Articles de la catégorie : Réflexions

Des espaces de non-mixité au service de l’autodétermination ?

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Des espaces de non-mixité au service de l’autodétermination ?

La non-mixité consiste à créer des espaces de travail et/ou de parole entre personnes appartenant à un même groupe social. On retrouve cette non-mixité, par exemple, dans des corporations, dans des mouvements de minorités ethnique, de génération, de genre…

Cette pratique est utilisée par certains militants ou autoreprésentants, notamment dans les mouvements féministes, LBTG, antiracistes ou encore de personnes vivant en situation de handicap. La non-mixité fait l’objet de critiques, y compris au sein même de ces mouvements, car elle est parfois jugée comme excluante ou contre-productive et apparait de nos jours comme une option marginale.

Mixité/non mixité, une recherche d’égalité ?

Pour comprendre l’évolution de notre société en matière de mixité/non-mixité, il est intéressant de faire un détour par le monde scolaire. En effet, le temps de l’école des filles séparée de l’école des garçons nous semble révolu et la mixité s’impose aujourd’hui à nous comme une norme. C’est une réalité qui tend à se propager à l’ensemble des lieux de socialisation. La majorité des institutions, des lieux d’accueil, de formation et autres mouvements de jeunesse fonctionnent désormais en mixité de genre. Cette mixité de genre et, plus largement, la mixité sociale sont encouragées et en sont même élevées au rang de valeur.

Pourtant, la mixité dans les écoles, par exemple, est une construction récente qui s’est imposée pour répondre à des contingences matérielles avant tout. Selon Michel Fize[i], sociologue de la famille et auteur d’un ouvrage sur la mixité scolaire (2003), la mixité dans les écoles françaises est née dans les années 1960 sans réelle réflexion pédagogique préalable et dans le but de faire face à l’augmentation de la population scolaire et au manque d’infrastructures. Par la suite, dans les années 1980, des idées égalitaires sont venues renforcer l’option prise par l’enseignement public. En Belgique comme en France, la mixité a émergé dans les années 1960 pour se généraliser dans les années 1970, mais il a fallu attendre le décret « Missions » de 1997 pour voir la Communauté française en faire une obligation légale dans les écoles de son réseau.

Pour Michel Fize[ii] (2003, p274), « la mixité scolaire a échoué, puisque l’égalité des sexes n’est toujours pas assurée ». Il argumente par le fait que la mixité a une part de responsabilité dans la moindre réussite des garçons, en plus de n’avoir pas permis de réduire les stéréotypes et les discriminations sexuelles. Il faudrait, écrit-il, repenser la mixité. Pour repenser la notion de mixité, il est intéressant de l’articuler avec la notion d’égalité.

Christine Delphy[iii], sociologue et féministe (2016), dénonce que la mixité ne suffit pas toujours à rétablir l’équilibre et à assurer l’égalité. Elle considère que la mixité, si elle n’est pas accompagnée d’un réel travail de recherche d’égalité, conduit à « l’hyper sexualisation des conduites des deux sexes» et favorise les inégalités. Elle propose une alternative : instaurer une « non-mixité choisie » dans certains lieux afin de favoriser l’auto-émancipation. «La pratique de la non-mixité est tout simplement la conséquence de la théorie de l’auto-émancipation. L’auto-émancipation, c’est la lutte par les opprimés pour les opprimés. »

Les mouvements américains de lutte pour les droits civiques en sont une illustration. Dans les années 1960, après deux ans de travail mixte, le mouvement s’est ouvert uniquement aux Noirs « (…) estimant que c’était la condition pour que leur expérience de discrimination et d’humiliation puisse se dire …» (Delphy[iv] 2016).

Pour comprendre le choix de la non-mixité, il est important de se souvenir que la mixité n’est pas synonyme d’égalité, mais plus modestement un moyen d’obtenir de l’égalité. Un moyen qui, s’il n’est pas accompagné d’un réel travail de recherche d’égalité, peut se montrer contre-productif. L’introduction de la notion de « recherche d’égalité » permet de sortir d’une lecture binaire : mixité/non-mixité. Elle nous offre une grille d’analyse plus complexe avec quatre possibilités au sein d’un groupe :

  • une mixité sans égalité, au sein de laquelle on n’a pas instauré une politique d’égalité dans laquelle se développe un renforcement des rapports de force entre les sexes ;
  • une mixité émancipatrice accompagnée d’une réelle recherche d’égalité ;
  • une ségrégation, dans laquelle le groupe des dominés est mis à part ;
  • une non-mixité choisie comme outil d’auto-émancipation.

Image

Mixité/non mixité, une adaptation en fonction des objectifs

Nous avons interrogé des professionnels du secteur social à ce sujet et il est apparu comme essentiel que la question de la mixité ou de la non-mixité à l’intérieur des actions sociales est à mettre en lien avec les objectifs à atteindre.

Par exemple, s’il s’agit de sensibiliser le public à la problématique des violences faites aux femmes, il est sans doute intéressant de travailler en mixité. Mais s’il s’agit d’outiller ces femmes pour se défendre, il est intéressant d’envisager la non-mixité comme une option valide.

Irène Zeilinger[v] de l’asbl Garance témoigne : « on se sent très mal compris quand on travaille en non-mixité parce que les gens ne comprennent pas toujours l’objectif principal qui est d’outiller les femmes. Dans les groupes mixtes, les rapports de pouvoir se reproduisent malgré la meilleure volonté des hommes et des femmes. On passe alors beaucoup de temps à déconstruire les rapports de violence. Nous avons observé aussi que la prise de parole n’est pas la même ; ce sont les hommes qui parlent le plus même lorsqu’ils sont minoritaires. Enfin, c’est aussi une question de sécurité et de confiance. La majorité des femmes qui ont été victimes de violence, l’ont été par des hommes. Elles ont du mal à refaire confiance aux hommes et nous devons constater qu’il est plus facile de parler de ces sujets entre femmes. »

Audrey de Briey[vi], coordinatrice des asbl Mode d’Emploi (2016), argumente le choix de la non-mixité des formations Vie Féminine de la manière suivante : « la non-mixité permet aux femmes (…) d’acquérir plus de confiance en elles, en leurs capacités, leur potentiel, de les rendre plus sûres d’elles.»

A l’asbl Garance, lorsqu’ils organisent des groupes de self défense, Irène Zeilinger[vii] a observé « que certains hommes tentent d’impressionner les femmes laissant à celles-ci moins l’occasion de développer leur potentiel. Pour certains, il est inconcevable que les femmes assurent elles-mêmes leur sécurité.

D’autre part, on remarque qu’ils ont du mal à laisser une provocation sans réponse. Ce qui les amène à se mettre en danger plus que les femmes. »

Pour toutes ces raisons, il est intéressant de travailler en groupes non mixtes afin d’outiller chacun en fonction de sa différence.

Dans le champ du handicap, les concepts d’autodétermination tels que le « peer counseling » et l’ « empowerment » se sont répandus depuis les années 1990 ; ils regroupent des actions de formation par les pairs (appelés « pairs aidants ») et d’ « auto-représentation » dont le leitmotiv est : « Rien pour nous sans nous ! » (déclaration de Madrid[1]). Il s’agit d’accompagnements de personnes vivant avec un handicap désireuses d’augmenter leur autonomie, par des personnes vivant en situation de handicap qui ont atteint un niveau d’autonomie plus grand.

Le professeur Michel Mercier[viii] mène, depuis plus de 20 ans, avec son équipe, des recherches et des actions en faveur des personnes en situation de handicap, notamment dans le domaine de l’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS). Il connait bien les notions de « peer counseling » et d’ « empowerment » et nous en parle : « des personnes concernées par le handicap, leurs accompagnants et des chercheurs ont développé des procédures visant à orienter les champs de recherche. C’est là l’esprit du programme international d’éducation à la citoyenneté démocratique où les personnes bénéficiaires deviennent des experts et les experts, des bénéficiaires.»

Dans ses formations d’autodéfense, l’asbl Garance recourt à des formatrices en situation de handicap mental accompagnées simplement par une assistante non porteuse de handicap qui n’intervient pas dans les débats.

« En raison de son handicap, l’animatrice peut davantage communiquer pour être comprise. Le fait que l’animatrice est une femme en situation de déficience intellectuelle permet aux participantes de s’identifier à elle. Elles en sortent grandies. Le fait que le savoir soit transmis par une femme qui leur ressemble leur permet d’entrevoir de nouveaux possibles. » (H Zeilinger[ix])

L’EVRAS demande, selon nous, à être questionnée en terme de mixité et de non-mixité. A ce sujet, le Professeur Mercier met en évidence la pertinence de différentes approches : « dans le domaine de l’EVRAS, il est intéressant de travailler, d’une part, avec des groupes mixtes, puisque dans de nombreux cas, la vie relationnelle, affective et sexuelle se joue en mixité, et d’autre part, avec des groupes non-mixtes, notamment lorsqu’il s’agit d’homosexualité, afin que les personnes du même sexe puissent s’exprimer entre elles à propos de leur orientation sexuelle. En outre, même dans l’hétérosexualité, les sensibilités et les représentations sociales des hommes et des femmes sont différentes. Il est donc intéressant, dans les animations, d’alterner les moments de mixité et de non-mixité. Lorsqu’il s’agit de personnes en situation de handicap et de personnes valides, la mixité combinée à la non-mixité est également riche. La mixité répond à la nécessité d’apprendre à s’adapter l’un à l’autre dans l’hétérogénéité. Il est aussi important d’avoir des groupes non-mixtes à d’autres moments pour permettre aux participants d’exprimer leur différence avec l’autre groupe. »

En guise de conclusion

En conclusion, la mixité est largement répandue dans notre société et nous avons tenté de démontrer que dans le champ du handicap comme en matière de genre, elle n’est pas fatalement porteuse d’égalité et de possibilité d’expression pour les groupes dominés. La mixité est un moyen nécessaire, mais non suffisant pour atteindre l’égalité. Elle est un facteur essentiel d’inclusion. Elle est idéale pour reconnaitre la différence et pour permettre le « vivre ensemble » des hommes et des femmes d’une part, et des personnes vivant ou non en situation de handicap d’autre part.

Cependant, tout au long de cet article, nous avons tenté de montrer l’intérêt que peuvent avoir des moments de non-mixité au sein des actions sociales. La non-mixité est intéressante dans le champ du handicap, comme dans le travail sur le genre, parce qu’elle permet l’expression des individualités, la transposition des stratégies et le partage du vécu, dans une démarche d’autodétermination.

Pour que la mixité et la non-mixité soient émancipatrices, elles doivent être choisies en fonction des objectifs à atteindre et accompagnées d’une recherche d’égalité.Enfin, l’idéal, selon nous, dans une visée d’universalisme proportionné, est de rester ouvert et souple dans nos pratiques.



[i] Fize, M. (2003) Les pièges de la mixité scolaire (éd. 1er). Paris : Presses de la Renaissance.

[ii] Ib idem

[iii] Delphy, C. (2016). La non-mixité : une nécessité politique, Les mots sont importants.net, Récupéré sur https://lmsi.net/La-non-mixite-une-necessite

[iv] Ib idem

[v] Irène Zeilinger en entretien avec l’auteure le 17 octobre 2018

[vi] de Briey, A. (2016). L’ISP au féminin, L’Essor, (n ° 75), Bruxelles : L’Interfédé, p30

[vii] Op sit.

[viii] Michel Mercier, en entretien avec l’auteur le 19 octobre 2018

[ix] Op sit.

Contraception : où sont les hommes ?

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Contraception : où sont les hommes ?

Aujourd’hui, en Belgique, les femmes sont majoritairement en charge de la contraception. Les hommes ne partagent pas, ou très peu, cette responsabilité. La question est même rarement abordée au sein des couples, tant elle semble naturellement incomber aux femmes. Pourtant, un partage des responsabilités aurait de nombreux avantages. Quels sont alors les freins à plus d’égalité en la matière et comment les dépasser ?

Le partage des responsabilités, une question de santé et d’égalité

Selon une étude[1] récente menée en Belgique, 68% des femmes et 33% des hommes déclarent utiliser un moyen de contraception. Une femme sur deux se dit seule à décider de la contraception de son couple. On retrouve ce même déséquilibre au niveau financier : 87% des femmes payent personnellement leur contraceptif[2]. Cette responsabilité inégale se traduit aussi par une forme de travail invisibilisé[3] et naturalisé. Les femmes portent la charge mentale qu’implique ce travail souvent quotidien. C’est à elles que revient la responsabilité de la bonne utilisation de la contraception : prendre son comprimé à heure et à temps, placer correctement, et au bon moment, un nouveau patch ou un nouvel anneau, etc. Elles sont aussi contraintes de se plier à un suivi médical régulier étant donné que la majorité des contraceptions sont prescrites après consultation.

Encore une charge financière et même horaire (rendez-vous chez un·e practicien·ne, visite à la pharmacie…). Ce travail influence également la sexualité et le désir dans le couple : le travail des femmes anticipe les relations sexuelles et crée toutes les conditions pour que le désir des hommes puisse, lui, être spontané, sans qu’ils doivent se soucier de la contraception. On le voit : que ce soit techniquement, financièrement ou mentalement, la contraception est majoritairement à charge des femmes. Les hommes sont souvent absents comme s’ils n’étaient pas féconds ou concernés par les conséquences possibles d’une relation sexuelle non contraceptée : la naissance d’un enfant, devenir père.

Leur vie reproductive est pourtant plus longue que celle des femmes et, contrairement à elles, ils sont fertiles tous les jours du mois. Ce n’est d’ailleurs que depuis sa médicalisation dans les années 1960 que la contraception s’est féminisée[4]. Auparavant, le retrait était la méthode la plus utilisée en Europe. Pourtant, si les hommes « se contraceptaient », les bénéfices d’un partage équitable seraient socialement importants.

Des avantages conséquents

D’un point de vue de santé publique, une alternance contraceptive pourrait diminuer les risques liés aux effets secondaires potentiels de la contraception hormonale que les femmes sont actuellement seules à supporter : risques d’accidents thromboemboliques veineux et artériels, douleurs, céphalées, règles plus longues et plus abondantes, tensions mammaires, trouble de l’humeur, acné…

« Une contraception va peut-être convenir parfaitement à une femme et d’autres vont s’en plaindre, explique Yannick Manigart, gynécologue-obstétricien au CHU Saint-Pierre et spécialiste de la contraception féminine. Pour certaines patientes, beaucoup, rien ne convient. Et c’est un vrai problème. Je me retrouve souvent à me demander ce que je vais leur prescrire. Elles expulsent leur stérilet, elles ne peuvent pas prendre ceci, la ligature des trompes implique un risque… S’il existait une alternative pour les hommes, ce serait bien ! »

Une prise en charge masculine représenterait aussi une possibilité supplémentaire de réduire le nombre de grossesses non désirées et d’avortements. La moitié des femmes souhaitant avorter utilisaient en effet une contraception[5], ce qui démontre l’ampleur des échecs contraceptifs, dus à une mauvaise utilisation ou au pourcentage d’échec de la méthode utilisée.

Enfin, en étant « contraceptés », les hommes pourraient contrôler plus efficacement leur propre fertilité et choisir plus concrètement et de manière responsable le moment de devenir père. Par ailleurs, de nombreux couples souhaiteraient partager plus équitablement la contraception. 39% des hommes se disent prêts à utiliser une contraception masculine et 51% des femmes y sont favorables[6]. Si les avantages d’une responsabilité partagée sont nombreux, si une volonté des couples se dessine, quelles sont alors les raisons de ce déséquilibre systématique ?

Etat des lieux

Une première raison régulièrement invoquée est le manque de moyens contraceptifs masculins. En Belgique, n’existent que le préservatif externe et la vasectomie, considérée le plus souvent comme une contraception définitive. En France, deux autres contraceptions[7] sont disponibles : une contraception hormonale par injection, validée par l’Organisation Mondiale de la Santé, et une contraception thermique qui prend la forme d’un slip permettant d’augmenter la température des testicules et, ce faisant, de suspendre la production de spermatozoïdes. L’utilisation de ces méthodes est loin d’être généralisée. Le préservatif est rapidement abandonné par les couples qui entrent dans une relation stable[8]. La vasectomie connait une progression intéressante en Belgique (10.000 hommes ont été vasectomisés en 2017 contre 8000 en 2007, dont une large majorité en Flandre[9]) mais timide en regard des pays anglo-saxons. Les méthodes alternatives utilisées en France le sont de manière encore très marginale.

Régulièrement, on voit poindre dans la presse des titres accrocheurs affirmant l’arrivée imminente d’une pilule contraceptive pour hommes… qui n’arrive jamais. Une piste qui ne serait toutefois pas une solution-miracle vu le nombre d’échecs contraceptifs dus à une mauvaise utilisation déjà constatée pour la pilule pour femmes. Daniel Murillo, gynécologue et andrologue au CHU Saint-Pierre, spécialiste de la fertilité, attend quant à lui beaucoup du Vasalgel, un gel injecté dans les canaux déférents et qui, tel un bouchon, bloque les spermatozoïdes. Il peut ensuite être dissous grâce à une deuxième injection, sans que la fonction des testicules ne soit altérée. Mais cette méthode ne sera sans doute pas disponible avant minimum cinq ans.

« Ça n’intéresse pas les investisseurs. La Fondation Parsemus, qui développe le Vasalgel, est une fondation sans but lucratif. La Big pharma n’est pas intéressée car ce n’est pas rentable du tout. On va faire deux injections et le patient est parti pour des années ! Ce qu’elle préfère, c’est vendre des pilules car c’est rentable. On est donc obligé de passer par des associations non gouvernementales dont la capacité financière est évidemment réduite. Ça prend beaucoup plus de temps pour obtenir des fonds et développer les études ».

Freins techniques et professionnels

Au désintérêt de l’industrie pharmaceutique, s’ajoutent celui de la médecine et des pouvoirs publics, le doute quant à la volonté des hommes d’utiliser une contraception… et donc le manque de moyens alloués aux études sur la fécondité masculine[10]. Ces budgets ont toujours été très limités. Les contraintes et les effets secondaires potentiels sont aussi cités pour expliquer l’échec de la diffusion des contraceptions masculines hormonales et thermiques.

Une étude commanditée par l’OMS justifie ainsi la décision de ne pas mettre sur le marché un nouveau contraceptif masculin hormonal en raison d’effets secondaires subis par vingt hommes… sur 320[11]. Les effets secondaires cités sont pourtant comparables à ceux subis par les femmes, ce qui pose par ailleurs la question de la hiérarchisation sexuée de la santé, à court ou long terme[12].

Un autre facteur conséquent qui freine l’utilisation de la contraception masculine est à trouver du côté des conseils dispensés par les professionnel·le·s de la santé. Une recherche[13] comparative entre les prescripteurs français et anglais est à cet égard très explicite. En France, 15% des femmes entre 15 et 49 ans déclarent bénéficier de méthodes considérées comme masculines (préservatifs, vasectomie et retrait) tandis que, au Royaume-Uni, elles sont 54%. Pourquoi une telle différence ? Cette étude démontre que les recommandations contraceptives diffèrent fortement en fonction du contexte national : mode de rétribution des praticien·ne·s, historique légal des méthodes, encadrement des formations, des pratiques et de l’information donnée à la patientèle… ainsi que la représentation genrée de la contraception qui influence l’ensemble des médecins, tant français·e·s qu’anglais·e·s. Iels[14] partagent en effet la vision d’une responsabilité majoritairement féminine, avec toutefois des tendances très différentes. Les Français·e·s présentent une perception plus naturalisante (les femmes seraient naturellement plus concernées que les hommes), tandis que les Britanniques abordent généralement le sujet comme une question de société et d’éducation, avec une possibilité d’évolution.

Proposer une contraception masculine n’est pas non plus une évidence en Belgique. « Ce n’est pas facile, même pour moi, concède Yannick Manigart. Souvent, le partenaire n’est pas présent. C’est clair que je propose une vasectomie quand on se trouve dans un cul de sac au niveau des possibilités. (…) Là, ça vient tout de suite à l’idée. Mais j’avoue sans problème que je n’y pense pas facilement non plus. Parfois ça dépend des patientes. Si on est en ligature, je propose directement la vasectomie. Maintenant, si on n’est pas dans ce cas-là, que la patiente n’en parle pas, c’est vrai que je ne vais pas dire systématiquement ʺEt votre mari ?ʺ. Et pourtant, je pourrais, à partir de 40 ans ».

Du côté des centres de planning familial, malgré la production de quelques analyses et d’une campagne en 2017 mettant en avant la responsabilité partagée, le sujet semble également peu abordé.Image

Les rôles de genre en cause

A la vue de ces éléments rapidement brossés, l’argument de l’évidence de la contraception féminine s’étiole. Pour la sociologue Cécile Ventola, «l’usage de la contraception est une pratique sociale, influencée par les rapports sociaux, notamment de sexe, dans lesquels les individu·e·s se situent, et par leur socialisation en matière de sexualité et de contraception »[15].

Pour de nombreux·ses chercheur·e·s, le déséquilibre contraceptif trouve en effet son origine dans les représentations des rapports sociaux de genre, c’est-à-dire les rôles spécifiques attribués aux femmes et aux hommes, des constructions sociales qui dessinent la masculinité et la féminité, variables dans le temps et l’espace.

La division sexuelle du travail[16] en est un enjeu essentiel : les tâches sont séparées selon le genre et hiérarchisées, celles dites masculines étant davantage valorisées. La contraception médicale est ainsi socialement liée à la sphère reproductive elle-même attachée aux femmes. Ces principes de séparation et de hiérarchie étant bien ancrés, il est plus facile de comprendre pourquoi il s’agit pour les hommes, en matière de contraception aussi, de se différencier à tout prix des femmes, afin d’affirmer une identité sociale masculine.

La socialisation genrée est un outil puissant pour construire ces identités. La famille, l’école, les pairs, les médias… autant d’agents de socialisation qui peuvent influencer les individu·e·s dans leur adoption des rôles de genre, en matière de sexualité, de contraception et dans tout autre domaine. C’est ainsi que l’on rencontre régulièrement l’argument de l’homme irresponsable[17], ne pouvant pas être enceint, auquel la femme ne pourrait faire confiance, quand on évoque la contraception masculine. Une vision naturalisante qui freine les avancées vers plus d’égalité, infantilise et dédouane les hommes de leurs responsabilités, et pèse au final sur les femmes. Ces constructions sociales doivent donc évoluer vers d’autres modèles pour que les hommes se sentent soucieux et responsables de leur fertilité[18].

Par ailleurs, l’une des résistances principales à la contraception masculine se trouverait dans la symbolique du lieu-même de son action: le phallus, symbole suprême de la virilité. Daniel Murillo pointe ce facteur pour expliquer le refus de la vasectomie. « Il faut démystifier le concept. Parce qu’on se fait vasectomiser, on devient un eunuque et on se fait châtrer. Le grand fantasme des hommes, c’est qu’on est châtré comme un chat. Un fantasme très présent en Belgique. (…) Tout est encore un concept par rapport à la masculinité, la virilité ». Perte d’érection, de libido, peur de devenir un sous-homme… les craintes imaginaires sont encore bien ancrées et liées à une certaine vision de la masculinité[19].

Des hommes en action

Si la majorité des hommes ne s’implique pas en matière de contraception, il existe pourtant diverses actions possibles : se renseigner sur l’offre contraceptive et s’impliquer dans la décision, participer équitablement aux frais, se rendre à la pharmacie, partager la charge mentale du rappel de la prise de pilule, questionner la pénétration comme condition obligatoire d’un rapport sexuel…

Certains hommes vont plus loin : ils ont décidé de « se contracepter » et de militer en faveur de la contraception masculine. C’est le cas, en France, de l’association ARDECOM[20] qui, dans les années 1980, a développé les contraceptifs hormonaux et thermiques pour hommes. A nouveau active, elle travaille aux côtés des centres de planning familial. C’est le cas aussi du collectif breton Thomas Bouloù[21] qui organise des ateliers et soirées d’information, et collabore également avec les professionnel·le·s de la promotion de la santé.

Une menace pour les femmes ?

Une majorité de femmes semble désormais favorable au partage de la contraception mais certaines restent réticentes. Il faut rappeler que la contraception médicale, et en particulier la pilule, est considérée comme une victoire fondamentale pour les femmes. Certaines craignent donc que cette liberté leur échappe avec la contraception masculine. Le risque est en effet que certains hommes, forts des rapports de pouvoir en leur faveur, instrumentalisent l’égalité contraceptive pour contrôler la contraception des femmes, leur imposer une grossesse et limiter leur droit à disposer de leur corps[22].

