Force est de constater que la cigarette électronique détient une grande acceptabilité parmi les fumeurs désireux de se sevrer tant elle permet la prolongation des habitudes tabagiques. (Caponnetto et al. 2013b) En effet, ce nouvel objet technologique agit sur les aspects sociaux et comportementaux associés au fait de fumer. Si certains considèrent les similitudes entre la cigarette électronique et la cigarette classique comme l’un de ses principaux atouts dans le sevrage tabagique (CSS, 2014), d’autres qualifient le comportement des vapoteurs de paradoxal car « en un certain sens vapoter, c’est encore fumer ». (Vancassel et Calmes, 2014, p 49.) En conséquence, il faut rester vigilant car l’image positive de la cigarette électronique véhicule la croyance qu’il est aisé de se sevrer seul. (Ebbert et al. 2015)
Aussi, les jeunes sont très demandeurs d’introduire des nouveautés hi-tech dans leur quotidien. Il est d’ailleurs certain que l’innovation technologique qu’incarne l’e-cigarette lui vaut une grande part de son succès. Par ailleurs, si la cigarette électronique est perçue comme étant un dispositif moins nocif que le tabac, elle n’est pas automatiquement perçue par les jeunes ‑ contrairement à la population adulte – comme un outil de sevrage. (Sanders-Jackson et al., 2015 ; Roditis et Halpern-Felsher, 2015 cités par HCSP, 2016)
En effet, les jeunes semblent avoir des compétences plus faibles en matière de prise de décisions et évaluation des risques, et c’est notamment ce qui les amène à croire qu’ils sont moins vulnérables aux dangers. (Song et al., 2009). La perception du risque dépend des principes sociaux, des expériences personnelles et celles de la communauté, ainsi que des messages véhiculés par les leaders d’opinion. Pour un comportement addictif comme le fait de fumer – et donc potentiellement le fait de vapoter – l’influence sociale est un déterminant significatif pendant l’adolescence, et la perception des risques a tendance à diminuer au fur et à mesure que la prévalence de celui-ci augmente parmi ses proches. (Roditis et Halpern-Felscher, 2015).
La probabilité qu’un jeune adopte un comportement donné – comme le vapotage – sera accrue s’il perçoit peu de risques contre de nombreux bénéfices. La diffusion d’un comportement sera d’ailleurs simple lorsque celui-ci est perçu comme peu risqué, et inversement pour un comportement connu comme dangereux pour lequel la diffusion sera plus complexe. Avec les connaissances actuelles sur la toxicité de la cigarette classique, la propagation du tabagisme dépend aujourd’hui d’un mécanisme de contagion complexe, contrairement à la cigarette électronique. (DiMaggio et Garip, 2011) Pourtant, il est vrai que les jeunes témoignent encore d’une forte motivation à fumer.
Objectifs de l’article : question de recherche et hypothèses
L’utilisation de l’e-cigarette est-elle un tremplin vers une consommation de tabac classique ? Voilà une question récurrente à laquelle aucune réponse claire ne peut être apportée actuellement en raison de l’apparition récente de ce dispositif de plus en plus en vogue. Le risque est certes réel mais trop peu d’informations sur le long terme sont disponibles pour le confirmer. Ce manque d’information ne permet toutefois pas d’infirmer cette hypothèse. C’est notamment cette incertitude qui justifie le principe de vigilance à l’égard des cigarettes électroniques.
Les jeunes constituent un sujet fréquemment mis sur la table dans les revues scientifiques car ils se présentent comme un groupe à risque pour l’utilisation de cigarettes électroniques. Cette observation inquiète et pose question. Le présent travail vise à éclaircir la dynamique existante dans l’utilisation occasionnelle ou persistante d’e-cigarettes par des jeunes. En d’autres mots, cet article s’intéresse à l’utilisation de la cigarette électronique et aux perceptions qu’en ont les jeunes, ainsi qu’à la manière dont ils justifient leur comportement.
Hypothèses :
- La toxicité moindre et donc sa légitimité d’utilisation, la nouveauté technologique qu’elle incarne ainsi que ses nombreux aspects ludiques (objet, goûts, odeurs), et le fait qu’elle mime la gestuelle du tabac sont autant de facteurs qui influencent l’expérimentation de la cigarette électronique et son éventuel maintien chez les jeunes.
- Les effets de pairs participent à la diffusion du vapotage dans la population. Les adolescents y sont d’autant sensibles en raison de leurs compétences plus faibles en évaluation des risques et prise de décisions.
- Actuellement, la diffusion de la cigarette classique dépend d’un mécanisme de contagion complexe tandis que la diffusion de cigarette électronique s’opère via un mécanisme de contagion simple.
Méthodologie
Choix de la méthode
Étant donné que cette étude vise la compréhension ainsi que l’émission d’hypothèses d’interprétation du processus d’expérimentation – voire d’adoption – de la cigarette électronique chez les jeunes, le choix de la méthode s’est axé vers une recherche qualitative. L’objectif n’est pas la quantification, mais bien la compréhension de ce nouveau phénomène.
Public cible de notre recherche
L’intérêt de cette étude porte sur les jeunes, et plus spécifiquement les jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans car il s’agit de la tranche d’âge la plus curieuse face à ce nouveau dispositif selon l’OMS. Dans la mesure où ce public ne semble pas concevoir la cigarette électronique comme un outil de sevrage, la présente étude s’intéresse aux représentations de ces jeunes ainsi qu’aux raisons de leur attrait.
Échantillonnage
Pour participer à l’étude, les jeunes devaient répondre à deux critères de sélection:
- L’utilisation de cigarettes électroniques : La distinction entre les jeunes utilisateurs actuels de la cigarette électronique et ceux qui ne l’ont testée qu’épisodiquement est parfois difficile à percevoir dans la littérature. Dans le cadre de cette étude, sélectionner ces deux profils d’utilisateur est pertinent car le récit de leurs expériences permet d’explorer l’attrait pour l’e-cigarette. Aussi, interroger les vapoteur réguliers et occasionnels offre la possibilité d’explorer les facteurs favorisant le maintien ou non du comportement. C’est pourquoi les jeunes pouvaient être sélectionnés même s’ils n’avaient consommé que quelques fois l’e‑cigarette.
