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Dépistage de l’hépatite C chez les usagers de drogues

Le 30 Déc 20

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«Les grandes choses ont souvent de petits débuts », in David Lean’s Lawrence of Arabia

L’expérience du comptoir d’échange de seringues de Charleroi

L’hépatite C et son impact sur la santé

L’hépatite C est une maladie virale qui atteint essentiellement le foie. Après une infection aiguë, souvent peu symptomatique et généralement méconnue, la plupart des personnes (de l’ordre de 80%) entrent dans une phase d’hépatite chronique qui peut durer plusieurs dizaines années. Une partie d’entre elles (les proportions varient fortement d’une population à l’autre) vont développer une fibrose du foie qui peut évoluer vers une cirrhose, voire un cancer du foie (hépatome).
A la phase chronique de la maladie, on peut observer des signes et symptômes peu marqués ou très peu spécifiques, comme une fatigue anormale. Seuls les résultats d’une analyse de sang peuvent permettre d’établir le diagnostic. Un traitement (4-5 comprimés par jour + 1 injection sous-cutanée par semaine) suivi pendant 24 à 48 semaines selon le type de virus peut conduire à ce qu’on peut raisonnablement appeler une guérison dans 40 à 80% des cas, pour autant que ce traitement (contraignant pour le patient) soit commencé avant les premiers signes de cirrhose ou de cancer. Il y a donc, pendant la phase chronique de la maladie, qui peut durer de l’ordre de 10-20 ans voire davantage, une opportunité pour une intervention médicale relativement lourde mais efficace. Ce traitement demande un suivi régulier et, vu notamment le risque de troubles dépressifs liés au traitement, est parfois difficile à respecter (1).
La plupart des usagers de drogue se contaminent (essentiellement par usage intraveineux mais aussi par les pailles et cotons utilisés pour «sniffer» la drogue) dans les premiers mois de leur consommation. La justification principale du dépistage n’est donc pas fondamentalement la prévention de nouveaux cas (prévention primaire) comme c’est le cas face à l’infection par le VIH mais plutôt d’amener au traitement les personnes infectées et d’éviter les complications majeures (préventions secondaire et tertiaire).
La co-infection par le VIH accélère l’évolution de l’hépatite C mais aussi augmente sa contagiosité par relation sexuelle et de la mère à l’enfant (transmission verticale). Il est donc intéressant de faire en même temps le dépistage de ces 2 virus dans une population à risque.

La réflexion de base

Le Comptoir d’échange de seringues de Charleroi a commencé son activité en 2001. On retiendra qu’il est ouvert quelques heures en soirée et qu’il permet l’échange d’environ 50.000 seringues par an. Annuellement 400 usagers environ le fréquentent, certains de manière anecdotique, d’autres de manière plus régulière. Une partie des échanges ont lieu à la permanence, dans un local clairement identifié de la Ville Basse (2), une autre partie est faite par l’équipe de l’asbl «Carolo Rue» qui sillonne les endroits fréquentés par les utilisateurs de drogues et, entre autre chose, leur propose des seringues propres.
Cette action se positionne clairement dans une philosophie de la réduction des risques et sur la nécessité d’une démarche de rencontre des usagers sur leur propre terrain. Ce dernier point s’était développé face à la constatation que certaines personnes ne sont pas capables de faire la démarche d’aller dans un endroit précis et qu’il faut plutôt aller vers elles.
Les éducateurs du Comptoir ont constaté que les demandes venant des utilisateurs de drogue pour un test de dépistage du VIH sont fréquentes et ils ont donc donné les coordonnées notamment de l’asbl «Sida MST Charleroi» qui pouvait leur proposer ce dépistage éventuellement de manière anonyme et gratuite. Peu toutefois faisaient la démarche de se rendre à l’asbl dans les heures d’ouverture du dépistage et parmi ceux-ci, peu venaient chercher leur résultat.
Après quelques mois d’une telle pratique, soit dès la fin 2001, l’asbl Le Comptoir et l’asbl Sida MST envisagent une collaboration, discutent avec l’aide d’un comité d’accompagnement de la finalité du projet et des modalités pratiques et décident de réaliser des séances de dépistage du VIH, de l’hépatite B et de l’hépatite C dans les locaux du Comptoir lors des permanences d’accueil des usagers.
Pour ce faire, l’asbl Sida MST y détache un médecin qui rencontre directement les usagers qui souhaitent se faire dépister.
Les objectifs de départ ont été énoncés comme suit:
-rendre le dépistage plus accessible en le proposant sur place, gratuitement et anonymement;
-favoriser la connaissance de l’usager de son «état sérologique», non seulement du VIH (à prévalence relativement faible dans cette population) mais aussi de l’hépatite C (qui deviendra progressivement la partie importante du dépistage) et de l’hépatite B (3).
-orienter les usagers positifs et les informer des démarches pratiques à entreprendre pour entamer un suivi médical.

L’organisation pratique

Pour la période 2002-2003, on assure une séance par mois avec annonce du résultat une semaine plus tard. En 2003-2004 et 2004-2005, le dépistage a été réalisé à raison d’une séance par semaine pendant les mois de septembre, janvier, avril et mai.
Ces séances sont annoncées au Comptoir par les éducateurs du service, par des affiches qui y sont apposées et également par l’équipe des éducateurs du service Carolo Rue. Les personnes viennent sans rendez-vous. Pour le reste, la pratique a été copiée sur celle, datant maintenant de plusieurs années, de l’asbl Sida MST Charleroi.
Les usagers remplissent un questionnaire anonyme de pré-counselling qui servira de base à l’échange avec le médecin et qui permettra également une analyse des données recueillies. Le médecin reçoit les personnes une à une pour un entretien qui déterminera l’utilité de la prise de sang mais aussi préparera la personne au résultat et essaiera de la responsabiliser face aux comportements à adopter pour se protéger et protéger les autres. Le résultat de l’analyse de sang est annoncé par le médecin à l’usager lors d’une deuxième entrevue, habituellement la semaine suivante, dans les locaux du Comptoir. Une nouvelle discussion centrée sur les résultats est proposée à l’usager.

Résultats

La prise de sang a été faite pour pratiquement tous les usagers qui rencontraient le médecin, soit chez 99 des 105 «consultants» (voir tableau 1). Le choix de l’un ou (et) l’autre test se fait en discussion entre l’usager et le médecin. L’adjonction des tests hépatiques dans la deuxième période résulte du fait que certains usagers connaissaient déjà leur infection par l’HCV mais voulaient savoir «où ils en étaient», c’est-à-dire s’il étaient dans une phase «agressive» de la maladie justifiant un traitement.
Environ deux tiers des usagers sont venus pour la remise des résultats lors de la deuxième séance; cette proportion augmente d’année en année.
Les résultats des analyses (tableau 1) sont tout à fait cohérents avec les données de la littérature: aucune infection par le VIH n’a été détectée dans ce petit nombre d’usagers, 10 % sont porteurs du virus de l’hépatite B et près de 60 % ont des anticorps de l’HCV (4). Notons qu’un quart des personnes testées ont des tests hépatiques nettement perturbés (>2.5 la normale) (5).

Tableau 1:Résultats des tests de dépistage (3 périodes- 105 contacts)

Test

Nombre de tests effectués Prévalence (% de tests)
Ac-VIH 99 0.0
Ag Hbs (Hépatite B) 82 9.7
Ac HCV (Hépatite C) 82 58.5
GOT/GPT > 2.5 x normale 63 23.8

Tableau 2: quelques caractéristiques des personnes testées (en % des consultants)

Transfusion avant 85 Soucis/inquiétudes Avec un partenaire occasionnel ou si plusieurs partenaires
Oui Oui

Comptoir asbl Sida MST
Nature du risque
0 4
Usage de drogues en intraveineux 54 2
Echanges seringues et matériel de consommation 68 0
Prostitution 17 2
Risques professionnels (6) 18 4
MST connue 9,1 8
Motivations du dépistage
50 44
Risque particulier 30 36
Nouvelle relation 27 34
Signes physiques attribués à la maladie 0 6
Autres raisons (hépatites) 20 0
Utilisation du préservatif
10 70
Non 42 18
Irrégulièrement 48 10
Avec un nouveau partenaire
39 60
Non 26 5
Irrégulièrement 35 34

Caractéristiques de la population dépistée

Nous avons comparé certaines données concernant les personnes faisant un dépistage au Comptoir et celles venant à l’asbl Sida MST parmi lesquelles une très faible proportion viennent dans un contexte d’usage de drogue. Ce qui suit reprend les risques et motifs de dépistage (le détail des autres chiffres sont disponibles auprès des auteurs).

