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Le dépistage du cancer colorectal en Communauté française

Le 30 Déc 20

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Présentation du programme

Le cancer colorectal représente en Belgique environ 7.700 nouveaux cas par an; il s’agit du cancer digestif le plus fréquent. Il arrive en troisième position chez l’homme après le poumon et la prostate et en deuxième position chez la femme après le cancer du sein.
Il reste associé à une mortalité élevée (40 à 50% des personnes atteintes décèdent dans les 5 ans). Le nombre de nouveaux cas est faible avant 50 ans, pour augmenter ensuite de façon rapide
.
A l’initiative du Cabinet de la Ministre de l’Enfance, de l’Aide à la Jeunesse et de la Santé de la Communauté française, un programme de dépistage du cancer colorectal est mis en place aujourd’hui par le Centre communautaire de référence et la Direction générale de la santé du Ministère de la Communauté française en partenariat avec:
•la Société scientifique de médecine générale;
•les structures universitaires de médecine générale;
•la Société royale belge de gastro-entérologie;
•le Groupe belge d’oncologie digestive;
•la Société belge d’endoscopie digestive;
•le SCPS Question Santé asbl;
•les mutualités;
•la Fondation Registre du cancer;
•la Fondation contre le cancer.

Les origines du programme

Dans la Déclaration de politique communautaire pour les années 2004 à 2009, il est prévu d’améliorer la prévention et le dépistage du cancer. La mise en œuvre d’autres dépistages que celui du cancer du sein est projetée, notamment le dépistage du cancer du côlon pour la population âgée de 50 à 74 ans.
Le Programme quinquennal de promotion de la santé met également l’accent sur la prévention des cancers et leur dépistage.
Jusqu’ici, seul le dépistage du cancer du sein était proposé par la Communauté française. Le Plan communautaire opérationnel de promotion de la santé (2005) réaffirmait l’importance du dépistage systématique pour d’autres cancers et, plus particulièrement, pour le cancer colorectal. Le Plan communautaire opérationnel 2008-2009 reprend le dépistage du cancer colorectal parmi les problématiques de santé prioritaires.

Sa mise en place

Pour préparer et piloter un tel programme, un groupe de travail pluridisciplinaire a été mis sur pied à l’initiative de Madame Catherine Fonck .
Ce groupe de travail se réunit régulièrement depuis 2006. Une concertation large a permis d’aboutir à un consensus des gastro-entérologues et médecins généralistes sur la démarche de dépistage à adopter. Le groupe s’est appuyé sur l’expertise accumulée à l’étranger (plus spécifiquement en France).

Ses modalités concrètes

Le médecin généraliste est la pierre angulaire du programme de dépistage du cancer colorectal en Communauté française .
Les personnes concernées (1) reçoivent une lettre personnalisée les invitant à se rendre chez leur médecin généraliste afin d’y recevoir toutes les informations utiles ainsi que le matériel pour réaliser le test de recherche de sang occulte dans les selles.
Toutes les personnes de 50 à 74 ans recevront une invitation au dépistage , mais c’est au médecin généraliste d’informer les personnes qui le consulteront, de les orienter suivant le risque qu’elles présentent, de leur remettre le test Hemoccult et d’assurer le suivi de la prise en charge en cas de résultat positif.
L’invitation est envoyée par le Centre de référence ( CCR ). L’invitation parviendra durant le mois de l’anniversaire de la personne, l’année paire si le jour de naissance est impair ou l’année impaire si le jour de naissance est pair. Pour ceux qui ont fait le test une première fois, l’invitation suivante leur parviendra deux ans après la réalisation du test précédent.
D’autres possibilités d’entrer dans le programme de dépistage existent…
Le médecin peut proposer lui-même à ses patients âgés de 50 à 74 ans d’entrer dans le programme de dépistage, même si ceux-ci n’ont pas encore reçu l’invitation.
Toute personne de 50 à 74 ans peut entrer dans le programme de dépistage en allant consulter son médecin généraliste de sa propre initiative, même si elle n’a pas encore reçu l’invitation.
Le médecin dispose du matériel nécessaire pour assurer le dépistage auprès de sa patientèle ainsi que pour assurer le suivi des personnes à risque élevé ou très élevé.

Objectifs du programme

Objectif de santé

L’objectif du dépistage de masse du cancer colorectal est de réduire la mortalité par un diagnostic précoce. En effet, la détection et l’exérèse des adénomes, qui sont les lésions précancéreuses les plus fréquentes, permettent d’éviter le développement de cancers. La détection suivie de l’exérèse de cancers débutants augmente les chances de survie.
La population-cible est la population ne présentant pas de symptômes, appartenant à la tranche d’âge 50-74 ans et n’ayant pas d’antécédents personnels ou familiaux (c’est ce qu’on appelle la population à risque moyen).

Objectifs éducatifs

Le public:
-connaîtra l’importance de la fréquence du cancer colorectal;
-connaîtra l’existence du dépistage du cancer colorectal proposé par la Communauté française;
-identifiera le médecin généraliste comme étant la personne de référence en la matière;
-sera apte à faire un choix éclairé face à l’offre du dépistage du cancer colorectal.

Objectifs de communication

Nous en pointons deux:
-sensibiliser les personnes âgées de 50 à 74 ans au programme de dépistage du cancer colorectal;
-créer un climat favorable auprès du public et également auprès des professionnels de la santé concernés (principalement les médecins généralistes).

Définition du public

Comme nous l’avons déjà vu, le programme de dépistage du cancer colorectal en Communauté française s’adresse aux personnes de 50 à 74 ans.
Ces limites d’âge se basent sur les études épidémiologiques qui démontrent une nette augmentation de l’incidence de ce cancer après 50 ans. Le risque de le développer existe bien sûr aussi après 74 ans, mais les personnes qui n’ont pas développé la lésion à cet âge en souffriront seulement dans 5 à 10 ans, soit au-delà de 80 ans. Compte tenu de la courbe de survie actuelle, ces personnes auront pu décéder pour une autre cause. Le suivi des personnes de plus de 74 ans est dès lors du ressort du médecin généraliste dans le cadre d’une prise en charge individuelle.
La population cible des hommes et des femmes de 50 à 74 ans est de ± 910.000 en Région wallonne auxquelles il faut ajouter les francophones de la Région de Bruxelles Capitale, ± 200.000.

Les outils de communication

En tant que Service communautaire en promotion de la santé, agréé pour la communication, le SCPS Question Santé asbl a été chargé de réaliser la campagne de communication du programme de dépistage du cancer colorectal pour l’ensemble de la Communauté française.
La communication s’adresse tant au grand public qu’aux professionnels concernés par la mise en place et l’accompagnement du programme: médecins généralistes, gastro-entérologues, acteurs de promotion de la santé…
Chaque outil d’information, de formation, de communication doit s’inscrire en cohérence avec l’ensemble du programme: cohérence sur le contenu, cohérence sur la forme pour que le message soit clair et compréhensible par les destinataires du message.
Voici en bref les différents niveaux et outils de communication.
L’accroche visuelle choisie est celle du logo «ruban bleu», représentation visuelle du dépistage du cancer de l’intestin, créée par le National Colorectal Cancer Roundtable (association américaine) et reconnue au niveau international. Le ruban bleu est utilisé notamment par nos voisins français.
Cette accroche est reprise dans l’ensemble du matériel d’information et de communication.
En voici un rapide aperçu:
-une brochure explicative ‘Programme de dépistage du cancer colorectal’ (28 pages) pour le médecin généraliste;
-un questionnaire médical;
-une enveloppe pré-adressée «port payé par le destinataire» à remettre au patient pour renvoyer le test Hemoccult et le questionnaire;
-le dépliant d’invitation ‘Dépister le cancer de l’intestin, c’est possible!’ joint au courrier de départ; dans une version adaptée, il sera aussi diffusé largement, entre autres par les mutualités;
-le dépliant informatif ‘Un test simple à faire chez soi’ pour le patient devant réaliser le test Hemoccult II;
-un dépliant spécifique ‘Pourquoi un dépistage par coloscopie?’ pour le patient devant avoir un suivi spécifique (consultation gastro-entérologue avec coloscopie);
-le formulaire standardisé de prescription de la coloscopie: 3 feuilles autocopiantes à remettre au patient (un exemplaire destiné au gastro-entérologue, un au Centre de référence et un au médecin généraliste);
-les spots TV et radio;
-un site internet https://www.cancerintestin.be .

L’article ‘Le protocole du programme de dépistage du cancer colorectal’ dans la rubrique ‘Stratégie’ de ce même numéro, vous donne de plus amples informations sur l’organisation du programme.
Tout cela est bel et bien, direz-vous, mais il ne suffit pas de proposer au public un programme de dépistage pour qu’il y adhère automatiquement.
La deuxième partie de cet article vous présente une démarche d’estimation de l’acceptabilité du programme par le public concerné, réalisée quelques mois avant le démarrage du dépistage organisé.

Que pensent les personnes concernées du dépistage?

Susciter l’intérêt du public pour le dépistage du cancer colorectal, l’informer à ce sujet, voilà un défi bien délicat à relever. Même si ce dépistage est une priorité en médecine préventive, il est loin de susciter a priori l’engouement du public et des médias.

Des interviews de groupe pour connaître l’avis du public

Le point de vue des professionnels, qu’ils soient gastro-entérologues ou médecins de santé publique, est clair et rationnel: il faut organiser un dépistage de masse sur base d’un test de recherche de sang occulte dans les selles tous les deux ans pour les personnes âgées de 50 à 74 ans.
Mais comment le public réagirait-il à cette proposition? Comment tenir compte au mieux des réactions et attentes du public?
Pour répondre à ces questions et préparer le programme de dépistage qui démarre ces jours-ci en Communauté française, le SCPS Question Santé a réalisé quatre interviews de groupe réunissant des hommes et des femmes de 50 à 74 ans. Au total, plus de 80 personnes ont pu s’exprimer lors des ces rencontres.
Voici les points forts de ces échanges et les perspectives qui ont pu en être dégagées.
Pour vous, quels sont les cancers les plus fréquents?
Les cancers du poumon et du sein ! Ce sont les plus présents dans l’esprit des participants. Cette prédominance est sans doute liée en partie aux campagnes en faveur de l’arrêt du tabagisme et pour le mammotest. Le cancer du côlon et du rectum (souvent cité comme le cancer de l’intestin par les participants) est moins présent dans l’esprit du public. Sa fréquence est sous-estimée. Peut-être y a-t-il un tabou car il touche un organe moins noble?
Et quels sont les cancers les plus mortels?
Le poumon , l’intestin et le sein ! La perception des participants est proche de la réalité puisqu’ils situent le cancer colorectal en 2e position après le cancer du poumon et avant le cancer du sein.
Ces deux premières questions permettent de préciser un premier message utile pour la communication future vers le grand public: le cancer de l’intestin est un cancer très fréquent.
Si un dépistage du cancer de l’intestin vous était proposé gratuitement, le feriez-vous?
Autant de personnes, autant de sensibilités différentes, bien évidemment…
Certaines adhèrent sans réticence:
« Je suis partante pour le dépistage quand je vois la façon dont le cancer tue et fait souffrir ; je veux en avoir le cœur net
« Je fais le dépistage parce que je suis une personne à risque
« Cela n’arrive pas qu’aux autres Je le sais : mon frère est décédé d’un cancer de l’intestin , cela pourrait m’arriver aussi
Quelques personnes refusent catégoriquement.
« Au départ , non , pas de dépistage , c’est désagréable
« Je ne veux pas céder à la panique , on pourrait faire des dépistages sur tout , alors si je n’ai pas de risque , non
D’autres hésitent, veulent des informations, des garanties.
« J’irais mais j’ai besoin d’informations claires et puis , si l’examen ne pose pas trop de problème
« J’attends des renseignements , qu’on me dise vous avez des risques
« J’en parlerais à mon médecin traitant
On va éventuellement dépister quelque chose qui ne vous fait pas souffrir pour le moment. Selon vous, qu’est-ce qui va vous convaincre?
Les réponses des participants illustrent les facteurs psychosociaux influençant les choix de comportements de santé décrits dans la littérature: la peur d’avoir quelque chose, le sentiment de risque d’être atteint par la maladie, des signaux d’alerte, des antécédents familiaux, la fréquence de la maladie, le fait de ne pouvoir la détecter personnellement ou trop tard, l’efficacité du traitement, si c’est guérissable ou non…
Quelles sont les sources d’information auxquelles vous vous référez? Qui est le mieux placé pour vous le proposer?
Il n’y a pas une seule source reconnue par tous les participants mais une multiplicité de canaux d’information qui se complètent, se renforcent.
« Il faut une information de base : la radio , des journaux toutes boîtes , dans les lieux publics , la salle d’attente du médecin , les documents de la mutualité , les pharmaciens , les médecins …»
« Nous sommes noyés d’informations et elles sont souvent alarmantes . Je chercherais une source fiable , je recouperais les informations , je demanderais à mon médecin traitant
« Il faut que les gens sachent , il faut de l’information pour tous et que chacun choisisse . On est des adultes , on sait décider . Il y a quelque chose de dérangeant avec les messages prescriptifs
Si vous receviez personnellement une invitation à vous rendre chez votre médecin traitant pour bénéficier du dépistage, comment accueilleriez-vous ce courrier?
Le fait de recevoir une invitation personnelle est un facteur renforçant.
« Oui , c’est une bonne idée , cela m’incitera à faire la démarche
« Je la mets de côté , j’y réfléchis . Je vais chercher plus de renseignements avant de faire la démarche
« Si le médecin a le test en stock dans son cabinet , j’en parle à l’occasion d’une consultation , je ne fais pas une consultation de plus pour cela
Certaines personnes mettent ce type d’information à la poubelle mais une large majorité approuve sans réserve le procédé.
Le test de dépistage consiste à faire soi-même un prélèvement de selles pour l’envoyer à un laboratoire. Comment réagissez-vous à cette proposition?
La réaction des participants est largement favorable. De façon quasi unanime, ils trouvent ce test facile, discret…
« C’est pratique , on fait ça chez soi , à l’aise . Ce n’est pas agressif , ce n’est pas invasif
« On fait ça soi même , on se sent plus impliqué , c’est une bonne formule
La réalisation de ce test ne suscite que quelques rares réactions de rejet, de dégoût. Par contre, ce qui intéresse surtout les participants, c’est d’avoir une information claire quant aux résultats du test: comment seront-ils informés des résultats, dans quel délai?
Si les résultats du test sont positifs, il faudra faire un examen complémentaire, la coloscopie. Qu’en pensez-vous?
Les avis sur ce sujet sont plus circonspects: la coloscopie est toujours perçue comme un examen délicat.
« En parler , ne pas en parler Il y a une question de pudeur . Il y a comme une sorte de honte à faire une coloscopie , c’est un sujet encore tabou , c’est délicat
« Il y a la position lors de l’examen , cela met mal à l’aise . Mais je le ferais parce que je ne vais pas rester sans savoir si j’ai un vrai problème
« Je le fais si cela m’empêche d’avoir le cancer ou me donne de bonnes chances de guérir
Les personnes ayant déjà subi cet examen sont quant à elles plus rassurantes, elles le dédramatisent et le conseillent.
« Heureusement , maintenant , cela se fait sous sédation
« Moi je prends deux trois Amaretto ou Limoncello avant d’y aller …»
« Je le fais , mais je négocie avec le gastro entérologue pour que cela soit indolore : une petite anesthésie , un Valium …»

En conclusion

Ces rencontres ont permis de confirmer certaines données (par exemple les sources d’information les plus sollicitées par le public) mais elles ont aussi amené quelques surprises comme la sous-estimation de l’importance de la fréquence du cancer de l’intestin, l’accueil favorable des participants vis-à-vis du test de dépistage proposé et leur avis pondéré et nuancé sur la coloscopie.
Les professionnels, médecins généralistes et gastro-entérologues, étaient en effet inquiets sur l’acceptation par le public du dépistage proposé.
Tous ces éléments relevés lors des groupes focus ont permis de préciser les messages adressés au grand public:
-l’importance du cancer colorectal: vous savez que ce cancer existe mais il est plus fréquent que vous ne le pensez. On en parle peu, parlons-en!
-le risque – la protection: ce que vous ne savez pas, c’est qu’il est possible de le dépister.
-votre médecin traitant est votre interlocuteur, il vous conseillera.
-une visite chez votre médecin et vous faites le test chez vous, c’est simple et discret.
Les avis recueillis lors des interviews de groupe permettent également de s’adresser aux médecins pour réaffirmer leur place déterminante auprès de leurs patients en tant que conseillers en matière de prévention. Les médecins détiennent des informations et ont des compétences en matière de prévention; leurs patients attendent qu’ils s’impliquent activement dans ce domaine.
Bernadette Taeymans , SCPS-Question Santé asbl, avec l’appui de Christian De Bock

(1) Du moins actuellement celles résidant en Wallonie. Des négociations sont en cours pour que la procédure soit identique pour les francophones de la Région bruxelloise et ce, dans les plus brefs délais.

Signaux de fumée

Le 30 Déc 20

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Le difficile cheminement du sevrage tabagique

L’entrée des fumeurs dans un monde sans tabac passe par un chemin difficile. Des entretiens avec des soignants et des patients en montrent les chausse-trappes.
Dans le cadre du Plan wallon sans tabac, la Fédération des maisons médicales a lancé en 2007 un appel invitant les maisons médicales à travailler autour du tabagisme. L’objectif était de stimuler et soutenir le développement d’activités relatives à cette problématique selon deux volets: d’une part, en organisant une action montrant qu’il existe diverses démarches d’accompagnement des personnes qui souhaitent arrêter de fumer, dans la maison médicale et à l’extérieur; d’autre part, en recueillant des témoignages de patients et de soignants pour mieux comprendre la problématique du tabagisme et du sevrage, et pour engager les professionnels dans une réflexion sur leurs pratiques.
Quinze maisons médicales de la Région wallonne ont monté des projets, avec un soutien financier de la Région wallonne: six dans la région de Liège, quatre dans la région de Namur-Brabant wallon, et cinq dans la région de Charleroi. Chaque équipe a réalisé une action concrète et recueilli les témoignages de cinq patients et de deux soignants.
Ce projet a permis de créer diverses synergies à travers des réunions et des temps de réflexion. En mai 2008, une après-midi d’échanges a notamment été organisée en collaboration avec l’Intergroupe liégeois des maisons médicales (IGL). Lors de cette rencontre, le Programme d’Expérimentation en Promotion de la Santé (PEPS) de l’IGL a proposé aux équipes un dispositif interactif visant à susciter réflexions et échanges dans la salle d’attente lors de la journée mondiale sans tabac qui avait lieu quelques jours plus tard, le 31 mai; le groupe prévention de l’IGL a évoqué la question, plus technique, de l’encodage du tabagisme dans le Dossier santé informatisé; les équipes ont parlé des projets qu’elles avaient réalisés, et l’Espace Promotion Santé de la Fédération des maisons médicales a présenté l’analyse des entretiens recueillis.
Dans cet article, nous présentons les lignes directrices de cette analyse.

Méthodologie du recueil de témoignages

Les travailleurs des maisons médicales ont réalisé des entretiens qualitatifs en face à face auprès de soignants et patients recrutés sur base volontaire. Cette implication des travailleurs dans l’enquête, propre à la recherche-action, peut bien sûr engendrer des biais; mais elle a aussi renforcé l’intérêt des soignants pour la problématique, et leur a donné l’occasion de dialoguer d’une manière inhabituelle avec les patients, leur permettant ainsi de mieux percevoir ce que ceux-ci ressentent, et de jeter un regard critique sur leurs pratiques. Nous leur avions bien sûr proposé une aide: mise au point d’un guide d’entretien semi-dirigé pour chaque groupe, et organisation d’une formation à la conduite de ce type d’entretien.
Le guide d’entretien destiné aux patients visait à cerner différents éléments: le rapport des personnes au tabagisme, leur situation par rapport à l’arrêt (réalisé, en projet, déjà tenté, pas envisagé…); la manière dont s’étaient passées les éventuelles expériences d’arrêt (motivations, difficultés, réussites), leur perception du soutien reçu (de la part de l’entourage, des professionnels…) ainsi que leurs souhaits en la matière.
Les soignants, eux, étaient invités à expliquer de quelle manière ils accompagnent leurs patients en matière de tabagisme, et à identifier les difficultés, les ressources, les leviers qu’ils avaient pu expérimenter dans ce type de prise en charge.
Nous avons reçu 63 témoignages de patients et 16 de soignants (écrits ou enregistrés). Environ 50 % des entretiens ont dû être écartés, soit à cause d’une mauvaise qualité sonore, soit parce qu’il s’agissait d’écrits peu complets ne reprenant que brièvement les réponses aux questions posées. Tous les témoignages utilisables ont été analysés sur base d’une écoute ou d’une lecture approfondie. Dix témoignages (7 patients et 3 soignants) ont ensuite été sélectionnés pour un travail d’analyse plus spécifique (à l’aide du logiciel d’analyse qualitative QSR – NVIVO): ils apportaient une réflexion particulièrement riche sur des éléments abordés par l’ensemble des répondants, et certains d’entre eux développaient en outre des aspects nouveaux. Chaque analyse a été discutée entre les chercheurs signataires de cet article.

Le parcours du combattant

Le sevrage… exigeant

Comparant le tabagisme aux problèmes liés à l’alcool et aux drogues, plusieurs patients insistent sur le fait que le sevrage tabagique est une démarche exigeante et complexe, qui doit être suivie au même titre que les autres sevrages: « Il ne faut pas banaliser la cigarette : c’est le même souci que l’alcool , la drogue , une dépendance ». « Par rapport à l’accoutumance , le fumeur est comme le grand buveur (…); on croit toujours qu’une cigarette ce n’est rien , mais c’est comme celui qui a bu : on dit toujours « un verre et ça ira » puis on constate qu’en général ça ne marche pas pour les gens qui ont été loin dans l’alcoolisme ; ils font des rechutes ».
Les patients souhaitent que les soignants prennent la mesure de leurs difficultés et certains insistent sur la nécessité d’un suivi rapproché: « Au niveau des médecins il ne faut pas banaliser , ne pas dire « c’est facile , il suffit de mettre des patchs et ça passe »… Non , c’est plus complexe que ça . Au niveau psychologique , il faut gérer . Quand j’ai arrêté j’ai vraiment été bien suivi par mon médecin traitant qui me voyait régulièrement toutes les semaines pour voir comment j’allais Je faisais des réactions aux patchs , des cauchemars la nuit J’ai vraiment été suivi comme quelqu’un sous méthadone par exemple et ça , ça m’a beaucoup aidé . Il ne faut pas banaliser ça , surtout pas ».

Le sevrage… contraignant

Les soignants interrogés reconnaissent les difficultés du sevrage, et les identifient d’une manière qui concorde avec ce qu’expriment les patients: nervosité, stress, prise de poids, difficulté de combler le vide, de modifier ses habitudes, effets secondaires des médicaments.
Il faut parfois aller un peu au-devant d’une demande, parce que certains patients ne perçoivent pas que le médecin peut les aider: « Je donne des conseils . On a aussi notre brochure de soutien . C’est vrai qu’avec cette patiente , comme je sentais qu’elle était motivée , j’ai déjà donné cette brochure , comme elle ne voyait pas très bien ce qu’on pouvait lui proposer , pour lui montrer un peu ce qui existait déjà , tout en lui expliquant que j’aurais bien voulu la revoir dans un premier temps moi même . Même si elle envisage d’aller voir un tabacologue ou un groupe de soutien ».

Un travail de longue haleine

Si le sevrage est difficile avant tout pour le patient, l’accompagnement n’est pas non plus de tout repos pour les soignants! Certains expriment leur frustration lorsqu’ils sentent que cela n’avance pas beaucoup et qu’il faut «tirer» constamment le patient: «(…) des consultations qui ne sont pas évidentes et qui sont souvent frustrantes parce qu’on à l’impression qu’on n’avance pas beaucoup justement . Ce n’est pas évident parfois d’avoir l’impression de tirer le patient et qu’il ne suit pas des masses ». C’est un travail de longue haleine, pour lesquels les soignants manquent de temps: certains pensent qu’il serait nécessaire de proposer des consultations spécifiques – et il faut aussi choisir le bon moment: « Je vois un peu comment ça accroche , s’ils sont vraiment prêts à faire quelque chose , à commencer à arrêter de fumer , à faire un travail et là je leur propose alors une consultation , on en parle alors une fois …».
Mais la frustration guette: «… et puis la conclusion c’est : et bien docteur quand je serai prêt je reviendrai . Ca arrive très souvent ».

Les médicaments

Aux yeux de certains soignants, les attentes des patients vis-à-vis des médicaments sont trop élevées, et ils négligent le travail personnel sur la motivation: « Je pense qu’ils attendent souvent beaucoup des médicaments : ils pensent qu’avec ça ils arriveront à arrêter de fumer sans vraiment se gonfler , se motiver … « Je vais essayer avec les médicaments », disent ils … « Docteur , donnez moi le nouveau médicament qui est sorti sur le marché »… ça , c’est parfois dur …».
Le médicament n’est pas la solution-miracle, les soignants le savent bien. Mais l’un d’eux estime que, « quand on n’a pas instauré une prescription , (…) c’est difficile de les suivre parce que soit ils oublient , soit ils ont changé d’avis , soit ils n’ont pas tenu le coup ». La prescription – de substituts nicotiniques ou de médicaments – doit, rappelons-le, répondre à des indications précises (souvent méconnues), et est inutile pour beaucoup de patients (1); et, si elle vient parfois, comme semble l’évoquer ce soignant, rythmer, concrétiser la prise en charge – ou donner au patient le sentiment d’être «vraiment» aidé-, elle ne peut bien sûr en aucun cas faire oublier la nécessité d’un accompagnement psychologique, lequel est d’ailleurs largement souhaité par la plupart des patients interrogés.

Ambivalence et confiance en soi

Même lorsqu’ils souhaitent arrêter de fumer, la plupart des patients évoquent le rôle positif que joue la cigarette dans leur vie: c’est un moyen de se relaxer, de surmonter le stress, elle permet de s’octroyer un moment privilégié. Pour certains, la cigarette facilite le contact social, elle permet d’avoir confiance en soi et d’engager les conversations… Les soignants sont constamment confrontés à cette ambivalence.
Selon l’état d’esprit du patient face au sevrage tabagique, les difficultés rencontrées sont plus ou moins grandes; certaines personnes se font plus confiance que d’autres, elles mettent en place des stratégies pour surmonter les obstacles et/ou font appel à des professionnels. Par contre, d’autres personnes ne voient pas comment supporter l’arrêt à long terme, elles craignent la récidive qui les mettrait face à un sentiment d’échec, elles se sentent vulnérables et démunies face à cette difficulté et ne se sentent pas le courage, la force d’affronter ce parcours… « Non ce n’est même pas une question de motivation , c’est le courage de se dire voilà je suis prête à affronter cela ».
« On se rend quand même compte que l’on peut arrêter mais qu’on est sur le fil , c’est vraiment à bout de bras et ça peut craquer à tout moment . On sent cela , on sent la faiblesse , on sent qu’il ne faut pas grand chose ».
Des encouragements sont dès lors indispensables, et les patients soulignent leur utilité: « Mon médecin m’encourage dans le sens où elle me dit : il faut du temps à chaque personne , vous il vous faudra peut être un peu plus longtemps Mais elle m’encourage parce que j’ai déjà fait énormément d’efforts . C’est vrai qu’à la maison médicale , je me sens quand même soutenue ».

La motivation

Le fait d’avoir des projets personnels est, chez certaines personnes, une source de motivation importante pour arrêter de fumer: « J’ai besoin de me trouver dans des situations exceptionnelles comme devenir grand père une deuxième fois , pour de nouveau me dire que cela vaut encore la peine de s’occuper plus de soi même
Il y a là une piste à saisir pour les soignants: amener le patient à envisager l’avenir, l’aider à percevoir l’impact du tabagisme sur cet avenir. Non pas de manière générale, rationnelle, ou en agitant des menaces de maladie, mais de manière très concrète, à partir de projets, de désirs, auxquels le patient est attaché, qui lui donnent envie de vivre en bonne santé, de prendre soin de lui. Une telle démarche implique que le soignant s’ouvre à la vie du patient, et développe une réelle écoute, parce que ce qui motive l’un n’est pas ce qui motive l’autre, les projets sur lesquels il y a moyen de s’appuyer peuvent apparaître minimes, peu visibles ou quasi inexistants, particulièrement chez des personnes en grande difficulté – il s’agit de cheminer avec elles, sans faire pression, en étant attentif au petit déclic qui peut faire bouger les choses à un moment donné.