- L’âge : Les jeunes devaient être âgés de quinze à vingt-quatre ans. Comme c’est à l’adolescence (chiffré entre treize et dix-huit dans l’étude SILNE menée en Belgique par l’Université Catholique de Louvain) qu’ont lieu les premiers contacts avec la cigarette, il est apparu intéressant de se focaliser davantage sur une population la plus jeune possible comme les jeunes en années d’études d’humanité et âgés de moins de seize ans. De plus, le milieu scolaire étant le lieu central de socialisation des jeunes (Lorant V. et al. 2015), se focaliser sur un public d’adolescents est pertinent tant ils représentent un âge sensible à l’effet de pairs en quête de nouvelles expériences.
L’échantillon a été contacté via les réseaux sociaux mais également par le biais du « bouche‑à‑oreille ». Précisons que le mode de sélection utilisé présente le risque de rencontrer des personnes avec des réalités communes et ayant des profils comparables.
Analyse des données
Neuf entretiens semi-directifs ont été menés avec des jeunes. Les répondants étaient âgés de 16 à 24 ans et étaient utilisateurs actuels ou avait expérimenté l’e-cigarette dans le passé. Parmi ces derniers, trois des plus jeunes répondants témoignaient de leurs expériences à l’âge de 13ans seulement. L’échantillon comptait trois filles contre six garçons. Chacun des récits des jeunes a été retranscrit dans son intégralité. L’analyse a débuté de façon descriptive avec l’extraction du discours des jeunes. Ce sont les concepts théoriques développés en introduction qui ont permis le cadrage par catégories prédéfinies. Celles-ci sont nécessaires pour la structuration ainsi que l’analyse des propos des jeunes interrogés. La phase interprétative a ensuite permis de donner des significations aux différentes tendances ainsi que d’expliquer les thèmes descriptifs et d’établir des liens entre eux.
Résultats
L’initiation et le maintien
Utilité perçue
Aucun jeune n’affirme l’innocuité de la cigarette électronique mais tous assurent qu’elle est moins nocive que le tabac. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils ont choisi ce nouvel outil pour leur sevrage tabagique.
« C’est de la nicotine sans le goudron donc c’est mieux que la cigarette, et ça te procure la nicotine dont tu as besoin. » « Ça m’étonnerait que tu meures d’un cancer après la cigarette électronique. Après je n’en sais pas plus (…) mais au moins, je n’ai pas de jaunissement des dents. » « Sur le long terme, je ne sais pas… » « Je ne pense pas que ce soit nocif parce que je le ressens. »Les jeunes sont plus sensibles aux effets observables à court terme qu’aux risques à long terme. Même s’ils avouent ne pas s’être renseignés davantage, le plaisir immédiat prend le dessus sur les éventuels risques futurs. Leurs ressentis contribuent donc à l’image positive qu’ils ont de la cigarette électronique. Le fait de percevoir la cigarette électronique comme moins risquée que le tabac suffit donc à ces jeunes pour justifier leur choix de comportement.
Le phénomène technologique attribué à l’e-cigarette est sans conteste l’une des explications de l’intérêt des jeunes ainsi que de son succès grandissant. Lorsqu’ils envisagent d’arrêter de fumer, ils se tournent spontanément vers ce dispositif de sevrage sans même envisager d’autres solutions qui leur paraissent ridicules. Pourtant, l’un des jeunes interrogés est non-fumeur et explique malgré tout avoir été attiré par la cigarette électronique pour sa ressemblance avec la consommation de tabac et son côté « fun ». On note effectivement que même lorsque la motivation initiale est l’arrêt du tabac, la cigarette électronique peut prendre la place d’un gadget ayant une fonction de loisir.
« Moi j’adore tout ce qui est technologie donc j’ai trouvé ça vraiment terrible. » « C’est comme passer d’un Nokia 3310 à un Iphone. » « T’as envie d’acheter un truc super beau. Tu peux vraiment la personnaliser. » « On a vu qu’il y en avait des super belles… le design nous intéressant fort aussi. J’en voulais une sophistiquée. » « Je suis certaine que c’est la nouvelle technologie pour arrêter de fumer. » « Si t’as quelque chose de mieux de la cigarette électronique, je peux être preneur mais il faut que ce soit un truc qui soit un peu fun quoi. » « C’est vite devenu une fantaisie plus qu’autre chose… » « À partir d’un moment, c’est devenu un loisir. Quand t’es jeune, ça devient plus un loisir. »
De toute évidence, la matérialisation de l’objet ainsi que sa sophistication technologique et visuelle apparaissent comme très importantes pour les jeunes. Malgré cela, il faut préciser que le niveau d’investissement (temps, financier, apprentissage) dans ce nouvel objet et le type d’utilisation semble varier selon le genre de l’utilisateur ainsi que ses besoins et désirs.
« Je regardais sur un site hier, et j’avais l’impression qu’on achetait une fusée. Pour moi, ça doit être simple d’utilisation sinon je ne vois pas l’intérêt. (…) en tout cas, pour les filles, les simples c’est le mieux. »
La cigarette électronique s’apparente au tabac par la possibilité de simuler certains rites tabagiques auxquels les jeunes fumeurs se sont habitués. Ils souhaitent d’ailleurs retrouver des similitudes entre leur consommation de tabac et leur utilisation de cigarette électronique. Lorsqu’un maximum d’aspects est retrouvé, cela faciliterait le maintien de l’utilisation.
« C’est surtout pour le geste et quand je suis avec des amis qui fument… me dire que moi aussi j’ai quelque chose. » « Sortir fumer avec les autres aux pauses, etc. » « T’es pas là avec ton patch à te caresser le bras. »
Si la cigarette électronique plaît aux jeunes car elle mime les habitudes sociales, les gestuelles et les ressentis tabagiques, certaines de ses différences – comme la variété des goûts et odeurs – en font un dispositif encore plus attirant.
« Il y a plein de goûts » « Il y a plein de choix. » « Je ne sentais plus mauvais. »Bien que la cigarette classique et la cigarette électronique impliquent des comportements à la fois identiques et différents, c’est l’imitation gestuelle qui justifie la présence des vapoteurs avec les fumeurs à l’extérieur. En réalité, la cigarette électronique leur permet de maintenir les habitudes sociales du tabac, et donc de garder leur place dans un groupe auquel ils n’appartiennent plus réellement.