Entre ces deux populations, on note peu de différences en ce qui concerne l’age et le sexe. L’aire géographique des consultants de Sida MST est plus large et il y a davantage de chômeurs ou d’attributaires du revenu minimum d’insertion parmi les usagers du Comptoir (82,5 % versus 34%). De même, davantage de consultants de Sida MST sont en ordre de mutuelle ou en voie de régularisation que ceux du Comptoir (94% versus 79,2%). Le parcours scolaire des personnes fréquentant le Comptoir s’est arrêté plus rapidement que celui des consultants de Sida-MST. Ce constat situe le public des usagers dans une position d’exclusion sociale assez nette.
Peut-être y a-t-il un peu plus de personnes du Comptoir qui avaient déjà fait des tests de dépistage (65% versus 52%) et davantage d’usagers de drogue qui ont eu des relations sexuelles avec des prostitué(e)s (36% versus 15%) et certainement avec d’autres usagers de drogues (6,5% versus 0%), alors que les consultants de Sida MST rapportent davantage de risques liés à un rapport sexuel avec une personne venant d’un pays à haute endémicité du VIH ou se disant (ou ayant l’air?) séropositive pour le VIH (19% versus 0%): c’est bien là une différence logique.
Si le type de relation sexuelle, le nombre et la stabilité des partenaires sont semblables dans les deux groupes, l’utilisation du préservatif est nettement différente. La cause principale de cette non utilisation par les usagers de drogue est le fait que son utilisation est jugée «non agréable», ce qui est aussi le cas, mais de manière moins nette, pour les consultants de Sida-MST Charleroi.

Evaluation et orientation future

L’annonce d’un résultat positif, quel qu’il soit, a souvent déclenché les réactions habituelles de déni, de colère, de déprime et puis d’acceptation. En discutant avec les permanents du Comptoir mais aussi avec les usagers eux-mêmes, on arrive à mieux cerner les raisons qui font que certains usagers ne viennent pas reprendre leur résultat (hospitalisation, prison).
La charge financière du médecin (temps de travail proprement dit mais également temps de réflexion avec les équipes et de l’évaluation de l’activité) a été assurée par l’asbl Sida MST Charleroi dans son budget de prévention du VIH tandis que le matériel et l’analyse de laboratoire elle-même étaient pris en charge par le CHU de Charleroi. A partir du moment où le CHU de Charleroi participait au projet de dépistage du VIH subventionné par la Communauté française, les dossiers ont été joints à ceux faits dans ce cadre.
Partie d’une démarche de dépistage du VIH, notre action s’est en fait fort logiquement déplacée vers une démarche de dépistage de l’HCV. L’étape suivante a été franchie entre les deux premières périodes lorsque nous avons ajouté la détermination des tests hépatiques, première étape vers une démarche thérapeutique puisqu’il est communément admis que des tests hépatiques anormaux sont une des conditions du traitement (et d’ailleurs de son remboursement).
Nous avons découvert dans notre population 9 personnes (soit près de 10 %) chez qui une indication de traitement pourrait se discuter. Il est évident que si on refait ces tests hépatiques aux autres personnes HCV+, on en trouvera l’une ou l’autre qui aura des GO/GP anormales. En effet, ces tests sont classiquement fluctuants avec des périodes de normalité, même dans l’hépatite chronique qui nécessiterait un traitement. Lors de la 3e période, nous avons revu quelques usagers déjà testés antérieurement, qui se souvenaient du résultat de leur test et venaient, soit pour en avoir confirmation, soit pour savoir si leur hépatite avait évolué. On est là aux prémisses d’une continuité de surveillance et de soin!
L’étape suivante est évidemment d’amener les personnes qui rentrent dans les indications de traitement à se faire soigner. Il faudrait pour cela qu’ils rentrent dans les critères de traitement, ce qui demande cette fois inévitablement un suivi dans une structure médicalisée de type plus classique, pour une mise au point comprenant essentiellement des analyses sanguines plus poussées, une échographie du foie et une biopsie hépatique dans la plupart des cas. Les dernières recommandations européennes ne considèrent plus la continuation de l’usage de drogue comme une contre-indication en soi au traitement. Il faut toutefois constater que cette continuation de l’usage va souvent de pair avec une mauvaise adhésion au régime régulier des consultations et des prises de médicaments, facteur important du succès thérapeutique.
Face à cette dernière contrainte, on peut réagir de deux manières.
Soit on constate que la difficulté de l’usager de drogue à faire la démarche, qui paraît minime, d’aller dans un centre de dépistage est, en soi, une indication qu’il ne sera pas capable de suivre le parcours thérapeutique complet, surtout si cela implique l’arrêt de la consommation de drogue. Dans cette optique, le dépistage comme nous l’organisons n’a pas de raison d’être et nous devons l’arrêter.
Ou alors on considère que le contact régulier au Comptoir avec le début de médicalisation que sont les deux entretiens médicaux dans le cadre du dépistage, suivis éventuellement d’une surveillance des tests hépatiques à ce même Comptoir est une manière pour l’usager d’apprivoiser la démarche médicale et pourra, du moins pour certains, ouvrir la porte vers un suivi médical plus classique, tout en donnant une motivation (de plus?) à l’arrêt de la consommation ou du moins au passage à la méthadone. Dans cette optique, nous devons continuer notre action et l’orienter vers une «fidélisation» de l’usager.
Nous sommes pour l’instant en pleine réflexion sur ce dernier point. Il nous reste aussi à réfléchir à un programme de vaccination contre l’hépatite B pour les usagers n’ayant pas d’anticorps et qui ne sont pas (encore) porteurs de ce virus. Ceci rentrerait bien aussi dans l’objectif d’«apprivoiser» l’usager.
Sommes-nous en train de nourrir un projet irréaliste ou au contraire de découvrir une nouvelle piste de resocialisation et de traitement d’usagers de drogues avant qu’ils ne soient tout à fait déstructurés?
Dr JC Legrand , CHU Charleroi, Maladies infectieuses, Dr D Dufour , asbl Sida MST Charleroi, Florence Przylucky , asbl Comptoir d’échanges.
Adresse des auteurs: Sida IST Charleroi Mons et Centre de suivi CHU Charleroi, Bd Janson 92, 6000 Charleroi. Courriel: jean-claude.legrand@chu-charleroi.be.
Cette action de promotion de la santé est possible grâce à des subventions de la Communauté française

(1) Il ne s’agit ici bien entendu que d’un survol très rapide et simplifié de l’hépatite C, de son histoire naturelle et du traitement.
(2) Depuis quelques mois, le Comptoir a déménagé près du Parc de la Ville Haute.
(3) On y ajoutera par la suite le dépistage de la syphilis par un test d’anticorps et la détermination de deux tests hépatiques (GO/GP) permettant, assez grossièrement, d’évaluer l’activité d’une éventuelle hépatite.
(4) Ces tests n’ont pas été confirmés par PCR mais on peut dans un premier temps s’en contenter, la valeur prédictive positive étant vraisemblance élevée dans cette population.
(5) Ce test n’a évidemment que peu de sensibilité et de spécificité pour affirmer l’activité d’une hépatite chronique.
(6) Ce chiffre peut étonner: une des explications est que quelques permanents du Comptoir se craignant (à juste titre ou non?) à risque ont également demandé de faire un test.

Face au suicide

Le 30 Déc 20

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Le Centre de prévention du suicide

Chaque jour en Belgique, 7 personnes se donnent la mort et une centaine d’autres font une tentative de suicide. Face à ce grave problème, il n’y a pas de solution miracle, mais il n’y a pas de fatalité non plus. Depuis sa création en 1970, le Centre de prévention du suicide propose une écoute active, autant pour les personnes suicidaires que pour celles et ceux dont un proche envisage le suicide ou est passé à l’acte.
24 heures sur 24, une soixantaine de bénévoles qui ont été formés, se relaient pour répondre à plus de 20 000 appels par an. Les personnes en proie à un mal-être pouvant se traduire par des idées suicidaires, leur entourage ou les personnes endeuillées suite au passage à l’acte d’un de leur proche, se voient offrir un espace privilégié d’écoute et de dialogue.
Pour remplir cette fonction délicate, le Centre de prévention du suicide est sans cesse à la recherche de nouveaux répondants bénévoles. Il propose aussi toute une gamme de services: groupes de paroles pour les personnes endeuillées, formations pour les professionnels en contact avec cette problématique, cellule d’intervention psychologique, mais aussi centre de documentation et forum de discussion permettant le débat autour de la thématique.
Enfin, le Centre de prévention du suicide a initié la création d’un «Réseau de la Prévention du suicide en Communauté française» réunissant des spécialistes de la prévention désireux de partager leurs expériences et leurs compétences. Ce réseau organise chaque année des «Journées de la Prévention du suicide», proposant une sensibilisation du public et une journée d’étude pour les professionnels du secteur psycho-médico-social.
Pour toute demande d’information:
Centre de prévention du suicide, Place du Châtelain 46, 1050 Bruxelles.Tél. 02 640 51 56. Fax 02 640 65 92. Courriel: cps@preventionsuicide.be. Internet: https://www.preventionsuicide.be
N° d’appel gratuit 0800 32 123
CF

La prévention du tabagisme chez les jeunes: nouvelles du Québec

Le 30 Déc 20

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Un avis scientifique (1) a été demandé à l’Institut national de santé publique du Québec pour étudier les mesures de santé publique les plus susceptibles de diminuer la prévalence du tabagisme chez les jeunes . Monique Lalonde , conseillère scientifique chargée de réaliser cette importante étude a présenté les recommandations issues de cette recherche à la deuxième Conférence internationale francophone sur le contrôle du tabac à Paris en septembre dernier. Le rapport complet est disponible sur le site de l’Institut ( https://www.inspq.qc.ca ).
Les résultats devaient faire le point sur l’efficacité des diverses mesures de contrôle du tabagisme qui contribuent à prévenir ou à réduire le tabagisme chez les jeunes afin de guider les pratiques de santé publique .
Pour répondre à cet objectif, une revue de littérature (280 articles scientifiques) a été entreprise. L’analyse ne s’est pas limitée aux seules interventions auprès des jeunes. Elle a également intégré l’analyse d’autres mesures visant les adultes et la population générale, mesures susceptibles de participer à la réduction du tabagisme des jeunes, comme les mesures fiscales, légales et réglementaires, le marketing et le contremarketing des produits du tabac, les interventions communautaires et les programmes écologiques (2) au niveau gouvernemental.
Les publications scientifiques ont été consultées sur base de résultats de recherche publiés dans des revues à comité de lecture et dans des rapports d’organismes de santé publique reconnus. L’avis résulte de l’examen de synthèses et de méta-analyses effectuées par des experts spécialisés dans la prévention et la réduction du tabagisme.
Le tableau ci-dessous fait la synthèse des recommandations.