Là encore, il apparaît primordial de déconstruire les rapports sociaux de genre qui subordonnent les unes aux autres. Les mêmes rapports qui assignent solidement les femmes à la responsabilité contraceptive et plombent l’utilisation et le développement de la contraception masculine. Ces rôles de genre ne sont toutefois pas immuables puisqu’ils sont construits. Les domaines d’action sont nombreux et les professionnel.le.s de la santé y ont un rôle à jouer. L’éducation des plus jeunes, via notamment une éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle (EVRAS) homogénéisée, obligatoire et égalitaire, est essentielle pour amorcer une prise de conscience, connaître son corps, déconstruire les stéréotypes de genre et faire émerger de nouveaux modèles de responsabilités.

Les adultes aussi doivent être éduqué·e·s et s’éduquer. La formation des professionnel·le·s de la santé doit s’enrichir en matière de contraception pour suivre ces mêmes objectifs. Les pouvoirs publics doivent également soutenir ces programmes ainsi que les initiatives de la société civile. La gratuité de la contraception doit enfin être organisée pour bénéficier au plus grand nombre. Assumer chacun·e ses responsabilités et sa fertilité, alterner la charge contraceptive, partager les risques et le plaisir, ne pourra être envisagé qu’en provoquant une transformation radicale de nos scénarios culturels.


[1] Enquête « Contraception 2017 », Solidaris, 2017.

[2] Campagne Fifty-fity, FCPF-FPS, 2017.

[3] Thomé Cécile, Jouir sans entraves ? Analyse des effets sur la sexualité de la féminisation de la contraception, Bruxelles, Observatoire du Sida et des Sexualités, 27 février 2018.

[4] Le Guen Mireille et al., « Cinquante ans de contraception légale en France : diffusion, médicalisation, féminisation », dans Population et Sociétés, n°549, 2017.

[5] Braun Frédou, Dépasser le pour/contre : l’avortement vu autrement, Louvain-la-Neuve, Centre d’Education et de Formation en Alternance, 2012.

[6] Enquête « Contraception 2017 », Solidaris, 2017.

[8] Thomé Cécile, « D’un objet d’hommes à une responsabilité de femmes. Entre sexualité, santé et genre, analyser la métamorphose du préservatif masculin », dans Sociétés contemporaines, n°104, 2016, 4, pp. 67-94.

[9] INAMI, 2018.

[10] Spencer Brenda, « La contraception pour les hommes – une cause perdue ? », dans Andrologie, n°22, 2012, 3, pp. 205-210.

[11] Cannone Robin, Contraception hormonale masculine : des résultats prometteurs, Le Figaro, novembre 2016.

[12] Picarat Marine et Mieusset Roger, « La contraception masculine, méthodes nouvelles et résistances », dans Chronique féministe, n° 114, 2014, 2, pp. 55-59.

[13] Ventola Cécile, « Le genre de la contraception : représentations et pratiques des prescripteurs en France et en Angleterre », dans Cahiers du Genre, n°60, 2016, 1, pp. 101-122.

[14] Combinaison de « il » et « elle ».

[15] Ibid, p. 103.

[16] Kergoat Danièle, « Division sexuelle au travail et rapports sociaux de sexe », dans Dictionnaire critique du féminisme, Hirata Helena, Laborie Françoise, Le Doaré Hélène, Senotier Danièle, Paris, PUF, 2000, pp. 35-44.

[17] Spencer Brenda, « La femme sans sexualité et l’homme irresponsable », dans Actes de la recherche en sciences sociales, vol. 128, 1999, pp. 29-33.

[18] Oudshoorn Nelly, « Technologies de la reproduction et identités des usagers : une co-construction. Le cas de la pilule masculine », dans Reproduire le genre, Dorlin Elsa et Fassin Eric (dir.), Paris, Bibliothèque publique d’information Centre Pompidou, 2010, pp. 35-45.

[19] Kalampalikis Nikos et Buschini Fabrice, « La contraception masculine médicalisée : enjeux psychosociaux et craintes imaginaires », dans Nouvelle revue de psychologie, 2007, 4, pp.89-104.

[20] Lien vers le site web de l’assoc’ https://www.contraceptionmasculine.fr/

[21] Idem : www Ils n’ont pas de site web ni de page facebook. Mais un e-mail : thomasboulouetcie@riseup.net

[22] Andro Armelle et Desgree Du Loû Annabel, « La place des hommes dans la santé sexuelle et reproductive : enjeux et difficultés », dans Autrepart, n°52, 2009, 4, pp. 3-12.

Trois journées à Toulouse pour nourrir l’action en vue de réduire les inégalités sociales de santé

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Trois journées à Toulouse pour nourrir l’action en vue de réduire les inégalités sociales de santé

Les 23, 24 et 25 mai derniers, un colloque organisé par l’IFERISSNote bas de page en collaboration avec l’Association des épidémiologistes de langue française (Adelf), l’Association française de droit de la santé (AFDS) et la Société française de santé publique (SFSP) s’est tenu à Toulouse, sous l’intitulé Santé : équité ou égalité ? Définir, mesurer, agir. Cet article propose de revenir sur quelques thématiques fortes mises en exergue lors de ces trois journéesNote bas de page, à travers le point de vue d’un acteur belge de promotion de la santé.Quelque 120 participants, chercheurs mais aussi praticiens et professionnels de la santé publique, ont pris place dans les salles de l’Hôtel-Dieu Saint Jacques, lieu chargé d’histoire qui se dresse sur la rive gauche de la Garonne. Le colloque avait pour but de faire le point sur les travaux et les perspectives de recherche développés dans les pays francophones sur les questions d’inégalités sociales et territoriales de santé. Le comité organisateur avait pour ambition d’aller au-delà des constats pour investiguer les solutions possibles à différents niveaux. Organisés à travers une logique interdisciplinaire, ces trois jours ont surtout été intéressants par le récit d’expériences de terrain (recherches et interventions) et la mise en perspective d’enjeux sous-jacents à la question centrale.

Soins

Même si les inégalités sociales de santé se construisent essentiellement à partir de déterminants non-médicaux, le soin aura eu la part belle lors de ces échanges toulousains. Nombreux orateurs ont mis en avant les inégalités présentes dans ce domaine qui, comme nous le rappelait Pierre ChauvinNote bas de page à travers l’exemple de la prise en charge du cancer, ne se résument pas à des disparités d’accès à l’offre curative. Elles s’inscrivent tout au long du parcours de soins et sont déterminées par de nombreux facteurs sociaux et culturels. Délai de diagnostic, dispositif d’annonce de la maladie, qualité de la relation thérapeutique, traitements proposés, accès à l’innovation médicale, proposition de soins de support… : les pratiques médicales se révèlent fortement inégalitaires et corrélées au milieu social du patient. Pour réduire ces inégalités, l’universalisme proportionné est requis. Il ne s’agit pas de soigner tout le monde de la même manière mais d’adapter l’offre et les pratiques en fonction des réalités et besoins de chacun. L’appel à des médiateurs pairs ou à des navigateurs de soins, la mise en réseau d’acteurs de champs ou de territoires différents auront été des pistes de solution évoquées lors des débats.

Intersectorialité

Une des conférences marquantes a été celle portant sur l’intersectorialité de Marina HontaNote bas de page. La sociologue de l’action publique a souligné d’emblée que l’organisation politique et les choix posés en France n’invitent guère à l’adoption d’une grammaire partenariale et horizontale indispensable pour réduire les inégalités sociales de santé. Il existe un véritable enjeu de diffusion des avancées scientifiques qui portent sur le décryptage de ces inégalités (leur caractère systémique et transversal, en l’occurrence). Cependant, le travail d’acculturation du politique dans ce domaine est particulièrement difficile. Les politiques s’engagent sur des voies qui se révèlent peu efficaces pour atteindre plus d’équité. Tout d’abord, il y a la prédominance des stratégies de moralisation des comportements ; avec de nombreux acteurs politiques qui ignorent les mécanismes sociaux à l’origine des usages différenciés du corps et de la prise en compte ou non des injonctions relatives à la santé. Du côté des financements, l’heure est à la mise en concurrence des acteurs (au moyen d’appels à projets) ainsi qu’à des budgets octroyés à court-terme et peu stables. Enfin, le pouvoir politique et les administrations sont organisés pour défendre des intérêts sectoriels et se montrent très réticents à fondre leurs actions par peur de perdre de la visibilité. Il faudra sans doute encore du temps pour que les politiques sortent de leur pré-carré et coordonnent leurs efforts. Pour les acteurs de promotion de la santé, il est plus que jamais utile d’endosser ce rôle d’entrepreneur de cause et de plaider un changement de vision. Les projets d’évaluation d’impact en santéNote bas de page qui ont fait l’objet de communications lors de ce colloque pourraient constituer un levier pour fédérer autour d’objectifs de santé et d’équité une diversité d’intervenants politiques ou autres provenant de différents domaines et disciplines.

Territoires

Les inégalités de santé se structurent sous le prisme du territoire, autre thème largement discuté lors du colloqueNote bas de page. De nombreuses études géographiques ont montré les profondes disparités apparaissant sur le plan social et de la santé entre différentes zones territoriales. Une approche par territoire semble donc pertinente pour réduire les inégalités sociales de santé. Dans cette perspective, les cartes montrant les ségrégations socio-spatiales se révèlent utiles pour prioriser et échafauder des actions.Cependant, deux éléments sont à prendre en compte quand ces supports sont utilisés. Premièrement le fait, qu’on ne cerne pas à travers elles les micro-fractures qui existent au sein d’un même territoire (souvent fruit d’un découpage administratif) : il peut y avoir des mini-déserts médicaux dans des régions pourvues sur le plan de l’offre socio-sanitaire ou des poches de pauvreté au sein de quartiers réputés favorisés économiquement. Deuxièmement, les cartes constituent généralement des référentiels domo-centrés c’est-à-dire qu’elles se focalisent sur la résidence et ne prennent pas en compte la mobilité quotidienne des personnes. En effet, une personne habitant dans un quartier peu doté en ressources socio-médicales pourrait fréquenter un quartier voisin bénéficiant d’offres multiples. Il est dès lors intéressant d’adopter une vision non-statique des territoires. Questionner les représentations spatiales et la pratique des territoires des habitants permettra d’établir des diagnostics plus fins et d’agir de manière plus adaptée sur les déterminants de santé.

Big data

L’organisateur a eu l’excellente idée de mettre les nouvelles technologies de l’information au menu du colloque. Mis en regard du thème de l’équité en santé, elles constituent un creuset de réflexions qu’il serait judicieux d’investir plus intensément en Belgique. Les données massives (big data) résultent du potentiel technologique numérique actuel (calculateurs hyperpuissants et objets connectés) qui permet d’amonceler rapidement une grande quantité de données et de les traiter. Dans le champ de la santé publique, elles constituent une opportunité pour mieux comprendre les comportements et les facteurs influençant l’état de santé et ouvrent, grâce à des algorithmes décisionnels et en s’appuyant sur une forme de solidarité numérique, des possibilités de prédiction et de gestion de la santé (moyens d’anticiper la santé). Mais, est-ce que ce développement technologique va contribuer à réduire les inégalités en matière de santé ? Paul-Loup Weil-DulucNote bas de page est plutôt sceptique sur la question. Ces technologies permettraient, au mieux, de réparer quelques défauts de l’organisation sociale mais ne remettraient certainement pas en cause les injustices. Pire, l’e-santé rendrait les inégalités sociales acceptables dans le sens où elle aurait vocation à transférer la responsabilité de la santé du collectif vers l’individuNote bas de page. Les applications d’auto-quantification qui recueillent les données biologiques personnelles en vue de guider un comportement l’illustrent bien (ex : pisteur d’activité physique, de sommeil, tensiomètre, glucomètre…). Avec l’hégémonie de ces outils, on peut certes s’attendre à une réduction de l’hétérogénéité des modes de vie mais ils ne vont pas à eux seuls accroître fondamentalement les capacités des personnes les plus fragiles à se conformer aux attitudes saines.

Conclusion

Dans des sociétés prospères et bénéficiant de systèmes de santé hautement performants comme la France ou la Belgique, la lutte contre les inégalités sociales de santé devrait être placée au rang de priorité absolue. Traversant l’ensemble du corps social, elles interrogent notre responsabilité collective et notre capacité à agir sur des causes fondamentales qui dépassent largement l’univers du soin et de la prévention des maladies. C’est donc à l’ensemble des politiques publiques de se penser comme acteur de santé et de justice sociale. Pour les praticiens de la promotion de la santé qui développent déjà des interventions complexes en vue de réduire ces inégalités, l’enjeu actuel est de contribuer à essaimer des données prometteuses ou probantes en mettant en avant la manière dont leurs propres pratiques fonctionnent et en décrivant le contexte spécifique dans lequel elles s’inscrivent. Présenté lors du colloque, l’ouvrage collectif édité aux Presses universitaires du Midi, Réduire les inégalités sociales de santé : Une approche interdisciplinaire de l’évaluationNote bas de page peut être déclencheur d’une réflexion sur l’évaluation et la transférabilitéNote bas de page des interventions.Ce colloque extrêmement dense a bien mis en évidence certains champs explorés actuellement par la recherche dans le domaine. Il ouvre la voie à de nouvelles actions à mener et encourage l’utilisation des connaissances issues de la recherche dans le travail quotidien des opérateurs. Néanmoins, on pourra regretter des communications trop centrées sur le soin, la faible représentation des acteurs de promotion de la santé au programme et dans les rangées des auditoires, ainsi que l’absence de véritable discussion sur l’intitulé de la rencontre. Une nouvelle édition s’impose donc pour creuser notamment le sujet du meilleur modèle stratégique à adopter pour réduire les inégalités sociales de santé : équité ou égalité ?

Institut Fédératif d’Études et de Recherches Interdisciplinaires Santé Société.

Vous pouvez retrouver les diaporamas des communications orales sur le site de l’événement : https://www.iferiss.org/index.php/fr/colloques/communications-orales-colloque-2018#session4.

Pierre Chauvin est directeur de recherche à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Pour en connaître plus sur le travail de recherche exposé, veuillez consulter le rapport de l’ARS Ile-de-France Les inégalités sociales en soins de cancérologie : comprendre pour adapter les pratiques https://www.iplesp.upmc.fr/eres/files/Plaidoyer_ISS_cancer_ARS_vfinale.pdf

Professeure des universités au Centre Emile-Durkheim

Ensemble de procédures, méthodes et outils qui vise à évaluer les effets positifs et négatifs potentiels d’un projet, d’un programme ou d’une politique sur la santé, ainsi que la distribution de ces effets au sein de la population.

Notamment les interventions de Yan Kestens (Université de Montréal) et de Julie Vallée (CNRS).

Chercheur en éthique auprès d’Espace éthique.

Sans parler (dans le pire des cas), de la question de l’utilisation de ces données par le pouvoir public ou des organismes assureurs pour faire le tri entre des personnes diagnostiquées à risque et coûtant cher à la société, et les autres.

Nadine Haschar-Noé et Thierry Lang (dir.), Réduire les inégalités sociales de santé : Une approche interdisciplinaire de l’évaluation, Toulouse, PUM, 2017, 522p.

Reproduction non seulement de la mise en œuvre d’une intervention mais aussi de ses résultats dans un nouveau contexte.

Et si on repensait notre système de soin ? Une vision positive…

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Et si on repensait notre système de soin ? Une vision positive…

En juin dernier, les Mutualités chrétiennes ont organisé un Symposium sur la « santé positive », un concept qui nous arrive tout droit des Pays-Bas. En réaction à ce modèle, le Pr. Jean MacqNote bas de page nous propose une analyse des menaces et des opportunités au regard de l’organisation de notre système de soins de santé. Suite à son intervention lors du Symposium, Education Santé l’a rencontré et revient avec lui sur les projections. Mais de quoi parle-t-on avec la « santé positive » ? En tant qu’acteurs en promotion de la santé, la première réaction serait de dire « rien de nouveau sous les tropiques ». La définition de la santé de manière positive et non plus comme l’absence de maladie remonte officiellement à 1946. Pourtant, le nouveau concept de la « santé positive », élaboré par le Dr. Machteld HuberNote bas de page (2011), revoit la définition de l’OMS et met en avant la résilience et le caractère dynamique de la santé, en la définissant comme la capacité à s’adapter et se gérer face aux défis sociaux, philosophiques et émotionnels. Suite à cette définition, la santé a été modélisée en forme de « toile d’araignée » plaçant l’individu au centre et identifiant 6 dimensions constituantes de la santé (les fonctions physiques, le bien-être mental, le fonctionnement quotidien, le sens, la participation et la qualité de vie). Chacun est invité à évaluer son niveau de santé « positive », qui apparait visuellement comme une « surface de santé » indicatrice pour guider ses propres actions vers une meilleure santé (et donc augmenter sa surface de santé).Au regard de ce concept de « santé positive » tel que présenté par le Dr. Huber, le Pr. Jean Macq identifie deux scénarios au niveau du fonctionnement communautaire : une menace mais aussi une opportunité à saisir pour penser différemment notre système de soins de santé en Belgique. Il nous explique les deux manières d’appréhender ce concept.

La menace : un plongeon dans l’économie du « wellness »

Si on déroule le scénario « du pire », cela se passe ainsi : une personne identifie son niveau de santé positive (via la toile d’araignée). En fonction de son résultat et pour améliorer celui-ci, elle contacte un coach (éventuellement payant) et s’inscrit à des formations « bien-être » (payantes), des cours de cuisines (payants), prend un abonnement à une salle de fitness (payant)… Pour aller plus loin dans cette dynamique, la personne achète un logement dans un quartier « exclusif » (et très cher) dans lequel tous ces services sont proposés. Et ainsi de suite.Dans ce scénario, la responsabilité de la santé revient à la personne. Il est en effet convenu que c’est elle qui doit se prendre en charge (identifier ses faiblesses et identifier ce qu’il faut faire pour son bien-être). Cela nous renvoie aux nouvelles tendances de « coaching positif », « discipline positive »… qui constituent le nouveau marché du « wellnessNote bas de page ». Ce marché vend la recette « santé-bonheur » et customise toute une série d’activités que doit faire l’individu pour se sentir mieux. L’individu est ici consommateur de services « bien-être », et le système entretient et creuse les inégalités.« Tout ceci n’est pas un concept théorique. Cette tendance existe déjà et tend à s’amplifier dans nos sociétés », insiste le Pr. Jean Macq. « C’est le piège dans lequel il ne faut pas tomber avec le concept de « santé positive » ».

L’opportunité : une vision positive de la santé

A contrario, le Pr. Jean Macq perçoit aussi dans la mise en avant de ce concept par les Mutualités chrétiennes l’occasion de remettre en lumière une vision positive de la santé, vision dans laquelle la santé est comprise comme une ressource, un moteur de développement individuel et communautaire. Cette fois-ci, cette vision de la santé « à valence positiveNote bas de page » ne cherche pas à se distancier mais rejoint celle de l’OMS. A l’inverse du premier scénario, elle souligne le rôle du « vivre ensemble », de la communauté et de l’environnement social qui participent à la « bonne santé ». Les déterminants de santé dits « structurels » (au niveau sociétal) ne sont pas omis. Mais l’échelle et le processus inhérent que nous étayerons ci-dessous s’inscrivent davantage et en premier lieu au niveau communautaire.Le constat de départ est le suivant : tout citoyen s’inscrit dans un environnement social composé de différentes structures sociales (associations de quartier, crèches, écoles, le secteur de la santé mentale, les institutions du secteur social, la première ligne de soins généralistes…). Ensemble et au même titre que tout individu, elles forment le maillage social d’une personne.Il y a là une opportunité à saisir, nous explique le Pr. Jean Macq, de lier la santé perçue de manière positive à la santé communautaire et à une logique de soins de santé. Dans ce scénario, les citoyens et les structures de proximité promeuvent une approche positive de la santé et proposent des dynamiques communautaires à même de renforcer des dynamiques de santé communautaire. Les dynamiques de participation au niveau communautaire et la santé des individus se renforcent mutuellement. Notons que tout ceci n’est pas possible si on ne se trouve pas dans un contexte qui permette à cette dynamique communautaire de se développer, une action sur les déterminants structurels est donc intrinsèque et à développer en parallèle.Le domaine du Pr. Jean Macq étant l’analyse des systèmes et de l’organisation des soins de santé, nous approfondissons avec lui cet angle de vision. Car cette approche positive de la santé (la santé comme moteur de développement individuel et communautaire) amène à repenser le fonctionnement de notre système en plaçant les services de santé de première ligne au centre de la communauté, intégrés à celle-ci.

Un système de soins intégré et solidaire en renforcement du « maillage » local

Si on se trouve dans la logique « la santé est une responsabilité individuelle » (avec les travers du marché du wellness en conséquence), les soins de santé ont pour unique mission de s’occuper de la maladie. Toute la place est laissée aux hôpitaux, éléments centraux du système. « Il est alors demandé à d’autres de s’occuper de la santé positive et de construire les capacités des personnes. On pourrait tomber dans l’idée qu’il faudrait moins de soins de santé (et alors moins de financements) et davantage de place pour des services commerciaux. Dans l’autre logique par contre, les soins de santé ne sont pas là uniquement pour traiter la maladie. Ils sont dans une double logique : toujours s’occuper de la maladie mais également renforcer les capacités individuelles dans un contexte social donné. C’est là un de leur challenge principal. Pour y répondre, il est nécessaire d’avoir dans ces systèmes de soins des personnes qui puissent faire le lien entre leurs connaissances du contexte de la personne et son besoin de santé, mais qui puissent également aller vers les personnes qui ne se rendent pas dans les services de santé. » (Pr. Jean Macq)

De proximité et intégré dans la communauté

Ces structures de santé ont pour première caractéristique d’être intégrées à la communauté et de développer des activités avec elle. Les maisons médicales sont des exemples intéressants à ce propos. La première ligne généraliste joue un rôle capital, les soins de santé primaire ont une fonction de coordination du réseau de soins, tant au sein de la collectivité qu’avec des partenaires extérieurs (tels que les hôpitaux, par exemple).La proximité en est un facteur essentiel car cela permet aux prestataires de ne pas seulement diagnostiquer la maladie et donner le traitement médicamenteux adéquat mais de comprendre le contexte de vie des gens, de pouvoir conseiller et réorienter les personnes. Autrement dit, de rentrer dans une démarche d’ « asset-based health » (la santé centrée sur le renforcement des ressources des individus et de la communauté). « Pour les personnes qui se trouvent dans une situation ‘négative’ de santé, dans un contexte de vie difficile…, le prestataire peut les accompagner pour qu’ils prennent conscience et utilisent leurs ressources propres. Ce processus est bénéfique en soi et les renforce. Mais sans changements dans notre société et sans une aide, ce n’est pas possible pour de nombreuses personnes. »

Des équipes interdisciplinaires de petite taille

Que ce soit au sein d’une même structure ou non, ce mode de fonctionnement fait nécessairement appel à des équipes qui travaillent de manière interdisciplinaire. Pour fonctionner de manière optimale dans cette logique, il s’agit de trouver l’équilibre entre le professionnel de santé isolé et de trop grosses équipes, trop élargies. « Pour reprendre l’exemple des maisons médicales, c’est une dérive que l’on peut constater dans certaines qui se sont considérablement agrandies. Elles restent dans la philosophie des maisons médicales mais l’organisation se structure de plus en plus de manière à ce que la dimension de proximité se perde, et le partage et les échanges au sein de l’équipe s’amenuisent. J’identifie également ce risque au niveau des mutuelles aujourd’hui. Pour s’inscrire dans une logique de santé positive, il est nécessaire de retourner au plus près des gens pour être des moteurs de dynamique sociale et un acteur intégré dans le maillage social d’une communauté. »

Une approche en fonction des bassins de vie

Au niveau du territoire couvert, le maillage social est à réfléchir en regard des bassins de vie des individus et communautés. Délimiter l’espace de cette manière a bien plus de sens en termes de proximité qu’une délimitation du territoire au moyen de règles administratives. Enfin, parmi les autres facteurs nécessaires pour la mise en place de ce système, le Pr. Jean Macq ajoute que cela nécessite un autre type de financement qui permette aux acteurs de travailler ensemble, ainsi que de développer davantage des connaissances sur les systèmes et moins les centrer sur des actions isolées comme c’est souvent le cas aujourd’hui.