L’influence sociale
Si les amis constituent le point commun de l’initiation des jeunes interrogés, les jeunes expliquent également observer de plus en plus de vapoteurs dans leur vie courante. Les récits confirment l’influence des leaders d’opinion dans leur choix d’adoption du comportement, mais ils démontrent également que l’augmentation de la visibilité de la technologie et de son accessibilité occasionne un changement de perception et d’utilité perçue.
« On en voit de plus en plus dans la rue.» « C’est devenu un effet de mode d’avoir une belle cigarette électronique. » « Quand j’ai commencé (…) il y avait vraiment un mouvement à l’école. » « Moi ce n’est pas pour me donner un ’’genre’’ si je fume la cigarette électronique, mais c’est parce qu’on a commencé ça dans le groupe. » « À la base, j’ai surtout commencé pour l’effet de mode. »
La pratique – qui se transmet par effets de réseau – semble effectivement de plus en plus observable dans les groupes de jeunes. Les deux cadets comparent l’e-cigarette à une mode éphémère comme les cartes Panini ou Pokémon, et expliquent leur achat en raison de l’engouement présent dans leur école.
Selon les jeunes, la cigarette électronique dégage une certaine image de soi qui permet d’attirer l’attention de ses pairs. Beaucoup de jeunes utiliseraient donc l’e-cigarette pour le côté « m’as-tu-vu » de l’objet. L’image dégagée par le jeune vapoteur a visiblement une grande influence sur l’initiation à ce comportement.
« Les jeunes qui fument la cigarette électronique, c’est vraiment :’« j’ai envie de montrer que je fais de la fumée !». » « C’est stylé de fumer la cigarette électronique. » « Quand je me suis acheté ma cigarette électronique, c’était un peu pour faire mon malin je dois dire. »
Notons que lorsque les jeunes n’apprécient pas la cigarette classique, celui-ci peut percevoir la cigarette électronique comme une opportunité. Effectivement, grâce à ses goûts et sa ressemblance avec la cigarette classique, l’e-cigarette offre la possibilité d’adopter un comportement comparable au tabac sans ses inconvénients (santé, odeurs, goûts). Vapoter leur permet donc de s’apparenter au groupe de fumeurs tout en utilisant un dispositif différent.
« Je savais ce que c’était la cigarette tout court mais je n’aimais pas alors que la cigarette électronique, j’aimais vraiment bien ça… c’était un truc de nouveau et ça avait vraiment un bon goût. »
Le support social
Lors de son initiation, il semblerait que le vapoteur débutant doit persévérer car un temps d’adaptation est nécessaire. Les jeunes expliquent les premiers désagréments de la cigarette électronique de différentes façons, et notamment par la nécessité de se familiariser avec ce nouvel outil et ses multiples produits. Le jeune doit donc prendre le temps d’identifier ce qui lui convient le mieux pour sa consommation personnelle, et le groupe – présent durant cette période d’apprentissage – lui apporte le soutien dont il a besoin. Le temps d’apprentissage jugé nécessaire par certains peut parfois constituer une source d’abandon pour d’autres.
« Je me suis forcé au début. » « La première fois, j’ai toussé comme pas possible. » « Quand j’ai commencé, c’était dégueulasse mais je l’ai refait plusieurs fois et ça a été progressif. »
Lorsque les jeunes ont acquis un certain niveau de connaissance de la pratique grâce à leurs utilisations et échanges avec le groupe, la cigarette électronique devient plus agréable et offre de nombreuses perspectives. À ce stade, le jeune met alors en avant ses capacités d’exploitation et en fait profiter les autres.
« Moi ça m’amuse de faire ma petite popote et mélanger les goûts pour avoir vraiment ce que je recherche, mais ça pas mal de gens ne savent pas le faire ! » « Les adultes ils auront une cigarette basique mais ils vont s’en satisfaire. Ils ne vont pas aller chercher un truc méga puissant. »
En plus de l’apprentissage social, l’e‑cigarette semble développer un autre caractère que le tabac qui n’est autre que le partage d’expérience. Effectivement, les relations sociales semblent basées davantage sur les expériences propres à l’utilisation de cigarettes électroniques. Ainsi, les jeunes vapoteurs échangent du matériel, testent les saveurs des autres, se conseillent, et discutent de leurs lieux d’achat ainsi que la satisfaction de ceux-ci. Parce qu’ils partagent un comportement analogue et parce qu’ils échangent sur leurs expériences personnelles, les vapoteurs se distinguent des autres et s’identifient comme faisant partie d’un même groupe.
« On s’échangeait des goûts. » « On teste entre nous. » « C’est vraiment un truc de partage. » « Les gens qui ont une cigarette électronique dans la rue, tu les regardes et tu souris tu vois… c’est une sorte de groupe. » « « C’est une sorte de groupe, c’est vraiment devenu un petit réseau. »
Le vapoteur : un « entrepreneur de moral » (Becker)
« C’est complètement inutile de faire venir un tabacologue à l’école avec un discours moralisateur… »
Il est intéressant de remarquer que les jeunes – souvent critiques face aux discours des professionnels de la santé à l’égard du tabagisme – tiennent des propos relativement similaires et engagés dans leurs entretiens.
« C’est toujours mieux que la cigarette. » « C’est mieux que le tabac. » « Ce n’est pas un jeu (=cigarette électronique), il ne faut pas prendre ça à la légère. »
Effectivement, les récits des jeunes sont sans équivoque ; la cigarette électronique constitue un outil plus bénéfique pour lutter contre le tabagisme que les autres solutions apportées par les acteurs de la promotion à la santé. C’est à ce titre qu’ils démontrent une volonté de défendre la cigarette électronique auprès des plus sceptiques, et une volonté d’initier les plus curieux. S’ils perçoivent l’e-cigarette comme la solution aux dangers du tabac et qu’ils considèrent cette nouvelle pratique comme totalement légitime, ils la font valoir et s’en font les promoteurs.
