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Le Plan national nutrition santé au Parlement fédéral

Le 30 Déc 20

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«Manger mieux, en mangeant simple et en bougeant plus»

À l’initiative de Thérèse Snoy et Muriel Gerkens , députées Écolo et de Mieke Vogels , sénatrice Groen!, un séminaire intitulé «Plan National Nutrition Santé 2010-2015: nouvelles dimensions, nouveaux moyens d’action» a réuni le 8 octobre 2010 plus de 80 personnes au parlement fédéral.
L’objectif était de contribuer à renforcer la politique liant alimentation et santé en ouvrant de nouvelles pistes d’action tant au niveau fédéral qu’au niveau des entités fédérées.
Toutes les études démontrent que la population européenne, et en particulier belge, consomme trop de graisses (et de mauvaises graisses), de sucre et de sel et a une activité physique insuffisante. Cette dérive du régime alimentaire entraîne son lot de conséquences négatives sur la santé: surpoids (47 % des adultes en Belgique), obésité (14 % des adultes), diabète, hypertension, maladies cardiovasculaires, cancer, etc. avec un coût considérable pour la santé publique mais surtout une perte de qualité de vie pour de larges couches de la population. Ce sont les groupes sociaux les moins favorisés qui sont les plus touchés par cette problématique et, comme le démontrent de nombreuses études belges et internationales, c’est dès l’enfance que les déséquilibres alimentaires s’installent.
Face à ce problème de société, les organisatrices du séminaire plaident pour la recherche de solutions structurelles de loin préférables à des approches comportementalistes et pour une meilleure implication du politique dans le futur Plan 2011-2015.
Selon les gestionnaires du PNNS 2005-2010, 70 % des activités prévues se sont effectivement mises en place avec des avancées notables dans les secteurs de l’allaitement maternel et de la dénutrition, la signature de deux conventions avec l’industrie et la réalisation d’une enquête de consommation alimentaire.
Une évaluation externe se termine très prochainement, mais des propositions pour l’architecture du Plan 2011-2015 semblent déjà bien structurées dans le chef des promoteurs.
«Manger mieux, en mangeant simple et en bougeant plus» serait le nouveau slogan pour les 5 ans à venir.

Pour une efficacité renforcée du PNNS 2

Avec des tonalités diverses, les participants de ce séminaire ont cependant affirmé la nécessité de renforcer l’efficacité du Plan.
Le panel d’intervenants comprenait des représentants des différents niveaux de pouvoirs (fédéral, régional, provincial et communal) ainsi qu’un représentant de la FEVIA et de professionnels de la santé.
Il ressort des exposés un ensemble de recommandations convergentes:
-travailler sur les déterminants sociaux, économiques et culturels de la nutrition;
-renforcer la coopération entre tous les niveaux de pouvoir, y compris au niveau local. À cet égard, une bonne nouvelle: le représentant de la Communauté flamande a déclaré sa volonté de rejoindre la démarche du Plan (1);
-intégrer la dimension santé dans différentes compétences politiques: agriculture, protection des consommateurs, éducation, sports, transports… et en assurer la cohérence;
-cibler les jeunes enfants, dont les comportements doivent être orientés dès le départ vers une alimentation saine et équilibrée et à qui il faut offrir plus d’espace et de temps pour «manger et bouger»;
-rendre accessibles des denrées fraîches, locales et de qualité aux publics défavorisés;
-accompagner les personnes en surpoids et les obèses par un suivi multidisciplinaire et durable, qui soit accessible à tous.
Des actions très concrètes ont été proposées, sans être débattues en profondeur, comme:
-assurer l’accès à l’eau potable du robinet dans tous les lieux publics et en particulier dans les écoles;
-offrir un petit déjeuner bien composé à l’école, assurer le maintien des repas chauds à midi et les rendre gratuits;
-réguler la publicité et les différentes formes de marketing alimentaire et surtout celles qui ciblent les enfants;
-proposer des «jours sans viande» (comme cela se passe déjà à Gent) dans les communes et les collectivités pour diminuer la surconsommation de viande;
-améliorer l’information du consommateur et en particulier imposer l’étiquetage des denrées non emballées.
La volonté de coopération exprimée par les divers niveaux de pouvoir doit se traduire par un mode de gestion du Plan adapté. Il s’agit de formaliser les partenariats institutionnels pour exploiter au mieux les possibilités de chacun d’agir dans sa zone de compétence au bénéfice d’objectifs communs.
Les modalités de prises de décision dans la préparation, l’exécution et l’évaluation du Plan doivent mieux tenir compte du caractère pluri-institutionnel du Plan. Cela renforcera, on l’espère, l’implication réelle des structures et de tous les services qui en dépendent.
Pour Thérèse Snoy, la conclusion à tirer de cette journée est que tous les niveaux de pouvoir doivent s’associer pour assurer un ensemble d’actions coordonnées, réglementaires, éducatives, informatives qui rendent au consommateur la possibilité de choisir une alimentation bonne pour sa santé, pour l’environnement et pour le bien-être général.
Luc Berghmans , sur base du compte rendu du séminaire.

(1) L’indifférence de la Communauté flamande à l’égard du PNNS 1 contrastait avec la volonté de la Communauté française d’inscrire son Plan attitudes saines dans ce contexte plus large (ndlr).

Quelques chiffres frappants évoqués au séminaire

-un million d’euros pour le PNNS et 3 milliards pour la publicité;
-3.300.000 adultes en surpoids en Belgique;
-26 % des gens ne sont pas conscients du lien entre alimentation et santé;
-les portions de certains produits alimentaires ont été multipliées par deux (dont le cola le plus populaire);
-l’industrie alimentaire française perdrait 6 milliards d’euros si elle supprimait le sel ajouté dans les aliments transformés (INSERM).

Cultures&Santé: un accès à la santé pour tous

Le 30 Déc 20

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Créée il y a plus de trois décennies pour faciliter l’accès à la santé aux populations immigrées, l’asbl Cultures&Sant;é est encore et toujours au cœur d’un sujet qui mobilise les acteurs de la promotion de la santé: la réduction des inégalités sociales de santé et la santé pour tous.
Notre société produit encore de l’exclusion. Une partie de la population demeure éloignée de la vie sociale, des circuits d’information et des lieux de décision. Cet éloignement contribue à la perte d’emprise de ces personnes sur les facteurs directs et indirects déterminant la santé.
L’analphabétisme persiste en Belgique. Selon les récentes estimations de Lire et Écrire, une personne sur dix serait en grande difficulté face à l’écrit en Communauté française. Ces données ont une résonance particulière quand on sait que la scolarité et la maîtrise de la langue se révèlent un des déterminants majeurs de l’état de santé.
Pour mettre en place différentes actions de lutte contre les inégalités, Cultures&Sant;é bénéficie de subventions du secteur Promotion de la santé mais aussi de l’Éducation permanente et de la Cohésion sociale. Ces trois activités bien que distinctes dans la structure de l’institution interagissent et se nourrissent les unes des autres.
Concrètement, Cultures&Sant;é organise son action autour de deux axes: un travail avec les professionnels et un travail avec les publics en situation de précarité. Dans ces deux cas, l’association tient d’une part à introduire ou à soutenir des démarches de promotion de la santé et d’autre part à faire partager les expériences de vie des publics cibles et l’expertise des professionnels.

Intervention indirecte: travail avec les professionnels du secteur

À partir de contacts avec des professionnels peuvent émerger tantôt des demandes précises (ressources documentaires, aide à la construction d’une animation, co-animation…), tantôt des pistes de développement autour desquelles un projet de collaboration peut progressivement se construire.
Ces collaborations peuvent prendre différentes formes. Par exemple, suite à une rencontre avec l’asbl Convivence (1), chargée d’éducation au logement, un projet de co-animation de temps d’échange avec des habitants a été mis en œuvre.
La présence de Cultures&Sant;é permet de faire le lien entre la problématique du logement et l’état de santé en proposant comme préalable un travail de prise de conscience sur l’approche globale de la santé. L’association tente, avec Convivence et avec les habitants présents, de déterminer les niveaux d’action pour un logement plus salubre, pour des droits des locataires respectés… Au-delà de cette collaboration autour des animations, l’idée de réactualiser une brochure sur les dangers du CO dans la maison a émergé.
En effet, chaque collaboration est envisagée à Cultures&Sant;é comme une piste de développement possible, où créativité, expériences et représentations de chacun permettront de faire évoluer ses propres pratiques en promotion de la santé, de construire de nouveaux outils, savoirs et moyens, d’approcher la complexité du public, des problématiques rencontrées et de la promotion de la santé.
Outre ce genre de collaboration, Cultures&Sant;é propose des accompagnements d’équipes ou de professionnels pour la mise en œuvre de projets de promotion de la santé: questionner les professionnels sur leurs attentes et leurs préoccupations dans un contexte d’inégalités sociales; faire les liens avec l’approche globale de la santé et permettre une compréhension de la promotion de la santé.
Au-delà de ces préalables, l’association propose différentes formes de soutien qui peuvent aller de l’organisation d’ateliers consacrés à la découverte de ressources pédagogiques à la recherche documentaire en passant par l’accompagnement en méthodologie.Cultures&Sant;é est régulièrement sollicitée pour participer à des temps de réflexion, d’échange, à des comités d’expertise pour partager expériences et perspectives avec d’autres professionnels. Certains projets s’élaborent également par ce biais-là.
Une collaboration avec le Centre local de promotion de la santé de Namur et des professionnels travaillant avec des ‘mineurs étrangers non-accompagnés’ (MENA) en est un exemple. À partir de problématiques de santé mises en évidence par les professionnels de terrain chez des jeunes primo-arrivants (grossesses non-désirées, accidents domestiques…) et du besoin d’outils pédagogiques qui permettraient d’y répondre, les participants au projet ont décidé de réaliser un outil de recueil de représentations sur la connaissance du corps et de ses multiples dimensions. Cet outil visuel (affiche) va être réalisé avec la participation du public concerné et des professionnels de terrain. Il se voudrait une porte d’entrée pour pouvoir aborder toute une série de sujets liés au corps, à partir et au-delà des notions anatomiques: les représentations des personnes, les relations hommes-femmes, l’interculturalité, l’identité, l’estime de soi, l’hygiène, le sport, la sexualité, les différents âges de la vie… Cultures&Sant;é intervient ici dans l’appui méthodologique et s’implique dans la mise en forme du support. Aussi bien dans le processus que dans le résultat visé, ce projet s’inscrit dans une vision de promotion de la santé: expérimentation, intersectorialité, participation…(2)
L’éducation permanente, par le renforcement du pouvoir d’agir des individus en faveur d’une société plus juste et plus solidaire, est à mettre directement en lien avec les pratiques communautaires soutenues en promotion de la santé. Dans les faits, Cultures&Sant;é crée dix outils d’éducation permanente par an, au service de la population ou des professionnels, orientés essentiellement autour de deux thématiques: « être acteur aujourd’hui » et « développement durable ». La démarche de création de ces outils privilégie la participation directe du public soit dans tout le processus de création soit dans le test des outils (voir encadré).
Cette démarche participe donc directement au développement des compétences des individus (participation et création collective, prise de parole, prise de conscience des enjeux, capacité à poser des choix) et permet d’être au plus près des réalités et des préoccupations du public.
À noter: des matinées ‘découverte’ sont aussi organisées afin de faire découvrir de nouveaux outils/ouvrages sur divers thèmes liés à la santé. Dans la mesure du possible, les auteurs/concepteurs sont invités à présenter eux-mêmes leurs productions.
Si vous avez besoin de soutien méthodologique pour un projet, si vous souhaitez établir une collaboration: Marjolaine Lonfils, 02 558 88 16, info@cultures-sante.be.

Un outil d’éducation permanente, l’affichette Omnio

Dans le cadre de sa subvention en éducation permanente, Cultures&Sant;é a dernièrement publié une affiche concernant le statut Omnio, créé en 2007 pour faciliter l’accès financier aux soins de santé et qui reste aujourd’hui encore peu connu des personnes potentiellement bénéficiaires.
En effet, selon les estimations de l’INAMI le nombre d’ayants droit pourrait s’élever à 850 000 personnes. Or, en janvier 2009, ils étaient à peine 187 987 assurés sociaux à bénéficier du statut Omnio (contre 147 508 en avril 2008). Cet écart important entre les ayants droit potentiels et les bénéficiaires effectifs du statut Omnio, ainsi que sa faible résorption au fil des ans peut s’expliquer, entre autres, par la méconnaissance de ce statut ainsi que par une communication inadaptée au public cible (3). En outre, la procédure d’obtention est relativement complexe et lourde.
Cultures&Sant;é a donc réalisé un support visuel pouvant favoriser la connaissance du statut Omnio et explicitant de manière synthétique les avantages qu’il offre, ainsi que les modalités à suivre pour l’obtenir. Par là, il s’agit d’encourager des personnes potentiellement bénéficiaires à faire valoir un droit destiné à faciliter leur accès financier aux soins de santé.
Cette production se concrétise sous forme d’une affiche colorée de 40 sur 70 cm. Les informations y sont fournies de manière visuelle, par des pictogrammes, afin de faciliter leur compréhension par tous, y compris par un public peu ou pas scolarisé. Ce biais communicationnel qui a été testé avec le public destinataire et les professionnels travaillant avec ceux-ci, se révèle efficace pour aborder une matière ou pour faire passer une information.
Un guide d’utilisation fournissant des informations plus précises sur les conditions et la procédure d’obtention du statut Omnio ainsi que sur les avantages en termes de remboursement des soins de santé que le statut permet accompagne cette affiche. Ce document est téléchargeable gratuitement sur le site web de l’asbl: https://www.cultures-promosante.be/productions-education/2009_omnio.html

Intervention directe: pratiques de développement communautaire dans le Quartier Senne (Bruxelles)

La subvention « Cohésion sociale » amène l’association à développer des projets communautaires dans un quartier où les inégalités sociales de santé se font particulièrement sentir: le Quartier Senne à Bruxelles (4). L’association peut tous les jours en faire le constat à partir des besoins liés aux déterminants de santé exprimés par les habitants: alphabétisation, accès à un logement sain, à l’emploi, à un environnement éducationnel stimulant, à un cadre de vie épanouissant, aux soins, à l’information…
Face à cette problématique, Cultures&Sant;é déploie différentes stratégies qui se concrétisent dans l’opérationnalisation d’un programme de promotion de la santé articulant l’expérience de vie des publics concernés, l’expertise des professionnels et le pouvoir décisionnel des politiques. La participation, l’empowerment, la conscientisation à l’approche globale de la santé, le développement d’une communication adaptée, l’intersectorialité (avec l’insertion socioprofessionnelle, l’alphabétisation, les maisons médicales, la petite enfance…), la capitalisation en vue de créer de nouveaux savoirs constituent des éléments incontournables de sa démarche.
Le Babel Café est un lieu d’échange, de rencontre, un espace d’expression, d’interpellation, d’émergence de démarches actives individuelles et collectives et de construction de projets pour les habitants, les pouvoirs locaux et les associations du quartier. Ainsi, les habitants trouvent leur place en tant qu’acteurs au sein de leur quartier et de manière plus large, au sein de la société.
De plus, cette démarche permet d’introduire des changements au niveau local. Outre le développement d’une dynamique locale, le Babel Café permet à Cultures&Sant;é de développer ses compétences en matière de santé communautaire auprès de publics précarisés. En effet, ceux-ci leur permettent d’alimenter leur réflexion, de pré-tester leurs productions puis de les faire connaître, de valider des méthodes de travail, etc.
Depuis septembre 2010, l’asbl propose des cours d’alphabétisation qui se basent sur les déterminants de santé. Le choix des thèmes prioritaires est fixé par les besoins exprimés par les participants, et ces thèmes sont développés en tenant compte de l’expertise des professionnels. Les cours d’alphabétisation peuvent ainsi devenir des lieux d’expérimentation des outils développés par Cultures&Sant;é mais aussi des lieux d’émergence de nouvelles créations.
Une école de devoirs est également organisée pour les enfants du quartier. Celle-ci se veut un projet de soutien à la parentalité puisqu’il s’agit également de donner les moyens aux parents d’accompagner leurs enfants dans leur développement psychopédagogique. Cultures&Sant;é propose donc des animations permettant aux parents d’être acteurs du devenir de leur enfant, en les accompagnant, en valorisant leur rôle, quel que soit leur niveau de scolarité.
Pour en savoir plus sur les activités dans le Quartier Senne: Dominique Durieux, 02 558 88 19, info@cultures-sante.be.

Le centre de documentation de Cultures&Santé se présente

Pour la mise en application de son programme, Cultures&Sant;é s’appuie notamment sur des ressources internes comme son centre de documentation.
Pour qui ?
Les professionnels du social et de la santé, les enseignants, les étudiants, les praticiens, les chercheurs…
Quoi ?
– des ouvrages, articles et documents sur des sujets tels que la promotion de la santé des migrants, l’anthropologie de la santé, les inégalités de santé, les déterminants sociaux de la santé, l’approche communautaire, l’empowerment…
– des outils pédagogiques à destination de professionnels travaillant avec un public en situation d’infrascolarité (environ 200 supports d’animation – voir catalogue des outils pédagogiques à: https://www.cultures-sante.be/catalogue.pdf );
– du matériel pédagogique 3D.
Pour quoi faire ?
– recherche bibliographique;
– consultation et prêt de documents et d’outils pédagogiques;
– diffusion des outils et publications de Cultures&Sant;é;
À épingler: le centre de documentation met à disposition une base de données de 5000 références comprenant des ouvrages et articles dépouillés, en lien avec la santé, la précarité et l’altérité. Cette base de données est consultable en ligne à: https://superdoc.reso.ucl.ac.be/superdoc/C&S;/C&Srechercheweb.htm; Enfin, il vous propose mensuellement une lettre d’information présentant ses nouvelles acquisitions et les événements du secteur (5).
Le Centre de documentation est ouvert le lundi , le mardi , le mercredi et le jeudi de 9h30 à 16h30 ou sur rendez vous au 02 558 88 11 ou par mail à cdoc@culturessante.be.