Un accompagnement différencié

Selon le vécu du patient, son contexte de vie, sa personnalité et la façon dont il affronte les difficultés du sevrage, son comportement face au tabac et sa manière de réagir à l’accompagnement sont différents. Les soignants insistent sur cette diversité: il n’y a – hélas!? – pas de recette: « Les patients voient leur consommation de tabac et les problèmes qui peuvent y être liés d’une façon très différente . Les interventions que nous pouvons apporter vont déclencher des réactions assez différentes d’un patient à l’autre ».
Il faut donc adapter le soutien au patient selon son profil. Certains ont besoin d’une présence considérable, d’autres souhaitent un soutien plus discret: ils veulent être informés et conseillés, mais tiennent à garder une certaine indépendance… Quelques patients, peu confiants par rapport au monde médical, comptent avant tout sur leurs compétences personnelles pour arrêter de fumer.
« Plutôt que d’attendre d’aller chez un thérapeute qui m’aide à réfléchir , je pense que je suis aussi capable de filmer ce que j’ai vécu et de repérer par moi même sans l’aide d’un thérapeute , ni l’aide d’une pilule ce qui a été facile et difficile ».
« Qu’ils me laissent prendre ma décision seule , qu’ils n’interviennent pas là dedans . Cela ne les concerne pas , c’est ma vie , c’est ma santé . Cela m’énerve plus qu’autre chose et non ça je ne pouvais pas , même de mon médecin traitant ».
Ceci rappelle l’importance de reconnaître la liberté de choix des patients, et de soutenir leurs ressources personnelles – tout en restant présent: il faut aussi que la personne sente qu’elle peut, si elle rencontre des difficultés imprévues, venir demander un soutien plus important qu’elle ne le voulait au départ, sans démériter…

Le travail sur les représentations, porte d’entrée de l’accompagnement

Plusieurs patients parlent de la nécessité d’effectuer un travail sur la représentation qu’ils se font de la cigarette: ils ont d’abord dû situer son rôle dans leur vie, pour pouvoir ensuite le relativiser. A leurs yeux, une telle démarche est un préalable indispensable pour entamer une démarche de sevrage. Certaines personnes font ce trajet seules, d’autres se font aider, par un livre ou par un professionnel; rappelons que les groupes de patients fumeurs, mis en place par certaines équipes à l’incitation d’Espace Promotion Santé, sont une autre manière de faire ce cheminement.
Du côté des soignants, certains accordent beaucoup d’importance aux représentations du patient, estimant qu’ils doivent les connaître afin de soutenir sa démarche: « Il faut voir les motivations , pourquoi il fume ; cela permet aussi de le lui rappeler par la suite , s’il a un peu difficile à arrêter . Je crois que c’est quelque chose à bien percevoir . Essayer aussi de comprendre peut être avant qu’il arrête , essayer de l’aider à voir pourquoi il fume , qu’est ce que cela lui apporte ? C’est vraiment comme cela que l’on peut les aider à éclaircir un petit peu leur vision par rapport à la cigarette
D’autres soignants parlent plus globalement de la nécessité de préparer le terrain avant d’accompagner le patient par des traitements: connaître les représentations que le patient se fait de lui-même en tant que fumeur permet au soignant d’orienter son discours et d’adapter les pistes d’accompagnement. Soulignons que le médecin traitant est particulièrement bien placé pour accompagner son patient en tenant compte de sa personnalité, parce qu’il le connaît bien, et parce qu’il a une vision globale (enrichie par le regard de ses collègues lorsqu’il travaille en équipe).

Les qualités humaines, pilier de l’accompagnement

Certains patient décrivent bien ce que leur apporte le médecin traitant: « Le suivi du médecin peut vraiment aider parce que tout ce que l’on remarque au niveau physique , il peut un peu l’expliquer et chez le médecin tout ce qui est dit reste au cabinet donc tout ce qui est psychologique est plus facile aussi . On a des réponses au niveau des problèmes physiques et en même temps au niveau psychologique : on ne peut pas traverser cela tout seul . Le médecin traitant qui est une référence peut traverser tout cela avec
Signalons que le rôle du médecin est rarement décrit de manière aussi explicite: en fait, peu de patients l’évoquent, si ce n’est dans le cadre des informations reçues sur le sevrage ou des prescriptions médicamenteuses. Ils ne semblent pas vraiment percevoir le médecin traitant comme une personne qui puisse les accompagner de manière professionnelle dans leur voyage vers une vie sans tabac…
Ceci est interpellant: on peut se demander si les médecins eux-mêmes ont conscience du rôle qu’ils pourraient jouer, s’ils sont suffisamment attentifs aux difficultés rencontrées par leurs patients, s’ils n’ont pas tendance à faire de tout cela une affaire de spécialistes, comme pourrait les y inciter l’existence de tabacologues…
Certains patients décrivent de manière fine ce qu’ils attendent du soignant qui les accompagne dans leur trajet. Ces attentes sont d’ordre relationnel et humain: empathie, absence de jugement, écoute, compréhension, prise en compte de la réalité personnelle, disponibilité – toutes qualités qui font intrinsèquement partie, d’autres enquêtes le montrent, de ce que les patients attendent en général de leur médecin (voir les enquêtes menées à la maison médicale de Barvaux (2) et à celle de Forest (3)).
La disponibilité souhaitée est parfois très grande, comme le montre l’extrait suivant: « Je suis suivie par une tabacologue . Je lui téléphone deux fois par semaine et donc je lui explique ce qui se passe dans ma tête . Etant donné qu’elle est tabacologue et psychologue en même temps , elle me donne énormément de conseils et une fois par mois , je vais la voir . Si un jour je craque ou j’ai envie de craquer , je lui téléphone , j’ai son numéro personnel , je lui téléphone et elle m’aide ».
Plusieurs patients trouvent important d’être suivis par un soignant lui-même fumeur ou ex-fumeur: « ce qui est rassurant , c’est que cette personne fumait , et donc c’est le plus important . Si elle n’avait jamais fumé , elle ne pourrait pas comprendre . C’est très important . On peut vraiment lui raconter tout ce qu’on ressent , elle ne va pas faire de jugement ni quoi que ce soit , elle va dire c’est normal , je suis aussi passée par là et tout le monde passe par là , c’est tout à fait normal . Elle nous rassure . Je n’ai pas l’air stupide en lui racontant que je pleure souvent ces temps ci à cause du fait que j’arrête la cigarette . J’avais peur de ce qu’elle pourrait dire mais elle me dit que c’est tout à fait normal
« Pour analyser un fumeur , il faut être soi même fumeur pour comprendre ce que c’est . Je pense qu’un médecin qui n’a jamais fumé ne peut pas dire à son patient du jour au lendemain : il faut arrêter parce que ci ou cela dans la pratique c’est totalement autre chose . Ce qui est difficile pour les soignants , c’est de ne pas comprendre ce que l’on ressent On peut imaginer ce que l’on ressent mais on ne peut pas se mettre à notre place ».
Difficile de demander aux soignants de fumer pour mieux comprendre leurs patients!
Mais, si l’expérience partagée confère effectivement une proximité particulière (c’est d’ailleurs la base de travail des Alcooliques Anonymes par exemple), ces extraits permettent d’insister sur d’autres pistes, plus réalistes: l’organisation de groupes de parole, d’animations permettant aux patients d’exprimer, d’échanger leurs expériences peut répondre à ce besoin d’être entendus. De telles activités, menées avec les soignants permettent aussi à ces derniers d’entrer en contact avec l’expérience subjective de leurs patients, de développer une écoute subtile dont la qualité répondrait, tout autant ou même mieux que l’expérience personnelle du tabagisme, à ce que les patients expriment ici.

Climat social et accompagnement

Un élément très présent dans les extraits précédents, c’est le besoin de ne pas être jugé. Et, justement, plusieurs soignants signalent que leurs patients subissent parfois une forte pression de la part de médecins spécialistes consultés pour des problèmes de santé spécifiques: « J’ai une patiente qui a peur de revoir le chirurgien vasculaire : il va lui crier dessus , parce qu’elle n’a pas arrêté de fumer ; or elle fait tout ce qu’elle peut pour arrêter ».
Ce sentiment d’être mis sous pression, d’être jugé est très fréquemment exprimé par les patients: certains disent à quel point ils se sentent montrés du doigt, et ils expriment leur difficulté, voire leur révolte face au rejet social dont ils font l’objet et au changement qui s’est opéré dans la société vis-à-vis des fumeurs: « Avant , on fumait dans un restaurant ; maintenant , on sort du restaurant et on rejoint d’autres personnes et la réflexion est toujours la même : vous êtes venus rejoindre les pestiférés ! Et on parle de la cigarette , de la loi contre la cigarette »; « Je comprends que les non fumeurs soient incommodés ; par contre il faut être tolérant vis à vis des vices des autres ; autrement , on vit dans une société qui devient invivable Je trouve qu’il y a un peu un excès pour le moment On culpabilise un peu trop ».
Une personne met en évidence cette qualité chez sa tabacologue « on peut vraiment lui raconter tout ce qu’on ressent , elle ne va pas faire de jugement ». La politique de dénormalisation du tabac, aussi intéressante soit-elle si elle est bien conçue, entraîne en effet un risque de stigmatisation dont les effets néfastes ont déjà été soulignés par de nombreux auteurs.
Nous avons évoqué ce risque dans un article récent (4), et il en a été largement question lors du colloque organisé par l’asbl Questions Santé en 2008 sur Normes et Santé. Raymond Massé , expert canadien en santé publique, évoque lui aussi, de manière éclairante, les effets pervers d’une stigmatisation des fumeurs: « On peut évoquer la perte d’estime de soi , le sentiment de culpabilité Mais aussi l’adoption revendicatrice du comportement proscrit : par exemple , le comportement des fumeurs qui s’accrochent au tabagisme en guise de protestation contre l’ostracisme dont ils se disent victimes illustre les effets pervers de l’étiquetage en termes de légitimation symbolique de la déviance ( 5 )».
Signalons que cette question était à l’ordre du jour de la rencontre à Liège évoquée au début de cet article. Plusieurs maisons médicales ayant mis sur pied des projets avaient d’ailleurs été très attentives à éviter la stigmatisation, et telle était aussi, très clairement, l’option du dispositif proposé par le groupe Promotion santé de l’Intergroupe liégeois dans le cadre de la journée mondiale.
On ne peut qu’applaudir de telles attitudes, particulièrement à un moment où elles ne font pas l’unanimité dans le monde médical: en effet une enquête publiée l’an dernier par le Journal du Médecin (30 mai 2008) révèle ainsi que « un tiers des médecins excluerait le fumeur invétéré du remboursement des soins ». C’est le titre de l’article, qui précise que « 32 % des médecins estiment qu’un fumeur invétéré qui , malgré les conseils de son médecin , attrape un cancer du poumon , n’a pas droit au remboursement de ses soins ». Signalons que d’autres problématiques entraînent une réaction similaire: « Pour un quart des répondants à notre grande enquête , un motard qui ne portait pas de casque et qui perd la vue après un accident de la route ne devrait pas avoir droit à une allocation d’invalidité »… et « plus d’un quart des répondants retireraient le remboursement des soins pour des maladies hépatiques dues à un excès d’alcool ».
On peut craindre que, dans un tel climat, les patients éprouvent des difficultés à faire part d’un problème dont ils se sentent coupables, hésitent à demander de l’aide, n’osent pas exprimer ce qu’ils ressentent comme un échec lors d’une tentative d’arrêt… Faudra-t-il un jour, comme on l’a fait il y a quelques années pour le sida, ouvrir des centres anonymes pour que les personnes atteintes d’une «maladie honteuse» osent faire une demande de soins?

Conclusion

Cette enquête souligne, si besoin est, l’intérêt de recueillir la parole des personnes concernées par une problématique, de créer un dispositif spécifique pour recueillir cette parole. Les personnes qui ont été interrogées ici parlent avec finesse et profondeur de leur trajet, et ce qu’elles disent rencontre et nuance les recommandations en matière d’accompagnement des patients fumeurs: nécessité d’une approche globale, d’une qualité d’écoute fondée sur l’empathie et le respect; rencontre avec les représentations du patient; valorisation de ses ressources plutôt que jugement… Elles redisent, dans leurs mots, les conseils que d’autres, experts en la matière, donnent aux médecins généralistes – par exemple dans la brochure Mon patient fume , Attitudes du généraliste , publiée il y a quelques années, et qui reste entièrement d’actualité – ou encore dans les approches basées sur l’entretien motivationnel (6) (7).
Les patients nous rappellent que le sevrage tabagique est une expérience difficile, exigeante, pour laquelle ils ont réellement besoin d’une aide attentive, d’un engagement sur la durée: il y a là, à nos yeux, un réel appel vers les soignants. L’organisation de consultations spécifiques, l’intérêt d’aller parfois au-devant d’une demande, d’indiquer différentes voies complémentaires, de soutenir le patient dans le cheminement qu’il fait avant de prendre la décision d’arrêter: autant de pistes dont cette enquête réaffirme l’importance.
Les patients rappellent aussi que les qualités humaines constituent la base d’un accompagnement réussi; ils attendent que les soignants reconnaissent le rôle positif que le tabac peut jouer dans leur vie, les efforts qu’ils font pour s’en débarrasser, et les soutiennent dans les moments difficiles, sans les disqualifier lorsqu’ils «craquent». Soulignons l’insistance mise sur tout ce qui tourne autour du jugement de valeur: les fumeurs ont un intense besoin d’être compris, acceptés, et il est très préoccupant de voir pointer chez certains un sentiment de honte, une crainte d’être mal considérés par les soignants. Les personnes qui ont accepté d’être interrogées ici avaient un rapport plutôt positif avec leur soignant; il est très probable que, pour d’autres, moins confiantes vis-à-vis du monde médical, la crainte d’être mal jugées puisse faire entrave à une demande d’aide. Et cette crainte est malheureusement fondée, comme le montre l’enquête faite par le Journal du Médecin, citée ci-dessus!
Ceci ramène à des questions éthiques auxquelles les soignants sont confrontés, bien au-delà du tabagisme, dans toutes les situations où des personnes mettent leur santé en danger par un comportement, un mode de vie à risque, ou par une adhésion insuffisante au traitement prescrit, aux conseils donnés.
Ces situations, extrêmement fréquentes, exposent les soignants à un sentiment d’échec, d’impuissance, difficile à supporter. Comment, dès lors ne pas être frôlé par l’agacement, voire l’agressivité contre la personne qui est à l’origine de ce sentiment d’échec? Comment naviguer entre le désir de soutenir la responsabilité des patients, leurs capacités de choix, tout en acceptant, le plus sereinement possible, qu’il y a des limites à leur liberté – que, finalement, personne n’est tout puissant? Pas facile… Il y a là, dit J.F Malherbe , le « travail interminable » d’une recherche éthique , « le travail que je consens à faire avec d’autres , sur le terrain , pour réduire , autant que faire se peut l’inévitable écart entre nos affiches et nos pratiques effectives » (c’est-à-dire entre l’idéal et la réalité, ndlr) (8).
Rajae Serrokh , Marianne Prévost , Valérie Hubens , membres du Service Espace Promotion Santé de la Fédération des maisons médicales
Adresse des auteurs: FMMCSF, Bd du Midi 25 bte 5, 1000 Bruxelles. Tél.: 02 514 40 14. Courriel: fmmcsf@fmm.be. Internet: https://www.maisonmedicale.org .
Cet article est paru précédemment dans Santé conjuguée n° 45 (juillet 2008) et est reproduit à l’aimable suggestion des auteurs.
(1) Jean Laperche, Axel Roucloux, Jeanine Gailly, Laurence Galanti, Jacques Dumont et Michel Pettiaux, Mon patient fume, Attitudes du généraliste, 2003.
(2) Delphine Lancel et Jean Laperche, «Enquête sur la participation des patients», Santé conjuguée n°30 p 46-48, 2004.
(3) Daniel Burdet, «Enquête de satisfaction des patients au sortir des consultations de médecine générale», Santé conjuguée n°39 p 7-15, 2007
(4) Marianne Prévost, «Quand les anormaux se rebiffent», Santé conjuguée n°41 p 34-43, 2007.
(5) Massé 2003: 257 cité par Lynda Bouthillier et France Filiatrault dans «Exploration du phénomène de stigmatisation au regard des activités de surveillance de l’état de santé de la population», Document d’information, août 2003.
(6) William R. Miller et Stephen Rollnick, L’entretien motivationnel – aider la personne à engager le changement, Intereditions-Dunod, Paris, 2006.
(7) B. Janssen et V. Hubens, Parentalité et tabac, Guide méthodologique pour les professionnels de santé, FARES, 2003.
(8) J.F. Malherbe, Il n’y a pas de vie sans risque, remarque sur l’incertitude et la liberté dans la question du sens, conférence prononcée à Montréal le 8 octobre 2004 dans le cadre des «Entretiens Jacques Cartier» à l’occasion d’un symposium organisé par le RISQ (Recherche et intervention sur les substances psychoactives – Québec)

Identifier les besoins de santé des adolescents

Le 30 Déc 20

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Intérêt de l’utilisation d’un questionnaire lors des bilans de santé scolaire

Bien que les adolescents soient globalement en bonne santé dans nos pays développés, certains sujets tels que le tabagisme, les comportements alimentaires, le stress, les comportements à risque, la dépression, sont préoccupants sur le plan de la santé publique, de par leur prévalence et le domaine qu’ils touchent, celui du «bien-être physique, mental et social». Ni les adolescents ni les médecins de médecine privée ne semblent à l’aise pour aborder ces questions. Se basant sur notre pratique de médecin scolaire, cet article met en évidence le rôle que peut avoir le bilan de santé scolaire en réponse aux besoins de santé des adolescents, et l’intérêt de l’utilisation d’un questionnaire de santé et de qualité de vie administré préalablement aux visites médicales.

Les «nouvelles morbidités» des adolescents et le manque de prévention

La santé des enfants et des adolescents est marquée depuis quelques décennies par ce que l’American Academy of Pediatrics a appelé en 1993 de «nouvelles morbidités», c’est-à-dire «des problématiques complexes, non strictement somatiques, touchant soit l’ensemble de la population, soit des sous-groupes en situation de vulnérabilité» (5).
Ces problématiques touchent à la question du bien-être des individus et sont souvent associées à des comportements dits «à risque». Il s’agit, entre autres, de problèmes de dépendance au tabac, de consommation de drogues, de troubles alimentaires (anorexie, boulimie, obésité), de violences auto et hétéro-agressives – y compris le suicide –, d’abus sexuels, de problèmes de santé mentale. Pour Klaue et Michaud (5), bien que ces nouvelles morbidités aient pu affecter les adolescents dans le passé, elles ont acquis un nouveau statut pour deux raisons: d’une part elles sortent du cadre strictement bio-médical et sont perçues comme affectant la santé au sens large et ont acquis une autre visibilité; d’autre part elles ont des prévalences en nette augmentation et posent par leur ampleur des problèmes de santé publique inédits.
Les données de l’enquête HBSC («Health Behaviour of School-aged Children») menée en Communauté française de Belgique (12) montrent que même si 92% des adolescents interrogés se trouvent «en bonne santé», 30% rapportent des plaintes somatiques récurrentes, 40% souffrent de nervosité et d’insomnies, 27% des adolescents sont obèses, 16% fument quotidiennement, 12% des filles sexuellement actives ne prennent pas de contraception hormonale, et près de la moitié des adolescents déclarent ne pas savoir où aller pour traiter d’un problème de santé qu’ils souhaiteraient pouvoir taire à leur entourage…
Dans nos pays, les consultations de médecine générale abordent peu ces sujets. D’une part les adolescents consultent difficilement pour ce type de problématiques; d’autre part le médecin a spontanément tendance à aborder des thèmes plus médicaux que psychosociaux durant les consultations avec les jeunes, en particulier lorsque le temps est limité (1).
En effet, bien que les adolescents aient une fréquentation médicale qui semble suffisante, ils déclarent avoir des besoins spécifiques dans la sphère psychosociale, qui ne sont pas couverts par l’approche de soins traditionnels (12).
Plusieurs études menées en médecine générale ont montré que les motifs de consultation exprimés par les adolescents correspondaient mal à leurs besoins ressentis. Les plaintes respiratoires de même que les motifs administratifs et préventifs (certificats, vaccins) constituaient les motifs les plus fréquents de consultation (26%) (9). Venaient ensuite les plaintes d’ordre général, fatigue, fièvre, ou maladie (18,5%) puis les plaintes ostéoarticulaires (15%), digestives (11%), neurologiques (9,5%) et dermatologiques (5,7%).
Les problèmes d’ordre psychologique et social constituaient rarement un motif de consultation (3,8%).
Notons qu’un tiers seulement des adolescents consultaient le médecin seuls, la mère étant présente à la consultation dans la majorité des cas. Selon les spécialistes de médecine générale, «un flou persiste quant aux motifs réels masqués par des plaintes d’ordre général» (9).
70% des adolescents souhaiteraient que leur médecin les informe spontanément lors d’une consultation de l’un ou l’autre problème de santé (6). Les sujets d’informations souhaités étant d’abord pour les filles la contraception et les maladies sexuellement transmissibles; pour les garçons les maladies sexuellement transmissibles et les questions relatives à l’usage de tabac, d’alcool et de drogues. Les autres sujets évoqués sont le régime, l’obésité et l’usage des médicaments.
Des enquêtes menées en France et en Suisse montrent des résultats similaires (8).
Quant au contenu et à la qualité des conseils préventifs reçus par les adolescents lors des consultations, nous disposons de peu de données dans la littérature. Hedberg et al. ont fait le point sur le sujet (3) et ont relevé notamment que les pédiatres passaient très peu de temps à donner des conseils aux adolescents lors des consultations préventives (un peu plus de 2 minutes en moyenne).
Ils ont aussi noté que plus de 75% d’un groupe de jeunes scolarisés disent n’avoir jamais reçu de conseils de la part de leur médecin sur des thématiques de santé concernant leur tranche d’âge. Il semble que la plupart des médecins s’engagent peu dans des discussions relatives aux comportements ou à des thèmes psychosociaux, telles que recommandées pourtant par les guidelines .

Un rôle potentiel pour les services de médecine scolaire

Cette inadéquation observée entre les besoins de santé des adolescents et soit le recours aux soins, soit la réponse apportée, pourrait être partiellement résolue par les services de santé scolaire, qui ont pour mission non seulement de prévenir les maladies, mais de plus en plus de promouvoir la santé des enfants et des adolescents, individuellement – dans le cadre des bilans de santé – et collectivement. De plus ils offrent un service gratuit et universel et touchent, en ce sens, les enfants et les jeunes de toutes catégories sociales, y compris ceux de milieux plus vulnérables qui recourent généralement moins aux services de soins préventifs. Enfin, la visite médicale scolaire est bien souvent la première occasion de rencontrer un médecin seul, ce qu’attendent particulièrement les adolescents d’une rencontre avec un médecin (11).
Encore faut-il que ces services répondent de manière adéquate à leurs besoins de santé réels. En effet, la mise en évidence des problèmes qui préoccupent les jeunes nécessite du temps pour établir la confiance; des qualités d’écoute et de contact avec les jeunes; une bonne connaissance de l’adolescence, pour être capable de mettre en évidence et de répondre aux difficultés que l’adolescent exprime souvent par des symptômes vagues ou trompeurs (5).
Le manque de temps, de coordination, de moyens, les contraintes liées à une approche encore trop bio-médicale et organique de la santé, les motivations variables des professionnels, peuvent être des obstacles à une approche réellement à l’écoute des besoins des jeunes.
De plus, certains besoins ou demandes des jeunes ne peuvent être couverts par l’offre des services de santé scolaire: c’est le cas par exemple lors d’une plainte somatique aiguë, lors d’une demande de prescription, lors d’une fragilité psychosociale particulière… situations face auxquelles le médecin scolaire ne peut, dans le cadre de ses compétences, que renvoyer le jeune vers le médecin traitant ou vers un spécialiste.
Même si les moyens limités des services de médecine scolaire ne peuvent actuellement pas permettre de mettre en place une réponse ou des actions de prévention individuelle réellement efficaces sur des problématiques généralement complexes, de nombreux intervenants, en Belgique, en France ou en Suisse, semblent soucieux d’optimaliser ce bref temps de rencontre, de tenter une ébauche de prise de conscience des jeunes sur leur mode de vie, d’informer ceux-ci sur les ressources existantes, de donner le «conseil minimal» vis-à-vis de certaines problématiques, d’orienter les jeunes vers des structures de prise en charge adéquates (5,7,10).
Dans ce cadre, l’utilisation d’un questionnaire peut s’avérer très utile, permettant:
-l’identification des problèmes de santé (physique, mentale, comportements de santé), l’évaluation du bien-être et des ressources des jeunes (informations, réseau social, recours aux soins…) et un dialogue avec eux à ce sujet;
-l’encouragement de modes de vie sains;
-l’orientation éventuelle vers un service adéquat.

Quelle utilité d’un questionnaire lors des bilans de santé avec les adolescents?

Bien conçu et formulé, un questionnaire permet de collecter des informations complètes sur l’état de santé du jeune; de préparer le temps consacré à la consultation; d’identifier rapidement d’éventuels problèmes psychosociaux et/ou comportementaux (santé perçue, qualité de vie, comportements de santé, connaissances).
De plus, selon Waelbroeck (12), les adolescents trouvent souvent plus facile de répondre par écrit à un questionnaire sur des sujets reconnus comme préoccupations habituelles à leur âge plutôt qu’en face à face, et le fait d’avoir vu certaines questions abordées dans le questionnaire peut faciliter l’abord de ces aspects lors de la consultation («c’est donc permis d’en parler?») (12).
Le questionnaire est un outil permettant d’améliorer le dialogue avec l’adolescent, et les conseils et informations donnés ont plus de sens et d’impact lorsqu’ils font écho aux questions exprimées par l’adolescent.

Recommandations pour l’utilisation d’un questionnaire dans le cadre des bilans de santé scolaire

Contenu-type d’un questionnaire

Il existe de nombreux questionnaires de santé s’adressant aux adolescents. Beaucoup, développés dans le cadre de recherches, sont longs et nécessitent un temps de passation trop important pour une utilisation pratique, en routine. D’autres se présentent sous forme d’échelles qui nécessitent de calculer des scores avant de pouvoir tirer des conclusions (par exemple, une échelle de qualité de vie), ce qui n’est pas faisable sur le terrain sans un équipement logistique sophistiqué et des compétences particulières (encodage, calcul de scores, traitement des questionnaires incomplets, interprétation des résultats…).
Ce type de questionnaire n’est pas adapté à une utilisation dans le cadre actuel de la médecine scolaire. Au contraire, il doit être simple et court pour être utilisable directement lors des bilans de santé auprès des jeunes. L’encadré ci-contre présente un exemple des catégories d’items utiles dans un questionnaire de santé pour adolescents employé en médecine scolaire.

Questionnaire de santé

Exemple de catégories d’items utiles dans un questionnaire de santé pour adolescents employé en médecine scolaire.
Composition de la famille et situation familiale
Environnement de vie
Santé (antécédents médicaux et chirurgicaux) et perception de la santé
Comportements de santé: activité physique, alimentation, tabagisme, recours aux soins
Bien-être et qualité de vie: bien-être général, en famille, à l’école, avec les amis, sur le plan affectif et/ou sexuel, loisirs
Ressources personnelles (confiance en soi), sociales (famille, école, amis), médicales
Valeurs importantes
Préoccupations de santé (exemples: alimentation, activité physique, déprime, contraception, tabac, stress, difficultés relationnelles, fatigue, troubles du sommeil, acné, avenir, etc.)

Quelques principes d’utilisation

Notre expérience nous amène à formuler quelques principes pour une utilisation optimale du questionnaire:
-le questionnaire est auto-administré avant la consultation;
-le médecin et/ou l’infirmière explique(nt) clairement son intérêt et l’objectif de son administration;
-l’élève est assuré d’avoir la possibilité de rencontrer un médecin pour discuter de ce qui le préoccupe;
-le questionnaire est anonyme;
-le questionnaire est facultatif;
-le questionnaire est confidentiel;
-le questionnaire est intégré au dossier médical;
-un suivi est possible lorsqu’un problème de santé le nécessite. Ce suivi engage l’ensemble de l’équipe médico-psycho-sociale, sous la responsabilité du médecin scolaire.

Interprétation des réponses au questionnaire

Nous observons dans nos pratiques que les données recueillies peuvent ne pas être tout à fait fiables, le jeune remettant généralement le questionnaire en main propre à l’infirmière, avant la visite médicale, ou directement au médecin. Il peut vouloir donner une image de lui-même qui ne reflète pas exactement ce qu’il vit ou ce qui le préoccupe.
L’absence de réponse ne signifie pas nécessairement l’absence de problème. «On sait par exemple que certaines personnes qui consomment des drogues ou qui sont dépressives ont tendance à nier ou à minimiser les symptômes. Inversement, une journée particulièrement stressante pour un jeune peut l’amener à amplifier tous ses symptômes médicaux ou psychosociaux» (1). Le questionnaire utilisé dans un tel contexte «de terrain» doit donc être interprété avec prudence.

Mise en garde éthique

L’administration d’un questionnaire de santé aux adolescents présuppose que d’éventuels problèmes seront dépistés. Ces problèmes devront impérativement pouvoir être entendus et pris en charge. Le choix de l’utilisation d’un questionnaire doit donc faire l’objet d’une concertation approfondie et d’une décision conjointe entre les intervenants médico-psycho-sociaux du service de santé scolaire étant donné les effets négatifs qui peuvent être induits.
En effet, tout questionnaire s’intéressant au bien-être et à la qualité de vie de jeunes en plein développement physique et psychoaffectif peut potentiellement induire un questionnement personnel inquiétant («rien ne va dans ma vie», «j’ai peur d’avoir le sida»…). Tous les adolescents doivent pouvoir être écoutés dans un cadre individuel défini (le bilan de santé scolaire ou la permanence médicale de l’école) par le médecin scolaire.
Selon Klaue et Michaud (5), «le dépistage se justifie dans tous les cas où il peut amener à une amélioration de l’état de santé et donc qu’il soit suivi d’un diagnostic et de traitements adéquats. Mais il a également une fonction de portail dans la mesure où il donne aux élèves l’occasion de s’informer, de questionner le (la) professionnel(le) de santé et de faire un bilan de santé. Il permet ainsi de déborder sur des domaines hors d’un cadre strictement bio-médical pour aborder des problématiques psychosociales. Responsabiliser les jeunes, être un interlocuteur de confiance des jeunes qui ne sauraient où s’adresser, peuvent constituer des effets positifs d’un dépistage.»