« Mon ex en a acheté une, je me suis dit que c’était l’occasion d’essayer d’arrêter de fumer. Mais je ne l’ai pas acheté de mon plein gré. On me l’a vraiment mis sous le nez.» « J’ai des potes qui ont été en acheter une après que j’ai parlé avec eux. » « Celui qui fume, je vais essayer de le convaincre. »
Pour certains des jeunes interrogés, l’existence de goûts et leur grande variété constituent l’atout majeur de la cigarette électronique. Selon eux, cet aspect doit être mis en avant pour rendre ce nouveau dispositif encore plus séduisant pour les jeunes, et ainsi déjouer leur attrait du tabac.
« Je crois qu’ils devraient mettre ça encore plus en avant pour les jeunes et au moins ils passeront directement par là et pas par une cigarette normale nocive qui leur fera du mal aux poumons. » « Les jeunes c’est mieux s’ils pouvaient passer par la cigarette électronique directement. »
Toutefois, si certains n’ignorent pas que la cigarette électronique n’est pas une consommation totalement anodine, cela ne les empêche pas de relativiser le risque pris.
« Un coca-cola, c’est nocif aussi et pourtant t’en trouves partout et ils en font de la pub… » « Sans prise de risques, t’as l’impression d’être un robot en fait. » « Jupiler a été le sponsor des diables rouges.»
Discussion
L’attitude des vapoteurs peut être qualifiée d’ambigüe lorsque d’un côté, ils souhaitent maintenir leur appartenance sociale au groupe de fumeurs ; et de l’autre côté, ils revendiquent la singularité de leur nouvelle pratique ainsi que l’exemplarité de ses adeptes. Selon eux, vapoter à l’intérieur est égal étant donné que la cigarette électronique n’a pas les mêmes implications que le tabac. L’aspect olfactif – qualifiée de non dérangeante par les jeunes – semble d’ailleurs légitimer le vapotage passif tant il n’impacte pas le confort d’autrui. Aucun des jeunes n’associe la vapeur dégagée par la cigarette électronique au tabagisme passif, et les vapoteurs passifs eux-mêmes semblent être plus tolérants.
Aussi, en tant qu’ « entrepreneurs de moral » (Becker), c’est-à-dire en tant qu’individu qui valorisent et cherchent à prôner l’utilisation de la cigarette électronique, le discours des jeunes vapoteurs est parfois équivoque. En effet, ils défendent l’innocuité de la cigarette électronique d’une part, et considèrent qu’il faut promouvoir ses atouts. Selon eux, c’est le côté ludique de ce nouvel outil technologique qui doit être mis en avant afin de séduire toujours plus de jeunes et éviter leur initiation au tabac.
Alors que d’autre part, ils valorisent une exploitation précautionneuse de l’e-cigarette, et estiment qu’elle ne peut être considérée comme un jeu. Notons que même lorsque la motivation initiale est l’arrêt du tabac chez les jeunes, la cigarette électronique semble plus facilement prendre la place d’un gadget ayant une fonction de loisir par ses diverses sophistications et personnalisations.
Les résultats sont catégoriques quant à la compréhension et intégration des discours préventifs sur le tabagisme par les jeunes. Effectivement, l’e-cigarette leur donne un sentiment de sécurité étant donné qu’ils l’envisagent comme un outil moins nocif ; ce qui suffit à la légitimer. Dans leurs entretiens et via leurs récits, les jeunes illustrent parfaitement l’évolution des représentations du tabagisme, et témoignent que ce dernier est de moins en moins accepté.
Une étude qualitative réalisée par Pertti‑Watel et Constance (2009) allait déjà dans ce sens en expliquant que le tabac devenait socialement stigmatisé. Peretti-Watel et al. (2014 ; 2007a) expliquent une partie de la dénormalisation du tabac par la culture du risque et le culte de la santé présents dans les sociétés occidentales. La culture du risque est caractérisée par l’importance d’être entrepreneur de sa propre existence et prendre sa vie en main, tandis que le culte de la santé consiste à faire de la santé un objectif en soi. C’est grâce aux informations de prévention qui distinguent les conduites saines de celles qui ne le sont pas, que l’individu peut rester en bonne santé.
Les personnes qui adoptent les conduites malsaines ou dites « à risque » – comme le tabac – voient se réduire leurs chances de coloniser le futur, les comportements choisis diminuant leur espérance de vie. En s’écartant et/ou ne se conformant pas aux différentes normes, ces individus sont alors considérés et/ou stigmatisés comme déviants.
Dès lors, vapoter apparaît comme un comportement rationnel car celui-ci imite les rites tabagiques tout en se conformant aux normes actuelles. La cigarette électronique offre la possibilité aux jeunes de coloniser leur futur lorsque le tabac ne le permet plus. En quelque sorte, c’est la dénormalisation de la consommation de tabac avec l’intégration des messages préventifs qui amène à la normalisation de la cigarette électronique.
Une observation inquiétante est le rachat des productions d’e-cigarettes par l’industrie du tabac. Par ce biais, l’industrie du tabac tente de donner une image fun et positive à ce nouveau type de consommation moins nocif pour la santé. Paradoxalement, une telle démarche est en contradiction avec la lutte contre le tabagisme tant elle pourrait entraîner la renormalisation du tabac par imitations gestuelles et sensorielles de la cigarette classique. (CSS, 2015 ; FCTC, 2014).
Aussi, l’OMS s’inquiète de la porte d’entrée vers le tabac que représenteraient les cigarettes électroniques. (FCTC, 2014) La crainte formulée – qui se base sur le modèle théorique « gateway » ou effet de « porte d’entrée » de Kandel (1975) – est que les non-fumeurs, en particulier les plus jeunes, commencent à consommer de la nicotine de façon plus importante que si ces dispositifs n’existaient pas, et qu’ils passent ensuite vers une consommation de tabac.
Comment la cigarette électronique est-elle parvenue à s’introduite si aisément dans le quotidien des jeunes ? Pour ce qu’il en est de la diffusion du vapotage, appuyons-nous sur la théorie de DiMaggio et Garip (2012). Ces deux auteurs ont mis en place cinq critères qui mesurent les barrières et difficultés que peut rencontrer un individu en adoptant un comportement : la complication (complexity), l’observabilité (observability), le risque (risk and uncertainty), la légitimité (legitimacy) et enfin, l’autonomie (sustainbility). Certains de ces critères sont applicables à la pratique de la cigarette électronique et permettent d’éclaircir les mécanismes de sa contagion parmi les jeunes.