Des possibilités qui existent déjà, d’autres à implanter, une tendance à généraliser

Plusieurs projets vont déjà dans ce sens en Belgique, « il ne s’agit pas de réinventer la roue mais de renforcer ces structures et de repenser globalement notre système et notre approche». Outre l’exemple des maisons médicales, le Pr. Jean Macq cite les approches de quartier dont on parle de plus en plus à Bruxelles telles que le travail communautaire réalisé par l’asbl Forest Quartiers SantéNote bas de page. Toutes les structures ne font pas nécessairement partie du système de santé tel qu’on le comprend en général, comme par exemple des crèches parentales qui mettent l’accent sur la solidarité entre parents.L’occasion aussi de mettre en avant d’autres logiques de soins telles que la prescription sociale qui n’est pas encore étendue/reconnue en Belgique. Les prestataires sont amenés à prescrire non pas des médicaments mais des activités – remboursées par la sécurité sociale – qui permettent à la personne d’améliorer son bien-être. Ces activités tendent essentiellement à réunir les gens pour permettre à chacun de « se reconstruire » dans une logique de réciprocité.

Une (re)mise au goût du jour qui tombe à pic

Selon le Pr. Jean Macq, parler de la santé positive (entendue donc comme vision positive de la santé) pour nous aider à repenser notre système de soins de santé tombe à point nommé aujourd’hui. Non seulement, il nous faut répondre à des enjeux de société actuels tels que ceux liés aux changements démographiques (vieillissement de la population) et épidémiologiques (place des maladies chroniques et des soins de longue durée). Mais d’autres occasions nous permettent de nous saisir de cette opportunité. « La logique actuelle est de dire « les soins de santé coûtent trop cher, il faut réformer »…et plusieurs réformes-clés se jouent actuellement en Belgique :

  • Les soins de santé de première ligne sont en pleine mutation avec les nouvelles compétences données aux régions et communautés, etc. « C’est le moment de définir clairement ce qu’on entend par « renforcer la première ligne de soins », expression qu’on entend régulièrement sans vraiment savoir ce que l’on met derrière. »
  • La réforme du financement des hôpitaux se joue actuellement avec la mise en avant des réseaux hospitaliers et la diminution des soins « intra-muros ».
  • Un système de payement en révision avec la place du payement forfaitaire en première ligne qui est discutée.

Alors pourquoi ne pas profiter de la mise en lumière de la « santé positive » pour repenser un système de soins dans une vision positive de la santé ?

Pour en savoir plus sur la « santé positive » : www.masantepositive.be

Médecin et professeur en santé publique à l’Université Catholique de Louvain

Médecin néerlandaise et chercheuse, elle est la fondatrice et la directrice de l’« Institute for Positive Health »

signifie ‘bien-être’ en anglais

Collectif (2017). La promotion de la santé. Comprendre pour agir dans le monde francophone. Rennes : Presses de l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique. Pp. 47-79

Pour plus d’information : https://www.f-q-s.be/

L’allaitement maternel, encore et toujours sous influences ?

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

L’allaitement maternel, encore et toujours sous influences ?

Trop peu de mères allaitent en Wallonie, et la majorité n’allaitent pas assez longtemps. Décrire la situation de l’allaitement en abordant différentes dimensions offre une lecture et un éclairage permettant de mieux comprendre les raisons d’une situation épidémiologique parmi les moins favorables des pays à hauts revenus.Afin de pallier le manque de données représentatives de l’allaitement maternel à l’échelle régionale, un module d’une vingtaine de questions sur le sujet a été introduit dans les enquêtes de couverture vaccinale (ECV) ayant lieu en Wallonie et à Bruxelles et qui portent sur les enfants de 18 à 24 mois. Au-delà de quelques données épidémiologiques qui balisent l’article, la réflexion portera essentiellement sur les principales raisons qui pourraient expliquer des taux et durées d’allaitement parmi les plus bas des pays ou régions à hauts revenus. Un bref éclairage historique permettra de constater que l’allaitement a toujours été sous influences multiples. L’hypothèse que celui-ci n’a jamais véritablement été, parmi la population autochtone, un comportement profondément inscrit dans la culture peut clairement être posée. Par ailleurs, les diverses « emprises » que l’allaitement maternel subit, que celles-ci soient médicale, féministe, maritale, politique… ne laissent pas suffisamment la place à une information objective, scientifique et rigoureuse. En 2012 et 2015, ces enquêtes qui portaient sur plus de 520 familles montrent que le sevrage est plus souvent subi que désiré, que celui-ci est souvent dû à des problèmes directement liés à l’allaitement (engorgement, douleurs, perception de manque de lait entre autres), ce qui laisse supposer une prise en charge non adéquate ou non efficace des diverses difficultés rencontrées. Par ailleurs, l’information reçue par les professionnels de santé en la matière est lacunaire.

Moins de 12% des enfants allaités exclusivement pendant 6 mois

Alors que dans certains pays nordiques l’allaitement dépasse 95%, en Wallonie celui-ci est initié par 82% des mères. Une diminution significative est observée entre l’allaitement à la naissance et à la sortie de la maternité puisque celui-ci chute à 77% (et de 74% à 69% pour l’allaitement exclusif). En Wallonie, seuls 12% des enfants sont allaités exclusivement à 6 mois, durée pourtant recommandée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

Le pourcentage de mères qui allaitent ainsi que les durées d’allaitement sont en Wallonie, et de façon générale, en Belgique, parmi les plus faibles des pays à hauts revenus (1,2).

Depuis un certain nombre d’années, des efforts sont réalisés dans notre pays, notamment au travers de l’Initiative Hôpital Ami des Bébés (IHAB). Cette stratégie élaborée en 1992 par l’OMS et l’UNICEF en vue d’améliorer les taux d’allaitement maternel partout dans le monde a été initiée en Belgique en 2002. À ce jour, 23% des sites de maternités sont labellisées en BelgiqueNote bas de page. Dans le sud du pays, ce sont 25% des enfants qui naissent dans l’une de ces maternités.D’après les enquêtes de couverture vaccinale, les caractéristiques des parents qui initient plus fréquemment l’allaitement exclusif sont cohérentes par rapport à la littérature scientifique internationale (3) : notamment, un niveau d’études supérieur des parents, une nationalité étrangère, le fait d’avoir un emploi, un conjoint soutenant, le fait d’être primipare… . Il en est de même pour les paramètres liés à la naissance, comme le fait d’être né par voie basse ou à terme qui sont associés positivement à l’allaitement. En ce qui concerne la durée, le profil des mères qui allaitent plus longtemps est assez proche de celui décrit par ailleurs, par exemple être multipare, être de nationalité étrangère, avoir un congé de maternité prolongé par un congé parental (4), mais aussi ne pas avoir introduit de compléments lactés à la maternité. La littérature regorge d’analyses épidémiologiques à propos de ces différents facteurs ou prédicteurs des différents modes d’allaitement (exclusif, total, complété), les données wallonnes et bruxelloises ont été discutées dans différents articles publiés précédemment (3–5). Connaître ces différents facteurs de risque permet de mieux cerner les sous-groupes de la population plus à même de ne pas adopter le comportement attendu et devrait donc permettre par la même occasion de mieux cibler la population sur laquelle devrait porter les messages de promotion de l’allaitement. Oui, mais … en Belgique, il semblerait que nous n’en soyons pas encore là !

Trop peu d’informations dispensées aux (futures) mamans

Près de 53% des mères déclarent avoir été informées par un prestataire de soins sur les avantages de l’allaitement pour l’enfant à naître et 42% sur les avantages pour elles. Or, la littérature internationale (5) et nos données antérieures (3,5) démontrent que le fait de connaître les avantages mais aussi d’avoir pris tôt la décision d’allaiter, et si possible avant même la grossesse, sont gages de fréquence et de durée d’allaitement plus importantes. De façon générale, les données récoltées en 2012 montrent le trop peu d’informations reçues sur le sujet pendant la période prénatale. L’information est plus fréquente et ceci de façon statistique quand les mères ont été suivies par une sage-femme plutôt que par un gynécologue. En Wallonie, pourtant, le gynécologue est de loin le prestataire de soins le plus consulté pendant la grossesse. Dans le même ordre d’idées, alors que l’OMS recommande d’allaiter 6 mois exclusivement, selon les ECV, seules 20% des mères connaissent cet objectif. Les mères ayant accouché dans une maternité IHAB ne connaissent pas plus souvent cette durée « idéale » que celles ayant accouché dans une maternité non labellisée. Pourtant, les enfants sont allaités plus longtemps (6 mois) quand la mère connaît cette durée que dans le cas contraire (3.5 mois) (4).

Les mères suivies par une sage-femme pendant la grossesse ont une meilleure connaissance des durées idéales de l’allaitement et des avantages de celui-ci.

Manque de formation des prestataires de soins

À ce stade nous pouvons ébaucher plusieurs hypothèses pour expliquer ces données qui démontrent une faible transmission des connaissances sur le sujet entre professionnels et patientes, notamment avant l’accouchement. Les gynécologues pensent-ils qu’il n’est pas toujours de leur ressort de promouvoir l’allaitement, considèrent-ils suffisamment l’importance d’entamer la réflexion le plus tôt possible ? Ne pensent-ils pas trop souvent que la discussion pourra avoir lieu au moment même ou peu après la naissance de l’enfant ? Ceux-ci possèdent-ils suffisamment de temps lors des consultations prénatales pour faire la promotion de l’allaitement ? De façon générale, en Belgique francophone, contrairement à d’autres pays (Australie, Etats-Unis …) (6) ou régions (Québec…) (7), il n’existe pas de lignes directrices inter-professionnelles, ni a fortiori intra-professionnelles, en matière d’allaitement ni de promotion de celui-ci. Par ailleurs, les médecins ne sont pas suffisamment formés. Une étude flamande publiée en 2006 démontre le manque de connaissances des différents types de prestataires de soins qui ont un lien avec la dyade mère/enfant (entre autres : gynécologue, puéricultrice, travailleur médico-social, pédiatre…) (8). Ce même constat a été dressé il y a une quinzaine d’années déjà (9) et plus récemment dans le plan opérationnel du Plan nutrition santé (PNNS-B) (10). Il semble donc que les professionnels ne possèdent pas de connaissances suffisantes pour pouvoir promouvoir correctement l’allaitement, le soutenir et intervenir adéquatement en cas de difficultés, bien plus fréquentes qu’on ne le croit. Or, de façon générale en Belgique, « les mères se montrent en général très influencées par leur médecin » (9), alors qu’elles « sont peu souvent conscientes du fait qu’ils n’ont pas reçu de solide formation en matière d’accompagnement pratique de l’allaitement et qu’ils ont tendance à décourager la poursuite de celui-ci dès qu’il y a des difficultés, tout simplement parce qu’ils ne savent pas comment y remédier (9)».

Il n’existe pas en Belgique francophone de lignes directrices communes intra- ni inter-professionelles au sujet de l’allaitement maternel.

La moitié des mères ont rencontré des difficultés liées à l’allaitement

Avant leur premier accouchement, 47% des mères ont déclaré ne pas avoir eu conscience que l’allaitement est une pratique qui pouvait s’avérer douloureuse et parfois compliquée à mettre en place. Or la littérature montre que les mères qui sont averties de la possibilité de douleurs et difficultés liées à l’allaitement dépasseront plus facilement celles-ci si elles doivent y faire face.En 2012, l’analyse détaillée sur les raisons de sevrage a démontré que :

  • les difficultés y compris la perception de manque de lait était responsable de près de 60% de sevrage avant que l’enfant ait atteint l’âge de 3 mois (11).
  • la majorité des mères (plus de 60%) ont déclaré avoir eu le désir d’allaiter plus longtemps.

Ce constat ne doit pas être une fatalité puisque l’on sait qu’une prise en charge correcte à la maternité mais aussi à la sortie de celle-ci a un impact considérable sur la durée de l’allaitement. A contrario, sans aide adéquate, la plupart des mères sont amenées à sevrer leur enfant (12). Dans ce sens, une revue systématique de la littérature publiée en 2016 arrive à la conclusion que le soutien communautaire apparaît comme essentiel pour maintenir l’effet de l’IHAB sur la durée de l’allaitement (13). Or, en 2014, le Centre fédéral d’expertise de soins de santé (KCE) dénonçait l’existence d’ « un vide de soins » dans notre pays, malgré la mosaïque de possibilités de prise en charge (en général disparates et peu connues) (14).

Raccourcissement du séjour à la maternité : contrainte supplémentaire ?

Dans le cadre de la réforme du paysage hospitalier et du financement des hôpitaux, sept projets pilotes portant sur le thème « accouchement avec séjour hospitalier écourté » ont cours dans les différents hôpitaux sélectionnés (15). Ces projets pilotes prendront fin en 2018. Au terme de cette période, le gouvernement décidera quels aspects des projets seront introduits à plus grande échelle (16). Il reste à espérer qu’une fois le raccourcissement de séjour effectif, la prise en charge à domicile de la parturiente soit suffisamment efficace afin de réduire le nombre de mères sevrant leur enfant par manque de soutien approprié. En effet, il semble assez évident qu’un séjour hospitalier raccourci ne joue pas en faveur d’un meilleur soutien à l’allaitement maternel. La parturiente plus rapidement livrée à elle-même devrait trouver seule ou avec l’aide de ses proches des solutions en cas de nécessité. Par conséquent, si aucun programme de soutien n’est mis en place, le risque de ne pouvoir dépasser les difficultés liées à la montée de lait (engorgement, crevasses, entre autres), augmentera de façon drastique. Ce moment s’avère pourtant périlleux pour un nombre important de mères. Dans notre échantillon, plus de la moitié de celles-ci ont déclaré avoir rencontré des difficultés les premières semaines de vie de l’enfant.

Quelle culture de l’allaitement dans nos régions?

ImageUn petit détour historique montre l’importance de la mise en nourrice aux 18ème et 19èmesiècles principalement en France (17) où cette pratique est massive et tardive (50% des enfants à Lyon en 1890) (17), et dans une moindre mesure en Belgique (18), ainsi que l’usage répandu du lait d’animaux pour la préparation de biberons. Ces pratiques trouvent notamment leur origine dans le fait que la religion catholique interdisait les relations sexuelles pendant la période de l’allaitement (avec l’effet d’une surfécondité chez les mères non allaitantes qui pouvaient avoir jusqu’à 8, 10 enfants à Lyon au 18 ème siècle). Autrement dit, dès que les moyens financiers le permettaient, l’enfant était placé en nourrice, parfois à plusieurs centaines de kilomètres des parents (17). Ces pratiques liées à la mise en nourrice et à l’usage du lait animal de qualité souvent médiocre (frelaté ou coupé d’eau douteuse (19) à une époque où la pasteurisation n’était pas connue (il a fallu attendre 1865) ont été responsables d’une surmortalité des enfants en bas âge jusqu’à la fin du 19ème siècle (17,18). En France, il a fallu attendre la première guerre mondiale pour voir la pratique de la mise en nourrice disparaître (17). L’usage des wet nurses a été nettement moindre en Angleterre et aux États-Unis où le modèle de la mère au foyer était dominant (17).Les premiers laits en poudre de qualité sont apparus en Europe dès la fin de la seconde guerre mondiale, période où le travail des femmes à l’extérieur du domicile a pris toute son ampleur. Le féminisme égalitariste avec Simone de Beauvoir comme chef de file, aura lui aussi joué un rôle néfaste pour l’allaitement. Celle-ci écrira en 1949 : « l’allaitement ne leur apporte aucune joie, au contraire, elles redoutent d’abîmer leur poitrine ; c’est avec rancune qu’elles sentent leurs seins crevassés, leurs glandes douloureuses, la bouche de leur enfant les blesse : il leur semble qu’il aspire leurs forces, leur vie, leur bonheur. Il leur inflige une dure servitude, et il ne fait plus partie d’elles : il apparaît comme un tyran, elles regardent avec hostilité ce petit individu étranger qui menace leur chair, leur liberté, leur moi tout entier » (20). A contrario, pour les féministes d’Outre-Atlantique, l’allaitement et la maternité, étaient considérés comme une manifestation de libération des femmes.Le nadir des taux d’allaitement du 20ème siècle a été atteint dans les années 1960. Epoque qui correspond à l’extension de la médicalisation de l’accouchement (à la veille de la seconde guerre mondiale 80% des accouchements avaient encore lieu à domicile) (18). Le biberon est alors vu « comme l’instrument de l’alimentation scientifique » (21) puisqu’il permet de mesurer de façon objective la quantité de liquide absorbé. Le paradigme pasteurien, dominant à l’époque, dans cette volonté de tout mesurer, tout quantifier, impose par le biais des médecins aux mères allaitantes la régularité des tétées ou les tétées à heures fixes comme règle absolue, quitte à devoir réveiller ou laisser le nourrisson pleurer, s’il désire des tétées complémentaires (22). Ces conditions qui ont été observées jusque dans les années 1980 (17) ne respectaient pas la physiologie de l’allaitement et nuisaient à la production lactée. Les mères n’arrivaient, par conséquent, pas à poursuivre l’allaitement ou le poursuivre de façon optimale.

Transmission des savoirs : modèle « savant » versus modèle « populaire »

Depuis les années 60, la diffusion des règles d’alimentation s’est principalement faite par les professionnels de santé, majoritairement masculins, dans un premier temps. Ceux-ci étaient détenteurs d’un savoir considéré comme légitime. La transmission des connaissances s’est faite selon un modèle que l’on peut définir de « savant » (21). Le corps médical reste encore à l’heure actuelle la principale source de transmission de connaissances en la matière. En Belgique, en 2003, le rapport de l’asbl Réseau Allaitement Maternel soulignait que « le médecin belge prend une place prédominante (…) pour ce qui concerne la naissance, les soins et l’alimentation des jeunes enfants. (9) » Les parents ne remettent pas en question le savoir médical (9). Le statut de médecin implique automatiquement une légitimation des conseils qu’il donne. En opposition à ce modèle de transmission « savant », le modèle « populaire » est basé sur une transmission familiale et intergénérationnelle (21). Ce mode de transmission est plus fréquent dans les populations allochtones. Dans un tel contexte où les comportements de maternage sont observés, les messages issus du discours savant ont moins d’impact et d’influence, tout particulièrement en matière de puériculture.

La religion : influence positive, influence négative…

Plus largement dans la culture arabo-musulmane, et juive aussi, l’allaitement a toujours été considéré comme un devoir sacré. La durée de l’allaitement est d’ailleurs recommandée, selon le Livre considéré, pour une période de 18 mois, 2 ans, 5 ans (Coran, Haddith, Torah). L’usage d’une nourrice est possible mais uniquement dans des conditions définies (décès ou maladie de la mère, jumeaux…). Dans le droit positif d’un certain nombre de pays arabo-musulmans, des dispositions légales sont consacrées à l’allaitement et à la mise en nourrice (prohibition de mariage entre frères et sœurs de lait y compris sur leur descendance… ) (23).

Un article publié en décembre 2016 démontre qu’au sein des pays occidentaux les plus densément peuplés de catholiques, les taux d’allaitement sont moins élevés (Irlande, France, Pologne, Belgique…). L’inverse est vrai pour les pays à majorité protestante (Suède, Danemark, Islande…) (24).

ImageCe constat se retrouve à l’intérieur même des pays où les taux d’allaitement sont inférieurs dans les provinces ou régions les plus catholiques (en France, Irlande, Canada) (24). Dans les années 60, à Bruxelles, la propagande pour l’allaitement semblait plus importante dans les maternités laïques que catholiques (25).D’après les différentes étapes historiques brièvement décrites jusqu’ici, on peut se poser la question de l’existence (ou plutôt de l’inexistence) d’un mode de transmission « populaire » dans la population autochtone. Encore aujourd’hui, la plupart des (futures) mères d’origine belges n’ont pas reçu conseils et recommandations de leur propre mère. Ces dernières n’ont pour ainsi dire pas allaité et ne peuvent être en conséquence des référentes en la matière. En France et en Belgique, le résultat se marque par une faible connaissance en matière d’allaitement tant dans la population autochtone que chez les praticiens, probablement parce que cette «culture de l’allaitement» n’a jamais été profondément ancrée dans les mœurs et par conséquent n’est jamais arrivée à contrer les différents « effets de mode » auxquels l’allaitement a dû et doit encore faire face.L’ensemble de ces diverses influences façonnent les normes socio-culturelles. Ces dernières influencent les choix individuels qui à leur tour renforcent les normes et les habitudes. Celles-ci cautionnent des comportements qu’on peut finir par ne plus questionner tellement ceux-ci apparaissent comme « normaux » (ex : le lait en poudre considéré comme la norme).

Trop peu de promotion de l’allaitement en Belgique

Un hiatus existe entre l’évidence scientifique de la supériorité du lait maternel et le manque de volonté de promouvoir l’allaitement. En effet, la promotion de l’allaitement doit encore trouver ses marques dans notre pays. Il existe aujourd’hui un paradoxe entre « la philosophie » de l’IHAB qui promeut l’allaitement à la maternité et le manque de prise en charge à la sortie de celle-ci ainsi que l’inexistence pour ainsi dire de promotion de l’allaitement dans la durée. La promotion de l’allaitement maternel doit devenir une affaire de responsabilité partagée par tous. Or à présent c’est un consensus mou que l’on observe par peur de culpabiliser les mères qui feraient le choix de ne pas allaiter. Par la même occasion, on observe une complaisance par rapport aux préparations pour nourrissons qui est en parfaite contradiction par rapport au Code International de commercialisation des substituts de lait maternelNote bas de page (1981) (28) et son application en Belgique par l’arrêté royal du 18/02/1991 relatif aux denrées alimentaires destinées à une alimentation particulière.

Les sociétés commerciales de préparations lactées sont plus dynamiques et convaincantes pour imposer une image positive et favorable de leurs produits que ne l’est le secteur public pour promouvoir l’allaitement maternel.

« Dans une culture où le poids des règles imposées par l’alimentation artificielle est si fort » (29), où l’allaitement nocturne n’est pas discuté, où le besoin élevé de tétées est mal compris (et par conséquent mal vécu), où l’autonomie et l’indépendance des tout petits sont valorisées dès les premières semaines (l’enfant « doit » pouvoir faire ses nuits rapidement)…, les conditions nécessaires à une mise en route efficace de l’allaitement sont peu fréquemment réunies.La prévention reste la solution la plus adéquate mais nécessite :

  • la prise de conscience de taux et durées inférieurs aux autres pays européens ou de l’OCDE ;
  • la formation de tous les types de professionnels de l’enfance (médecins mais aussi puéricultrice, travailleuses médico-sociales…) afin d’éviter les messages contradictoires et contre-productifs dénoncés par les mères.

Trop souvent, comme le dit Gojard, les discours de promotion de l’allaitement (souvent peu cohérents et mal maîtrisés) correspondent à un modèle « savant » de l’allaitement et sont donc voués à l’échec auprès de mères qui ne relèvent pas de ce modèle et ont un effet de stigmatisation pour les mères de milieux supérieurs qui pour une raison ou l’autre ne veulent pas allaiter (21).L’allaitement maternel reste un enjeu majeur de santé publique qui demande et nécessite avant tout un questionnement sur la place qu’on veut lui réserver dans notre pays. Il est temps de définir une stratégie de promotion de l’allaitement qui aille bien au-delà de l’Initiative Hôpital Ami des Bébés car cette dernière seule ne suffit pas à maintenir les bénéfices gagnés par la qualité de la prise en charge de ces maternités.

Vers une vision pluridisciplinaire et multidimensionnelle

A l’heure où les compositions les plus diverses de laits commerciaux s’inventent (hypoallergéniques, anti-reflux, diarrhées chroniques, confort digestif, satiété…) et dans un marché en pleine expansion, la promotion de l’allaitement maternel semble pour certains ne pas nécessiter de déployer attention et soutien spécifiques, alors que pour d’autres l’allaitement maternel semble être à la pédiatrie ce que la vaccination est à la santé publique. Certes, les laits commerciaux sont de qualité suffisante pour assurer une croissance correcte mais c’est trop rapidement oublier ou faire fi de toutes les vertus immunologiques, anti-inflammatoires, anti-infectieuses, trophiques, épigénétiques mais aussi écologiques et économiques du lait maternel. Les approches sociologiques, anthropologiques, historiques, psycho-sociales… sont essentielles pour mieux cerner les représentations de l’allaitement maternel dans la société actuelle et mieux expliquer les raisons des taux et durées si faibles. Ces différentes représentations traduisent plus profondément le rapport mère/enfant particulier la place de la mère dans la société, les pratiques de la puériculture et la pédiatrie dans la sphère du maternage, la perception de la mère par rapport à sa responsabilité en matière de soins maternels…Réduire les études sur des comportements, tel que l’allaitement, à l’analyse des facteurs socio-démographiques ou socio-économiques ne permet en aucun cas d’expliquer les causes et mène trop souvent à un discours simpliste, manichéen dans lequel on fige les patients (en l’occurrence les mères) dans une catégorie dans laquelle il est difficile de s’extraire. Ouvrir la réflexion au contexte plus global (politique, sociétal, religieux…) et moins ciblé sur l’individu permet d’être moins stigmatisant, accusateur et culpabilisant.