La question du suivi

Il est fondamental, si on utilise un outil qui permet d’identifier des problèmes de santé, de pouvoir leur offrir une réponse adaptée. La décision de cette réponse (sous forme d’information, de prévention, par référence vers un service spécialisé, etc.) est, dans notre système de santé scolaire belge actuel, sous la responsabilité du médecin qui idéalement, pendant ou après la visite médicale, en informe ou «délègue» à l’infirmière (puisque le médecin n’a pas la possibilité d’un suivi du jeune).
Il existe bien sûr une grande variété de «problèmes»: problème médical aigu, antécédents particuliers (maladie chronique, interruption volontaire de grossesse…), comportements «à risque» ou présence de facteurs de risque de certaines pathologies, dépendances (tabac, alcool, drogues…), problème de santé mentale, maltraitance, etc.
Le médecin seul ne peut pas répondre à tous ces types de problèmes. Il n’en a ni le temps ni la compétence. D’où l’importance du travail en équipe pluridisciplinaire, de la communication avec l’infirmière scolaire, et de l’orientation éventuelle vers des professionnels de santé spécialisés (médecins généralistes et spécialistes des adolescents) ou des structures préventives telles que les centres de planification familiale, de santé mentale, de guidance scolaire, etc.
De plus, étant donné que les adolescents apprécient tout particulièrement le fait de recevoir des informations écrites sur des questions de santé qui les préoccupent, il pourrait être utile d’organiser une distribution systématique de ce genre de documents dans les centres de santé scolaire. De nombreuses brochures sont d’ailleurs disponibles gratuitement via diverses organisations ou firmes sur des thèmes variés comme la contraception, la vaccination, les maladies sexuellement transmissibles, le sommeil, l’alimentation, etc. Certains sites internet d’informations relatives à la santé ciblant les jeunes ont également été développés et sont régulièrement évalués. Ils mériteraient également d’être mieux connus des équipes qui pourraient orienter les élèves vers cette source d’informations.

Conclusion

Les études relatives à la santé des jeunes montrent que ceux-ci sont généralement en bonne santé sur le plan physique, mais qu’ils reçoivent rarement une réponse à leurs préoccupations de santé, en particulier sur le plan de leurs comportements et de la sphère psychosociale. Ni les adolescents ni les médecins de médecine privée ne semblent à l’aise pour aborder ces sujets. Les bilans de santé scolaire pourraient être l’occasion d’une discussion au sujet de leur santé et de leur mode de vie, répondant, au moins en partie, à leurs besoins.
Dans ce cadre, l’utilisation d’un questionnaire administré préalablement à la visite médicale s’avère très utile. Il permet d’identifier les questions du jeune et sert de support à l’entretien, facilitant ainsi la communication. Son utilisation pourrait être généralisée, pour autant qu’un certains nombre de principes soient respectés (liberté du jeune de répondre ou non, anonymat, confidentialité, rencontre prévue avec un médecin, suivi par l’équipe, etc.).
Dr Florence Noirhomme-Renard , médecin scolaire et de santé publique, Professeur Alain Deccache , RESO-UCL
Adresse des auteurs: Université catholique de Louvain, Ecole de santé publique, Unité d’éducation pour la santé (UCL-RESO), Avenue Emmanuel Mounier, 5070, B-1200 Bruxelles, Belgique. Courriel: florenard@hotmail.com

1 Par exemple https://www.ciao.ch , https://www.filsantejeunes.com

Bibliographie

(1) Cowan PF, Morewitz SJ. Encouraging discussion of psychosocial issues at student health visits . J Am Coll Health 1995; 43(5):197-200.
(2) Frikha Jarraya M, Ben Abdelaziz A, Ghedira A, Ghannem H. Attentes des adolescents scolarisés à l’égard des services de santé scolaire ( Sfax , Tunisie ). Santé publique 2004; 16: 447-58.
(3) Hedberg VA, Klein JD, Andresen E. Health counseling in adolescent preventive visits : effectiveness , current practices , and quality measurement . J Adolesc Health 1998; 23(6):344-353.
(4) Hofer J. Enquête sur l’état actuel de la médecine scolaire . Prävention im Kindesalter: Bausteine zum gesetzlichen Fundament. Verlag Praxispädiatrie 1997; 32-51.
(5) Klaue K, Michaud P-A. Le médecin scolaire en questions : quel devrait être son rôle dans les dispositifs de santé scolaire ? Lausanne: Institut universitaire de médecine sociale et préventive, 2003 (Raisons de santé,88).
(6) Lambillotte A-C. Le médecin généraliste vu par les adolescents : résultats d’une enquête . Louvain Med 1998; 117: S339-46.
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(8) Narring F, Michaud P-A. Les adolescents et les soins ambulatoires : résultats d’une enquête nationale auprès des jeunes de 15 20 ans en Suisse . Arch Pédiatr 2000; 7: 25-33.
(9) Paulus D, Pestiaux D, Doumenc M. Teenagers and their family practitioner : matching between their reasons for encounter . Family Practice 2004; 21: 143-5.
(10) Renard F, Delpire S, Deccache A. Evaluer la santé des adolescents en médecine scolaire : la qualité de vie comme complément aux indicateurs cliniques . Arch Pédiatr 2004; 11: 1438-44.
(11) Rutishauser C, Esslinger A, Bond L, Sennhauser FH. Consultations with adolescents : the gap between their expectations and their experiences . Acta Paediatr 2003; 92(11):1322-6.
(12) Waelbroeck A. Communication avec les adolescents lors des consultations médicales . Rev Med Brux 2006, S 292-5.
(13) Zottos E, Santé , Jeunesse ! Histoire de la médecine scolaire à Genève : 1884 2004 . Service de Santé de la Jeunesse. La Criée, Genève, novembre 2004.

Un programme de prévention des violences à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme)

Le 30 Déc 20

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«On dit d’un fleuve emportant tout qu’il est violent, mais on ne dit jamais rien de la violence des rives qui l’enserrent» (Bertold Brecht)

Un contexte d’exception

Le programme de prévention des violences à destination des élèves du collège Albert Camus de Clermont Ferrand s’est inspiré du dispositif pédagogique Grain de sable conçu par l’ALC de Nice (1) et adapté par le Cadis-Crips Auvergne (2).
Le collège Albert Camus, situé dans les quartiers nord de la ville de Clermont Ferrand (quartiers Croix de Neyrat et Champratel), est caractérisé ZUS et ZEP/REP (3). Cet établissement est donc concerné par les dispositifs «Ambition réussite» pour l’Education Nationale et «Réussite éducative» pour la Politique de la Ville.
Une conjoncture favorable d’acteurs dynamiques et de partenariats fructueux a permis ce contexte d’exception:
-une équipe éducative très largement pluridisciplinaire: médico-sociale, conseiller principal d’éducation, professeurs d’éducation pour la santé, enseignants de SEGPA (section générale professionnelle adaptée) et du collège, coordonnateur ZEP, qui a mené en amont une réflexion sur les problèmes de violence amorcée au sein de l’établissement et en lien avec le quartier;
-une approche territoriale concertée;
-une forte culture partenariale locale pré-existante entre professionnels de l’éducation et acteurs sociaux.
Associée à un lien culturel et social permanent entre le collège et le quartier, elle a permis un étayage solide autour des jeunes et un maintien de la démarche dans la durée.
Enfin, une volonté forte du chef d’établissement a facilité la mise en place d’actions de formation des personnels.

La richesse pédagogique du programme

Son évolution et son adaptation, liées à un processus d’évaluation permanente, ont été, grâce à l’énergie créatrice des acteurs, sources d’enrichissement et d’innovations face au programme initial dispensé pendant la formation.

Le dispositif Grain de sable

Mis en place depuis 2001 sur la région Auvergne par l’association Cadis-Crips Auvergne, ce «Programme de prévention des violences faites aux jeunes» a été le point de départ de la mobilisation des acteurs pour agir.
Inspiré du programme Grain de sable conçu par le Service de Prévention et de Réadaptation Sociale (SPRS) de Nice, il repose sur l’idée que, dans la violence, chacun est appelé à être ou à devenir le grain de sable d’un engrenage qui le concerne lui-même ou quelqu’un de son entourage. Il devient ainsi une courroie de transmission dans la prévention de la violence.
Le programme met donc en jeu à la fois les jeunes (10-18 ans) mais aussi des adultes relais volontaires, des personnes ressources (éducateurs, animateurs de quartier, assistantes sociales, médecins, enseignants…) ainsi que les parents.
Cette notion de partenariat est fondamentale car elle invite toute une communauté à la réflexion et à la participation sur le thème de la prévention des violences.
La possibilité pour les jeunes d’être acteurs est un autre facteur essentiel, déterminé par un des objectifs principaux de ce projet, à savoir leur permettre d’adhérer en toute liberté à des règles de morale collectives en passant par une réflexion sur l’image de soi, la connaissance de l’autre et l’ouverture sur les différences.
Par l’intermédiaire d’un vidéogramme composé de différentes séquences mettant en scène des situations de violences subies ou agies (verbales, physiques et psychologiques), les jeunes sont amenés à repérer les différents champs de la violence, à identifier leurs droits et leurs devoirs, en proposant des alternatives positives aux protagonistes du film.
Le même vidéogramme est visionné par les adultes participant au projet.
Des questionnaires, distribués avant et après les séances, permettent d’évaluer l’impact de ces interventions et de proposer en concertation avec les jeunes la mise en place d’actions auprès de leurs pairs, soit dans leur quartier soit au sein de leur établissement scolaire.

La stratégie de formation

La mise en place de formations à l’utilisation de ce programme dispensées par les formateurs du Groupe Ressource Régional de Prévention en Auvergne et destinées aux personnels éducatifs, sanitaires et sociaux d’un même territoire, ainsi qu’aux parents désireux de concourir à ce projet, a permis de réunir tous les acteurs volontaires pour participer, grâce à cette culture commune, à un projet collectif concret de prévention.
Construite pour réfléchir ensemble aux mécanismes de la violence, ainsi qu’à nos propres représentations de ce phénomène, cette formation vise à favoriser la mise en place du dispositif Grain de sable après en avoir expérimenté l’utilisation au cours de la formation.
51 personnes du collège et du quartier ont ainsi été formées depuis 4 ans.
De cette synergie d’acteurs ont émané diverses actions de prévention déclinées pages suivantes et qui ont pu voir le jour au profit des populations de ce territoire.

Les interventions en milieu scolaire auprès des élèves de collège

Pour l’équipe de professionnels formés, après avoir élaboré ensemble leur projet, s’est très vite imposée la nécessité de réfléchir à des modalités spécifiques d’intervention qui s’inscrivent dans la durée, c’est-à-dire pendant les années «collège», de la classe de 6e à celle de 3e en veillant à adapter les interventions à chaque niveau de classe.
Objectifs de la première année
– Permettre aux jeunes d’identifier les différentes formes de violences et leur offrir un espace de parole et de réflexion sur ces questions, dans un climat de confiance et de confidentialité, en utilisant la cassette vidéo Grain de sable dans son intégralité.
– Leur permettre de repérer dans et hors du collège les adultes susceptibles d’être «relais» ou «ressources».
Les thèmes abordés sont plus spécifiquement ceux du racket, du rôle des amis, de l’approche de la sexualité.
Objectifs de la deuxième année
– Travailler avec les élèves sur leurs représentations de la violence à partir du photolangage Grain de sable , en leur proposant de choisir une photo qui exprime ou représente pour eux la violence.
– Leur faire prendre conscience de la diversité des opinions, des valeurs ou des croyances et les enjoindre à respecter ces différences.
– Orienter vers des adultes référents à contacter si nécessaire dans le collège et le quartier.
Les thèmes abordés sont le respect dans les relations garçons/filles, les relations parents/enfants, l’homosexualité.
Objectifs de la troisième année
-Amener les élèves à prendre conscience d’une situation de harcèlement grâce à un DVD, outil pédagogique réalisé par des enseignants de l’académie à partir de témoignages de jeunes victimes.
-Amener les victimes de harcèlement à réagir et demander de l’aide aux personnes ressources.
-Amener les élèves à se positionner face à cette situation.
Objectifs de la quatrième année
– Dans le cadre des séances d’animation sur l’éducation à la sexualité, sensibiliser les jeunes aux problèmes des violences sexuelles.
– Leur permettre d’identifier les personnes ressources susceptibles de les aider.

La mobilisation des acteurs

De tradition depuis 20 ans sur ce territoire, une forte culture partenariale a donné au projet une envergure inestimable en contribuant largement à son déploiement sur le territoire.
Par ailleurs, la volonté politique pour le développement local du territoire ainsi que la mise en place du dispositif de «Réussite éducative», associés au plan de prévention des violences de l’Education Nationale et au dispositif «Ambition Réussite», ont permis de légitimer et pérenniser l’action.
Parce qu’elle existait déjà et depuis longtemps, la multiplicité des partenaires (4) et leur diversité se sont manifestées dès le début du projet et ont joué en sa faveur, lui donnant une couleur particulière dans les jeux d’acteurs qui se mettent en scène dans un travail partenarial.

Le partenariat et les jeux d’acteurs

De cette expérience collective, plusieurs idées fortes se dégagent à propos du partenariat, confirmant le propos de Corinne Mérini sur la relation partenariale dont elle écrit fort justement que celle-ci se construit à la fois sur une idée d’association et d’opposition. «Autrement dit, s’il y a bien fait d’association dans le partenariat, ce n’est pas seulement sur la base de communautés, c’est aussi sur la base de différences existantes, ce qui nous permet de dire que la relation partenariale est paradoxale, interactive et évolutive parce que justement, elle s’organise autour du double aspect agir avec/contre l’autre (5).
Au delà de cet apparent paradoxe, le partenariat reste le fait de mettre en commun des moyens visant à réaliser un objectif commun, et ce, quel que soit le niveau d’implication de chacun, sa posture professionnelle ou ses compétences personnelles.
Enfin, que «le partenariat ne se décrète pas, il se construit peu à peu» reste une des idées fortes de cette aventure.

Les formations, un tremplin vers l’action

Grâce aux formations communes sur le thème de la prévention des violences, une dynamique de culture partagée entre le collège et le quartier s’est mise en place progressivement, dans un souci de cohérence des actions et d’harmonisation de l’outil Grain de sable , adapté aux différents âges et catégories de publics.

La créativité sur le plan méthodologique

Un comité de pilotage actif dans le suivi du projet, une coordination multipolaire efficace, des temps de formation continue, un conseil méthodologique pertinent de l’association Cadis Crips Auvergne, autant d’éléments logistiques qui ont favorisé un véritable creuset d’idées innovantes.
Le comité de pilotage, composé dés le début du projet par des partenaires scolaires et hors école évoqués plus haut, s’est révélé très actif tout au long du projet, maintenant un niveau de réflexion permanente doublé d’un regard critique et constructif à toutes ses étapes, se réunissant régulièrement pendant 4 ans afin d’adapter et moduler son évolution en fonction des différentes évaluations et de proposer des réajustements ou des innovations pour enrichir le programme d’actions.
Une coordination multipolaire efficace, incarnée par le coordinateur ZEP et l’infirmière du collège, a favorisé l’homogénéisation du travail collectif grâce à l’efficacité de leur rôle d’interface entre les différents acteurs, exigeant souplesse et diplomatie dans le suivi du projet.
Un des rôles spécifiques du coordinateur ZEP a été de veiller à ce que ce partenariat soit conforme, à travers tous les axes du projet, aux exigences pédagogiques de l’école et du collège.
Des temps de formation continue se sont avérés indispensables pour approfondir la réflexion sur la compréhension des mécanismes de la violence ou le fonctionnement d’un réseau. Parallèlement, ces temps de travail en commun furent nécessaires pour tisser des liens réguliers avec les acteurs mais surtout renforcer la cohésion de ce groupe dont les membres, dispersés au quotidien dans leurs actions et structures spécifiques, ressentaient le besoin de se retrouver pour échanger sur leurs pratiques et envisager ensemble les perspectives de l’action.
Enfin, la participation de l’association Cadis-Crips Auvergne tout au long du pilotage de l’action s’est concrétisée par la mise à disposition d’une conseillère en méthodologie, ayant un regard extérieur distancié très pertinent tant dans l’analyse et l’évaluation des besoins en formation que dans des propositions concrètes pour l’avancée du projet.

La contribution d’artistes compétents dans les domaines du conte et du théâtre

Depuis l’année 2003, divers partenaires artistiques ont contribué à ce que l’action Grain de sable puisse s’exprimer différemment, notamment par la technique du conte.

Quelle fonction pour le conte?

Il ressort de l’analyse des intervenants extérieurs et de la réflexion des partenaires plusieurs constats intéressants à prendre en compte.
Espace de réflexion et de paroles pour le jeune, l’effet de médiation opéré par le conte permet de verbaliser des situations difficiles qu’il peut vivre (oppression sexuelle, racket…) grâce à la prise de parole et à l’écriture.
Ces situations difficiles entraînent chez lui une impression de flou: il ne sait plus expliciter le monde extérieur, ni prendre du recul, il subit sans se défendre, sa personnalité est éclatée. Il est trois personnes à la fois: celle de l’école, celle de la famille, celle de la bande… avec des règles propres à chaque milieu et souvent paradoxales.
En effet, parce que la hiérarchisation des valeurs sous-tendues par ces règles ne se décline pas de la même manière, elle engendre des conflits de valeurs intolérables pour l’individu: les règles «viriles» de la bande se confrontent et s’affrontent à celles du règlement intérieur de l’école ou celles (parfois défaillantes) de la famille.
Souvent à la fois auteurs et victimes, ces jeunes subissent et reproduisent la violence qui est alors leur seul moyen de s’exprimer, en l’absence de verbalisation. Il est donc souhaitable de favoriser la mise en place d’instances de médiation car «le vide» contribue à l’expression de la violence.
Le conte, parce qu’il est intemporel, a un effet de résonance sur des situations vécues et de catharsis par la prise de conscience puis l’accès au langage pour résoudre les conflits. C’est une sphère transitionnelle qui permet au jeune de se construire malgré ses «stigmates» et dans laquelle le travail de l’adulte, éducateur, conteur ou psychologue devient celui d’un «passeur».
Le «conte en fête»
A l’initiative de la Maison de quartier de Croix de Neyrat, la participation à la manifestation du «Conte en fête», fruit du travail expérimenté avec les jeunes scolaires, reflète bien l’intérêt de la dynamique du conte dans l’approche de la prévention des violences. Cette manifestation s’est ancrée sur ce territoire avec le souci de valoriser le quartier par un évènement culturel de qualité.
Il faut rappeler ici combien l’image de leur quartier est importante pour les familles et les élèves. Ces élèves ont été particulièrement bénéficiaires du dispositif, tandis que les parents ont parfois été absents ou se sentaient peu concernés, du moins au début.
C’est grâce à un travail de fourmi des éducateurs, des conteurs, des associations, des professionnels de la CAF que, progressivement, l’implication des familles locales et l’ouverture à des publics extérieurs au quartier ont été possibles.
Cette démarche depuis longtemps acquise qui est de concerner les gens, de les faire sortir et réfléchir en groupes, de dialoguer, d’assister à ce qui est proposé à leurs enfants, a facilité la mobilisation de ces publics sur des thèmes comme celui de la prévention des violences. C’est ce qui fut réalisé avec les groupes de femmes et de parents, avec les éducateurs, les parents d’élèves.
L’exemple du CLISMA (Comité de Liaison Interservice Migrants) qui a conduit une expérience originale avec des adultes «primo-arrivants» illustre bien ce «savoir-faire»: à partir d’un conte, ces femmes et ces hommes purent témoigner artistiquement de leur détresse humaine vécue dans la guerre et la migration.
C’est pour cela que notre travail s’est aussi bien greffé, il a touché cette sphère d’expression vindicative, unique et fragile, autochtone.
Dans le concert des nations existant dans ce quartier (24 nationalités au collège), toute la difficulté dans ces problématiques est celle de l’appropriation des moyens institutionnels par les différentes communautés pour construire ensemble un «modus vivendi». Se positionner face à l’Etat de droit, à la loi des quartiers pour ensuite éventuellement aborder la curiosité culturelle mutuelle.
Cela implique un travail institutionnel incessant et discret: alors la voix des politiques culturelles, celles de la ville, de l’Etat ou des institutions est acceptable et on assiste à une véritable acculturation! Sinon ce n’est qu’un programme de plus et si les parents ne se l’approprient pas, alors les élèves… C’est parce que nous avions ce socle de travail constitué depuis 20 ans que la greffe a pu se faire et que cela a pu fonctionner efficacement.

La multiplicité des acteurs du quartier

La voix de la Ville: les maisons de quartier et les élus présents dans les CA des écoles et associations.
La voix de l’Etat: l’école au sens large et ses politiques actuelles d’ambition réussite et de politique éducative.
La Préfecture grâce aux financements des actions mais avec des contraintes particulières.
Les organismes HLM et leurs bailleurs travaillant dans un sens de pluralité sociale et de la «Pax Civitae».
Les centres sociaux des Caisses d’Allocations Familiales par leur activité en lien avec la famille qui ont permis un travail de réseau en finesse.
Les associations de soutien scolaire, particulièrement denses et dynamiques qui veulent encore croire à l’ascenseur social!
Un tissu exceptionnel d’associations dans le quartier Croix de Neyrat, indiquant par là-même une situation historique: en effet, ce qui existe ici n’est pas vrai dans les autres quartiers, ce tissu dense d’associations est bien sûr spécifique à sa composition humaine bariolée mais pas seulement! Longtemps il y a fait bon vivre: il y avait une mobilité plus réduite, un cru euphorique des bonnes années qui a engendré une dynamique contagieuse de création et d’enracinement mis à mal actuellement par le retrait de l’Etat.
A l’intérieur du collège, dans le cadre du dispositif de réussite éducative, une «cellule d’écoute» pour les élèves sanctionnés d’exclusion à la suite d’actes répréhensibles a été mise en place par des personnels formés au programme.
Cette cellule permet au jeune d’être reçu à son retour au collège par deux adultes volontaires pour analyser avec lui cette exclusion, comment il l’a vécue et surtout l’aider à discerner que seul son acte est répréhensible et sanctionné et non sa personne en totalité.
Au niveau du quartier, en 2005/2006, ce rayonnement s’est traduit par des effets «rebond» intéressants: le plus imprévu et le plus original a été l’implication d’une école primaire du quartier, d’autant plus attentive à ce programme de prévention des violences qui se déroulait sur son territoire qu’elle était vivement concernée par l’aggravation de faits de violences à l’intérieur et aux abords de l’école.
Convaincus de l’intérêt d’un tel programme, le coordinateur ZEP et l’inspectrice départementale de l’académie ont proposé à l’équipe éducative de cette école de participer dans un premier temps à la formation Grain de sable dispensée par le Cadis-Crips Auvergne et d’élaborer, dans un second temps, un projet d’école adapté à l’âge et à la maturité des enfants de primaire.
Là encore, la créativité n’a pas fait défaut puisque ce nouveau projet a donné naissance à la création d’un outil pédagogique (un DVD) de prévention des violences destiné aux enseignants. Elaboré en partenariat avec l’Inspection Académique, la Compagnie des Voleurs de Poule (compagnie de théâtre locale) et le Cadis-Crips Auvergne, ce DVD a été réalisé à partir de scénarios originaux écrits et joués par des élèves de CM1/CM2.
Un tel travail n’aurait pu se faire sans la patience et la persévérance de leur institutrice qui a encadré efficacement ses élèves pour mener à bien le projet. Quant à l’association artistique qui a filmé et produit cet outil, elle a su s’adapter au contexte scolaire, proposer des choix innovants d’interprétation pour ces jeunes acteurs, facilitant ainsi une création originale dont nous espérons qu’un financement prochain prendra en charge sa diffusion régionale, voire nationale (6). Un guide pédagogique est en cours de validation et devrait servir de support pour l’utilisation du DVD au cours de formations destinées aux professeurs des écoles, soucieux de prévention.

Les perspectives

L’impact d’un tel programme paraît difficile à mesurer dans sa globalité surtout lorsqu’il est question de prévention dont les effets, en l’absence de «développement durable», s’estompent au cours du temps si rien n’est fait pour qu’il perdure. D’autre part, le thème de la violence est nécessairement lié à des difficultés sociales et environnementales, prégnantes et récurrentes, qui nécessiteraient de plus larges investissements.
Pour autant, si la stabilisation voire la diminution des actes de violence au sein de l’établissement peuvent être considérés comme des résultats intéressants à prendre en compte pour l’évaluation de ce programme, ils ne reflètent que partiellement et imparfaitement la qualité et la pertinence de ses enjeux.
En effet, de l’avis de l’ensemble des acteurs partenaires, les éléments suivants exprimés par l’équipe du collège, témoignent de la dynamique mise en place à maintenir dans l’avenir:
-un vrai travail de réseau est né autour de thématiques élargies;
-une culture commune partagée pour un «mieux vivre ensemble»;
-un climat plus serein est possible;
-la parole pour lutter contre la violence est un enjeu à privilégier!
La prévention inscrite dans la durée est, semble-t-il, un atout majeur dans la réduction des problèmes de violence.
Enfin, du côté des jeunes qui ont bénéficié de cette expérience au sein du collège, une évaluation par questionnaire a été menée auprès d’élèves de 3e ayant suivi ce programme durant leurs 4 années de collèges. Il en ressort plusieurs constats, parfois controversés, qui méritent d’être soulignés et intégrés à une réflexion plus large sur la prévention.
Concernant les moyens pédagogiques, il faut privilégier les supports vidéos pour renforcer les messages de prévention tout en permettant à ces jeunes publics d’être acteurs au cours des séances. En effet, l’image reste largement plébiscitée pour susciter des échanges entre eux et avec les adultes.
Sur le thème de la violence, si le type de violence repérée le plus souvent, comme les insultes ou les moqueries, semble prédominante pour eux et préoccupante pour les adultes, le racket reste un phénomène tabou difficile à lever et donc à aborder au cours des débats.
L’accompagnement des élèves grâce à ce programme, soit par leurs pairs soit par les adultes ressources, a été bénéfique pour un bon tiers d’entre eux.

En conclusion, le fait de synergie reste le point fort et durable de cette aventure. Il démontre une fois de plus que la cohérence d’un dispositif n’est efficiente que par les actions de proximité et la conviction de tous d’adhérer aux mêmes valeurs, en oubliant à un moment leurs propres missions pour adhérer à l’intérêt commun et au sens donné au projet.
Néanmoins, le talent de transmission des valeurs, s’il nous a incombé et uni ou fait réfléchir, ne peut omettre d’accepter avec humilité qu’un jeune sera ou non sensibilisé: car sa propre liberté est là, son désir du moment, comme un obstacle à sa capture, il nous échappe et nous rend perplexes quelquefois quant à l’impact de ‘masse’ d’un projet!
«Aurions-nous adouci les rives?» commente le coordinateur du projet… « Si c’était cela ce serait déjà énorme ! En aucun cas nous ne pourrons empêcher le fleuve de couler mais si d’impétueux il était devenu simplement impérieux ou assagi , alors nous aurions gagné
Elisabeth Stollsteiner , chargée de projet formation en éducation pour la santé à APS (Auvergne Promotion Santé)
Adresse de l’auteur: Auvergne Promotion Santé, 66 rue des Courtiaux, 63000 Clermont Ferrand. Tél.: 33 (0) 4 73 91 96 67. Courriel: e.stollsteiner@orange.fr (1) Accompagnement, Lieu d’Accueil
(2) CADIS: Centre d’Accueil, de Documentation, d’Information et de formation du Sida – CRIPS: Centre Régional d’Information Prévention Sida, association régionale et locale de prévention du sida en Auvergne.
(3) ZUS: Zone Urbaine Sensible, ZEP/REP: Zone d’Education Prioritaire/Réseau d’Education Prioritaire.
(4) CLISMA (Comité de liaison interservice migrants), CAF (Caisse d’allocations familiales), CLCV (association de quartier pour la Consommation, le logement et le Cadre de Vie), Maison de quartier, école Philippe Arbos, FCPE (Fédération des parents d’élèves), PARQU’Adsea (Prévention Action Rue et Quartier/Association départementale pour la Sauvegarde de l’Enfance et de l’Adolescence 63 (département du Puy-de-Dôme).
(5) Corinne Mérini, Le partenariat en formation, de la modélisation à l’application, L’Harmattan, 1999.
(6) A l’heure où paraît cet article, il n’y a pas encore de financement pour la diffusion de ces outils et la formation autour de ceux-ci. Avis aux généreux mécènes… (ndlr)

Contre le sida, persister et innover

Le 30 Déc 20

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Faut-il penser que tout a été essayé contre le sida? Qu’il faut s’incliner devant les échecs? Et se reposer sur nos lauriers, là où nous enregistrons des succès? Voyons quelques exemples de ces deux cas.