Zoom sur une démarche…

Les créations de Cultures&Sant;é sont guidées par différents objectifs et méthodes qui leur donnent tout leur sens dans le champ de l’éducation permanente.Les objectifs
Les productions de l’asbl poursuivent toutes les mêmes objectifs, s’inscrivant dans une démarche globale. Elles doivent permettre à chacun de:
– prendre une place active dans la société d’aujourd’hui;
– comprendre les enjeux de notre société et y poser un regard critique;
– soutenir et diffuser la parole et l’expression des personnes en rupture de lien social;
– élargir ses champs de vision par la confrontation des habitudes, des représentations…
– échanger, se rencontrer entre professionnels et relais du champ de l’éducation permanente, du social et de la santé autour des expériences et pratiques de chacun.Le processus de création
Chacune des productions de Cultures&Sant;é est soumise à une grille méthodologique qui définit différents temps de questionnement autour de la création de l’outil. Elle assure une cohérence et une uniformité aux productions, facilite la participation et la transversalité et garantit la cohérence avec le projet global de l’asbl.Les six temps incontournables (6):
L’idée
Comment naît l’idée de la production ?
En revenant sur les contextes d’émergence de l’idée, on lui donne tout son sens. Par ailleurs, elle permet de définir l’objectif visé.
Le recueil de l’existant
Qu’existe-t-il déjà sur le sujet ?
Cette étape permet d’éviter les redites et les doublons et d’asseoir la production sur des contenus validés (études, recherches…).
Le public
À qui est destinée cette production ?
La définition du public cible oriente le choix du support, les stratégies de communication et de diffusion, le contenu et l’utilisation qui pourra en être faite.
Le support
Quel support va-t-on choisir ?
Ce stade du processus se base sur les réponses obtenues aux autres étapes: thème exploité, public, conditions d’utilisation et budget.
Le test
Qu’en pense le public visé ?
Il s’agit d’une étape cruciale: recueillir les avis des futurs destinataires quant à la forme et au contenu (lisibilité, maniabilité, compréhension du message…) Ainsi, les membres de l’asbl rencontrent, autour d’une production, des personnes identifiées comme futurs et/ ou potentiels utilisateurs: professionnels, relais, habitants…
Ce temps de rencontre individuel ou collectif constitue un moment d’échange offrant un regard neuf et un avis particulier sur le contenu, la forme, les utilisations possibles, etc.
Le test est évidemment fortement favorisé par les partenariats déjà développés dans le cadre d’autres projets. Ainsi, les productions sont testées en maison médicale, dans des cours d’alphabétisation, lors de formations…
Après la période de test, un travail d’ajustement est entrepris. Cela implique de revenir sur ce qui a guidé certains choix, sur les arguments qui les fondent, de remettre en question la validité de ces arguments…
Le test, outre l’avantage de pouvoir réajuster le travail, facilite l’appropriation future de la production et participe déjà à sa diffusion. Les lieux de test constituent en effet des points d’ancrage pour la diffusion voire l’utilisation des productions.
Enfin, le test est un temps privilégié pour l’émergence de nouveaux projets, au plus près des attentes des citoyens et des professionnels.
La diffusion
Comment allons-nous diffuser la production ?
Les stratégies de diffusion doivent être réfléchies en tenant compte du budget affecté: le public auquel la production est destinée, le support, la pertinence d’un accompagnement.Le livret Démarches Productions a pour but d’aider toute personne qui souhaite s’engager dans la réalisation d’un outil ou d’une production a été réalisé en 2007 et est toujours disponible à Cultures&Santé.Ainsi, que ce soit directement sur le terrain ou avec les professionnels de la santé, Cultures&Sant;é est une asbl engagée, qui ne ménage pas ses efforts pour réduire les inégalités. Comme vous avez pu le découvrir au travers de ces quelques lignes, ses collaborateurs ont développé une sérieuse expertise en la matière. N’hésitez donc pas à les consulter et à découvrir sans plus attendre les activités qu’ils proposent et les outils qu’ils mettent à votre disposition !Cultures & Santé , rue d’Anderlecht 148 , 1000 Bruxelles , Tél .: 02 558 88 10 , Fax : 02 520 51 04 , ]info@cultures-sante.be, https://www.cultures-sante.be . Carole Feulien , avec la collaboration de Marjolaine Lonfils et Denis Mannaerts , Cultures&Sant;é(1) https://public.guidesocial.be/associations/convivence-samenleven-asbl.15719.html
(2) Les actions directes auprès du public cible se font essentiellement par l’intermédiaire du Babel Café dont les actions sont décrites plus loin.
(3) Pour une analyse précise de cette problématique, consultez le « Rapport 2008-2009 Lutte contre la pauvreté », Service de lutte contre la pauvreté, la précarité et l’exclusion sociale, 2009. Partie 1, chapitre 1.1: Un meilleur accès aux soins de santé grâce au statut Omnio ? pp.11-28.
(4) Quartier populaire situé dans le « croissant pauvre » bruxellois. L’implantation dans ce quartier permet à Cultures&Sant;é d’être au contact d’un échantillon de son cœur de cible. Selon les dernières données publiées par l’Observatoire du social et de la santé de Bruxelles, le Quartier Senne est un quartier à la structure d’âge de population plutôt jeune, avec une forte densité de population immigrée (la population « Europe méridionale-Turquie-Maroc » est la plus représentée). Les logements y sont considérés de mauvaise qualité par rapport au reste de la région bruxelloise. Il y a une forte proportion de chômeurs (+/- 30% contre +/- 20% pour la région) et parmi les travailleurs, il y a une surreprésentation des ouvriers. L’environnement n’est pas considéré par ses habitants comme idéal, et environ 30% de la population déclare ne pas être en bonne santé.
(5) Pour recevoir la lettre d’information de Cultures & Santé: https://www.cultures-sante.be/newsletter/subscribe.php
(6) Extrait de Démarche Productions , Cultures&Sant;é asbl, 2007, p.19-24.

Se former à la promotion et à l’éducation pour la santé des migrants

Migrations Santé France , fondée en 1970, a pour mission la promotion de la santé des migrants, des réfugiés et de leur famille.
Cette association propose un programme de formation annuel ou sur mesure: Femmes, violences, cultures; Approche culturelle des soins; Éducation nutritionnelle et traditions culinaires…
Elles permettent aux professionnels d’acquérir ou d’optimiser des compétences interculturelles et communicationnelles pour leur activité professionnelle.
La démarche s’appuie sur des apports théoriques en lien avec les pratiques professionnelles, l’emploi de supports pédagogiques, la confrontation des expériences, la multidisciplinarité des intervenants et l’acquisition d’un savoir-faire et de repères culturels indispensables à une bonne qualité de communication avec les migrants.
Pour en savoir plus : Migrations Santé , Département Formation , 48 50
rue Boissonade , 75014 Paris ( France ), Tél .: 01 42 33 24 74 . Courriel : migsante.formation@wanadoo.fr, Internet : https://www.migrations-sante.eu .
À épingler
• Migrations Santé dispose d’un centre de documentation consultable par tous et diffuse sa propre revue « Migrations Santé » (abonnement sur: [L]https://migrations-sante.eu/2000_doc/2005_abnmt_revue.html – 23€ pour la France, 31€ partout ailleurs).
• L’association organise des rencontres/ débats, des journées d’études…
En savoir plus: https://migrations-sante.eu/3000_seminaires/3000.html
• Migrations Santé intervient directement sur des sites jugés prioritaires en matière de risques socio-sanitaires. Pour en savoir plus: https://migrations-sante.eu/5000_act_terrain/5002_actus.php
• Enfin, le pôle Développement de l’association opère sur le terrain, dans les pays du Sud. Sa démarche: le transfert de compétences et de savoir-faire dans le domaine de la promotion et de l’éducation à la santé.

La fête à PIPSa

Le 30 Déc 20

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Malgré une grève partielle dans les chemins de fer, nous étions plus de 120 à avoir répondu positivement à l’invitation des Mutualités socialistes le 23 novembre dernier pour marquer le coup des dix ans d’existence du projet d’Outilthèque santé que leur service de promotion de la santé pilote au profit des intervenants de la Communauté française.
L’idée-force de la journée était d’éviter les trop longs tunnels académiques, et de consacrer plutôt quelques heures à ‘jouer’, mais à jouer ‘intelligent’, avec en filigrane une question d’actualité: comment brancher les outils pédagogiques sur la priorité actuelle de la lutte contre les inégalités sociales de santé.
C’était une bonne idée pour dynamiser les échanges, comme c’était une bonne idée (sur papier) de surprendre les participants en les dirigeant d’emblée vers un ‘atelier’ qu’ils n’avaient pas choisis. Malheureusement, les guides de la FGTB (Fédération des guides de tourisme de Belgique, rien à voir avec un syndicat bien connu !) n’avaient pas bien capté la consigne, et les gens se sont retrouvés classiquement selon leurs affinités pour un ‘thème’ qui leur est cher.
Ce petit couac n’eut au final guère d’incidence sur la créativité de la première partie des ateliers (centrée sur la découverte d’un outil) et sur la qualité des réflexions et des échanges de la seconde partie (lien entre le travail du matin et les inégalités sociales de santé).
En guise de respiration entre les travaux pratiques, nous eûmes droit à une plénière marquée par un exposé limpide du toujours pertinent Gaëtan Absil (APES-ULg) questionnant l’analogie entre le ‘jeu’ et le ‘jeu social’, à un rapide historique du projet par une de ses conceptrices, Catherine Spièce , et par un scoop, la présentation par Inge Robyn (Promotion santé UNMS) du tout nouveau site de l’Outilthèque https://www.pipsa.org , terminé la nuit précédente. Sans oublier les discours d’encouragement de la ministre Fadila Laanan , et de Michel Jadot , président des Mutualités socialistes, entrecoupés de capsules vidéo percutantes dans lesquelles quelques-uns des experts de l’Outilthèque exprimèrent en termes choisis leur plaisir à collaborer à ce projet.
Pour ne pas gâcher la fête, les habituels retours soporifiques de fin de colloque sur les ateliers furent évacués au profit de commentaires décalés des deux comédiens du Magic Land Théâtre ayant suivi la journée, et par un énorme gâteau au chocolat assurément plus… digeste !
Pendant la journée, nous avons senti passer sur la Maison des Associations de Bruxelles où se déroulait l’événement un souffle de sympathie et de convivialité qui faisait chaud au cœur. Pour avoir eu la chance de faire partie du petit groupe de préparation de la fête, j’ai pu apprécier tout au long du processus de mise en place le même esprit positif, le même plaisir à construire en commun un projet, même éphémère.
Rien de tel que le jeu, en somme !
Christian De Bock

Une recherche microsociale sur le dépistage du cancer du sein

Le 30 Déc 20

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Pourquoi est-il difficile de faire un dépistage du cancer du sein? Comment le premier dépistage est-il vécu? Pourquoi certaines femmes ne participent-elles qu’une seule fois à une campagne de dépistage organisé? Quels obstacles rencontrent-elles?
Autant de questions auxquelles une recherche du Comité Départemental d’Éducation pour la Santé du Pas-de-Calais (nouvellement IREPS-Instance Régionale d’éducation et de promotion de la santé du Nord – Pas-de-Calais) a tenté de répondre.
L’échantillon est constitué de 20 femmes issues d’un milieu populaire. « Elles ont la particularité de fréquenter un centre socioculturel », précise Gilles Vangrevelynghe , qui a mené la recherche. « Ce sont des femmes qui ont connu le travail en usine , qui en général ont été licenciées et qui ont retrouvé un boulot , le plus souvent très précaire , parfois du travail au noir . Ce sont des femmes aguerries , cultivées , mais en retrait quand on entre dans le domaine du sanitaire
Pourquoi? Il ressort des entretiens qu’elles ne se sentent pas reconnues comme personnes par le milieu médical. Elles disent ne pas comprendre le jargon, la tournure des phrases. Elles ont peur d’être dépossédées de leur vie si elles ont un cancer. « Elles ont pourtant des représentations positives selon lesquelles on peut guérir du cancer », précise Gilles Vangrevelynghe, « mais quand elles évoquent leur dépistage , elles affirment que c’est de la blague de dépister , que le cancer couve

Au moins une fois

La majorité des femmes (14/20) ont participé au moins une fois à une campagne de dépistage du cancer du sein. Elles pointent le rôle de la pression sociale (incitation des médecins, encouragements de l’entourage). Quatre d’entre elles n’y sont pas retournées. Les contre-arguments avancés? Un manque de poitrine, la non-efficacité du dépistage… Pour les autres, la participation s’est révélée problématique dans la mesure où elle est intervenue hors délais. « Les femmes ont en quelque sorte dû se faire violence pour y retourner », explique Gilles Vangrevelynghe. « Elles évoquent toujours la pression sociale qui compte pour pousser à y retourner
Les six femmes qui n’ont jamais été dépistées avancent que nul ne leur en a parlé. À peine ont-elles vaguement entendu une info dans les médias. Ce qui les inciterait à participer? Que l’examen puisse être plus accessible, via un bus de dépistage peut-être.
Parmi les 20 femmes interrogées, 19 disent connaître un proche décédé d’un cancer du sein.

Recommandations

À partir de ces 20 témoignages, Gilles Vangrevelynghe propose des pistes pour aborder le sujet du dépistage via des animations ou pour favoriser la communication entre le public-cible et les médecins. Au nombre des propositions: un duo cancérologue-animateur (lequel aura fait un travail préalable avec les femmes) pour une séance d’information initiale, des ateliers consécutifs à la séance d’information (par exemple pour élaborer des affiches de promotion du dépistage). En matière de communication individuelle, on trouve aussi un appel aux interactions, un langage accessible, le respect des silences…
Véronique Janzyk , Observatoire de la Santé du Hainaut
Infos au 00 33 3 21 71 34 44 ou via https://www.cres-ndpc.org

Les deux seins animés, ça marche?

Le 30 Déc 20

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Le Programme de dépistage du cancer du sein de la Communauté française a lancé, au début de l’année 2010, une nouvelle campagne de communication destinée aux femmes âgées de 50 à 69 ans, et plus particulièrement à celles qui ne pratiquent pas de dépistage du cancer du sein.
Les enjeux? Améliorer la perception générale du dépistage, réduire la charge dramatique, apprivoiser le sujet, permettre d’en parler (entre femmes, avec son conjoint, avec les professionnels de la santé, etc).
Le spot a déjà été diffusé en radio et en télévision à deux reprises, d’abord du 15 au 28 février 2010, puis du 19 au 25 avril, et enfin du 04 au 10 octobre. Il passera encore en novembre.

Concrètement, que disait la campagne de communication ?

Dans la campagne audiovisuelle, chaque femme est invitée à prendre soin d’elle-même: «Nous sommes vos seins (…), on aimerait que vous fassiez le mammotest, pour nous c’est important»; chaque femme est invitée à faire un mammotest avant qu’un symptôme ne l’y invite: «N’attendez pas que vos seins vous le réclament. Entre 50 et 69 ans, faites le mammotest tous les 2 ans»; enfin, le message souligne que «En cas d’anomalie, plus vite c’est dépisté, mieux c’est soigné» et invite à recourir au médecin.
Au-delà du message, le choix de la forme était également important: le fait de privilégier un dessin animé (simple et lisible) visait à renforcer une communication claire et directe, sans dramatiser, pour sensibiliser la plus grande diversité de femmes.
Pour visionner le spot : https://www.questionsante.org/05campagnes/spots/lemammotest2010.htm

Évaluer, oui !

Dans notre secteur, il est rare de pouvoir réaliser une enquête d’impact pour une campagne de communication car cela nécessite un financement spécifique. Cependant, cette démarche donne des informations très utiles tant au promoteur de la campagne qu’aux décideurs. Le Service communautaire de promotion de la santé Question Santé et le Centre Communautaire de Référence pour le Dépistage des Cancers ont mené une évaluation de la première phase de la campagne de communication. L’étude « post-test » a été confiée à l’institut Dedicated Research. Elle a été réalisée entre le 3 et le 12 mai 2010 et comportait deux volets: une enquête auprès de médecins généralistes (de Wallonie et de Bruxelles) et une auprès de femmes de 50 à 69 ans (de Wallonie uniquement). Objectif: vérifier leur perception de cette campagne de communication.

Mais que faut-il évaluer ?

L’objectif d’une campagne de communication est de sensibiliser le public à une problématique. Et toutes les recherches dans le domaine de l’éducation pour la santé ou de la psychologie sociale démontrent clairement qu’une information ne suffit pas à changer ou adopter un comportement. Le taux de participation au programme de dépistage est en effet lié à des facteurs bien plus complexes que la ‘seule’ information aux personnes concernées (voir article «Le mammotest…un défi pour la Communauté» dans Éducation Santé n°254 – mars 2010).
S’il ne s’agit pas d’évaluer le changement de comportement, que peut-on évaluer alors?
Les informations récoltées au travers de l’enquête sont les suivantes:
-la campagne a-t-elle été mémorisée?
-quels sont les messages retenus?
-quelle est la force de conviction de la campagne?
-est-elle mobilisatrice, suscite-t-elle une volonté de changement?
-qu’est-ce qui a été apprécié et qu’est-ce qui ne l’a pas été?
-quels sont les freins/obstacles au développement d’une conviction positive?

Une campagne vue et approuvée

Côté « médecins»

Évaluation auprès des médecins
101 médecins ont été interrogés.
Les enquêtes ont été réalisées entre le lundi 3 mai 2010 et le mercredi 12 mai 2010.
Les médecins ont été interrogés selon la méthode CATI (par téléphone).
La durée du questionnaire était de 10-12 minutes.
Les enquêtes ont été réalisées par des professionnels qui ont été ‘briefés’ en profondeur sur les objectifs de l’étude.
Le questionnaire était en majorité composé de questions fermées, c’est-à-dire pré-codées, avec possibilité d’enrichissements.
Le questionnaire utilisé, intégrant les différents objectifs, a été soumis par Dedicated Research à l’approbation de Question Santé et du Centre Communautaire de Référence pour le Dépistage des Cancers.
Les répondants ont été sélectionnés aléatoirement dans un fichier reprenant l’ensemble des médecins de la région Wallonne et de Bruxelles.

La campagne a t elle été identifiée et mémorisée ?
62% des médecins répondants se souviennent d’une campagne pour le dépistage du cancer du sein et la décrivent de la manière suivante: deux seins animés (15%), deux seins qui parlent et expliquent l’intérêt du mammotest (12%), deux seins pour le mammotest.
Quels sont les canaux d’information privilégiés ?
Les médecins répondants ont remarqué cette campagne via 3 principaux supports de communication: 27% à la TV, 12% à la radio et 11% via des dépliants, affiches ou cartes postales.
Une grande majorité des répondants (et donc pas uniquement ceux qui ont vu, lu ou entendu la campagne) identifie différents canaux de communication comme les plus adaptés afin de sensibiliser les femmes:
– les conseils d’un médecin (76% des répondants);
– spot TV et radio (65% des répondants);
– lettre d’invitation pour les femmes (58% des répondants).
Qu’est ce qui a été apprécié , qu’est ce qui ne l’a pas été ?
80% de ceux qui ont vu la campagne préfèrent une image, un dessin. Les raisons de cette préférence sont le fait que cela fait moins peur, que c’est plus amusant et que c’est plus original. A contrario, les éléments qui ont le moins plu sont, par ordre d’importance: le manque d’informations précises (7%), le côté trop amusant (6%), l’annonce n’est pas assez marquante (4%)
Cette campagne a t elle été mobilisatrice ?
Suite à la campagne:
– 41% des médecins interrogés ont observé une augmentation de demandes de prescriptions de mammotest;
– 34% ont observé une augmentation de demandes d’informations sur le mammotest;
– 23% ont eu plus de patientes qui ont parlé du cancer du sein en consultation;
– 81% des médecins qui ont vu la campagne disent avoir prescrit un ou plusieurs mammotest(s) dans le courant des 3 derniers mois. De plus, 87% des répondants s’accordent à dire qu’il est important de réaliser des campagnes de sensibilisation pour le dépistage du cancer du sein. Que pensent ils du mammotest ?
Cette enquête était également l’occasion de demander aux médecins quelle est leur appréciation concernant le programme. La quasi-totalité des répondants (96%) considère qu’il est important de proposer le dépistage du cancer du sein aux femmes de 50 à 69 ans. 84% des médecins interrogés disent bien connaître le programme de dépistage du cancer du sein par mammotest. Ils sont 71% à considérer ce programme comme étant efficace. Ceux qui recommandent régulièrement ou systématiquement un mammotest aux femmes de 50 à 69 ans (73% des répondants) le font pour la prévention, parce que c’est gratuit, parce qu’il permet un traitement précoce.
Ceux qui ne recommandent que rarement ou jamais le mammotest (27% des répondants) le justifient par le fait que selon eux un bilan sénologique est plus complet, parce qu’ils manquent de confiance dans le programme (ils ne le jugent pas efficace en cas de seins denses et ils marquent une préférence pour une mammographie).
Quelle perception ont ils des freins vécus par les femmes ?
Les deux principaux freins à la réalisation d’un mammotest relevés par les médecins, chez les femmes sont: la peur d’avoir mal (25%) et la peur du diagnostic (25%).