Tous les jeunes interrogés ont commencé par l’intermédiaire d’un proche et témoignent de l’engouement existant pour la cigarette électronique dans leur groupe de pairs. Ainsi, ils font référence à une augmentation de l’observabilité de cette pratique. Pour les plus jeunes vapoteurs, l’école constitue d’une part le lieu où ils ont pris connaissance du dispositif, et d’autre part le lieu où ils ont été témoins de son augmentation parmi leurs pairs. Lorsque l’on sait que l’utilité qu’un individu perçoit d’un comportement augmente si sa présence est élevée dans le groupe, le milieu scolaire apparaît comme un endroit clé de visibilité du comportement ainsi que le lieu d’initiation de nombreux jeunes.
Aussi, les jeunes sont attirés par la cigarette électronique tant il s’agit d’un public très demandeur de nouvelles technologies qui leur permettent de se mettre en avant. Malgré que l’utilisation de cigarette électronique doive parfois être cachée aux adultes, l’effet de mode qui y est associé entraîne incontestablement une augmentation de son observabilité dans les réseaux de jeunes.
Au regard des entretiens, l’initiation à la vapote ne semble pas être complexe mais relativement aisé pour un novice alors que le maintien de la pratique semble facilité par le soutien d’un groupe. Parallèlement avec l’étude réalisée par Becker sur les changements d’attitudes des fumeurs de marijuana, devenir vapoteur impliquerait de passer par différents stades encadrés par un groupe. Lorsque le vapoteur est débutant, le groupe (et les vapoteurs « experts » le constituant) ont tendance à le rassurer en minimisant les effets désagréables. C’est pourquoi l’interaction avec les pairs est d’une importance capitale tant elle influence le sentiment de sensations agréables du novice et motive donc sa consommation. Mais jusqu’à quel point la pratique nécessite-t-elle le support des autres ?
Dans cette même étude, Becker insiste sur l’importance du groupe dans le maintien du comportement. En effet, le groupe dans lequel le jeune vapoteur s’intègre lui offre un univers où son comportement n’est pas une déviance mais constitue la norme. Dans les entretiens, on remarque que les jeunes ont effectivement tendance à s’identifier comme appartenant à un groupe au sens large du terme. Le sentiment d’appartenance est occasionné par le partage du comportement en marge de la société. Ce réseau les aide à interpréter et faire face aux jugements sociaux qui pèsent sur leur usage et les stigmatisent. La vapote constitue donc un comportement nécessitant le support des autres, mais celui-ci ne peut durer qu’un temps. En effet, lorsque le jeune a intégré le fonctionnement de cette nouvelle technologie et qu’il est en confiance, celui-ci est autonome dans sa nouvelle pratique.
Les jeunes perçoivent l’e-cigarette comme non nocive, ou moins nocive que le tabac, ce qui suffit à justifier leur choix de comportement. Certains d’entre eux se sont même tournés vers ce dispositif pour en finir avec les risques liés à leur consommation de tabac. Notons que cette absence de risque perçue n’est pas toujours combinée avec une recherche approfondie sur le sujet, et ne représente donc pas toujours le risque réel. C’est l’augmentation de l’observabilité du comportement dans leurs groupes de pairs et les effets de réseaux d’une part, ainsi que les effets du marketing et messages des leaders d’opinions d’autre part qui influencent leurs perceptions des risques et croyances sur l’e-cigarette.
C’est grâce à l’évolution des normes et à l’intégration des messages préventifs à l’égard du tabac que la cigarette électronique se présente comme une solution idéale. Vapoter apparaît comme un comportement légitime car celui-ci imite les rites tabagiques tout en se conformant aux normes actuelles. En quelque sorte, l’e-cigarette est légitimée par les jeunes tant elle leur apporte un équilibre entre croyances et comportements.
La cigarette électronique n’est pas un exemple de contagion complexe car elle ne concorde pas avec les cinq critères développés. En revanche, comme présupposé, ce nouveau dispositif semble se diffuser via un mécanisme de contagion simple car il suffit qu’une personne dans son réseau l’adopte pour être susceptible de l’adopter à son tour. Une fois l’e-cigarette adoptée, les jeunes développent un sentiment d’appartenance à un réseau de vapoteurs.
D’une part, ce « petit réseau » apporte un support social aux jeunes car il les aide à se prémunir des critiques à l’égard de la cigarette électronique – qui ne constitue pas encore une norme acceptée par toute la société – et à justifier son utilisation préférable à celle de la cigarette. De toute évidence, ce sentiment d’appartenance facilite la justification du choix de leur comportement et apparaît essentiel au maintien de celui-ci.
D’autre part, le besoin et le sentiment d’appartenance à ce réseau entraînent une sorte de contrôle social avec la création d’une hiérarchisation par les vapoteurs eux-mêmes. L’intégration des messages de prévention à l’égard du tabagisme les a persuadés de la légitimité de l’e-cigarette et de la nécessité de défendre cette pratique. Seulement, s’il existe déjà une stigmatisation des vapoteurs envers les fumeurs qui ne se conforment pas aux normes actuelles, les jeunes établissent également des distinctions entre les utilisations d’e-cigarette et légitimités de celle-ci. Ainsi, en tant qu’entrepreneurs de moral, ils se sentent investis d’une mission de défendre la cigarette électronique comme un outil de sevrage, et non comme un comme outil strictement ludique. Comme déjà expliqué, cela semble paradoxal lorsque l’on sait que les jeunes interrogés ont initialement été attirés par la nouveauté technologique de la cigarette électronique et ses variétés d’exploitation, et qu’ils affirment que leur utilisation est plus élaborée que celle des adultes.