Références

  1. Cattaneo A, Burmaz T, Arendt M, Nilsson I, Mikiel-Kostyra K, Kondrate I, et al. Protection, Promotion and Support of Breast-Feeding in Europe: Progress from 2002 to 2007. Public Health Nutr. 2010;13(06):751‑9.
  2. Hunsberger M, Lanfer A, Reeske A, Veidebaum T, Russo P, Hadjigeorgiou C, et al. Infant feeding practices and prevalence of obesity in eight European countries – the IDEFICS study. Public Health Nutr. févr 2013;16(2):219‑27.
  3. Robert E, Coppieters Y, Swennen B, Dramaix M. Facteurs associés de l’allaitement maternel à la maternité : données rétrospectives issues d’une enquête de couverture vaccinale. Rev Médecine Périnatale. 2015;7(1):46‑54.
  4. Robert E, Coppieters Y, Swennen B, Dramaix M. Breastfeeding Duration: A Survival Analysis, Data from a Regional Immunization Survey. BioMed Res Int. 2014;2014:e529790.
  5. Robert E, Coppieters V, Swennen B, Dramaix M. [Determinants of breastfeeding in the Brussels Region]. Rev Médicale Brux. 2015;36(2):69‑74.
  6. Australian Health Ministers’ Conference. Australian National Breastfeeding Strategy 2010 – 2015. 2009.
  7. L’allaitement maternel au Québec, lignes directrices. Santé et services sociaux; 2001.
  8. Adams, J, Dedry A. Kennis van gezondheidswerkers rond borstvoeding Wat ze vandaag (al?) weten en morgen(nog?) moeten leren, om overmorgen voedende moeders succesvol te begeleiden. De Bakermat;
  9. Réseau Allaitement maternel. Protection et soutien de l’allaitement maternel en Belgique. 2003.
  10. Plan national Nutrition-Santé pour la Belgique, 2005-2010, Plan opérationnel, version finale.
  11. Robert E, Coppieters Y, Swennen B, Dramaix M. The Reasons for Early Weaning, Perceived Insufficient Breast Milk, and Maternal Dissatisfaction: Comparative Studies in Two Belgian Regions. Int Sch Res Not . 2014:e678564.
  12. Groleau D, Sigouin C, D’souza NA. Power to negotiate spatial barriers to breastfeeding in a western context: when motherhood meets poverty. Health Place. 2013;24:250‑9.
  13. Pérez-Escamilla R, Martinez JL, Segura-Pérez S. Impact of the Baby-friendly Hospital Initiative on breastfeeding and child health outcomes: a systematic review. Matern Child Nutr. 2016;12(3):402‑17.
  14. Centre fédéral d’expertise des soins de santé. L’organisation des soins après l’accouchement. KCE; 2014.
  15. Maggie Be Block. Communiqué de Presse. 2016.
  16. Cabinet de la Ministre Maggie de Block. Appel à candidatures : projets pilotes « accouchement avec séjour hospitalier écourté ». Juillet 2015.
  17. Rollet-Echalier C. La politique à l’égard de la petite enfance sous la III ème République, Puf, Travaux et document; 1990.
  18. Masuy-Stroobant G. Les déterminants de la mortalité infantine, la Belgique d’hier et d’aujourd’hui. Ciaco Editeur, Louvain; 1983.
  19. François A. Marissal Claudine, Protéger le jeune enfant. Enjeux sociaux, politiques et sexués. Rev D’histoire L’enfance « Irrégul » Temps Hist. 2015;(17):244‑7.
  20. de Beauvoir S. Le deuxième sexe. Gallimard. Paris: Le livre de poche; 1949. (Folio/Essais).
  21. Gojard S. L’alimentation dans la prime enfance: Diffusion et réception des normes de puériculture. Rev Fr Sociol. 2000;41(3):475.
  22. Masuy-Stroobant et P. Humblet G. Mères et nourrissons, de la bienfaisance à la protection médico-sociale (1830-1945). Bruxelles: Labor; 2004.
  23. Abdelhafid Ossoukine. L’interdit matrimonial induit par le co-allaitement en droit musulman. Rev Int Droit Comparé. 2009;61(2 (1)):359‑82.
  24. Bernard JY, Cohen E, Kramer MS. Breast feeding initiation rate across Western countries: does religion matter? An ecological study. BMJ Glob Health. 2016;1(4):e000151.
  25. Sand EA. Allaitement maternel et artificiel chez le nouveau-né. Acta Paediatr Belg. 1960;5:239‑59.
  26. Hassiotou F, Geddes DT, Hartmann PE. Cells in Human Milk: State of the Science. J Hum Lact. 2013;29(2):171‑82.
  27. Langhendries J-P. Colonisation bactérienne de l’intestin dans l’enfance : pourquoi y accorder autant d’importance ? Arch Pédiatrie. 2006;13(12):1526‑34.
  28. Organisation mondiale de la santé. Code international de commercialisation des substituts du lait maternel. Genève; 1981.
  29. Gremmo-Féger. Allaitement maternel, l’insuffisance de lait est un mythe culturellement construit. Revue Spirale, Erès; 2003.
  30. Suizzo Marie-Anne. FRENCH AND AMERICAN MOTHERS’ CHILDREARING BELIEFS Stimulating, Responding, and Long-Term Goals. Journalof Cross-Cult Psychol. 2004;35(5).

Pour être « labellisable » une maternité doit respecter « les 10 conditions pour favoriser le succès de l’allaitement » énoncées dans « la Déclaration conjointe OMS/UNICEF sur l’allaitement et les services de maternité » ainsi qu’avoir un taux d’allaitement maternel exclusif de minimum 75%.

Ce Code cherche à protéger le consommateur contre les pratiques commerciales susceptibles de décourager l’allaitement maternel comme par exemple la promotion de laits artificiels, la distribution d’échantillon gratuit, la promotion d’aliments pour bébés comme les petits pots, céréales, jus, eau embouteillée afin de ne pas nuire à l’allaitement exclusif…

Les défis de la recherche en promotion de la santé : vers une science des solutions

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Les défis de la recherche en promotion de la santé : vers une science des solutions

Un matin ensoleillé aux prémices de l’été, les acteurs du secteur de la promotion de la santé se sont retrouvés sur les bancs du campus bruxellois de l’UCL. Conviés par le RESO (le service universitaire de promotion de la santé de l’UCL) pour une matinée d’échange, nous étions impatients de venir écouter cette grande dame de la promotion de la santé, Christine FerronNote bas de page. Au programme, une ambitieuse question : « Partenariats acteurs-chercheurs-citoyens et décideurs politiques : pourquoi et comment travailler ensemble ? ». Avec la contribution du RESO, Education Santé vous propose un retour sur cette matinée.

Des données probantes, une absolue nécessité

« Pourquoi travailler ensemble ? Pour produire et diffuser des données probantes en promotion de la santé », c’est ainsi que démarre la présentation de Christine Ferron. Tout sourire et d’une façon toute professorale (dans son riche parcours, elle a aussi enseigné), la première partie de son exposé porte sur ces données probantes et les enjeux capitaux qu’elles représentent en promotion de la santé. La préoccupation n’est pas nouvelle bien entendu, mais il est indéniable que les termes « evidence-basedNote bas de page », « programmes modèles », « fondés sur la science »… sont en vogue, notamment auprès des politiques et autres pouvoirs subsidiants. L’OMS définit ces données fondées sur des preuves comme « des conclusions tirées de recherches et autres connaissances qui peuvent servir de base utile à la prise de décision dans le domaine de la santé publique et des soins de santé ».Suivant cette définition, ces données peuvent être issues d’autres lieux que la recherche scientifique. Christine Ferron revient de long en large sur ces « autres lieux » tels que la littérature griseNote bas de page, ou encore sur leurs diverses natures (des données tacites issues de l’expérience des acteurs de terrain, des données contextuelles, etc.). On parle d’ « evidence ice-bergNote bas de page » pour désigner la quantité gigantesque de données probantes existantes et « tout l’enjeu de faire remonter à la surface ces données issues de l’expérience, en général mal connues, mal diffusées mais néanmoins essentielles ». Pour cela, des partenariats entre acteurs, chercheurs et décideurs devront se mettre en place…ImageLes enjeux pour le secteur sont en effet gigantesques, que ce soit pour prouver l’efficacité de la promotion de la santé (« Hé oui, on en est encore là aujourd’hui » soupire Mme Ferron avec un air goguenard), l’augmenter et améliorer ses actions, etc. On ne vous apprend rien en affirmant que notre secteur souffre encore parfois d’un manque de crédibilité. Par ailleurs, l’enjeu est aussi éthique : « Une démarche non probante peut être une démarche inutile, inefficace, voire délétère. Prenons par exemple le cas des recommandations de couchage des bébés dans les années ’80 – sur le ventre – qui étaient intuitives mais pas basées sur des preuves… et il s’est avéré que ces recommandations étaient délétères pour les cas de mort subite du nourrisson. »La notion d’utilité se pose aussi d’emblée lorsqu’on parle de données probantes. En effet, déployer des moyens considérables pour tirer des conclusions « de bon sens » ne nous avancera pas beaucoup. Mais il faut aussi que les recommandations issues des résultats des recherches « collent » avec les réalités de terrain et les pratiques, et soient jugés éthiquement acceptables. L’utilisation de la peur auprès du public par exemple est depuis longtemps remise en cause. Pour éviter d’entendre « ceux du terrain » dire « tout ça, ce n’est que de la théorie de labo », pour éviter que des programmes complexes soient mal compris et réduits à quelques résultats attendus dans les conclusions d’une recherche, la rencontre entre les personnes issues de la recherche et ceux qui mettent en place des projets de promotion de la santé est absolument nécessaire. Christine Ferron parle même d’une nécessaire « acculturation et reconnaissance réciproque aux principes méthodologiques et éthiques de leurs secteurs d’intervention respectifs, et à leurs contraintes et ressources respectives ».Avant de revenir sur ces incontournables rencontres entre acteurs (dans le but de créer des partenariats de recherche, qui vont guider l’action avec des données probantes, donc utiles… vous me suivez ?), Christine Ferron assure nos bases théoriques et nous explique la recherche interventionnelle.

Vers une science des solutions

« Il existe un mythe tenace et pernicieux en santé publique, selon lequel la connaissance des mécanismes et des facteurs de risque des maladies constitue un savoir suffisant pour planifier des interventions de prévention et de promotion de la santé des populationsNote bas de page », expriment très justement Louise Potvin et consorts. Et Christine Ferron d’ajouter : « Louise Potvin l’explique comme tel : il existe une science des problèmes, fortement investiguée, et une science des solutions. Tout un pan de la recherche actuelle va s’intéresser à tester des solutions, c’est-à-dire tester la mise en œuvre d’actions pour répondre aux problèmes identifiés, optimiser les modalités d’implantation de ces actions, etc. La recherche interventionnelle en promotion de la santé se positionne dans le cadre de cette science des solutions et plutôt du côté des approches populationnelles, voire environnementales ou sur les écosystèmes. »La recherche interventionnelle en promotion de la santé regroupe en soi tous types de recherches, allant de l’épidémiologie sociale à la recherche évaluative, en passant par la recherche en sciences sociales… L’éventail est large. Peu importe le type, du moment que cette recherche « utilise des méthodes scientifiques pour produire des connaissances sur les interventions, les programmes ou les politiques (que ce soit dans le secteur de la santé ou d’autres) dont les finalités sont

  • d’avoir un impact favorable sur les déterminants sociaux, culturels et environnementaux de la santé dans une population ;
  • d’agir sur la répartition des facteurs de risque et de protection dans cette population, de réduire les inégalités sociales de santéNote bas de page. »

La recherche interventionnelle s’applique à des interventions de nature complexe, qui caractérisent les approches en promotion de la santé. Elle peut porter sur toutes les étapes de la résolution des problèmes (et donc de la mise en place des solutions…) : la pertinence et la cohérence des interventions, son adaptation dans le contexte local et l’évolution de ce contexte suite à l’application du projet ou programme, ou plutôt l’objectivation du lien entre l’évolution du contexte et l’intervention en elle-même.Car la question de la transférabilité de l’intervention est tout à fait centrale et étudiée explicitement. La recherche interventionnelle ne se concentre pas tant sur l’évaluation des résultats obtenus d’une intervention en promotion de la santé que sur l’analyse et la compréhension des effets, des processus et des mécanismes à l’œuvre. Elle se distingue ainsi des recherches évaluatives, à ce jour plus courantes dans le milieu.

La recherche interventionnelle, vecteur de partenariat acteur-chercheur

Revenons donc à la question centrale, celle du partenariat entre acteurs, chercheurs, citoyens et décideurs politiques. Christine Ferron nous emmène au Pays de Redon, en Bretagne, pour nous conter l’expérience formidable qui y a été menée. Une vaste intervention intersectorielle de promotion de la santé a été montée sur plusieurs années, sous-tendue dès sa conception par une recherche interventionnelle. Cela a abouti notamment à la mise en place d’une assemblée locale de santé qui regroupe des décideurs, des citoyens, des acteurs… Nous ne détaillerons pas ici toute l’expérience mais sachez que celle-ci est décryptée dans l’ouvrage « Intervenir localement en promotion de la santé. Les enseignements de l’expérience du Pays de Redon – Bretagne du Sud »Note bas de page.La question des partenariats entre les différentes parties prenantes se trouve donc à la source, tout au long du processus, et dans le résultat et la pérennisation du programme. Questions-réponses avec la salle.

La participation citoyenne

D’emblée, une personne interpelle Christine Ferron sur la question de l’implication des citoyens de manière générale, comment procéder ? « Toutes ces questions mobilisent notre expertise en promotion de la santé. En tant qu’acteurs de promotion de la santé, on dispose déjà de nombreux outils et d’un savoir-faire pour impliquer les personnes dans nos projets. Dans le cadre d’une recherche interventionnelle, on peut s’appuyer sur les mêmes ressources, les acteurs-relais, etc. L’enjeu sera plutôt de maintenir leur intérêt pour le projet, ce qui veut dire qu’à aucun moment, ils ne doivent se sentir exclus, manipulés ou instrumentalisés. »

Quid des rapports de pouvoir ?

« C’est vrai pour la recherche interventionnelle mais aussi pour les recherches participatives, collaboratives… : ça change les relations entre les acteurs concernés ! On ne peut pas monter ce type de projet en maintenant des hiérarchies fortes et descendantes. La co-construction est un élément-clé, avec un effet relativement durable d’après mon expérience. C’est aussi pour cela qu’il est indispensable au départ de travailler nos représentations réciproques. »

Comment impliquer les décideurs et les chercheurs ?

L’implication des décideurs n’est pas une évidence… en tant qu’acteurs de promotion de la santé, on le sait déjà. Mais avec l’expérience du Pays de Redon, Christine Ferron nous donne une note d’optimisme : « Ils n’ont pas tout de suite saisi l’enjeu et l’intérêt de la démarche. Les décideurs membres du comité local – des élus pour la plupart, sont venus par curiosité et ont beaucoup appris en prenant part au projet. Mais faute de temps leur présence était intermittente… L’Agence régionale de santé (les services de l’Etat en région) a trouvé progressivement sa place au sein du comité de pilotage. C’est en prenant une part active aux échanges et à la prise de décision que ses représentants se sont appropriés le projet, et l’ont valorisé comme un gain significatif pour le territoire. C’est là que c’est devenu très intéressant. Ces décideurs se sont vraiment impliqués au moment-clé du projet où les chercheurs ont commencé à céder leur place et où il s’agissait de penser la suite. »« Selon moi, l’enjeu est plutôt de faire entrer les chercheurs dans cette dynamique participative. Ils n’ont en général pas l’habitude d’avoir en face d’eux des citoyens ou des représentants de la population auxquels on donne l’opportunité de donner un avis sur un protocole de recherche, sur la façon dont certaines dimensions sont explorées… »

Un traducteur-coordinateur

« A chaque étape, il s’agit d’être attentif à la compréhension et à la validation des données théoriques, des choix méthodologiques, de constructions d’hypothèses, etc. Evidemment, cela prend du temps mais la réussite du projet en dépend. Il ne faut pas hésiter à faire en permanence des aller-retour à chaque étape du projet pour s’assurer que chacun est d’accord et a entièrement saisi ce qui se passe, le pourquoi, la formulation…Tout doit être très explicite. D’où l’enjeu de mettre en place dès le départ une fonction de traduction et de coordination. »« De mon expérience, ce rôle (de traducteur-coordinateur) est joué par le pilote de l’intervention. Ne fût-ce que parce que nous autres, acteurs de la promotion de la santé, avons l’habitude des partenariats complexes, d’animer des dynamiques de groupe, de veiller à l’implication de tous. »« Bien que ce rôle échoit souvent aux acteurs de la promotion de la santé, une formation supplémentaire est tout de même requise. Pour jouer un rôle de traducteur, il faut maîtriser les deux langues et donc être un minimum formé à la recherche de manière à maîtriser le vocabulaire, les méthodes, la compréhension des concepts scientifiques. En France, ce type de formation de base à la recherche se développe de plus en plus. Attention toutefois, il n’est pas demandé aux chargés de projet de changer de métier, mais de s’équiper pour mener à bien ce nouveau type de partenariat. »Pour conclure, l’absolue nécessité de fournir des données probantes sur les actions et programmes en promotion de la santé n’est plus à démontrer. Mais au cours de cette matinée, Christine Ferron nous a fourni des pistes sur le « comment ». Basculer vers une science des solutions, un défi de taille à relever pour le secteur !

Portfolio de ressources proposé par le RESONote bas de page

  1. Intervenir localement en promotion de la santé. Les enseignements de l’expérience du Pays Redon-Bretagne Sud.

You C., Joanny R., Ferron C., Breton E. Rennes (France) : Ecole des hautes études en santé publique (EHESP). 2017. 191p.https://www.ehesp.fr

  1. Promotion de la santé : une dynamique d’échanges entre chercheurs et intervenants du terrain

Sourimont M. Rennes (France) : Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (IREPS) Bretagne. Horizon pluriel. 2013/25. p.16.https://irepsbretagne.fr

  1. Recherche interventionnelle en santé publique : quand chercheurs et acteurs de terrain travaillent ensemble

Ferron C., Breton E., Guichard A. Saint-Denis (France) : Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES). Santé en Action. 2013/245. pp.10-41.https://inpes.santepubliquefrance.fr

  1. Collaborer entre chercheurs et acteurs de terrain ? Réflexions, points d’attention et questions à se poser pour une collaboration fructueuse

Periferia asbl. Bruxelles (Belgique). 2014https://periferia.be/collaborer-entre-chercheurs-et-acteurs-de-terrain

  1. Développer un projet de recherche interventionnelle en promotion de la santé : principes, outils, place et rôle de chacun

Sizaret A., Sandon A. Dijon (France): Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (IREPS) Bourgogne Franche-Comté. 2018. p.28https://ireps-bfc.org

  1. Recherche interventionnelle en santé publique, transfert de connaissances et collaboration entre acteurs, décideurs et chercheurs – le défi français de l’innovation

Cambon L., Alla F. Montrouge (France) : Institut de Recherche en Santé Publique. Questions de Santé Publique. 2014/4 (Vol.27). pp.1-4https://sites.uclouvain.be/reso/opac_css/index.php

  1. Recommandations pour l’élaboration d’un projet de recherche interventionnelle en promotion de la santé

Joanny R. Rennes (France) : Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé (IREPS) Bretagne. 2014. p.60https://www.cres-paca.org

  1. La recherche en promotion de la santé. Actes du colloque du Pôle régional de compétences Lyon, janvier 2015

Berger D., Boussouar M. Lyon (France) : Editions des archives contemporaines. 2016. p.94

  1. Global health promotion and population health intervention research

Jackson S. New-York (USA): Sage Publishing. Global Health Promotion. 2017/3 (Vol.24). pp.3-4

  1. Ce que l’intervention fait à la recherché dans un contexte de maladie grave

Marchand A., Rollin Z. Laxou (France) : Société Française de Santé Publique (SFSP). Santé Publique. 2015/3 (Vol.27). pp.331-338

  1. Valoriser les résultats de la recherche auprès des acteurs de terrain

Paris (France) : Fondation Internationale de la Recherche Appliquée sur le Handicap (Firah). 2018. p.76https://www.firah.org

  1. Promotion de la santé basée sur des données probantes : un domaine émergeant

Juneau C-E., Jones C., McQueen D., et al. New-York (USA) : Sage Publishing. Global Health Promotion. 2011/1 (Vol.18). pp. 122-133

  1. Analyser la transférabilité d’une intervention: application du modèle fonctions clés/ implémentation/ contexte à un programme de prévention du diabète

Fianu A., Villeval M., Naty N., et al. Laxou (France) : Société Française de Santé Publique (SFSP). Santé Publique. 2017/4 (Vol. 29). pp. 525-534

  1. La complexité : concept et enjeux pour les interventions de santé publique

Pagani V., Kivits J., Minary L., et al. Laxou (France) : Société Française de Santé Publique (SFSP). Santé Publique. 2017/1 (Vol. 29). pp. 31-39https://www.cairn.info

  1. Unpacking Black Boxes : Mechanisms and Theory Building in Evaluation

Astbury B., Leeuw F. New-York (USA): Sage Publishing. American Journal of Evaluation. 2010/3 (Vol.31). pp.363-381

Déléguée générale de la Fédération Nationale d’Education et de promotion de la santé (FNES) en France.

« Fondé sur des preuves » en anglais

On entend par là toute la masse de publications « non conventionnelles » (non gérées par l’édition) comme les rapports de réunion, les mémoires étudiants, etc.

UIPES, 2004.

Cfr. Recherche interventionnelle en santé publique : Quand chercheurs et acteurs de terrain travaillent ensemble : portfolio ci-dessous

Hawe P., Potvin L. (2009) What is population health intervention research? Revue canadienne de santé publique, 100 https://journal.cpha.ca/index.php/cjph/article/view/1748/1933

Cfr. portfolio ci-dessous

Toutes les ressources mentionnées sont disponibles au centre documentaire UCL/IRSS – RESO et/ou en ligne

Quels soins de santé mentale pour les personnes âgées ?

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Quels soins de santé mentale pour les personnes âgées ?

Les enfants et les adultes ont leurs réseaux spécifiques de soins de santé mentale, mais qu’en est-il des personnes âgées ? Faut-il organiser leurs soins en un réseau séparé ou peut-on les intégrer dans le système de soins des « adultes » ? À cette question, le Centre fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE) répond que l’âge chronologique ne doit pas servir de critère décisif car les « personnes âgées » constituent un groupe de population très hétérogène, avec des individus en pleine forme et d’autres très fragiles. Il est également d’avis qu’il faut maintenir leurs contacts privilégiés avec leur médecin généraliste, tant pour leurs problèmes somatiques que psychiques. Toutefois, certains problèmes de santé mentale nécessitent des connaissances spécifiques. Le KCE plaide donc pour une extension des différentes offres de soins de santé mentale des « adultes » aux personnes âgées, tout en prévoyant de les renforcer par des spécialistes (à former) en santé mentale de la personne âgée et en mettant l’accent sur les interventions dans les lieux de vie et sur la collaboration entre tous les intervenants d’aide et de soin. En Belgique, les soins de santé mentale ont fait l’objet d’une série de réformes depuis une vingtaine d’années. Leur objectif global est de permettre aux personnes de rester le plus possible dans leur milieu de vie, et de n’avoir recours à l’hospitalisation que lorsqu’il n’y a plus d’autre solution. Dans le cadre de ces réformes, le SPF Santé publique a demandé au KCE de déterminer s’il fallait organiser les soins de santé mentale des personnes âgées en un réseau séparé (comme pour les enfants et adolescents) ou si l’on pouvait les englober dans les soins des « adultes » en général.