Côté « femmes»

Évaluation auprès des femmes
600 femmes de 50 à 69 ans ont été interrogées (l’échantillon de femmes interrogées est représentatif de la population wallonne).
Les enquêtes ont été réalisées entre le lundi 3 mai 2010 et le mercredi 12 mai 2010.
Les femmes ont été interrogées selon la méthode CATI (par téléphone).
La durée du questionnaire était de 12-14 minutes.
Les enquêtes ont été réalisées par des professionnels qui ont été ‘briefés’ en profondeur sur les objectifs de l’étude.
Le questionnaire était en majorité composé de questions fermées, c’est-à-dire pré-codées, avec possibilité d’enrichissements.
Le questionnaire utilisé, intégrant les différents objectifs, a été soumis à l’approbation de Question Santé et du Centre Communautaire de Référence pour le Dépistage des Cancers
les répondantes ont été sélectionnées aléatoirement à partir des annuaires téléphoniques (téléphone fixe et gsm).

Les femmes trouvent elles important de dépister le cancer ?
97% des femmes interrogées estiment qu’il est important pour une femme de plus de 50 ans de se soumettre au dépistage des cancers. Les cancers identifiés comme étant importants à dépister sont le cancer du sein (95%), le cancer du col de l’utérus (56%), le cancer de l’intestin (24%).
La campagne a t elle été identifiée et mémorisée ?
60% des répondantes se souviennent d’une campagne pour le dépistage du cancer du sein et la décrivent de la manière suivante: 2 seins qui parlent et expliquent l’intérêt du mammotest ou encore 2 seins animés.
Les répondantes des groupes sociaux les plus faibles (7 et 8) sont sensiblement moins nombreuses que les femmes des groupes sociaux les plus élevés (1 et 2) à avoir identifié la campagne: 56% d’entre elles disent l’avoir vue, lue ou entendue.
Les messages retenus sont les suivants: mammotest, dépistage du cancer du sein, informations sur le dépistage.
Quels sont les canaux d’information privilégiés ?
Les répondantes ont remarqué cette campagne principalement via le spot à la TV (54%).
Tout comme les médecins, les femmes identifient différents canaux de communication adaptés afin d’être sensibilisées. Ce sont exactement les mêmes canaux que ceux préférés par les médecins: les conseils d’un médecin (84%), les spots TV et radio (74%) et la lettre d’invitation pour les femmes (66%).
Qu’est ce qui a été apprécié , qu’est ce qui ne l’a pas été ?
Les répondantes donnent une note d’appréciation de la campagne de 8.1/10. Ce score reste quasiment identique selon la classe socioprofessionnelle des répondantes. Les éléments qui ont principalement plu sont, par ordre d’importance: le caractère amusant (20%), l’originalité (15%), le côté interpellant de l’annonce (15%), la clarté du message (12%).
A contrario, les éléments qui ont le moins plu sont, par ordre d’importance (même si très peu d’éléments négatifs ont été soulevés: 48% des répondants n’en citent aucun!): la campagne est trop courte, pas assez diffusée (3%) et le manque d’informations précises (3%).
À nouveau, tout comme pour les médecins, les répondantes préfèrent clairement une campagne représentant un dessin ou une image (par rapport à une photo plus réaliste): environ 75% de celles qui ont vu la campagne préfèrent une image, un dessin. Les raisons de cette préférence sont le côté plus amusant (28%), plus pudique (25%), plus marquant (23%).
Quelle est l’expérience des femmes en matière de dépistage du cancer du sein ? Quels sont leurs projets en la matière ?
81% des répondantes disent avoir réalisé un dépistage il y a moins de 2 ans (1), 13% en auraient fait un il y a plus de 2 ans, tandis que seulement 6% des répondantes n’en auraient jamais fait.
Les femmes des groupes socioprofessionnels les plus bas seraient les moins nombreuses à avoir réalisé un dépistage: 80% pour les groupes 5 et 6 et seulement 73% pour les groupes 7 et 8.
Les principaux freins à la réalisation d’un mammotest observés sont, par ordre d’importance:
– la peur des résultats (particulièrement pour les groupes socioprofessionnels les plus faibles),
– le coût de l’examen (particulièrement pour les groupes socioprofessionnels les plus élevés),
– la peur d’avoir mal pendant l’examen.
Près de la moitié des femmes (48%) qui n’ont pas réalisé de mammotest dans les 2 dernières années pensent le faire dans le courant des 6 prochains mois. Ce sont principalement les femmes des groupes socioprofessionnels les plus élevés.

Finalement, quel est l’intérêt d’une campagne de communication de masse ?

La diffusion d’une communication publique sur un sujet donné a pour effet de légitimer l’existence d’un problème de santé. Une campagne de communication via les médias de masse s’adresse évidemment au plus grand nombre (ce qui en fait l’intérêt majeur), et globalement aux classes moyennes (critères socio-économiques et culturels).
Cependant, au travers de campagnes de communication de masse, il est possible de prendre partiellement en compte les objectifs de réduction des inégalités de santé. Comment? Philippe Lamoureux (Directeur général de l’Institut National de Prévention et d’Éducation pour la Santé, en France) le précise: « Il s’agit là de simplifier les outils de communication , de façon à les rendre compréhensibles pour des publics peu ( ou pas ) lecteurs . Pour ce faire , la logique consiste à privilégier l’animation par rapport à la fiction ou encore le dessin par rapport au texte . Les post tests réalisés en ce domaine font apparaître des scores d’appropriation très satisfaisants .» C’était là l’hypothèse de départ de la campagne de communication « mammotest », hypothèse qui se voit confirmée par les résultats de l’enquête.
Une campagne de communication grand public a aussi pour effet de sensibiliser les professionnels et de les soutenir dans leur action préventive auprès des femmes. Cette constatation est une nouvelle fois confirmée par les médecins interrogés: plus de demandes d’information de la part des femmes, plus de patientes qui abordent le sujet en consultation et une tendance à renforcer la prescription du mammotest dans le chef des médecins.

Et demain ?

Si l’évaluation de la campagne est encourageante, elle permet également de poser quelques jalons pour l’avenir… Il apparaît que la presque totalité des femmes identifient le cancer du sein comme important à dépister (95%); cependant, la pratique effective du dépistage reste bien en deça. Une démarche complémentaire à la campagne de communication de masse est actuellement en cours pour soutenir une communication de proximité, adaptée à la diversité des freins et réticences des femmes et leur permettant de poser les choix qui leur conviennent.
Autre réflexion, les campagnes de communication thème par thème (cancer du sein, cancer colorectal, cancer du col…) ne peuvent se multiplier à l’infini, au risque de saturer l’intérêt du public. Même s’il est utile à certains moments de maintenir une communication spécifique sur un dépistage particulier, l’intérêt d’une approche préventive globale devient évident. Telles sont les perspectives auxquelles s’attellent les partenaires concernés par la prévention et les actes de dépistage.

Pour consulter les résultats complets de l’enquête (partie professionnelle du site) ou pour en savoir plus sur la campagne, consultez le site https://www.lemammotest.be . Chantal Hoyois , Bernadette Taeymans et Patrick Trefois , Question Santé, Service communautaire de promotion de la santé (1) Ce pourcentage très élevé ne correspond pas à la réalité objectivée par les données exhaustives dont disposent les organismes assureurs. Hypothèse : certaines femmes ont eu un dépistage ‘opportuniste’ plus de deux ans avant l’enquête, et croient qu’il a été fait plus récemment. Quoi qu’il en soit, un quart d’entre elles n’ont eu aucun dépistage en six ans.

Résultats de 6 ans de dépistage organisé du cancer du sein en Belgique

Le 30 Déc 20

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L’Agence intermutualiste (AIM), qui analyse les données de santé de toutes les mutualités, vient de publier son septième rapport d’évaluation du programme de dépistage du cancer du sein.
En Belgique, près de 1.300.000 femmes sont concernées par ce programme dont l’objectif est d’alléger le traitement des tumeurs diagnostiquées à un stade précoce et, bien sûr, de diminuer la mortalité par cancer du sein.
Le dépistage organisé est un élément majeur de la lutte contre le cancer du sein. Mis en œuvre par les communautés, ce programme de dépistage organisé permet à toutes les femmes âgées de 50 à 69 ans d’être dépistées gratuitement, tous les deux ans, par un mammotest. Ce test répond aux normes de qualité du programme d’action «Europe Contre le Cancer». L’équipement est soumis à des contrôles stricts de qualité, les résultats du mammotest sont examinés par un second radiologue indépendant et tous les résultats sont enregistrés pour permettre le contrôle de qualité.

Couverture mammotest et mammographie diagnostique par période et par région

Mammotest Mammotest Mammotest Mammographie diagnostique Mammographie diagnostique Mammographie diagnostique Couverture totale Couverture totale Couverture totale
Période 2002-2003 2004-2005 2006-2007 2002-2003 2004-2005 2006-2007 2002-2003 2004-2005 2006-2007
Bruxelles 3,3 6,6 9,6 46 45 44 50 51 54
Flandre 33 37 44 22 21 21 55 58 65
Wallonie 6,5 8,8 9,1 47 46 47 53 55 56
Belgique 22 25 30 32 31 30 54 56 61

Source : 7e Rapport – Agence intermutualiste

Dans son rapport, l’AIM établit une distinction claire entre le programme de dépistage organisé – via le mammotest – et la mammographie diagnostique classique, réalisée spontanément (dépistage opportuniste) et/ou sur base de plainte et n’entrant dès lors pas dans le cadre du dépistage organisé.
À noter que le dépistage opportuniste n’offre pas toujours les garanties d’accessibilité et de qualité du dépistage organisé et a un coût supplémentaire important pour la société. En effet, la mammographie classique, suivie d’une échographie, coûte 50€ de plus que le mammotest. Après remboursement, elle coûte encore près de 15€ pour la femme.
Le dernier rapport de l’Agence intermutualiste dresse une série de constats intéressants.

Un taux de couverture globale en augmentation

En Belgique, avant le lancement du programme en 1999-2000, 38% des femmes âgées de 50 à 69 ans se faisaient spontanément dépister par mammographie classique. En 2006-2007, le taux de couverture globale (via mammotest et/ou mammographie classique) est passé à 61%, dont 30% dans le cadre du programme de dépistage organisé.
Bien que l’on se rapproche de l’objectif européen, les efforts doivent être maintenus pour atteindre les 75% de couverture recommandés, ce qui devrait permettre d’obtenir une diminution de la mortalité de 30%.

Une meilleure accessibilité, aussi auprès des femmes issues de milieux défavorisés

Le programme de dépistage organisé a permis de sensibiliser et de recruter de nombreuses femmes qui n’auraient probablement pas bénéficié d’un dépistage dans d’autres circonstances : les femmes les plus âgées et les femmes issues de milieux défavorisés. Néanmoins, des efforts restent à faire. En effet, malgré la gratuité du mammotest, on enregistre un taux de couverture globale de 23% inférieur chez les femmes issues de milieux défavorisés par rapport au reste de la population.
Il faut aussi souligner que 24% des femmes entre 50 et 69 ans n’ont subi aucun dépistage au cours des six premières années du programme. Si l’on y ajoute les 15% de femmes qui ne se sont fait examiner qu’une seule fois sur six ans, on peut considérer que 40% des femmes âgées de 50 à 69 ans ne sont toujours pas dépistées efficacement.

Fidélité au dépistage organisé versus dépistage opportuniste

La pratique du dépistage (via mammotest ou via mammographie classique) semble fortement liée aux habitudes de dépistage opportuniste (via mammographie classique) existant avant la mise en œuvre du programme. Le pourcentage de femmes qui se font dépister régulièrement est semblable dans les trois régions mais le dépistage organisé (via mammotest) est surtout répandu en Flandre (44%) alors que le dépistage opportuniste (via mammographie classique) continue à être plus courant en Wallonie (47%) et à Bruxelles (44%).

Des pistes pour inciter plus de femmes à participer au dépistage organisé et pour les fidéliser

Pour inciter plus de femmes à participer au programme de dépistage et augmenter leur fidélisation, les acteurs du programme de dépistage organisé (Communautés, Registre du cancer, Fondation contre le cancer, le Centre du cancer, l’INAMI et les mutualités) ont dégagé une série de pistes :

-réaliser des études auprès des femmes afin de cerner les freins au dépistage ;
-identifier et caractériser les femmes qui ne répondent pas au programme organisé ;
-soutenir et encourager les initiatives locales de promotion du programme de dépistage ;
-impliquer davantage les prestataires de soins et, en particulier, les médecins généralistes dans la promotion et la prescription du dépistage organisé ;
-améliorer la transmission des résultats.
Communiqué par l’Agence intermutualiste

La santé à l’école au travers des pratiques éducatives

Le 30 Déc 20

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“Where is the wisdom we lost in knowledge, where is the knowledge we lost in information”
T. S. Eliot , The Rock, 1934 Qu’en est-il de la santé à l’école, comment est-elle abordée en classe aujourd’hui? Par l’analyse du discours que les acteurs éducatifs portent sur la santé, nous verrons quelle place est donnée à cette thématique dans le cursus scolaire.
Aborder la santé à l’école n’est pas une chose aisée: oscillant entre l’imposition de comportements jugés «bons», et la liberté individuelle de faire des choix, la santé est prise entre deux feux. De plus, elle est souvent vue comme un «chapitre à part», un sujet à aborder de manière complémentaire à ce qui est traditionnellement vu en classe.
De nombreuses initiatives voient le jour dans les écoles quant à la promotion de la santé. Cependant, il faut constater que celles-ci se fondent souvent sur une approche prescriptive. Cela s’illustre principalement à travers l’interdiction de certains comportements identifiés comme néfastes en matière d’alimentation par exemple. Mais si nombre d’écoles ont proscrit les chips et sodas de leur établissement, elles n’ont pas moins associé à cette interdiction, la valorisation et la promotion de «collations saines». Dès la maternelle déjà, la question de l’alimentation est abordée en classe afin de favoriser l’acquisition de comportements «durables et positifs» en matière de santé.
«Nous on plante des graines, on voit la pyramide alimentaire, on ne sait pas ce qu’ils vont en faire plus tard, mais au moins ils pourront se situer par rapport à ce qui est bon ou pas pour eux.»
Le présent article se base sur une enquête que nous avons réalisée en mars 2010 (1), orientée sur la relation qu’entretiennent les instituteurs avec les dynamiques de projet autour de la santé. Cette étude a été faite sur base de 32 entretiens semi-directifs (2). Cette approche a été complétée par une revue de la littérature francophone sur la question des projets pédagogiques, des types d’apprentissage et des dynamiques scolaires.

Promotion de la santé à l’école primaire

Avec la «Charte d’Ottawa» (1986), une approche globale de la santé (prise dans l’acception la plus large) a fait son entrée dans l’école. En effet, depuis lors, l’approche de la santé en éducation est associée à un processus plus large, celui de développer des comportements et des démarches citoyennes. La charte d’Ottawa donne un cadre de référence à l’entrée de la santé dans le domaine scolaire.
De plus, en Belgique, le décret du 14 juillet 1997 de la Communauté française stipule que la promotion de la santé est «un processus qui vise à permettre à l’individu et à la collectivité d’agir sur les facteurs déterminants de la santé et, ce faisant, d’améliorer celle-ci, en privilégiant l’engagement de la population dans une prise en charge collective et solidaire de la vie quotidienne, alliant choix personnel et responsabilité sociale».
S’inscrivant dans cette philosophie, à côté de mesures qui s’adressent directement aux habitudes alimentaires ou hygiéniques des enfants, quelques instituteurs se lancent avec leur classe dans des projets qui laissent à l’élève un rôle déterminant dans la construction de son savoir et de ses compétences.
Par exemple, ce directeur nous explique que dans son école « On ne parle pas que de la santé à proprement parler , mais de tout ce qui l’influence . On a par exemple ouvert le débat sur les jeux dans la cour de récréation , le respect des autres . Parce qu’il faut que chacun puisse s’épanouir et jouer , on a décidé , avec le conseil des enfants , de ne permettre les jeux de balle qu’un jour semaine , respectant ainsi ceux qui ne jouent pas au foot et qui , auparavant , étaient mis sur le côté . Parce que la santé , c’est aussi permettre à l’autre de respirer !».
Mais dans les faits, à l’école, la promotion de la santé est souvent (18/32) perçue par le corps enseignant comme un ensemble de comportements à favoriser (tels le brossage des dents, le lavage des mains, etc.) et d’autres à exclure (la consommation de sodas et de junkfood …). On se trouve bien, dans ces cas-là, face à une approche normative de la santé et de l’éducation. Bien vite ce genre de pratiques se heurte au découragement des professeurs qui doivent endosser ce nouveau rôle: « On ne peut pas tout le temps gendarmer ! J’ai autre chose à faire que leur demander tous les jours d’ouvrir leur boîte à tartine pour regarder ce qu’il y a dedans !».

Mais qu’est ce qui se passe ?

Si on veut transmettre aux élèves des compétences et savoirs qui soient mobilisables dans diverses situations, une approche complexe et systémique est nécessaire pour aborder les questions de santé, et de société au sens plus général. Cette préoccupation se retrouve aussi bien dans les missions de l’école que dans les principes de la promotion de la santé. Mais que se passe-t-il alors? Pourquoi la santé a-t-elle tant de mal à entrer dans l’école sans son lot d’interdictions, de prescriptions et de cloisonnements?

Santé? Vous avez dit ‘santé’ ?

