Lutter contre les inégalités sociales en matière de santé dentaire, c’est le pari que vient de lancer le Ministre fédéral de la Santé publique, Rudy Demotte, en donnant le coup d’envoi d’une campagne à l’intitulé réjouissant, «Sourire pour tous». Une action financée par l’INAMI et réalisée par la Fondation pour la Santé dentaire qui ouvre un accès gratuit aux soins dentaires à quelque 15 000 de nos enfants les moins favorisés et qui mise, à plus long terme, sur une sensibilisation effective à l’hygiène bucco-dentaire tant des enfants que de ceux qui les encadrent.
Si en Belgique, la santé dentaire des enfants et des adolescents s’est nettement améliorée au cours des dix dernières années, il faut malheureusement constater que l’écart entre les privilégiés et les non privilégiés s’est, lui, agrandi. La proportion d’enfants avec des caries non soignées est ainsi plus élevée parmi les enfants issus de milieux à très bas revenus. Un constat d’inégalités à l’origine d’une heureuse initiative politique en faveur des soins dentaires aux enfants de familles précarisées: l’arrêté royal du 24 septembre 2003, aujourd’hui concrétisé par… un sourire.
Un arrêté ‘sur mesure’
Cet arrêté fixe «les conditions auxquelles une intervention de l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités peut être accordée dans le cadre de projets temporaires et expérimentaux en rapport avec les soins dentaires aux enfants démunis». Plus précisément, il confie au comité de l’assurance de l’INAMI le soin de conclure des conventions avec deux asbl (l’une francophone, l’autre néerlandophone) ayant dans leur objet social la promotion de la santé bucco-dentaire, sous la condition expresse de mener, en parallèle d’un volet expérimental et temporaire de réduction du coût des soins dentaires à des enfants de familles précarisées, une vaste campagne de sensibilisation à destination cette fois de tous les enfants fréquentant l’école fondamentale obligatoire.
C’est ainsi que se sont lancées dans l’aventure, la Fondation pour la santé dentaire (c’est-à-dire le département ‘prévention’ de la Société de Médecine dentaire) et la Verbond der Vlaamse Tandartsen, avec pour résultats le lancement des campagnes «Sourire pour tous» et «Kys project» (Kys voor keisterke tanden) conjointement à l’action Denti-Pass.
La campagne «Sourire pour tous
»
« Ce qui changera fondamentalement la santé dentaire de toute notre population , ce n’est pas une pilule miracle de fluor , ce sont des changements de comportement , dans une démarche de santé globale », affirme Michel Devriese , coordinateur de la Fondation pour la Santé dentaire.
Pour y parvenir, six messages clés sont dès à présent diffusés au travers d’une campagne générale de sensibilisation qui touche l’ensemble des classes de primaire en Communauté française: éviter les boissons sucrées et les grignotages entre les repas, se brosser les dents correctement et suffisamment longtemps, rendre visite à son dentiste au moins deux fois par an, pour enfin… sourire à pleines dents!
Des conseils déclinés à travers différents supports. Dans le courant du mois de février, un kit pédagogique a été envoyé à toutes les classes de première et deuxième années, afin de permettre aux enseignants de travailler la thématique de la santé dentaire à long terme. Bien conçu, il se compose:
– d’un poster à afficher dans la classe et à compléter au fil des semaines par des autocollants représentant des objets ou aliments en rapport avec la santé dentaire. Prétexte à discussion, il illustre les activités des enfants à différents moments de la journée (petit déjeuner, salle de bain, récré, repas de midi, goûter, loisirs, dîner et coucher);
de 6 défis sourire à réaliser par la classe, en rapport direct avec les 6 messages de la campagne (éviter les sodas sucrés durant une semaine, par exemple). Chaque défi sourire réussi par la classe permet aux enfants de compléter le poster;
– de fiches pédagogiques destinées à l’enseignant (suggestions de thèmes de discussion, d’activités et de sources documentaires);
– et de fiches plus ludiques qui s’adressent directement aux enfants.
Ces fiches, complétées par quelques autres activités ludo-éducatives, sont par ailleurs mises à la disposition des 30 000 enseignants et de leurs 333 000 élèves sur le site interactif de la campagne: [L=http://www.sourirepourtous.be]www.sourirepourtous.be[/L] .