Evaluation de la faisabilité et de la qualité des évidences associées aux interventions recommandées pour la prévention du tabagisme des jeunes

Recommandations + (jeunes) les appellations douces et légères
et pour exiger un emballage neutre

Faisabilité* Qualité des évidences**
Augmentation des taxes +++ +++
Politique interdisant le tabagisme à l’école pour tous, dans la cour, sur les aires de jeux et de sport, et autour des écoles +++ ++
Campagnes médiatiques ++ +++
Amendement de la loi pour interdire l’usage du tabac dans tous les lieux publics intérieurs ++ +++ (adultes)
Curriculum scolaire à l’intérieur d’un programme écologique de prévention en milieu scolaire +++
Programmes communautaires s’adressant aux jeunes + +
Amendement de la loi pour interdire l’étalage des produits du tabac,
+
+
+
+

* Une bonne faisabilité fait référence à des efforts et des coûts raisonnables pour l’implantation réussie de l’intervention et de son maintien à long terme.
** Une évidence de qualité fait référence à des résultats de recherche provenant d’études rigoureuses et en nombre suffisant. Cet article s’attache plus particulièrement à la présentation des recommandations qui peuvent être mises en œuvre dans les écoles. En ce qui concerne les programmes de prévention du tabagisme en milieu scolaire, l’avis envisage les éléments suivants: l’existence d’un cadre de référence d’intervention dans les écoles, les interventions en classe, la politique de l’école, la participation des parents aux programmes et l’implication des jeunes dans ceux-ci.

Cadre de référence

Les critères de qualité (3) des programmes de prévention du tabagisme à l’école sont établis depuis une quinzaine d’années par les experts. Les recommandations des CDC (Centers for Disease Control) font référence depuis 1994 en la matière. Au nombre de ces recommandations, il faut compter:
-l’élaboration et l’application d’une politique sur l’usage du tabac à l’école;
-la transmission d’information relative aux conséquences à court et à long termes de l’usage du tabac;
-la prise de conscience des pressions sociales qui influencent l’usage et des normes des pairs (partie des attitudes en psychosociologie);
-les aptitudes à refuser de fumer;
-le développement d’un curriculum éducatif de prévention du tabagisme de la maternelle à la fin du primaire;
-la mise en œuvre d’un programme intensif au début de l’adolescence en 6e primaire et durant le 1er cycle du secondaire et le renforcement du programme au deuxième cycle du secondaire;
-la formation des enseignants à l’application du programme;
-la participation des parents et des familles au programme;
-la possibilité de bénéficier de programmes d’arrêt et le soutien des élèves et du personnel scolaire qui y participent;
-l’évaluation du programme à intervalles réguliers.
Les CDC estiment qu’il est essentiel de s’attaquer aux deux déterminants principaux du tabagisme : les facteurs individuels et les facteurs environnementaux . Le programme en classe est consacré au volet individuel et vise la modification des aptitudes, des connaissances et des attitudes. Le volet environnemental s’attache à l’implication des parents et à la politique tabac de l’école (règlement scolaire favorisant une école sans tabac: espaces et événements scolaires sans fumée, encouragement des enseignants et du personnel non-scolaire à cesser de fumer).
Plus loin encore, les CDC précisent que, pour être efficace, le programme scolaire doit faire lui même partie d’un programme de contrôle du tabagisme plus général qui permet de lier les efforts scolaires à des interventions communautaires et à des programmes de démarketing .
Le Ministre de la Santé américain rappelle dans son rapport (2000) que la recherche a montré que les programmes scolaires sont plus efficaces lorsqu’ils sont combinés à des campagnes médiatiques et à des efforts communautaires impliquant les parents et d’autres ressources de la communauté .
Plus loin, il insiste sur le rôle critique de l’implantation d’une politique sans tabac en milieu scolaire qui interpelle le directeur , le personnel , les élèves et qui couvre toutes les installations scolaires , les propriétés , les véhicules et les événements . […] Pour maximiser l’impact des programmes scolaires , il importe de les inscrire dans un environnement cohérent .
Des chercheurs se sont également penchés sur les modes d’implantation des programmes respectant ces recommandations: politique antitabac; programme éducatif dispensé par au moins un enseignant comprenant les 4 contenus essentiels (effets à court terme sur la santé; attitudes des groupes; influences sociales; compétences sociales en général et capacités à refuser) et accès à l’aide à l’arrêt.
Comme on peut s’en douter, peu d’écoles mettent en œuvre le protocole d’intervention complet. Ceci peut participer dans une large mesure au manque de résultats probants et à certains effets interpellants observés en matière de prévention du tabagisme des jeunes en milieu scolaire. Comme dans d’autres domaines de la promotion de la santé à l’école, si la totalité des conditions de réussite n’est pas mise en application, l’efficacité générale des programmes en est affectée. Ce qui pourrait pousser certains acteurs à déclarer que la promotion de la santé est irréaliste.
Appliqué de manière partielle, tout programme risque de ne pas atteindre les objectifs qu’on attend de lui. La portée des projets ne peut être entière que si elle respecte l’ensemble des éléments identifiés dans la littérature comme facteurs de succès. Généralement, faute de moyens, de connaissances, pressé par un calendrier ou soumis à un effet de visibilité, un programme sera appliqué en partie. Il ne faudra pas alors s’étonner du peu d’impact sur les indicateurs de santé des jeunes. La prévention de l’obésité chez les jeunes en est un autre exemple.