L’âge de la carte d’identité n’est pas le plus important…

Dans la plupart des pays occidentaux, on considère que l’âge chronologique de 65 ans – qui a été jusqu’il y a peu celui de la retraite professionnelle – correspond au passage du statut d’adulte actif à celui de « personne âgée ». Or une très grande partie des personnes qui ont dépassé cet âge sont encore en bonne forme, actifs et autonomes. Sur un plan médical aussi, on considère aujourd’hui que la vieillesse se définit davantage par une certaine fragilité et par l’accumulation de pathologies, que par une limite d’âge précise. Bref, les personnes âgées constituent une catégorie de patients très hétérogène. Leurs soins ne doivent donc pas être organisés sur la seule base de l’âge des personnes.

…même si les personnes âgées nécessitent des compétences spécifiques

Cela ne veut pas dire, pour autant, que les personnes âgées peuvent toujours être traitées comme n’importe quel adulte d’âge moyen. Certains de leurs problèmes de santé mentale nécessitent bel et bien des connaissances spécifiques, à la frontière entre la psychiatrie et la gériatrie (p.ex. distinguer une dépression d’une démence débutante, tenir compte des problèmes physiques concomitants, ajuster les doses des médicaments, etc.). Il est donc indispensable de sensibiliser tous les soignants aux spécificités de la psycho-gériatrie et de créer une compétence spécifique en psychiatrie de la personne âgée.

Le médecin généraliste au cœur du système

Les exemples d’organisation des soins de santé mentale étudiés dans d’autres pays montrent que les médecins généralistes sont très souvent les premiers professionnels contactés par les personnes âgées, comme c’est également le cas chez nous. Leur rôle est central pour identifier les problèmes de santé mentale et proposer un premier traitement, tout en tenant compte des problèmes somatiques qui coexistent. Les autres intervenants à domicile sont également bien placés pour aider à l’identification précoce des problèmes de santé mentale.Un bémol toutefois : les acteurs de la première ligne n’ont généralement pas assez de formation et de temps pour prendre en charge les problèmes de santé mentale des personnes âgées. Il est donc indispensable qu’ils abordent ces problématiques avec une vision plus multidisciplinaire et qu’ils bénéficient d’une collaboration franche et ouverte avec les professionnels plus spécialisés (psychologues, psychiatres, gériatres).

Aller à domicile…

Tant en Flandre qu’en Wallonie, certains projets pilotes, issus des Services de Santé Mentale (Centra voor Geestelijke Gezondheid en Flandre), s’adressent directement aux personnes âgées. Une des clés de leur réussite est leur disposition à se déplacer au domicile de leurs patients. Ces initiatives sont cependant trop peu nombreuses et méconnues ; elles mériteraient d’être généralisées à tout le pays.Dans le cadre de la réforme des soins de santé mentale, notre pays a également mis sur pied des équipes mobiles psychiatriques (« article 107 », SPAD – Soins psychiatriques pour personnes séjournant à domicile) en lien avec les institutions de soins psychiatriques. Elles se rendent au domicile des patients mais elles se concentrent principalement sur les personnes de moins de 65 ans. Le KCE suggère donc d’étendre leur champ d’action, de les renforcer en nombre et de les soutenir par des équipes mobiles de troisième ligne, spécialisées dans les soins aux personnes âgées, qui pourraient intervenir dans les cas les plus complexes.D’autres outils existants, comme les « consultations multidisciplinaires autour du patient psychiatrique à domicile » et le recours à des coordinateurs des soins, devraient être activés plus souvent afin de favoriser les indispensables collaborations entre acteurs de terrain.

…y compris dans les maisons de repos

Les MRS doivent souvent héberger des personnes âgées dépendantes présentant des problèmes de santé mentale. Dans la mesure où l’on peut considérer que ces MRS sont bel et bien le « lieu de vie » des personnes qui y résident, le KCE suggère que toutes les interventions à domicile mentionnées ci-dessus soient également possibles en MRS. Il souligne également l’intérêt d’unités spécialisées, avec une offre de soins personnalisée, pour les personnes âgées présentant des troubles du comportement.

Une offre hospitalière suffisante

Pour les personnes âgées dont les soins ne peuvent pas ou plus être prodigués à domicile ou en MRS, il existe à l’étranger des services de psycho-gériatrie, où collaborent des psychiatres, des gériatres et des neurologues. Dans notre pays, il est nécessaire de prévoir une capacité hospitalière suffisante dans les services de psychiatrie, de gériatrie et de psycho-gériatrie. En parallèle, les hôpitaux doivent faire usage de leurs équipes de liaison interne gériatriques et psychiatriques afin d’assurer une prise en charge globale aux patients âgés hospitalisés, dans une vision de continuité et de qualité des soins. L’intégration de psychiatres spécialistes de la personne âgée devrait être favorisée au sein de ces équipes de liaison.

Changer le regard de la société

Enfin, la prise en compte des problèmes de santé mentale des personnes âgées appelle également de nouvelles attitudes dans la société, qui doit lutter contre les stéréotypes liés à l’âge et à la maladie mentale. Il ne faut jamais oublier que la santé mentale est un aspect clé de la promotion du « bien vieillir », tout comme le maintien du sens de la vie et du sentiment d’utilité et d’inclusion dans la communauté.

Pour entrer en contact avec les chercheurs du KCE:Karin Rondia, Communication scientifique KCETél. : +32 (0)2 287 33 48GSM : +32 (0)475 769 766Email : press@kce.fgov.be

Province – communes, partenaires pour la santé

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Province - communes, partenaires pour la santé

La Province de Namur accorde un soin particulier à la mise en œuvre de partenariats avec les communes de son territoire. L’été dernier, elle a lancé à ses 38 communes un troisième appel à construire des projets communs, au bénéfice de leurs habitants. Sur les 205 projets choisis par les communes, 58 concernent la santé ou le bien-être.Entre 2017 et 2019 se déroule la troisième phase des partenariats Province-communes en province de Namur. Pour cette édition, la Province de Namur propose aux 38 communes namuroises de faire leur choix au sein d’un catalogue de 47 fiches correspondant chacune à une de ses expertises, un de ses métiers spécifiques, dans ses six domaines de compétences que sont l’action sociale et la santé, la culture, l’économie, l’enseignement, l’environnement et le tourisme.

205 projets dans 38 communes

Au total, la Province a réservé 2,4 millions d’euros pour les partenariats Province-communes 2017-2019. Concrètement, chaque commune dispose d’une enveloppe financière – une sorte de « droit de tirage » – calculée sur base de son nombre d’habitants, de sa superficie et de son indice de cohésion sociale. Et à chaque projet correspond une valeur budgétaire, soit prédéterminée, soit à préciser sur base des spécificités et de l’ampleur du projet envisagé. La Commune sélectionne les projets qui l’intéressent et répartit son enveloppe entre ceux-ci. Si aucune des thématiques proposées ne correspond aux besoins locaux, il existe aussi la possibilité, à certaines conditions, de déposer des projets dits «hors catalogue». L’offre a séduit, puisque la Province a enregistré, pour cette troisième phase de partenariats, pas moins de 205 projets ! Focus sur quelques-uns de ceux-ci, axés en particulier sur la santé et le bien-être.

Un répertoire d’outils « 0-5-30 » à Hastière

Pour la Cellule Promotion Santé, une équipe de la Direction de la Santé publique, travailler en partenariat est une évidence. Les projets qui s’élaborent avec les communes s’inscrivent naturellement dans ce fonctionnement. C’est la deuxième fois que la Commune d’Hastière choisit le thème «0-5-30», une combinaison qui résume trois comportements de santé: 0 tabac, 5 portions de fruit et de légume et 30 minutes d’activité physique par jour. Au cours de la phase II des partenariats Province-communes (2014-2016), les employées de l’Accueil Temps Libre (ATL) de la commune ont suivi un module de formation pour développer leurs connaissances dans ce domaine et leur permettre de construire des activités de promotion de la santé auprès des enfants dont elles ont la chargeNote bas de page. A l’issue du module, les accueillantes ont créé ensemble des outils et des animations leur permettant de mettre le concept en application. Deux journées d’échanges ont alors été organisées et co-construites par les accueillantes, leur coordinatrice et la Province de Namur accompagnée de son partenaire, le Centre local de Promotion de la Santé en province de Namur pour partager les outils ou les animations développés. Carine Crucifix est en charge de ce projet pour la Cellule Promotion Santé provinciale: «Pour cette nouvelle phase de partenariats, l’objectif est de mettre en valeur les idées des accueillantes et de créer un répertoire reprenant de manière détaillée les animations et outils qu’elles ont-elles-mêmes conçus, afin de faciliter l’échange des pratiques et de mutualiser les ressources. Conçu sous une forme évolutive, ce répertoire pourra s’enrichir au fil du temps ». Les employées de l’Accueil Temps Libre d’Hastière souhaitent qu’il puisse servir aux enseignants de la commune et aux accueillantes des autres communes. La fiche projet 0-5-30 a aussi été sélectionnée par les communes d’Havelange et de La Bruyère, qui la déclineront en fonction de leurs besoins propres, avec le public qu’elles identifieront comme prioritaire.

En route vers le label Ecole 21

ImageLe dispositif Ecole 21 est né en 2008 dans le cadre du projet franco-belge Interreg IV Générations en santé, auquel ont collaboré plusieurs Provinces wallonnesNote bas de page. Depuis, la Cellule Promotion Santé accompagne des écoles vers l’obtention de ce qui est beaucoup plus qu’un label. En choisissant la fiche projet «Ecole 21», les communes proposent à leurs écoles d’entrer dans une démarche alliant promotion de la santé et développement durable. Nadège Fivet, de la Cellule Promotion Santé, coordonne ce vaste travail, qui vise à faciliter l’acquisition et le développement de comportements favorables à l’éducation, à la santé et à l’environnement : «L’adhésion des écoles au projet se fait sur base volontaire. A Gesves, Floreffe et La Bruyère, les 12 établissements auxquels nous avons présenté le concept ont choisi de s’engager. Ils acquièrent le label en signant la Charte Ecole 21 et rejoignent ainsi le réseau européen des Ecoles 21». Actuellement, les comités de pilotage se mettent en place dans chaque école. Les prochaines étapes sont la réalisation de diagnostics des besoins par école, l’identification des priorités et l’élaboration de plans d’actions. En outre, des outils pédagogiques permettant d’aborder différentes thématiques (développement durable, santé, climat scolaire…) sont rassemblés dans une malle mise à la disposition de chaque Commune, en collaboration avec le Centre de Ressources Documentaires provincial qui propose aussi une formation à l’utilisation de ces outils. Enfin, dans le cadre de ce partenariat, chaque école bénéficie d’un petit subside pour soutenir la concrétisation d’un projet au choix.

Prévention des risques à Havelange

A côté de la Cellule Promotion Santé, un autre service provincial possède une expertise dans le domaine de la promotion de la santé, et plus spécifiquement dans la prévention du SIDA, des infections sexuellement transmissibles, des hépatites et dans la réduction des risques liés à l’usage de produits psychotropes. Le Service de Santé Affective, Sexuelle et Réduction des Risques (SASER) a également une pratique de travail en réseau profondément ancrée. Il élabore des projets de proximité avec des acteurs de terrain, mettant en action des personnes issues des publics-cibles en vue de les rendre actrices de leur santé. La Commune d’Havelange a décidé de prendre au sérieux la consommation d’alcool chez les jeunes et les risques d’accidents de la route qui y sont liés. Elle a sélectionné la fiche «Contribuer à la réduction des risques lors d’événements festifs par la formation de pair locaux». Jaqueline Collin du SASER travaille en très étroite concertation avec les «Jeunesses» locales et le Patro, en vue de sensibiliser les jeunes à une consommation responsable. Le projet comportera des actions de réduction des risques liés à la consommation de psychotropes, principalement l’alcool, et des nuisances sonores dans les fêtes. Ces actions seront déterminées par les jeunes eux-mêmes, qui ont déjà identifié des moments-clés: les grands feux, les kermesses, les soirées et week-ends du Patro.

C’est quoi le bonheur à Philippeville ?

Ambitieux projet, que celui dans lequel la Commune de Philippeville et la Province de Namur se sont lancées ensemble ! Au départ, le choix de la thématique de «santé dans toutes les politiques» (health in all policies) par le Collège communal de Philippeville est en lien avec la Déclaration de politique communale «Philippeville, Commune où il fait bon vivre !». Pour opérationnaliser cette intention, la Commune souhaite mettre en place un outil pérenne d’aide à la prise de décisions et à la priorisation d’actions. Le CLPS en province de Namur est aussi partie prenante. En mobilisant citoyens, agents communaux et décideurs autour d’une réflexion sur le bien-être à Philippeville, le projet vise à dégager et à hiérarchiser – par une enquête qualitative participative – les principales composantes qui déterminent le bien-être collectif des habitants de Philippeville. Il a aussi pour objectif de sensibiliser le Collège communal à l’impact des politiques sur la santé et le bien-être collectif de la population et de doter l’Administration communale d’un outil qui lui permettra d’estimer, de manière prospective, l’impact de décisions prises par le collège sur le bien-être de la population.En donnant un rôle aux citoyens, aux professionnels actifs sur le territoire et aux employés des services communaux dans la prise de décision, la démarche participative permet à chacun de devenir acteur de l’organisation de la société et du processus de changement. Le projet a officiellement été lancé le 23 avril, lors d’une soirée au cours de laquelle a été le nouveau documentaire «C’est quoi le bonheur pour vous?» de Julien PeronNote bas de page.

Santé mentale: soutenir les professionnels de première ligne et augmenter l’offre de soins

Dans le catalogue proposé aux communes, deux offres de partenariat étaient proposées par les Services de Santé mentale de la Direction de la Santé publique : l’une offre un soutien aux professionnels de première ligne et l’autre permet un accès de proximité aux soins de santé mentale pour la population. «La première a été choisie par trois communes, dont les équipes du CPAS bénéficieront prochainement de séances de supervision élaborées sur mesure en fonction des besoins et animées par des spécialistes de la santé mentale. La seconde, sélectionnée par cinq communes, se décline de manière très différente selon les réalités locales. Dans chaque cas, le premier travail est de bien comprendre les besoins locaux et d’élaborer ensemble un projet qui contribue à y répondre», explique Colette Nigot, responsable du Département de Santé mentale. A Bièvre, il s’agit de poursuivre le partenariat initié dans la phase II, en offrant des ateliers collectifs pour les parents et les adolescents, ainsi que des plages de permanence d’une assistante sociale. A Eghezée, un psychologue sera mis à disposition du CPAS un après-midi par semaine pour apporter à la population et particulièrement, aux bénéficiaires du CPAS et aux personnes éprouvant des difficultés de mobilité, une offre de proximité en matière de soins psychologiques. A Philippeville, le projet vise la prévention des violences conjugales et familiales, partant du constat d’un aggravement de cette problématique et d’un déficit de prise en charge par les structures existantes. Il se concrétise par la mise en place et l’animation d’une plateforme de concertation locale sur les violences intrafamiliales et conjugales, par des permanences de l’asbl « Ça vaut pas le coup » du Réseau Solidaris spécialisée dans l’accompagnement des personnes victimes de violences conjugales et intrafamiliales et par des groupes de paroles.

Et encore…

Les thématiques de partenariat sont multiples. Sans entrer dans les détails :

  • Trois communes ont choisi de faire appel aux services du SAMI (service d’analyse des milieux intérieurs) pour mener une campagne d’information sur les risques du radon sur la santé et distribuer des détecteurs à la populationNote bas de page ;

  • Quatre communes ont inscrit des employés à une formation d’animateurs socio-sportifs des espaces publics ;

  • Avec les conseils et l’accompagnement du directeur du Domaine provincial de Chevetogne, quatre communes créeront une nouvelle plaine de jeux, vue comme espace de socialisation et de loisir actif ;

  • Dix communes se sont engagées ou ont décidé de poursuivre le processus « Ville amie des aînés »Note bas de page ;

  • Cinq communes ont demandé la création ou le développement sur leur territoire d’une ou plusieurs haltes-accueil du Bébé Bus. Il s’agit d’une formule itinérante d’accueil des tout-petits, adaptée aux publics fragilisés, qui offre aux petits une opportunité de socialisation et de stimulation, tandis que leurs parents bénéficient d’un accompagnement et d’un soutien à la parentalité ;

  • Face au problème de la mobilité en milieu rural qui a de réels impacts sur la santé, l’emploi, la formation ou encore l’accès à la culture, six communes ont décidé de prioriser la mobilité inclusive et solidaire pour leurs publics fragiles et dépendants, au travers d’un partenariat à trois : la commune (et/ou son CPAS), la Province et une centrale de mobilité ;

  • Trois communes ont choisi d’acquérir des vélos et/ou d’organiser des formations à la conduite cycliste.

Au plus près des besoins locaux

Si les thématiques et les objectifs généraux sont prédéfinis dans le catalogue, chaque projet concret cherche à rencontrer un réel besoin local identifié par la commune. Un comité de pilotage propre au projet rassemble des représentants de la Commune, de la Province et bien souvent d’organismes partenaires comme une association locale ou, pour les projets de santé, le CLPS… Ce comité détermine, sur base d’une analyse des besoins, les objectifs spécifiques du projet, le contexte, les modalités de ce qui sera mis en place, en suivant une méthode commune de gestion de projet. Et une équipe mène le projet au quotidien sur le terrain. Même si, à côté des projets sur mesure, certains sont davantage «clé sur porte», dans tous les cas, on est loin de la politique de «simple» subsidiation d’autrefois. Pour les Communes, cela requiert parfois d’adapter leurs attentes et leur vision du partenaire provincial. Un changement de culture qui paraît parfois inconfortable mais dont la plus-value est rapidement visible.


Selon la définition de l’ONE : « L’accueil extrascolaire temps libre : Ces lieux d’accueil fonctionnent avant ou après l’école, le mercredi après-midi et parfois durant le week-end. Ils sont situés dans les écoles ou en dehors. Les plus connus sont les ‘garderies scolaires’, et les associations qui organisent des animations spécifiques. » (https://www.one.be/parents/accueil-temps-libre/)

Lire à ce sujet BROUSSOULOUX S., LORENZO P., TINTINGER V., Évaluation du dispositif École 21: des pistes pour sa pérennisation, Education Santé, n°308, février 2015 (https://educationsante.be/article/evaluation-du-dispositif-ecole-21-des-pistes-pour-sa-perennisation/)

Le radon est un gaz radioactif qui peut s’infiltrer dans les bâtiments par le sous-sol. Chaque année, le radon cause environ 480 cancers du poumon en Belgique. Plus d’info sur le radon et sa prévention : www.actionradon.be

Voir à ce sujet l’article : PROVINCE DE NAMUR, Une province et ses communes, amies des aînés, Education Santé n°341, février 2018 (https://educationsante.be/article/une-province-et-ses-communes-amies-des-aines/)

Inégalités sociales et santé, quel rôle pour les politiques publiques ?

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Inégalités sociales et santé, quel rôle pour les politiques publiques ?

Les politiques publiques ont-elles un rôle à jouer pour lutter contre les inégalités sociales et favoriser la santé ? Oui… Mais lequel ? C’est sur cette question que se sont penchés Marie-France Raynault, chercheuse pour le Centre Léa-Roback, et Pierre Chauvin, directeur de recherche à l’INSERM, lors de la conférence inaugurale du certificat « Santé et Précarité ».  En route vers la santé dans toutes les politiques, en appliquant le principe d’universalisme proportionné.

Dans la continuité des politiques favorables à la santé avancée dans la Charte d’Ottawa (1986), la stratégie intersectorielle proposée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) met en avant l’intégration de la santé dans toutes les politiques (déclaration d’Adélaïde, 2010). A cette occasion, l’agence a réaffirmé encore une fois que « les déterminants de la santé et du bien-être sont extérieurs au secteur de la santé et sont d’ordre social et économique». Les politiques publiques, quel que soit le secteur d’activité, ont un rôle à jouer car elles influencent les déterminants de la santé. Mais encore faut-il considérer les inégalités sociales (de santé) et en faire une priorité.

En bref, les inégalités sociales de santé (ISS) peuvent être définies comme les disparités de santé entre des groupes sociaux. Leur grande particularité est qu’elles sont systématiques et évitables. On voit donc se dessiner la réponse à notre question « quel rôle pour les politiques publiques ? »

ISS : des conséquences en cascade

Au cours de sa présentation, Marie-France Raynault est revenue sur un modèle en « escalateurs inversés » (l’un montant, l’autre descendant) pour illustrer l’écart qui se creuse du plus pauvre au pus riche et ce, à chaque étape de vie.

Les inégalités existent déjà à la naissance. Parmi les plus pauvres, il y aura davantage de naissances prématurées, de bébés ayant un faible poids, ou même de retards de croissance intra-utérine. L’écart se creuse davantage en regard de la maturité scolaire (la maturité affective, le développement cognitif et langagier, les compétences sociales requises, etc.). Cela peut avoir une influence sur le décrochage scolaire. Par exemple, une étude sur le décrochage scolaire à Montréal a mis en évidence le terrible constat qu’un enfant sur deux n’ayant pas acquis une maturité affective suffisante en commençant l’école, se retrouvera en situation de décrochage scolaire. Par la suite, le décrochage scolaire renforce une situation d’exclusion et peut entraîner des problèmes d’adaptation sociale, ce qui aura un impact sur l’insertion professionnelle, sur le niveau de revenu, sur le milieu de vie (la salubrité des logements, la mobilité, etc.)… lesquels ont des répercussions sur l’état de santé général (les habitudes de vie, la perception subjective de sa santé, le taux de personnes souffrant de maladies chroniques ou de problèmes de santé mentale). Et au final, toute cette cascade de causes à effets influence l’espérance de vie.

L’importance des politiques publiques

Quelle stratégie mettre en place pour réduire les effets de la pauvreté sur la santé ? En regard du modèle simple et parlant de R. SmithMarie-France Raynault illustre son propos avec les services de garde d’enfants et le cas des mères de famille monoparentale. Celles-ci font partie d’un groupe particulièrement vulnérable face aux ISS. Toutefois, pour les soutenir, de nombreuses politiques publiques peuvent être mises en œuvre :

  • des politiques de soutien au revenu comme les allocations familiales, les congés parentaux, le crédit d’impôt pour l’enfant, etc. ;
  • des politiques d’éducation : mise en place de services de garde, des formations accessibles ;
  • des politiques de logement, de santé…

Marie-France Raynault  s’attache à démontrer au cours de son intervention que les services de garde d’enfants représentent  « un instrument puissant de réduction des ISS » et qu’il est fondamental pour les politiques d’investir dans la petite enfance en regard de la cascade des déterminants que nous évoquions plus haut. Les raisons sont multiples. Nous en citons quelques-unes :

Tirez votre plan ! Une analyse de « Plans » pour promouvoir la santé en Flandre, en France, au Québec et en Suisse

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Tirez votre plan ! Une analyse de « Plans » pour promouvoir la santé en Flandre, en France, au Québec et en Suisse

Les acteurs de la promotion de la santé de la Région wallonne et de la Région Bruxelles-Capitale n’auront probablement jamais autant entendu parler de Plans que depuis ces dernières années. Dans le jargon de la profession, ce mot a désormais une signification bien spécifique. Il est même possible qu’il faille éviter ce mot pour les 15 prochaines années à venir au risque de voir ces acteurs pâlir ou être victimes d’une crise d’angoisse.De fait, avec l’élaboration des nouvelles politiques régionales de promotion de la santé – que nous appelons « Plans de promotion de la santé » – c’est tout un secteur qui ressent les conséquences du processus long et complexe d’élaboration d’un Plan. Malgré tout, ce contexte aura constitué une opportunité pour le secteur de se réaffirmer et de se fédérer. Le service universitaire de promotion de la santé de l’Université catholique de Louvain, le RESO, s’est attelé à la réalisation d’une analyse de quelques politiques nationales et régionales afin d’alimenter les réflexions amorcées lors de la construction des Plans bruxellois et wallon. Cette analyse a fait l’objet de la rédaction d’un rapport de synthèse que nous avons appelé, en bon Belges que nous sommes[1] : « Tirez votre Plan ! Une analyse de « Plans » pour promouvoir la santé en Flandre, en France, au Québec et en Suisse ».Ce rapport de synthèse s’adresse aux politiques, experts et professionnels belges et d’ailleurs qui, dans le cadre de l’élaboration d’une politique de promotion de la santé, seraient susceptibles de participer ou d’être directement impliqués dans celle-ci.Il s’est rapidement avéré que la dénomination Plan n’était pas généralisée dans tous les pays … Nous en avons donc donné la définition suivante : « Toute production des politiques (stratégies, politiques, programmes …), autant nationales que régionales, visant à structurer le secteur de la santé hors soins, à prioriser les objectifs de santé à atteindre et à guider les actions des associations oeuvrant pour améliorer la santé et le bien-être des populations dans une vision de la santé faisant écho à la charte d’Ottawa. »[2]L’étape ultérieure a été de sélectionner les Plans que nous allions analyser. Notre premier choix s’est porté sur le Plan de la Région flamande[3] pour son ancrage dans un contexte similaire à celui des Régions bruxelloise et wallonne. Ensuite, nous avons préféré choisir des pays francophones, afin de bien comprendre les nuances liées à la langue, et proches du contexte socio-économique de la Belgique. Ce qui nous a amenés à sélectionner un Plan national et un Plan régional pour les pays (et province) suivants : la Suisse[4][5], la France[6][7] et le Québec[8][9]. Ce qui fait un total de 7 Plans analysés.Généralement, les Plans suivent un développement similaire : ils commencent par des éléments de contexte et de conception, continuent sur un diagnostic de l’état de santé de la population, poursuivent sur les priorités du Plan (en termes d’objectifs et d’actions), abordent la mise en œuvre de ces priorités et terminent par la présentation des méthodes et démarches d’évaluation du Plan. L’objectif de ce rapport de synthèse est de mettre en exergue des faits saillants des Plans sélectionnés en termes de conception, de contenu, de mise en œuvre et d’évaluation. Ces 4 parties constituent le corps du rapport et de cet article.