La santé est une représentation, on ne la croise pas le matin au coin d’une rue! Elle varie donc d’un individu à un autre. Si le professeur perçoit la santé comme quelque chose d’extrêmement défini, sous un axe normatif, cela influencera bien évidement sa façon de l’aborder en classe. La santé, c’est avant tout une question de perception. On ne peut pas dire: la santé, c’est ça! Chacun se construit ses représentations en fonction de son vécu et son bagage. La plupart des professeurs interviewés, abordent, en classe, la santé sous l’angle prescriptif. De plus, la santé est souvent vue comme un registre bien à part, où n’interviennent aucunement les diverses notions qui balisent l’apprentissage des élèves. « La santé , c’est secondaire ! Nous on doit surtout travailler les math !». Le manque d’interdisciplinarité que l’on retrouve souvent dans les pratiques pédagogiques se reflète évidement aussi sur l’approche de la santé. Faire entrer les questions de santé dans les apprentissages classiques nécessite alors un effort d’imagination de la part des professeurs pour ne plus cantonner celles-ci au cours d’éveil.
Mais décloisonner la santé, c’est surtout agir sur les représentations que les travailleurs scolaires en ont! Voir la santé comme moteur de réflexion et d’apprentissage, est une petite révolution conceptuelle qui semble réclamer une sensibilisation auprès des enseignants. Il en va de la santé comme d’autres sujets socialement valorisés actuellement, tels le développement durable ou la citoyenneté. Pour agir autrement, il faut d’abord penser différemment. Or l’école est le lieu par excellence où l’on transmet des savoirs, des manières de voir, de penser, de concevoir.
On se trouve bien aujourd’hui face à un revirement paradigmatique de l’enseignement où l’enjeu est de réunir les choses, séparées intellectuellement. L’objectif est de refaire vivre les liens et donner de l’importance à une vision systémique et holistique des choses. Bien sûr cela ne peut se faire du jour au lendemain. Et comment transmettre cela aux élèves si les instituteurs n’y sont pas bien préparés? Il apparaît donc important d’inclure dans la formation – tant des agents de santé que des enseignants – une approche et analyse holistique de la santé.
Un point important à relever ici est le manque apparent (du point de vue des instituteurs) d’outils pédagogiques qui permettraient d’aborder la santé sous toutes ses coutures et en y intégrant des apprentissages plus classiques. « Si on veut parler de la santé et en faire un projet pluridisciplinaire , le problème , c’est qu’on doit tout construire nous mêmes . Même les animations proposées par les PSE ne parlent que de l’aspect comportemental . Ils montrent ce qui est bien de faire ou non , mais ça en reste là ».

Dépasser le prescriptif…

Les missions de l’école sont orientées vers l’épanouissement de l’élève et sa formation citoyenne. Pour rappel, les rôles attribués par la société à l’institution scolaire sont, selon le décret « missions » de 1997 (3):
-promouvoir la confiance en soi et le développement de la personne de chacun des élèves;
-amener tous les élèves à s’approprier des savoirs et à acquérir des compétences qui les rendent aptes à apprendre toute leur vie et à prendre une place active dans la vie économique, sociale et culturelle;
-préparer tous les élèves à être des citoyens responsables, capables de contribuer au développement d’une société démocratique, solidaire, pluraliste et ouverte aux autres cultures;
-assurer à tous les élèves des chances égales d’émancipation sociale.
Pour que l’école puisse permettre à l’enfant d’acquérir les outils et savoirs nécessaires afin de devenir un citoyen, acteur du monde, il lui faudrait dépasser l’approche prescriptive des savoirs. L’information et la formation ne peuvent plus être dictées par des «il faut manger de la viande», ou «il faut jeter ses papiers à la poubelle», ou encore «il faut se taire», mais doivent plutôt chercher à ouvrir le dialogue, inciter à la réflexion, l’argumentation, la participation de tous.
Depuis le développement du constructivisme, autant en psychologie qu’en épistémologie ou en sociologie (4), on ne peut plus passer à côté du constat qu’il n’y a pas de réalité objective intrinsèque aux choses du monde. Nous construisons, individuellement et collectivement, notre perception du réel et par là, notre rapport à lui.
Le savoir est donc construit de manière éminemment participative puisqu’est considéré comme vrai ce qui est partagé par le plus grand nombre, ou ce qui est imposé par un groupe social légitimé dans son rôle de détenteur et artisan du savoir (Bourdieu 1970, Foucault 1969). L’enseignant, un de ces artisans, a le pouvoir de choisir la manière dont il va re-construire et transmettre ce savoir.
Divers courants pédagogiques (le constructivisme, l’approche systémique, la pédagogie coopérative, etc.) proposent de valoriser une approche qui soit fondamentalement plus participative, où l’enfant construit, avec l’enseignant mais aussi avec les autres élèves, son bagage intellectuel, qu’il s’agisse de compétences et de savoirs. La pédagogie “magistrocentriste” se voit de plus en plus critiquée car elle n’attribue à l’élève qu’un rôle passif dans la transmission et la constitution du savoir. La participation est aujourd’hui de mise afin de dépasser l’individuel et d’aborder le collectif, afin d’apprendre ensemble.
La participation des élèves – élément central des nouvelles approches en pédagogie – relève d’un changement de perspective éducative. La société et le monde dans lequel nous évoluons sont éminemment complexes. À l’école, les sujets devraient donc être abordés de manière décloisonnée et holistique, mettant l’accent sur les interdépendances, les relations entre les choses. Il s’agit aujourd’hui de développer principalement des compétences et des raisonnements qui pourront être mobilisés dans des situations les plus diverses.

La santé à l’école, qui y participe ?

Nous avons ouvert le débat sur la participation des élèves dans la constitution du savoir. Mais qu’en est-il des autres acteurs éducatifs? Dans le domaine des pédagogies nouvelles, la collaboration de partenaires autres que les enseignants est jugée essentielle. Voyons quels sont les partenaires actuels en matière de promotion de la santé.
Tout d’abord, reprenons ici un constat fait par Bernard Lahire quant à la collaboration entre les instituteurs dans le développement de pratiques pédagogiques unifiées et cohérentes tout au long du cursus scolaire. Ce dernier évoque le fait que plus les enseignants travaillent en équipe selon des références communes, plus les habitudes souhaitées sont aisées à mettre en place (Lahire 2001). Il est donc essentiel que le corps professoral se mobilise dans son entier plutôt que favoriser une cohérence intra-classe.
Dans notre enquête, les instituteurs souvent travaillent seuls les questions relatives à la santé, à l’environnement et ce même lorsque des démarches sont lancées au niveau de l’établissement dans son ensemble. Les différents acteurs en promotion de la santé ne semblent pas avoir des liens de collaboration ni agir en synergie.
Et pourtant, différents intervenants sont invités à s’immiscer dans l’école. Ces derniers varient d’une école à l’autre. En effet, tous les instituteurs interrogés font appel aux centres PSE/PMS, mais c’est le plus souvent dans une optique d’action ponctuelle. Mis à part les centres PMS/PSE, il existe peu de partenaires réguliers. On rencontre toutefois quelques associations locales, qui deviennent partenaires par le type d’animations ponctuelles qu’elles proposent. L’intervention de ce genre de collaborateur est toujours bien vue par les enseignants. Cela permet de sortir du cadre scolaire habituel, de montrer aux élèves qu’il y a des spécialistes pour chaque sujet. Mais cela n’invite pas toujours à ce que l’enseignant intègre ce partenariat dans sa pratique pédagogique.
Travailler ensemble c’est travailler avec l’élève mais aussi avec les autres acteurs éducatifs afin de proposer des pratiques cohérentes et une mobilisation de tous autour des sujets de société. Travailler ensemble c’est permettre à chacun d’apporter son éclairage et de construire ainsi une approche plus complexe de la santé.

Partenariat école-familles, mirage ou réalité ?

La collaboration entre les parents et l’école, parfois tant souhaitée, n’est pas une mince affaire car en réalité c’est un changement de paradigme dans la conception du rôle de chacun. L’école et la maison ont été pendant longtemps acteurs complémentaires mais peu coopératifs en matière d’éducation. Vouloir maintenant ouvrir l’école aux parents relève d’une redéfinition des rôles de ces deux institutions que sont la famille et l’école.
Bien souvent, les parents ne participent que de loin aux activités de classe, étant sollicités soit pour mettre dans le cartable telle ou telle chose, soit pour recevoir des commentaires sur les échecs – plutôt que les réussites – de leurs enfants. Selon notre enquête, les parents sont rarement invités à découvrir par eux-même le travail pédagogique fait par l’enseignant.
Par exemple, lors de déjeuners organisés à l’école, seuls 3/11 enseignants y convient les parents. Bien sûrs, ils sont tenus au courant des activités pédagogiques menées durant l’année, mais ne sont pas sollicités pour y contribuer ou intervenir dans les animations mises en place. Et puis, « quand on invite les parents , c’est toujours les mêmes qui viennent ». Mais il arrive parfois qu’ils soient mis à contribution, en venant en classe pour animer tel ou tel atelier ou pour soutenir le professeur dans ses démarches de projet.
Pour les parents, cette collaboration n’est pas vraiment facilitée car s’ils « sont tenus de jouer le rôle d’auxiliaires pédagogiques de l’école , ils sont ainsi sous la double menace d’une disqualification par défaut d’implication et par inadéquation de leurs pratiques aux normes pédagogiques de celle ci . La tension au cœur des pratiques parentales pour l’école conduit nombre de parents à osciller entre distance et surinvestissement à l’égard des activités scolaires .» (Thin D., 2009).
Régulièrement, en effet, en matière de santé, les pratiques parentales sont assez directement mises à l’épreuve. À l’école, l’alimentation est vue sous un angle éminemment fonctionnel, celui de nourrir le corps. Or du coté familial, l’alimentation c’est bien plus que ça! Quand on passe à la loupe les régimes alimentaires des enfants sans tenir compte de toute la socialisation et la culture qui se cachent derrière le fait de manger, on tombe vite dans la stigmatisation de certains comportements, et par là, dans la remise en question de la légitimité des postures parentales concernant l’alimentation et l’éducation de manière plus générale.
Il s’agit donc aujourd’hui de revaloriser et renforcer le lien de complémentarité entre l’école et la maison afin de construire un discours pédagogique et éducatif cohérent. Parce que la santé n’est pas cloisonnée à la maison ou à l’école, mais aussi parce que c’est dans ces lieux qu’on retrouve les principaux acteurs éducatifs.

Pour ne pas conclure…

Dans les écoles, nombre d’initiatives relatives à la promotion de la santé voient le jour. Celles-ci donnent l’occasion à l’élève de se confronter à la pratique. En effet, on retrouve dans plusieurs écoles la mise en place d’ateliers culinaires ou de projets de potager. Ceux-ci mettent les enfants à la tâche, leur permettent de se familiariser aux pratiques alimentaires et de devenir acteurs de leur alimentation. Cependant, ces ateliers font rarement l’objet d’une réflexion commune plus élargie qui replacerait les pratiques sanitaires et alimentaires dans le système qui les fait vivre. Pourtant ils sont un tremplin idéal pour aborder aussi bien les questions d’alimentation, que de bien-être, de développement durable, de prise de décision, d’expression de soi mais aussi pour aborder avec les élèves les apprentissages plus classiques tels la lecture ou le calcul!
La séparation des savoirs est encore majoritairement répandue bien que quelques initiatives décloisonnantes aient vu le jour au sein des établissements, principalement via la pédagogie par projets. La participation de tous les acteurs éducatifs autour d’un projet pédagogique se fait par tâtonnements, se heurtant à l’isolement des uns ou aux difficultés de mise en pratique de projets cohérents et globaux. Mais petit à petit, les nouvelles pratiques en pédagogie participative font leur chemin, principalement grâce à la sensibilisation des instituteurs quant aux nouveaux défis éducatifs qui se présentent à eux. L’enjeu actuel en promotion de la santé est d’inciter les enseignants à adopter une approche pédagogique centrée sur l’élève qui soit moins prescriptive et plus participative. De plus, la contextualisation du savoir, la mise en lien et la réflexion de tous sur les sujets de société paraissent aujourd’hui primordiales pour permettre aux élèves de devenir des acteurs responsables et avertis du monde de demain.
Et vous, comment vous situez-vous par rapport à ces initiatives? Comment amenez-vous la santé à l’école?
Virginie Vandermeersch , Coordination Éducation & Santé – Cordes asbl.

Bibliographie indicative

BARBIER, Jean Marc (dir.), 1996, Savoirs théoriques et savoirs d’action , Paris, PUF.
BOURDIEU Pierre, 1987, Choses dites , Paris, Les Éditions de Minuit.
BOURDIEU Pierre, PASSERON Jean-Claude, La Reproduction. Éléments pour une théorie du système d’enseignement , Éditions de Minuit, 1970.
CROS F. (éd.),1998, Dynamiques du changement en éducation et en formation , Considérations plurielles sur l’innovation . Paris, IUFM, INRP.
GALICHET François, 2002, La citoyenneté comme pédagogie: réflexions sur l’éducation à la citoyenneté. in Revue des sciences de l’éducation , vol 28, n°1, pp 105-124.
FOUCAULT Michel, 1969, L’Archéologie du savoir , Paris, Gallimard.
LAHIRE Bernard, 2001, La construction de l’« autonomie » à l’école primaire: entre savoirs et pouvoirs in Revue française de pédagogie . Volume 135 N°1, pp. 151-161.
LE MOIGNE Jean-Louis, 1995, Les épistémologies constructivistes , Que sais-je?, PUF.
MANDERSCHEID Jean-Claude, PITHON Gérard, 2000, Éléments d’une réflexion pour une pédagogie de l’éducation à la santé en milieu scolaire, in SPIRALE Revue de Recherche en Éducation , n°25, pp 49-68
MORIN Edgar, 1999, Les sept savoirs nécessaires à l’éducation du futur , Le Seuil.
PERRENOUD Philippe, 1999, Dix nouvelles compétences pour enseigner . Invitation au voyage . Paris. ESF (5e édition 2006).
THIN Daniel, 2009, Un travail parental sous tension: les pratiques populaires à l’épreuve des logiques scolaires, in Informations sociales 2009/4, n°154,CNAF.

(1) Vandermeersch V., 2010, «La santé à l’école, entre connivence et indifférence», rapport CORDES, non publié.
(2) Réalisés auprès de 32 acteurs scolaires ( 26 enseignants, 3 directeurs, 2 infirmières PSE et 1 bibliothécaire ). Voici les éléments pris en compte lors de la construction de notre échantillon: type de réseau, répartition géographique des écoles, environnement immédiat de l’école (milieu urbain, périphérie, campagne), public fréquentant l’établissement (discrimination positive, enseignement spécialisé). Le but était de s’approcher de la complexité des situations scolaires telle qu’on la retrouve en Belgique francophone.
(3) Pour plus d’informations, voir le Moniteur belge à la date du 23/09/1997 p.24653
(4) Parmi les figures de proue de ce courant aux multiples facettes, on se doit de citer Lev Vygotsky (1934) Jean Piaget (1936,1937) Alfred Schütz ( 1964), Peter Berger et Thomas Luckmann ( 1966), Pierre Bourdieu ( 1987).

Le poil à gratter de la santé publique

Le 30 Déc 20

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«Spectateur est un mot obscène. Le spectateur est moins qu’un homme. Il faut l’humaniser et lui rendre sa capacité d’agir pleinement. Il doit être sujet, acteur, à égalité avec les autres qui deviennent à leur tour spectateurs…
[…] La poétique de l’opprimé est d’abord celle d’une libération : le spectateur ne délègue aucun pouvoir pour qu’on agisse ou pense à sa place. Il se libère, agit et pense pour lui-même. Le théâtre est action.»

Augusto Boal , Théâtre de l’opprimé, La Découverte, Paris, 1996, p. 47-48 Voici un an paraissait l’ouvrage de Bernard Goudet ‘Développer des pratiques communautaires en santé et développement local’, un condensé remarquable de ses expériences et de ses recherches en la matière.
Éducation Santé se devait de porter la publication de cette ‘somme’ à la connaissance de ses lecteurs, ce qui fut fait.
La sortie d’un ouvrage de référence en langue française n’est pas si fréquente, et votre revue estima que c’était un peu ‘court’ de se limiter à une brève recension. D’où l’idée d’inviter Bernard Goudet à présenter ses réflexions dans notre Communauté française. Idée immédiatement acceptée avec enthousiasme par Chantal Vandoorne et Gaëtan Absil , les collègues de l’APES-ULg, pour qui le sociologue bordelais est une ‘légende vivante’ (rien que ça !).
Le résultat fut un double programme, composé d’une conférence à Bruxelles le 30 septembre, suivie d’une journée de séminaire à Liège le 1er octobre.
Le moins qu’on puisse dire est que cette initiative rencontra une belle adhésion, puisque tant à Bruxelles qu’à Liège, nous avons dû refuser du monde : plus de 100 personnes pour la conférence (la capacité de la salle était de maximum 70), plus de 30 personnes pour le séminaire (le nombre idéal étant de 20 participants).
Nous nous excusons de la frustration suscitée chez certains par ce (trop) grand succès, tout en nous réjouissant du pouvoir de mobilisation d’un auteur à la démarche fondamentalement progressiste. Le nombreux public issu du secteur des maisons médicales se trouvait ici assurément plus en pays de connaissance que dans les colloques sponsorisés de la médecine dominante…

Donner du temps au temps

Dans sa brève introduction, Alda Greoli , Secrétaire nationale des Mutualités chrétiennes, rappela qu’il n’y a pas de hasard, qu’il est logique qu’un ‘enfant de l’éducation populaire’ (comprendre ‘éducation permanente’ chez nous) tel que Bernard Goudet ait consacré une bonne partie de sa carrière à donner la parole à ceux qui ne l’ont pas et à forger avec eux les outils de leur émancipation. Une philosophie de la réflexion et de l’action qui ne devait pas manquer de sonner juste aux oreilles d’une audience très majoritairement féminine.
Le conférencier exposa ensuite de façon très didactique le sujet du jour, avec un utile rappel conceptuel, une typologie empirique des situations appelant des pratiques communautaires, et une analyse de 12 actions, en France et en Belgique, caractérisées par la présence de dimensions fondamentales de l’action communautaire (atteinte d’un certain degré d’empowerment des acteurs, orientation ascendante de la démarche…). Occasion de régler avec humour un compte avec ses ‘collègues’ spécialistes de santé publique à l’Université, dont il déplora une certaine forme de condescendance à l’égard des ‘bénéficiaires’ des programmes. Il n’hésita pas à comparer la promotion de la santé non pas à du poil à gratter, mais carrément à une ‘verrue’ en plein milieu du ‘beau visage’ de la santé publique. C’était sans doute un rien injuste, mais à coup sûr une façon percutante de rappeler que la prise en compte des facteurs sociaux fait parfois un peu désordre dans les belles constructions épidémiologiques.
Sans nous donner de trucs et astuces, il pointa aussi quelques éléments participant au succès d’une démarche communautaire, comme la prise de conscience par les professionnels du caractère discontinu du temps nécessaire à concrétiser ensemble une action aux effets durables.
Bernard Goudet avait été très discret sur la question de l’évaluation tout au long de son exposé, et un participant s’en inquiéta à juste titre au moment des questions-réponses. Cela tombait bien, le conférencier rassura tout le monde en précisant que le séminaire du lendemain porterait précisément sur ce sujet !

