Un nouveau projet de dépistage rapide du VIH à destination des migrants d’Afrique subsaharienne en région bruxelloise
À la veille de la maintenant traditionnelle Journée mondiale de lutte contre le sida, la Ministre bruxelloise de la Santé, Cécile Jodogne a présenté, aux côtés de Maureen Louhenapessy coordinatrice de Sid’Aids Migrants/Siréas, d’Éloïse Lion, chercheure à l’Observatoire du Sida et des Sexualités et de Thierry Martin, directeur de la Plate-forme Prévention Sida, un nouveau projet appelé Action Test. Ce programme de dépistage rapide du VIH a la particularité d’être décentralisé et communautaire, et s’adresse aux migrants d’Afrique subsaharienne.
Depuis le début du mois de novembre 2016, des séances hebdomadaires de dépistage du VIH sont organisées à Bruxelles, dans un lieu qui garantit l’anonymat, la confidentialité et la gratuité. Au-delà des permanences de dépistages, ce projet comprend aussi des actions de sensibilisation (groupes de discussion, séances de prévention, etc.), la production d’outils de communication (spots radios et vidéos, événement pour la St Valentin, etc.), le recrutement et la formation de bénévoles, la mise en place d’un comité de pilotage et la création d’un réseau associatif communautaire de santé sexuelle.
«J’ai souhaité soutenir ce projet de proximité car il s’adresse à une population particulièrement exposée au virus et ayant un accès restreint aux structures médicales classiques. Cependant, pour pouvoir agir au plus proche des publics concernés, il faut que le Gouvernement fédéral finalise dès que possible les mesures nécessaires pour permettre le dépistage démédicalisé du VIH» explique Cécile Jodogne.
Bruxelles, une région fortement touchée par l’épidémie
En 2015, 1001 infections par le VIH ont été diagnostiquées en Belgique, soit 2,7 nouveaux diagnostics par jour en moyenne. À elle seule, la Région de Bruxelles-Capitale concentrait 31% des diagnostics pour lesquels la région de résidence est connue, alors qu’elle ne représente que 10% de la population belge.
L’épidémie du VIH en Belgique est concentrée essentiellement dans deux populations, les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) de nationalités belge ou européennes; les personnes qui ont contracté le virus via des rapports hétérosexuels et provenant de pays d’Afrique subsaharienne
Les Africains d’origine subsaharienne, une population particulièrement exposée au risque
Les migrants originaires d’Afrique subsaharienne sont particulièrement exposés à un certain nombre de facteurs de risque augmentant leur vulnérabilité par rapport à l’infection au VIH.
Dans un premier temps, la prévalence élevée dans le pays d’origine et dans les communautés d’accueil les exposent davantage à ce virus.
Dans un second temps, les situations de précarité rencontrées pendant le parcours migratoire ainsi qu’à leur arrivée (absence de permis de séjour, absence de logement stable, etc.) limitent leur accès à la prévention, au diagnostic et aux soins.
Les données concernant les dépistages montrent également un recours insuffisant et tardif au dépistage du VIH et des autres IST au sein de ce public et de la population africaine dans son ensemble.
26% des patients diagnostiqués en 2015 dont la nationalité est connue sont de nationalités africaines. Le nombre d’infections est en baisse constante, diminuant de 13 % par rapport à l’année 2014, mais cela s’explique surtout par une diminution du nombre de diagnostics… Chez les personnes originaires d’Afrique subsaharienne, c’est la transmission par contact hétérosexuel qui est prédominante et les femmes sont les plus touchées: elles représentent 74% des diagnostics dans ce groupe.
Dans son intervention, Cécile Jodogne a précisé le sens de son appui à ce nouveau programme ciblé de prévention.
«Depuis quelques années, on connaît les bénéfices des traitements antirétroviraux en matière de prévention. Une personne séropositive sous traitement ayant une charge virale indétectable ne transmet quasiment plus le virus. L’intérêt d’une détection précoce du virus devient donc double: améliorer la santé des personnes atteintes par le virus mais également prévenir la transmission auprès des partenaires.
Le dépistage prend donc sa place comme outil de prévention, à côté du préservatif et du traitement.
Les données épidémiologiques recueillies par l’Institut de santé publique nous rappellent que Bruxelles est la région du pays la plus touchée par le VIH.»
Indispensable soutien ministériel
La Ministre a aussi souligné que sur cette problématique particulière, la régionalisation de la compétence ‘promotion de la santé’ a tout son sens et doit permettre de définir des réponses adaptées aux besoins de la population, au plus près des spécificités bruxelloises.
Elle a précisé aussi qu’elle a «donc souhaité voir démarrer ce projet avant même que le Gouvernement fédéral ne finalise les mesures nécessaires pour permettre le dépistage démédicalisé du VIH. Comme vous le savez, il s’agit de modifier l’arrêté royal 78 afin que ce dépistage puisse se faire sans la supervision d’un médecin. Le projet devra donc évoluer vers la démédicalisation dès que le fédéral aura avancé sur ce dossier. Ceci tout en garantissant une qualité irréprochable, la formation des intervenants étant à cet égard essentielle.»
Elle a rappelé aussi que «ce dispositif doit bien évidemment s’inscrire en complémentarité avec d’autres services et outils disponibles. Il faut le rappeler, le dépistage est accessible dans les structures médicales classiques, par exemple chez le médecin généraliste, ou encore dans des services ambulatoires comme les centres de planning familial. Il peut aussi être réalisé dans des structures spécialisées, comme les centres de référence sida ou au centre Elisa. Par ailleurs, depuis peu, l’auto-test est disponible en Belgique et peut être acheté en pharmacie.
C’est cette offre considérée dans son ensemble qui doit permettre de faciliter l’accès au dépistage. La diversité des profils des personnes concernées nous oblige à proposer une diversité de réponses concrètes. C’est donc l’effort conjoint de diverses compétences politiques qui doit nous permettre de lutter efficacement contre l’épidémie. La Cocof prend sa part dans cette lutte mais beaucoup de leviers restent de la responsabilité du niveau fédéral.»
Le projet Action Test peut démarrer grâce à une première subvention d’une durée de 6 mois et d’un montant de 40.000 euros. L’objectif est évidemment, en fonction du succès de l’entreprise et de son évaluation, de lui donner un caractère permanent dès le milieu de l’année prochaine.
Il coûte 30 euros, soit un prix sensiblement plus élevé que si le dépistage s’inscrit dans un programme collectif (5 euros).