Interventions en classe: curriculum scolaire

L’avis fait état de 3 types d’approches en classe. L’évolution des interventions au cours du temps s’est déroulée suivant des modèles relativement simples au début des années 70 vers des modèles de plus en plus sophistiqués au fur et à mesure de l’état d’avancement de la recherche, tant au niveau des comportements en général que des comportements des jeunes en particulier. La recherche en pédagogie de la santé à l’école joue aussi un rôle fondamental dans l’amélioration des processus d’intervention auprès des élèves.
Modèle rationnel
Cette approche est basée sur la transmission d’informations relatives aux risques sur la santé et aux conséquences négatives du tabagisme , le plus souvent de manière à faire peur ou à faire naître l’inquiétude . Elle vise ainsi à combler un déficit informationnel .
Bien qu’améliorant le niveau de connaissances , les programmes basés sur ce modèle ont généralement été démontrés inefficaces pour prévenir l’initiation ou pour réduire la consommation chez les fumeurs réguliers .
Fournir des connaissances sur les conséquences du tabagisme a été considéré comme une étape […] nécessaire mais nettement insuffisante pour changer les comportements.
Modèle éducatif affectif
Cette approche s’intéresse aux facteurs individuels conduisant au tabagisme. Elle se concentre ainsi sur l’amélioration de l’image et de l’estime de soi , sur la projection dans le futur. Il s’agit donc ici de clarifier les valeurs (est-ce que je veux ou non commencer à fumer?), d’améliorer les croyances par rapport à soi-même (je vaux quelque chose, je vaux la peine de me prémunir contre les maladies).
La démarche s’attache plus particulièrement à enrichir la confiance en soi , à apprendre à gérer le stress , à clarifier ce que l’on désire devenir et à obtenir un soutien pour établir les buts à atteindre .
Les résultats de ce type d’intervention ont généralement montré un impact faible ou négligeable . Un effet inattendu (qui incite à la prudence) a été relevé dans plusieurs études (mais pas dans toutes) en ce sens que le programme a pu même […] susciter un intérêt pour le tabac plutôt que de décourager le tabagisme .
Modèle des influences sociales
Cette approche met accent sur l’environnement social dans lequel les jeunes évoluent. Le modèle prend en considération deux aspects: la résistance aux influences sociales et l’éducation normative.
Le premier aspect est affecté à la prise de conscience de l’influence des pairs, des parents et des médias dans l’incitation à fumer de manière à ce que les jeunes puissent se prémunir. Les objectifs sont multiples et consistent par exemple à déchiffrer la publicité ou la prévention issues de l’industrie du tabac ou encore à apprendre à résister aux pressions des pairs. Ensuite, le jeune utilisera cette compétence s’il le désire, et s’il le désire seulement.
Le second aspect, l’éducation normative, se penche sur les effets du tabagisme et accorde une attention particulière à modifier les perceptions erronées des jeunes (prévalence du tabagisme parmi une minorité de jeunes et non l’inverse; croyance qu’il sera plus facile d’arrêter de fumer dans 10 ans que maintenant, etc.).
Les composantes de base suivantes sont intégrées dans la majorité des programmes construits sur les influences sociales: information sur les conséquences négatives à court terme; exploration des croyances erronées; motivations des jeunes à fumer; aptitudes à résister aux pressions poussant au tabagisme.
A ce tronc commun, certains programmes ajoutent des composantes psychosociales et des compétences personnelles comme le renforcement de la confiance en soi, les aptitudes à la prise de décision, à la communication, à la résolution de problèmes, à la gestion du stress et de l’anxiété.
En conclusion, l’avis des chercheurs québécois stipule que les curriculums scolaires donnant les meilleurs résultats à court terme sont ceux basés sur l’approche des influences sociales . Pour obtenir des effets à long terme , il faut un curriculum relativement dense comprenant des séances de rappel au deuxième cycle du secondaire et surtout un curriculum inséré dans un environnement scolaire , communautaire et médiatique résolument antitabac .
Toutefois, la prudence est de mise en ce qui concerne les effets à long terme. En effet, certaines études montrent que la prévention durant l’adolescence ne retarderait que le début du tabagisme de plusieurs années. L’épidémiologie nous montre cependant que même cet objectif vaut la peine de continuer la prévention: plus on commence tard et plus on favorise la venue tardive de problèmes de santé; plus on retarde le début de la dépendance et plus on aura de facilité à arrêter lors d’une grossesse par exemple.
Des études complémentaires sont nécessaires pour analyser en profondeur certains effets contradictoires observés dans certaines recherches. Les effets des programmes menés en primaire plaident pour une concentration des efforts éducatifs dans la période de passage au secondaire .
Enfin, les auteurs recommandent d’ intégrer l’éducation relative au tabagisme dans des programmes plus larges traitant soit des produits créant une dépendance ( alcool , drogues et tabac ) soit des habitudes de vie ( activité physique , nutrition et tabac ), ce qui présente dans ce contexte un intérêt évident pour une utilisation optimale des ressources en milieu scolaire . Ils insistent également sur la nécessité de sensibiliser le milieu de l’éducation à l’importance d’accorder une place prioritaire au tabagisme , ce qui constitue un investissement judicieux.

Politique de l’école en matière de tabagisme

L’efficacité des politiques antitabac à l’école est bien documentée dans la littérature scientifique. L’instauration d’une politique de gestion du tabac dans les établissements scolaires est une des recommandations de base que les recherches mettent en avant. Les règlements scolaires relatifs au tabac vont ainsi mettre en cohérence messages et apprentissages des programmes de prévention et règles de vie à l’école. La faisabilité de l’implantation de directives internes a été démontrée dans de nombreuses études, dont une en Communauté française de Belgique («Contrôle du tabagisme chez les jeunes» ou «The CAS study» sur https://www.hbsc.org/linkedprojects/cas.html ).
Contenus
Les CDC recommandent d’élaborer et d’appliquer une politique sur l’usage du tabac à l’école . Ils précisent encore que la politique de l’école en matière d’usage du tabac doit , en plus de se conformer aux lois de l’Etat et aux lois locales : contenir une explication justifiant la prévention antitabac ; interdire l’usage du tabac aux élèves , à tout le personnel , aux parents et aux visiteurs dans l’enceinte de l’école , dans les véhicules et lors des événements qu’elle organise en ses murs ; interdire la publicité du tabac dans les bâtiments de l’école , dans ses publications et à l’occasion des fêtes et des cérémonies scolaires ; obliger tous les élèves à bénéficier de discussions , de partages et d’éducation sur les manières d’éviter l’usage du tabac ; permettre aux élèves et à tout le personnel de l’école de participer à des programmes qui les aideront à renoncer au tabac ; spécifier les façons de communiquer son contenu aux élèves et à la population ; prévoir les modalités participatives de son application .
Modalités de mise en place
Certaines études se sont penchées sur la marche à suivre pour instaurer une politique d’école sans tabac. Elles ont identifié les étapes (4) qui suivent, dans lesquelles les PSE et CPMS peuvent jouer un rôle prépondérant:
-obtenir l’appui nécessaire (officiel) à une réglementation tabac à l’école;
-créer ou utiliser une commission scolaire (comité qualité de vie, cellule santé par exemple) déjà existante pour recommander la politique tabac d’une manière autant consensuelle que possible;
-développer une première version du règlement tabac en complémentarité avec les mesures qui s’appliquent déjà à l’école;
-présenter et faire adopter le règlement au conseil de participation;
-planifier l’implantation et les stratégies d’application du règlement;
-faire connaître le règlement de façon positive dans et en dehors de l’école;
-implanter et mettre en œuvre le règlement;
-faire la promotion continue du règlement ‘tabac’ et évaluer sa mise en application et son impact.

Participation des parents

L’influence des parents en matière de tabagisme des jeunes n’est plus à démontrer. Des études indiquent des liens évidents entre le tabagisme des parents et la probabilité que leurs enfants deviennent fumeurs. D’autres recherches ont identifié une réduction du tabagisme des jeunes ou un report de l’âge auquel les jeunes commencent à fumer dans les familles où les parents faisaient état d’une forte désapprobation, surveillaient le statut tabagique de leurs enfants, discutaient avec eux des effets du tabac, témoignaient des difficultés d’arrêter, mettaient en place des règles antitabac à la maison, ceci quel que soit leur statut tabagique.
Les experts recommandent donc que les programmes de prévention impliquent les parents tant leur appui est nécessaire et complémentaire aux interventions à l’école. Généralement, cette implication prend la forme de rencontres à l’école, de soirées débat, de brochures d’informations, de cahiers d’activités, de jeux à réaliser avec leurs enfants, etc.
Le ministère de la santé du Québec (5) propose la démarche suivante pour faciliter l’implication des parents dans les programmes de prévention des assuétudes.
En phase de planification du programme
-s’appuyer sur des bases théoriques et empiriques solides;
-réaliser un sondage auprès des parents pour recueillir leurs opinions, leurs avis, leurs habitudes relatives à l’usage du tabac;
-s’assurer d’un soutien politique et d’un financement stable;
-commencer tôt: travailler en amont des problèmes;
-cibler les périodes de transition;
-sensibiliser les parents aux problèmes des jeunes;
-proposer un programme à long terme;
-élargir le contexte d’intervention aux autres phénomènes de dépendances en particulier et à la santé en général;
– agir en concertation;
– planifier des contacts fréquents entre l’école et les parents;
-bien choisir les intervenants et les soutenir adéquatement;
-faire appel aux parents comme collaborateurs;
-évaluer la mise en œuvre et les effets de l’intervention.
En phase de recrutement
-faire la promotion du programme par tous les moyens;
-privilégier un contact personnel;
-banaliser la participation des parents au programme;
-inviter de façon répétée et régulière les parents à l’école.
En phase de mise en œuvre
-éliminer les obstacles de votre ressort à l’implantation du programme;
-augmenter les attraits du programme;
-favoriser une appropriation: donner un rôle actif aux parents et aux jeunes;
-favoriser la création d’une relation: développer un contact régulier entre familles et intervenants.

Implication des jeunes

Le recours aux jeunes comme intervenants dans les programmes de promotion de la santé à l’école – l’éducation par les pairs – a bien été décrite, notamment en matière de vie affective et sexuelle, et plus particulièrement du sida, ainsi qu’en prévention du tabagisme. Cette approche s’appuie sur les capacités des jeunes à participer à la réalisation de projet, à communiquer entre eux et à se supporter mutuellement (6).
Elle part de l’hypothèse que les jeunes sont plus réceptifs aux messages de prévention s’ils sont transmis par d’autres jeunes et que les jeunes s’identifient mieux à un jeune offrant des caractéristiques identiques aux leurs. Il s’agit de travailler à l’élaboration de modèles et de normes favorables à la santé dans les groupes d’adolescents.
Il existe des études aux USA (Cherryl Perry), au Canada, en Afrique, etc., et des recherches consacrées à cette approche en prévention du tabagisme dont le principal désavantage était le coût parce qu’il s’agissait de mettre dans les écoles une équipe de soutien. Cette voie paraît toutefois intéressante et doit être adaptée à nos réalités économiques. Cette démarche a cependant déjà été développée au sein de programmes européens comme «Classe sans tabac», «Smoke-busters», «Génération sans T».
Des jeunes s’engagent à rester non-fumeurs et s’engagent à en recruter d’autres. Ils sont ainsi amenés à construire, organiser, planifier, mettre en œuvre des activités de promotion de la santé. La panoplie d’actions couvre des concours d’affiches, de slogans, la tenue de stand lors de fêtes scolaires, des enquêtes, des micro trottoirs, etc. C’est pour eux autant d’occasions de mettre en œuvre leurs capacités de leadership, de négociation, de communication, de prise de décision, de faire du lobby santé, etc.