Participer en ayant voix au chapitre

Il n’aurait pas été cohérent de parler de participation au nom d’acteurs engagés dans des processus de développement communautaire sans leur permettre de s’exprimer. Le séminaire permit à une trentaine de personnes d’être confrontées à 5 initiatives ‘communautaires’ à des degrés divers, avec pour chacune une attention toute particulière au lien entre les actions développées et leur évaluation. Occasion aussi pour l’APES de rappeler sa conception très démocratique de l’évaluation, à la fois participative et négociée.
Vérane Vanexem mit ainsi en évidence le processus permanent d’amélioration de la qualité de l’évaluation dans le travail de proximité de l’asbl Les Pissenlits , active dans le quartier Cureghem (Anderlecht) ; Stéphanie Bednarek décrivit les avancées du projet Ensemble Travaillons Autour de la Petite Enfance, qui vise à la stimulation psychomotrice de jeunes enfants présentant des retards de développement sans cause organique apparente ; Geneviève Everarts nous replongea dans un autre quartier populaire de Bruxelles, les Marolles ; Michel Demarteau n’éluda pas les difficultés pour une institution provinciale de construire un projet d’évaluation participative à la mesure d’enjeux territoriaux importants et impliquant un engagement autre que formel des élus locaux dans la démarche ; enfin, deux membres de l’APES, Cetty Saglimbene et Geoffroy Melen présentèrent la construction d’un outil d’autoévaluation en promotion de la santé à l’école avec les acteurs de la PSE.
Le tout fut commenté avec modestie et pertinence par Bernard Goudet, qui rappela bon nombre d’évidences (pas si évidentes que cela, d’ailleurs, le non-dit, l’implicite faisant souvent des dégâts) tirées à la fois de ses analyses et de sa riche expérience personnelle.
Nous aurons très certainement l’occasion de revenir sur ces questions dans un prochain numéro.
En attendant, nous ne saurions trop vous recommander la lecture du livre de Bernard Goudet. Et si vous souhaitez une première approche on ne peut plus pertinente du concept, lisez aussi le texte remarquable ‘Pratiques communautaires à Bruxelles’, qu’ Alain Cherbonnier vient de publier dans Bruxelles Santé (n° 59, juillet-août-septembre 2010).
Christian De Bock

Un pass dans l’impasse’

Le 30 Déc 20

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Le Centre de prévention du suicide et d’accompagnement en Région wallonne

Chaque jour en Belgique, 6 personnes meurent par suicide… Et 10 fois plus tentent de se suicider ! Depuis maintenant trois ans, l’équipe de l’asbl «Un pass dans l’impasse» œuvre avec conviction à développer un service d’aide psychologique pour répondre à un double objectif, à la fois préventif et curatif, en matière de suicide.

Le suicide, un tueur silencieux

Les politiques actuelles s’inscrivent assurément dans une perspective sécuritaire. Pourtant, à mesure que les pays se modernisent et se dotent de dispositifs de prévention technologiques et médicaux performants, le suicide tend à progresser.
Dans la plupart des pays occidentaux, le suicide est la première cause de mortalité chez les personnes de 25 à 35 ans et la deuxième cause de mortalité chez les jeunes de 15 à 25 ans après les accidents de la route. Il y a six à dix fois plus de suicides réussis que de meurtres et d’assassinats. Didier Robin avait synthétisé ces statistiques en une formule assez provocatrice mais riche de sens: nous vivons à une époque où l’on court beaucoup plus le risque de se tuer soi-même que d’être tué par un autre !
La Belgique ne fait malheureusement pas exception. Nous sommes confrontés à un véritable phénomène de crise mais ce n’est pas la seule raison de ces constats inquiétants. Le suicide est, plus que bien des maladies, un tueur silencieux et insidieux.
Pour l’entourage du suicidant, cet acte est souvent frappé d’incompréhension, voire même de honte. La question de la levée du silence entourant le suicide reste délicate car il s’inscrirait encore aujourd’hui sous le sceau du tabou. L’existence de lieux de parole spécialisés est dès lors primordiale pour permettre la mise en mots et ainsi éviter les écueils du silence.
Le suicide est souvent considéré comme la griffe de la désespérance individuelle et sociale. Il évoque pour beaucoup le refus d’une existence douloureuse et devenue insupportable. Passage à l’acte brutal ou parfois différé une vie durant, il peut être compris comme une ultime tentative pour dire l’indicible.
Ce phénomène est complexe, tant du point de vue psychologique que médical ou social, car il renvoie à de multiples facteurs. En effet, il trouve son origine tant dans l’histoire personnelle que dans le vécu actuel de l’individu, et comporte très souvent une composante relationnelle. Cet acte mortifère illustre ainsi le paradoxe de Kafka: «Loin, loin de toi se déroule l’histoire mondiale, l’histoire mondiale de ton âme…».

Le centre «Un pass dans l’impasse »

Depuis maintenant trois ans, le Centre de prévention du suicide et d’accompagnement «Un pass dans l’impasse » s’attache à développer un service de qualité en matière d’aide aux personnes prises dans le tourment suicidaire et de soutien à leur entourage.
Le centre poursuit principalement quatre axes de prévention:
-les activités à destination du grand public , telles que l’organisation de colloques, de soirées-débats, diverses publications, et des formations accessibles tant aux acteurs du secteur médico-psycho-social qu’aux professionnels de l’éducation. L’objectif est d’apporter une information claire sur le processus suicidaire, les signes précurseurs d’un passage à l’acte, et comment y faire face ;
l’intervention lorsque la crise suicidaire est avérée . À ce niveau, l’objectif est de contenir la crise et de diminuer l’urgence en sécurisant la personne. Les conventions de collaboration que nous avons établies avec diverses structures de soin en santé mentale et les services d’urgence de plusieurs hôpitaux en région wallonne nous permettent d’intervenir dans les 72 heures qui suivent un comportement suicidaire. Nous pouvons dès lors apporter un soutien direct à la personne suicidante et à son entourage ;
l’accompagnement psychothérapeutique à court terme que nous mettons en place avec la personne suicidaire. Notre objectif premier est d’évaluer le potentiel suicidaire en termes de risque, d’urgence et de dangerosité. Le cas échéant, lorsque ce potentiel est évalué comme étant moyen ou élevé, un contrat de non-suicide sera signé entre l’intervenant et la personne. L’essentiel dans tous les cas est de préserver la continuité du lien par des relances régulières. Nous essayons au maximum d’inclure l’entourage dans ce processus d’accompagnement ;
l’intervention dans le milieu (professionnel ou scolaire) où le suicide est survenu. L’objectif est d’éviter la « contagion » et les phénomènes associés par l’animation d’un espace de parole adapté sur base de la technique du debriefing. Il s’agit de permettre l’expression des émotions face à la soudaineté et à la violence de l’effraction de la mort dans le quotidien du groupe.
En outre, le centre propose une démarche d’accompagnement aux personnes confrontées au décès d’un proche par suicide ou dans des circonstances traumatiques. L’accompagnement psychologique vise alors à dépasser la détresse affective liée à la perte. Ces activités se déroulent en entretien individuel ou sous la forme d’un groupe de parole pour personnes endeuillées.
Le centre s’est rapidement inscrit dans une démarche de proximité et pour favoriser l’accessibilité aux services proposés. Après à peine deux années de fonctionnement, déjà trois antennes ont vu le jour:
-à Liège, en collaboration avec la Mutualité Solidaris et les Femmes Prévoyantes Socialistes du réseau Solidaris, dans les locaux de l’Espace M, au coeur du quartier Sainte-Marguerite, rue des Fontaines Roland 29 (consultation sur rendez-vous, les lundis de 13h à 17h et les jeudis
de 9h à 13h).
-à Charleroi, en collaboration avec la Fédération des Mutualités Socialistes du Bassin de Charleroi et de Latitude Jeunes, rue d’Orléans 34 (consultation sur rendez-vous, les mardis de 9h à 13h, les mercredis de 13h à 17h et les jeudis de 13h à 17h).
-à Marche-en-Famenne, en collaboration avec la Mutualité Socialiste du Luxembourg, rue du Vivier 5 (consultation sur rendez-vous, les lundis de 9h à 13h et les vendredis
de 13h à 17h).
D’autres antennes suivront.
La mission principale de ces antennes est de permettre une prise en charge rapide, efficiente et gratuite des personnes suicidaires et l’accompagnement de leur entourage. De plus, elles permettent de garantir un « filet de sécurité » associatif en favorisant les synergies et en développant des partenariats féconds avec les réseaux locaux. De cette manière, le centre entend adopter une attitude préventive réelle.
Afin de répondre à la demande croissante et pour assurer le fonctionnement de ces structures, l’équipe s’est agrandie pour compter aujourd’hui cinq psychologues, un assistant social, une accueillante téléphonique et un assistant administratif. En outre, le centre s’est établi dans de nouveaux locaux plus spacieux et mieux adaptés à Saint-Servais (Namur). Des consultations gratuites et une permanence téléphonique y ont lieu du lundi au vendredi de 9h à 17h.
Dans un contexte de confidentialité et de respect, les intervenants veillent à faciliter l’expression de la souffrance, à clarifier la situation, à mobiliser les ressources de chacun et à prendre du recul en vue d’ouvrir d’autres voies. En effet, permettre la compréhension de la spirale suicidaire, c’est restituer à l’individu la possibilité d’agir à chaque étape du processus dans le but de freiner l’emballement et d’envisager une autre issue.
L’enjeu de l’accompagnement psychologique est d’aider la personne à remobiliser en elle, et autour d’elle, ses ressources créatives et à ressaisir les outils qui lui permettent de façonner son existence. Cette créativité est essentielle à tout un chacun car elle permet de dépasser la tension vitale entre la rigidité et la souplesse, la droite et la courbe…
Xavier Malisoux , psychologue, coordination scientifique et publications
Pour toute information: « Un pass dans l’impasse », Centre de prévention du suicide et d’accompagnement en Région wallonne, chaussée de Waterloo 166, 5002 Namur, Tél.: 081 777 150, fax: 081 777 159, courriel: info@lesuicide.be, site: https://www.lesuicide.be

Vaccination contre la grippe saisonnière 2010-2011

Le 30 Déc 20

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Les chiffres d’incidence de la grippe varient d’année en année. En moyenne, 5 à 10% de la population est touchée par l’infection durant une épidémie. Il est toutefois impossible de prévoir la gravité et le nombre de personnes infectées lors d’une épidémie.
Un exemple récent : durant la saison 2009-2010, le nombre de personnes touchées par la grippe saisonnière a été particulièrement faible. Auparavant, notre pays avait enregistré environ 200.000 cas de contamination par le fameux virus pandémique A(H1N1), un chiffre sans doute en-dessous de la réalité. Autre fait marquant, là où la grippe saisonnière cause habituellement 1.000 décès, surtout parmi les personnes âgées, la grippe pandémique n’a provoqué que quelques dizaines de morts en Belgique (dont une vingtaine attribuables à coup sûr au virus A(H1N1)), essentiellement des enfants et des adultes jeunes.
La situation très favorable de la saison précédente était donc vraiment atypique.
Cette année, on en revient à un schéma plus classique, avec quelques nuances. La vaccination est recommandée aux personnes qui courent un risque accru de complications si elles contractent la grippe. En raison de la circulation du virus A(H1N1), une attention particulière est portée aux femmes enceintes, qui ont été plus spécifiquement touchées lors de la pandémie de l’an dernier. En outre, comme chaque année, les personnes de plus de 65 ans, les malades chroniques, les personnes susceptibles d’en contaminer d’autres (entourage familial, tous les professionnels de santé) sont aussi concernés.
Pour toutes les infos sur la grippe et la campagne 2010-2011, vous pouvez consulter le site https://www.vacc.info . Vous y trouverez les réponses aux questions habituellement posées sur le sujet, ainsi que des interviews de professionnels de la santé.

Feu rouge… au lobby agroalimentaire!

Le 30 Déc 20

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Les enjeux de l’étiquetage nutritionnel

Quelle quantité de sucres, graisses et sel se trouvent dans un sachet de chips, une pizza surgelée ou une barre chocolatée? Afin de lutter contre l’épidémie d’obésité, l’Union européenne voudrait que ces données soient plus visibles sur les emballages. Mais le lobby agroalimentaire, qui n’a aucune envie qu’elles vous sautent aux yeux, a dépensé plus d’un milliard d’euros pour imposer un système d’étiquetage nutritionnel discret et difficile à déchiffrer.
De l’avis de nombreux eurodéputés, la guerre de tranchées que mène depuis quatre ans à Bruxelles la Confédération des industries agroalimentaires de l’Union européenne (CIAA) est l’une des campagnes de lobbying les plus importantes en Europe depuis celles de l’industrie chimique contre REACH (réglementation des substances chimiques) ou de l’industrie automobile contre la limitation des émissions de CO2. L’objectif du lobby agroalimentaire est simple: contrer à tout prix la mise en place, dans l’Union européenne, d’un étiquetage nutritionnel clair permettant d’identifier en quelques secondes les aliments riches en graisses, sucres ou sel. Cela risquerait tout simplement de compromettre les ventes d’une série de produits populaires que d’aucuns assimilent à de la «malbouffe».

Feux tricolores

Pourtant, il y a urgence: un Européen sur trois est obèse ou en surpoids (1). « Si l’on a réellement l’intention de s’attaquer aux maladies coronariennes et à l’obésité , on doit aider les gens à comprendre quelles quantités de sel , de graisses et de sucres se trouvent dans leur alimentation », estime la membre britannique du Parlement européen, Glenis Willmott . « C’est particulièrement vrai pour les produits comme les plats préparés ou les sandwiches pré emballés , pour lesquels l’étiquetage est le seul moyen de savoir si un produit est plus ou moins sain
Cette eurodéputée, à l’instar des associations de consommateurs et des ONG «pro-santé», est partisane d’un étiquetage nutritionnel de type «feux de signalisation», très en vogue au Royaume-Uni afin de lutter contre un triste record: celui du taux d’obésité le plus élevé de l’Union européenne. Plusieurs fabricants et chaînes de supermarchés ont déjà adopté cet étiquetage développé par la Food Standards Agency (FSA), l’équivalent britannique de notre AFSCA.
Apposées sur la face avant des emballages, ces étiquettes permettent de juger, en un coup d’œil, la quantité d’énergie, de graisses (saturées et non-saturées), de sucres et de sel qui se trouve dans un produit donné. Chaque quantité est directement visible dans une pastille colorée en rouge, orange ou vert selon des seuils nutritionnels déterminés par les scientifiques de la FSA. Exemple: telle portion de 400 g de lasagne au bœuf surgelée de la marque Trucmuche contient 27 g de graisse (ce qui lui vaut un feu orange), 13 g de graisses saturées (feu rouge), 9 g de sucres (feu vert) et 1,2 g de sel (feu orange).
Jugé simpliste voire infantilisant par l’industrie, ce type d’étiquetage semble pourtant le plus efficace pour orienter les décisions d’achat vers les alternatives les plus saines (ou les moins malsaines). Grâce aux couleurs, il est en effet très facile de comparer la lasagne Trucmuche avec celle, équivalente, de la marque Machinchose.

Offensive des lobbies

Mais la CIAA pâlit d’angoisse à l’idée que cet étiquetage, non obligatoire mais encouragé par le gouvernement britannique, puisse faire tache d’huile et devenir la norme – contraignante, cette fois – dans toute l’Union européenne. C’est pour cela que, dès 2006, quand la Commission a fait part de sa volonté de revoir la réglementation nutritionnelle européenne, « Big Food » a commencé à préparer sa contre-offensive: un système unicolore (donc moins visible) fondé sur les «apports journaliers recommandés» (AJR) pour un adulte «type».
En plus des valeurs absolues de quantité d’énergie (Kcal) et de nutriments (g) contenus dans un produit donné, le système AJR double les chiffres fournis au consommateur en renseignant également les pourcentages des quantités moyennes recommandées quotidiennement pour un adulte. Par exemple, notre lasagne Trucmuche contient 27 g de graisses non saturées, ce qui correspond à 39% de la quantité maximale recommandée quotidiennement de ce type de graisses. De même, elle renferme 53% des AJR en graisses saturées, 10% en sucres et 52% en sel.
Quand on établit l’addition, cela fait beaucoup de chiffres avec lesquels jongler dans les rayons. Sans compter les règles de trois et autres calculs mentaux à réaliser lorsque les valeurs affichées renvoient à des «portions» définies arbitrairement par les fabricants pour masquer les aberrations diététiques de certains produits. Qui sait en effet – à part peut-être un diététicien professionnel – à quoi correspondent concrètement 15 g de Nutella ou 30 g de céréales Kellogg’s?
Le développement, la mise en œuvre et la promotion de cet étiquetage «AJR», qui a commencé à fleurir sur les produits de supermarché il y a deux ans dans les 27 États membres, a coûté plus d’un milliard d’euros, selon la CIAA (2). Une somme gigantesque pour une campagne de lobbying européen. Une paille pour un secteur qui brasse annuellement 985 milliards d’euros.
Pour plaider sa cause et imposer son système dans les cerveaux des consommateurs – et surtout des décideurs européens –, l’industrie a eu recours à des spots télévisés, à des débats dînatoires organisés pour les eurodéputés à Bruxelles, et même à un stand de la CIAA établi au cœur du Parlement, en novembre dernier, où les visiteurs étaient invités à répondre à un quizz ciblant leurs perceptions des étiquettes AJR. Il faut évidemment ajouter à cela les tonnes d’amendements et de «recommandations de vote» envoyées par e-mail et courrier postal aux élus européens. D’après la socialiste hollandaise Kartika Liotard , le nombre de messages postés par l’industrie par rapport à ceux envoyés par des associations de la société civile était de 100 contre 1.

Études bidon ?

Autre tactique: les industriels ont commandé au Conseil européen d’information sur l’alimentation (EUFIC) deux études scientifiques visant notamment à démontrer que les consommateurs perçoivent correctement les étiquettes AJR déjà disponibles en magasin. Le hic, c’est que l’EUFIC est un think tank financé entre autres par Coca-Cola, McDonald’s, Nestlé, Ferrero, Danone, Unilever et Kraft, et dont la directrice est l’ancienne lobbyiste en chef de Mars pour la politique européenne. Dans l’une de ces études, publiée en 2007, l’EUFIC n’a pas jugé nécessaire de dévoiler qu’il était financé par l’industrie agroalimentaire…
Curieusement, comparer expérimentalement l’impact relatif des étiquettes «AJR» et des «feux de signalisation» afin de voir lequel des deux systèmes permet le mieux, en un coup d’œil, d’identifier les produits les plus sains, n’a jamais traversé l’esprit des expérimentateurs de l’EUFIC. Une telle étude existe pourtant. Elle a été réalisée en 2008 en Australie par un consortium d’agences gouvernementales et d’ONG pro-santé (3). Ses résultats sont limpides: les consommateurs confrontés à l’étiquetage «feux de signalisation» sont en moyenne cinq fois plus enclins à identifier les produits alimentaires les plus sains que les personnes confrontées aux étiquettes relatives et unicolores promues par l’industrie.