La démarche d’élaboration

Premier constat en matière de conception, les Plans analysés sont tous sous la tutelle du ministre ou de l’instance publique en charge de la santé. Deuxième constat, il y a une volonté d’adopter une approche inclusive et participative de la part des décideurs. Bien que les méthodes d’élaboration soient succinctement développées dans les Plans, tous ont bénéficié de moments de concertation avec les différentes parties prenantes (professionnels, usagers, etc.). Cette approche inclusive prend la forme de groupes de travail ou de mise en consultation du Plan.

Le contenu des Plans

Le cœur d’un Plan, ce sont ses priorités de santé. Celles-ci permettent d’éviter un éparpillement des ressources afin de les concentrer sur des sujets auxquels la préséance est donnée. Pour choisir les priorités de santé, diverses méthodes et sources de données sont utilisées : l’analyse de l’état de santé de la population, les résultats de l’évaluation du Plan précédent, un alignement sur les orientations de l’OMS, l’utilisation de critères de priorisation.Les priorités sont ensuite énoncées sous forme d’objectifs. En ce sens, leur contenu est riche en informations. Les thèmes sur lesquelles portent les objectifs des Plans analysés se déclinent en 5 grandes catégories : les problématiques de santé, les déterminants de la santé, les populations spécifiques, les milieux de vie et les stratégies d’action. Les principaux thèmes au sein de ces grandes catégories ont été répertoriés et présentés sous la forme de tableaux synthétiques pour permettre une comparaison entre les pays. Au terme de ce travail de classification, nous avons donc obtenu 5 tableaux à l’image de celui ci-dessous.Ces tableaux ne sont pas destinés à rapporter les thèmes non abordés par les Plans ou à tirer des conclusions sur des éventuelles omissions. Il s’agit plutôt d’un outil de simplification et de schématisation qui permet d’avoir une vue d’ensemble globale et immédiate des thèmes prioritaires des Plans.Comment lire ce tableau ? ImageNous proposons ici l’exemple du tableau portant sur les objectifs ciblant des problématiques de santé. Dans la deuxième colonne, on voit l’ensemble des thèmes qui ont trait à des problématiques de santé. Pour chaque Plan, nous avons indiqué si un ou plusieurs de leurs objectifs portaient sur chacun de ces thèmes. Si c’est le cas, la case est en couleur. On remarque par exemple que le Plan national français et le Plan flamand ne formulent pas d’objectifs ciblant des problématiques de santé. Sur base des 5 tableaux, nous nous sommes posés deux questions : par quelle(s) approche(s) les objectifs des Plans ont-ils été formulés et quels sont les thèmes prioritaires des objectifs ? En termes d’approches de formulation des objectifs, nous avons observé qu’un même Plan peut combiner plusieurs approches. Le Plan flamand définit ses objectifs en ciblant presque uniquement des milieux de vie et les Plans français adoptent une approche ciblant principalement des stratégies d’action. Au Québec, les Plans diversifient beaucoup plus leurs approches, mêlant l’approche par problématiques de santé, par population et par stratégies. Enfin, en Suisse, le Plan national utilise une approche par stratégies et par population alors que le Plan régional utilise une approche par problématiques de santé.En termes de thèmes prioritaires ciblés par les objectifs, nous constatons qu’ils sont assez similaires entre les Plans. Par exemple l’alimentation, les assuétudes, la qualité et l’accès aux soins et à la prévention. Toutefois, certains thèmes plus spécifiques (parce que probablement plus dépendants du contexte) sont abordés dans certains Plans seulement, comme par exemple la nutrition prénatale et postnatale dans le Plan régional québécois, les problèmes d’adaptation sociale dans le Plan national québécois, les personnes en période de rupture dans le Plan régional français ou les milieux du loisir pour enfants dans le Plan de la Région flamande. Certains objectifs suggèrent une timide ouverture vers la démarche de « santé dans toutes les politiques » en visant l’environnement ou l’enseignement par exemple.

La mise en œuvre des Plans

Dans la suite logique des choses, les Plans abordent ensuite la mise en œuvre de leurs objectifs. Il s’agit ici de comprendre comment il est prévu d’atteindre les objectifs des Plans. Avec la définition des objectifs, cette partie est centrale. Le Plan flamand et les Plans nationaux suisse et québécois développent d’ailleurs la mise en œuvre sous la forme d’un « plan de mesures » plus concret. Le plan régional français est quant à lui décliné en programmes territoriaux. Le Plan régional québécois se présente sous la forme de « fiches » détaillées. Le Plan régional suisse est mis en œuvre par des contrats de prestations avec les acteurs de terrain. Enfin, le Plan national français a été mis en œuvre par une loi[10].

Les dispositifs d’évaluation de la mise en œuvre des Plans

Nous faisons le constat que dans les Plans sélectionnés, des indicateurs d’évaluation de l’implémentation et de l’efficacité sont prévus mais il ne semble pas clair cependant si les dispositifs d’évaluation permettraient de vérifier la présence d’effets de contexte. Autrement dit, « dans quelle mesure le contexte (socio-économique, culturel, ethnique, etc.) et les acteurs (professionnels, citoyens, etc.) interagissent avec l’implémentation des Plans, affectent leur fidélité et affectent leur potentiel d’efficacité pour la santé des personnes et des communautés »[11].L’évaluation des programmes et actions de promotion de la santé est au cœur de nombreux débats entre acteurs/chercheurs/décideurs. Nous souhaitons mettre en avant que l’évaluation des interventions de promotion de la santé vise d’une part à permettre de produire des connaissances autant sur les effets de ces interventions que sur leurs processus et d’autre part à mesurer leur efficacité et leur efficience. L’enjeu est de s’appuyer sur ces connaissances pour optimiser les actions de terrain. En réponse à un besoin d’outils et de méthodes adaptés aux réalités des interventions de promotion de la santé, nous avons relevé quelques initiatives présentées dans les Plans analysés, comme par exemple l’outil quint-essenz en Suisse, la matrice utilisée en Flandre ou encore la recherche interventionnelle en santé des populations dans laquelle la France et le Québec investissent de plus en plus.Dans un ouvrage publié en 2013 par Carole Clavier et Evelyne de Leeuw, intitulé « Health promotion and the policy process »[12], les auteures soutiennent qu’en promotion de la santé, les acteurs et les chercheurs auraient tout à gagner de mieux comprendre comment les politiques publiques sont élaborées afin de les influencer positivement, de les évaluer adéquatement et de les implémenter efficacement. Notre rapport fait écho à leur constat qui souligne que l’axe premier de la charte d’Ottawa « élaboration de politiques pour la santé », manque d’une base théorique solide pour appuyer l’action. Les résultats de notre analyse sont un pas dans ce sens. L’analyse complète est téléchargeable sur le site : https://uclouvain.be/reso


[1] L’expression « tirez votre plan » est un belgicisme qui signifie « débrouille-toi ».

[2] Malengreaux Ségolène, « Tirez votre plan ! Une analyse de « Plans » pour promouvoir la santé en Flandre, en France, au Québec et en Suisse », Woluwé Saint Lambert : RESO, 2017, p.9 Téléchargeable sur https://uclouvain.be/reso

[3] « Strategisch plande vlaming leeft gezonder in 2025 », Agentschap Zorg & Gezondheid, 2016. Téléchargeable sur : https://www.zorg-en-gezondheid.be/sites/default/files/atoms/files/Strategisch_Plan_GezLev_vGCCorr.pdf

[4] « Stratégie Nationale Prévention des maladies non transmissibles (stratégie MNT) 2017-2024 », Berne, Office fédéral de la Santé Publique et la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé, 2016. Téléchargeable sur : https://www.bag.admin.ch/bag/fr/home/themen/strategien-politik/nationale-gesundheitsstrategien/strategie-nicht-uebertragbare-krankheiten.html?_organization=317

[5] « Stratégie cantonale de prévention et de promotion de la santé 2016-2026 », République et canton de Neuchâtel. Téléchargeable sur https://www.ne.ch/autorites/DFS/SCSP/prevention/Documents/Strat%C3%A9gie_cantonale_pr%C3%A9vention_promotion_sant%C3%A9_rapport%20complet.pdf

[6] « Stratégie Nationale de Santé, feuille de route », Ministère des Affaires Sociales et de la Santé, Septembre 2013. Téléchargeable sur : https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/SNS-Feuille_de_route.pdf

[7] « Projet Régional de Santé des Pays de la Loire », version actualisée du 26 mars 2016, Agence Régionale de Santé Pays de la Loire. Téléchargeable sur : https://www.pays-de-la-loire.ars.sante.fr/le-projet-regional-de-sante-1ere-generation-2012-2016

[8] « Programme national de santé publique pour améliorer la santé de la population du Québec 2015-2025 », Ministère de la Santé et des Services Sociaux, Gouvernement du Québec, 2015. Téléchargeable sur https://publications.msss.gouv.qc.ca/msss/fichiers/2015/15-216-01W.pdf

[9] Direction de santé publique de la Montérégie (2016), « Plan d’action régional de santé publique 2016-2020 », Longueuil, Centre intégré de santé et de services sociaux de la Montérégie-Centre. Téléchargeable sur https://extranet.santemonteregie.qc.ca/depot/document/3858/PAR-VF.pdf

[10] LOI 2016-41 du 26 janvier 2016 de « modernisation de notre système de santé »

[11] Malengreaux Ségolène, « Tirez votre plan ! Une analyse de « Plans » pour promouvoir la santé en Flandre, en France, au Québec et en Suisse », Woluwé Saint Lambert : RESO, 2017, p.46 Téléchargeable sur https://uclouvain.be/reso

[12] CLAVIER C. and de LEEUW E., « Health promotion and the policy process », Oxford University Press, 2013.

Campagne de sensibilisation

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Campagne de sensibilisation

C’est mieux, mais peut et doit mieux faire. Tel est le bilan de la consommation trop importante d’antibiotiques en Belgique et dans d’autres pays européens. La journée européenne d’information sur les antibiotiques, qui a lieu le 18 novembre, garde donc malheureusement tout son sens. Chez nous, le SPF Santé publique et la Commission belge pour la coordination de la politique antibiotique (BAPCOC) saisissent cette 10ème édition pour taper une fois encore sur le clou au moyen d’une campagne de sensibilisation à destination des patients et des professionnels de santé.« Les antibiotiques ne sont pas des bonbons, clame Maggie De Block, ministre des Affaires sociales et de la Santé publique, face à l’utilisation trop fréquente et incorrecte que la population belge en fait.Trop d’antibiotiques, cela signifie à l’heure actuelle, qu’en dehors des institutions hospitalières, les médecins généralistes prescrivent encore plus de 1000 traitements antibiotiques par an pour 1000 habitants. Les adolescents, notamment, prennent plus d’antibiotiques que le reste de la population. Pourtant, on sait que la consommation d’antibiotiques est loin d’être anodine. Non seulement, ils provoquent leur lot d’effets secondaires. Plus grave, les bactéries développent des résistances aux antibiotiques. Résistances qui, en se multipliant comme c’est le cas maintenant, finiront par entrainer une kyrielle de problèmes de santé publique : « Les infections que nous pouvons actuellement traiter sans problèmes ne pourront plus l’être à l’avenir », prévient Maggie De Block. Les actes chirurgicaux, les traitements contre le cancer et les transplantations pourront devenir très dangereux à cause du risque inhérent d’infection. Nous pourrions également ne plus disposer d’antibiotiques actifs.La bonne nouvelle, c’est qu’il est scientifiquement prouvé que la diminution des traitements par antibiotiques entraîne la diminution de la résistance. Il est donc primordial de continuer à informer les professionnels de santé et les patients sur la bonne utilisation des antibiotiques.

Une campagne, plusieurs canaux d’information

La campagne belge, lancée dans le sillage de la journée européenne d’information sur les antibiotiques, s’articule autour du thème « Les antibiotiques : prenez-les comme il faut et uniquement quand il le faut ». Ce message, diffusé d’abord par la radio et la presse écrite, le sera ensuite par les pharmaciens et médecins au moyen d’affiches et de dépliants d’informations pour leurs patients. Pendant le pic d’épidémie grippale, une action sera menée dans les pharmacies afin de récolter les antibiotiques non utilisés.

Formation e-learning pour aider les généralistes

Le SPF Santé publique et la BAPCOC lancent aussi, pour la première fois cet hiver, une formation e-learning pour aider les médecins généralistes à réduire l’utilisation des antibiotiques. En dix minutes, ceux-ci pourront apprendre des techniques de communication et prendre connaissance d’une nouvelle brochure, basée sur les dernières connaissances scientifiques, expliquant l’évolution naturelle de la toux, à diffuser auprès de leurs patients. Car trop nombreux sont les patients qui continuent de croire qu’une toux persistant plus d’une semaine doit être soignée par des antibiotiques.L’objectif de la formation en ligne est d’aider les praticiens à discuter du bon usage des antibiotiques avec leurs patients.

Résultats attendus pour 2020 et 2025

L’objectif final du SPF Santé publique et de la BAPCOC est d’atteindre les 600 prescriptions pour 1000 habitants en 2020, puis 400 en 2025, pour que les antibiotiques continuent à nous protéger dans le futur.Pour en savoir plus :https://www.usagecorrectantibiotiques.be/fr

Pourquoi est-il si difficile de prescrire moins d’antibiotiques ?

Nous avons demandé au Professeur Herman GOOSSENS, président de la Commission belge pour la coordination de la politique antibiotique (BAPCOC), pourquoi il est à ce point difficile de diminuer les prescriptions d’antibiotiques, alors que l’on insiste depuis maintenant deux décennies sur la nécessité d’en consommer moins…Professeur Herman Goossens : nous n’avons pas vraiment la réponse. Dans notre pays, les premières campagnes de sensibilisation ont entraîné une diminution d’environ 35% de la consommation d’antibiotiques entre 2000 et 2007. La consommation est ensuite restée stable.La France a connu la même situation. Sa très belle campagne « Les antibiotiques, c’est pas automatique », lancée en 2002, fut suivie d’une diminution de l’utilisation d’antibiotiques jusqu’en 2008-2009. La baisse s’est ensuite stoppée.Si nous avons prévu d’analyser, en collaboration avec l’INAMI, les obstacles à une consommation moindre d’antibiotiques, nous pouvons cependant déjà dire que la consommation d’antibiotiques ne diminue pas chez certains groupes de patients, comme les adolescents. Par ailleurs, des médecins généralistes prescrivent vraiment trop d’antibiotiques.La Belgique est également la championne des pays européens en matière d’utilisation d’antibiotiques à large spectre. Ces antibiotiques (comme la moxifloxacine et l’amoxicilline-clavulanate) ont été introduits plus tardivement sur le marché belge. Ils coûtent plus chers que les anciens antibiotiques, généralement à spectre plus étroit. À chaque fois qu’un de ces nouveaux antibiotiques a été lancé, les firmes pharmaceutiques ont exercé une énorme pression sur les médecins pour qu’ils les prescrivent, alors que les anciens antibiotiques étaient toujours efficaces.E.S. : l’industrie pharmaceutique est donc un obstacle à une consommation moindre d’antibiotiques ?Pr H. G. : l’industrie pharmaceutique a exercé, jusqu’il y a une dizaine d’années, une très forte pression sur les médecins généralistes pour pousser à la consommation d’antibiotiques, puisque les bénéfices étaient générés par le volume des prescriptions. Cette pression des firmes pharmaceutique n’est actuellement plus aussi forte car les antibiotiques sont devenus très bon marché, à l’exception des antibiotiques à large spectre. Il se peut cependant que des médecins aient conservé cette attitude de prescrire beaucoup d’antibiotiques.E.S. : les patients exercent-ils une pression sur les médecins généralistes pour se voir prescrire des antibiotiques ?Pr H. G. : oui, probablement. Cette pression est, ici aussi, beaucoup moindre qu’auparavant.Lorsque nous avons commencé nos campagnes de sensibilisation il y a presque 17 ans, une enquête réalisée auprès de patients en Flandre et en Wallonie avait révélé qu’ils étaient nombreux à demander des antibiotiques, même pour un rhume. De leur côté, les médecins généralistes expliquaient qu’ils voulaient bien ne plus prescrire d’antibiotiques… mais leurs patients allaient alors en réclamer à un autre médecin. Les campagnes de sensibilisation ont permis de diminuer cette pression des patients sur les médecins, à tel point que des généralistes déplorent à présent le fait que des patients refusent de recourir aux antibiotiques même quand c’est absolument nécessaire. Les patients disent eux-mêmes à leur médecin que les antibiotiques sont mauvais pour la santé. Ils veulent, par ailleurs, lutter contre les résistances aux antibiotiques et, par conséquent, y recourir le moins possible.Je pense que l’utilisation abusive et incorrecte des antibiotiques relève d’une responsabilité partagée. Cependant, les médecins sont toujours seuls responsables des prescriptions. Nous cherchons encore à découvrir pourquoi certains médecins généralistes sont aussi résistants à nos campagnes et interventions… Nous savons toutefois qu’il faut parfois les aider dans leur communication avec les patients.C’est pourquoi nous sommes en train d’envoyer un e-learning module à tous les généralistes de Belgique (17.000) pour les encourager à changer leur attitude et les aider à communiquer avec leurs patients au moyen d’une brochure. Ce module, d’une durée de dix minutes, a déjà été testé dans quatre pays européens (Espagne, Pays-Bas, Angleterre et Pologne) et a fait l’objet d’une étude très intéressante et convaincante. Nous avons donc décidé de le faire traduire en français et en néerlandais pour le rendre accessible aux médecins généralistes belges au cours de cet hiver.

Tante Biotique est une édition spéciale de Bob et Bobette, créée à l’initiative de la BAPCOP et destinée à sensibiliser les parents et les enfants à la consommation excessive d’antibiotiques. Chouette et éducatif en même temps, l’album peut-être lu en ligne ou obtenu gratuitement par la poste (jusqu’à épuisement du stock).

Image

Maux de dos : un mode d’emploi pour la prise en charge

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Maux de dos : un mode d’emploi pour la prise en charge

Mal au dos, que faire ? Face à la grande variété de solutions proposées à ceux et celles qui souffrent de ce « mal du siècle », le KCE avait déjà publié en mai dernier un Guide de pratique clinique basé sur les plus récentes connaissances scientifiques. En guise de prolongation, voici un itinéraire de soins qui définit, pour un patient donné et en fonction du type et de la durée de sa douleur, les examens à effectuer et les traitements à proposer pour progresser de la façon la plus cohérente possible. C’est la première fois qu’un itinéraire de soins est réalisé en commun avec des représentants de toutes les professions de soins concernées et avec les patients. Il englobe à la fois les douleurs lombaires (mal de dos simple) et radiculaires (de type sciatique). Pour en faciliter l’usage, le KCE en a également développé une version interactive en ligne (www.lombalgie.kce.be).Si vous souffrez de mal de dos, il y a de fortes chances que vous ayez déjà testé toutes sortes de traitements, de votre propre initiative ou sur le conseil de votre kiné, médecin traitant, ostéopathe,… et ceci avec des succès variables. C’est le constat de cette hétérogénéité – d’approches mais aussi de résultats – qui a incité le KCE à développer un itinéraire de soins pour tous les professionnels de la santé concernés par ce problème fréquentissime.

Qu’est-ce qu’un itinéraire de soins ?

Un itinéraire de soins est une sorte de « marche à suivre » qui définit, pour un patient donné à un moment donné de sa pathologie, les examens à effectuer et les traitements à proposer pour progresser de la façon la plus cohérente possible. Pour caricaturer, il ne saurait être question de proposer d’emblée une intervention chirurgicale avant d’avoir essayé la kinésithérapie !

Fruit d’un travail commun de toutes les professions concernées

L’itinéraire de soins que publie aujourd’hui le KCE est en quelque sorte la suite du guide de pratique clinique pour les douleurs lombaires et radiculaires qu’il avait publié en mai dernier. L’un comme l’autre résultent d’un travail de longue haleine mené en étroite collaboration avec la Spine Society of Belgium et des représentants des médecins généralistes, kinésithérapeutes et autres praticiens des techniques manuelles (ostéopathes et chiropracteurs), spécialistes en médecine physique et réadaptation, chirurgiens orthopédistes, neurochirurgiens, anesthésistes/algologues (cliniques de la douleur) et psychologues.

Une grande attention aux aspects liés au travail

Pour la conception de l’itinéraire de soins, le groupe de travail s’est adjoint les compétences d’ergothérapeutes et d’ergonomes, de médecins du travail et de médecins-conseils des mutualités. En effet, la volonté du groupe était de consacrer une grande attention au maintien ou à la reprise du travail, un domaine où beaucoup de nouvelles dispositions ont été prises, qui ne sont pas encore bien connues. « L’itinéraire a été pensé tous ensemble pour s’adresser à tous les professionnels de soins dans un esprit de bonne collaboration et de complémentarité, en n’oubliant pas de leur rappeler, ici et là, l’importance d’une bonne communication entre eux…» soulignent Pascale Jonckheer et Anja Desomer, les deux chercheuses du KCE qui ont piloté cette longue aventure.

La parole aux patients

Les patients ont également été sollicités pour la conception de cet itinéraire de soins, via des groupes de discussion où ils ont évoqué leurs cheminements à travers le système de soins. Cela a permis aux chercheuses d’identifier plusieurs malentendus fondamentaux entre patients et soignants. Par exemple, les patients sont souvent très anxieux d’obtenir un « diagnostic » précis pour leur mal de dos, alors que les soignants savent d’expérience que, le plus souvent, le mal de dos n’est pas la manifestation d’une lésion précise de la colonne vertébrale mais bien l’expression d’un dysfonctionnement passager, qui ne peut être visualisé sur une radio ou une IRM. Ces examens sont donc superflus et la prise en charge immédiate doit être la moins médicale possible, au risque que les patients interprètent parfois cela comme de la désinvolture de la part des soignants. Une communication plus claire à ce sujet s’impose donc.

Prévenir le passage à la chronicité

Dans environ 10% des cas, le mal de dos persiste plusieurs semaines ; à partir de 3 mois, on considère qu’il est chronique. Tout l’itinéraire de soins est focalisé sur la prévention de ce passage à la chronicité. En effet, il existe des facteurs de risque, désormais bien identifiés, qui permettent de distinguer les personnes dont la douleur risque de perdurer. Ces facteurs sont à la fois psychologiques (p.ex. une anxiété très marquée) et socio-professionnels (p.ex. un conflit avec l’employeur). À chaque étape de l’itinéraire, ce risque doit être (ré-)évalué, afin d’adapter la prise en charge au profil spécifique du patient.Il s’agit donc pour les soignants de trouver un juste équilibre. D’une part, ils doivent préconiser une démarche dédramatisante pour la majorité de leurs patients lombalgiques, encourager l’activité physique, ne pas faire de radios, prescrire le moins de médicaments possible. Et d’autre part, ils doivent rester attentifs à détecter les 10% d’entre eux qui risquent de développer un problème chronique potentiellement invalidant.