En plus…

En plus de ce rapport du Québec, il n’est pas inutile de susciter un débat autour des mesures préconisées par l’industrie du tabac.
Cette dernière est en effet favorable à l’interdiction de fumer pour les jeunes, aux mentions et photos sur les emballages et prône la courtoisie. Il est intéressant d’analyser pourquoi.

L’interdiction de fumer pour les jeunes
La priorité de la prévention chez les jeunes et non parmi les adultes

Ces deux mesures sont ainsi promues car:
– cela renforce l’idée que «fumer, c’est adulte»
– l’adulte fumeur continue à jouer son rôle de modèle
– quand on se focalise sur les jeunes, on laisse tranquillement les adultes fumer
La mention aussi grande que possible que fumer nuit à la santé sur les paquets de cigarettes et s’il y a des images horribles et terrifiantes, c’est encore mieux. Ici, l’industrie est très au fait que les psychosociologues ont montré que la perception trop élevée d’un risque amène le déni, c’est-à-dire un rejet de l’information, cette dernière étant trop lourde à supporter.
L’accent mis sur la liberté de fumer ou pas, sous couvert de courtoisie. Ceci attire l’attention du jeune (ou parfois de l’adulte), au détriment des politiques d’augmentation des taxes ou encore des politiques d’interdiction de fumer et de protection des fumeurs passifs.

Conclusions

La prévention du tabagisme à l’école est complexe parce que ce qui amène un jeune à fumer est aussi complexe et difficilement saisissable. Les interventions sont loin de se limiter à la seule transmission d’informations sur les méfaits du tabac. Pour être efficace, les programmes englobent des démarches qui tentent de tenir compte de l’ensemble des déterminants du tabagisme, des dépendances et consommations du jeune. Ceux-ci sont non seulement liés à sa personnalité mais aussi à son environnement et à son entourage. C’est sur l’ensemble de son contexte de vie que doivent porter les actions de prévention et d’éducation.
Les études montrent que l’école et la famille sont loin d’être des contextes à sous-estimer. L’école, par la cohérence qu’elle peut offrir au travers de réglementations favorables à la santé, par les actions de ses enseignants, par le support de ses professionnels de la santé, par l’implication des parents et par la présence des autres jeunes, est un lieu privilégié pour renforcer des modes de vie favorables à la santé. La famille, les loisirs, les médias et le secteur commercial sont d’autres influences que les programmes de prévention ne peuvent ignorer. La liste des tâches à réaliser est longue. Des résultats s’obtiendront au prix de l’utilisation de démarches pédagogiques combinées dans des approches multimodales aux cibles et aux stratégies multiples.
Geneviève Houioux , Danielle Piette , ULB-PROMES, Ecole de Santé Publique, Université Libre de Bruxelles
Adresse des auteures: route de Lennik 808, CP 596, 1070 Bruxelles. Internet: https://www.ulb.ac.be/esp/promes

Repères en Communauté française

FARES: Paroles d’ados, paroles d’acteurs de terrain au sujet du tabac: une base de réflexion et de débats autour de ses usagers, de la consommation, et de la dépendance. FARES. Service Prévention Tabac.2005
LAPERCHE J., ROUCLOUX A.: Mon patient fume. Attitudes du généraliste. Fédération des maisons médicales. ND
REGION WALLONNE: Plan Global Wallon sans Tabac: Région wallonne. Décembre 2005

Notes
(1) LALONDE M., HENEMAN B.: La prévention du tabagisme chez les jeunes. Avis scientifique. Institut national de santé publique. Direction Développement des individus et des communautés. Octobre 2004 Québec
(2) Ecologique est la traduction du qualitatif anglo-saxon comprehensive en référence à une approche globale, intégrée et multimodale qui tient compte de l’ampleur des facteurs déterminant la santé, de l’hétérogénéité des publics en présence, de la diversité des milieux d’intervention, de la variété des stratégies d’action, etc.
(3) HOUIOUX G. PIETTE D. VAN BOXEL A.: La santé de demain par les enfants d’aujourd’hui: guide méthodologique pour les enseignants des écoles primaires. Université Libre de Bruxelles, Ecole de Santé Publique, Unité de Promotion Education Santé. 1994.
G. HOUIOUX, D. PIETTE: La santé des jeunes: repères pour l’action à l’école secondaire, Guide méthodologique. Université Libre de Bruxelles, Ecole de Santé Publique, Unité de Promotion Education Santé. 1995.
(4) Adapté de 8 steps to Tobacco-Free Schools, North Carolina Department of Health and Human Services 2000 op cit.
(5) VITARO F et COLL: Jeunes et prévention de la toxicomanie: quand les parents s’impliquent. Gouvernement du Québec. Ministère de la Santé et des Services sociaux 1999 op cit.
(6) BANTUELLE M., HOUIOUX G., PIETTE D. – Les jeunes multiplicateurs: essai d’adaptation en Communauté française de Belgique. In Baudier F., Bonnin F., Michaud C., Minervini MJ. (éds). Approche par les pairs et santé des adolescents. Editions du CFES, Paris, 1996;147-152
HOUIOUX G. – Eléments complémentaires de réflexion. In Baudier F., Bonnin F., Michaud C., Minervini M-J (éds). Approche par les pairs et santé des adolescents. Editions du CFES, Paris, 1996
PIETTE D., BANTUELLE M., CANDEUR F., PIRON M.C., HOUIOUX G., PREVOST M. – Le SIDA et l’éducation par les pairs à l’école secondaire: une expérience en Communauté française de Belgique. HYGIE 1989;vol VII; 3:9-14

Les jeunes et l’alcool. Un constat inquiétant

Le 30 Déc 20

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Un constat inquiétant

Les jeunes sont d’importants consommateurs de boissons alcoolisées – surtout bières et alcopops. Les filles ne sont pas en reste même si elles en consomment une moindre proportion. Une récente enquête du CRIOC menée pour la Fondation Rodin, révèle des résultats préoccupants…

Que boivent nos adolescents et dans quelles circonstances?

En 2005, 2196 jeunes Belges âgés de 10 à 17 ans ont été interviewés sur leur consommation d’alcool. 40% des jeunes déclarent consommer des boissons alcoolisées. Plus de garçons (45%) que de filles (36%) boivent de l’alcool, et davantage de néerlandophones (44%) que de francophones (36%).
Une autre forte tendance révélée par cette étude concerne le type d’alcool consommé: 70% des jeunes boivent de la bière, 49% des alcopops. Le goût sucré de ces boissons appelées aussi ‘ready to drink’ ou ‘breezers’, encourage les jeunes à consommer de l’alcool.
La consommation d’alcool chez les jeunes est très souvent associée à la notion de fête. La quantité de verres bus est presque deux fois plus importante le week-end (4.2 verres) qu’en semaine (2.7 verres).

La consommation d’alcool: un rite initiatique d’intégration familiale

La plupart du temps, c’est la famille ou les copains qui initient le jeune à l’alcool. Selon leurs dires, les jeunes interviewés ont été initiés aux boissons alcoolisées par des copains (une fois sur trois) ou leurs parents (deux fois sur cinq).
Il existe un lien entre la consommation d’alcool chez les parents et celle des jeunes. En effet, dans une famille où les parents, les amis ou la fratrie boivent, 55% des jeunes déclarent consommer de l’alcool, contre 27% dans une famille où les parents ne boivent pas.
La consommation d’alcool chez le jeune relève avant tout d’un comportement social, à l’intérieur de la famille pour l’apprentissage de consommation de vin, ou parmi ses pairs pour l’apprentissage de consommation d’alcopops. Par ailleurs, aux yeux des jeunes, la consommation d’alcool ne constitue pas un comportement à risque.
Les habitudes de consommation apparaissent très tôt. Ainsi, la consommation débute souvent durant la pré- adolescence. Le rôle des parents est donc déterminant dans la phase de primo consommation qui démarre autour de 11-12 ans. Le premier pas vers la prévention de l’alcoolisme des enfants réside bien dans l’information que les parents dispensent aux enfants.

Initiatives de pouvoirs publics pour prévenir l’alcoolisme des jeunes

Limiter la consommation d’alcool chez les jeunes relève d’un souci de santé publique. En Europe, 1 décès sur 4 parmi les 15-24 ans est imputable à l’alcool. C’est pourquoi les autorités doivent protéger les jeunes consommateurs des incitations à la boisson et encourager les parents à jouer leur rôle d’éducateurs, et les professionnels à respecter scrupuleusement la réglementation relative à la vente d’alcool aux mineurs.
Le 12 mai 2005, une convention tripartite avait été signée entre les organisations de consommateurs, le Ministre de la santé publique et les fédérations de producteurs et de distributeurs spécialisés, incluant l’Horeca. Cette convention est à présent traduite en projet de loi visant à instaurer un cadre juridique légal pour la publicité relative à l’alcool et visant les jeunes.