Pour conclure, il est incontestable que l’e-cigarette a le vent en poupe et attire la curiosité des plus jeunes. Lorsque l’on sait que les innovations technologiques se répandent plus facilement dans les groupes favorisés que dans les groupes défavorisés, la cigarette électronique ‑ en partant du postulat qu’elle améliore la santé – pourrait constituer un nouvel outil susceptible de ne profiter qu’aux plus aisés. Sachant que la vapote se diffuse rapidement au moyen des effets de pairs, l’hypothèse qu’elle maintienne la stratification sociale voire augmente les inégalités de santé devrait être envisagée plus sérieusement (DiMaggio et Garip, 2011).
Si l’adoption de la cigarette électronique semble constituer une solution évidente aux dangers du tabac, la présente étude qualitative démontre que le comportement associé au fait de vapoter est une matière aussi vaste que complexe qui suscite avis variés et propos ambivalents de la part des jeunes utilisateurs eux-mêmes. Paradoxalement, ce sont les normes sociétales actuelles et les discours sanitaires défendus par les autorités qui contribuent à l’essor du vapotage ; ce même comportement qui par son succès ascensionnel et fulminant – notamment auprès des jeunes – en vient à inquiéter la santé publique et s’insérer dans l’agenda politique.
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Trop de fumée sur nos écrans Le tabac est toujours présent dans 20 % des films en Belgique
Le 30 Déc 20
Publié dans la catégorie :
La Fondation contre le cancer tire la sonnette d’alarme. À la suite de sa demande, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a réalisé une étude sur la représentation du tabac dans les films diffusés en FWB.
Le tabac a disparu de nos espaces publicitaires, mais la cigarette occupe toujours une place importante au sein de la société. L’enquête du CSA montre que sur les 148 fictions analysées, 32 comportent au moins un produit de tabac ou un comportement tabagique, soit 22 %. Au total, 105 scènes de tabagisme, 130 produits du tabac, dont 2/3 représentent la cigarette, 101 personnages vus en train de consommer un produit lié au tabac, pour un total de 39 minutes de visibilité des produits du tabac. Entretien avec le Docteur Didier Vander Steichel, tabacologue et directeur général de la Fondation contre le cancer.
Cette étude, pour quelles raisons ?
« Pour deux raisons. Premièrement, l’OMS soupçonnait la présence de plus en plus fréquente du tabac sur les écrans, sans pour autant y apporter des éléments scientifiques afin de démontrer une potentielle stratégie de placement de produits de l’industrie du tabac. Cela correspondait également à un sentiment que nous avions nous même à la Fondation contre le cancer. Afin de vérifier cette impression, nous avons soumis la question à un acteur neutre et spécialisé », explique le tabacologue.
En effet, le CSA a répondu présent à l’appel de la Fondation en acceptant de réaliser l’étude, financée par cette dernière. Deuxièmement, « cette première étude permettra de réaliser un état des lieux afin constater la situation aujourd’hui, tout en donnant une référence pour des mesures ultérieures. » Il s’agit donc d’une première étude sur le sujet en Belgique.
Quelle méthodologie a été adoptée ?
Du 30 janvier au 5 février 2017, le CSA, en tant que spécialiste et expert du domaine de l’audiovisuel, a analysé les fictions diffusées entre 19 h et minuit sur les chaînes francophones dont, La Une, La Deux, La Trois, RTL-TVI, Club RTL, Plug RTL, France 2 et TF1. « Il s’agit de quantifier, d’une part la présence du tabac sur les écrans et d’autre part, d’analyser dans quels contextes et auprès de quels personnages, le tabac intervient. Le but est d’essayer de décrypter les messages qui seraient véhiculés. Le CSA montre le contexte lié à la présence du tabac, le choix des personnages qui fument, les scènes dans lesquelles le tabac est mis en avant. »
Le stéréotype du fumeur
Les fumeurs sont généralement les personnages principaux, c’est-à-dire, des hommes blancs de 19 à 34 ans. Il s’agit de la catégorie la plus représentée à l’écran. Dans les films analysés, les individus liés à une scène tabagique sont des hommes dans 80 % des cas. Cette représentation est totalement démesurée par rapport à la réalité. « Le plus souvent, les scènes liées au tabac montrent une atmosphère pesante. Néanmoins, le tabac est largement associé à un trait de caractère positif, en véhiculant des messages de représentations sociales positives, de moyens de réduction du stress… Il s’agit d’une image faussement positive du tabac. » Selon l’étude, dans 67 % des cas, les personnages présentant un comportement tabagique sont associés à un trait de caractère perçu comme positif.
Le tabac dans les fictions, une publicité cachée ?
« Tout le combat de ces 15 dernières années a été de limiter la place et la visibilité du tabac dans notre société, avec l’interdiction de la publicité et l’interdiction de fumer sur le lieu de travail, dans les restaurants, les cafés, etc. L’industrie du tabac sait très bien que l’on s’attaque à quelque chose d’essentiel pour elle, c’est-à-dire, la visibilité et l’acceptation sociale du tabac. Un moyen de contrer cette évolution, c’est par le biais des fictions en montrant le tabac comme faisant partie de la vie en société. Ce contre quoi nous voulons tout à fait lutter. »
Entre liberté artistique et promotion
Le tabac est une réalité historique et peut être un support de création artistique. « Pour moi, il n’est pas choquant que dans un film qui se passe en 1940 par exemple, à une époque où on fumait beaucoup, il y ait une présence du tabac. C’est une réalité historique. On ne va pas nier l’existence du tabac, c’est malheureusement une existence incontestable mais on peut éviter l’utilisation de l’image du tabac. Nous soupçonnons que la présence du tabac dans un film n’est pas due au hasard. L’industrie du tabac l’utilise pour resocialiser, renormaliser le tabac, et cela, nous n’en voulons à aucun prix. »
Objectifs de l’étude
La finalité de cette étude est de sensibiliser les personnalités politiques et le secteur de l’audiovisuel. En effet, il est possible que tout le monde n’ait pas nécessairement conscience du danger en matière de santé publique et de ce que peut représenter une stratégie de communication de l’industrie du tabac. C’est pourquoi l’étude propose des solutions.
« Les pouvoirs publics peuvent renforcer la législation en matière d’interdiction de placement de produit. Par exemple, en demandant aux réalisateurs de films de s’engager officiellement à ne toucher aucun financement de l’industrie du tabac lorsqu’ils reçoivent des subsides publics. »
Faut-il interdire totalement la présence du tabac dans les films ?