Pas avant 2015

En mars dernier à Bruxelles, la Commission de l’Environnement et de la Santé publique (ENVI) du Parlement européen a rejeté les feux de signalisation par 32 voix contre 30. Une position entérinée – et même durcie – en juin par le Parlement en assemblée plénière à Strasbourg. Les eurodéputés sont allés jusqu’à interdire aux États membres de mettre en place leur propre système d’information visuel en matière d’étiquetage alimentaire. Aux oubliettes, les feux de signalisation britanniques!
La balle est à présent dans le camp du Conseil de l’Union. Il s’agit de trouver un compromis entre les États membres et la position du Parlement, ce qui semble peu probable selon les observateurs. On s’attend donc à ce que le texte repasse au Parlement en seconde lecture, en 2012. Une fois le règlement adopté, l’industrie aura au minimum trois ans pour s’adapter aux nouvelles règles. Pas d’étiquettes nutritionnelles obligatoires avant 2015 au plus tôt, donc.
David Leloup
Cet article, paru initialement dans Équilibre n° 47 d’août 2010, et reproduit avec son aimable autorisation, s’inspire largement du rapport «A red light for consumer information», co-rédigé par l’auteur pour l’Observatoire de l’Europe industrielle
(1) Plus du quart des hommes (27 %) et plus du tiers des femmes (38 %) sont en surpoids ou obèses. Environ 5 millions d’enfants sont obèses dans l’UE, un nombre qui croît annuellement de 300.000 unités.
(2) «Fear of information overload ahead of food labelling vote» , European Voice, 11 mars 2010.
(3) «Front-of-Pack Food Labelling: Traffic light labelling gets the green light» , Kelly et al., Cancer Council, Sydney, 2008 ; https://j.mp/daLvIO

Se dégager de la cigarette… en groupe

Le 30 Déc 20

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Pour la troisième année consécutive, le service Promotion Santé des Mutualités Libres organise des sessions de groupe pour arrêter de fumer. Cette année, il s’est associé au Service d’Étude et de Prévention du Tabagisme (SEPT). Ce sont donc deux acteurs de la promotion de la santé qui ont uni leurs forces pour le mieux-être des personnes songeant à se libérer de la fumée… Le slogan de cette saison: ‘Ensemble, c’est mieux’.

Le modèle de Prochaska et Di Clemente comme référence

La référence au modèle transthéorique a guidé les choix thérapeutiques et stratégiques du programme, afin de ne pas confronter prématurément le patient fumeur à ce qui devait longtemps plomber sa démarche: la violence du sevrage.
En effet, ce que représente, aux yeux du fumeur, la vie sans tabac, c’est un cauchemar autant qu’un rêve. Aussi doit-on passer du rêve au projet . Puis du projet possible (apprivoisé, rendu personnel), à sa mise en œuvre, à l’action. L’accent doit être enfin porté sur l’anticipation de la rechute afin d’armer le fumeur abstinent, de le rassurer dans un choix parfois pénible et profondément courageux.

Des objectifs élargis

En amont de la visée comportementale, symptomatique, cognitive, en amont de la visée du sevrage, la première ambition de nos sessions de groupe est de permettre aux participants:
-de questionner leur(s) dépendance(s) et leur ambivalence à l’égard du tabac;
-de mieux cerner la fonction de la cigarette, afin d’envisager des réponses alternatives;
-de renforcer leur sentiment d’efficacité personnelle ainsi que leurs motivations;
-de solidariser leurs défis, de mutualiser les ressources et moyens mis en œuvre au sein du groupe;
-d’évoluer sereinement vers un niveau propice à l’action (se trouver prêt à l’arrêt ).
Par ailleurs, il s’agit d’accompagner le processus au-delà d’un arrêt qui remue bien des choses et de consolider la démarche engagée par les participants. L’espace de parole où tout prend plus de sens, et la dynamique de groupe y contribuent largement: nous pouvons tabler sur l’émulation du groupe et sa capacité à faire émerger l’objectif commun.
Construire, aménager, poser les jalons d’un projet devenu prioritaire; le faire ensemble et cependant pour soi-même, au nom de ses valeurs et d’un projet de vie personnel: voilà qui nous attache à la notion d’empowerment.

Une approche par étapes

Une première séance se présente sous la forme d’une conférence illustrée, ouverte à quiconque se questionne sur le thème du tabac: fumeurs, ex-fumeurs, non-fumeurs. Interactive, elle se rapporte à l’imagerie publicitaire qu’a déployée l’industrie du tabac durant le XXe siècle afin de conserver ses plantureux bénéfices au-delà de la mort semée dans les rangs de ses consommateurs.
Suivront cinq animations, destinées à un groupe de maximum 15 personnes qui souhaitent arrêter de fumer, quel que soit le stade auquel elles se situent. En effet, ce programme est ouvert aux personnes encore hésitantes face à l’arrêt autant qu’aux personnes déjà prêtes à passer à l’action.
Les cinq séances ont une durée de 1h30 à 2 heures. Elles sont encadrées par un duo constitué d’un psychologue et d’un tabacologue.

Le ‘phone coaching’ comme soutien supplémentaire

Innovant, ce ‘phone coaching’ permet aux participants de recevoir un soutien supplémentaire après les séances de groupe. Pendant les entretiens téléphoniques, ‘le coach’ évalue la situation du participant en fonction de ses objectifs, de son parcours et de son vécu. Il lui procure ensuite des conseils personnalisés de sorte à le soutenir dans sa démarche de sevrage.

Une récompense pour encourager la participation

Le participant ayant été présent aux cinq séances de groupe recevra un cadeau destiné à deux personnes. Pour la motivation dans un processus de sevrage, cette notion de récompense est importante, aussi bien pour le participant que pour son entourage.

Une évaluation de type qualitatif

Au-delà des aménagements (de l’arrêt, notamment) qui peuvent être actés, s’agissant du comportement tabagique, il nous semble opportun – serait-ce au niveau modeste, exploratoire , où nous limitons notre investigation – de mettre en lumière des profits latéraux, moissonnés presque incidemment par les participants grâce aux rencontres, aux échanges, aux réflexions. L’expérience acquise auprès des publics fragilisés nous permet d’affirmer que les bénéfices d’un tel programme ne se limitent pas à la question tabagique: ils peuvent se révéler beaucoup plus globaux et pourront affecter d’autres dimensions de la qualité de vie des participants.
Pour des infos complémentaires: stoptabac@mloz.be. Internet: https://www.mloz.be/stoptabac
François Dekeyser , responsable Service d’Étude et de Prévention du Tabagisme (SEPT asbl) et Émilie Vanderstichelen , chargée de la promotion de la santé aux Mutualités libres

11e Rencontre internationale Femmes et Santé

Le 30 Déc 20

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La Rencontre Internationale Femmes et Santé (RIFS) est, depuis plus de trente ans, un forum international de femmes des mondes associatif et académique qui défend la santé des femmes et leurs droits sexuels et reproductifs.
Ces rencontres ont pour principaux objectifs:
-de rassembler les femmes du monde entier qui militent pour la santé des femmes et leur permettre de partager leurs expériences et leurs savoirs;
-de dresser une carte du monde de la santé des femmes, des risques, abus et violences qu’elles subissent;
-de dresser le bilan des succès obtenus pour changer ces données;
-d’identifier les actions futures à entreprendre;
-d’analyser comment les décisions politiques et des pratiques médicales similaires se déclinent différemment selon le pays et la culture où elles sont appliquées ou comment des décisions différentes produisent des résultats identiques ou indésirables;
-d’élargir et d’approfondir les débats sur les déterminants de santé comme la paix, la justice sociale, le travail, l’environnement, le renforcement des capacités décisionnelles des femmes, la liberté, l’égalité.
À l’heure où le contrôle sur le corps de la femme s’accentue avec la commercialisation de ce corps par la prostitution, les médias, la médicalisation de sa santé, de ses cycles de vie et l’application de nouvelles techniques biomédicales, avec aussi l’utilisation du viol comme arme de guerre, les différents fondamentalismes religieux et la violence domestique ou institutionnelle.
À l’heure où «la Déclaration des Droits de l’Homme» ne parvient pas à évoluer vers celle des droits humains et à intégrer les droits des femmes, leur santé, leur bien-être, leur liberté sexuelle et reproductive, les organisateurs de la 11e RIFS espèrent qu’elle permettra aux mouvements féministes mondiaux de terrain, aux femmes et aux hommes qui veulent un monde plus juste de mieux conjuguer leurs efforts et de travailler ensemble au développement de nouvelles stratégies pour améliorer les décisions qui influent sur la santé et le statut des femmes.
Le programme de ces rencontres se compose de conférences plénières, de séances de travail en ateliers et de présentations de posters, ainsi que de manifestations artistiques (expositions, spectacles).
Ces conférences internationales sont participatives et permettent, à l’issue des échanges et des réflexions, de définir les intentions et les lignes de travail et d’actions pour les années à venir.
La 11e RIFS sera accueillie en septembre 2011 par la Belgique.
Son intitulé sera: Santé des femmes et droits humains. Construisons l’avenir .
Les thèmes:
Les systèmes politiques et sociaux, basés sur des constructions patriarcales, ancestrales ou passéistes mettent en danger la santé des femmes. Elle doit être considérée comme un droit humain fondamental.
Les cultures, par la production et la transmission des savoirs, peuvent avoir des conséquences néfastes sur la santé en général et celle des femmes en particulier.
La santé véhicule différentes représentations et certaines d’entre elles rendent les femmes plus vulnérables. Une vision globale et féministe est nécessaire pour une meilleure santé des femmes; un moyen pour y parvenir est la promotion du concept d’autosanté.
Le renforcement des réseaux de solidarité et de leur rôle en tant que groupe d’échanges, de connaissances, et de services, des associations pour la santé des femmes, des actions des femmes à travers le monde et des volontés politiques qui en résultent.
Les femmes en tant que personnes responsables de leurs choix, libres et éclairés, ayant des droits individuels indépendants de leur statut de femme, d’épouse et/ou de mère.
Le système de santé, par une approche holistique et des droits humains, peut réduire et à terme éradiquer les problèmes spécifiques de santé, les discriminations et inégalités (accès, coût, qualité) qui touchent directement les femmes.
Plus de détails sur le site https://www.11RIFS.org . Renseignements : info@11RIFS.org

Faire de la santé ensemble : comment ?

Le 30 Déc 20

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Quelques échos des Rencontres de l’Institut Renaudot sur le croisement des pratiques communautaires autour de la santé

Une ville rose, pour le dixième anniversaire de ces Rencontres: c’est à Toulouse que l’Institut Renaudot conviait, ces 11 et 12 juin 2010, des acteurs de tous horizons – urbanistes, enseignants, agriculteurs, médecins, militants associatifs, travailleurs sociaux, éducateurs de rue, médiateurs culturels, élus, anthropologues, syndicalistes, infirmières… et habitants, porteurs naturels du thème abordé, l’intersectorialité.
L’«habitant», comme on dit en promotion de la santé, c’est au fond monsieur-tout-le-monde, celui qui est à la fois parent, travailleur (ou chômeur ou femme au foyer ou étudiant), amateur de foot (ou de cinéma ou de techno…), usager des transports en commun (et de la poste et des services de santé et…), et d’autres choses encore… Il est donc bien placé pour rappeler aux professionnels cette évidence: la vie, c’est ce qui circule à travers les cloisonnements et les catégories, dans l’ordre et le désordre, qu’on le veuille ou non.
L’Incorporel Compagnie disait la même chose à sa manière, le vendredi soir, dans une somptueuse salle du Capitole: cette troupe de jeunes danseuses, les unes en longues jambes, les autres en fauteuil roulant, montrait avec grâce que l’alliance des forces et des fragilités bouleverse le cœur, renverse les frontières. Et que la vie surgit toujours là où il y a désir et projet.

Changer les pratiques, changer la culture

Le projet des Rencontres, c’est avant tout de valoriser la richesse des pratiques communautaires. Dès la publication de sa Charte, en l995, l’Institut Renaudot a perçu la nécessité de mieux cerner ces pratiques et de renforcer ceux qui les portent – souvent dans le doute et l’isolement. Il fallait un lieu où ces acteurs puissent se retrouver, consolider leur dynamisme, échanger leurs expériences et leurs compétences. Un lieu, aussi, d’où ils puissent interpeller les acteurs de la vie sociale et politique qui sont – sans le savoir, sans le vouloir ou sans vouloir le savoir – impliqués dans la santé des populations.
On sort résolument de l’entre soi dans ces Rencontres: organisées chaque fois dans une ville différente, en concertation avec des acteurs, des collectifs et des décideurs locaux, elles participent aussi à l’expression et au renforcement de ce qui se fait au niveau régional. Les fidèles ont déjà fait un petit tour de France: Pas-de-Calais en 2000 (Grande Synthe), Alsace en 2002 (Mulhouse), Île de France en 2004 (Évry), région Rhône-Alpes en 2006 (Lyon), Pays de Loire en 2008 (Nantes), Midi-Pyrénées en 2010. Cette diversité n’a pas qu’un intérêt touristique: elle permet aussi d’observer comment les pratiques se déclinent dans des sous-cultures et des contextes différents.
Et c’est important: comme l’a souligné Marc Schoene (président de l’Institut Renaudot) en ouvrant ces journées, on parle ici de changer les pratiques mais aussi de changer la culture: « notre société , nos institutions et leurs logiques , nos budgets , confortent les organisations en tuyaux d’orgue , les cloisonnements ». Et il faut bien constater que les pratiques communautaires, l’intersectorialité, les réalités du « faire ensemble » sont encore marginales, contre-culturelles dans la mesure où elles soutiennent le local et le collectif, la parole et le pouvoir d’agir des acteurs, dans un monde qui évolue plutôt dans la direction opposée.
On parle beaucoup de la santé dans ces Rencontres – mais aussi de bien-être et de qualité de vie. Parce que, rien à faire, dit encore Marc Schoene, « une difficulté des pratiques communautaires en santé , c’est le mot « santé »: malgré la définition proposée par l’OMS en 1946, ce terme est rarement entendu dans son sens global, il garde encore trop souvent une connotation essentiellement « sanitaire ».
Les soignants apparaissent dès lors comme les meilleurs experts en la matière, ce qui freine l’implication d’autres acteurs qui ont pourtant un impact déterminant sur la santé. Il arrive aussi, a contrario, qu’en agissant de manière globale, les acteurs « santé » apparaissent comme des gêneurs et soient priés de retourner dans leur territoire… Bref, dire « bien-être, qualité de vie », ce serait une manière simple d’induire une vision plurielle, d’inviter un large panel d’acteurs à partager leurs expertises, sur un pied d’égalité: un pas en avant vers l’intersectorialité.

Vivre ensemble pour changer le monde

Et vers l’habitant: il suffit de lui donner la parole – et de l’écouter – pour comprendre que ce qui l’anime, c’est un besoin d’équilibre de vie global, multidimensionnel, et qu’il est impossible d’isoler la « santé médicale » de tout le reste. Belle anecdote à ce propos, un intervenant raconte: jamais personne aux séances de cinéma que l’association organisait autour de la santé, jusqu’au jour où l’on décide de passer un film sur la guerre d’Algérie: plus de 100 spectateurs, dans ce quartier à dominante maghrébine! Ce soir-là, l’association a découvert que ce qui fait santé, c’est aussi la mémoire, l’Histoire, le fait de pouvoir la partager avec d’autres, et qu’elle soit reconnue.
Un autre terme très en vogue dans ces rencontres, c’est le « vivre ensemble ». L’expression n’est pas anodine: si chacun la décline en fonction de son contexte particulier, elle traduit aussi une certaine lecture du monde, largement partagée par les participants. Une lecture engagée, soulignant que les problèmes politiques, sociaux, économiques, écologiques, qui secouent la planète, augmentent dramatiquement les inégalités et menacent la capacité des humains à se relier, à vivre en société.
Et beaucoup de participants s’accordent sur leur désir de changer le monde – vraiment changer: « nous ne sommes pas là pour mieux gérer ».
Changer le monde: cela veut dire susciter des lieux, des mécanismes de contre-pouvoir, à partir de ce qui mobilise, de ce qui anime les gens. Pour enclencher, soutenir une dynamique locale, il faut être inventif et à l’écoute – « aller à la pêche , créer une mosaïque , bricoler , lâcher prise … ». Et laisser place à toutes les formes d’engagement: certains habitants n’iront jamais aux réunions du conseil de quartier, mais ils participeront à un réseau d’échange des savoirs, à un projet d’économie solidaire, à une fête… Au gré des exposés, des ateliers, des mini-forums, du « marché des expériences », on croise une multiplicité de lieux où les gens s’ouvrent, se mobilisent, tissent des liens, créent du contre-pouvoir – « pas la peine de prendre le pouvoir , une fois qu’on y est c’est foutu ».
On refait le monde, parce qu’on est nombreux ici, tous ensemble, avec les mêmes idées, le même rêve, celui de multiplier les réseaux, de gonfler les vagues de résistance. Il y a même des élus qui le disent, qu’ils ont envie de changer le monde et qu’ils ont bien besoin de sentir des vagues de résistance citoyenne pour ouvrir des brèches dans la forteresse des institutions. Revisiter les stratégies d’action, inventer, sortir des groupes de concertation habituels qui ronronnent, « refuser parfois d’entrer par la porte pour passer par la fenêtre »; faire de la « démocratie hors les murs ».