Le traitement

Les chercheurs sont talonnés par la nécessité de trouver toujours de nouveaux médicaments contre le virus devenu résistant aux traitements précédents, et témoignent de beaucoup d’imagination. Evoquons seulement une récente tentative. Les médicaments employés jusqu’ici diminuent la réplication du VIH lorsqu’il est déjà entré dans la cellule, et on réussit à réduire cette multiplication de façon très importante. Mais dès sa pénétration dans la cellule, le VIH est allé intégrer ses gènes dans un chromosome de la cellule hôte, le lymphocyte. Celui-ci désormais va transmettre le génome viral à ses cellules filles, et ceci à l’abri des médicaments.
Les traitements actuels s’adressent donc à un fait accompli, un virus déjà installé. Une nouvelle offensive médicale essaiera de prendre l’infection virale à sa source, en empêchant le VIH d’entrer dans les lymphocytes. Pour cela on essaie des molécules qui vont se lier à la membrane cellulaire, juste à la «porte» qu’emploie le virus pour entrer, porte que l’on appelle récepteur . Le plus fréquent est le CCR5, en Europe, et le CXR4, en Afrique.
Mais à quoi sert donc le récepteur au VIH, dans la vie de tous les jours? Il n’a pas été «créé» chez l’homme pour accueillir, un jour, tel virus particulier. Il doit avoir une fonction et l’on pourrait donc craindre que le recouvrir d’un médicament ait des effets néfastes sur notre organisme. Pourtant, les premiers essais cliniques de drogues se liant au CCR5 n’ont pas entraîné d’effet toxique. Il est vrai qu’aux doses employées, le médicament ne supprime pas totalement l’infection virale. Si les molécules touchent un lymphocyte sur dix, cela peut déjà réduire l’entrée virale de manière importante, tandis que 90% de ces lymphocytes peuvent continuer à faire leur boulot.

Le VIH, de la mère à l’enfant

Aujourd’hui que le pronostic du sida est meilleur, bien des femmes atteintes expriment avec détermination leur désir de grossesse. Mais le virus persiste en elles. Pour diminuer les risques de contamination du bébé, une première mesure visa à diminuer le temps écoulé entre la rupture de la poche des eaux et la naissance. Car c’est au cours du passage dans le vagin que le nouveau-né se sera infecté. Certes, la césarienne se présentait comme la solution de choix, dans les circonstances où cela était possible, mais une césarienne classique comportait un contact important du nouveau-né avec le sang de la mère infectée. Ceci incita à mettre au point une technique, appelée «césarienne exsangue», qui minimise le saignement.
Ce comportement médical est applicable seulement dans des situations privilégiées. Il est plus aisé de généraliser des médicaments chez la future mère et chez l’enfant.
Après l’accouchement, le traitement est interrompu chez la mère, sauf indication clinique. Il reste pourtant le risque que le lait maternel, riche en virus, contamine l’enfant. Le bébé peut parfois boire le lait de sa mère infectée sans se contaminer. Et puis, tardivement, lors d’allaitements prolongés, le bébé de 9 à 10 mois s’infecte. Il semble que la teneur du lait en virus augmente avec le temps. Aussi, pour les pays pauvres, divers schémas ont-ils été successivement proposés:
– une dose unique de médicament chez l’enfant à la naissance, puis allaitement libre, avec pour conséquence 11% de bébés contaminés par le VIH;
– puis, traitement de l’enfant jusqu’à l’âge de 14 semaines et allaitement libre: 5% d’enfants contaminés;
– c’était encore trop! Devant cet «entêtement» du lait maternel à contaminer, on reporta l’allaitement jusqu’au 3e mois;
– mais aujourd’hui, jugeant ce schéma encore imparfait, on étend l’allaitement complet jusqu’à 6 mois, suivi d’une diminution progressive du lait maternel avec compensation par aliments «propres» dilués dans de l’eau bouillie.
Est-il besoin de dire que, dans les pays favorisés, on déconseille radicalement l’allaitement par la mère contaminée? Il faut compenser ceci par une propagande auprès des jeunes mères saines, pour le don de leur lait s’il est en excédent.

La protection intra-vaginale

L’application dans le vagin, avant le rapport sexuel, d’une crème contenant un produit microbicide, vise à protéger la femme contre la contamination par le sperme. En outre, si c’est la femme qui est infectée par le VIH, la molécule anti VIH présente dans le vagin protégera l’homme contre l’infection.
Au fil des années d’essais, ce beau rêve paraît s’évaporer en fumée. Il faut bien se rendre à l’évidence: les molécules qui inactivent le VIH, au laboratoire, dans un tube à essai, ont un faible effet dans le milieu vaginal. En outre, les souches virales empruntant le récepteur CCR5 se sont révélées moins sensibles aux microbicides que celles utilisant le CCR4. Or, c’est par le CCR5 que le VIH pénètre au travers de la muqueuse vaginale… Pire: certains de ces produits se révélèrent irritants pour cette muqueuse, augmentant ainsi les risques de contamination.
Malgré les résultats peu encourageants, des femmes ont employé régulièrement un microbicide intra-vaginal, et, pour faire face à toute éventualité, recouraient à une application tous les matins «au cas où». Mais, si l’occasion se présentait l’après-midi, l’action faible du microbicide se trouvait diluée avec le temps. Tenaces, certaines femmes expérimentent maintenant l’application d’un anneau imprégné du microbicide et qui le diffuse progressivement.
Devant les progrès du traitement de l’infection sidéenne, le projet s’installe de préparer des onguents intra-vaginaux qui contiennent, non plus un produit chimique peu spécifique, mais bien l’un des médicaments anti VIH qui se montrent si efficaces pour traiter les malades. Les premiers essais ont été effectués chez des couples de singes, dont le mâle, infecté, produisait beaucoup de virus. La femelle macaque était traitée par voie vaginale avant de rencontrer son partenaire.
A ce stade des recherches, on peut déjà émettre une mise en garde. Les sujets infectés et déjà traités, peuvent porter du VIH résistant. Le sperme de l’homme peut alors envoyer du virus résistant dans le vagin et, narguant le médicament de l’onguent, envoyer directement du virus résistant à la femme. Si c’est elle qui est infectée, et déjà porteuse de virus résistants, elle laisserait passer ceux-ci vers le sperme.

Le vaccin

On peut comprendre que la personne infectée par le VIH se défende mal contre l’infection – puisque ce virus investit justement les lymphocytes CD 4, qui jouent un rôle clef dans nos défenses.
Mais vacciner un sujet sain, pourquoi est-ce si difficile? On en est arrivé, aujourd’hui, après tant d’échecs, à miser sur les médicaments pour freiner l’épidémie. En effet, chez les sujets traités, la quantité de virus a beaucoup diminué, dans le sang, dans le sperme et dans le vagin. En outre, quand des mutants résistants aux médicaments se développent, ils sont faibles, moins contagieux…

La circoncision

Cette coutume d’hygiène est vieille comme le monde, et limite le transfert des infections par relation sexuelle. Elle expliquerait pourquoi le Maghreb est peu envahi par l’épidémie de sida, de même que certains pays musulmans d’Afrique subsaharienne, et Israël. Une protection particulière à l’égard du sida serait due au fait que les cellules de Langerhans, présentes dans la muqueuse du prépuce, multiplient le VIH. Trois essais cliniques, en Afrique, ont concerné des hommes «volages» aux relations multiples, sans préservatif. Chez eux, on pratiqua la circoncision dans la moitié des cas. On pouvait craindre que le groupe des circoncis, potentiellement protégés, s’en donne à cœur joie dans les comportements à risque, tandis que l’autre groupe témoin, auquel il était difficile de cacher que leur prépuce était intact, auraient pris plus de précautions. Malgré ce biais potentiel, en défaveur d’un effet bénéfique de la circoncision, l’influence protectrice de la circoncision se révéla flagrante: au cours des quelques années suivant l’intervention, les infections par VIH furent deux à trois fois moindres dans le groupe des circoncis. Une diminution qui peut freiner l’épidémie.
La circoncision ne supprime pas totalement le risque d’infection par VIH et ne dispense donc pas d’utiliser le préservatif. Mais elle serait un allié efficace contre la propagation de l’épidémie.

Ne pas oublier la ‘bonne vieille’ prévention

Neuf personnalités mondiales, interrogées sur les priorités actuelles dans la lutte contre le sida, ont répondu par un ou plusieurs souhaits:
– vient encore en tête, prolonger la recherche de nouveaux médicaments;
– puis, ex aequo, viser à modifier des comportements de la société et organiser des campagnes de circoncision;
– enfin, également ex aequo, et malgré les échecs cuisants, s’entêter dans les recherches sur des produits antiviraux en application intra-vaginale, et sur des vaccins.
On peut regretter que, parmi ces efforts médicaux têtus et inventifs, le comportement des amoureux se trouve enfoui, comme une simple approche parmi d’autres. Sur ce point, le thème habituel insiste sur la précaution que chacun doit prendre pour se protéger contre le risque apporté par l’autre. Et l’on ose à peine demander l’inverse: veiller à ne pas contaminer son prochain.

Solidarité et exclusion

Traditionnellement, la Journée mondiale de lutte contre le sida du 1er décembre est l’occasion de mettre la maladie à l’avant-plan en axant les messages sur la solidarité avec les malades et la lutte contre l’exclusion dont ils peuvent être victimes, ici comme ailleurs. Cette année ne faillit pas à la règle, puisque la Plate-forme prévention sida reprend la campagne de l’an dernier, qui faisait appel à des personnalités francophones connues pour porter le message.
Vous vous souvenez peut-être que les spots TV mettaient en scène deux chanteurs, Maurane et Jeff Bodart. On comprendra aisément que seul le spot ‘Maurane’ (qui était à notre avis le meilleur des deux) passera cette année…
Plate-forme prévention sida, rue Jourdan 151, 1060 Bruxelles. Tél.: 02 733 72 99. Fax: 02 646 89 68. Courriel: info@preventionsida.org. Internet: https://www.preventionsida.org .

Prenons un exemple concret: dans certains pays d’Afrique, il est d’usage pour une jeune d’entamer une relation avec un protecteur aîné. C’est, du point de vue de l’épidémiologiste, l’une des pires pratiques: dans de telles relations, l’adolescente va chercher le virus chez cet aîné et le ramène dans sa tranche d’âge, lorsqu’elle tombe amoureuse d’un copain. Dans ces pays, les campagnes «Aimez donc les jeunes gens de votre âge», où le garçon était très attirant, auraient eu une influence positive. Mais pourquoi ne pas responsabiliser aussi le partenaire âgé qui apporte le risque? Chez nous, ne pourrait-on s’adresser au partenaire volage pour qu’il assume ses responsabilités? Dans l’attitude envers le sida, il n’y a pas que la peur de l’autre mais aussi la peur de contaminer l’autre. Une façon de faire converger les deux serait de mieux lier connaissance avant la relation sexuelle. Le slogan « Le sida , parlons en » est source de si jolies images…
Lise Thiry

Offrir un accès universel au traitement

A la XVIIe Conférence internationale sur le sida à Mexico, au mois d’août dernier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a lancé une publication sur les interventions prioritaires visant à aider les pays à revenu faible ou intermédiaire à se rapprocher de l’accès universel à la prévention, au traitement, aux soins et au soutien concernant le VIH/sida.
Les Interventions prioritaires liées au VIH/sida dans le secteur de la santé : prévention , traitement et soins regroupent les interventions prioritaires recommandées par l’OMS pour le secteur de la santé. Les informations fournies vont de la procédure à suivre pour élargir les programmes de préservatifs, aux dernières recommandations, normes et directives thérapeutiques. La publication doit constituer un document «évolutif» qui sera mis à jour périodiquement avec l’adjonction de nouvelles recommandations fondées sur l’expérience toujours plus riche du secteur de la santé en matière d’interventions.
Comme l’a souligné le Dr Kevin M. De Cock , Directeur du Département VIH/sida à l’OMS, « Ce document répond à un besoin que les pays éprouvent depuis longtemps . Les meilleures recommandations de l’OMS sur les mesures mondiales à prendre par le secteur de la santé se retrouvent ainsi regroupées au même endroit
L’OMS a réuni l’ensemble afin de promouvoir l’utilisation la plus efficace des recommandations existantes spécifiquement destinées à des situations où les ressources sont limitées. D’après les auteurs, les pays pourront ainsi tenir d’ici 2010 l’engagement qu’ils ont pris il y a deux ans à la réunion de l’Assemblée générale des Nations Unies sur le sida concernant l’accès universel à la prévention, au traitement, aux soins et au soutien.
Les Interventions prioritaires visent à:
-décrire les interventions prioritaires du secteur de la santé concernant le VIH/sida qui sont nécessaires pour assurer l’accès universel à la prévention, au traitement et aux soins;
-guider la sélection des interventions pour la prévention, le traitement et les soins et faciliter l’établissement d’un ordre de priorités;
-orienter les lecteurs vers des ressources et des références de l’OMS contenant les meilleures informations disponibles sur l’action du secteur de la santé face au VIH/sida.
L’extension du traitement contre le VIH dans les pays les plus pauvres de la planète renforce sensiblement le secteur de la santé de différentes manières, par exemple par la mise en place et l’extension de l’infrastructure, notamment des laboratoires et des centres de soins, un meilleur personnel de santé, des systèmes d’achat et de gestion des stocks plus efficaces et un financement durable.
L’OMS lance dans un premier temps le document sur cédérom, mais il sera disponible dans plusieurs formats, notamment sur support imprimé et sur internet. L’intention est de permettre aux partenaires d’échanger entre eux leurs informations et de faire profiter le secteur de la santé de leur expérience face au VIH/sida.
Pour plus de renseignements, consulter le site du Département VIH/sida de l’OMS à l’adresse https://www.who.int/hiv .
Communiqué de presse OMS/25, 5 août 2008

La médiation hospitalière. Pour une meilleur communication entre patients et médecins

Le 30 Déc 20

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Encore mal connue par bon nombre de patients et de médecins, la médiation hospitalière a été mise en place, en 2003, suite à la loi relative aux droits du patient. Le médiateur intervient pour améliorer la communication et aider au règlement de conflits qui peuvent surgir dans la relation, pas toujours évidente, entre le patient et le médecin.
La médiation hospitalière est apparue dans le paysage juridique avec la loi relative aux droits du patient du 22 août 2002. Afin de garantir le respect de ces droits, le législateur a institué la médiation hospitalière qui est d’application depuis le 1er novembre 2003. Depuis, chaque hôpital doit organiser une fonction de médiation en son sein et informer les patients sur la possibilité de faire appel à un médiateur hospitalier. Le recours à la médiation est gratuit pour les patients. Le médiateur fonctionne en toute indépendance par rapport aux hôpitaux. Il est tenu de respecter le secret professionnel et de traiter les dossiers de manière neutre et impartiale.
L’organisation de la médiation en milieu hospitalier s’est opérée de façon spécifique au sein des hôpitaux généraux et des hôpitaux psychiatriques. Au niveau des hôpitaux généraux, le médiateur est soit un membre du personnel de l’institution, soit une personne extérieure à la structure de soins. Dans ce dernier cas, la fonction de médiation est organisée en commun pour plusieurs hôpitaux sur la base d’un accord de collaboration écrit entre les hôpitaux concernés. Il apparaît aujourd’hui que les médiateurs hospitaliers sont majoritairement des membres du personnel des institutions hospitalières. En ce qui concerne les hôpitaux psychiatriques, la médiation est généralement exercée par les médiateurs des plates-formes de concertation en santé mentale.

Information insuffisante

Selon une étude menée par le Centre de recherche et d’information des organisations de consommateurs (CRIOC), ainsi que l’Union nationale des mutualités socialistes (UNMS), et avec le soutien de la Fondation Roi Baudouin, les patients sont peu informés de leurs droits. La plupart d’entre eux ignorent l’existence des services de médiation au sein des hôpitaux. Les patients ayant rencontré des problèmes et qui en ont fait part à des représentants de l’institution hospitalière n’ont que très rarement été informés de la possibilité de recourir aux services d’un médiateur. Les patients se disent aussi très dubitatifs quant à l’efficacité de ces services qui ne seraient pas, selon eux, suffisamment indépendants de la structure hospitalière.

Communication défaillante

Il existe, par ailleurs, un réel problème de communication entre patients et personnel soignant. « Les conflits entre le patient et le corps médical sont fréquents dans le milieu hospitalier , confirme Colette Jacob , médiatrice hospitalière et conseillère en gestion hospitalière auprès de l’Association francophone d’institutions de santé (AFIS). Contrairement à ce que l’on pourrait croire , ces conflits ne naissent pas , la plupart du temps , suite à des erreurs médicales ou à des aléas thérapeutiques . Ils sont principalement liés à la qualité de la prise en charge du patient , un domaine dans lequel la communication entre le patient et le personnel soignant a toute son importance

Des perceptions différentes

Ces problèmes de communication s’expliquent par le fait que patients et médecins, s’ils se côtoient au sein d’un même cadre de soins, sont confrontés à des réalités différentes, propices à la naissance de malentendus. « L’hôpital est un lieu très particulier où les médecins et le personnel infirmier ont pour principale mission de soigner les patients , explique Colette Jacob. Les médecins prescrivent et donnent les soins qui leur semblent les plus adaptés à l’état des patients , et cela dans le cadre de l’obligation des moyens qu’ils sont tenus de respecter . Mais ils informent leurs patients sans toujours s’assurer de savoir si ceux ci comprennent bien leurs messages
Il faut ajouter à cela d’autres caractéristiques liées au cadre hospitalier: le travail en équipe du personnel infirmier et médical est considéré comme un schéma de travail des plus compliqués. D’autre part, la fatigue et les situations de stress auxquelles sont régulièrement soumis les médecins et les soignants ont un impact sur le temps qu’ils consacrent aux patients. « De leur côté , les patients qui se trouvent en état de faiblesse , sont souvent inquiets et se sentent vulnérables . Ils ont besoin que leur souffrance soit entendue et attendent des attentions qu’ils ne reçoivent pas nécessairement , car le personnel hospitalier n’est pas toujours en mesure d’entendre cette souffrance .» Il n’est donc pas étonnant que les attentes et les perceptions venant de deux horizons aussi différents puissent provoquer incompréhension et malentendus.

Du malentendu au conflit

Les problèmes liés à la santé ne sont pas comparables à des problèmes qui surgissent dans des entreprises telles que les sociétés de transport en commun ou les télécommunications. « Lorsqu’une personne est touchée par un problème de santé , elle peut perdre un certain nombre de repères , ainsi que son bon sens et éprouver des difficultés à faire la part des choses entre son point de vue et celui des personnes qui la soignent .» Les patients se trouvent en général en situation de dépendance par rapport au corps médical et, se sentant trompés alors qu’ils sont en état de faiblesse, ont tendance à développer des stratégies conflictuelles impliquant immédiatement la direction ou une instance officielle (comme l’Ordre des médecins), ce qui rend difficile toute conciliation. « Les malentendus , s’ils ne sont pas clarifiés peuvent provoquer toute une série de quiproquos qui , montés en épingle , vont parfois jusqu’au conflit et au dépôt d’une plainte de la part du patient .» C’est pourquoi, la médiation devrait intervenir très rapidement, avant même que le conflit n’atteigne un stade irréversible. D’où la nécessité d’une meilleure connaissance des services de médiation.

Les droits du patient…

La loi relative aux droits du patient du 22 août 2002 s’applique aux rapports juridiques entre un praticien professionnel et un patient dans le domaine des soins de santé. Cette loi précise:
-le droit au libre choix du praticien professionnel et le droit de modifier son choix;
-le droit à des prestations de soins de qualité;
-le droit à l’information sur son état de santé;
-le droit au consentement libre et éclairé à toute intervention du praticien moyennant information préalable;
-le droit à un dossier de patient soigneusement tenu à jour et conservé en lieu sûr;
-le droit de consulter et d’obtenir une copie de son dossier;
-le droit à la protection de la vie privée;
-le droit de recevoir des soins visant à soulager la douleur;
-le droit d’introduire une plainte concernant l’exercice des droits du patient auprès de la fonction de médiation compétente.

Le rôle du médiateur

Dès qu’une plainte est déposée, le rôle du médiateur hospitalier consiste à tenter de rétablir la communication et la confiance entre les personnes concernées, évitant de la sorte le transfert éventuel du dossier vers les cours et tribunaux. « L’objectif poursuivi par le médiateur est d’écouter le point de vue de chacune des parties et d’essayer de les rapprocher pour les aider à trouver ensemble la solution qui leur semble la plus adéquate . Après avoir entendu les propos du médecin , du personnel soignant et du patient , le médiateur est plus à même de cerner la problématique et de l’expliquer aux parties concernées , cela dans un contexte qui n’est plus celui des soins et où les tensions sont donc moins fortes
Pendant le processus, le médiateur propose souvent une rencontre entre le patient, le personnel soignant et le médecin. Cette démarche n’est cependant pas encore toujours souhaitée ni par les praticiens, ni par un grand nombre de patients. « D’une part , contrairement à ce que pensent les praticiens , les patients ne se sentent pas toujours très à l’aise lors du dépôt de leur plainte . Ils peuvent douter de la pertinence de leurs griefs . Ils peuvent aussi se sentir impressionnés par le médecin et très démunis face à la structure hospitalière . D’autre part , le personnel hospitalier peut ressentir la plainte comme une attaque , en éprouver de la honte et , dès lors , éviter les échanges à ce propos . Tout comme le patient , le personnel peut se sentir démuni face à ce qu’il vit comme une confrontation , alors que ce type de rencontre représente pour lui l’occasion d’exprimer son point de vue par rapport aux faits qui lui sont reprochés . Enfin , les médecins et le personnel infirmier ne sont pas nécessairement prêts à remettre en cause leur démarche thérapeutique ou soignante

Recommandations

Tous les patients s’accordent sur le fait que la mission essentielle d’un service de médiation devrait être de rétablir la relation de confiance entre le patient et le médecin.
L’information sur l’existence du service de médiation doit être généralisée auprès des patients. Pour être mieux connue, la fonction du médiateur doit aussi être très visible et accessible au sein de l’hôpital.
Aux yeux des médiateurs, l’absence de communication est une source importante de conflits. Aussi, une meilleure gestion de la communication par l’ensemble du personnel hospitalier permettrait d’éviter les problèmes. A ce titre, l’information préalable des patients apparaît comme un élément important, surtout avant une hospitalisation (par exemple, lors de la prise de rendez-vous). C’est en effet hors du contexte de stress que le patient sera le plus réceptif.

Du côté des médiateurs

Le plus souvent, les médiateurs ne disposent pas de connaissances médicales suffisantes pour comprendre la situation. En guise de solution, ils s’informent auprès d’autres médecins et réagissent ensuite face au patient selon leur sensibilité ou la culture de l’institution. Cela montre la nécessité pour les médiateurs de disposer de connaissances médicales, soit en étant eux-mêmes médecins, soit en étant secondés par un médecin capable de comprendre les aspects techniques et avoir accès au dossier du patient.
D’autre part, la fonction de médiateur recourt à des compétences médicales, juridiques, administratives et psychologiques. Mais souvent, les médiateurs ne possèdent pas toutes ces qualifications, tout comme ils n’ont pas suivi de formation spécifique à la médiation. Or, les patients attendent une prise en compte multidisciplinaire de leur problème. En conséquence, une formation polyvalente et continue devrait être offerte à l’ensemble des médiateurs.
Colette Barbier
Pour en savoir plus: Médiateur hospitalier, rue Général Michel 47, 5000 Namur. Tél.: 0800 122 65. Courriel: info@lemediateurhospitalier.be. Site: https://www.lemediateurhospitalier.be . Il s’agit d’une structure commune à quatre hôpitaux wallons et bruxellois qui ont privilégié la médiation externe plutôt qu’interne.

Contribution des citoyens à l’élaboration des plans de lutte contre la pandémie d’influenza

Le 30 Déc 20

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Échos d’une expérience québécoise sur la participation citoyenne

Introduction

Au cours des dernières années, plusieurs voix se sont élevées pour nous annoncer la survenue probable d’une pandémie d’influenza. De fait, des signes avant-coureurs confirment cette crainte. En effet, depuis 1996, plusieurs cas d’infection par le virus hautement pathogène de l’influenza aviaire (H5N1) se sont déclarés à travers le monde. Ces cas se sont produits surtout en Chine et en Asie, mais ailleurs aussi, notamment en Europe, au Moyen Orient et en Afrique.
Même si des souches du virus ont d’abord été trouvées chez des animaux, des oiseaux et de la volaille principalement, depuis 1997, de nombreux cas de contamination mortelle ont été recensés chez l’humain, confirmant ainsi le taux élevé de létalité du virus (1). À ces cas résultant d’une contamination par le H5N1 se sont ajoutés d’autres cas mettant en cause d’autres formes du virus de l’influenza aviaire, notamment le H9N2, le H7N7 et le H7N3. Étant donné l’étendue géographique de la transmission du virus de l’influenza aviaire, son pouvoir pathogène et les cas de transmission chez l’humain, la menace d’une pandémie est jugée réelle et potentiellement très néfaste par l’OMS (2).
Selon les experts internationaux, ces données inquiétantes sont en outre renforcées par l’apparition récurrente de pandémies grippales au siècle dernier (grippe espagnole en 1918, grippe asiatique en 1957 et grippe de Hong-Kong en 1968). Pour eux, cette situation laisse croire que cette menace est maintenant à nos portes et que ses conséquences sur la santé, l’économie et la stabilité des populations seront extrêmement significatives.
En réponse au défi que représente, sous ses différentes formes, le virus de l’influenza pour les autorités responsables de la santé publique partout dans le monde, beaucoup d’États membres de l’OMS ont décidé de mettre en place un certain nombre de mesures visant à prévenir et à combattre une éventuelle pandémie. L’ensemble de ces mesures est circonscrit à l’intérieur des différents plans nationaux produits, dans chacun des pays, par les agences ou les ministères chargés de la protection du public en cas d’alerte pandémique (3).
Dans leur élaboration, ces mesures, qui agiront à différents niveaux (planification, coordination, surveillance, évaluation, prévention, endiguement, soins et communication), laissent pourtant peu de place aux citoyens dits «ordinaires» ou «profanes». Ceux-ci en sont le plus souvent réduits à n’être que les exécutants d’une stratégie d’intervention du «haut vers le bas», c’est-à-dire pensée et mise en œuvre uniquement par les décideurs et les experts en santé publique (4).
L’organisation, du 11 au 13 avril 2008, d’un atelier de dialogue citoyen sur la pandémie d’influenza par les membres du Groupe de recherche en bioéthique (GREB) de l’Université de Montréal a permis d’inverser la perspective. L’équipe du GREB a voulu savoir quelle pourrait être la contribution d’un groupe de citoyens venant d’horizons divers s’ils étaient invités à participer à l’élaboration des plans de lutte contre la pandémie d’influenza. Dans un premier temps, cet article explique brièvement l’organisation et le déroulement de l’atelier, puis résume, dans le tableau 1 (points saillants, voir page 4), le résultat des discussions entre les citoyens. La conclusion fait ressortir quelques leçons que les auteurs de cet article croient devoir tirer d’un tel exercice.

Organisation et déroulement de l’atelier de dialogue citoyen

Le processus de consultation des citoyens –appelé «atelier de dialogue citoyen»-, s’est déroulé sur deux jours et demi consécutifs. Une quinzaine de citoyens venant d’horizons divers y ont participé. Ils ont été recrutés à l’aide de journaux montréalais, d’affiches placées dans des endroits publics et de réseaux de courriels. Ces citoyens ne devaient pas nécessairement posséder de connaissances spécifiques sur le sujet et ne devaient préférablement pas être membres d’un groupe d’intérêt directement lié au sujet.
Avant le début de l’atelier, les participants ont reçu par la poste un document d’introduction contenant des informations de base sur la nature d’une pandémie d’influenza. L’atelier s’est amorcé par l’accueil des participants, par la présentation du projet et par un exposé général sur des concepts clés liés à la pandémie. Par la suite, les citoyens ont pu discuter et dialoguer sur quatre thèmes en lien avec le sujet.
Chaque session de l’atelier, d’une demi-journée par thème, a débuté par une présentation, faite par un expert, et visant à transmettre aux participants des informations à la fois justes et accessibles sur chacun des thèmes. Les présentations, d’une durée de trente à quarante-cinq minutes chacune, ont été suivies d’une courte période de questions et ensuite d’une discussion entre les citoyens (5). Afin d’encadrer et de stimuler les échanges, une professionnelle de la communication a agi à titre de modératrice tout au long de l’atelier. Elle devait faire preuve de neutralité et favoriser l’implication active de tous les participants.
Les thèmes sélectionnés pour l’atelier étaient les suivants: processus de décision et communication , pouvoirs de l’État et liberté des citoyens , organisation des soins et des services et enfin rôle de la génomique .
Ces thèmes ont été choisis suite à l’analyse de divers plans nationaux de lutte contre une pandémie (6). De plus, il est à noter que les membres de l’équipe du GREB ont défini ces thèmes en collaboration avec un «comité aviseur» qui a chapeauté et veillé au bon déroulement du projet en s’assurant que l’ensemble du processus était objectif, impartial, transparent, et que l’information fournie était véridique.
Les trois premiers thèmes ont en commun de concerner de près les citoyens et de susciter de nombreux questionnements sur le plan éthique. Quant à l’étude du rôle de la génomique en temps de pandémie, elle a également permis une approche prospective des questions éthiques, car selon certains experts, dans les prochaines années, la santé publique pourrait faire davantage appel à la génomique pour mieux cibler ses interventions (7). Par ailleurs, l’équipe du GREB a choisi pour cette activité de ne pas mettre l’emphase sur certains enjeux d’importance, comme l’établissement de priorités pour l’allocation des vaccins ou des lits, puisque que ceux-ci ont déjà été l’objet de recherches ailleurs dans le monde (8).

Synthèse des discussions

La synthèse qui suit rapporte, sous la forme de points saillants, les principaux éléments qui ont émergé des discussions entre les participants à l’atelier. L’ensemble de ces informations sont regroupées par thème dans le tableau ci-dessous.

