Les mutualités sont un des piliers de notre système de protection sociale. Au fil des années, elles se sont développées et adaptées pour assumer des missions essentielles dans notre système de soins de santé.Face à l’évolution de leurs métiers et de la nature des soins de santé, les mutualités sont à nouveau amenées à évoluer et à se repositionner dans un environnement en pleine mutation. Les tâches administratives, qui constituent encore une partie significative de leurs activités, vont s’exécuter différemment à l’avenir avec l’informatisation des soins de santé. Les défis médicaux et sociaux ainsi que les besoins des citoyens en matière d’information et d’accompagnement sont l’opportunité pour les mutualités de renforcer leur rôle vis-à-vis de leurs assurés. Et par la même occasion d’améliorer l’accès aux soins et de favoriser l’autonomie et le bien-être de leurs affiliés.Les Mutualités libres ont mené une réflexion sur le rôle qu’elles souhaitent jouer dans cet environnement changeant. Tout en restant viscéralement attachées à leur modèle solidaire et non lucratif, elles estiment que le secteur doit se réinventer et passer d’un modèle administratif vers un modèle de services de santé encourageant l’innovation sociale et le développement de nouveaux services et de couvertures santé.Elles proposent aujourd’hui 6 chantiers de réformes prioritaires, dont les deux premiers nous intéressent plus particulièrement ici.
Définir des objectifs de santé
Le contexte
Contrairement à d’autres pays, le système de santé belge ne repose pas sur des objectifs de santé pluriannuels et les décisions ne sont pas guidées par des priorités de santé publique (exemples: réduire l’obésité, augmenter les dépistages du cancer…).La performance du système de santé belge peut donc difficilement être évaluée.
Les recommandations
Définir une vision globale en matière de santé, déclinable en différents domaines (addictions, alimentation, santé mentale…). Au sein de chaque domaine, fixer les priorités publiques en se basant sur les conclusions d’études existantes et sur des critères à définir (caractère invalidant d’une pathologie, impact sur les budgets…).Décliner ces domaines prioritaires en objectifs réalistes, mesurables et vérifiables de manière périodique (tous les 5 ans par exemple), évolutifs, attribuables à un groupe d’acteurs ou à un niveau de pouvoir (but: assurer la responsabilité).Faire adopter le cadre global, les priorités de santé publique et les objectifs par les différents niveaux de pouvoir belges, en prévoyant la possibilité pour ces derniers d’intégrer leurs propres objectifs et accents régionaux.
Quels acteurs?
Afin que les objectifs s’inscrivent dans une démarche continue, la fixation du cadre et des objectifs doit être confiée à un organisme unique, qui pourrait être l’Institutde Santé publique reconfiguré en ‘Institut du Futur’ (prévu par la 6e réforme de l’État), incluant des représentants des entités fédérées et les acteurs du système de santé: mutualités, prestataires de soins, KCE, associations de patients…Quel rôle pour les mutualités?
- Participer à la définition des objectifs de santé.
- Contribuer à la réalisation des objectifs via la promotion d’un style de vie sain, les services de l’assurance complémentaire, le travail en commissions avec les prestataires de soins, etc.
- Pour les objectifs attribuables aux mutualités (par exemple augmenter le nombre de Dossiers médicaux globaux), créer un système d’incitants financiers encourageant la prise d’initiatives.
- Prendre part à la mesure des objectifs de santé en renforçant les missions de l’Agence intermutualiste (IMA) et en couplant les données des mutualités avec d’autres données.
Informer et accompagner les affiliés
Le contexte
L’éducation à la santé est un défi sociétal majeur. Les mutualités sont actives sur ce terrain depuis toujours et mobilisent d’importants moyens pour sensibiliser leurs affiliés. Mais en l’absence de vision claire sur les objectifs de santé à atteindre, les initiatives sont fragmentées, non coordonnées entre organismes assureurs et ne touchent pas toujours les publics concernés.
Les recommandations
Fournir aux citoyens un accès égal à une information vulgarisée sur la santé en stimulant proactivement le développement de leurs connaissances et de leurs compétences en cette matière et ce, quel que soit leur statut social, leur niveau d’éducation ou leur appartenance culturelle.Sensibiliser l’ensemble des professionnels de la santé aux enjeux de la littératie en santé afin d’aider les citoyens à préserver leur capital santé, à poser des choix plus éclairés en matière de prise en charge d’une maladie, à utiliser le système de santé de manière plus efficiente.Favoriser les synergies et la coordination entre les acteurs. Les organismes assureurs, les niveaux de pouvoir, les écoles, les CPAS, l’ONE et autres acteurs de première ligne doivent être encouragés à travailler ensemble pour maximiser l’impact des messages et des campagnes d’information sur la santé.Encourager toutes les initiatives visant à promouvoir les connaissances en santé (à l’école, dans les entreprises…) ou à simplifier le langage utilisé par les acteurs de la santé dans les communications avec les citoyens: administration, législation, consultations médicales, accueil dans les hôpitaux, notices de médicaments, etc. L’éducation à la santé implique en effet de nombreux intervenants: prestataires de soins, autorités, mutualités, enseignants, médias…Effectuer un état des lieux régulier sur le niveau de littératie en santé de la population belge, éventuellement via l’Enquête nationale de santé publique. Ce critère pourrait aussi être considéré comme un indicateur de la qualité des soins et entrer en ligne de compte pour l’accréditation des hôpitaux par exemple (c’est le cas aux USA).
Quels acteurs?
Mutualités, pouvoirs publics, organisations de promotion de la santé, INAMI, médias…
Quel rôle pour les mutualités?
- Développer des initiatives en matière d’éducation qui contribuent aux objectifs de santé prioritaires. Ces objectifs seront fixés par domaine et par public cible prioritaire (exemples: malades chroniques, grands consommateurs de soins, publics vulnérables).
- Créer des outils d’information adaptés aux publics visés et les compléter de programmes d’accompagnement ciblés pour faire changer durablement les comportements des patients et favoriser l’autogestion face à la maladie.
- Faciliter la tâche des prestataires de soins en mettant à leur disposition des outils d’éducation et d’aide à la décision adaptés à leur patientèle.
- Se concentrer sur les domaines dans lesquels les mutualités peuvent avoir le plus d’impact en fonction de leur expertise, de leurs moyens et des instruments dont elles disposent. Exemples: alimentation, mouvement, consommation de médicaments, prévention…
- Conditionner les résultats obtenus à un système d’incitants financiers. Le nouveau système de critères de performance de l’Office de contrôle des mutualités pourrait intégrer certains éléments, mais il devrait être complété par un système d’incitants positifs.
Les 4 autres priorités des Mutualités libres
- réformer l’assurance complémentaire;
- revoir les règles de l’incapacité de travail et de la réintégration professionnelle;
- accélérer l’informatisation et la simplification administrative;
- mieux lutter contre la surconsommation et la fraude.
Texte extrait de la plaquette ‘6 réformes prioritaires pour les Mutualités libres’, téléchargeable sur le site www.mloz.be
Notons quand même le remarquable travail de monitoring réalisé par le Centre fédéral d’expertise des soins de santé depuis une demi-douzaine d’années. Voir l’article ‘Nouveau check up du système de santé belge’ dans ce numéro (ndlr).