L’Institut Scientifique de Santé Publique (WIV-ISP) et l’Agence intermutualiste (AIM), qui analyse les données de santé de toutes les mutualités, viennent de publier un deuxième rapport d’évaluation de la couverture du dépistage du cancer du col de l’utérus par frottis. En chiffres absolus, pour la période 2004-2006, 3,2 millions de frottis ont été remboursés, qui ont été prélevés chez 1,7 million de femmes de 25-64 ans, ce qui correspond à une couverture de 61%. Parallèlement, 1,1 million de femmes (39%) de cet âge n’ont pas réalisé de frottis.
Selon une recommandation du Conseil européen de 2003, tous les États membres de l’Union européenne sont invités à organiser un programme de dépistage du cancer du col de l’utérus. Le frottis du col de l’utérus est recommandé pour toutes les femmes âgées de 25 à 64 ans une fois tous les 3 ans. Une couverture optimale est le principal facteur de succès. Dans l’attente d’un programme de dépistage organisé , ce rapport évalue la couverture du dépistage opportuniste en Belgique et dresse une série de constats intéressants.
Un taux de couverture sans évolution
En 2006, la couverture du dépistage du cancer du col de l’utérus était de 61%, soit une très faible augmentation de 2,2% par rapport à 2000. Comme observé lors du rapport précédent, en 1996-2000, les différences régionales sont minimes, les couvertures respectives observées étant de 60% en Région flamande, 61% à Bruxelles et 63% en Région wallonne. Par contre, les différences observées au niveau provincial sont plus importantes: la proportion de femmes effectuant un frottis varie de 51% (Luxembourg) à 70% (Brabant wallon).
Une plus faible participation des femmes plus âgées, et des femmes issues de milieux défavorisés
Au niveau national, pour les femmes de 25 à 34 ans, la couverture est de 70%. À partir de l’âge de 35 ans jusqu’à 49 ans, la couverture diminue progressivement de 67% à 62%. À partir de 50 ans, la couverture chute pour atteindre 44% pour la tranche d’âge 60-64 ans.
Le statut social de la femme détermine son attitude face au dépistage. En effet, on observe une importante différence de couverture entre les femmes qui bénéficient ou non d’un remboursement majoré de soins (BIM). Au niveau national, la couverture du dépistage du cancer du col de l’utérus s’élève à 40% pour les femmes BIM et 64% pour les non-BIM. Les différences entre les niveaux socio-économiques se retrouvent également à tous les âges et à tous les niveaux géographiques.
Surconsommation, surcoût et pourtant participation trop faible
En Belgique, pour la période 2004-2006, 2,8 millions de femmes âgées de 25 à 64 ans auraient dû effectuer un dépistage par frottis. En chiffres absolus, 1,7 million de femmes l’ont réalisé, alors que 1,1 million de femmes n’en ont pas bénéficié. Pourtant, 3,2 millions de frottis ont été réalisés durant la période 2004-2006. Ce qui signifie que chaque femme examinée a réalisé en moyenne près de 2 (1,9) frottis sur une période de 3 ans. Cet excès de consommation de frottis a été observé dans les trois régions.
Si l’on considère que jusqu’à 20% des femmes dépistées doivent bénéficier d’un frottis supplémentaire pour assurer leur suivi médical, on peut estimer qu’environ 384.000 frottis par an sont prélevés sans contribuer à la couverture de dépistage ou au suivi. Cela correspond à un montant estimé de 7.9 millions d’euros que l’INAMI rembourse annuellement pour les prélèvements et l’interprétation de frottis avec une utilité limitée. À ce coût, il faut encore ajouter 4,7 millions pour le dépistage en dehors du groupe cible (moins de 25 ans ou plus de 64 ans). Par ailleurs, la colposcopie – non recommandée comme examen de dépistage mais seulement en cas d’anomalie – est réalisée pour un tiers des frottis.
La non-évolution du taux de couverture du dépistage du cancer du col de l’utérus dans les trois régions suggère la nécessité d’un programme organisé. Ce programme devrait s’appuyer sur la collaboration de tous les prestataires concernés pour faire face aux défis majeurs du contexte actuel de dépistage opportuniste:
-comment convaincre les 39% de femmes non dépistées de réaliser un frottis tous les trois ans ?
-comment amener les femmes plus âgées et les femmes défavorisées à se faire dépister ?
-comment réduire l’excès de consommation de frottis chez certaines femmes?
Premier rapport: http://www.wiv-isp.be/epidemio/epien/cervixen/intermut.pdf
Deuxième rapport: http://www.wiv-isp.be/pdf/report_uterine_cervix.pdf