Tableau 1 – Points saillants relatifs aux thèmes de l’atelier

Ouverture de l’atelier • Ils croient que le manque d’information ne permet pas d’évaluer les risques réels et fait courir le risque d’une panique généralisée et d’une possible désolidarisation.
• Ils affirment que la responsabilité individuelle et la solidarité dans l’application des mesures d’urgence sont nécessaires à la mise en œuvre efficace des plans.
• Ils estiment que les objectifs de responsabilité et de solidarité énoncés précédemment exigent un travail sur les mentalités, et donc la mise en place d’une culture collective de sécurité civile.
• Certains citoyens soulignent la nécessité d’un regard critique afin de mettre au jour les tentatives de manipulation de l’opinion publique.
• Les citoyens questionnent la place et l’influence réelles qu’ils peuvent avoir dans des plans dont la structure est du haut vers le bas (top down).

Processus de décision et communication Pouvoirs de l’État et liberté des citoyens Organisation des soins et des services Rôle de la génomique
• Globalement, les citoyens font ressortir le manque d’information et de transparence des autorités au sujet de la pandémie d’influenza.
• Les citoyens ne veulent pas jouer le rôle des experts. Ils veulent cependant être informés et outillés pour agir à leur niveau.
• Ils disent vouloir des plans locaux qui sont le prolongement des plans nationaux.
• Ils affirment qu’il faut améliorer et démocratiser le processus de communication avant et pendant la pandémie.
• Pour une communication plus efficace qui rejoint toutes les couches de la population, ils recommandent l’utilisation systématique, dans plusieurs langues, de différents médias, notamment la télévision et la radio.
• Ils recommandent également l’utilisation de médias alternatifs comme les blogues ou les CDs interactifs qui sont plus susceptibles d’atteindre certaines clientèles.
• Ils indiquent qu’il faut des messagers crédibles auprès de la population, et parmi eux des leaders bien connus dans leurs communautés.
• Ils pensent que les processus de communication trop «formatés» peuvent avoir un effet pervers sur la confiance de la population envers les autorités.
• D’une manière générale, ils se perçoivent comme des agents et des relayeurs d’informations dans le processus de communication.
• Ils souhaitent que les autorités créent des partenariats avec des membres de la société civile (aînés, syndicats, etc.) pour que ceux-ci ajoutent à la force d’intervention prévue dans les plans.
• D’une manière générale, les citoyens acceptent le cadre législatif de l’État, mais à différents degrés.
• Un certain nombre approuve totalement l’encadrement législatif de l’État. Ils ont confiance en la compétence et la neutralité des décideurs.
• D’autres expriment quelques réticences face aux mesures choisies par l’État, particulièrement au niveau des soins. Ils souhaitent plus d’information afin de choisir eux-mêmes les pratiques qui leur conviennent.
• Tous les citoyens estiment essentiel que de l’information leur soit fournie. L’État doit garantir une transparence et une neutralité dans ses choix et ses décisions.
• Ils soulignent toutefois le risque d’abus de pouvoir de l’État.
• Les citoyens jugent essentiel l’établissement de critères de priorité pour l’administration des soins.
• Certains citoyens reconnaissent aux experts la responsabilité de déterminer les priorités des soins et services. Ils éprouvent des réticences face à une consultation des citoyens sur ces questions, mais veulent être informés pour prendre des responsabilités à leur niveau.
• Quelques citoyens sont plus sceptiques face aux choix des experts, qui peuvent faire des erreurs. Ils aimeraient que les citoyens aient une place dans ces processus de décision.
• Tous les citoyens souhaitent le développement d’une culture de sécurité civile au sein de la population. Ils souhaitent que l’État prenne le leadership de cette culture et utilise les outils nécessaires pour informer et former les citoyens.
• Ils proposent de profiter des campagnes d’information annuelles sur la grippe saisonnière pour préparer et sensibiliser la population à une éventuelle pandémie.
• Ils conseillent aussi que l’État adapte l’information et utilise des outils très variés pour rejoindre les différents groupes de la société.
• Ils proposent de miser dès maintenant sur la formation de bénévoles et autres professionnels, ainsi que de créer des forums de discussion pour l’information et l’implication des citoyens.
• D’emblée, les citoyens soulignent le caractère hypothétique du rôle de la génomique dans la lutte contre les pandémies.
• Ils trouvent que beaucoup de questions liées aux possibilités et aux limites de l’utilisation de la génomique restent sans réponse.
• Ils croient que la génomique représente un risque calculé qu’il vaut peut-être la peine de prendre collectivement pour protéger la santé de la population.
• Certains citoyens jugent qu’en l’absence de données claires sur les avantages de la génomique, il vaut peut-être mieux ne pas en faire une priorité.
• Ils insistent sur la nécessité d’une protection légale prenant la forme d’un consentement limité.
• Ils souhaitent aussi la mise en place de «balises» servant à définir les critères et les conditions pour des interventions plus ciblées réalisées à l’aide de la génomique.
• Pour rendre les banques de données génétiques socialement plus acceptables, les citoyens proposent d’être associés à leur mise en place. Cette initiative pourrait favoriser la crédibilité, l’intégrité et la transparence.

Commentaires des résultats

Au départ, il est ressorti clairement des discussions que les citoyens possédaient peu de connaissances au sujet de la pandémie d’influenza et des plans pour y faire face. D’ailleurs, plusieurs citoyens ont affirmé qu’ils étaient venus pour s’informer plutôt que pour contribuer à l’élaboration d’un plan de lutte contre la pandémie.
Par contre, au terme de cet atelier, il était impressionnant de constater à quel point les citoyens peuvent assimiler rapidement les différents aspects (scientifiques, éthiques, sociaux et légaux) d’un enjeu aussi complexe. Ainsi les autorités doivent savoir qu’elles peuvent compter sur l’intelligence collective des citoyens, même lorsque ceux-ci font face à des problèmes pour lesquels ils ne sont pas des spécialistes.
Cependant, les citoyens ne veulent pas non plus remplacer les experts. Ils espèrent simplement pouvoir agir localement et devenir les partenaires à part entière d’un processus de décision plus collégial. Les citoyens savent qu’ils n’ont pas toutes les connaissances nécessaires. Ils font confiance aux experts. Une majorité de citoyens se sont d’ailleurs déclarés prêts à accepter que des priorités soient déterminées d’«en haut» par les autorités.
Mais certaines propositions concrètes faites par les participants lors de l’atelier montrent clairement que les citoyens possèdent un savoir complémentaire qu’ils souhaitent mettre à contribution. Par conséquent, ils ne veulent pas être réduits au rôle de simples exécutants.
En situation d’urgence, les autorités jugent qu’il est parfois nécessaire d’imposer des règles à la population. C’est l’approche du haut vers le bas (top down en anglais). Pourtant, étant donné leur insertion dans des milieux socioprofessionnels divers, les citoyens ont affirmé à maintes reprises, et de différentes façons, que la somme de leurs connaissances et de leurs expériences pouvait être utilisée pour renforcer l’efficacité des mesures de santé publique.
Les plans ont une portée et une visée très générales, mais leur mise en application exige la prise en compte des contextes et des situations particulières au sein des populations. En ce sens, les citoyens ont souligné qu’ils avaient, par leur place au sein de la société, la capacité d’être des «relayeurs d’information» et qu’ils pouvaient, à leur échelle, initier certaines décisions. Cette volonté d’une prise de conscience plus aiguë des particularités locales des populations s’est aussi manifestée chez certains à travers leur souci pour les communautés plus vulnérables, celles qu’il est parfois plus difficile de joindre par des moyens ordinaires de communication: les immigrants, les démunis, les jeunes ou les personnes âgées. Il importe donc, ont-ils dit, de «démocratiser» l’information, c’est-à-dire de la rendre accessible par différents moyens, traditionnels (télé, radio, journaux) ou non (blogues, documents visuels ou multilingues, etc.).
Le consensus qui s’est développé au sein du groupe de participants tourne autour d’une responsabilisation accrue des citoyens par la mise en place d’une culture de sécurité civile . Il s’agit ici de rapprocher le pouvoir décisionnel du lieu d’émergence des problèmes. L’établissement d’une culture de sécurité civile exige d’abord que chaque citoyen prenne conscience:
-des risques présents dans son milieu;
-de la nécessité de se prémunir et de se préparer face à ces risques;
-de l’importance d’investir des ressources humaines et financières à cette fin;
-de la nécessité de prendre ses responsabilités à l’égard de ces risques;
-de la solidarité entre les personnes.
Cette prise de conscience collective devrait par la suite favoriser davantage des comportements responsables en sécurité civile (9). Par exemple, la distribution d’un Guide d’autosoins (10) au sein de la population a été perçue par les participants à l’atelier comme une contribution significative à la création d’une culture de sécurité civile.

Conclusion

L’objectif du GREB était d’examiner la contribution possible des citoyens à l’élaboration des plans de lutte contre la pandémie d’influenza. Dans l’ensemble, notre équipe estime avoir atteint plusieurs de ses buts. En effet, les citoyens ont réussi à rapidement saisir les enjeux, malgré la complexité de ceux-ci, et à proposer des voies nouvelles pour la gestion des plans de lutte contre la pandémie d’influenza.
Cependant, il faut admettre que d’autres objectifs n’ont pas été atteints. Ainsi, peut-être à cause de problèmes de communication, certains experts comprenaient mal les objectifs que nous visions lors de l’atelier; ils auraient voulu que les participants à l’atelier évaluent le contenu des plans qu’ils ont élaborés en tant qu’experts. Ils ont mal saisi notre motivation principale qui était de voir comment les citoyens voyaient leur propre contribution à l’élaboration des plans.
Il aurait également été souhaitable que le groupe des 15 citoyens qui ont participé à l’atelier soit plus représentatif de la diversité de la société québécoise actuelle. À cet égard, nous constatons qu’il est difficile de rejoindre certaines parties de la population pour ce genre d’activité. Le format de l’atelier, qui se déroulait sur un seul week-end, n’a pas permis aux citoyens de laisser mûrir leurs réflexions, comme cela peut se faire lors d’une conférence de consensus qui s’étend sur plusieurs week-ends. Mais en même temps, les connaissances qu’ils ont acquises en un si court laps de temps indiquent qu’il est possible de faire beaucoup, en peu de temps et avec peu de moyens. Enfin, nous avons constaté aussi que les citoyens avaient parfois de la difficulté à se mettre dans la peau de ceux qui conçoivent les plans. Étant donné les aptitudes qu’ils ont manifestées par ailleurs, cela démontre qu’il faut peut-être simplement poursuivre le dialogue entre les experts et la population.
En fin de compte, il est clair pour les membres de notre équipe que l’analyse de plans de lutte contre la pandémie d’influenza et l’atelier citoyen soulèvent des enjeux éthiques d’importance, mais trop souvent ignorés en santé publique. Dans les plans nationaux que nous avons étudiés, on reconnaît généralement que le respect de l’autonomie et de la dignité des personnes doivent être des valeurs prééminentes en santé publique. Cela étant, il faut alors se demander si ces valeurs n’impliquent pas la mise en place de mécanismes, dans les stratégies de communication par exemple, par lesquels la parole et l’action citoyennes peuvent être intégrées aux processus décisionnels.
La vision de l’autonomie qui point ici n’est donc pas limitée à la réduction des mesures coercitives, ce qui correspond à une définition négative de l’autonomie. Elle vise au fond à l’action responsable et solidaire de tous les citoyens, qu’ils soient experts ou profanes. Il s’agit donc pour nous de mettre en avant une vision positive de l’autonomie.
En outre, il apparaît raisonnable de présumer que la participation active des citoyens viendra renforcer les valeurs de confiance et de transparence qui sont désignées comme fondamentales dans les stratégies de communication conçues par les autorités internationales dans leur lutte contre la pandémie d’influenza. À l’inverse, une communication trop «formatée» et trop exclusivement télégraphiée d’«en haut» par les décideurs et les experts risque de susciter la méfiance et de laisser aux citoyens une impression de bureaucratisation d’un problème qui, en fait, les touche et les concerne tous, sans égard pour leur origine ni pour leur statut socioéconomique.
La participation citoyenne, par les solidarités et le dialogue qu’elle contribue à installer entre les décideurs, les experts et la population en général, ajoute à la valeur éthique des interventions en santé publique. À travers le respect de l’autonomie et de la dignité des personnes qu’elle véhicule, la participation citoyenne répond également à des intérêts pratiques qui ont trait autant à des questions de santé et d’éducation, qu’à des impératifs de bonne gouvernance et d’émancipation des communautés.
Yanick Farmer , Cécile Durand , Marianne Dion-Labrie , Marie-Eve Bouthillier et Hubert Doucet
Adresse des auteurs: Groupe de recherche en bioéthique, Université de Montréal, CP 6128, succ. Centre-Ville, Montréal (Québec), H3C 3J7, Canada. Courriel: yanfarmer@yahoo.ca.

(1) WHO. H5N1 avian influenza: Timeline of major events (30 July 2007). Geneva: World Health Organization; 2007.
(2) WHO/Department of Communicable Disease, Surveillance and Response. WHO consultation on priority public health interventions before and during an influenza pandemic . Geneva: World Health Organization; 2004. Disponible à https://www.who.int/csr/disease/avian_influenza/final.pdf . Accès le 22 décembre 2008.
(3) Notre équipe a étudié 24 plans de lutte contre la pandémie d’influenza produits à l’échelle internationale. Il s’agit des plans de l’OMS, de l’Australie, de la Belgique, du Brésil, du Burkina Faso, du Canada, du Chili, de la Chine (Hong Kong), de la République tchèque, de la France, de l’Allemagne, de l’Italie, du Japon, de la Corée du Sud, de la Nouvelle-Zélande, des Pays-Bas, de la Norvège, des Philippines, de la Suède, de la Suisse, de la Thaïlande, du Royaume-Uni, des États-Unis et du Vietnam.
(4) Y. Farmer, M-E. Bouthillier, M. Dion-Labrie, C. Durand, H. Doucet, «Public Participation in National Preparedness and Response Plans for Pandemic Influenza: Toward an Ethical Valorization of Public Health Policies», 2008, article soumis.
(5) L’équipe du GREB a enregistré puis retranscrit ces discussions.
(6) Supra , note 4.
(7) A. Brand et al. 2006. «Getting ready for the future: intergration of genomics into public health research, policy and practice in Europe and globally», Community genetic s: 9: 67-71. ;M.J. Khoury et al. (eds). 2000. Genetics and Public Health in the 21st Century: Using genetic information to improve health and prevent disease . New York: Oxford University Press.
(8) The Keystone Center. 2007. The Public Engagement Project on Community Control Measures for Pandemic Influenza . Keystone: The Keystone Center; Ekos. 2006. The Use of Antivirals for Prophylaxis: Deliberative Dialogue Process . Ottawa: Ekos Rsearch Associates; Pandemic Influenza Working Group. 2005. Stand on Guard for Thee: Ethical Considerations in Preparedness Planning for Pandemic Influenza . Toronto: University of Toronto Joint Center for Bioethics; The Public Engagement Pilot Project on Pandemic Influenza. 2005. Citizen Voices on Pandemic Flu Choices . Lincoln (USA): Public Policy Center, University of Nebraska.
(9) Cette définition et ses principaux éléments sont fournis par le Ministère de la sécurité publique du Québec. Disponible en ligne à l’adresse suivante: https://www.msp.gouv.qc.ca/secivile/secivile.asp?txtSection=apercu&txtCategorie;=pnsc . Accès le 18 janvier 2009.
(10) Dans le contexte d’une lutte éventuelle contre la pandémie d’influenza, le domicile familial est conçu comme le premier lieu d’intervention. C’est pourquoi le gouvernement du Québec a produit un Guide d’autosoins qui est actuellement disponible en ligne à l’adresse suivante:
https://www.opiq.qc.ca/pdf/divers/Guide_auto-soins_Prélim_juin2007.pdf (accès le 22 décembre 2008)

Céréales du petit-déjeuner: pas tous les jours!

Le 30 Déc 20

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Test Achats a fait une analyse approfondie de la valeur nutritionnelle de 17 sortes de céréales au chocolat et au miel mises sur le marché pour les enfants. La conclusion montre que ces produits contiennent beaucoup trop de sucre tandis que la teneur en sel et en graisse peut encore être améliorée.
Pourtant, les emballages regorgent d’allégations concernant les vitamines, les minéraux et les fibres. Parents comme enfants sont donc persuadés de pouvoir consommer quotidiennement et même plusieurs fois par jour ce genre de céréales. C’est de l’hypocrisie.
Les céréales du petit-déjeuner ne conviennent pas à une consommation journalière. Rien ne vaut un repas varié et plus équilibré pour bien démarrer la journée.
Test Achats a également examiné combien de spots sur les céréales sont diffusés à la télévision. Les résultats sont étonnants: une moyenne de 34 pubs par jour. Le nombre d’enfants souffrant d’obésité augmente de manière effrayante. Une alimentation trop riche en graisse et en sucre ainsi que le manque d’activités physiques en sont les principales causes.

L’enquête

Celui qui pense aux céréales, pense directement à Kellogg’s ou Nestlé. Test Achats a examiné en outre diverses marques moins connues. L’enquête est divisée en trois parties: une analyse en laboratoire de la valeur nutritionnelle des céréales, une étude sur les informations données sur l’emballage et une enquête quantitative des spots télévisés. La même enquête a été réalisée dans 28 pays.

Overdose de sucre et de graisse

La teneur en sucre est le point faible des céréales du petit-déjeuner. À partir de 12,5 g, il est question d’une quantité excessive de sucre. Toutes les céréales du test dépassent largement cette limite, tandis qu’un produit contient même 37,6 g aux 100 g!
Nous parlons d’une faible teneur en gras lorsqu’elle s’élève à 3% maximum du total. Dans 17 produits sélectionnés, la teneur en lipides des produits varie de 1,2% à 13,6%. Il y a donc encore une large place pour l’amélioration. Une note positive toutefois: aucun acide gras trans (effet négatif sur le taux du cholestérol) n’a été décelé.
En ce qui concerne la teneur en fibres, Test Achats remarque de grandes différences entre les céréales. Le meilleur produit pour cette partie du test contient 9% de fibres.

Les étiquettes mentent

On trouve des informations nutritionnelles sur toutes les boîtes, mais elles sont un peu plus détaillées selon les marques. Test Achats a pris deux marques en défaut: l’une, car la quantité de sucre mentionnée était nettement moins élevée que celle mesurée, l’autre parce que la quantité de fibres était exagérée.

Convaincu ou trompé par l’emballage?

Rien n’est épargné pour séduire les parents et les enfants afin qu’ils achètent des céréales et en mangent quotidiennement. Les enfants sont séduits par les cartoons et les figurines supposés réveiller leur imagination.
Mais on s’adresse aussi aux mamans. Certes pas à coup de cadeaux, mais plutôt d’allégations telles que la teneur en minéraux et fibres destinées à les rallier à la cause. Une marque parle même de calcium, qui n’est de fait pas contenu dans les céréales mêmes, mais bien dans le lait éventuellement ajouté.

34 pubs par jour

Le temps publicitaire avant, pendant et après les programmes pour enfants est très convoité. Les enfants sont en effet très influençables via les spots télé et ont à leur tour un grand impact sur l’achat d’aliments leur étant destinés, mais aussi sur les achats concernant toute la famille. Les parents peuvent difficilement refuser lorsque leur fils ou fille chéri(e) commence à les supplier en plein supermarché, ce qui n’échappe pas aux fabricants ni aux gens du marketing.
Pendant une semaine au mois d’avril, Test Achats a enregistré toutes les pubs télé pour des céréales, diffusées sur 14 chaînes pouvant être regardées en Belgique. En moyenne, on pouvait voir pas moins de 34 pubs par jour. C’est sur VT4, VTM, Nickelodeon et Club RTL qu’elles étaient le plus diffusées. C’est en outre le mercredi et pendant le week-end que le nombre de pubs par jour est le plus important, ainsi qu’en semaine juste avant et après les heures d’école.

Junk Food Generation pour sauver la Génération malbouffe

220 organisations de consommateurs dont Test Achats, réunies au sein de Consumers International, ont lancé, en collaboration avec l’International Obesity Taskforce, la campagne “Junk Food Generation” (génération malbouffe). Avec cette campagne, elles veulent mettre sur pied un code international pour réprimer le marketing pour les aliments «malsains» auprès des enfants. Elles demandent aussi aux gouvernements d’intégrer ce code dans leur législation. Vous trouverez plus d’informations sur www.junkfoodgeneration.be, site sur lequel ceux qui souhaitent soutenir cette initiative peuvent signer le code.

Test Achats veut des céréales plus saines et l’arrêt de l’hypocrisie actuelle!

Test Achats attend des fabricants qu’ils adaptent la composition de leurs produits: moins de graisse et beaucoup moins de sucre. L’association des consommateurs ne plaide certainement pas pour l’interdiction des céréales sur les tables du petit-déjeuner. Il existe, en effet, une foule d’autres produits du petit-déjeuner et de coupe-faim pour les enfants contenant encore beaucoup plus de sucre, de sel et/ou de graisses. Mais Test Achats n’est pas d’accord avec l’image trop positive que les spécialistes du marketing veulent coller aux céréales.
Mamans et enfants sont constamment encouragés à manger des céréales tous les jours, et si possible, plusieurs fois par jour. C’est de l’hypocrisie. Les céréales du petit-déjeuner ne conviennent pas à une consommation journalière. Rien ne vaut un repas varié et plus équilibré pour bien démarrer la journée.
D’après un communiqué de Test Achats

L’alcool chez les jeunes à Bruxelles

Le 30 Déc 20

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Le Groupe porteur ‘Jeunes et alcool’ (1) organisait le 5 novembre dernier une Table ronde bruxelloise ‘L’alcool chez les jeunes: qu’en est-il et qu’en faisons-nous?’
Une centaine de personnes ont participé à cette journée, qui s’adressait aux acteurs bruxellois de la prévention des assuétudes, aux professionnels de la santé des jeunes mais aussi aux représentants des milieux de jeunes: c’était un des paris des organisateurs d’élargir un peu les horizons pour être plus proches des réalités bruxelloises. Pari réussi, même si on aurait aimé une participation plus importante, tant du secteur santé que du secteur jeunesse.
Autre défi, celui de donner ‘intelligemment’ la parole aux jeunes eux-mêmes, sans les utiliser comme alibis à une pseudo participation. L’option choisie était une vidéo en micro-trottoir, qui bien qu’un peu trop longue, rendait compte des représentations des jeunes, qu’ils soient ou non consommateurs (les caractéristiques sociologiques de la région font que le nombre de jeunes qui déclarent boire peu ou prou de l’alcool est moins importante à Bruxelles qu’en Flandre ou en Wallonie, étant donné l’importante communauté musulmane dans notre capitale).
Dans son introduction à la journée, le Ministre bruxellois de la Santé Benoît Cerexhe souligna des points d’inquiétude (âge précoce des premières consommations, phénomène de plus en plus médiatisé des ‘bitures express’) mais aussi des choses plus positives, comme la mise en place à Bruxelles du label ‘Quality Nights’ de Modus Fiesta (2), une initiative pour profiter sans remords des sorties avec une bonne gestion des ‘risques’, soutenue largement par le milieu de la fête, et qui commence à faire des petits au-delà des 19 communes.
Après un tour d’horizon de la problématique par Martin de Duve , directeur d’Univers santé, ces mêmes jeunes ont lancé aussi aux participants des questions simples (les réponses ne le sont pas toujours!) qui ont pu servir d’amorce aux quatre ateliers, consacrés respectivement:
aux enjeux éducatifs (animation par Florence Vanderstichelen , directrice du Service d’aide aux étudiants de l’UCL et Fabienne Henry , responsable du Service PSE de la Ville de Bruxelles);
aux enjeux économiques et législatifs (animation par Baptiste Campion , assistant au Département de Communication de l’UCL et Antoine Boucher , responsable communication d’Infor-Drogues);
aux enjeux culturels (animation par Ludovic Henrard , directeur de la FEDITO bruxelloise et Mark Vanderveken , coordinateur de la Concertation Toxicomanies Bruxelles);
aux enjeux de santé publique enfin (animation par Axelle Vermeeren , responsable du centre de santé UCL, service PSE, et Thierry Poucet , journaliste de santé publique).
Chacun a eu l’occasion de participer à deux ateliers, ce qui ne manqua pas d’enrichir les pistes de réflexion et d’action.
De nombreuses associations ont eu également la possibilité de mettre en évidence leurs réalisations lors d’une expo-forum pendant le temps de midi, autour d’un sandwich et d’un verre (d’eau, de jus de fruit, mais aussi de vin): il y a pas mal d’outils disponibles en Communauté française, et ils sont souvent de qualité…
En général, à la fin de ce genre de journée d’échanges, la moitié du public s’est discrètement éclipsée, et les courageux écoutent poliment le rapport souvent ‘imbuvable’ (un comble vu le sujet du jour) des ateliers en prenant leur mal en patience.
Rien de tel ici, les organisateurs ont eu l’excellente idée de demander au Délégué général aux droits de l’enfant de la Communauté française, Bernard De Vos , de mettre la question des consommations dans une plus large perspective, ce qu’il fit de manière remarquable. Il souligna avec des mots justes la grande dureté de notre minuscule capitale (1.100.000 habitants, ce n’est pas grand-chose) à l’égard des jeunes, stigmatisés, vivant des situations d’exclusion permanentes bien éloignées des clichés angéliques sur le caractère multiculturel de notre capitale, accusés de tous les maux alors qu’ils sont objectivement plus victimes de violences (intentionnelles ou non) qu’auteurs. Un superbe plaidoyer pour ceux qui souvent cherchent d’abord à ‘survivre’, et qu’il faut ‘prendre au sérieux plutôt que prendre au mot’.
Décoiffant, vraiment!
Les actes de la journée paraîtront au début 2009. Nous vous en reparlerons.
Christian De Bock
Adresse des organisateurs: Univers santé, Place Galilée 6, 1348 Louvain-la-Neuve. Courriel: univers-sante@uclouvain.be (1) Il est constitué par la Fédération des centres de jeunes en milieu populaire, de la Fédération des Etudiant(e)s francophones, du Groupe RAPID, d’Infor-Drogues, de Jeunesse et Santé, de Latitude Jeunes, de la Ligue des Familles, de Prospective Jeunesse et d’Univers santé.
(2) Voir à ce sujet https://www.educationsante.be/es/article.php?id=935 . Pour rappel, les adhérents au label s’engagent à respecter 6 critères: eau potable gratuite, préservatifs à prix modique, bouchons d’oreille à prix modique, infos sur la santé, alerte rapide en cas de circulation de produits à hauts risques, personnel sensibilisé. Treize lieux de fête sont parties prenantes après un an, et 150 personnes ont été formées.

La santé mentale des exclus

Le 30 Déc 20

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A l’occasion de la «Journée mondiale de la santé mentale», l’ONG Médecins du Monde a mis l’accent sur les actions qu’elle mène dans ce domaine auprès des populations les plus vulnérables partout dans le monde. Médecins du Monde a en effet à cœur d’intégrer les soins de santé mentale aux soins de santé en général et, pour y parvenir, fait appel au public pour soutenir ses missions et mobiliser davantage de psychologues bénévoles aux côtés de l’ONG.

En Belgique

Dans le cadre de nos consultations, nous constatons que de plus en plus de migrants en séjour précaire sont en souffrance psychologique et nécessitent une prise en charge adéquate. Les causes sont diverses, inhérentes à leur vie avant l’exil, durant leur voyage vers la Belgique ou même souvent depuis leur arrivée dans notre pays. Les migrants en situation irrégulière souffrent de toutes sortes de troubles qui vont du stress chronique aux pathologies psychiatriques, en passant par les syndromes de stress post-traumatique ou les maladies psychosomatiques. Ils se sentent exclus, amoindris, coupables et, en définitive, ne se reconnaissent plus comme des êtres humains à part entière.
Afin de leur venir en aide, Médecins du Monde intègre la santé mentale dans ses missions en faveur des exclus des soins de santé. Toute personne qui vient en consultation dans notre centre d’accueil, de soins et d’orientation (CASO) à Bruxelles, se voit d’abord dirigée vers une assistante sociale qui identifie les problèmes sociaux auxquels doit faire face le patient. Après cette entrevue, elle le dirige vers l’un de nos médecins pour les pathologies physiques et vers l’un de nos psychologues, si l’état mental du patient le requiert. Tant le médecin que le psychologue réorientent par la suite le patient vers les structures les mieux adaptées à leur prise en charge.

En Afrique

Au Mali, Médecins du Monde s’est engagé dans un long combat pour améliorer la situation des enfants vivant dans les rues de Bamako. En collaboration avec des centres locaux d’accueil pour enfants des rues, l’ONG améliore la prise en charge médicale, psychologique et sociale de ces enfants. C’est donc dans une optique globale que sont pris en charge les soins de santé mentale, car ils ne peuvent pas se dissocier de l’état physique ou de l’environnement social du patient.
Les enfants des rues sont très souvent sujets à d’importants troubles de comportement. Pourtant, avant l’intervention de Médecins du Monde, ces troubles étaient très peu pris en compte par les intervenants des centres d’accueil qui, généralement, n’avaient pas eu l’occasion de se former à la psychologie. C’est pour cette raison qu’un psychologue expatrié de Médecins du Monde est actuellement sur le terrain pour former les intervenant locaux afin qu’ils soient capables de détecter et accompagner les enfants en souffrance. Tout est mis en œuvre également pour améliorer le cadre de vie de l’enfant pour qu’il puisse s’épanouir socialement. Enfin, toujours en collaboration avec différentes structures maliennes, Médecins du Monde tente de renouer les liens sociaux-familiaux des enfants vulnérables.