« Non, je dis clairement qu’il faut interdire tout financement direct ou indirect par l’industrie du tabac. Interdire tout placement de produit et sensibiliser les professionnels de l’audiovisuel sur le fait qu’utiliser du tabac dans une fiction peut être interprété consciemment ou inconsciemment comme une incitation à fumer ou comme une renormaliation du tabac dans nos sociétés. Nous luttons contre le tabac et non contre les fumeurs qui sont les premières victimes de leur dépendance au tabac. Donc, nous voulons faire en sorte que le tabac et le fait de fumer aient le moins de place possible au sein de notre société. »
Une signalétique adaptée ?
Les mineurs ne sont pas exclus des stratégies de communication de l’industrie de tabac. C’est pourquoi « il faudrait une adaptation de la signalétique relative à la protection des mineurs. Le film devrait être précédé et suivi par des messages de mise en garde ». En effet, ces méthodes sont bénéfiques pour « les non-fumeurs d’abord, mais aussi pour protéger les fumeurs. Réduire les lieux et les circonstances où il est autorisé de fumer, c’est aussi encourager les fumeurs à arrêter de fumer. Et c’est la meilleure décision qu’ils peuvent prendre. »
Pour plus d’informations sur l’étude, visitez les sites de la Fondation contre le cancer ou de Tabacstop.
85 % des adolescents francophones sont très satisfaits de leur vie !
Le 30 Déc 20
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Les chiffres parlent d’eux-mêmes ! Tous les quatre ans, l’enquête « Comportements, bien-être et santé des élèves » est menée par le SIPES auprès de nos adolescents scolarisés en FWB, versant francophone belge de l’étude internationale HBSC à laquelle participent plus de 40 pays sous le patronage du Bureau Européen de l’OMS. Les résultats de la dernière enquête sont désormais connus.
L’adolescence, moment critique qui peut influencer toute une vie, est une période où chacun se cherche et cherche sa place au sein de la société. Cette étape de transition vers l’âge adulte constitue une part importante dans le futur d’un individu, et malheureusement parfois, l’installation de mauvaises habitudes pouvant avoir un impact sur l’apparition de maladies chroniques. Un impact durant cette période est souvent conséquent pour la suite.
Depuis 1986, l’enquête produit des indicateurs utiles qui permettent une constatation de la réalité de terrain et une adaptation des politiques futures en matière de santé et de qualité de vie de nos adolescents scolarisés au sein des écoles francophones. Il s’agit d’une mine d’informations pour les acteurs de la promotion de la santé visant spécifiquement ce public.Cette période est souvent marquée par la volonté des adolescents à devenir de plus en plus indépendants vis-à-vis de leur famille.Ce qui engendre un moment de fragilité face aux changements physiques et psychosociaux.
Objectifs et modalités du test
Du point de vue international, le public est constitué d’enfants âgés de 11, 13 et 15 ans. En FWB, l’enquête s’adresse aux élèves scolarisés à partir de la 5e primaire jusqu’à la 7e secondaire. Le but est de réaliser un recensement des comportements adoptés par des adolescents en lien avec la santé, leur bien-être et leur état de santé.Les résultats permettent une analyse de l’évolution des comportements des jeunes et d’identifier, entre autres, les disparités démographiques, scolaires et sociales. Ils sont destinés aux acteurs de la promotion de la santé, tous domaines confondus, en passant par des personnes travaillant dans le milieu scolaire jusqu’au secteur de la santé.
L’un des objectifs est d’alimenter les connaissances scientifiques sur les enjeux de santé des adolescents afin d’adapter les décisions politiques et améliorer ainsi leur quotidien. L’enquête est réalisée selon une procédure standardisée, basée sur le protocole international HBSC
.Il s’agit d’une étude à grande échelle qui se base sur une représentativité des estimations.
Concrètement, les jeunes reçoivent un questionnaire auto-administré qu’ils remplissent en classe sous la simple surveillance d’un membre académique. Il n’y a donc aucune intervention extérieure dans le choix de leurs réponses. Le questionnaire reste anonyme et est placé sous enveloppe scellée une fois terminé.
Procédures
L’enquête est basée sur un échantillonnage de 1 550 élèves par tranche d’âge pour le niveau international et un échantillonnage stratifié à deux degrés : dans un premier temps, on réalise une sélection des établissements. Ensuite, des classes sont sélectionnées pour participer à l’enquête.On désigne les règles de la répartition du tirage au sort en fonction des proportions attendues dans les provinces et dans les réseaux scolaires (FWB, officiel et libre). L’objectif est d’interroger un nombre d’adolescents par province proportionnellement à la taille de la population scolaire de la province.
Le thème des questions est en relation directe avec la notion de santé ou de bien-être, dont l’alimentation, l’activité physique et la sédentarité, le sommeil, la vie relationnelle avec les enseignants, les amis, le bien-être à l’école, la qualité de vie, la confiance en soi… Une partie importante est consacrée à l’analyse de l’état de santé perçu par les enfants eux-mêmes en relation avec leur vie quotidienne.
Pour cibler au mieux les questions de la recherche, il existe trois types de questionnaires différents, destinés aux élèves en primaire, en secondaire inférieur, et en secondaire supérieur. Avec les données récoltées depuis 1986, il est possible de montrer l’évolution de certains comportements au sein de ce public.
Décryptage des mœurs de nos ados
En Belgique, en 2014, plus de la moitié des élèves en fin de primaire et en secondaire consomment au moins un légume par jour. Ce constat, qui a débuté en 2002, se confirme et se stabilise aujourd’hui. La différence tient au fait que les filles mangent davantage de légumes que les garçons, dont la consommation reste stable tout au long de la scolarité.
Avec cette étude pluridisciplinaire, une corrélation est réalisée entre les jeunes vivants avec leurs deux parents ou dans une famille recomposée. La consommation de légumes est plus importante dans le premier cas. L’analyse socioéconomique et l’orientation scolaire montrent que l’aisance matérielle est en lien direct avec la consommation de légumes, et aussi que la consommation est plus importante chez les adolescents en enseignement général qu’en professionnel.