Un outil interactif pour mieux s’y retrouver

C’est la première fois qu’un itinéraire de soins s’adresse de façon globale à tous les intervenants professionnels concernés, englobe à la fois les phases aigues et chronique et considère en parallèle les douleurs lombaires (mal de dos simple) et radiculaires (de type sciatique). Revers de la médaille, le résultat est inévitablement assez complexe. C’est pourquoi le KCE a développé un outil informatique sous la forme d’un site web interactif que chacun peut utiliser à partir de son ordinateur ou de sa tablette (www.lombalgie.kce.be). « Nous l’avons voulu le plus convivial possible et nous l’avons fait tester par des praticiens de terrain. Toutes les associations scientifiques participantes y ont apposé leur logo. Nous avons également pris contact avec eHealth et les principaux producteurs de logiciels médicaux en leur proposant d’inclure un lien vers cet outil dans leurs logiciels. De cette façon, nous espérons qu’il sera adopté par le plus grand nombre de soignants » concluent les deux chercheuses.

Personnes de contact sur le terrain :

Dr Thomas ORBAN, médecin généraliste, président de la Société Scientifique de Médecine générale : 0475 / 902 926Prof Henri NIELENS, Service de Médecine physique et réadaptation, Cliniques universitaires St Luc : 02 /764.16.50 (ou 010.47.45.05 vendredi après-midi)Pour entrer en contact avec les chercheurs du KCE :Karin Rondia, Communication scientifique KCETél. : +32 (0)2 287 33 48GSM : +32 (0)475 769 766Email : press@kce.fgov.be

Que penser du Wi-Fi et des ondes électromagnétiques à l’école?

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Que penser du Wi-Fi et des ondes électromagnétiques à l’école?

Il en va ainsi des évolutions technologiques : utilisées tout d’abord dans un cercle restreint, elles se démocratisent et se répandent dans l’ensemble de nos milieux de vie. La technologie « sans fil » n’y fait pas exception, elle s’est généralisée dans la vie courante pour les téléphones, les babyphones, les gsm… mais aussi pour la connexion à internet pour toute une série d’appareils, grâce au wi-fi ou au réseau mobile.Via l’utilisation de tableaux connectés, en passant par les ordinateurs de la salle informatique, les tablettes et smartphones qu’utilisent professeurs et élèves, l’école, elle aussi, intègre ces nouvelles technologies. Face à une exposition de plus en plus accrue des enfants, au sein même de l’école, aux ondes qu’émettent ces appareils, certains s’interrogent sur leurs effets potentiels sur la santé et ont interpellé l’ONE et la Commission de Promotion de la Santé à l’Ecole à ce sujet.Un groupe de travail s’est dès lors constitué au sein de l’ONENote bas de page en 2016 dans le but d’émettre des recommandations quant à l’utilisation des appareils produisant des ondes électromagnétiques de radiofréquence à l’école, à l’attention des professionnels de Promotion de la Santé à l’Ecole, des acteurs scolaires et des Ministres de l’Enfance et de l’Enseignement.

Concrètement, un groupe de travail pour quoi faire ?

Faire le point sur les données scientifiques actuelles et les recommandations existantes sur les risques éventuels de l’exposition aux ondes électromagnétiques des enfants en âge scolaire (maternelle, primaire, secondaire) qui émanent des instances de santé nationales et internationales.Ceci afin de libeller des points d’attention et des propositions de gestion de cette exposition au sein des établissements scolaires dans une optique de promotion de la santé.Sur base de la récolte de ces données et recommandations, un rapport provisoire a été soumis au débat d’un panel d’experts pour aboutir, après cette consultation, à la constitution du rapport final.

Qu’est-ce qu’une onde électromagnétique de radiofréquence ?

La technologie sans fil utilise des ondes électromagnétiques de radiofréquence qui ont une fréquence entre 100 kilohertz et 300 gigahertz ; elles sont la combinaison d’un champ électrique et magnétique qui provoque un rayonnement électromagnétique non ionisant.Ces ondes sont émises par de nombreux objets de notre environnement : ondes télé, ondes radio, ondes émises par le gsm, le wi-fi, le micro-onde etc…Afin de quantifier la dose d’ondes qu’émet un appareil, et que notre corps reçoit, la mesure fréquemment utilisée est celle du DAS : débit d’absorption spécifique. Il s’agit d’une estimation par calcul de la quantité d’énergie absorbée par une partie du corps d’un adulte pendant une seconde (il n’existe pas à l’heure actuelle de modèle qui prenne en compte les particularités des corps des enfants). Le DAS s’exprime en watt par kg. Le DAS maximal (lorsque l’appareil émet à pleine puissance) doit obligatoirement figurer sur le descriptif des caractéristiques techniques de certains appareils lors de leur vente, c’est le cas pour un gsm ou un smartphone par exemple. Le DAS maximum autorisé pour un gsm est de 2 watt par kg. Cela correspond à la quantité reçue lors d’un usage très proche de la tête et dans de mauvaises conditions de réception, comme par exemple lorsque nous sommes en mouvement (en marche, dans la voiture, dans le train…).Dans notre quotidien, les sources de ces ondes peuvent être des sources lointaines et statiques sur lesquelles nous n’avons pas de contrôle ou des sources plus proches de nous, intermittentes et sur lesquelles nous pouvons agir. Nous ne pouvons avoir d’action sur les antennes relais qui se situent dans notre voisinage, mais nous pouvons par contre décider de la manière et de la fréquence à laquelle nous utilisons notre propre gsm ou smartphone. Lorsque nous achetons un téléphone mobile et/ou intelligent, nous pouvons également faire de la valeur du DAS, un de nos critères de sélection.

Que savons-nous sur les effets de ces ondes ?

Il est acquis que les ondes électromagnétiques de radiofréquences peuvent provoquer, en fonction de leur fréquence et de leur intensité, un réchauffement de la matière. C’est la propriété recherchée par le four à micro-ondes par exemple.En raison de ce réchauffement lié aux ondes (celui-ci pouvant mener à des lésions cellulaires) des seuils d’émission maximale ont été établis pour la technologie sans fil.Actuellement, le monde scientifique n’a pas mis en évidence d’autres effets néfastes possibles de ces ondes mais ceux-ci ne sont pas exclus.Si l’état des connaissances ne permet pas actuellement d’apporter une réponse univoque quant à la nocivité des ondes électromagnétiques de radiofréquence sur notre santé, l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a néanmoins jugé les données disponibles suffisamment pertinentes dans le domaine de la téléphonie mobile, pour classer ces ondes dans la catégorie « peut-être cancérogènes » en ce qui concerne le risque de cancer de la tête et du cou.Certaines personnes se plaignent « d’hypersensibilité » aux ondes électromagnétiques. Actuellement, aucune association autre que psychologique n’a encore pu être démontrée entre l’exposition à ces ondes et les symptômes présentés. En clair, cela signifie que les symptômes et la souffrance ressentis par les personnes sont réels mais il n’a pu être prouvé actuellement que ceux-ci étaient attribuables à l’exposition à ces ondes. L’OMS évoque dans ce cas la présence d’un effet « nocebo » : une personne qui pense être soumise à quelque chose de nocif (ici les ondes électromagnétiques) ressent des symptômes aspécifiques.Toutefois, la recherche se poursuit.Il est cependant clairement admis au sein de la communauté scientifique, que les enfants absorbent davantage d’ondes électromagnétiques que des adultes soumis à ces ondes aux mêmes conditions. Cela s’explique en raison de leur petite taille, qui occasionne une absorption plus importante pour une même zone, et des propriétés diélectriquesNote bas de page de leurs tissus qui sont différentes de celles des adultes.Il est établi également que l’exposition induite est différente en fonction des appareils. L’intensité du champ électromagnétique produite par la téléphonie mobile est beaucoup plus importante que l’intensité du champ d’un routeur wi-fi, sans que la durée d’exposition ne vienne changer la donne.Sans négliger la part d’exposition aux bornes wi-fi, les messages prioritaires à adresser concernent surtout l’usage de la téléphonie mobile. Afin de limiter son exposition, il s’agira de veiller à utiliser son téléphone dans des conditions optimales : dans de bonnes conditions de réception (là où le réseau est performant), à l’arrêt (pour ne pas que le mobile cherche de manière continue à se relier au relais) et à distance du corps (via une oreillette par exemple).

Quelques précisions préalables importantes quant aux résultats du groupe de travail:

  • Les recommandations du rapport n’ont pas pour vocation d’encourager ou à l’inverse, de mettre un frein à l’essor du numérique en milieu scolaire.

  • Ce rapport se base sur les connaissances scientifiques actuelles. Puisque la recherche progresse et les technologies aussi, le contenu du rapport est amené à évoluer, et ce, peut-être, rapidement.

  • Le champ d’étude du groupe de travail s’est élargi de l’impact de l’utilisation desrouteurs wi-fiau sein des écoles permettant de connecter tablettes, pc et tableaux, à l’usage du gsm et du smartphone présents de manière importante dans l’environnement des enfants.

  • Seuls les effets sanitaires potentiels des ondes électromagnétiques sur la santé ont été abordés.L’aspect pédagogique des technologies numériques ou tout autre effet sanitaire potentiel tel que l’addiction n’ont pas été abordés dans le cadre de ce travail.

Que faire ?

L’état actuel des connaissances ne permet donc pas d’apporter une réponse claire et univoque sur la nocivité des ondes électromagnétiques de radiofréquence sur la santé. Il s’agit donc plus de gérer une incertitude quant aux risques, que le risque en tant que tel.Le groupe de travail a souhaité se positionner résolument dans une optique de promotion de la santé dans laquelle les éléments suivants sont d’importance:

  • l’information, la communication et la transparence avec les parents, les élèves et les enseignants sur ce sujet ;

  • l’empowerment (action qui permet à chacun de s’investir, d’avoir une compréhension suffisante pour être autonome et responsable de ses décisions) ;

  • la logique d’utiliser un outil uniquement quand c’est nécessaire étant donné qu’il existe un manque de connaissances quant à sa nocivité à long terme.

Le groupe de travail a proposé des pistes d’actions à plusieurs niveaux : pour les responsables des établissements scolaires, pour les professionnels de la médecine scolaire, et pour les mandataires politiques. Pour ces derniers, des recommandations en matière de normes et de recherches ont été formuléesLes pistes d’action à explorer à l’école sont :

  • Limiter, autant que c’est possible raisonnablement, l’exposition des enfants aux ondes électromagnétiques de radiofréquence lorsque ce n’est pas nécessaire.

  • Pour limiter l’exposition des enfants, on peut jouer sur le choix d’un matériel, sur le cumul (intensité de l’exposition et durée) et sur la distance.

  • Pour le choix du matériel, on peut favoriser une liaison internet par câble. Si le wi-fi est présent, privilégier une installation susceptible de pouvoir s’éteindre quand elle n’est pas utilisée. Penser à éteindre les pc et les tablettes qui vont continuer à émettre pour chercher où se connecter.

  • Pour la distance, les champs électromagnétiques diminuent relativement rapidement quand on s’en éloigne Une étude d’implantation sera donc la bienvenue pour déterminer où disposer les bornes wi-fi dans les lieux les plus éloignés des enfants, ou dans les lieux de passage.

  • Sensibiliser les enfants pour promouvoir une utilisation du GSM/smartphone à distance : via une oreillette, un kit main libre, en ne gardant pas l’appareil en poche…

Mais encore, pour le monde politique :

  • Sensibiliser les directions et les enseignants sur l’utilisation avisée et précautionneuse de ces appareils en introduisant par exemple dans les formations sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication, ces notions de cumul, de distance et de degré d’exposition….

  • Promouvoir auprès des acteurs scolaires, la nécessité d’une information et d’une communication transparente vis-à-vis des parents et des élèves sur les projets des écoles en matière des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Quelle position adopter en médecine scolaire face à un enfant qui aurait des plaintes d’électro sensibilité ?

L’enfant en souffrance demande une reconnaissance et une prise en charge de son problème.Il est tout d’abord nécessaire de s’assurer que l’enfant a fait l’objet d’une mise au point complète vis-à-vis de ses symptômes tant au niveau physique, psychologique que social et environnemental. Des causes liées à des problèmes de vue, d’allergies, de moisissures, de stress etc. devront d’abord être exclues. Ensuite, la situation sera vue au cas par cas dans un exercice d’équilibre délicat entre la possibilité d’aménagements éventuels afin de réduire l’exposition et les impératifs du projet d’établissement et tout en veillant à ne pas étiqueter l’enfant pour ne pas compromettre son avenir social et professionnel.

Conclusions

A ce jour, la recherche n’a pas permis de répondre de manière univoque aux questionnements soulevés par le développement rapides des nouvelles technologiques quant aux risques liés à l’exposition aux rayonnements électromagnétiques de radiofréquence sur notre santé. Aucune association délétère n’a pu être démontrée actuellement, ce qui est un élément rassurant. Néanmoins de nombreuses inconnues subsistent.Sur base du consensus qui établit que les enfants y sont plus susceptibles que des adultes et qu‘un manque de données existe quant à leurs éventuels effets, il s’avère dès lors raisonnable de limiter l’exposition des enfants à ce qui est nécessaire, à l’école comme à la maison.

Ce groupe de travail est composé de représentants de la Direction Santé et de la Direction Recherche et Développement de l’ONE, de membres du Collège des conseillers pédiatres de l’ONE, des Eco-conseillères de l’ONE, d’un membre du Bureau de la Commission de Promotion de la Santé à l’Ecole et du responsable de la Cellule Promotion des attitudes saines à l’école de la Direction générale de l’Enseignement Obligatoire du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Isolantes (ou de conduction électrique).

Illettrisme et santé, brisons le tabou

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

« Au moins un patient sur dix est en difficulté avec l’écrit et peut être en danger si on n’en tient pas compte ! ». Education Santé a participé à une matinée de sensibilisation à la problématique de l’illettrisme, organisée par l’asbl Lire & Ecrire à destination des professionnels de la santé.

Au programme de cette matinée, nous avons tout d’abord interrogé nos représentations de l’illettrisme, avant d’en aborder les causes et les conséquences. Ensuite, nous avons échangé sur le lien entre l’illettrisme et la santé, les « trucs et astuces » pour le reconnaître auprès des patients et oser l’aborder.

Au moins un patient sur dix

L’illettrisme vous semble être une problématique d’un autre âge ? Pourtant, aujourd’hui on estime qu’il concerne environ 10% de la population en Belgique. Il n’existe pas de données statistiques précises, les estimations sont issues de données croisées entre les résultats des études PISA, des recherches, les observations de terrain, etc.

Qu’entend-t-on par « illettrisme » ?

L’illettrisme ne se limite pas à l’analphabétisme, c’est-à-dire « l’état d’une personne qui n’a jamais appris à lire et écrire ». Il caractérise les personnes « qui n’arrivent pas à lire et à comprendre un texte simple et court en rapport avec sa vie quotidienne (et dans sa langue maternelle) ». Il ne concerne donc pas non plus les personnes d’origine étrangère qui ne maîtrisent pas notre langue. Chez Lire & Ecrire, de nombreux apprenants sont des « belgo-belges » francophones qui ne maîtrisent pas la lecture et l’écriture, ou qui l’ont perdue. Parmi ces derniers, les animatrices nous relatent que la grande majorité d’entre eux pensent être les seuls dans ce cas et en éprouvent un sentiment de honte très fort.

Les causes sont multiples et variées. Souvent, on retrouvera un contexte de précarité financière mais pas dans tous les cas. Sont cités aussi : la précarité sociale, des troubles de l’apprentissage non pris en compte, un entourage non stimulant… Les causes ne sont pas uniques et se retrouvent  pour chacun dans une combinaison de facteurs.

Bien que l’école primaire soit obligatoire en Belgique, « si on ‘rate le coche’ à l’école vers ses 7 ans, passé la première ou deuxième primaire, c’est trop tard dans notre système éducatif » souligne une animatrice. Et le moyen de remédiation massivement appliqué chez nous est le redoublement des élèves. « Ce système ne fait pas ses preuves, on fait porter la responsabilité à l’enfant, ou ses parents, et on apporte une réponse collective à un problème individuel. », ajoute-t-elle.

Des conséquences lourdes pour la santé

La problématique de l’illettrisme nous renvoie au concept de la « littératie en santé », ou la capacité d’une personne à obtenir, interpréter et comprendre des informations en lien avec la santé afin de pouvoir faire des choix éclairés pour maintenir ou améliorer sa santé ou celle de son entourage. Or, de très nombreuses situations requièrent l’accès à la lecture et l’écriture pour obtenir et comprendre les informations : de la prise de rendez-vous (trouver le bon interlocuteur, noter les informations de rendez-vous, s’orienter dans un hôpital…) à la médication (lire les notices, comprendre les effets indésirables, adapter les posologies…) en passant par les explications et recommandations du médecin, les papiers pour la mutuelle ou autres démarches administratives… Les obstacles sont nombreux et les conséquences peuvent être dramatiques pour la santé.

L’anxiété, l’isolement et l’impact négatif sur l’estime de soi sont trois thèmes qui reviennent tout au long de la matinée de sensibilisation. D’autres conséquences émergent aussi au fil des discussions : la difficulté pour trouver un emploi, la difficulté à sortir des terrains connus (son quartier où l’on a ses habitudes par exemple), la dépendance aux autres, le peu d’autonomie, la contrainte pour la famille (des enfants qui se trouvent à traiter des problèmes d’adultes pour aider leurs parents, par exemple), etc.

La problématique de l’illettrisme, ses causes et conséquences touchent aux inégalités de santé.

« Une femme de 25 ans disposant d’un diplôme de l’enseignement supérieur peut espérer vivre 18 ans de plus en bonne santé qu’une femme du même âge n’ayant suivi aucun enseignement » (projet TAHIB, ISSP, 2010)

Le détecter…

Plusieurs signes peuvent mettre la puce à l’oreille auprès des professionnels de santé. Par exemple, si une personne vient toujours accompagnée en consultation, si elle a systématiquement « oublié ses lunettes pour lire», si les enveloppes ne sont jamais ouvertes dans son sac, le recours systématique aux urgences de l’hôpital pour être sûr de voir un médecin… Chacun dans la salle évoque des moment où  il a « eu des soupçons », mais personne n’a osé poser la question.

…Et l’aborder

« Brisez le tabou ! » nous exhortent les animatrices. Elles ont trop souvent entendu les apprenants qui viennent chez Lire & Ecrire dire « j’attendais qu’on me le demande, je n’ai pas osé le dire mais je l’aurais dit si on me l’avait demandé ».

Gilles Henrard, médecin généraliste, a entamé tout un travail en partenariat avec Lire & Ecrire. Suite à ses rencontres avec des patients illettrés, il propose quelques pistes à ses confrères pour « améliorer sa communication, particulièrement avec les patients analphabètes » :

  • ralentissez;
  • évitez le jargon médical ;
  • montrez ou dessinez des illustrations ;
  • limitez le nombre d’informations données à chaque contact et répétez-les ;
  • faites répétez ce que vous avez dit, faites faire par le patient les gestes que vous avez décrits pour confirmer sa compréhension ;
  • soyez empathiques et encouragez le patient à participer à ses soins.

La matinée de sensibilisation organisée par Lire & Ecrire a permis de remettre en lumière cette problématique encore trop «  taboue » dans nos pratiques de santé et trop souvent oubliée dans les projets, les animations, les campagnes de prévention… Dans une perspective de promotion de la santé, n’oublions désormais pas/plus de prendre en compte ce public concerné par l’illettrisme.

Pour en savoir plus sur l’asbl « Lire & Ecrire » : www.lire-et-ercire.be

Parents d’aujourd’hui, tous égaux face à la santé ?

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Parents d’aujourd’hui, tous égaux face à la santé ?

Le 19 janvier dernier, la Société Française de Santé Publique (SFSP) organisait à Paris son second séminaire intitulé « Accompagnement de la parentalité et inégalités sociales de santé ». Une journée riche en rencontres, débats et réflexions qui rassemblait dans le public des professionnels de tous horizons. Ce séminaire fait partie du projet de la SFSP visant à valoriser, construire et diffuser l’expérience et la connaissance pour développer des actions d’accompagnement à la parentalité ayant un impact sur les inégalités sociales de santé. Pour nous parler de parentalité et d’inégalités sociales de santé plusieurs intervenants : le milieu universitaire français et québécois, la caisse nationale des allocations familiales (CNAF), des professionnels de terrain… Education Santé y a assisté et partage avec vous quelques éléments de réflexion.

Médecins, chercheurs, éducateurs, parents… au cours de l’histoire, l’enfant est petit à petit devenu l’objet de beaucoup d’attentions pour la société civile et scientifique. L’enfance est en effet une période de construction intense sur le plan physique, évidemment, mais aussi pour le développement de la citoyenneté et de la santé ! C’est aussi, et surtout, une période très propice à la création des inégalités sociales de santé (ISS) ! En France, on estime aujourd’hui qu’un cinquième des enfants vit sous le seuil de pauvreté.

Parfois dans le marasmes d’informations, les inégalités sociales de santé prennent bien des définitions. Alors pour petit rappel, les ISS ce n’est pas : la précarité, la pauvreté, l’exclusion sociale, les inégalités de santé (au sens génétique, de genre ou encore d’âge) ce sont des écarts injustes et importants que l’on enregistre entre groupes sociaux ou territoires. Ces inégalités se construisent très tôt dans la vie, dès la conception d’un enfant. C’est donc à ce moment qu’il faut agir !

Inégalités et enfance : quelques repères

Forte de ses nombreuses années d’expérience en médecine préventive, le docteur Christine Colin, professeur titulaire de santé publique à l’Université de Montréal, nous a présenté quelques points de repères pour agir sur les ISS.

La petite enfance est une période cruciale où l’ensemble des parents ont une série de besoins et d’inquiétudes semblables. On observe l’influence du gradient social très tôt, dès la conception. Si, comme il nous l’a été rappelé, les ISS ne sont pas la pauvreté, on sait que pour les populations les plus pauvres un certain « fossé » coexiste avec le gradient social. C’est-à-dire qu’il existe une différence significative entre le groupe de population très défavorisé et le groupe juste supérieur. Aujourd’hui, la pauvreté est encore une réalité persistante qui tend à s’aggraver.

« La pauvreté peut être plus dommageable durant la petite enfance, car elle affecte plusieurs sphères constituantes qui auront un impact sur la performance et la réussite scolaire » Jack P. Shonkoff, 2000

L’indigence, en plus des conséquences directes sur la santé périnatale (malformations congénitales, prématurité, petit poids de naissance…) et la santé des enfants (obésité, asthme, anémie…), se répercute sur la parentalité ! L’enfant est souvent synonyme de projet et porteur d’espoir. Pourtant il y a un stress élevé et omniprésent lié à l’état de précarité : payer les factures, acheter à manger, les frais médicaux… Apparaissent un sentiment de honte et une estime de soi compromise ! Des parents qui bien que dotés de compétences parentales et d’amour pour leur(s) enfant(s) se voient souvent jugés incapables de s’occuper de ceux-ci. Simplement, et malheureusement, parce que les compétences parentales sont cachées derrières des difficultés du quotidien sans pour autant être caractérisées par une absence de sécurité matérielle. Ceci entraine de la part des parents une méfiance à l’égard des services de soins et des services sociaux et nuit à l’établissement d’une relation de confiance entre professionnel et parents.

La pauvreté influence aussi l’environnement dans lequel l’enfant grandit et évolue. Il s’agit souvent d’un environnement moins stimulant, lié entre autres, à de faibles interactions sociales et verbales, à la dureté de l’éducation ou encore la qualité des institutions telles que l’école ou des programmes éducatifs. Le regard que la société pose sur la pauvreté marginalise ces populations en inspirant méfiance, préjugés, jugements… qui eux-mêmes influence les sentiments de honte, de stress, etc. chez les populations pauvres. Sorte de spirale autoalimentée. Bien qu’inquiétante, il faut garder à l’esprit qu’il n’y a pas de déterminisme à la pauvreté. Il est évident qu’il y a une majoration des divers risques lié à la précarité mais cela ne s’applique pas à la totalité des enfants. La résiliences est toujours possible, les interventions de promotion de la santé trouvent leur place dans ces contextes précaires et peuvent être efficaces !

« Si l’enfance est une période de fragilité c’est aussi une période d’opportunités. Il faut que les parents sachent qu’ils sont capables d’accompagner leur enfant et de développer des compétences psychosociales »

Agir pour les enfants d’aujourd’hui, c’est agir pour les adultes de demain. Pourquoi ? Parce que les enfants nés dans la précarité peuvent voir leur statut socio-économique amélioré à l’âge adulte. Néanmoins, les effets d’un faible niveau socio-économique pendant l’enfance ne se voient pas totalement effacés ! On observe en effet une répercussion sur la santé des adultes avec une augmentation de la fréquence de l’obésité, la toxicomanie, maladies cardio-vasculaires… L’influence de ce statut est même supérieure à l’addition des différents facteurs de risques qui coexistent. Les préjudices survenus durant le développement de l’enfant sont non seulement irréversibles mais aussi lié à l’effet cumulatif des stresseurs et des menaces.