Bientôt en Palestine

En Palestine, les femmes jouent un rôle central dans la vie quotidienne. Outre leur rôle domestique, elles sont en général le soutien moral principal des hommes et des enfants qui sont quotidiennement plongés dans un environnement violent. Dans une situation économique, sociale et humanitaire catastrophique (60% des habitants vivent sous le seuil de pauvreté et 35 à 40% sont sans emploi en Cisjordanie d’après la Banque mondiale), les femmes constituent le pilier auquel les autres membres de la famille peuvent se raccrocher. Mais qui les soutient, elles? Qui les écoute?
Alors que de nombreux projets d’aide psychosociale destinés aux enfants existent en Palestine, il y a très peu de structures pour accueillir les adultes. Par exemple à Hébron, où Médecins du Monde prévoit de lancer une nouvelle mission en 2009, il n’existe qu’un seul centre de santé mentale pour 500.000 habitants! Dans ce contexte de violence, les femmes sont particulièrement visées car, outre les violences liées au conflit lui-même, elles doivent également faire face à des discriminations liées aux mariages ou aux divorces, aux mariages forcés ou encore aux crimes d’honneur…
Face à cette situation terriblement traumatisante, Médecins du Monde va lancer une mission qui travaillera sur quatre axes: consoler, soigner, témoigner et former. Toujours en partenariat avec des structures locales, l’ONG mettra en place des structures au sein desquelles les femmes palestiniennes pourront être écoutées par des personnes compétentes en matière de santé mentale et où elles pourront tisser des liens sociaux, notamment au travers de groupes de paroles. Médecins du Monde veut également profiter de sa présence dans les territoires palestiniens pour témoigner auprès d’un large public de la situation de ces femmes en souffrance. Enfin, Médecins du Monde mettra en place un système de formation des intervenants sur place, afin qu’ils soient capables de prendre le relais.
Communiqué par Médecins du Monde
Médecins du monde, rue de l’Eclipse 6, 1000 Bruxelles. Tél.: 02 648 69 99. Fax: 02 648 26 96. Courriel: info@medecinsdumonde.be. Internet: https://www.medecinsdumonde.be .

Des patients aux soins de la société

Le 30 Déc 20

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Il y a les patients, les associations (grandes et petites) et les coupoles qui les fédèrent. Tous sont en marche vers ‘des soins et des services de qualité et accessibles à tous’.
Deux recherches réalisées avec le soutien de la Fondation Roi Baudouin ont servi d’amorce au colloque organisé par la Ligue des usagers des services de santé le 5 décembre dernier à Namur.
La première, présentée par Chantal Vandoorne et Gaëtan Absil (APES-ULg), prend acte du rôle social des associations de patients et dégage des pistes pour un renforcement du rôle de la LUSS en tant que coupole les fédérant en vue d’être incontournable aux yeux des autres acteurs de la santé. L’enjeu est de travailler ensemble pour le bien-être des patients et de leurs proches. Dans cet espace de collaboration la LUSS cherche à jouer un rôle d’interface et d’accompagnement sur base d’une expertise de proximité avec le terrain et d’une observation des pratiques.
Pour passer de l’action sociale à l’action sociétale, il faut des moyens afin de développer une offre de services. Mais quelles sont les ressources humaines, financières et matérielles dont disposent les associations de patients?
Hervé Lisoir (Fondation Roi Baudouin) a présenté les résultats d’une première enquête exploratoire à laquelle 102 associations ont participé: leur action recouvre 14 millions € de dépenses en 2007 dont 70 % de frais fixes (salaires et frais de fonctionnement) et 30% de frais liés à des projets. Ces budgets reflètent beaucoup d’ambition tant du point de vue du volume d’activités (en augmentation au fil du temps) que de la qualité des projets développés.
Du point de vue du bénévolat, cela représente plus de 70.000 journées de travail. Pour 2009-2011, la Fondation Roi Baudouin souhaite contribuer au développement d’une offre de formation adaptée aux besoins des associations ainsi que lancer une étude sur des pistes de financement des associations.
Pour les mutualités, le premier terrain d’action pour un combat transversal vers l’accès aux soins pour tous est celui de la gestion paritaire de l’assurance soins de santé et indemnités qui couvre solidairement 75% des dépenses totales, ainsi que le rappelait Alda Greoli (Collège intermutualiste national).
La solidarité organisée opère donc une redistribution importante. Il est bon de le redire dans un contexte où le vieillissement de la population, l’apparition de nouvelles maladies, la médicalisation des problèmes sociaux mettent le système de soins davantage sous pression. Les enjeux de représentation de tous les assurés sociaux demeurent donc, en particulier pour les groupes plus défavorisés.

Mieux connaître les associations de patients

En marge du colloque et des Rencontres de Namur Expo, la LUSS a publié une plaquette d’information intitulée ‘Qu’est-ce qu’une association de patients?’, qui explique brièvement et clairement qui elles sont, ce qu’elles font, qui les compose, à qui elles s’adressent, quelles collaborations elles développent avec les professionnels et quelle place elles revendiquent au sein du système de santé.
Disponible à la Ligue des usagers des services de santé, av. Sergent Vrithoff 123, 5000 Namur. Tél.: 081 74 44 28. Fax: 081 74 47 25. Courriel: luss@luss.be. Site: https://www.luss.be

Les mutualités souhaitent que l’on regroupe au sein d’un seul organe consultatif à l’INAMI les résultats des études relatives aux dépenses des patients chroniques, aux besoins non rencontrés, l’évaluation des coûts à prendre en compte dans un budget d’assurance maladie suffisant. Enfin pour participer à la vie en société il faut avoir le revenu suffisant. Une série de mesures doivent donc être concrétisées en matière de revalorisation des indemnités aux invalides, de soutien aux aidants proches, d’octroi automatique du statut omnio .
Le Dr Geneviève Haucotte (INAMI) est venue annoncer la création (au 01/1/2010) d’un observatoire de la situation des patients chroniques au sein du Comité consultatif pour les malades chroniques mis en place en 1998. Il aura pour mission, en collaboration avec les associations, d’assurer le suivi des problèmes et des solutions apportées à la prise en charge des patients chroniques.
Laurette Onkelinx , notre ministre fédérale des Affaires sociales et de la Santé est venue expliquer le suivi qu’elle entend donner à la concertation avec les associations dans le cadre de la mise en place du ‘Plan malades chroniques’ (107 millions € sur 2009-2010). Une série de mesures seront intégrées dans la loi programme en discussion au Parlement (dont le maximum à facturer ( MAF ) pour les malades chroniques et l’intégration du ticket modérateur de certaines prestations dans ce même MAF), d’autres viseront la simplification du statut omnio , et l’établissement des listes de maladies chroniques.
La ministre entend également prendre d’autres initiatives:
-un forfait de soins pour les pathologies lourdes;
-l’élargissement du tiers payant pour les patients gravement malades;
-l’intégration dans l’assurance-maladie invalidité de programmes de soins concernant les maladies lourdes (diabète, mucoviscidose…);
-la transparence sur les prix et les coûts dans le cadre de l’information à laquelle le patient a droit afin d’éviter l’emballement des prix et les surcoûts;
-la mise en place, à côté de la voie judiciaire, d’un fonds d’indemnisation pour couvrir les erreurs médicales (aléas thérapeutiques);
-la prise en charge du patient à la sortie de l’hôpital;
-le remboursement de médicaments innovants via la baisse de prix de médicaments qui ont amorti leurs frais de recherche et développement.
Enfin Pierre Sterckx , Président de la LUSS, a clôturé le colloque en demandant que l’on arrête de tourner en rond. Dans une société où tout se marchande, le patient seul ne réussit pas à s’imposer pour changer les choses. C’est pourquoi il se regroupe en association pour faire entendre avec d’autres une voix qui transcende l’expérience individuelle. Cependant le secteur de la santé n’est pas à l’abri d’intérêts divergents. La LUSS demande donc que chacun arrête de tirer la couverture à soi: chacun doit être à sa place à l’écoute des autres dans un espace complexe qui place au-dessus de tout la santé de l’ensemble des usagers.
Bernard Van Tichelen , Département socio-éducatif des Mutualités chrétiennes

Le Plan de promotion des attitudes saines a 3 ans

Le 30 Déc 20

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Les ministres de la Santé, de l’Enseignement et des Sports de la Communauté française ont élaboré en 2005 un Plan de promotion des attitudes saines (PPAS) en matière d’alimentation et d’exercice physique pour les enfants et adolescents. Ce plan constitue la contribution de la Communauté française au Plan national nutrition santé belge, lancé début 2006 par le ministre fédéral de la santé (voir https://www.monplannutrition.be ).
Une quarantaine de mesures ont été et vont être prises jusqu’en 2009 dans le cadre du PPAS.
Ces mesures sont mises en évidence par le site www.mangerbouger.be, un blog et un journal trimestriel, diffusé dans toutes les écoles, de l’enseignement maternel à l’enseignement secondaire, tous réseaux scolaires confondus. Le journal est également distribué dans les Services de promotion de la santé à l’école (PSE), les Centres psycho-médico-sociaux (CPMS), les 9 Centres locaux de promotion de la santé (CLPS) et les 4 Services communautaires de promotion de la santé.
Ces différents outils offrent des informations et adresses utiles et mettent en valeur des projets d’écoles exemplaires en matière d’alimentation saine et d’exercice physique.
La place nous manque pour développer l’ensemble des mesures, mais celles-ci sont par ailleurs téléchargeables sur https://www.mangerbouger.be . En voici quelques-unes.
Un cadastre de la restauration dans les écoles précise qui organise les repas, comment sont composés les menus, quel est leur coût, quelle est l’infrastructure, quels projets sont entrepris, etc. Ce cadastre a notamment mis en évidence que 40% des cuisiniers n’avaient pas reçu une formation adéquate.
Des cours théoriques ont été dispensés gratuitement; ils abordent l’hygiène, la sécurité alimentaire, la norme HACCP (1), les modes de cuisson, les grammages adaptés à l’âge, des idées de menus, etc.
Deux conseillers en alimentation saine ont été engagés pour se rendre dans les écoles, proposer conseils et soutien, et repérer les bonnes pratiques.
Une vingtaine de cuisiniers (dont certains étoilés) se rendent régulièrement dans les écoles pour animer des ateliers du goût .
Ces mêmes chefs organisent des ateliers cuisine avec des groupes d’une quinzaine de cuisiniers de collectivités. Durant une après-midi, ils confectionnent, pour un prix moyen de repas scolaire et dans les conditions réelles des cantines, un repas composé d’une entrée et un plat ou d’un plat et un dessert.
Un projet « collectivités scolaires de qualité » a été lancé avec l’aide de l’asbl Bioforum Wallonie. Il s’agit d’accompagner durant deux ans près de 80 cantines scolaires, afin d’améliorer la qualité des repas distribués.
Un label « Mangerbouger » récompense les écoles cherchant à améliorer la qualité et la diversité de l’offre alimentaire et sportive et menant des actions pédagogiques allant dans ce sens.
Un projet pilote de dédoublement des heures sportives est en cours dans dix écoles de la Communauté française et est évalué par une étude pluri-universitaire.
Des formations en diététique ont été données dans le secteur de la petite enfance par l’Office de la naissance et de l’enfance (ONE).
Un appel à projets pour la promotion des boissons saines à l’école a permis de 41 écoles tant primaires que secondaires et ce, tous réseaux confondus.
Une brochure, des grilles d’auto-évaluation et des affiches ont été distribuées à tous les responsables de mouvements de jeunesse et de camps de vacances pour leur prodiguer des conseils en termes d’alimentation et d’hygiène alimentaire.
Toutes ces mesures ont soutenu les établissements scolaires. Les évaluations intermédiaires montrent que ceux-ci s’inscrivent de plus en plus massivement dans les différents projets. L’environnement favorable a fait naître des initiatives locales qui s’inscrivent aujourd’hui dans un tout cohérent. La fréquentation du site et du blog ainsi que le nombre de courriels reçus attestent de la popularité des mesures. Le plan court encore jusqu’en 2009. Les évaluations définitives seront disponibles d’ici un an.
Bettina Cerisier , Service communautaire de promotion de la santé Question Santé (1) Analyse des dangers et maîtrise des points critiques (Hazard Analysis Critical Control Point): système qui détermine, évalue et contrôle les dangers ayant une importance critique pour la salubrité des aliments.

Inégalités sociales de santé: observations à l’aide de données mutuellistes

Le 30 Déc 20

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Introduction

Quand on parle d’inégalités sociales de santé, on fait référence au fait que la santé suit un gradient social: à position socio-économique décroissante, la santé tend à se détériorer et l’espérance de vie à diminuer. Cette tendance a été mise en évidence dans de nombreuses études. Pour la Belgique, les résultats (1) des différentes enquêtes de santé par interview (1997, 2001 et 2004) vont clairement dans ce sens.
Comme la plupart des études en la matière, ces enquêtes de santé ont recours aux déclarations et informations recueillies auprès d’échantillons de la population. La présente démarche a pour but de mettre en évidence et de mesurer ces inégalités au sein de la population de nos affiliés mutualistes en exploitant au mieux les données détenues par la Mutualité chrétienne (MC). Pour y arriver, deux types d’indicateur doivent être mis en relation:
-un indicateur relatif à la santé: ici, nous utilisons les informations administratives et de consommation de soins de santé;
-une échelle de stratification sociale: via les statistiques fiscales relatives aux secteurs statistiques où résident nos affiliés.
Du fait de l’utilisation des bases de données de la MC, la méthode suivie est systématique (elle couvre l’ensemble des membres de la MC, des données administratives et de consommation de soins de santé), porte sur des données réelles enregistrées et contrôlées dans le cadre d’un système de gestion et peut se répéter chaque année.
Dès lors, on peut suivre et évaluer au plus près les initiatives et mesures prises en vue de réduire ces inégalités. Ce sont des avantages réels par rapport aux enquêtes de santé menées sur la base d’échantillons (de l’ordre de 10.000 personnes), tous les trois à quatre ans et portant sur les déclarations des répondants.
Les gradients sociaux que nous avons mis en évidence ne sont pas tous spectaculaires. Mais ils témoignent tous de cette vérité troublante au vu des moyens alloués à notre système de soins: nous ne sommes pas égaux face à la santé, les classes sociales moins favorisées ayant trop souvent les ‘scores’ les plus défavorables.

Méthode

La méthode doit combiner une échelle sociale et des indicateurs de santé. Nous décrivons plus avant ces notions et comment nous avons procédé pour construire une échelle sociale en cinq classes de valeur croissante. Ensuite nous indiquons quel type d’indicateur de santé nous avons choisi.

Construction d’une échelle sociale

Généralement, la stratification sociale doit refléter le niveau de revenus et/ou d’études de la population. Etant donné que les mutualités ne disposent pas de données exhaustives sur les revenus de leurs membres et d’aucune donnée sur leurs diplômes, il nous faut procéder autrement. Nous construisons une échelle sociale à l’aide de statistiques fiscales existantes au niveau des secteurs statistiques.
Secteurs statistiques et revenus fiscaux
Un secteur statistique est une petite unité géographique de la taille d’un quartier. L’ensemble du territoire belge est découpé en 20.000 secteurs statistiques (qui se répartissent au sein des 589 communes du Royaume). La Direction générale de la statistique et de l’information économique (anciennement Institut National de Statistique) dispose de séries statistiques sur les revenus fiscaux au niveau de ces secteurs statistiques. La notion fiscale utilisée est le revenu total net imposable (2).
Les séries statistiques disponibles comprennent:
1° le revenu moyen (= somme des revenus totaux nets imposables divisée par le nombre de déclarations fiscales prises en compte);
2° le revenu médian (= montant de la déclaration fiscale qui partage la série en deux, les déclarations étant classées par ordre croissant de valeur).
On a donc bien, pour chaque secteur statistique, une indication de la ‘richesse’ de ceux qui y habitent, dans la mesure du moins où ils remplissent une déclaration fiscale. Sur la base de l’adresse du domicile de nos membres, on peut retrouver le secteur statistique où ils résident. Enfin, via le secteur statistique, on attribue un niveau de revenu (moyen ou médian).
Échelle sociale en cinq classes
Pour la présente étude, nous privilégions le revenu médian des secteurs statistiques comme indicateur de richesse (la médiane d’une série n’étant pas sensible aux valeurs extrêmes). Les statistiques utilisées correspondent aux déclarations fiscales de 2006 (portant donc sur les revenus de 2005). Nous synthétisons ces informations en construisant cinq classes de secteurs statistiques, par ordre de valeur croissante des revenus fiscaux médians.
Les limites des classes sont établies de façon à ce que chacune regroupe 20 % des déclarations fiscales au niveau du pays. La 1ère classe correspond aux secteurs statistiques où les revenus médians sont les plus faibles (notre interprétation: les quartiers où se concentre la population la moins favorisée), la 5ème regroupe les secteurs statistiques où les revenus médians sont les plus élevés (notre interprétation: les quartiers où se concentre la population la plus favorisée).
La population des membres de la MC (pour l’année 2006) est ensuite répartie en fonction de leur lieu de domicile, dans les cinq classes (voir tableau 1). Environ 3,3 % des membres ne peuvent être répartis dans cette échelle. Deux raisons possibles à cela: l’adresse ne permet pas de retrouver le secteur statistique, ou il n’y a pas de revenu médian calculé pour le secteur statistique en cause (3).
Dans la recension des résultats, la 1ère et la 5ème classe sont dénommées, respectivement, «la classe la plus faible, la plus basse» et «la classe la plus élevée».

Tableau 1 – Répartition des membres MC dans les cinq classes de secteurs statistiques

Classe

Membres MC
Pas de répartition 149.428 3,3%
1. inférieurs 542.652 12,1%
2. bas 775.179 17,3%
3. moyens 924.381 20,6%
4. hauts 1.025.168 22,8%
5. supérieurs 1.073.867 23,9%
Total 4.490.675 100,0%

L’inconvénient majeur est que l’on ne dispose pas d’une échelle sociale construite sur les revenus individuels mais bien d’une approximation via la ‘valeur’ des secteurs statistiques de résidence. Or, au sein d’un même secteur statistique, il peut y avoir de grandes variations de richesse entre les familles qui y résident.

Indicateurs de santé: indice standardisé

En tant qu’organe de gestion de l’assurance maladie, une mutualité ne dispose pas de données diagnostiques à propos de ses membres. Toutefois, les données en notre possession nous permettent de mettre en évidence divers événements liés à la santé. Ces derniers sont:
déduits directement des données administratives (p. ex.: décès, incapacité primaire, statut d’invalidité, admission à l’hôpital, dossier médical global, etc);
construits sur la base de codes de prestations de soins de santé faisant l’objet d’un remboursement de la part de l’assurance maladie (p. ex.: avoir bénéficié de soins dentaires, avoir eu un contact avec un médecin généraliste, avoir consommé une certaine catégorie de médicaments…).
Disposant de cette échelle sociale en cinq classes, nous pouvons voir dans quelle mesure ces événements liés à la santé suivent un gradient social. En guise d’indicateur, nous utilisons la notion d’ indice standardisé . Par exemple, pour un événement comme ‘décès au cours de l’année 2006’, on calcule l’indice standardisé de mortalité ( Standardized Mortality Ratio – SMR ) pour les cinq classes décrites ci-dessus. L’indice standardisé s’obtient grâce à une standardisation indirecte (4) afin de tenir compte du ‘profil’, de la structure particulière de la population au sein de chacune des classes. Sauf mention contraire, les paramètres pour la standardisation sont l’âge, le sexe et la région (Wallonie, Flandre, Bruxelles) où se situe le secteur statistique de domicile.
L’indice standardisé est calculé pour chaque classe de notre échelle sociale. Il exprime alors le rapport entre le nombre d’événements observés et le nombre d’événements attendus (d’après l’effectif, le profil spécifique de la population de la classe concernée et en appliquant les taux correspondants de la population de référence).
La population de référence étant indicée à la valeur 100, si la valeur de l’indice standardisé est de 130 pour un certain événement et pour une certaine classe, alors cela signifie que la fréquence de cet événement est 30% supérieure dans cette classe par rapport à la population de référence.

Résultats

Nos résultats d’analyses sont présentés dans les figures 1 à 10. Attention, l’échelle de l’indice standardisé change d’une figure à l’autre, la population de référence peut varier d’une courbe à l’autre. Dans la mesure où ils sont visibles, nous donnons également l’intervalle de confiance (à 95%) autour de la valeur de l’indice standardisé.

Etat de santé

Mortalité et lieu de décès (figure 1)
Concernant la mortalité, le gradient est particulièrement fort: nous observons que les individus appartenant à la classe la plus faible présentent un risque de mortalité de 21% supérieur à la population de référence, soit l’ensemble des affiliés. Comparé à la classe la plus élevée, le risque de mortalité est de 45% supérieur.
Des inégalités sociales s’observent également quant au lieu de décès. Plus on descend dans les classes sociales, plus la fréquence de décès en institution de soins (et non à domicile) est élevée. Par institution de soins, on entend notamment les hôpitaux, les maisons de repos (MR) et les maisons de repos et de soins (MRS). Ainsi, les individus appartenant à la classe la plus faible ont 17% et 24% de chance en moins de décéder à domicile, comparés respectivement à la population de référence (soit les décédés de 2006) et aux individus rattachés à la classe la plus élevée.

Figure 1 – Mortalité, lieu du décès Ceci peut en partie être expliqué par le fait que les individus issus des classes moins favorisées peuvent moins se permettre des services d’aide et de soins à domicile. Un autre élément explicatif pouvant être avancé est lié au réseau social. De Boyser et Levecque (2007) ont mis en évidence le fait que les personnes issues des classes socio-économiques moins favorisées peuvent moins compter sur leur réseau social. On peut penser qu’à un certain âge, elles peuvent moins compter sur leur entourage pour les aider dans la gestion de leur vie quotidienne à domicile. Morbidité
La morbidité peut être estimée par le nombre de personnes souffrant d’une maladie donnée pendant un temps donné, en général une année, dans une population. Différents événements peuvent faire l’objet d’une telle approche. Dans le cadre de cet article, nous en proposons quatre: les maladies broncho-pulmonaires, les maladies cardiovasculaires, l’incapacité primaire de travail et le passage en invalidité.
Maladies broncho]pulmonaires et cardio-vasculaires (figure 2)
Les affiliés MC concernés par ces pathologies ont été détectés à l’aide de leur volume (estimé en DDD(5)) de médicaments consommés, relatifs à certains codes ATC. A noter que les médicaments pris en compte concernent uniquement les spécialités pharmaceutiques remboursables et délivrées par des officines publiques. Les personnes ayant consommé au moins 90 DDD pour les codes ATC sélectionnés ont été considérées comme souffrant de la maladie.
La broncho-pneumopathie chronique obstructive ou BPCO est une maladie principalement causée par le tabagisme (dans 80 à 90% des cas). Elle est caractérisée par une obstruction lente et progressive des voies respiratoires. Il s’agit d’une affection sérieuse (c’est une des principales causes de mortalité dans le monde) et très invalidante (6). Figure 2 – Maladies broncho-pulmonaires et cardio-vasculaires (détection via pharmanet, min 90 DDD) Notre analyse montre que le risque d’être atteint de BPCO (7) suit un gradient social. En effet, la prévalence observée pour la classe la plus faible est de 8% supérieure à celle de la population de référence (personnes de plus de 50 ans) et de 15% supérieure à celle de la classe la plus élevée. Le fait que les personnes issues de groupes sociaux moins favorisés fument davantage et depuis plus longtemps est un élément explicatif de ce gradient social (8). Pour les maladies cardio-vasculaires, nous nous limitons au code C01 de la classification ATC. Les médicaments ainsi sélectionnés sont typiquement utilisés en cas de décompensation cardiaque, angine de poitrine et trouble du rythme cardiaque. Ils ne correspondent pas à l’ensemble de la problématique cardio-vasculaire, mais leur utilisation est un bon indicateur d’une atteinte cardiaque.
La population de référence étant ici constituée de tous les affiliés de la MC, nous observons des différences se marquant essentiellement entre les classes ‘inférieure’, ‘basse’ et ‘moyenne’, et la classe ‘supérieure’. Par rapport à la classe la plus élevée, les individus appartenant aux trois premières classes présentent un risque accru de 13% à 16% d’avoir une atteinte cardiaque, traitée par cette catégorie de médicaments C01.
Les facteurs qui peuvent influencer l’apparition de maladies cardio-vasculaires sont l’alimentation, le tabac et une tension artérielle élevée. Outre les différences de consommation en matière tabagique, nous avons observé qu’en règle générale, les personnes moins qualifiées ont un style de vie moins sain (consommation de moins de légumes, de fruits, de poisson et de pain gris) et présentent davantage de surpoids et d’obésité (9). Un régime alimentaire peu sain et une surcharge pondérale augmentent le risque d’avoir un taux de cholestérol élevé et une hypertension artérielle, et dès lors de souffrir de maladies cardio-vasculaires.
Incapacité primaire de travail et passage en invalidité ( figure 3 )
En guise d’épisode d’incapacité primaire de travail, nous utilisons le critère suivant: au moins 30 jours indemnisés au cours de l’année 2006. La population de référence est constituée par les titulaires affiliés à la MC entre 20 et 64 ans. Figure 3 – Incapacité de travail Pour rappel, l’incapacité primaire correspond aux 12 premiers mois de l’incapacité de travail. Après 12 mois d’incapacité primaire, la personne passe alors en invalidité. Pour ce dernier événement, nous sélectionnons les titulaires entre 20 et 64 ans devenus invalides au cours de l’année 2006. Ces modalités administratives sont bien des marqueurs de morbidité: «pour être reconnu incapable de travailler, le titulaire doit avoir cessé toute activité et un lien de causalité doit exister entre la cessation de l’activité et le début ou l’aggravation des lésions. En outre, sa capacité de gain doit, en raison de lésions et de troubles fonctionnels, être réduite d’au moins 66% par rapport à la profession habituelle ou au groupe de professions dans lequel se range l’activité habituelle» (10).
Pour ces deux événements, le gradient social est relativement fort. Ainsi, par rapport à la population de référence (à savoir les titulaires affiliés à la MC entre 20 et 64 ans), la classe la plus faible présente un risque accru de 25% d’avoir au moins 30 jours d’incapacité, ainsi qu’un risque plus élevé de 33% de devenir invalide. Par rapport à la classe la plus élevée, ces mêmes pourcentages deviennent, respectivement, 55% et 66%.
D’après Willems et al. (2007), ces inégalités peuvent en partie être expliquées par le fait que «(…) les conditions matérielles de travail sont moins favorables aux groupes de faible statut socio économique . Les personnes appartenant à ces groupes sont plus souvent soumises à un travail physique dur (…)». Les conditions psycho-sociales de travail ont également un impact sur le risque d’incapacité et d’invalidité. Ainsi, l’étude britannique ‘Whitehall II’ (11) met en évidence que les travailleurs dans le bas de l’échelle professionnelle, de par leur manque de contrôle de la charge de travail et leur manque de reconnaissance, ont un risque d’infarctus et d’autres affections plus important. A noter que les conditions psycho-sociales de travail peuvent également avoir un impact sur la santé mentale de l’individu.
Santé mentale (figure 4)
Pour la Belgique, différents auteurs ont récemment mis en évidence le lien qui existe entre situation socio-économique et problèmes de santé mentale (dont les problèmes de dépression, d’anxiété et les troubles du sommeil) (12). Dans le cadre de la présente étude, nous avons sélectionné deux événements pour illustrer les inégalités sociales en matière de santé mentale: consommer des antidépresseurs (13) (min 90 DDD au cours de l’année 2006) et être admis en hôpital psychiatrique ou en service (neuro)psychiatrique d’un hôpital général (au moins une admission en 2006). Dans les deux cas, la population de référence est constituée de l’ensemble des affiliés de la MC. Figure 4 – Santé mentale Concernant les antidépresseurs, il y a bien un gradient social: la classe la plus faible présente un risque de consommation d’antidépresseurs accru de 14% par rapport à la classe la plus élevée.
Le gradient social est beaucoup plus marqué pour les admissions en hôpital psychiatrique ou en service (neuro)psychiatrique d’un hôpital général. Ici, les personnes issues de la classe la plus faible ont un risque de près de 60% plus élevé par rapport à la population de référence (ensemble des affiliés). Lorsqu’on les compare avec ceux appartenant à la classe la plus élevée, ce même risque est deux fois plus important.
Il est intéressant de faire le lien entre santé mentale et invalidité. Ainsi, on observe que le groupe de maladie pour lequel l’effectif des titulaires invalides est le plus important concerne les troubles mentaux (pour le régime général, +/- 33% des titulaires invalides s’y retrouvent en 2005). A noter que «(…) le nombre de titulaires reconnus invalides pour troubles mentaux ( psychoses , troubles de la personnalité , etc .) a fortement augmenté entre 2001 et 2005 » (14).