Vente d’alcool aux mineurs: 9 points de vente sur 10 vendent des boissons alcoolisées aux jeunes de moins de 18 ans!

Dans le même mouvement, le CRIOC a réalisé une étude visant à évaluer le respect de la législation en matière de vente d’alcool (bière et alcopops) aux mineurs. Le moins qu’on puisse dire est que la réglementation n’est pas très respectée.
Un ‘mystery shopping’ a été réalisé, sous la supervision du CRIOC, par de jeunes acheteurs (12 – 14 ans) auprès de 153 points de vente à travers tout le pays, début janvier 2006. Il s’agissait pour les jeunes acheteurs, de tenter d’acheter une bière et un alcopop. En cas de refus, ils testaient l’argumentaire ‘C’est pour mes parents’.
Sur le terrain…
92% des points de vente visités ont vendu sans réserve de la bière aux jeunes (ce qui est autorisé); 91% ont vendu également sans réserve des alcopops (ce qui est interdit). En cas de refus, l’argument ‘pour les parents’ fut accepté par un point de vente sur 100. Il n’y a donc pas tellement de différence entre la vente de ces deux produits, l’une autorisée, l’autre interdite, ce qui démontre une grande confusion dans l’application de la réglementation.
Dans certains points de vente, les caissiers ont manifesté un comportement inattendu: vente malgré un sérieux doute ou malgré une interdiction affichée à l’entrée, interdiction sélective selon la caisse de passage…
Dans un supermarché, limonades, jus de fruits et alcopops se trouvaient au sein du même rayon, contrairement au code de bonnes conduites signé par les distributeurs avec les organisations de consommateurs…
Manifestement la législation en matière de vente de bière et d’alcool est méconnue et mal respectée. Certains vendeurs acceptent de vendre, alors qu’ils sont visiblement conscients des conséquences de l’alcool sur les jeunes. Ils manifestent une connivence avec le jeune acheteur. Une argumentation entendue dans leur chef est qu’ils ne peuvent pas vérifier la carte d’identité de chaque mineur. Cependant la loi doit être respectée par tous. S’il n’est pas possible de la (faire) respecter, il vaut mieux s’abstenir de l’enfreindre et ne pas vendre ces produits.

Recommandations

Consommer de l’alcool ne conduit pas nécessairement à sombrer dans l’alcoolisme. Toutefois, les études récentes montrent que le jeune n’est pas suffisamment conscient des dangers liés à l’alcool et que ceux qui commencent à boire jeunes sont plus sujets à l’alcoolisme une fois adultes.
C’est pourquoi les pouvoirs publics et les acteurs de la santé doivent à la fois encourager les comportements positifs des vendeurs responsables, et renforcer les amendes en cas de non-respect de la législation. De plus la réglementation en matière de vente de boissons alcoolisées doit être harmonisée pour éviter toute confusion. Quant aux entreprises, il leur revient de traduire leur responsabilité sociétale par des actions concrètes et transparentes sur le terrain.
D’après deux communiqués du CRIOC

Une réaction du Groupe porteur ‘Les jeunes et l’alcool’

Les résultats présentés par le CRIOC confirment des tendances déjà connues et qui doivent préoccuper les partenaires éducatifs. Ils mettent en lumière de nouvelles pratiques, notamment en matière de consommation d’alcopops, et des données plus précises relatives à la consommation d’alcool des plus jeunes (10-12 ans). L’ensemble de ces résultats peut nous aider à affiner nos stratégies éducatives.
Si nous partageons avec les auteurs l’intérêt pour ce genre d’enquête sur le jeune, sa consommation et sa perception de l’alcool, nous regrettons vivement que leurs commentaires et conclusions passent sous silence l’influence de l’industrie de l’alcool alors que nous savons que les alcooliers mènent sciemment des stratégies pour féminiser et rajeunir la consommation d’alcool.
Notre attention est focalisée uniquement sur le jeune alors que nous pensons qu’il faut pouvoir agir également sur d’autres leviers, tels la régulation plus grande du marché par le service public.
Nous pensons que cette question relève de responsabilités multiples: celles des jeunes et de leurs milieux familiaux certes, mais également des pouvoirs publics qui doivent légiférer en toute indépendance sur ces questions.
Les résultats de l’étude mettent en évidence des différences de comportement en fonction des milieux scolaires, familiaux et sociaux dans lesquels les jeunes évoluent. Tout en reconnaissant que ces différences existent, il nous semble important de ne pas tirer de conclusions trop hâtives de certains résultats peu significatifs, et d’éviter de stigmatiser certains publics.

Pour une consommation responsable…

Dans certains commentaires, il y a un glissement ou une confusion entre consommation d’alcool et alcoolisme. Il nous apparaît important de ne pas confondre ces niveaux. Toute consommation d’alcool n’est pas problématique ou maladive. L’enjeu éducatif est plutôt, lorsqu’il y a consommation d’alcool, de prôner une consommation raisonnable, responsable, moins risquée. Cependant, ce coup de projecteur sur l’alcool ne doit pas nous faire oublier de mettre en perspective cette consommation en lien avec les autres consommations des jeunes et leurs différents contextes de vie.
Le Groupe porteur «Les jeunes et l’alcool»
Contact: jeunes-alcool@univers-sante.ucl.ac.be

L’humanisation des soins

Le 30 Déc 20

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Les enfants, acteurs de leur hospitalisation, priorité numéro un pour l’Espérance

Un enfant a généralement comme expérience de l’hôpital une visite à un parent malade… Aussi, le jour où il doit être hospitalisé, son image de l’institution n’est certainement pas très rose… Alors que le mouvement pour une humanisation des soins à l’hôpital se généralise, avec plus ou moins d’ampleur selon les institutions, voyons une initiative de la Clinique de l’Espérance à Liège. Le but: préparer les enfants à un soin, un examen ou une opération par le jeu. Une philosophie qui a inspiré bon nombre de services hospitaliers chez nous, mais aussi en France, où la clinique liégeoise a participé à l’enregistrement d’une vidéo ‘Informer par le jeu à l’hôpital’ avec l’association Sparadrap, qui aide les parents d’enfants malades ou hospitalisés (voir encadré).
Développer des supports ludiques pour apprendre à l’enfant ce qui va lui arriver, pour l’aider à appréhender les traitements, ce n’est pas une idée neuve: « Mettre à disposition des enfants des valisettes de médecins , déguisements d’infirmières ,… n’a rien d’exceptionnel . Par contre , sortir le jeu de la salle de jeux pour l’introduire dans les salles de soin , afin qu’il soit le support d’une communication entre l’enfant , ses parents et le personnel soignant , c’est un tout autre objectif !», explique Bénédicte Minguet , psychologue et responsable de la coordination des projets d’humanisation dans la clinique liégeoise (1).
«En France, par exemple, l’association Sparadrap avait été sollicitée par la Fondation de France pour envisager la diffusion d’un ourson bleu appelé ‘Tamalou’. Il était distribué aux petits patients par les services du SAMU et servait à la fois à rassurer l’enfant et comme support d’évaluation de la douleur. Cette dernière ‘mission’ n’était pas rencontrée et la peluche servait surtout de ‘doudou’, sans valeur éducative. Il fallait donc trouver un outil avec un objectif plus clair et Sparadrap a été tentée de mettre en place une formation à l’information des soignants par le jeu. Il s’agissait de travailler au départ une poupée, médicalisée, et d’encourager l’utilisation du jeu dans la pratique des soignants.»
Pour ce faire, ils ont fait appel en 2001 à l’expertise liégeoise: « Ils m’ont contactée car nous avions depuis 10 ans déjà cette expérience au sein de la Clinique de l’Espérance », poursuit Bénédicte Minguet.
En effet, cette institution a adopté le principe du jeu pour préparer l’enfant à une intervention ou à des soins particuliers dans le service de pédiatrie. « Que ce soit pour une intervention en hôpital de jour ou pour une hospitalisation de plus longue durée , nous organisons une visite préalable pour expliquer l’intervention , les soins , etc .» Il s’agit d’enrichir la consultation traditionnelle (informations médicales) par un dispositif spécifique d’information pour l’enfant. « Nous allons engager un dialogue avec l’enfant et ses parents , lui montrer au départ de personnages miniatures , type Playmobil , comment va se passer l’hospitalisation , de l’admission à sa sortie en passant par le bloc opératoire . Des médecins , des infirmières , le petit patient , les parents sont ainsi représentés par ces petits personnages qui évoluent dans un décor hospitalier , avec le lit de la salle d’opération , les lumières , les écrans de contrôle que l’enfant , petit à petit apprivoise à son rythme . Avec ce matériel de jeu , nous allons être très concrets et montrer par exemple que l’enfant va aller sur un lit à roulettes vers la salle d’opération , mais nous allons aborder aussi le moment tant redouté de la séparation d’avec les parents tout en anticipant avec lui ce moment ( arrivé à la porte de l’ascenseur , ce sera pour maman et papa le moment de t’embrasser pour te dire au revoir ) etc
C’est comme si l’infirmière racontait une histoire à l’enfant, mais une histoire qui va se dérouler «pour de vrai», et dans laquelle il sera le principal protagoniste. Le tout en dédramatisant, en répondant aux questions qu’il peut se poser. Cette explication ludique peut se poursuivre par la visite de la chambre dans laquelle l’enfant sera accueilli durant son hospitalisation, afin qu’il se familiarise déjà et ne soit pas trop impressionné par ce cadre qu’il ne connaît pas.