Plaidoyer en faveur d’une vraie démocratie participative

On est bien ici dans l’innovation sociale, « on est en train de redéfinir l’intérêt général ou plutôt , les moyens de le définir : des pans entiers de la société ne se sentent plus représentés via les mécanismes démocratiques , ils ne se sentent pas en pouvoir d’agir via ces mécanismes ». C’est la démocratie participative qui semble ici incontournable pour redéployer une citoyenneté active.
Restons vigilants! soulignent les plus avertis: il faut éviter la manipulation, la « participation-thérapie », la « coopération symbolique » – quand les professionnels demandent conseil à la population sur ce qu’ils savent déjà, ou lui font valider des décisions déjà prises.
Un des ateliers évoque différentes manières de garantir un pouvoir effectif aux citoyens: le partenariat avec délégation de pouvoir – où les citoyens ont une place majoritaire et doivent donc aussi rendre des comptes; ou, ce qui a été mis en place à la mairie de Bobigny, un « Observatoire des engagements » (pris par la mairie) qui permet le contrôle citoyen. Ou encore la procédure de «contrôle social» existant au Brésil, qui permet aux habitants d’exiger la mise en œuvre des lois.
Ces réflexions sur la démocratie participative se font d’autant plus vives que de nouveaux dispositifs sont en train de se mettre en place en France. Ils suscitent des débats et des inquiétudes, qui ont été exprimées lors de la table ronde – c’est aussi un des buts, essentiel, de ces rencontres: interpeller les décideurs politiques.
Nous n’entrerons pas ici dans la complexité de ces dispositifs (1). Évoquons seulement une des craintes exprimées: que l’État se défausse sur les collectivités (qui sont asséchées), sous couvert de construire la santé au niveau local. Des interpellations surgissent aussi quant aux moyens: certaines dispositions légales obligent les acteurs à travailler ensemble, mais il y aurait parallèlement diminution des budgets de coordination… Tandis que des incertitudes de financement, voire des réductions drastiques ont récemment mis en difficulté nombre d’associations locales. Cela se passe en France, bien sûr, rien à voir avec notre petite Belgique…
Plaider pour la démocratie participative au niveau local, cela n’empêche pas d’analyser les mécanismes globaux, et, à certains moments, il y a des passerelles évidentes avec l’altermondialisme – qui s’inscrit lui aussi, presque par définition, dans une perspective intersectorielle.
C’est ainsi que la question alimentaire amène inéluctablement vers une réflexion sur les politiques agricoles, et la mise en accusation du GATT (Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce) hier, de l’OMC (Organisation mondiale du commerce) aujourd’hui – la résistance contre le tout-économique, contre le caractère néo-libéral de la mondialisation.
Tout naturellement, le regard intersectoriel amène aussi à faire le lien entre la promotion de la santé et le développement durable, thème d’un des ateliers. Lorsqu’on rapproche différents textes, les convergences sont évidentes: « La promotion de la santé est le processus qui confère aux populations les moyens d’assurer un plus grand contrôle sur leur propre santé et d’améliorer celle-ci » – tout le monde connaît la Charte d’Ottawa (l986); « Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature »: c’est la déclaration de Rio, en l992, et ça résonne assez bien.
Plus concrètement, les deux approches poursuivent l’équité, l’action intersectorielle, la participation de la population, le développement d’environnements favorables, etc.; elles mettent en œuvre, notamment, la consultation publique sur les priorités, des structures de coopération intersectorielle… cela ça résonne vraiment bien.

Est-ce l’air de Toulouse, l’accent de là-bas, la voix de Nougaro qu’on a tous dans la tête en foulant les pavés de la ville rose ? Ces Rencontres m’ont paru encore plus vivifiantes, plus stimulantes que celles auxquelles j’avais participé les années précédentes. J’ai l’impression qu’elles pointaient encore plus nettement le fait qu’agir en promotion de la santé-bien-être, c’est un engagement politique, une résistance. Peut-être parce que, avec le fil rouge de l’intersectorialité, on passait encore plus entre les murs, et que ça permettait de voir plein de petites taches d’huile qui pourraient un jour se rejoindre…
Lecture partielle, partiale ? Sans doute… Le lecteur pourra le vérifier en consultant les actes de ces Rencontres, qui paraissent généralement assez vite et reflètent bien chaque fois l’essentiel des débats. Le lecteur impatient peut d’ores et déjà – et on le lui conseille ! – lire les différentes contributions disponibles sur le site de l’Institut Renaudot, https://www.institut-renaudot.fr/ .
Marianne Prévost

L’Institut Renaudot en bref

Des valeurs partagées, des intentions et des objectifs

Les membres de l’Institut Renaudot et de la branche française du Secrétariat européen des pratiques de santé communautaire sont engagés par leurs situations diverses, leurs travaux de recherche ou leurs choix dans des pratiques partenariales, pluridisciplinaires, mêlant ou croisant des activités de soin et des approches sociales ou d’environnement. Ils souhaitent poursuivre et développer leurs réflexions et propositions d’actions avec ceux qui, dans leurs divers secteurs d’activités, pratiquent le concept de la santé communautaire ou s’y intéressent.
Ils partagent des valeurs qui fondent leur démarche autour de la promotion de la santé communautaire:
– une conception globale de la santé qui implique différents secteurs d’activités et justifie de la pluridisciplinarité;
– l’exigence du droit à un accès aux soins de qualité égal pour tous;
– une conception démocratique des pratiques qui vise à associer toute personne au maintien, à la préservation ou à l’amélioration de la santé;
– la solidarité qui repose pour partie importante sur un système de protection sociale et de distribution des soins accessibles à tous;
– l’exigence de qualité des réponses curatives et préventives et leur évaluation.
Son objectif est la reconnaissance pour chaque citoyen de sa place d’acteur de la vie sociale, et la prise en compte des facteurs qui conditionnent son mieux-être, notamment l’habitat, le cadre de vie, l’environnement socio-économique… La modification d’un certain nombre de pratiques est nécessaire pour permettre de nouvelles relations entre les citoyens et les professionnels des secteurs du social et de la santé:
– une approche collective qui remette en cause une approche individuelle dominante en France;
– l’appropriation par la communauté de projets, de moyens, et d’équipements devant répondre à ses besoins,
– le changement de la relation de domination soignant-soigné par une relation ‘d’échange-négociation-information’.

(1) Voir la Lettre de l’Institut Renaudot, n°63 (décembre 2009)

La santé spirituelle en questions: un séminaire en préparation par l’APES-ULg

Le 30 Déc 20

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Appel à contributions

Depuis la Charte de Bangkok, la «santé spirituelle» a été introduite dans la définition de la santé de l’OMS. Cependant, cette même charte ne développe nullement les différentes dimensions que recouvrirait la «santé spirituelle».
L’introduction de la santé spirituelle répond à une demande de pays non-occidentaux et nous rappelle que la définition de la «santé» engage des représentations culturelles de l’homme qui ne sont pas universelles (voir par exemple Descola, 2005 ou Viesner, 2006 ). A titre d’exemple, Françoise Héritier décrit (en 1977) l’identité des êtres humains d’après les Samos (Burkina Faso): «Tout être humain est ainsi fait de la conjonction d’un corps, de sang, de l’ombre portée, de chaleur et de sueur, du souffle, de la vie, de la pensée, du double et enfin du destin individuel (Héritier, p. 52). D’autres conceptions de la santé et de la prévention existent dans le monde qui prennent en considération une «dimension spirituelle» de l’individu et sont officiellement reconnues. C’est le cas de la médecine des védas (l’ayurveda – Inde) où la vie est conçue comme l’union du corps, des sens, de l’esprit et de l’âme (Ministry of Health and Family Welfare, Inde, 2010). Cela étant posé, le concept de «santé spirituelle» semble étranger à notre modalité de penser ou semble remettre sur le tapis une discussion séculaire à propos des relations entre le corps et l’esprit.
«La santé spirituelle» ne semble plus uniquement une question exotique ou de sciences humaines. Une recherche sur Medline permet de dénombrer 5584 publications à propos de la santé spirituelle dans le champ de la médecine. La «santé spirituelle» serait un nouvel objet scientifique (King et al., 2009), une nouvelle dimension à prendre en compte dans les interventions, en particulier en matière d’évaluation du bien-être (e.g. Cheungsatiansup, 2003 ou le dossier paru dans la revue Santé conjuguée , 2007). L’index du Guide santé de la Colombie britannique à l’usage des familles (Canada) inclut une entrée ‘spiritualité’. Les auteurs situent la spiritualité au sein du chapitre consacré aux «troubles mentaux et équilibre de la relation corps-esprit» et lui accordent une connotation religieuse. Face à la question de l’esprit, la revue Philosophie magazine proposait récemment un dialogue entre le neurobiologiste Pierre Changeux et le philosophe Jean-Michel Salanskis . Le premier défend la position que la vie psychique s’explique entièrement par la biologie, le second par le sens donné à nos expériences (juillet-août 2009). Cet article paraît en même temps que celui de Dortier dans la revue Sciences humaines intitulé «L’éternel retour de l’âme» (juillet 2009).
A côté de la littérature scientifique et de vulgarisation, des colloques sont organisés par l’International Medical Spirits Association, avec le soutien de l’Union Spirite Belge, ayant pour thème l’« interconnexion médecine et spiritualité » (25 et 26 octobre 2008 Liège).

Une possible polémique pour la promotion de la santé ?

Ainsi, la «santé spirituelle» connaît-elle une véritable actualité, et les acteurs qui s’y intéressent développent des appareils conceptuels pour la définir, et peut-être l’instrumentaliser.
Les acteurs de la promotion de la santé doivent-ils rester en marge de ces débats? Ou est-il plus prudent de s’y intéresser? Faut-il laisser le monde médical définir la spiritualité en lien avec une efficacité thérapeutique? Le concept de santé spirituelle est-il de nature à menacer le libre arbitre ou à favoriser son enrichissement?
Plusieurs définitions de la spiritualité coexistent: religieuse, phénoménologique (conscience de son rapport au monde – les plus philosophes pardonneront ce raccourci), psychologique, biologique… King et al. proposent une définition de la spiritualité en quatre composants qui ne sont pas nécessairement religieux: la croyance, la pratique, la conscience et l’expérience.
La question de la santé spirituelle est de nature polémique, par exemple la question des dérives sectaires ou les tensions entre approches scientifiques et un thème perçu comme exclusivement religieux. Conscient de ces tensions, le séminaire s’inscrit dans une perspective scientifique: il s’agit de décortiquer ce concept, en vue d’en proposer l’anatomie au secteur de la promotion de la santé. Nous n’avons pas l’ambition de proposer un jugement définitif sur la «santé spirituelle», mais plutôt de proposer des points de vue variés et scientifiques qui permettront aux personnes intéressées de se forger leur propre opinion à ce propos. Comme le remarque Danielle Piette , l’introduction de ce concept offre l’opportunité d’une réflexion sur les valeurs qui guident nos actions et nos politiques.
S’interroger sur la manière dont pourrait être interprété le concept de «santé spirituelle», revient à s’interroger sur les catégories que nous utilisons pour classer le monde, pour définir «l’homme» et sur les enjeux de la construction de ces catégories par les acteurs sociaux, et donc aussi sur les valeurs qui sous-tendent nos actions.
Voici déjà quelques questions de nature à nourrir un débat:
-comment définir la «santé spirituelle»? Quels sont les enjeux cachés parmi les définitions?
-dans quel contexte telle définition prend-t-elle corps avec le plus d’acuité (santé mentale, accompagnement en fin de vie…)?
-quelle peut être la place du concept de «santé spirituelle» dans une société multiculturelle?
-comment interpréter l’émergence de ce concept depuis les dernières années (colloques, congrès…)? Quels liens entre spiritualité, sens de la vie, projet de vie, estime de soi…?
-faut-il intégrer la dimension spirituelle dans les actions de promotion de la santé? Et si oui, comment et à quelles conditions?
-l’extension de la définition à la santé spirituelle signifie-t-elle l’ouverture de champs de la promotion de la santé à d’autres professionnels ou spécialistes, comme par exemple les philosophes?
-comment une réflexion sur le concept de «santé spirituelle» peut-elle actualiser notre réflexion sur les autres dimensions de santé: santé sociale, santé mentale…?

Concrètement

Pour envisager cette question, l’APES-ULg met en place un séminaire dont l’objectif est d’ouvrir le débat autour de la définition et des enjeux du concept de «santé spirituelle». Ce séminaire s’attellera à des questions théoriques, formulées dans les diverses disciplines (anthropologie, psychologie, médecine, philosophie, théologie… ), et pratiques vécues sur le terrain par les acteurs de la promotion de la santé, psychologues, conseillers spirituels travaillant dans les hôpitaux…

Le séminaire se tiendra à l’Université de Liège le 18 novembre. Le nombre de participants est limité à une quinzaine de personnes afin de permettre le débat.
Les personnes intéressées par une contribution à ce séminaire peuvent se manifester auprès de l’APES-ULg avant le 21 septembre (stes.apes@ulg.ac.be) en précisant santé spirituelle dans l’objet du mail). Les communications retenues ainsi que les débats feront l’objet d’un large traitement dans la revue Education Santé.
Gaëtan Absil , APES-ULg

Bibliographie indicative

King M. et al., Conceptualising spirituality for medical research and health service provision in BMC Health Service Research , 2009, n°, 9, p. 116sq.
Daaleman T. et al., The spirituality Index of Well-Being: a new instrument for health-related quality-of-life research in Annals of Family Medicine , vol. 2 , n°5, 2004, p. 499sq.
Chuengsatiansup K., Spirituality and health: an initial proposal to incorporate spiritual in health impact assesment in Environnement Impact Assessment Review , 23 (2003), p. 3-15.
Guide-santé. Un référentiel pour la santé de toute la famille, Ministry of Health Service, Healthwise, 1989, p. 394.
Descola Ph., Par delà nature et culture , Bibliothèque des sciences humaines, NRF, Gallimard, 2005
Viesner F., La médecine des aborigènes d’Australie . Soins des corps et rétablissement des âmes , Indigène éditions, Barcelone, 2006.
Artaud A., L’ombilic des limbes in Œuvre, Gallimard, Paris, 2004, p. 107 (première édition nrf, Paris, 1925).
https://indianmedicine.nic.in/ayurveda.asp (consulté le 26 mai 2010).
Piette D., Symphonie inachevée in Education Santé , n°208, janvier 2006.
Spiritualité et santé. Dieu et Hippocrate sont dans un bâteau… in Santé Conjuguée , janvier 2007, n° 39.
En a-t-on fini avec l’esprit? in Philosophie magazine , juillet-août, n° 31, 2009, p. 54sq.
Dortier J.-F., L’éternel retour de l’âme in Sciences humaines , juillet 2009 , n ° 206 , p . 18sq .

Pratiques communautaires et développement local

Le 30 Déc 20

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Bruxelles

30 septembre 2010

Conférence «La santé communautaire: le défi de la participation de la communauté»

La participation et l’ empowerment demeurent les pierres d’achoppement des pratiques communautaires. Souvent, les porteurs de projets ont l’impression que les personnes impliquées dans les actions ne représentent pas «vraiment» les membres de la communauté, que le passage ne se réalise pas entre un groupe restreint conscientisé et l’ensemble de la communauté.
Comment impulser et maintenir durablement la participation de la communauté et favoriser l’ empowerment de celle-ci? Avec quelles méthodes de planification, de diagnostic et d’évaluation? Comment ces méthodes mettent-elles en place des processus d’apprentissages individuels et collectifs?
Bernard Goudet , sociologue, enseignant à l’Université Victor-Segalen de Bordeaux abordera ces questions au fil d’une série de situations concrètes. Il clarifiera les liens entre le cadre de l’action (entre dispositifs inducteurs et actions issues du terrain) et les méthodes déployées pour induire un mouvement, un changement, pour impulser une mobilisation.
La conférence se déroulera en trois temps. L’intervention de Bernard Goudet sera introduite par une brève allocution d’ Alda Greoli , Secrétaire nationale des Mutualités chrétiennes, qui situera les convergences de cette intervention avec les options du mouvement de l’éducation permanente.
La fin de la conférence laissera une large place au débat avec la salle.
Le livre de Bernard Goudet, « Développer des pratiques communautaires en santé et développement local », paru chez «Chroniques sociales» (Lyon), pourra être acquis à cette occasion au prix de 17 euros.
La date : 30 septembre 2010 .
Le lieu : salle de Conférence du FARES , rue de la Concorde 56 , 1050 Bruxelles .
L’heure : de 15h à 17h ( accueil à 14h30 ).
PAF : gratuit .
Inscription : exclusivement par courriel adressé avant le 20 septembre 2010 à christian.debock@mc.be, précisant l’organisation et le nom du ou des participant ( s ) – nombre de places limité .

Liège

1er octobre 2010

Séminaire «L’action, la mobilisation et l’évaluation, quelles articulations?»

Ce séminaire est ouvert aux professionnels de terrain et aux chercheurs afin de mutualiser leurs expertises autour des questions suivantes.
Comment se composent les liens entre action et évaluation? Quel est le rôle de l’évaluation dans la dynamique des actions? Comment le choix d’un paradigme sociologique de référence facilite et soutient le changement et l’empowerment au travers de la démarche d’évaluation?
La démarche d’évaluation devrait être une partie intégrante de tout projet. Dans le cadre des actions communautaires et de mobilisation, elle présente deux faces. La première est celle de la production de résultats en lien avec les objectifs des actions. La deuxième s’intègre dans un processus de mobilisation et de changement généré par l’évaluation elle-même. Ainsi, l’évaluation devient un des moteurs de la mobilisation, de la participation et de l’empowerment.
Comment l’évaluation et l’action peuvent-elles s’articuler? Quelles sont les théories et les méthodologies qui peuvent être mises en place pour assurer la couture entre évaluation et action? Comment les paradigmes « stratégique » (Crozier) et « actionniste » (Touraine) réalisent-ils cette articulation?
Les questions ne manqueront pas au cours de ce séminaire ouvert à une vingtaine de participants. Il sera organisé en trois parties. Le matin, après une introduction par Bernard Goudet et un membre de l’APES, les participants auront l’occasion de présenter des actions, des projets, des recherches, des réflexions ayant trait à ces questions. Après une pause de midi où une collation sera offerte, l’après-midi sera consacrée à la discussion et à la confrontation des pratiques avec l’éclairage de B. Goudet. Les débats seront synthétisés et publiés dans la revue Éducation Santé.
Le livre de Bernard Goudet, « Développer des pratiques communautaires en santé et développement local », paru chez «Chroniques sociales» (Lyon), pourra être acquis à cette occasion au prix de 17 euros.
La date : 1er octobre 2010
Le lieu : salle des professeurs de l’Université de Liège , place du XX août 7 , 4000 Liège
L’heure : de 10h à 16h ( accueil à 9h30 )
PAF : gratuit .
Inscription : exclusivement par courriel adressé avant le 20 septembre 2010 à gaetan.absil@ulg.ac.be, précisant l’organisation et le nom du ou des participant ( s ) – nombre de places limité à 20 personnes .

L’invité de l’APES et d’Éducation Santé

Bernard Goudet est intervenant en sociologie, anthropologie et psychologie sociale.
Sa pratique se situe entre le monde de la recherche (il enseigne à l’Université Victor-Segalen Bordeaux 2) et le développement d’interventions dans le champ de l’action sociale et de la promotion de la santé (consultant en santé publique).
Par ses conseils, il contribue à la réflexion et à l’action de différentes institutions locales ou régionales tout comme il soutient de nombreux acteurs qui travaillent au plus près des populations.
Dans son ouvrage « Développer des pratiques communautaires en santé et développement local », il nous fournit à la fois un rappel des principaux documents de référence en matière de promotion de la santé, développement social et développement durable, des repères théoriques et des schémas méthodologiques utiles, efficaces et facilement mobilisables pour l’action. Les réflexions qu’il partage avec le lecteur sont le fruit de trente années d’expériences et de réflexions sur la dynamique du changement social et les processus qui la soutiennent.