Soins préventifs

(figure 5)
Nous nous intéressons ici aux vaccins contre la grippe, au dépistage du cancer du col de l’utérus et du cancer du sein.
Vaccins antigrippe (15)
La grippe n’a rien d’une maladie insignifiante: elle peut entraîner des complications graves (et parfois mortelles), plus particulièrement chez les personnes âgées ou souffrant de certaines maladies chroniques. Un remboursement du vaccin contre la grippe est accordé pour certains groupes à risque, dont les personnes particulièrement à risque de complication.
Pour la présente analyse, nous nous sommes concentrés sur les affiliés MC de 65 ans et plus. Outre l’âge, le sexe et la région, la standardisation tient compte d’un éventuel séjour en institution entre septembre et décembre. Ce paramètre supplémentaire est à prendre en considération: en effet, Cornelis et Mertens (2007) ont montré qu’en maison de repos, le taux moyen de couverture est supérieur à 90% pour les vaccins antigrippe.
Bien qu’il soit faible, nous observons bien un gradient social: plus on descend dans l’échelle sociale, plus le risque de ne pas avoir été vacciné en 2006 est important. Le différentiel entre les deux classes extrêmes est cependant relativement faible: de l’ordre de 7%.
Dépistage du cancer du col de l’utérus: frottis cervical et vaginal (16)
Selon le KCE (2006), « le dépistage par frottis classique permet d’éviter en Belgique environ 1 . 400 cancers du col par an . Malgré tout , chaque année , 700 femmes sont encore atteintes d’un cancer invasif du col , cancer qui n’avait pas été détecté à temps par dépistage . Ce cancer sera mortel pour plus d’un tiers d’entre elles . Seulement 59 % des femmes de 25 à 64 ans se présentent régulièrement chez leur gynécologue ou médecin traitant pour un frottis de dépistage du cancer du col . (…) La mortalité due au cancer du col diminuera d’abord par une plus large participation au dépistage et , dans une moindre mesure , par l’amélioration de la qualité des tests ».

Figure 5 – Soins préventifs NB :
* Vaccins antigrippes – critère supplémentaire pour la standardisation : avoir résidé en institution durant la période de vaccination
* Dépistages : standardisation pour l’âge et la région Les cas de détection de ce cancer ne se répartissent pas équitablement entre les différentes classes. Pour les femmes MC considérées (entre 25 et 65 ans), notre analyse met en évidence un gradient social relativement fort: plus on descend dans l’échelle sociale, plus la chance de réaliser un frottis est faible. Ainsi, appartenir à classe la plus faible entraîne 13% de chance en moins de réaliser un frottis en 2006 par rapport à la population de référence, 21% vis-à-vis de la classe la plus élevée.
A noter l’existence de deux vaccins contre le col de l’utérus, remboursés par l’assurance maladie (depuis le 1er novembre 2007) pour les filles de 12 à 15 ans dans un premier temps, puis jusqu’à 18 ans. Le KCE (2007) considère que « ces vaccins protègent efficacement contre certains types du virus HPV (17) et que , selon les estimations , jusqu’à 50 % des cancers du col de l’utérus pourraient être évités . Le dépistage du cancer du col de l’utérus par frottis vaginal reste toutefois indispensable , même après vaccination ».
Dépistage du cancer du sein (18)
Selon l’Agence intermutualste (2007), « en Belgique , durant la période 2004 2005 , 57 % des femmes âgées de 50 à 69 ans ont réalisé une mammographie : 31 % par mammographie diagnostique et 25 % par mammotest dans le cadre du programme organisé . Après une forte progression lors du 1er tour du programme national , le nombre de femmes évolue lentement . Les écarts entre les groupes d’âge et entre les catégories socio économiques se réduisent ».
Notre analyse des données 2006 (pour les femmes âgées de 50 à 69 ans affiliées à la MC) met encore en évidence un gradient social significatif. Ainsi, d’après notre échelle sociale, les femmes issues la classe la plus basse ont 17% de chance en moins de procéder à un dépistage par rapport à celles de la classe la plus élevée.
Selon Willems et al. (2007), un élément explicatif quant à ces différences socio-économiques en matière d’utilisation des soins préventifs est à chercher dans les inégalités sociales en matière d’information. Ces inégalités peuvent être en partie liées aux campagnes de prévention pas suffisamment axées sur les groupes socio-économiques défavorisés.

Contacts avec les prestataires et structures de soins

Malgré qu’elles soient relativement faibles, on observe des différences socio-économiques en matière de consultations et/ou visites des médecins généralistes et spécialistes. Les soins dentaires et les admissions hospitalières témoignent d’inégalités plus importantes.
Médecins généralistes (figure 6)
Concernant les contacts avec les médecins généralistes (tous types de contacts confondus), il n’y a pas tellement de différences entre les classes, hormis la plus faible qui se démarque sensiblement des autres. Elle présente une propension légèrement plus faible d’entrer en contact (au moins une fois) avec un médecin généraliste au cours de l’année 2006. Cependant, lorsqu’il y a eu au moins un contact, la fréquentation des généralistes se révèle plus intense dans cette classe: le nombre médian de contacts pour 2006 est de 6,45 pour ceux appartenant à la classe la plus basse, tandis que ce même nombre est de 5,23 pour ceux de la classe la plus élevée.

Figure 6 – Contacts avec les médecins généralistes et spécialistes Ces données confirment les résultats de l’enquête de santé de 2004 qui met en évidence que les personnes socio-économiquement défavorisées ont davantage de contacts avec le médecin généraliste. Elle met également en évidence que le nombre de visites à domicile est plus important chez les personnes socio-économiquement défavorisées, et que les contacts se font davantage sur l’initiative du médecin généraliste lui-même.
Médecins spécialistes (figure 6)
Pour les contacts avec les médecins spécialistes (tous types de contacts et de spécialistes confondus), le gradient social est progressif, même s’il est très faible. On observe que la classe la plus élevée se distingue quelque peu des autres (elle manifeste une préférence d’entrer en contact avec un médecin spécialiste au cours de l’année 2006).
En outre, l’enquête de santé de 2004 met en évidence que le nombre de contacts avec un médecin spécialiste est relativement moins important chez les personnes socio-économiquement défavorisées, et que celles-ci ont moins de contact sur leur propre initiative (41% contre 73% chez les personnes plus scolarisées (19)).
Soins hospitaliers (figure 7)
Les admissions à l’hôpital général que nous avons considérées sont essentiellement celles qui ont eu lieu dans des services de soins aigus (20). De façon générale, le risque d’avoir eu au moins une telle admission en hôpital général durant l’année 2006 augmente au fur et à mesure que l’on descend l’échelle sociale. Les personnes appartenant à la classe la plus faible présentent 20% de risque supplémentaire d’être admis en hôpital général en 2006, par rapport à ceux appartenant à la classe la plus élevée. Cette tendance se confirme lorsqu’on examine les données en 2006 concernant l’hospitalisation en service de pédiatrie ou de soins néonatals (pour les enfants âgés de 15 ans et moins).
L’enquête de santé de 2004 apporte un complément d’information et d’explication par rapport à ces observations. « La proportion des admissions en hôpital de jour par rapport aux hospitalisations classiques augmente quand le niveau d’instruction est plus élevé . Ceci est sans doute dû au fait que l’on préfère garder de manière prolongée à l’hôpital des patients qui pourraient avoir des complications difficiles à reconnaître , ceci afin d’éviter des problèmes . Cela est peut être lié au souhait du patient qui n’est pas sûr de pouvoir assumer à domicile les soins postopératoires » (21).
Figure 7 – Admission hospitalière Figure 8 – Soins dentaires Soins dentaires (figure 8)
Depuis trois ans, les prestations de dentisterie pour les enfants jusqu’au 12e anniversaire sont remboursées à 100 % des tarifs prévus à la convention. De plus, ces enfants bénéficient également de règles permettant une application plus large du tiers-payant. Depuis le 1er juillet 2008, ces mesures sont étendues aux jeunes jusqu’au 15e anniversaire.
Elles permettent dès lors une meilleure accessibilité financière pour toutes les couches de la population, ce qui ne résout pas pour autant la problématique des inégalités de santé en la matière. En effet, le gradient social observé au niveau des soins dentaires préventifs (22) (chez les affiliés MC de moins de 18 ans) est relativement fort: les jeunes issus de la classe la plus faible ont 28% et 36% moins d’opportunité de bénéficier de ces soins par rapport à, respectivement, l’ensemble des jeunes de moins de 18 ans et ceux provenant de la classe la plus élevée.
Le remboursement à 100% des tarifs officiels jusqu’au 12e anniversaire (et jusqu’au 15e anniversaire à partir du 1er juillet 2008) ne concerne pas les soins orthodontiques. Selon une étude KCE (2008), pour ces soins « le coût total se situe souvent au delà de 2 . 000 euros . L’INAMI rembourse environ 30 % de ce montant si la demande est introduite avant le 15e anniversaire de l’enfant . Les organismes assureurs interviennent en outre pour près de 20 % via l’assurance complémentaire . Le jeune patient , ou plus exactement ses parents , doit donc débourser environ 50 %, soit un peu plus de 1 . 000 euros ».
L’ampleur de ces frais explique les inégalités sociales que nous observons en 2006. En effet, les affiliés MC âgés entre 10 et 16 ans issus de la classe la plus basse ont une opportunité plus faible à commencer un tel traitement (27% par rapport à la population de référence, 33% par rapport aux jeunes issus de la classe la plus élevée).

Comportement ‘adéquat’ par rapport au système de soins

Ces dernières années, différentes mesures ont été mises en place afin d’inciter à une utilisation plus rationnelle et efficace du système de soins, le but étant de mieux maîtriser la croissance des dépenses publiques de santé, tout en améliorant la qualité et l’accessibilité financière des soins pour le patient. L’introduction du dossier médical global (DMG) et de mesures encourageant la consommation de médicaments moins chers et décourageant le recours aux services d’urgence, en font partie.
Facturation du forfait pour soins urgents (figure 9)
Le forfait de soins d’urgence a été introduit le 1er mars 2003. L’objectif de cette mesure était de responsabiliser le patient par rapport à une utilisation appropriée du service des soins d’urgence à l’hôpital. L’idée était la suivante: lorsque le patient sollicite à tort le service d’urgence d’un hôpital, un forfait restant à sa charge lui est facturé. Initialement fixé à 12,50 euros, le montant du forfait est ensuite passé à 9,5 euros (ou 4,75 euros pour les bénéficiaires de l’intervention majorée). Sur le terrain, l’application du forfait pour soins d’urgence a soulevé bien des critiques. Il a d’ailleurs été supprimé au 1er juillet 2007 et remplacé par de nouvelles dispositions.

Figure 9 – Forfait ‘soins d’urgence’ et DMG Selon notre échelle sociale, que peut-on observer pour l’année 2006 ? C’est bien la classe la plus faible qui a été davantage exposée au risque de se voir facturer ce forfait (à raison de 43% par rapport à l’ensemble des affiliés MC et de 64% par rapport à la classe la plus élevée). Ceci doit nous faire réfléchir à l’organisation non seulement des services d’urgence (en tant que portes d’entrée vers les soins hospitaliers) mais aussi à la médecine de garde et à l’information du public par rapport à ces structures de soins.
Le Dossier Médical Global (figure 9)
Le DMG a été introduit le 1er mai 1999 afin d’améliorer la coordination des soins médicaux et la collaboration entre les prestataires de soins grâce à un meilleur échange de données. Il permet d’éviter des prescriptions contradictoires et/ou de refaire inutilement des examens identiques. L’ouverture ou la prolongation d’un DMG ne coûte rien aux patients. Au contraire, ces derniers bénéficient d’un réel avantage: réduction de 30% du ticket modérateur sur les consultations. Sa diffusion est très inégale selon les régions: fin 2007, seulement 29% des membres de la MC disposaient d’un DMG en Wallonie, 25% à Bruxelles, et 63% en Flandre. Au sein des autres unions nationales, la répartition géographique est similaire. On peut estimer, d’après Laasman et Lange (2006), qu’un peu moins de la moitié de la population dispose d’un DMG.
Nous observons également en 2006 des inégalités entre classes sociales, essentiellement entre la classe la plus basse et les autres (au niveau desquelles on n’observe pas de différences significatives). Ainsi, pour les personnes appartenant à la classe la plus basse, ne pas disposer d’un DMG est plus fréquent de 8% par rapport au reste de la population. On peut mettre ces résultats en parallèle avec ceux relatifs au fait d’avoir eu au moins un contact avec un médecin généraliste, ce qui peut constituer un élément explicatif.
Consommation de médicaments moins chers (figure 10)
Diverses mesures, décrites dans Cornelis (2007), ont été prises dans le secteur des médicaments ambulatoires. Elles ont eu un impact considérable sur le volume de consommation des médicaments moins chers (génériques et médicaments dont le prix public a diminué jusqu’à celui des génériques correspondants). La part des médicaments moins chers, mesurée en DDD, est passée de 11% au premier trimestre 2002 à 40% au premier trimestre 2007.
Qu’en est-il des différences de consommation entre classes sociales? En 2006, le volume de médicaments moins chers représentait 37,8% du volume total. A la figure 10, on voit que cette proportion ne varie que très peu en fonction de l’échelle sociale. Figure 10 – Proportion de médicaments moins chers Pour tenir compte de la structure par âge, sexe et région de domicile, nous avons procédé à une standardisation directe. Avec ce calcul, nous obtenons alors la proportion ajustée compte tenu de ces critères de stratification. Après ajustement, on observe que la proportion de médicaments moins chers est légèrement plus importante dans les classes défavorisées et intermédiaires, légèrement plus faible dans la classe la plus élevée, les variations restant toutefois de très faible ampleur.
Ces résultats sont à mettre en perspective avec ceux d’une étude récente réalisée par le CRIOC d’après laquelle « les consommateurs issus des groupes sociaux inférieurs et moyens déclarent moins souvent connaître les médicaments génériques , à l’inverse des groupes sociaux supérieurs . En général , les consommateurs membres des groupes sociaux inférieurs perçoivent plus négativement que la population les médicaments génériques . Ils doutent de leur efficacité , de leur prix , de leur composition et de la facilité d’obtention et de prise » (23). Malgré une moins bonne connaissance et une plus grande réticence par rapport aux médicaments génériques de la part des catégories sociales moins favorisées, nos résultats indiquent une propension un peu plus élevée de leur part à consommer des médicaments moins chers. Les obstacles identifiés par le CRIOC n’apparaissent donc pas déterminants, ce qui est plutôt une bonne nouvelle. Malgré tout, on aurait pu s’attendre à une plus grande pénétration des médicaments moins chers auprès des populations moins favorisées.

Conclusion

A l’aide de données administratives et de prestations de soins de santé des affiliés à la MC, nous avons mis en rapport divers indicateurs de santé avec une échelle sociale. Cette dernière regroupe cinq classes de secteurs statistiques où résident nos affiliés, l’ordre des classes reflétant la ‘valeur’ relative de ces secteurs (mesurée par la médiane des revenus fiscaux qui y sont déclarés en 2006).
Cette méthode d’approche est différente de celle des enquêtes de santé, mais révèle les mêmes tendances, à savoir la présence de gradients sociaux à divers niveaux d’analyse: mortalité, morbidité, utilisation et comportement par rapport aux structures de soins (de 1ère et 2ème ligne, soins préventifs et curatifs). Rappelons quelques résultats frappants. Par rapport aux individus de la classe la plus élevée, nous observons que les individus appartenant à la classe la plus faible ont:
-un risque de mortalité accru de 45% et 24% de chance en moins de décéder à domicile;
-un risque plus élevé, à raison de 55%, d’avoir au moins 30 jours d’incapacité de travail et, à raison de 66%, de devenir invalide;
-deux fois plus de chance d’être admis en hôpital psychiatrique ou en service (neuro)psychiatrique d’un hôpital général;
-36% de propension en moins à bénéficier de soins dentaires préventifs (pour les mineurs d’âge);
-un risque plus élevé de 64% de s’être vu facturé en 2006 un forfait pour soins urgents.
Ces inégalités ne s’expliquent pas uniquement par des difficultés quant à la disponibilité ou à l’accessibilité financière des services de santé. Elles renvoient également à d’autres déterminants liés à la position socio-économique d’un individu dans la société. Toute une série d’éléments explicatifs ont été mis en évidence par de nombreuses études, comme les comportements alimentaires, le tabagisme, les conditions de vie (matérielles et psycho-sociales, etc.). Ainsi, les individus issus des classes socio-économiques moins favorisées ont des pratiques alimentaires moins saines, fument davantage et ont des conditions de vie matérielles et psycho-sociales moins bonnes.
Afin de réduire ces inégalités, tous les pouvoirs publics et les partenaires sociaux doivent se mobiliser et faire de cette problématique leur priorité. En effet, pour y arriver, il faudra mener des actions sur plusieurs plans: les revenus, l’emploi, le logement, l’éducation, l’environnement (matériel, social et culturel) et la santé. Plus spécifiquement pour les mutualités, les champs d’action sont nombreux: prévention et éducation pour la santé, diffusion d’informations ciblées, optimisation des droits, efforts soutenus pour favoriser l’accessibilité aux soins de santé. Mais il est illusoire de croire que le système de santé est seul en cause: les inégalités sociales de santé ne sont finalement qu’un révélateur de toutes les autres inégalités et lignes de fracture de notre société.
Hervé Avalosse , Olivier Gillis , Koen Cornelis , Raf Mertens , Département Recherche et Développement de l’ANMC

Cet article a été publié initialement dans MC-Informations – Analyses et points de vue, périodique trimestriel de l’Alliance nationale des mutualités chrétiennes, n° 233, septembre 2008. Il est reproduit avec son aimable autorisation. (1) Disponibles sur: https://www.iph.fgov.be/epidemio/epifr/index4.htm
(2) Selon le site de la DG Statistique: «Le revenu total net imposable est constitué de tous les revenus nets, moins les dépenses déductibles. L’ensemble des revenus nets est la somme de tous les revenus nets appartenant aux catégories revenus des biens immobiliers, revenus et recettes de capitaux et biens mobiliers, revenus professionnels et revenus divers». Disponible sur: https://statbel.fgov.be/surveys/fisc.asp
(3) Lorsque le nombre de déclarations fiscales est trop faible, il n’y a pas de calcul des revenus moyens ou médians. La limite a été fixée à 20 déclarations fiscales.
(4) Cette méthode a également été utilisée pour l’analyse des différences régionales de consommation dans Cornelis (2005), Avalosse et al. (2008).
(5) La DDD, “Defined Daily Dose” ou “Dose Journalière Moyenne”, est un instrument de mesure lié à la classification ATC (classification des principaux principes actifs des spécialités pharmaceutiques établie par l’OMS). L’OMS définit la DDD comme la dose journalière moyenne supposée pour un médicament utilisé pour son indication principale chez un adulte (Source: INAMI).
(6) D’après https://www.fares.be/affections_respiratoires/bpco/theoriebpco.php .
(7) Les codes ATC sélectionnés sont les suivants: R03A (adrénergiques et produits pour inhalations), R03BA (glucocorticoïdes), R03BB (anticholinergiques), R03DA04 (théophylline et théophylline sodium glycinate).
(8) Enquête de santé 2004, voir Demarest et al. (2006)
(9) Enquête de santé 2004, voir Demarest et al. (2006)
(10) https://www.inami.fgov.be/secure/fr/allowances/informations/index.htm
(11) Gillis et Mertens (2008a), pp. 12-13.
(12) De Boyser (2007).
(13) Code ATC sélectionné: N06A (antidépresseurs).
(14) INAMI (2006), p. 111.
(15) Code ATC sélectionné: J07BB (vaccins antigrippe)
(16) Détection à l’aide des codes de nomenclature suivants: 114030, 114041, 149612, 149623.
(17) Le cancer du col de l’utérus est causé par un virus appelé papillomavirus humain (HPV).
(18) En prenant en compte les codes nomenclatures sélectionnés par Fabri et al. (2007).
(19) Demarest et al. (2006), p. 51.
(20) Nous n’avons pas considéré les séjours dans les services de gériatrie, de (neuro)psychiatrie, les services spécialisés pour le traitement et la réadaptation fonctionnelle.
(21) Demarest et al. (2006), p. 60.
(22) Codes de nomenclatures dénotant les examens, les scellements des fissures et puits, le nettoyage prophylactique et le détartrage.
(23) Vandercammen (2008), pp. 66-67.

Bibliographie

Résultats des enquêtes de santé par interview

– Demarest S, Leurquin P, Tafforeau J, Tellier V, Van der Heyden J, Van Oyen H. 1998. La santé de la population en Belgique . Enquête de Santé par Interview , Belgique 1997 , Résumé des résultats . Bruxelles. Service d’Epidémiologie. Institut Scientifique de Santé Publique.
https://www.iph.fgov.be/EPIDEMIO/epifr/crospfr/hisfr/his97fr/his.pdf .
– Buziarsist J, Demarest S, Gisle L, Miermans PJ, Sartor F, Tafforeau J, Van der Heyden J, Van Oyen H. 2002. Enquête de Santé par Interview , Belgique 2001 . Synthèse . Bruxelles. Service d’Epidémiologie. Institut Scientifique de Santé Publique. IPH/EPI reports 2002 – 25.
https://www.iph.fgov.be/EPIDEMIO/epifr/crospfr/hisfr/his01fr/hisfr.pdf .
– Demarest S, Gisle L, Hesse E, Miermans PJ, Tafforeau J, Van der Heyden J. 2006. Enquête de Santé par Interview , Belgique 2004 . Synthèse . Bruxelles. Service d’Epidémiologie. Institut Scientifique de Santé Publique. IPH/EPI reports 2006 – 36.
https://www.iph.fgov.be/EPIDEMIO/epifr/crospfr/hisfr/his04fr/hisfr.pdf .
– Vancorenland S. 2006. Tous les Belges ont-ils le même droit à la santé? – Synthèse des résultats de l’enquête santé 2004. MC Informations . 224: 3-10.
https://www.mc.be/fr/128/info_et_actualite/mc_informations/mc_informations_224.jsp .

Sur les inégalités sociales de santé

– De Boyser K. 2007. Armoede, sociale ongelijkheid en gezondheid in cijfers. In : Vranken J, de Boyser K, Dierckx D, Campaert G. (ed.) Armoede en sociale uitsluiting . Jaarboek 2007 . Leuven. Acco: 153-166.
– De Boyser K, Levecque K. 2007. Armoede en sociale gezondheid : een verhaal van povere netwerken? In : Vranken J, de Boyser K, Dierckx D, Campaert G. (ed.) Armoede en sociale uitsluiting . Jaarboek 2007 . Leuven. Acco : 167-178.
– Gillis O, Mertens R. 2008a. Pourquoi pauvreté ne rime pas avec santé? MC Informations . 231: 4-16 (aussi dans Education Santé . 239: 1-8).
https://www.mc.be/fr/128/info_et_actualite/mc_informations/mc_info_mars_2008/inegalite_sociale/
– Gillis O, Mertens R. 2008b. Mesures concrètes de réduction des inégalités de santé: quelques exemples européens. MC Informations . 232: 3-14.
https://www.mc.be/cm-tridion/fr/128/Resources/inegalites_de_sante_lres_tcm178-49240.pdf .
– Mackenbach JP, Stirbu I, Roskam AJ et al. (2008). Socioeconomic inequalities in health in 22 european countries. The New England Journal of Medecine . 358: 2468-81.
– Willems S, Van de Geuchte I, Impens J, De Maeseneer J, Alaluf V, Van Nespen I, Maulet N, Michel Roland M. 2007. Problématique des inégalités socio-économiques de santé en Belgique. Santé conjuguée . 40: 25-34.

Sur les méthodes de standardisation

– Groupe d’analyse du Programme spécial pour l’analyse de la santé. 2002. La standardisation: une méthode épidémiologique classique pour la comparaison des taux. Organisation Panaméricaine de la Santé. Bulletin Epidémiologique . Volume 23.3.
Disponible sur: https://www.paho.org/french/dd/ais/EB_v23n3.pdf

Autres références

– AIM. 2007. Programme national de dépistage du cancer du sein. Communiqué de presse de l’Agence Intermutualiste (AIM) du 02/10/2007.
Disponible sur: https://www.nic-ima.be/library/documents/quality%20projects/MA%205%20FR%20communiqu%C3%A9%20de%20presse.pdf .
– Avalosse H, Cornelis K, Geurts K, Mertens R, Hermesse J. 2008. Les différences de consommation de soins de santé en Belgique. Où sont les vrais enjeux? MC Informations . 231: 17-29.
https://www.mc.be/cm-tridion/fr/128/Resources/mc_info_231_diff_regionales_tcm178-45075.pdf .
– Cornelis K. 2005. Analyse régionale des dépenses en soins de santé en 2003 : nuances quant aux différences brutes de consommation. MC Informations . 218: 3-10.
https://www.mc.be/cm-tridion/fr/128/Resources/analyse_regionale_soins_de_sante_tcm178-8348.pdf
– Cornelis K. 2007. L’influence des mesures prises dans le secteur des spécialités pharmaceutiques ambulatoires remboursables, sur l’évolution des dépenses et des volumes. MC Informations . 230: 3-11.
https://www.mc.be/cm-tridion/fr/128/Resources/reportage_tcm178-39180.pdf .
– Cornelis K, Mertens R. 2007. De grandes différences dans la consommation de médicaments en maisons de repos. MC Informations . 229: 1-6.
https://www.mc.be/cm-tridion/fr/128/Resources/consommation_medicaments_mr_tcm178-37463.pdf .
– Fabri V, Remacle A, Mertens R. 2007. Programme de dépistage du cancer du sein période 2002 2003 et 2004 2005 . Bruxelles. AIM. Rapport 5.
Disponible sur: https://www.nic-ima.be/library/documents/quality%20projects/MA%205%20FR%20Depistage_cancer_sein.pdf .
– INAMI. 2006. Rapport annuel.
Disponible sur: https://www.riziv.fgov.be/presentation/fr/publications/annual-report/2006/index.htm .
– KCE. 2006. Cancer du col de l’utérus : d’abord une question de dépistage méthodique. Communiqué de presse du Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) du 11/10/2006.
Disponible sur: https://kce.fgov.be/index_fr.aspx?SGREF=3470&CREF;=7760 .
– KCE. 2007. Le vaccin HPV offre une protection partielle contre le cancer du col de l’utérus, le dépistage reste néanmoins crucial. Communiqué de presse du Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) du 17/10/2007.
Disponible sur: https://www.kce.fgov.be/index_fr.aspx?SGREF=8945&CREF;=9983 .
– KCE. 2008. L’orthodontie chez les jeunes: parfois pour des raisons médicales, souvent pour l’esthétique. Communiqué de presse du Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) du 07/04/2008.
Disponible sur: https://kce.fgov.be/index_fr.aspx?SGREF=10498&CREF;=10912 .
– Laasman JM, Lange B. 2006. Dossier médical global . Evolution et variation des taux de couverture de la population de septembre 2004 à octobre 2005 . Bruxelles. Union nationale des mutualités socialistes. Direction Etudes.
Disponible sur: https://www.mutsoc.be/NR/rdonlyres/8CB92AD0-0520-4F4D-9CC8-C31E15898643/0/DMG032006.pdf

Plan communautaire opérationnel en santé cardiovasculaire. Un processus participatif en unités de concertation

Le 30 Déc 20

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Contexte et principe général des unités de concertation

Le Programme quinquennal de promotion de la santé (2004-2008) de la Communauté française a épinglé la santé cardiovasculaire comme l’une des priorités en termes de prévention et de promotion de la santé en Communauté française. Les maladies cardiovasculaires sont en effet la principale cause de décès et de morbidité dans notre pays.
La thématique cardiovasculaire est rendue particulièrement complexe par l’éventail très large des secteurs et acteurs concernés. C’est pourquoi un groupe de travail a été constitué et dans son sillage, une Cellule d’appui (la CAP Coeur). Cette cellule a été chargée par la Ministre de la Santé Catherine Fonck de travailler à l’opérationnalisation du plan communautaire prévention et promotion de la santé cardiovasculaire de la Communauté française.
En créant des unités de concertation (UC), la CAP Coeur propose d’initier un processus d’analyse systémique et participatif devant permettre aux acteurs des divers secteurs concernés par la santé cardiovasculaire de formuler des objectifs et des stratégies opérationnelles et réalistes. Chaque UC a pour mission de proposer des objectifs et des stratégies qui pourraient être mis en oeuvre dans un délai de deux à cinq ans.
Ces unités prennent la forme de regroupements d’institutions/acteurs en lien direct avec un milieu de vie d’un public cible en offrant de la sorte une représentation intersectorielle. L’identification des acteurs à impliquer a été réalisée sur base d’une grille croisant les publics cibles par tranches d’âge et leurs milieux de vie.
Ces unités n’ambitionnent pas, et ne peuvent d’ailleurs, présenter une composition exhaustive d’acteurs. Chaque UC de dix à quinze personnes aura idéalement une composition mixte regroupant des acteurs de terrain et des décideurs des divers secteurs.
Précisons enfin que les acteurs intégrant les UC ne doivent pas nécessairement être des représentants officiellement mandatés par leur secteur. Ils peuvent y être à titre de «praticiens connaisseurs de leur terrain». Enfin, si la notion de territorialité est importante, une approche de ce type sera difficile à mettre en place au stade d’initiation des premières UC.
A ce stade de la démarche, les unités de concertation prévues sont:
«Unité milieu de la petite enfance»
«Unité enseignement fondamental»
«Unité enseignement secondaire»
«Unité enseignement supérieur et universitaire»
«Unité monde du travail»
«Unité adultes non actifs et/ou à statut précaire»
«Unité seniors actifs (1)»
«Unité populations fragilisées (2)»
«Unité pouvoirs locaux»
«Unité colloques singuliers»

Fonctionnement des unités de concertation et planning des rencontres

Après l’identification et la mobilisation des acteurs, le processus des UC se déroulera en plusieurs étapes et sous-étapes.