Manifester son appréhension

Pour préparer l’enfant aux interventions, d’autres méthodes sont préconisées: « Pour expliquer ce qui se passera durant l’intervention même , les soins ou les traitements , nous allons opter plutôt pour une poupée . Cela peut être une poupée classique , pour expliquer à des plus jeunes que l’on va mettre un masque sur la bouche , appliquer du produit désinfectant rouge , etc . D’autres poupées plus spécifiques existent aussi , par exemple une poupée à laquelle l’enfant peut retirer les amygdales
L’infirmière et le médecin vont présenter une information médicale individualisée au départ de poupées sur lesquelles la pathologie de l’enfant est représentée (grandeur de la cicatrice, drain…) tel un support visuel en trois dimensions, avec des mots que l’enfant (et ses parents) comprendra, sans pour autant bêtifier! Ainsi, l’enfant est impliqué dans ce qui va lui arriver. « L’avantage est que le jeu peut être individualisé à l’enfant , selon sa réalité , son état émotionnel ou son niveau de compréhension , par exemple » poursuit Bénédicte Minguet. Pour les plus grands, des livrets explicatifs voire un cédérom pourront également venir appuyer les explications. Et au moment où en tant que patient, ils verront les chirurgiens et infirmières avec masques et bonnets, ils seront en terrain connu et disposeront de plus de ressources pour faire face à la situation…
Le jeu peut aussi être poursuivi par l’enfant. C’est lui qui soignera la poupée, par exemple. Muni de masques et de bonnets de salle d’opération, il peut «faire comme les grands».
L’avantage avec ce type de méthode est que l’enfant peut, dans le cadre du jeu, décider à tout moment de changer de rôle: devenir le soignant et passer à un rôle plus actif, ou être le parent de l’enfant opéré. Son imagination a libre cours: « Cela permet de détecter certaines appréhensions que l’enfant peut ressentir et qu’il va exprimer indirectement , par exemple en faisant parler la poupée . Il se peut aussi qu’un enfant tape sa poupée à terre , sous le coup de la colère . Cela ne signifie pas qu’il aura cette attitude durant le traitement . Au contraire , il peut ainsi manifester publiquement et sans risque de reproche sa frustration . En effet , la poupée peut aussi être une occasion de dire non’ , de s’exprimer , de laisser sortir sa colère de l’hospitalisation . Il ne peut pas refuser les actes médicaux , mais avec la poupée , il peut tout de même dire non durant le jeu
Mais tous les enfants accrochent-ils? La crainte, l’angoisse n’est-elle pas à certains moment plus forte que l’envie de jouer? « La poupée fonctionne avec tous les enfants , parce qu’elle entre dans le cadre d’une relation avec le soignant et que l’enfant se sent alors concerné par ce qui va lui arriver », nous rassure Bénédicte Minguet. « Les enfants qui maintiennent une certaine distance par rapport à cette approche , attendent en fait d’être de retour à la maison pour reproduire et jouer au départ de ce qu’ils ont observé du jeu

Québec, source d’inspiration

Ce projet est en cours depuis 1996 à l’Espérance, et a été relayé par l’association française Sparadrap, qui en a édité très récemment une cassette vidéo. « Le principe d’utiliser des poupées pour expliquer des interventions à l’enfant , en pré opératoire , existait déjà au Québec . J’ai visité trois hôpitaux qui l’utilisaient et j’ai rapidement été séduite par la philosophie du projet : l’hôpital s’adapte à l’enfant , et non l’inverse J’ai donc proposé de transposer cette méthode à la Clinique de l’Espérance mais avec une grande différence : je ne voulais pas réserver cette méthode aux seuls éducateurs mais faire en sorte qu’elle soit utilisée par tous les professionnels qui pratiquent un acte de soin : médecin , infirmière que chaque intervenant adhère au projet et se l’approprie . Il s’agissait donc de repérer tous les départements et services où il était possible de préparer l’enfant atteint d’une maladie grave , ou qui doit subir une intervention chirurgicale , ou un simple soin : expliquer les interventions , les gestes des infirmières ou des médecins , les traitements , les effets secondaires , etc . Résultat : tous les services concernés se sont appropriés le jeu …»
Comme tout projet nouveau qui touche au changement de pratiques, il a rencontré l’enthousiasme de certains et la crainte des autres, comme celle de devoir changer sa manière de faire, depuis tant de temps instituée… Une attitude bien comprise par les initiateurs du concept, tant que l’ensemble du personnel n’avait pas identifié les bénéfices pour les enfants, et pour eux-mêmes. « Il fallait leur donner du temps pour que chacun adopte cette proposition », se souvient Bénédicte Minguet.
Même si tout le monde est d’accord sur les principes théoriques des droits de l’enfant hospitalisé, concrètement, cela demande du temps pour accorder une équipe autour d’une nouvelle pratique. Ce phénomène a été observé tant au nouveau de la prise en charge de la douleur, que de l’information ou de la présence des parents. Soulignons cependant qu’à l’heure actuelle, de nombreuses initiatives existent dans l’ensemble des services pédiatriques belges, c’est un mouvement important!

Partenaires de soins

Un changement positif qui a convaincu le personnel soignant est très certainement l’attitude des enfants: « Un enfant informé et adéquatement préparé posera moins de problèmes au moment de poser les actes , que ce soit les soins , les traitements ou les interventions Il n’y a le plus souvent plus besoin de contention , de s’y reprendre à plusieurs fois pour piquer parce que l’enfant ne se laisse pas faire , etc . Au final , les équipes soignantes y gagnent non seulement en temps , mais aussi en qualité des soins et en qualité dans la relation avec les petits patients et leurs parents
Et c’est ce que confirment les équipes soignantes qui ont eu l’occasion de mettre en pratique ces techniques d’information des enfants par le jeu: leur qualité de vie au travail s’en est trouvée améliorée. Les enfants sont moins angoissés, leur niveau d’information est meilleur, chose qu’ils peuvent évaluer en direct, grâce à la simulation par le jeu. De même, les enfants qui ont reçu l’information grâce à la poupée communiquent mieux avec leurs amis ou leur famille sur ce qu’ils vivent ou ont vécu. Ils parlent de leurs traitements de manière plus nuancée; ainsi ils peuvent très bien dire: «je n’aime pas suivre ce traitement, mais quand je devrai revenir, j’aurai moins peur.»
Et, chose très importante, l’infirmière et le médecin ne sont plus perçus tant par l’enfant que par les parents comme ceux qui font mal… Un véritable partenariat thérapeutique peut alors soutenir l’enfant dans cette expérience que représente l’hospitalisation.
Même les médecins et chirurgiens constatent une différence, précisant qu’en pré-opératoire, les enfants préparés sont moins stressés et collaborent nettement mieux au moment de l’anesthésie, ou au moment de les amener au bloc. Par ailleurs, en post-opératoire, les médecins affirment que les échelles de douleur sont nettement abaissées chez les enfants bien préparés. La réduction de l’anxiété permettant d’influencer positivement la douleur…
Enfin, l’avantage est aussi indéniable pour les parents: « Grâce à leur implication dans les jeux , ils ont une meilleure compréhension de leur rôle avant ou après les interventions . Non seulement ils se sentent mieux armés pour communiquer à un moment important pour leur enfant et pour eux , mais surtout , ils deviennent des partenaires de l’équipe soignante , et non plus des adversaires qui ne voient qu’une forme d’agression envers leur enfant Ils sont rassurés par les explications données , ils peuvent dédramatiser leur perception de certaines interventions et deviennent des relais de l’information , notamment lorsque les jeux sont repris à la maison , avant et après l’intervention . Enfin , de manière préventive , l’enfant pourra communiquer à partir de son expérience , se préparer à l’hospitalisation ou la suivante le cas échéant et y arriver plus serein
Mais informer les enfants ne suffit pas, si cette mesure est prise isolément… « C’est vrai , il faut faire en sorte que l’enfant soit acteur de son hospitalisation , en l’informant au mieux et en répondant sans lui mentir à ses interrogations , simplement , avec un vocabulaire adapté . Mais pour cela , il faut que le personnel soignant qui sera amené à donner ces informations soit correctement formé pour accepter de se laisser remettre en question sans cesse par les paroles et le vécu des enfants . Il faut aussi que l’encadrement physique soit en harmonie avec cette place que l’on réserve à l’enfant : avec l’école à l’hôpital , des infrastructures adaptées aux enfants , etc . Aussi , l’humanisation des soins à l’hôpital pour l’enfant , c’est un tout auquel tous les intervenants doivent participer , de la femme de ménage au directeur de l’hôpital , en passant par le médecin . Et , dans le cas de l’information par le jeu , le lien entre tous les intervenants est palpable pour l’enfant et ses parents
En effet, pour être cohérent aux yeux de l’enfant, il est indispensable que tous les intervenants des services que devra fréquenter l’enfant puissent faire référence à cette poupée. « Si tout le monde utilise la poupée , l’enfant percevra une image cohérente entre les différents professionnels de santé , qui tiendront un langage commun
Par ailleurs, cette préparation a été poussée plus loin par l’équipe de Bénédicte Minguet dans le domaine de la prévention: l’hôpital invite les classes maternelles et primaires à venir visiter un service d’urgences. « Cela peut se faire sur simple demande ou , par exemple , lorsqu’un enfant de la classe a subi une intervention . Dans ce cas , cela permet à cet enfant de communiquer ce qu’il a vécu et de s’approprier son histoire , et aux autres de se familiariser avec un univers de la même manière que l’école visite la caserne des pompiers ! Quelques soins peuvent être expliqués , le fonctionnement des hospitalisations , etc . Pour ceux qui ont eu la chance de ne jamais avoir vécu l’hospitalisation , cela peut les aider à dédramatiser pour le jour où ça devrait leur arriver
Carine Maillard