Pour citer d’autres exemples, on peut noter que parmi les adolescents interrogés, plus de la moitié d’entre eux déclarent prendre le petit-déjeuner (56 %) et 15 % font au moins une heure d’activité sportive au quotidien. Tandis que plus d’un quart (37 %) affirment consommer des boissons sucrées quotidiennement, chiffre en augmentation en comparaison avec les précédentes années. Aussi, un individu sur quatre affirme (23 %) se restaurer dans un fastfood chaque semaine.
D’après les résultats, on peut donc démontrer que les adolescents belges francophones de la FWB consomment de manière significative 20 % de plus de légumes et de boissons sucrées quotidiennement par rapport aux autres adolescents des pays participants.
En FWB, en 2014, plus de 8 enfants sur 10 boivent de l’eau quotidiennement (83 %). Les filles en consomment davantage que les garçons, tous degrés confondus. Également, cette consommation est plus importante dans les milieux socioéconomiques plus élevés.
Nous pouvons citer que 66 % des jeunes font du sport au moins deux fois par semaine. Les garçons sont plus nombreux que les filles dans cette pratique. Le taux de participation à une activité sportive est fortement en corrélation avec le milieu socioéconomique de la famille, il est donc plus facilement observable chez les jeunes ayant une aisance matérielle importante.57 % des jeunes passent au moins deux heures quotidiennement à regarder la télévision les jours d’école. On remarque que cette proportion a augmenté entre 2010 et 2014 dans l’enseignement secondaire.
Et sur internet ? Plus de la moitié des jeunes (52 %) passent au moins deux heures par jour sur la toile. Ce taux a fortement augmenté depuis 2010, il est deux fois plus important chez les jeunes en secondaire qu’en primaire (59 % contre 28 %). On constate également que les enfants issus d’une famille recomposée ou monoparentale passent plus de temps sur la toile que ceux vivant avec leurs deux parents. Suivant la même tendance, 43,8 % des jeunes passent au moins deux heures par jour à jouer à des jeux vidéo (chiffres en augmentation depuis 2002). On peut, entre autres, expliquer cela par la démocratisation de l’accès aux jeux vidéo et à internet.
Ce constat est plus important chez les familles bénéficiant d’une aisance matérielle plus grande que chez les familles moins fortunées.L’analyse du temps de sommeil montre que 60 % des individus expriment dormir moins de neuf heures par nuit pendant la semaine. Ce constat ne fait qu’augmenter durant la scolarité, et est davantage accentué chez des familles avec des parents séparés, mais aussi chez les jeunes fréquentant l’enseignement professionnel.
Les difficultés rencontrées pour dormir, plus d’une fois par semaine, ont été signalées par un jeune sur trois. Néanmoins, ce taux reste stable depuis 2010. Les filles déclarent avoir plus de difficultés que les garçons, et cela, peu importe le niveau scolaire.Par conséquent, la fatigue matinale est en hausse depuis 1994 chez tout le monde.
Sexualité et santé
Près de 7 jeunes sur 10 expriment avoir obtenu des informations sur la transmission du VIH et la presque totalité des jeunes en FWB (90,3 %) semble bien informée des risques encourus en ayant des rapports sexuels sans préservatif avec une personne porteuse du virus du sida. Environ 89 % des adolescents déclarent être « tombés amoureux » au moins une fois et presque un jeune sur deux en secondaire supérieur a déjà eu un rapport sexuel. Aussi, 95 % affirment utiliser un préservatif lors du premier rapport.
L’alcool et le tabac dans tout cela ?
L’adolescence est parfois, voire souvent, la période pendant laquelle le jeune allume sa première cigarette, c’est le cas pour environ 4 % des élèves en primaire et 30 % en secondaire. Dans ces derniers, 7,5 % fument quotidiennement et presque un jeune sur cinq a déjà testé la version électronique. 15,6 % des jeunes en primaire et de 60 % en secondaire ont déjà bu des boissons alcoolisées. De plus, presque 14 % des adolescents en secondaire consomment au moins une fois par semaine de l’alcool et 32,7 % ont déjà expérimenté le cannabis.
Cyberharcèlement et réseaux sociaux
Le cyberharcèlement désigne le fait de recevoir des informations à caractère moqueur. Par exemple, la publication de photos sans l’accord de la personne présentée en situation inappropriée. Le taux en FWB est de 4,4 %, comparable à la moyenne internationale.
Évolutions au cours du temps
Afin de comparer les résultats obtenus avec ceux des années antérieures, les proportions de chaque année sont standardisées pour l’âge, le genre et l’orientation scolaire, tout en prenant comme référence la première année d’enquête disponible.La consommation quotidienne des fruits et des légumes, de 2002 à 2014, augmente de 10 %. Entre 2006 et 2014, environ un adolescent sur trois privilégie les boissons sucrées, un constat en augmentation.
En analysant les chiffres de la consommation d’alcool, on remarque une diminution entre 1994 et 2014 d’environ 10 %. De plus, 24 % des adolescents ont déjà expérimenté l’état d’ivresse plus d’une fois au cours de leur vie. La consommation quotidienne de tabac, quant à elle, diminue et passe de 14,9 % en 1994 à 8,7 % en 2014 pour les jeunes en secondaire. On constate aussi une diminution dans le nombre de victimes de harcèlement scolaire en secondaire et une stabilisation en primaire.
Finalement, on constate une diminution de la proportion de jeunes qui « aiment beaucoup l’école ». Entre 2002 et 2014, on passe de 25,5 % à 20 % pour le primaire et de 9,3 % à 7,8 % pour le secondaire. En conséquence, une augmentation de la proportion de jeunes qui aime « assez » les primaires passe de 20,2 % à 24,4 % et les secondaires de 27,4 % à 39,1 %. On peut expliquer cela par le stress lié au travail scolaire, qui est un phénomène de plus en plus récurrent et qui constitue l’une des problématiques de notre société actuelle. C’est pourquoi, ce type d’étude est primordial afin de mettre en évidence les thématiques à travailler au sein de notre société pour les générations futures.
Pour consulter les résultats complets de l’étude, surfez sur sipes.ulb.ac.be.
Des informations détaillées concernant la méthodologie utilisée se trouvent dans une version abrégée du protocole international, accessible sur demande sur le site HBSC : www.hbsc.org/methods.
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