Analyse en amont

Afin de limiter le nombre de rencontres et de se focaliser le plus rapidement possible sur le concret avec les acteurs de terrain, il est proposé qu’un travail d’analyse de situation soit réalisé en amont par la Cellule d’appui.

Rencontres en unités de concertation

Trois à quatre rencontres en unités de concertation sont envisagées à ce stade.
Une première réunion de présentation et d’échanges sur l’analyse de situation proposée par la CAP Cœur est prévue. Les échanges permettront aux acteurs de compléter l’exercice réalisé par la CAP Coeur, de s’approprier les objectifs présentés et de fixer les indicateurs pour une évaluation ultérieure des actions.
Une seconde rencontre serait destinée à affiner la réflexion, permettre des «retours en arrière», à inventorier les moyens et ressources existants ainsi qu’à préciser les indicateurs de suivi.
La troisième rencontre, quelques semaines plus tard, visera à travailler à l’identification et la formulation de stratégies opérationnelles et de résultats attendus, sans oublier les moyens et ressources nécessaires.
Une journée «forum(s) (3)» réunira les différentes UC dans une perspective d’échange intersectoriel et de validation des approches proposées.

Résultats attendus

Chaque UC disposera d’un cadre de planification qui pourra être utilisé à deux niveaux. Cela permettra aux acteurs de renforcer leur plan d’action et de définir des stratégies prioritaires dans le champ de la promotion de la santé cardiovasculaire.
La Communauté française disposera d’un PCO cardiovasculaire opérationnel (ou un Programme de promotion de la santé cardiovasculaire) qui guidera les décisions politiques et la mise en oeuvre des actions. En effet, le PCO cardiovasculaire disposerait ainsi d’une série de stratégies opérationnelles précises couvrant l’ensemble des milieux de vie des publics cibles devant contribuer à l’objectif global de la Communauté française en termes de santé cardiovasculaire.

Les unités de concertation multidisciplinaires

Unité milieu de la petite enfance

Les participants seront des acteurs de l’ONE, des représentants des milieux d’accueil, le FARES, des CLPS, des acteurs du milieu associatif, ainsi que des représentants du secteur «activités physiques» et des populations précarisées (CPAS, etc.).

Unité enseignement fondamental

Les participants seront les acteurs scolaires du fondamental des différents réseaux, sans oublier des représentants des écoles à discrimination positive, des inspecteurs des différents réseaux, des représentants d’associations de parents, des services PSE et PMS, des CLPS, des services de restauration collective, des acteurs du milieu «activités physiques», le milieu associatif, le para- et extrascolaire, des acteurs travaillant avec les populations précarisées (CPAS, etc.).

Unité enseignement secondaire

Les participants seront les acteurs scolaires du niveau secondaire des différents réseaux, ainsi que des écoles à discrimination positive, des inspecteurs des différents réseaux, des représentants d’associations de parents, des services PSE et PMS, des CLPS, des AMO, des services de restauration collective, des acteurs du milieu «activités physiques», le FARES, le milieu associatif, le para- et extrascolaire, des acteurs travaillant avec les populations précarisées (CPAS, etc.).

Unité enseignement supérieur et universitaire

Les participants seront les acteurs scolaires du niveau supérieur (Hautes Ecoles, universités), des services de restauration collective, des acteurs du milieu «activités physiques», des CLPS, des services PSE, le réseau associatif des mutuelles, le FARES…

Unité monde du travail

Les participants seront des médecins du travail, les partenaires sociaux (employeurs, syndicats), les représentants des mutualités, des acteurs de la restauration collective, des structures de promotion de l’activité physique et des associations travaillant sur le thème de la santé au travail.

Unité adultes non actifs et/ou à statut précaire

Les participants seront des acteurs de l’éducation permanente, des acteurs de l’insertion socioprofessionnelle, des acteurs du milieu associatif et sportif, des CLPS, le réseau associatif des mutuelles, des acteurs travaillant avec les populations précarisées.

Unité seniors actifs

Les participants seront des acteurs du milieu de l’éducation permanente, du milieu «activités physiques», du secteur associatif, des acteurs travaillant avec les populations défavorisées, etc.

Unité populations fragilisées

Si dans un souci d’intersectorialité et de cohérence, des acteurs travaillant avec ces populations apparaissent au sein des autres unités, il est également intéressant que ces derniers se retrouvent afin d’aborder des aspects méthodologiques spécifiques à ces publics. Cette unité n’a pas été identifiée sur base de la grille «milieux de vie» mais reflète plutôt le souci que ce public soit pris en considération à part entière par des acteurs «spécialisés». Les participants seront des CPAS, le milieu associatif, le milieu «activités physiques», des maisons médicales, les CLPS, les relais sociaux, le réseau associatif des mutuelles, des acteurs associatifs travaillant spécifiquement avec ce type de populations…

Unité pouvoirs locaux

Les participants seront des représentants de l’Union des Villes et Communes dans la Région de Bruxelles-Capitale et en Région wallonne, des échevins de la santé, des représentants des villes en santé, des représentants du niveau provincial, de CPAS, d’associations du secteur environnemental et de la mobilité, etc.

Unité colloque singulier

Cette unité adoptera un fonctionnement plus léger que les autres unités afin de pouvoir compter sur la participation de différents professionnels de la santé. Cette unité rassemblera des travailleurs de la santé amenés à rencontrer les patients en colloques singuliers par la porte d’entrée d’un facteur de risque: médecins généralistes, cardiologues, diététiciens, kinésithérapeutes, tabacologues, pharmaciens, psychologues…

Vous êtes intéressé(e) par le travail des unités de concertation? Vous souhaitez être informé(e)?
N’hésitez pas à communiquer vos coordonnées (nom, prénom, fonction, organisme, adresse, téléphone, courriel en précisant l’UC à laquelle vous souhaiteriez participer ou dont vous souhaiteriez suivre les travaux).
Cécile Béduwé , pour la CAP Coeur
Adresse de contact: CAP Cœur, Cécile Béduwé, Ecole de Santé Publique de l’ULB, Route de Lennik 808 CP 596, 1070 Bruxelles. Tél: 02 555 40 94. Courriel: cbeduwe@ulb.ac.be (1) On entend ici les 50-75 ans non dépendants.
(2) On entend ici les populations socio-économiquement défavorisées.
(3) Soit une journée forum réunissant l’ensemble des unités, soit plusieurs forums réunissant les unités par «intérêts communs».

Sida: ne comptez pas sur la chance

Le 30 Déc 20

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Comme chaque année la Plate-forme prévention sida a mis en place cet été une campagne de sensibilisation à l’intention des jeunes. La période est propice aux rencontres plus libérées qu’en période scolaire, et dès lors ouvre la possibilité d’une augmentation de rapports sexuels non protégés.
La campagne s’est adressée aux jeunes âgés de 15 à 25 ans, avec trois sous-publics: les jeunes hétérosexuels belges, les jeunes hétérosexuels d’origine étrangère et les jeunes homosexuel(le)s.
Le message visait en particulier:
-les jeunes qui croient qu’il ne leur arrivera jamais rien, et qui comptent sur la chance pour ne pas être infectés;
-les jeunes qui ne se sentent pas concernés par le sida et les IST;
-les jeunes qui se protègent, afin de les conforter et les pousser à continuer de se préoccuper du sida et des IST.
La campagne 2008 reprenait les objectifs, les idées, les messages et les visuels de 2006 et 2007 en les affinant et complétant sur base d’une évaluation fouillée des réalisations antérieures.
La prise en compte des éléments saillants de l’évaluation des campagnes précédentes a donc été le fil conducteur des différents acteurs impliqués dans le processus de construction et d’amélioration des outils.
Ainsi, un nouveau visuel à l’attention des jeunes homosexuels, deux autocollants, deux pochettes de préservatifs, un jeu sur Internet et des cachets pour le milieu festif ont été créés en plus des outils réalisés les années précédentes (notamment spots TV et radio).

Quel(le) séducteur(séductrice) es-tu?

A l’heure où Internet envahit le paysage de l’information et de la communication, et ce particulièrement chez les jeunes, la Plate-forme prévention sida a développé un outil ludique et léger sur Internet. Plus concrètement, il s’agit d’un projet de buzz marketing (principe du bouche à oreille sur Internet) s’intitulant «Quel(le) séducteur/séductrice es-tu ?».
En se connectant sur https://www.preventionsida.org/seduction , l’internaute est invité à séduire une personne, homme ou femme, via plusieurs étapes qu’il passe en répondant à des questions. Au moment de conclure, se pose la question de l’utilisation ou non du préservatif. En fonction de sa décision, il recevra son «profil» (ex.: Secret safe lover, Secret risky lover, Cool safe lover, Cool unsafe lover, Love safe master, Serial unsafe lover) dans lequel il trouvera, entre autre, des conseils de prévention.
L’internaute est invité à transférer son «profil» via un mail, son blog ou Facebook à ses amis et ainsi les inviter à faire de même. C’est à ce moment que se crée le bouche à oreille pour faire circuler le message. Cette approche permet d’aborder la question de la séduction mais aussi et surtout celle des freins liés à l’utilisation du préservatif.

Alex et la vie d’après

L’asbl Ex æquo, un des partenaires de la Plate-forme, vient de publier un outil de promotion de la santé et de prévention du VIH/Sida auprès des homo-/bisexuels masculins. Il s’agit d’une bande dessinée dont l’ambition est de susciter des questions et de donner des informations en lien avec la séropositivité (annonce du diagnostic, relation médecin-patient, suivi des traitements antirétroviraux, santé sexuelle, discriminations…). Elle a été construite au départ d’un groupe porteur qui a défini les sujets à aborder au cours de l’année 2006, et réalisée par Thierry Robberecht (scénario) et Fabrice Neaud (dessin). Sur un sujet à la fois délicat et peu exaltant de prime abord, c’est une incontestable réussite.
L’album de 60 pages comprend, outre le récit lui-même, des témoignages, des infos médicales, un glossaire et des adresses utiles.
Il peut être obtenu gratuitement chez Ex æquo, rue Locquenghien 41, 1000 Bruxelles. Tél.: 02 736 28 61. Fax: 02 733 96 17. Courriel: info@exaequo.be. Site: https://www.exaequo.be

Données épidémiologiques récentes

Au cours de l’année 2007, 1052 nouveaux diagnostics d’infection par le VIH ont été rapportés en Belgique. Après une augmentation observée à partir de 1997, le nombre de personnes qui découvrent leur séropositivité est stable depuis 2002 et se situe entre 1000 et 1075 cas par an.
Ces chiffres masquent des évolutions différentes selon les populations touchées. Les infections par contacts hétérosexuels, qui constituent chaque année la majorité des infections diagnostiquées, ont vu leur proportion diminuer au cours du temps: elles représentaient 64% des infections diagnostiquées en 2002 pour 53% en 2006.
A l’opposé, le nombre d’infections diagnostiquées chez les homo/bisexuels masculins est en nette augmentation. Lorsque le mode de transmission est connu, les cas de séropositivité dans la population homo/bisexuelle masculine constituaient 23,4% des infections diagnostiquées en 2002 et 39,8%, soit près du double, en 2006.
Les années 1990 avaient été marquées par une diminution des infections et par l’adoption de comportements à moindre risque dans la population homosexuelle. Les années 2000 constituent un tournant, avec des chiffres comparables à ceux observés au début de l’épidémie.
Le nombre accru d’infections par le VIH et la progression des infections sexuellement transmissibles dans cette population signent un retour des pratiques à risque.

Incertitude sur le financement de la Plate-forme

En novembre 2007, l’asbl Plate-forme prévention sida a introduit une demande de financement pluriannuel (2008-2010) afin de poursuivre ses actions de sensibilisation et de prévention des infections sexuellement transmissibles (IST) et du sida.
Cette demande a été rédigée en se basant sur trois sources principales:
– les Stratégies concertées du secteur IST/Sida, qui définissent le cadre de référence commun des acteurs du secteur en termes d’objectifs, de stratégies et d’évaluation;
– les recommandations issues du travail d’évaluation formative réalisé par la Plate-forme en concertation avec le secteur de la prévention du sida et de la promotion de la santé;
– les enseignements des évaluations des activités précédentes.
Le budget demandé est équivalent au budget reçu depuis 3 ans, à savoir 490.000 euros.
Six mois plus tard, l’incertitude était grande quant à l’avenir du projet pluriannuel de la Plate-forme, et celle-ci marquait son inquiétude en entendant parler d’une possibilité de réduction budgétaire pour un montant de 90.000 euros. Elle se posait des questions sur les raisons justifiant une réduction budgétaire aussi importante, à un moment où les indicateurs épidémiologiques et comportementaux en lien avec les IST et le VIH restent préoccupants. Elle tenait aussi à rappeler:
– que la prévention du sida et des autres IST est une priorité du Plan communautaire opérationnel de la Communauté française;
– que la Plate-forme intègre de plus en plus systématiquement la prévention des autres infections sexuellement transmissibles dans le cadre de ses actions. Il est à noter qu’aucune politique claire en matière de prévention des autres infections sexuellement transmissibles n’a été définie en Communauté française et que ces infections sont en recrudescence ces dernières années;
– qu’elle renforce progressivement ses liens avec les acteurs du secteur de l’éducation affective et sexuelle, dans un souci d’intégration et d’articulation de la prévention IST/Sida;
– qu’elle veille en continu, par le développement d’un travail d’évaluation et par sa participation aux Stratégies concertées, à l’amélioration de ses processus de travail et de la qualité de ses productions.
Pour conclure, elle affirmait qu’« audelà des risques de restrictions budgétaires pour la Plateforme , le secteur de la prévention IST / Sida reçoit depuis plusieurs mois des signes qui laissent penser que cette thématique est de moins en moins prioritaire et risque d’accuser des réductions de budget dans la plus grande indifférence ».

Commentaire

La revue Education Santé est logée à la même enseigne que la Plate-forme, et dépend des moyens que la Communauté française estime judicieux d’allouer à son projet. Quand le financement est correct et bénéficie d’une certaine continuité (5 ans est le maximum possible), la situation permet de travailler de façon sereine.
Les périodes (de demande) de renouvellement sont évidemment stressantes, puisqu’il faut d’abord convaincre une Commission d’avis du Conseil supérieur de promotion santé et l’Administration de la Santé du bien-fondé de la démarche, en espérant ensuite que la Ministre, à qui incombe la décision finale de financer ou non, suivra les recommandations (1).
Tout en comprenant le désarroi de la Plate-forme, il faut aussi savoir que depuis de nombreuses années, la prévention du sida est une thématique privilégiée par la Communauté française, les réalités budgétaires en attestent (2). La perspective d’un subside raboté de 20% n’est guère réjouissante, c’est vrai, mais il est vrai aussi que pas mal d’opérateurs de la promotion de la santé seraient très heureux d’obtenir ne fût-ce que la moitié du budget dévolu à la Plate-forme…
Christian De Bock , sur base du dossier de presse de la campagne été 2008 et de la ‘note relative au retard de décision et à la probable diminution budgétaire du programme de la Plate-forme’
Plate-forme prévention sida, av. Emile de Béco 67, 1050 Bruxelles. Tél.: 02 733 72 99. Fax: 02 646 89 68. Courriel: info@preventionsida.org. Internet: https://www.preventionsida.org

(1) Si les avis sont convergents et positifs, évidemment! C’est le cas en ce qui concerne la Plate-forme. Au moment où nous rédigions cet article, la décision ministérielle n’était pas encore connue.
(2) En 2006 par exemple, en ce qui concerne la mise en œuvre du Plan communautaire opérationnel, seule la vaccination (2.730.000 euros) a obtenu plus de moyens que la prévention du sida (2.067.000 euros).

Vente d’alcool aux moins de 16 ans. Quand le simple respect de la loi est qualifié de comportement éthique!

Le 30 Déc 20

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Une nouvelle campagne de sensibilisation relative à la consommation d’alcool par les jeunes, vient de voir le jour sous le nom ‘Respect 16’ (1).
Le but annoncé de cette campagne est de donner aux distributeurs d’alcool et au secteur de l’Horeca des conseils et recommandations pour ne pas servir de la bière aux moins de 16 ans. L’idée est de faire passer le message de façon moins autoritaire, plus ‘cool’.
Il s’agit, a priori, d’une action très positive. L’alcool est un enjeu de santé publique important, et de nombreuses actions restent à mener dans ce domaine. Parmi celles-ci, il est en effet indispensable de sensibiliser et de former les acteurs de première ligne, dont notamment le personnel Horeca, quant à leurs responsabilités en la matière. Une information sur la législation en vigueur est tout autant nécessaire, l’interdiction de vente aux moins de 16 ans dans les débits de boissons étant encore trop souvent ignorée. Nous pouvons croire aussi que le secteur brassicole a intérêt à promouvoir une consommation plus responsable de ses produits afin de ne pas en détériorer l’image.
Dans les faits, InBev ne se contente pas de donner des conseils aux professionnels mais se permet également de donner des conseils aux parents dans leur manière d’agir avec leurs adolescents. Si, a priori, cette initiative peut sembler louable, la forme et le message de cette campagne suscitent à tout le moins questionnement.
En effet, baser cette campagne sur le respect, sans s’attarder – et telle est sa finalité – sur l’interdiction légale de servir de la bière aux moins de 16 ans, n’est pas judicieux. En agissant de la sorte, le jeune pourrait comprendre que le débat se situe dans un cadre éthique et non dans un cadre légal.
Or, la loi interdit la vente d’alcool aux mineurs, en raison des dangers évidents liés à une consommation régulière ou abusive d’alcool: conduites à risque, phénomènes de violence, relations sexuelles non protégées ou non désirées, dangers psychologiques, accoutumance… et non parce que boire de l’alcool quand on a 15 ans ce n’est pas ‘cool’.
L’opérateur (Inbev, et les brasseurs belges) n’adopte pas le bon ton, il stigmatise le jeune dans sa campagne, stimule l’intérêt du public au produit: le serveur excite le taureau (nous, les consommateurs) avec une bière qu’on essaie d’attraper mais qui nous échappe, et cela nous énerve. On peut dès lors s’interroger sur les effets réels attendus de la campagne: sera-t-elle contre-productive? D’un point de vue strictement commercial l’opérateur aurait tout à y gagner.
Dans cette action promotionnelle, ce qui saute surtout aux yeux c’est que l’opérateur n’a pas la crédibilité nécessaire pour mener ce type d’action. Il est juge et partie: confie-t-on la prévention du tabagisme aux cigarettiers (2)? Ou la prévention des maladies aux firmes pharmaceutiques (3)?
Autant l’opérateur est dans une certaine mesure légitime pour s’adresser directement aux professionnels du secteur Horeca, autant diffuser des messages de prévention n’est pas de son ressort. Le CRIOC, les Fedito’s wallonne et bruxelloise et le Groupe porteur «Jeunes et alcool» en Communauté française plaident pour que ce genre de campagnes de sensibilisation émane d’organismes totalement indépendants des intérêts marchands, et tout particulièrement, dans le cas de l’alcool, de ceux des alcooliers.
Autre paradoxe et pas des moindres: comment InBev peut-elle faire de la sensibilisation, tout en visant de plus en plus les jeunes dans ses campagnes marketing (4) et en affirmant comme le déclare le directeur des brasseurs belges: ‘ Nous sommes fiers des bières que nous brassons et de l’effet positif qu’elles peuvent avoir dans la vie quotidienne ‘ (5). On peut penser qu’Inbev cherche plus à déplacer le nécessaire débat sur la place de l’alcool dans notre société et notre économie et à occulter sa part de responsabilité dans les consommations nocives d’une partie de la population.
La grande visibilité médiatique de cette action ne semble dès lors pas s’adresser au public précis du personnel Horeca, mais bien aux médias et au monde politique afin de s’acheter une image d’entreprise responsable et éthique. La réalité est bien différente: cette entreprise finance des événements sportifs, utilise des techniques pointues pour fidéliser les jeunes consommateurs (actions spécifiques pour les mouvements de jeunesse par exemple, ou via des publicités associant alcool, virilité et performances sportives, sponsoring des cercles étudiants…) et mène dans les faits toutes actions pouvant augmenter son volume de vente, fidéliser et renouveler sa clientèle, et garder en l’état une législation permissive, particulièrement dans le domaine des stratégies marketing.
Sentant le vent qui tourne, Inbev cherche-t-il à se prémunir contre la fin de l’autorégulation du secteur des alcooliers que de nombreux acteurs en promotion de la santé et en santé publique souhaitent?
En attendant le Plan d’action national alcool (PANA), nous réitérons notre demande pour une législation univoque et mieux contrôlée et dénonçons cette action promotionnelle de diversion de la part des entreprises brassicoles réunies derrière cette campagne.
CRIOC , Fédito’s wallonne et bruxelloise , Groupe porteur Jeunes et alcool’

Politique belge en matière d’alcool

Le 17 juin dernier, les 7 ministres compétents en matière de santé ont fait une ‘Déclaration conjointe sur la politique future en matière d’alcool’.
Elle poursuivra trois objectifs :
-prévenir les dommages liés à l’alcool;
-combattre la consommation inadaptée, excessive, problématique et risquée d’alcool et non pas seulement la dépendance;
-viser des groupes et des situations à risque.
Ces objectifs seront traduits en une série de mesures concrètes, relatives à la disponibilité des boissons, à des adaptations de la législation concernant la vente aux jeunes, à la limitation des marges de manœuvre des producteurs en matière de marketing et de publicité, à la conduite de véhicules, à la politique des prix. Des mesures toucheront aussi des groupes cibles comme les jeunes et les femmes enceintes.
La faisabilité d’autres mesures (installation de systèmes ‘alcolocks’ dans les voitures, limitation du taux d’alcoolémie au volant pour les conducteurs inexpérimentés) sera étudiée.
Commentant cet accord, la Ministre fédérale de la Santé, Laurette Onkelinx , a déclaré qu’il est « primordial de conjuguer nos efforts à tous les niveaux de pouvoir afin de prévenir et réduire les dommages liés à l’alcool , avec une attention toute particulière pour les jeunes , particulièrement vulnérables face à ce fléau
La plupart de ces mesures sortent des compétences exclusives des ministres de la Santé, et leur concrétisation nécessitera un travail de collaboration au sein des gouvernements tant régionaux que communautaires et fédéral.
Laurette Onkelinx ajoute qu’« on peut déjà se réjouir du signal important que représente l’adoption de ces mesures communes à l’ensemble du pays ».
Un état des lieux de l’avancement de ces travaux et de la mise en œuvre effective de ces mesures sera réalisé à l’occasion de la prochaine Conférence interministérielle de la Santé prévue en décembre prochain.

L’image du verre à moitié vide ou à moitié plein est tout à fait indiquée pour commenter cette initiative.
Les autorités estiment avoir fait un pas en avant, le acteurs de la prévention trouveront ce catalogue de mesures très léger, voire insignifiant, les industriels de l’alcool y verront des motifs d’inquiétude. C’est précisément pour éviter d’être l’objets de réglementations plus sévères qu’ils développent des projets comme celui présenté et dénoncé ci-dessus…
Vous trouverez le texte complet de cet accord à l’adresse https://www.laurette-onkelinx.be/production/content.php?ArticleId=70&PressReleaseId;=243

(1) https://www.respect16.be
(2) C’est déjà arrivé (ndlr)…
(3) C’est encore plus fréquent (ndlr)!
(4) Les dossiers de l’éducation aux médias n°3, Media Animations, 2007: ‘ Les publicitaires savent pourquoi Les jeunes , cibles des publicités pour l’alcool ‘ (téléchargeable: https://www.jeunesetalcool.be )
(5) ‘ Responsible brasseurs ‘, La Libre Belgique, 22/05/08

Alimentation saine pour groupes socialement défavorisés

Le 30 Déc 20

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Début juin, la Fondation Roi Baudouin organisait une journée d’échanges consécutive à un de ses nombreux appels à projets dans le domaine de la santé. Une petite centaine de personnes y ont activement participé.
C’était une bonne occasion d’observer la concrétisation d’une belle idée de la Fondation, qu’elle applique régulièrement: un appel à projets ne permet pas uniquement de donner de façon ponctuelle un coup de pouce financier à des initiatives, mais aussi de constituer un réseau avec les lauréats. Une façon dynamique d’enrichir considérablement le bagage des uns et des autres, et d’aller beaucoup plus loin dans une démarche citoyenne.
Ainsi, en l’occurrence, les 13 projets retenus ont permis de construire un guide pratique sur le thème ‘alimentation, santé et précarité’ à l’usage des professionnels de l’action sociale, de la santé et de l’alimentation. Nous vous reparlerons de cet outil à paraître très prochainement.
Autre dimension importante, le réseau a pu produire aussi une série de propositions à l’intention des décideurs de tous poils. Ce sont ces recommandations qui ont fait l’objet d’un travail entre les membres du réseau et des intervenants d’horizons divers, au cours d’une journée à la fois conviviale et chaleureuse, qui laissa une très large part aux débats en petits groupes.
L’indispensable cadrage méthodologique était assuré par Geneviève Houioux (ULB-PROMES) et Lucette Barthélémy (INPES), qui a collaboré entre autres à la réalisation de l’outil pédagogique ‘Alimentation atout prix’ (voir la rubrique ‘Outil’ de ce numéro). Cette dernière rappela quelques principes utiles pour réussir une démarche de promotion de la santé: ne pas se focaliser sur la connaissance pure, ‘jongler avec la complexité’, mettre en évidence de façon positive les déterminants ‘salutogènes’ plutôt que plaider l’évitement des comportements pathogènes, favoriser la participation et l’empowerment… Elle souligna aussi les avancées du Programme national nutrition santé français depuis son lancement en 2001.
Tout au long de cette journée, nous avons été vraiment séduit par l’engagement, la générosité, l’imagination fertile des membres du réseau. Notre seul regret en tant qu’observateur: le programme ne nous donna pas l’occasion d’approcher concrètement les projets lauréats.
On aurait pourtant bien voulu en savoir plus, par exemple sur le jardin communautaire liégeois, ses fruits et légumes, ses fleurs et ses herbes aromatiques, ou sur les ateliers cuisines organisés par La Source à Bruxelles…
Une petite frustration que nous aurons peut-être l’occasion de digérer en vous présentant l’une ou l’autre de ces réalisations dans un prochain numéro!
Christian De Bock

La santé du coeur en Communauté française. Etat des lieux et perspectives pour les acteurs de terrain

Le 30 Déc 20

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La Ministre de la Santé, de la Jeunesse et de l’Enfance, Catherine Fonck , a lancé le 28 mai dernier au siège de l’Union nationale des mutualités libres un ambitieux Plan communautaire de promotion de la santé cardiovasculaire en Communauté française.
Le programme (trop) chargé de l’après-midi a démarré par une présentation de l’état des lieux des initiatives récentes – et elles sont nombreuses – dans notre communauté (1) par Alain Levêque (Ecole de santé publique ULB) et Jean-Luc Collignon (Centre d’éducation du patient).
Un exposé remarquable de Michel Beauchemin (Direction régionale de santé publique, Agence de santé et de services sociaux de la Capitale-nationale, Québec) nous permit d’apprécier le travail de mobilisation, d’animation, de concertation et de mise en place de pratiques communes que construit son équipe depuis plusieurs années, avec d’ores et déjà des indices encourageants de succès. Il insista avec brio sur le fait que les actions purement informatives et éducationnelles ne suffisent pas si ce qu’il appelle des actions ‘populationnelles’ (e.a. modification de l’environnement, de l’offre de produits et services, etc.) ne se font pas en parallèle. On a beau le savoir, quand c’est dit de façon percutante avec simplicité et humour, on y croit encore plus!
Luc Berghmans , président du comité de pilotage du PCO de promotion de la santé cardiovasculaire (2), martela les conditions nécessaires aux succès: intégration, cohérence et coordination, continuité et intensité, action simultanée sur tous les facteurs critiques, implication des bénéficiaires.
Pour sa part, Yves Coppieters expliqua (à grande vitesse!) le futur mode de fonctionnement du dispositif (voir article suivant), suivi par des témoignages d’acteurs de terrain, qui nous frustrèrent malheureusement d’un véritable échange avec les participants.
Anne Boucquiau (Cabinet Ministre de la Santé) et Hervé Lisoir (Fondation Roi Baudouin) présentèrent en primeur l’appel à projets ‘Bien-être et santé du cœur auprès de la population défavorisée’ (voir les Brèves du numéro précédent).
Enfin, il revint à Alain Levêque de clôturer les débats. Après avoir souligné les mérites de la petite équipe de la cellule d’appui du plan, il fixa les enjeux des prochains mois: relancer et alimenter le cadastre des actions, mobiliser les acteurs clés au sein des unités de concertation qui permettront d’opérationnaliser le plan pour démarrer réellement courant 2009, et mettre en place une véritable coalition au profit de la santé cardiovasculaire, en n’oubliant personne.
L’entreprise est ambitieuse, espérons que les nombreux acteurs pressentis pourront y inscrire leurs priorités et projets propres…
Christian De Bock (1) N. Moreau, MM. Leurquin, JL. Collignon, A. Levêque, Elaboration d’un cadastre des actions et projets de prévention et de promotion de la santé en santé cardiovasculaire en Communauté française de Belgique. Université libre de Bruxelles et Centre d’éducation du patient, avril 2007, 64 pages. Ce rapport est téléchargeable sur https://www.santecardiovasculaire.be .
(2) Pour l’historique de la mise en place de cette dynamique, nous vous renvoyons à l’article ‘Plan communautaire opérationnel – le volet santé du cœur’ , C. De Bock et L. Berghmans, Education Santé n° 228, novembre 2007.