Que dit le monde scientifique ?

Pour répondre à cette question, Annabelle Pierron, sage-femme et doctorante en santé publique a présenté sa méta-analyse des revues scientifiques en lien avec le sujet. Elle a analysé la littérature publiée sur base de données médicales depuis 2009, année de la parution du rapport de l’OMS sur les déterminants de santéNote bas de page. Ceci dans le but de mettre en évidence trois questions :

  • Quelles sont les interventions les plus efficaces identifiées en matière de promotion de la santé pour les mères et les nouveau-nés ?

  • Est-ce que les auteurs prennent en considération les inégalités sociales de santé ?

  • Quelles sont les pistes d’amélioration proposées par les auteurs ?

Lors de cette méta-analyse elle a pu mettre en évidence les caractéristiques des interventions les plus efficaces. Notamment l’accompagnement comportemental, cognitif et psychologique qui peut se faire en groupes de parole ou via un soutien téléphonique. Celui-ci améliore l’adaptation des couples à la parentalité ainsi qu’une amélioration de la sensibilité et de la réceptivité du nouveau-né. Il existe deux éléments clés qui rendent ces interventions encore plus efficaces : quand elles sont débutées avant la naissance et lorsque les parents y participent activement. On observe alors de vrais bénéfices pour les mères et les bébés et ce, pour un coût faible !ImageAu cours de ses recherches, la doctorante a également pu mettre en évidence que la littérature avait une vision parcellaire des inégalités sociales de santé. Après avoir trié les différents articles avec des critères d’exclusions tels que : les enfants de moins de 3 ans, la prématurité et la présence de pathologies maternelles, elle a retenu 21 articles. Sur cette sélection, 10 d’entre eux abordaient les ISS et seulement 4 les intégraient réellement à l’analyse ! La littérature s’intéresse peu à la période périnatale et aux services universels, c’est-à-dire qu’elle se centre surtout sur des populations dites à risque. Par ailleurs, elle n’étudie ni la qualité de logement, les services de garde des enfants ni le versant relationnel et du lien social. Autre élément important, souvent le parent est associé à la maman ! Le couple envisagé comme une entité parentale est peu étudié, peut-être par difficulté méthodologique. Finalement, comment définir le mot « parent » sachant que la parentalité est une expérience unique et singulière pour chacun, qu’elle ne dépend pas uniquement du/des parent(s) mais aussi des modes de vie ?

Malgré ces difficultés, les auteurs proposent une série de stratégies pour faire face aux ISS : (suite…)

Quand la vapote prend de l’ampleur chez les jeunes.

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

L’utilisation de l’e-cigarette est-elle un tremplin vers une consommation de tabac classique ? Voilà une question récurrente à laquelle aucune réponse claire ne peut être apportée actuellement en raison de l’apparition récente de ce dispositif de plus en plus en vogue. Le risque est certes réel mais trop peu d’informations sur le long terme sont disponibles pour le confirmer. Ce manque d’information ne permet toutefois pas d’infirmer cette hypothèse. C’est notamment cette incertitude qui justifie le principe de vigilance à l’égard des cigarettes électroniques.

Quand la vapote prend de l’ampleur chez les jeunes.

Les jeunes constituent un sujet fréquemment mis sur la table car ils se présentent comme un groupe à risque pour l’utilisation de cigarettes électroniques. Cette observation inquiète et pose question. Cette recherche vise à éclaircir la dynamique existante dans l’utilisation occasionnelle ou persistante d’e-cigarettes par des jeunes. En d’autres mots, cet article s’intéresse à l’utilisation de la cigarette électronique et aux perceptions qu’en ont les jeunes, ainsi qu’à la manière dont ils justifient son utilisation.

Méthodologie

Étant donné que cette étude vise la compréhension ainsi que l’émission d’hypothèses d’interprétation du processus d’expérimentation – voire d’adoption – de la cigarette électronique chez les jeunes, le choix de la méthode s’est axé vers une recherche qualitative. L’intérêt de cette recherche porte sur les jeunes âgés de quinze à vingt-quatre ans car l’OMS estime qu’il s’agit d’une cible très curieuse face à l’e-cig. La présente étude s’intéresse aux représentations de ces jeunes ainsi qu’aux raisons de leur attrait.

Neuf entretiens semi-directifs ont été menés avec des jeunes. Les répondants étaient âgés de 16 à 24 ans et étaient utilisateurs actuels ou avaient expérimenté l’e-cigarette dans le passé. Parmi ces derniers, trois des plus jeunes répondants témoignaient de leurs expériences à l’âge de 13ans. L’échantillon comptait trois filles contre six garçons.

Ce que les jeunes en disent

  1. L’initiation et le maintien

Utilité perçue

ES_337_e-cigarette-1301664_1920.jpg

Aucun jeune n’affirme l’innocuité de la cigarette électronique mais tous assurent qu’elle est moins nocive que le tabac. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils l’ont choisi pour leur sevrage tabagique.

« Ça m’étonnerait que tu meures d’un cancer après la cigarette électronique. Après je n’en sais pas plus (…) mais au moins, je n’ai pas de jaunissement des dents. »

Les jeunes sont plus sensibles aux effets observables à court terme qu’aux risques à long terme. Même s’ils avouent ne pas s’être renseignés davantage, le plaisir immédiat prend le dessus sur les éventuels risques futurs. Percevoir l’e-cig comme moins risquée que le tabac suffit à justifier leur comportement et contribue à l’image positive qu’ils en ont.

La technologie de la cigarette électronique est sans conteste l’une des explications de son succès grandissant. Lorsque les jeunes envisagent d’arrêter de fumer, ils se tournent spontanément vers ce dispositif sans envisager d’autres solutions. L’un des jeunes non-fumeurs interrogé confie même avoir choisi la cigarette électronique pour sa ressemblance avec la consommation de tabac et son côté « fun ». Même lorsque la motivation initiale est l’arrêt du tabac, la cigarette électronique peut facilement prendre la place d’un gadget.

« C’est comme passer d’un Nokia 3310 à un Iphone. » « On a vu qu’il y en avait des super belles… le design nous intéressant fort aussi. J’en voulais une sophistiquée. » « Si t’as quelque chose de mieux de la cigarette électronique, je peux être preneur mais il faut que ce soit un truc qui soit un peu fun quoi. »

De toute évidence, la matérialisation de l’objet ainsi que sa sophistication technologique et visuelle apparaissent comme très importantes pour les jeunes. Malgré cela, il faut préciser que le niveau d’investissement (temps, financier, apprentissage) dans ce nouvel objet et le type d’utilisation semble varier selon le genre de l’utilisateur ainsi que ses besoins et désirs.

« Je regardais sur un site hier, et j’avais l’impression qu’on achetait une fusée. Pour moi, ça doit être simple d’utilisation sinon je ne vois pas l’intérêt. (…) en tout cas, pour les filles, les simples c’est le mieux. »

La cigarette électronique plaît car elle mime les habitudes sociales, les gestuelles ainsi que les ressentis tabagiques, et les jeunes sont désireux de retrouver un maximum de ces similitudes dans leur nouveau comportement. Cette imitation gestuelle justifie la présence des vapoteurs avec les fumeurs à l’extérieur. En réalité, la cigarette électronique leur permet de maintenir les habitudes sociales du tabac, et de maintenir une place dans le groupe des fumeurs. Notons que  certaines différences comme la variété des goûts et odeurs en font un dispositif encore plus attirant pour les jeunes.

« C’est surtout pour le geste et quand je suis avec des amis qui fument… me dire que moi aussi j’ai quelque chose. » « Sortir fumer avec les autres aux pauses, etc. » « T’es pas là avec ton patch à te caresser le bras. »

L’influence sociale

Si les amis constituent le point commun de l’initiation des jeunes interrogés, les jeunes expliquent aussi observer de plus en plus de vapoteurs dans leur quotidien. Les récits confirment qu’il existe une influence des leaders d’opinion, mais ils démontrent également que l’augmentation de l’observabilité de la technologie et de son accessibilité occasionne un changement de perception et d’utilité perçue.

« On en voit de plus en plus dans la rue.» « C’est devenu un effet de mode d’avoir une belle cigarette électronique. » « Moi ce n’est pas pour me donner un « genre » si je fume la cigarette électronique, mais c’est parce qu’on a commencé ça dans le groupe. » « À la base, j’ai surtout commencé pour l’effet de mode. »

La pratique semble effectivement de plus en plus observable dans les groupes de jeunes. Les deux cadets comparent l’e-cigarette à une mode éphémère comme les cartes Panini ou Pokémon, et expliquent leur achat en raison de l’engouement présent dans leur école.

L’image dégagée par le jeune vapoteur a une influence sur l’initiation à ce comportement. Beaucoup de jeunes utiliseraient donc l’e-cigarette pour le côté « m’as-tu-vu » de l’objet.

« C’est stylé de fumer la cigarette électronique. » « Quand je me suis acheté ma cigarette électronique, c’était un peu pour faire mon malin je dois dire. »

Grâce à ses goûts et sa ressemblance avec la cigarette classique, l’e-cigarette offre la possibilité d’adopter un comportement comparable au tabac sans ses inconvénients (santé, odeurs, goûts). Vapoter constitue donc une sorte d’opportunité pour les jeunes non-fumeurs de s’apparenter au groupe de fumeurs tout en utilisant un dispositif différent.

Le support social

Lors de l’initiation, les jeunes ont besoin d’un temps d’adaptation pour se familiariser avec ce nouvel outil et ses multiples produits. Le groupe est présent durant cette période d’apprentissage et leur apporte le soutien dont ils ont besoin. Pour certains, cette période est jugée indispensable alors que pour d’autres elle est source d’abandon.

« Je me suis forcé au début. » « Quand j’ai commencé, c’était dégueulasse mais je l’ai refait plusieurs fois et ça a été progressif. »

Lorsque les jeunes ont acquis un certain niveau de connaissance de la pratique, l’e-cig devient plus agréable et offre de nombreuses perspectives. Le jeune met alors en avant ses capacités d’exploitation et en fait profiter les autres.

« Moi ça m’amuse de faire ma petite popote et mélanger les goûts pour avoir vraiment ce que je recherche, mais ça pas mal de gens ne savent pas le faire ! »

En plus de l’apprentissage social, l’e‑cigarette semble développer un autre caractère que le tabac qui n’est autre que le partage d’expérience. Parce qu’ils partagent un comportement analogue et parce qu’ils échangent sur leurs expériences personnelles, les vapoteurs se distinguent des autres et s’identifient comme faisant partie d’un même groupe.

« On s’échangeait des goûts. » « C’est vraiment un truc de partage. » « Les gens qui ont une cigarette électronique dans la rue, tu les regardes et tu souris tu vois… c’est une sorte de groupe. » « C’est vraiment devenu un petit réseau. »

  1. Le vapoteur : un « entrepreneur de moral » (Becker)

« C’est complètement inutile de faire venir un tabacologue à l’école avec un discours moralisateur… »

Il est intéressant de remarquer que les jeunes – souvent critiques face aux discours des professionnels de la santé à l’égard du tabagisme – tiennent des propos relativement similaires et engagés dans leurs entretiens.

Effectivement, les récits des jeunes sont sans équivoque ; l’e-cig constitue un outil plus bénéfique pour lutter contre le tabagisme que les autres substituts au tabac. C’est à ce titre qu’ils démontrent une volonté de défendre la cigarette électronique auprès des plus sceptiques, et une volonté d’initier les plus curieux. S’ils perçoivent l’e-cigarette comme la solution aux dangers du tabac et qu’ils considèrent cette nouvelle pratique comme totalement légitime, ils la font valoir et s’en font les promoteurs.

« J’ai des potes qui ont été en acheter une après que j’ai parlé avec eux. » « Celui qui fume, je vais essayer de le convaincre. »

Pour certains, l’existence goûts et leur variété infinie constituent l’atout majeur de la cigarette électronique. Ils considèrent que cet aspect doit être mis en avant pour séduire davantage jeunes et les déjouer du tabac.

« Je crois qu’ils devraient mettre ça encore plus en avant pour les jeunes et au moins ils passeront directement par là et pas par une cigarette normale nocive qui leur fera du mal aux poumons. »

Toutefois, si certains n’ignorent pas que l’e-cig n’est pas une consommation totalement anodine, cela ne les empêche pas de relativiser le risque pris.

« Un coca-cola, c’est nocif aussi et pourtant t’en trouves partout et ils en font de la pub… » « Sans prise de risques, t’as l’impression d’être un robot en fait. » « Jupiler a été le sponsor des diables rouges.»

Comment la cigarette électronique est-elle parvenue à s’introduite si aisément dans le quotidien des jeunes ?

Tous les jeunes interrogés ont commencé par l’intermédiaire d’un proche et témoignent de l’engouement existant pour l’e-cig dans leur groupe. Ainsi, ils font référence à une augmentation de l’observabilité de cette pratique. Lorsque l’on sait que l’utilité qu’un individu perçoit d’un comportement augmente si sa présence est élevée dans le groupe, le milieu scolaire apparait comme un endroit clé de visibilité du comportement ainsi que le lieu d’initiation de nombreux jeunes.

Si le maintien de la vapote est facilité par le soutien d’un groupe, l’initiation au comportement semble être aisée. Lorsque le vapoteur est débutant, le groupe a tendance à le rassurer en minimisant les effets désagréables. L’interaction avec les pairs est d’une importance capitale tant elle influence le sentiment de sensations agréables du novice et motive donc sa consommation. Le groupe influence aussi le maintien car il les aide à faire face aux jugements sociaux qui les stigmatisent. La vapote constitue donc un comportement nécessitant le support des autres jusqu’à ce que le jeune devienne entièrement autonome dans sa nouvelle pratique.

Les jeunes perçoivent l’e-cigarette comme non nocive, ou moins nocive que le tabac, ce qui suffit à justifier leur choix de comportement. Notons que cette absence de risque perçue n’est pas toujours combinée avec une recherche approfondie sur le sujet, et ne représente donc pas toujours le risque réel. C’est l’augmentation de l’observabilité du comportement dans leurs groupes de pairs et les effets de réseaux d’une part, ainsi que les effets du marketing et messages des leaders d’opinions d’autre part qui influencent leurs perceptions des risques et croyances sur l’e-cigarette. Vapoter apparaît pour les jeunes comme un comportement légitime car celui-ci imite les rites tabagiques et permet l’équilibre entre croyances et comportements.

Quelles conclusions peut-on en tirer?

L’attitude des vapoteurs peut être qualifiée d’ambigüe lorsque d’un côté, ils souhaitent maintenir leur appartenance sociale au groupe de fumeurs ; et de l’autre côté, ils revendiquent la singularité de leur nouvelle pratique ainsi que l’exemplarité de ses adeptes. Selon eux, vapoter à l’intérieur est égal étant donné que la cigarette électronique n’a pas les mêmes implications que le tabac. Aucun des jeunes n’associe la vapeur dégagée par la cigarette électronique au tabagisme passif, et les vapoteurs passifs eux-mêmes semblent être plus tolérants.

Aussi, en tant qu’« entrepreneurs de moral », le discours des jeunes vapoteurs est parfois équivoque. En effet, ils défendent l’innocuité de la cigarette électronique d’une part, et considèrent qu’il faut promouvoir ses atouts. Selon eux, c’est le côté ludique de ce nouvel outil technologique qui doit être mis en avant afin d’éviter l’initiation tabagique des jeunes. Alors que d’autre part, ils valorisent une exploitation précautionneuse de l’e-cig, et estiment qu’elle ne peut être considérée comme un jeu. Notons que même lorsque la motivation initiale est l’arrêt du tabac chez les jeunes, la cigarette électronique semble prendre la place d’un gadget grâce à ses possibilités de sophistications et personnalisations.

ES_337_Fotolia_171469207_L.jpg

Pour conclure, lorsque l’on sait que les innovations technologiques se répandent plus facilement dans les groupes favorisés que dans les groupes défavorisés (DiMaggio et Garip, 2011), la cigarette électronique ‑ en partant du postulat qu’elle améliore la santé – pourrait constituer un nouvel outil susceptible de ne profiter qu’aux plus aisés. Sachant que la vapote se diffuse rapidement au moyen des effets de pairs, l’hypothèse qu’elle maintienne la stratification sociale voire augmente les inégalités de santé devrait être envisagée plus sérieusement.

Si l’adoption de la cigarette électronique semble constituer une solution évidente aux dangers du tabac, la présente étude qualitative démontre que le comportement associé au fait de vapoter est une matière aussi vaste que complexe qui suscite avis variés et propos ambivalents de la part des jeunes utilisateurs eux-mêmes.

Paradoxalement, ce sont les normes sociétales actuelles et les discours sanitaires défendus par les autorités qui contribuent à l’essor du vapotage ; ce même comportement qui par son succès ascensionnel et fulminant – notamment auprès des jeunes – en vient à inquiéter la santé publique et s’insérer dans l’agenda politique.

Une version plus détaillée des résultats se trouve sur le site internet www.educationsanté.be

Programme de dépistage du cancer colorectal en Fédération Wallonie-Bruxelles

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

ImageDépistage du cancer colorectal : où en est-on ?

Le cancer colorectal est une priorité de Santé publique dans le monde car il affecte plus d’un million de personnes chaque année dont 50% en décèdent.

En Belgique, en 2014, presque 9 700 nouveaux cas de cancer colorectal ont été diagnostiquésNote bas de page.

C’est le troisième cancer le plus fréquent chez l’homme, le deuxième chez la femme. Il représente le cancer digestif le plus fréquent et 13% de tous les cancers en Belgique.

Il est souvent diagnostiqué à un stade avancé et il est donc associé à une mortalité élevée. Avec plus de 11%, c’est la seconde cause de décès par cancer, après le cancer du poumon. Avec plus de 3000 décès par an par cancer colorectal en Belgique, c’est plus de 4 fois le nombre de tués sur nos routes chaque année, c’est presque 10 décès par jour !

L’incidence de ce cancer augmente nettement à partir de 50 ans et environ ¾ des cancers colorectaux se manifestent dans la population asymptomatique sans antécédents personnels ou familiaux.

Détecté à un stade précoce, le cancer colorectal se guérit dans 9 cas sur 10. Les experts du Conseil de l’Union européenne et du Centre Fédéral d’ExpertiseNote bas de page (KCE) ont recommandé d’offrir un dépistage du cancer colorectal aux personnes asymptomatiques et sans antécédents personnels ou familiaux entre 50 et 74 ans.Image

Le test de dépistage

Le test qui a été utilisé depuis 2009 dans le Programme de dépistage du cancer colorectal en Fédération Wallonie-Bruxelles est l’Hemoccult®, test de recherche de sang occulte dans les selles à base de résine de gaïac (gFOBTNote bas de page). Celui-ci a montré son efficacité mais aussi ses limites.

Sur base de nombreuses études internationales et les résultats d’un projet pilote mené en 2014 dans deux entités de la Wallonie, il a été décidé d’évoluer vers un test immunologique de recherche de sang occulte dans les selles (iFOBTNote bas de page).

La généralisation de l’utilisation de ce nouveau test représente une avancée significative pour le dépistage du cancer colorectal.

Avantages multiples du test iFOBT

Ce test est plus performant en détectant des lésions à un stade plus précoce tout en détectant environ deux fois plus de cancers et trois fois plus d’adénomes. Sa fiabilité est plus importante (spécifique de l’hémoglobine humaine, lecture automatisée, ajustement possible du seuil de positivité). Ce test est aussi plus simple : un seul prélèvement suffit. Sa réalisation est rapide et la compliance des patients est meilleure.

Au vu de ses qualités, la généralisation de l’utilisation du test immunologique est un élément décisif pour accroître l’efficacité du programme, améliorer la participation et la fidélisation à ce dépistage.

L’utilisation du test immunologique en Fédération Wallonie-Bruxelles a été généralisée en mars 2016. En parallèle, la lecture des tests Hemoccult® encore en circulation s’est poursuivie jusqu’en mai 2017.

Que se passe-t-il en cas de test positif ?

Image

En cas de test positif, une coloscopie complète est recommandée. Dans un cas sur deux, la coloscopie ne montrera rien, mais dans les autres cas elle permettra de déceler la présence d’un cancer ou d’enlever une lésion précancéreuse pour éviter qu’elle ne dégénère en cancer.

Comment réaliser un test de dépistage ?

Première participation

Pour une première participation à ce dépistage, les personnes sont invitées à en parler avec leur médecin généraliste qui pourra leur remettre un test iFOBT. Une nouvelle procédure mise en place début 2016 permet de réapprovisionner automatiquement le stock du médecin généraliste. Les avantages de cette nouvelle procédure sont le respect de l’âge de l’éligibilité (50 à 74 ans) et de la périodicité de 2 ans entre deux tests, le réapprovisionnement automatique du stock chez le médecin, la diminution du gaspillage due à l’inutilisation de tests qui se périment et la relance possible des patients n’ayant pas réalisé le test remis par leur médecin.

Depuis juillet 2017, les personnes invitées mensuellement ont la possibilité de demander gratuitement l’envoi du kit de dépistage à leur domicile via une plateforme web sécurisée et un code unique précisé sur la lettre d’invitation. Cette alternative devrait permettre aux personnes qui consultent très peu leur médecin généraliste de participer à ce dépistage sans devoir nécessairement se rendre chez leur médecin généraliste.

Systématisation de l’envoi des tests à domicile lors des réexamens.

Pour les personnes ayant déjà réalisé un test de dépistage, l’envoi d’un nouveau test de dépistage deux ans après un test négatif directement au domicile de la personne a été généralisé en mars 2015. Cette procédure garantit une plus grande fidélisation au programme de dépistage du cancer colorectal et un plus grand respect de la périodicité entre deux dépistages.

Quel est le public cible pour le dépistage ?

Depuis 2009, toute la population éligible est invitée tous les deux ans entre 50 et 74 ans à participer au Programme de dépistage sans aucune exclusion. Cette population de la Fédération Wallonie-Bruxelles représente environ 1.150.000 personnes.Une partie de cette population bénéficie déjà de coloscopies régulières, de tests de recherche de sang dans les selles en dehors du Programme ou d’un suivi pour un cancer colorectal. Cela représente environ 17% de la population cible. Afin de ne pas importuner ces personnes et de réduire les coûts liés à ces courriers d’invitations inutiles, ces personnes doivent être exclues temporairement des listes d’invitation. Par ailleurs, en n’excluant pas ces personnes, le taux de participation de la vraie population cible est évidemment très sous-évalué !

Suite à l’autorisation de la Commission de la protection de la vie privée et grâce à une collaboration avec la Fondation Registre du cancer et l’Agence intermutualiste, ces listes de sélection ont été appliquées en Fédération Wallonie-Bruxelles depuis juillet 2016.

Résultats

Les résultats des tests Hemoccult® analysés pendant la période 2009 à 2015 sont en conformité avec les chiffres attendus avec ce test gFOBT. Sur presque 280.000 tests analysés au cours de cette période, 3,3% des tests ont été positifs. Sur plus de 7.000 coloscopies connues à ce jour, 516 cancers ont été dépistés et 2803 présences d’adénomes tous stades confondus.

Seule la participation de la population est trop faible. Des changements de procédures ont donc été appliqués en cours de période afin d’augmenter la participation et la fidélisation à ce programme de dépistage.

Depuis la généralisation du test immunologique en mars 2016, les premiers résultats montrent un taux de positivité de 7,5% au seuil de détection de 75ng Hb /ml. Il est prématuré de donner des résultats complets sur le suivi des tests positifs par manque de connaissance de toutes les coloscopies réalisées, mais les premiers résultats sont en adéquation avec les attendus.

Taux de participation

Afin d’avoir un impact réel sur la réduction de la mortalité liée au cancer colorectal, il faut au minimum que 50% de la population soit dépistée.Entre 2009 et 2015, le taux de participation était bas, environ 10%, variable d’une région à l’autre.Suite à de nombreux changements dans l’organisation de ce Programme en Fédération Wallonie-Bruxelles, le taux de participation augmente sensiblement depuis 2016 et devrait atteindre 25% fin 2017.

Source : Fondation Registre du Cancer, 2016

gaïac Faecal Occult Blood Test

immunological Faecal Occult Blood Test