A noter, comme le précise Michel Devriese, que cette campagne vise aussi la sensibilisation des infirmières scolaires, directeurs d’école, enseignants et parents, « relais importants pour mettre en application de façon vigilante les conditions d’une bonne santé à l’école ».
Denti-Pass, un passeport pour le sourire
Second volet de cette grande action en faveur du sourire, le Denti-Pass est une expérience-pilote de gratuité des soins dentaires à destination de 15 000 enfants de familles précarisées. Expérience pilote et temporaire. Les enfants auront jusqu’au 30 septembre prochain pour se rendre autant de fois que nécessaire chez le dentiste de leur choix.
Concrètement, des ‘passeports’ nominatifs, sésames ouvrant les portes des cabinets dentaires, seront distribués à toutes les écoles à discrimination positive de Belgique dès le début du mois d’avril. Soit 5175 élèves en région wallonne, 1350 à Bruxelles et 8475 en région flamande. La liste ne sera pas divulguée, par souci de discrétion.
« Cette expérience – pilote vise à tester la suppression de toute barrière financière à l’accessibilité aux soins », explique Michel Devriese. « Les porteurs du Denti – Pass peuvent se présenter chez le dentiste de leur choix avec leur Denti – Pass et leur carte SIS . Ils n’auront pas un centime à débourser .» En effet, les praticiens seront directement honorés par les mutuelles via le système du tiers-payant. « La Fondation pour la Santé dentaire apportera le support et l’information nécessaires aux praticiens pour les aider à intégrer le Denti – Pass dans leur pratique », précise son coordinateur. Une lettre d’information «Sourire pour tous» leur a déjà été envoyée dans ce cadre.
A noter qu’à chaque visite, le Denti-Pass sera complété par le dentiste (date et soins effectués) de manière à organiser un suivi de l’action.
La distribution de ce ‘passeport pour le sourire’ s’accompagnera par ailleurs d’une action de sensibilisation des parents par les professeurs et les infirmières scolaires des centres de Promotion de la Santé à l’Ecole (PSE). Il est en effet primordial qu’ils comprennent la valeur du document délivré à leur enfant: à ne pas perdre et à utiliser à bon escient…
Un ‘Contrat sourire’, au milieu du Denti-Pass, engage parents et enfant à prendre de bonnes habitudes alimentaires, accorder une attention particulière au brossage des dents et à rendre régulièrement visite à leur dentiste. De quoi envisager l’avenir avec le sourire!
Pour les écoles concernées aussi, il s’agit d’adhérer à un véritable ‘contrat’. Leur engagement, outre celui des professeurs durant plusieurs semaines, passera par une journée d’animation, composée d’un parcours-expo interactif, permettant à toutes les classes d’être sensibilisées aux différents aspects de la thématique de la santé dentaire (toujours les 6 messages-clés). Les plus petits (1ère et 2ème année) bénéficieront en outre d’une animation d’une heure avec la participation d’un dentiste et profiteront d’un atelier de brossage avec test de coloration de la plaque dentaire, une manière efficace, ludique et concrète de retrouver le plaisir d’arborer des quenottes éclatantes!
Et après
?
Rappelons qu’il s’agit bien ici d’une expérience pilote, donc limitée dans le temps. Que se passera-t-il au-delà du 30 septembre? Un budget de 3,5 millions d’euros a été dégagé pour la campagne 2004, couvrant essentiellement les soins dentaires dans le cadre du Denti-Pass, nous informent les organisateurs qui ajoutent que la prolongation de l’expérience pour un an est possible, avec, éventuellement, un élargissement à une plus large population.
Mais le ministre de la Santé publique précise: « On va voir ce que ça coûte . On avait besoin d’une phase pilote . On a 15 000 enfants maintenant . 15 000 , c’est très peu au regard des centaines de milliers d’enfants qui sont concernés dans le pays . Je ne suis même pas sûr qu’on touche tous les enfants défavorisés . Ensuite on peut progresser . On pourrait travailler avec les dentistes et les établissements scolaires sur l’élargissement des cercles . Mais la difficulté est de savoir comment on progresse dans les cercles sans dévoiler les nouveaux publics .» La solution reste encore à trouver, mais l’intention y est…
Myriam Marchand