La France et la prévention de l’obésité

Le 30 Déc 20

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L’an dernier, le Président Nicolas Sarkozy a chargé une Commission pour la prévention et la prise en charge de l’obésité de lui adresser un rapport et des propositions d’actions en la matière. Le résultat de ses (rapides) travaux est un document de 37 pages, qui présente un état des lieux de la situation en France, résume les connaissances actuelles sur le sujet, rappelle les efforts de mobilisation déjà entrepris (les deux PNNS, le programme Epode, les efforts de l’industrie), et souligne les résultats engrangés par cette mobilisation, ainsi que les faiblesses et insuffisances de cette ‘grande cause de santé publique’.
Ce rapport ne bouleversera probablement pas le futur de la prise en charge de ce qui est devenu pour certains scientifiques une véritable ‘maladie chronique’ là où d’autres voient un facteur de risque associé à certaines maladies chroniques. Il comprend néanmoins quelques informations intéressantes comme la mise en évidence d’une stabilisation de la prévalence de l’obésité chez les enfants (pour autant que les données disponibles puissent permettre de l’affirmer).
À retenir aussi, le fait que la France ne se situe pas trop mal dans le concert européen, l’importance du fait gastronomique (et donc de la grande richesse de la palette alimentaire française) et les rituels de convivialité hexagonaux autour de l’acte de se nourrir jouant là sans doute un rôle positif. Par contre, la grande sédentarité de la population constitue un handicap incontestable (sûrement transposable à notre pays !).
Parmi les points noirs, les auteurs du rapport relèvent une capacité de mobilisation inadaptée à l’importance de l’enjeu, en particulier du côté du secteur privé et des régions; une compréhension insuffisante des facteurs favorisant l’obésité et de grosses lacunes en épidémiologie; un dépistage parcellaire des personnes à risque; un ‘ostracisme insupportable à l’égard des personnes obèses’ (et l’insistance virulente sur ce point est assurément un des apports majeurs du travail de la commission); le manque d’attention portée à l’activité physique; le caractère culpabilisant et la mauvaise compréhension par le public des messages sanitaires ‘lardant’ les publicités; les insuffisances de l’évaluation.
Venons-en aux recommandations. Certaines ont fait l’objet d’un consensus au sein de la commission. En voici quelques-unes : développer des actions ciblées en direction des publics fragiles; développer la culture alimentaire des enfants; mettre en place les conditions d’un développement de l’activité physique; développer l’information sur les bonnes pratiques du ‘temps d’écran’ quotidien des enfants; proposer au niveau européen l’indication obligatoire du nombre de calories sur la face avant des emballages, et par portion; établir des recommandations de bonnes pratiques médicales pour la prise en charge; promouvoir l’allaitement maternel.
À noter aussi, la suggestion d’organiser une gouvernance nationale forte avec un pilotage interministériel dont le responsable viendra du secteur de la santé. Assurément une excellente idée !
Trois sujets n’ont pu faire l’objet d’un consensus : les mesures relatives à la publicité pour les produits alimentaires transformés dans les écrans destinés aux jeunes; l’instauration d’un dispositif d’orientation du consommateur de type ‘green keyhole’ suédois (nous publierons prochainement un article de David Leloup narrant les malheurs des ‘feux tricolores’ au niveau européen); la fin de l’exonération du paiement de la ‘taxe INPES’ en cas d’apposition du bandeau « manger bouger » (1).
Il n’est peut-être pas innocent que deux des trois sujets de discorde au sein de la commission soient directement liés aux intérêts de l’industrie agroalimentaire, qui est très puissante en France, et qui est d’ailleurs remerciée en fin de rapport pour sa ‘participation très active aux travaux de la commission’ à travers la responsable des relations institutionnelles de l’ANIA (Association nationale des industries alimentaires, l’équivalent de ‘notre’ FEVIA). Un ‘engagement’ qui n’aura donc pas été inutile…

Des recommandations plus musclées

Au moment où la commission démarrait ses travaux, 20 sociétés médicales d’experts et de spécialistes ont identifié 17 chantiers permettant de maintenir et amplifier la dynamique lancée par les deux PNNS et de mettre en place des mesures complémentaires qui n’ont pu voir le jour.
L’objectif est de réduire les écarts, la fracture nutritionnelle, qui se développent en France entre les groupes sociaux. Les populations défavorisées sur le plan économique sont particulièrement vulnérables sur le plan nutritionnel, associant risque élevé d’obésité et de carences. Pour agir contre ces inégalités sociales et atteindre l’ensemble des objectifs du PNNS, l’information et l’éducation sont certes nécessaires mais notoirement insuffisantes. Il faut également agir sur l’offre alimentaire (notamment en termes d’accessibilité et d’amélioration de la qualité nutritionnelle), ainsi que sur l’activité physique.
Voici ces chantiers jugés prioritaires.

Actions en milieu scolaire

Améliorer l’offre alimentaire , les actions pédagogiques, et le dépistage des problèmes
nutritionnels dans les établissements scolaires :
– inscrire des normes en termes de composition des repas servis en restauration scolaire dans un texte réglementaire ayant force d’obligation;
– rendre obligatoire l’installation de fontaines d’eau dans toutes les enceintes
scolaires;
– renforcer l’interdiction de mentionner des marques alimentaires à l’école sur les
menus, affiches, dépliants, matériel scolaire ou sportif et réserver réglementairement la possibilité de diffuser des outils pédagogiques sur la nutrition aux seuls bénéficiaires du logo PNNS;
– renforcer le dépistage et les actions de prévention par les services de médecine
scolaire : visite obligatoire de dépistage de l’obésité ou du risque d’obésité (au
moins à une occasion en maternelle, à l’école élémentaire, au collège et au lycée) et
renforcer l’articulation avec les réseaux de prise en charge de l’obésité (ou leurs
équivalents);
– introduire au minimum en CE2 et en 5e des cours sur les groupes
d’aliments et les repères de consommation du PNNS, des actions favorisant le
développement du goût et la pratique de la cuisine.
Augmenter l’activité physique à l’école et durant le temps périscolaire : augmenter le
temps d’activité physique effective, aménager les cours de récréation, les gymnases et
fournir les compétences d’encadrement pour favoriser le jeu et la pratique de l’activité
physique pendant et en dehors du temps scolaire.
Recueillir de façon systématique, anonymisée et standardisée dans les structures
scolaires, les données anthropométriques concernant l’ensemble des enfants (école,
collège, lycée). Ces données seront centralisées, chaque année, et traitées pour la
surveillance de l’évolution de la prévalence du surpoids et de l’obésité chez l’enfant par
l’Institut de veille sanitaire.

Actions en population générale

Renforcer les actions de communication de l’INPES (informations pratiques et appliquées
à la vie quotidienne des populations, notamment les plus défavorisées) par une
exonération du prix d’achat d’espace pour ses campagnes de promotion de la nutrition
sur les chaînes publiques de télévision et de radio, notamment lors des tranches horaires
visant les enfants.
Interdire par voie réglementaire la publicité télévisuelle destinée aux enfants pour tous les produits alimentaires (à l’exception des aliments dont la promotion est compatible
avec les objectifs du PNNS), aux horaires du matin avant l’école, ainsi que les mercredi,
samedi et dimanche matin.
Interdire par voie réglementaire dans les télé-achats ou autre système de promotion
grand public la vente de produits alimentaires de régime ou de compléments alimentaires
ou de vêtements spéciaux ou d’appareils de gymnastique passive
suggérant une efficacité
sur le contrôle du poids, et dont l’intérêt n’a pas été validé par un comité d’experts
nommé par les pouvoirs publics.
Créer , en s’inspirant de ce qui existe en Suède, un logo « la clé plaisir-nutrition PNNS» décliné du logo du PNNS (applicable sur les emballages ou dans des documents d’information sur les lieux de vente) destiné à informer rapidement et clairement les consommateurs, au moment de leur achat, sur les aliments dont le PNNS recommande une augmentation de consommation pour la population (attribution sur la base des profils nutritionnels, des repères de consommation et des objectifs nutritionnels du PNNS).
Promouvoir l’allaitement maternel et adapter la législation du congé maternité
en augmentant sa durée.
Rendre obligatoire l’installation des fontaines d’eau (réfrigérées ou non) dans tous les
lieux publics (écoles, collèges, lycées, universités, piscines et établissements sportifs,
administrations, ministères, mairies, préfectures, entreprises publiques et parapubliques),
les lieux de passages (gares SNCF, stations de métro, aéroport, etc.) et dans les
entreprises privées.
Promouvoir et favoriser l’accessibilité, pour toute la population, des pains utilisant une
farine plus riche en glucides complexes et fibres
, fabriqués avec une quantité de sel inférieure à 18 g par kg de farine, agir sur les prix, la disponibilité et l’accessibilité.

Actions vers le système de santé

Former les professionnels de santé, de l’éducation et du social :
– introduire de façon obligatoire dans les cursus de base des médecins, dentistes,
pharmaciens, infirmières et aides soignantes, une formation en nutrition intégrant
des notions sur les comportements alimentaires et les repères de consommation du
PNNS et des informations sur le dépistage, la prévention, et la prise en charge de
l’obésité et de la dénutrition;
– introduire de façon obligatoire dans les cursus des enseignants (en particulier pour
l’éducation physique et sportive et les sciences et vie de la terre), travailleurs
sociaux, conseillères en éducation familiale et sociale, des notions de base de
nutrition (les groupes d’aliments et les repères de consommation du PNNS).
Clarifier les compétences reconnues aux divers professionnels de santé en matière de
nutrition (favoriser la délégation de tâche entre professionnels, définir un statut de
médecin nutritionniste, harmoniser les formations au niveau européen).
Améliorer la prise en charge de l’obésité infantile et adulte par la mise en place de réseaux
régionaux de prise en charge de l’obésité et fondés sur les bonnes pratiques développées
avec la Haute Autorité de Santé.
Améliorer la prise en charge des problèmes nutritionnels à l’hôpital :
– de manière spécifique pour permettre une évaluation de l’état nutritionnel et une approche globale, médicale, diététique, psychologique et sociale;
– rendre obligatoire les comités de liaison alimentation nutrition (CLAN) dans les
hôpitaux et leur fournir les moyens d’agir;
– nommer un médecin référent nutrition dans chaque établissement hospitalier et
médico-social, en relation avec les unités de diététique.
Inscrire le PNNS comme plan prioritaire de santé publique et l’intégrer dans chacun des
projets régionaux de santé publique (dans le cadre de la mise en place des Agences régionales de santé) avec mise en place d’un mécanisme unique de coordination des actions ayant un impact direct sur la santé et soutenues par les directions/agences sectorielles régionales.

Actions vers les milieux défavorisés

Instaurer pour les personnes défavorisées sur le plan social et économique des coupons exclusifs de fruits et légumes frais (10 € par mois devant permettre un apport de l’ordre de 100 à 200 g de fruits et légumes frais par jour).
Soutenir les structures d’aide alimentaire pour l’approvisionnement en aliments dont la
consommation doit être accrue.

La suite des opérations

Le Président de la République n’a pas tardé à réagir au rapport de la commission, et a confié au Professeur Arnaud Basdevant , chef du service de Nutrition à l’Hôpital de la Pitié-Salpêtrière la mission de piloter le Plan obésité, dont les contours sont précisés ainsi:
« Sur la base des propositions faites par la commission, je souhaite qu’un plan obésité, comprenant notamment les actions suivantes, soit mis en œuvre d’ici 2012 :
-animer et intensifier l’effort de recherche, créer une fondation de coopération scientifique associant l’Alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé à des partenaires publics et privés;
-développer la prévention, faciliter l’application des recommandations existantes en améliorant l’alimentation scolaire, la restauration collective et la restauration solidaire et en développant l’activité physique pour la santé à l’école;
-renforcer les liens entre prévention et prise en charge, organiser d’ici 2012 le dépistage de l’obésité des enfants et une prise en charge de qualité sur tout le territoire, y compris l’outre-mer, en apportant une attention particulière aux populations fragiles.
L’État consacrera 140 millions d’euros sur trois ans à la mise en œuvre de ces mesures. Ces dépenses seront financées par redéploiement. »

Le Prof. Basdevant sera vice-président du comité de pilotage du PNNS, dont le plan obésité sera le volet ‘lutte contre l’obésité’. Il animera aussi les travaux de rédaction d’une charte conférant un caractère solennel aux engagements des acteurs de santé, ainsi que des acteurs institutionnels, des associations, des médias, des entreprises. Cette charte devra être signée avant le 30 juin 2011.

Reste à espérer que cette grande cause nationale ne fasse pas la part trop belle aux intérêts de l’industrie agroalimentaire et de l’industrie pharmaceutique, toutes les deux très préoccupées par la question de l’obésité, comme chacun sait…
Christian De Bock (1) La loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique prévoit que les messages publicitaires en faveur de boissons avec ajout de sucre, de sel ou d’édulcorant de synthèse et des produits alimentaires manufacturés contiennent une information à caractère sanitaire.
À défaut de l’apposition de ce message sanitaire, l’annonceur ou le promoteur doit s’acquitter d’une contribution financière reversée à l’Institut national pour la prévention et l’éducation pour la santé (INPES) pour lui permettre de conduire des actions d’éducation nutritionnelle.
Il était attendu que cette taxe rapporte à l’INPES de 1 à 3 millions d’euros par an, il n’en a rien été (elle rapporte à peine 100.000 euros par an), la plupart des annonceurs optant pour l’apposition du bandeau avec message sanitaire.

Le poids moral du surpoids

Le 30 Déc 20

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«Notre société crée des obèses mais ne les supporte pas», disait le nutritionniste Jean Trémolières. Et le phénomène s’accentue. Notre monde occidental est familier du XXL dans la vie réelle, tandis que nos écrans, nos magazines, nos imaginaires sont des monomaniaques du svelte. Hommes et femmes confondus.
L’ampleur de l’obésité et du surpoids alarme certains acteurs de la santé, et l’OMS va jusqu’à parler d’épidémie. De cette manière, utilisant un qualificatif réservé ordinairement aux maladies infectieuses, elle frappe les esprits, remarque Francis Delpeuch , un des auteurs de ‘Tous obèses?’ (1).
En parallèle et comme en corrélation, s’accroissent stigmatisation du surpoids et souffrances de ceux qui le portent. On craint pour l’avenir de son enfant lorsqu’il dépasse les courbes admises. On associe le surpoids certes à la bonhommie mais aussi à la paresse, au manque de volonté, à la saleté… La discrimination dont sont victimes les personnes obèses est presque inconsciente et ne suscite guère de levée de boucliers. Ils se font rares l’embonpoint signe d’opulence, le bourrelet signe de beauté, la chair signe de bonne santé. Et quand, dans le roman ‘Le sumo qui ne pouvait pas grossir’ d’ Eric-Emmanuel Schmitt , un homme sage déclare à un gamin «Je vois un gros en toi», on comprend bien qu’il soit déstabilisé, qu’il ne l’associe pas directement à une promesse de sagesse. L’étiquette «gros» est, de nos jours, lourde à porter (2). La norme, le conforme, l’acceptable sont du côté de la minceur, voire de la maigreur.

En souffrance

Ainsi, face à leurs patients en mal-être, des professionnels de la santé réagissent. C’est le cas du groupe français GROS (pour Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids). Il réunit des cliniciens, c’est-à-dire des médecins, des psychologues, des diététiciens… qui viennent en aide à des «personnes de chair et de sang, en difficulté avec leur poids ou leur comportement alimentaire».
Ce qui les préoccupe: la nature des difficultés rencontrées par ces personnes, les solutions qui leur sont proposées et ce qui est susceptible de les aider véritablement. Car le groupe GROS est convaincu que s’il est généralement préférable de ne pas être gros, tant d’un point de vue médical que psychologique et social, la perte de poids ne suffit pas à régler la totalité des ennuis auxquels sont confrontées les personnes en difficulté avec leur poids. « Les problèmes de nos patients dépassent largement le cadre de la diététique », estime le docteur Gérard Apfeldorfer , co-fondateur de GROS. « À la souffrance somatique s’ajoutent celles , encore plus terribles , de la marginalisation et de la culpabilisation ». Et les remèdes proposés aggraveraient bien souvent le mal.

Cacophonie alimentaire

Lorsqu’ils éloignent la personne des signaux que lui envoie son corps, lorsqu’ils imposent un plan alimentaire fait essentiellement de contrôle mental, de restrictions standardisées, les régimes et autres traitements amaigrissants risquent de faire pire que mieux. Manger peut devenir une activité cérébrale, plus qu’une sensation gustative et corporelle. Manger peut quitter définitivement la sphère du plaisir. Au bout du compte, on craque, l’échec est au rendez-vous et pour certains, ouvre la voie à un cercle vicieux où se mêlent culpabilisation, perte de l’estime de soi et déprime. Le GROS plaide pour une véritable «éducation alimentaire». Il s’agirait d’apprendre à s’observer d’abord, à repérer ses émotions face à la nourriture ou ses sensations en mangeant, à prendre le temps de déguster.

Paradoxes pour le mangeur

Mais le mangeur contemporain doit faire face à des pressions bien contradictoires. En circulant dans les allées de sa grande surface préférée, en déterminant son menu face à la télé dans l’attente du JT, il sera l’objet de prescriptions fatales pour sa taille. Impossible de suivre les invitations à la consommation qui l’assaillent tout en s’approchant de la taille 36 (et encore) du mannequin qui les vante. « Dans nos sociétés d’abondance et de marketing , l’ensemble de notre environnement se révèle obésogène’ », indique Francis Delpeuch. L’individu ne porte pas seul la responsabilité de ses kilos. Le terrain d’action doit prendre en compte la publicité ou l’industrie alimentaire dans sa manière d’étiqueter, d’informer, de fabriquer des produits aux calories parfois bien cachées.
Mais il concerne aussi l’agriculture, l’urbanisme, les cantines scolaires, le cadre de travail… Pourquoi ne pas valoriser la production de fruits et légumes? Pourquoi ne pas agir en faveur de la dépense énergétique en aménageant l’espace pour favoriser la marche? Pourquoi ne pas soigner le temps des repas à l’école? Pourquoi ne pas ménager, dans le cadre du travail, des pauses-midis suffisamment longues pour le personnel et outiller les espaces lunch en conséquence?
Mangeurs, nous ne sommes pas totalement libres de nos choix. Certains d’entre nous en subissent les conséquences plus que d’autres. «Supportons»-les!
Catherine Daloze , rédactrice en chef En Marche
Cet article est paru le 4 février 2010 dans le journal En Marche des Mutualités chrétiennes. Nous le reproduisons avec son aimable autorisation.

(1) Voir l’article «Un monde en XXL. Comment l’obésité envahit la planète», dans «Imagine demain le monde», janvier-février 2010. Référence du livre: Francis Delpeuch, Bernard Maire, Emmanuel Monnier, «Tous obèses?», éd. Dunod, 2006.
(2) «Obésité, les normes en question», brochure de l’asbl Question Santé (02 512 41 74 – https://www.questionsante.be )