Vous ne rêvez pas, vous avez bien lu le titre, c’est dans Education Santé et pas dans un journal à sensation! Au moment où la Communauté française souhaite passer à la vitesse supérieure dans l’implantation du programme mammotest, voilà le genre d’information qu’une officine de relations publiques diffuse dans l’opinion au profit d’une entreprise pharmaceutique.
Mesdames, ayez peur, nous avons la solution!
Je ne résiste pas au plaisir de partager avec vous les détails de cette affaire. Voici donc quelques extraits du communiqué de presse en question.
Une enquête belge menée auprès de 276 femmes à propos de leur attitude vis-à-vis du cancer du sein a révélé que 24.3% d’entre elles envisageraient une ablation des deux seins pour faciliter la prévention du développement de la maladie.
Toutefois, un nouvel essai concernant la prévention du cancer du sein, l’essai IBIS-II (International Breast Cancer Intervention Study) pourrait révéler une autre option.
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Globalement, l’enquête révèle que près de la moitié des femmes redoutent l’apparition d’un cancer du sein et un quart des femmes interrogées se préoccupent tellement de réduire le risque de cancer du sein qu’elles accepteraient une ablation bilatérale des seins (mastectomie bilatérale) avant le diagnostic, si elles étaient connues pour être «à haut risque».
«Cette importante enquête déterminera la conduite adoptée par les professionnels de santé du monde entier. Le fait que tant de femmes envisagent une mastectomie bilatérale pour réduire le risque d’apparition d’un cancer du sein prouve combien il est important d’offrir d’autres options aux femmes», a déclaré le Prof. Patrick Neven de la KUL. «Nous, les médecins, nous devons réagir à ces observations non seulement en offrant aux femmes les traitements optimaux de leur cancer du sein, mais aussi en identifiant et en étudiant des méthodes qui permettent d’éviter complètement la maladie».
L’étude IBIS II concerne l’intérêt d’un traitement hormonal pris une fois par jour pour la prévention du cancer du sein chez les femmes particulièrement exposées à cette maladie. L’étude IBIS II permettra de déterminer si un traitement avec un inhibiteur de l’aromatase, un médicament contre le cancer du sein, peut également aider à prévenir le développement de la maladie, compte tenu des résultats encourageants de l’essai ATAC (Arimidex, Tamoxifen Alone or in Combination), récemment achevé et publié. Les résultats de l’essai ATAC suggèrent en effet que cet inhibiteur de l’aromatase peut prévenir jusqu’à 80% des tumeurs mammaires hormonosensibles. On estime actuellement que chaque année le diagnostic de cancer du sein est posé chez environ 7.400 femmes en Belgique et que plus de 2.700 mourront de la maladie.
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Près de la moitié des femmes interrogées en Belgique ont déclaré qu’elles seraient prêtes à prendre un comprimé tous les jours pour prévenir le cancer du sein et une proportion similaire a indiqué qu’elles accepteraient de participer à une étude évaluant un tel médicament.
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«L’étude IBIS II est extrêmement importante pour les femmes, en particulier pour celles qui sont exposées à un risque élevé de cancer du sein», a dit le Prof. Patrick Neven, principal investigateur de l’étude IBIS II à la KUL. «Il est capital que les femmes participent à l’essai, non seulement pour elles-mêmes mais aussi pour leurs filles, pour leur famille et pour les autres femmes du monde entier. Beaucoup d’entre nous utilisent déjà des médicaments pour la prévention des maladies cardiaques et des accidents vasculaires cérébraux. Imaginez donc les possibilités à l’avenir, si nous disposions d’un médicament facile à utiliser, une seule fois par jour, qui permettrait de réduire fortement la fréquence du cancer du sein».
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Commentaire
Parfaitement déplacé, n’est-ce pas? Une firme utilise de façon sensationnaliste la peur de la maladie pour préparer les femmes à un éventuel traitement préventif à vie (bonjour les dividendes!) pour une molécule dont on ne saura que dans plusieurs années si elle a le moindre intérêt dans cette indication.
On nous dit aujourd’hui que cela concerne les femmes de plus de 40 ans courant un risque accru de développer un cancer du sein: cela deviendra vite toutes les femmes de plus de 40 ans.
La démarche est classique, qui consiste à obtenir la reconnaissance d’une molécule dans des indications limitées et avec un prix de vente élevé, pour étendre rapidement par la suite l’usage du produit, mais sans diminuer son prix en fonction des volumes vendus, évidemment!
Nous aurons l’élégance de ne pas citer la firme à l’origine de ce coup de pub vaseux…
Cela dit, rien d’étonnant ni d’innocent à cela quand on sait que le traitement du cancer sera bientôt le premier marché pharmaceutique (1), dépassant les médicaments anticholestérol qui sont leaders aujourd’hui.
Christian De Bock
(1)Yves Mamou, Le traitement du cancer, premier marché pharmaceutique en 2008, in Le Monde, 25 juin 2005