(1) Bénédicte Minguet collabore également au projet ‘Ensemble, découvrons l’hôpital’, avec les Mutualités chrétiennes et l’asbl Jeunesse et Santé. Nous vous l’avons déjà présenté dans Education Santé ( 171 – août 2002 et 198 – février 2004).

Informer par le jeu à l’hôpital

Le but de Sparadrap, en réalisant cette vidéo, est de sensibiliser les professionnels de la santé et de la petite enfance pour qu’ils osent utiliser le jeu dans leurs pratiques de soins, d’examen ou lors d’une intervention chirurgicale. Ce film vise également à les sensibiliser à la prise en charge spécifique de certains aspects, comme la douleur. Enfin, il peut également être montré aux parents d’enfants hospitalisés ou malades, afin de leur expliquer le projet ou, s’il n’est pas mis en pratique, de les inciter à en parler avec leur équipe soignante.
L’exploitation de ces outils dans le cadre de l’information par le jeu n’est pas encore optimale car il ne s’agit pas seulement d’utiliser des outils mais d’engager une équipe dans un projet. « Il existe pourtant une formation à l’utilisation de ces jeux , qui a été validée , pour que ses utilisateurs puissent disposer d’éléments concrets au sein de leur équipe pour entrer dans cette démarche », précise Bénédicte Minguet.
Le film est disponible en VHS ou DVD, aussi bien en France qu’en Belgique. Il a été primé en septembre 2005 aux «Entretiens de Bichat» et au Festival du film médical de Paris. Quelque 1000 exemplaires sont disponibles, auprès de l’association Sparadrap, 48 rue de la Plaine, 75020 Paris. Tél.: 0033 1 43 48 11 80 ou via le site https://www.sparadrap.org .

La Charte de Leiden

1. Le droit aux meilleurs soins possibles est un droit fondamental, particulièrement pour les enfants (UNESCO).
2. L’admission à l’hôpital d’un enfant ne doit être réalisée que si les soins nécessités par sa maladie ne peuvent être prodigués à la maison , en consultation externe ou en hôpital de jour.
3. Un enfant hospitalisé a le droit d’avoir ses parents ou leur substitut auprès de lui jour et nuit , quels que soient son âge et son état.
4. On encouragera les parents à rester auprès de leur enfant et on leur offrira pour cela toutes les facilités matérielles , sans que cela entraîne un supplément financier ou une perte de salaire.
5. On informera les parents sur les règles de vie et les modes de faire propres au service afin qu’ils participent activement aux soins de leur enfant. Les enfants et leurs parents ont le droit de recevoir une information sur la maladie et les soins, adaptée à leur âge et leur compréhension, afin de participer aux décisions les concernant.
6. On évitera tout traitement qui n’est pas indispensable . On essayera de réduire au maximum les agressions physiques ou émotionnelles et la douleur.
7. Les enfants ne doivent pas être admis dans les services adultes . Ils doivent être réunis par groupe d’âge, en toute sécurité. Leurs visiteurs doivent être acceptés sans limite d’âge.
8. L’hôpital doit fournir aux enfants un environnement correspondant à leurs besoins physiques , affectifs et éducatifs , tant sur le plan de l’équipement, que du personnel et de la sécurité.
9. L’équipe soignante doit être formée pour répondre aux besoins psychologiques et émotionnels des enfants et de leur famille.
10. L’intimité de chaque enfant doit être respectée . Il doit être traité avec tact et compréhension en toute circonstance.
Charte élaborée par EACH (Association européenne des enfants hospitalisés)

Les représentations de la santé et de la maladie

Le 30 Déc 20

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Professionnels et usagers des soins de santé ont chacun leurs représentations de la maladie et de la santé. Ces représentations sont bien souvent différentes voire contradictoires. Il est essentiel que le soignant décode les représentations de la maladie de son patient pour améliorer l’adhésion de celui-ci au diagnostic et au traitement. Il est tout aussi important qu’il se reconnaisse façonné par des représentations «savantes» et qu’il prête une oreille attentive aux savoirs profanes, qui peuvent contribuer à une meilleure prise en charge de la maladie.
Sur ce sujet aussi complexe qu’imparable, Question Santé nous a offert le 12 décembre dernier, dans la belle Maison du livre de Saint-Gilles (Bruxelles), une journée de réflexion aussi brève que stimulante comme Robert Bontemps et ses amis en ont le secret.
Sylvie Carbonnelle , anthropologue, chercheur au Centre de diffusion de la culture sanitaire asbl et assistante à l’ULB, planta le décor avec une approche épistémologique de la question, soulignant l’intérêt croissant pour la dimension culturelle de la santé depuis une vingtaine d’années.
Elle nous décrivit avec clarté quatre courants d’interprétation des représentations de santé qui firent florès au vingtième siècle, de l’empirisme non dénué d’ethnocentrisme des débuts à une vision postmoderne considérant les représentations comme des mystifications, en passant par le cognitivisme qui reconnaissait la relativité culturelle de la maladie, et l’anthropologie interprétative des années 80. Toutes ces démarches permirent de mettre en évidence le décalage entre le modèle médical et le vécu de la maladie, et de théoriser la distinction féconde entre trois acceptions du mot ‘maladie’ en anglais, disease (état pathologique) renvoyant à illness (vécu individuel) et à sickness (dimension sociale).
Comment répondre dans ces conditions à un patient en recherche de sens et d’efficacité, alors qu’on est bien conscient que la ‘virtuosité anthropologique’ des modèles ne rend que si faiblement compte du flou et du morcèlement de la réalité?
Catherine Le Grand-Sébille , maître de conférence en socio-anthropologie de la santé et éthique médicale à la Faculté de Médecine Lille 2, au départ de sa riche expérience professionnelle de la maladie grave et de la mort, se livra avec beaucoup de générosité (et de nuance) à une réhabilitation de la différence culturelle, qui permet de comprendre bien des ratés dans l’adhésion des patients aux traitements qui leur sont rationnellement pro(im)posés. Elle nous dit ainsi avec des mots justes que pour bien des immigrés, l’hospitalisation est vécue comme une deuxième migration, et que l’incompréhension de l’altérité, qui nuit tant à la qualité des soins, n’est pas seulement exotique, mais vaut aussi pour le travail avec les familles en grande pauvreté.
Isabelle Aujoulat , chercheur à l’Unité d’Education pour la santé RESO de l’UCL, se livra quant à elle à un plaidoyer en faveur de l’empowerment, qui pourrait donner ou redonner au patient le contrôle de sa vie, et pas seulement la maîtrise des symptômes de son mal. Exposé humaniste, lui aussi, s’appuyant sur une recherche qualitative auprès de 40 malades.
Il revenait à Etienne Vermeire , médecin généraliste, professeur à l’Université d’Anvers, au départ d’une recherche auprès de diabétiques de type II, d’introduire la notion de ‘concordance’ entre soignant et soigné, la promotion de la qualité de la relation pouvant (hypothèse à vérifier) lever certains obstacles à la ‘compliance’.
Lucide, le dernier intervenant reconnaissait volontiers le caractère quelque peu angélique de son souci de valoriser l’expertise propre au soigné.
Ces quatre éléments de réponse à la question du jour ne vident évidemment pas un débat passionnant. Nous inviterons nos lecteurs à en prendre connaissance de façon approfondie dans quelques mois, quand les actes de cette journée organisée avec le soutien de la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale sortiront.
Christian De Bock

La Coalition nationale contre le tabac dénonce la violation par la Belgique de la Convention-cadre antitabac

Le 30 Déc 20

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De qui se moque-t-on?

La Coalition nationale belge de lutte contre le tabagisme, organisme représentant l’ensemble des associations belges actives dans le domaine du tabagisme créé il y a de nombreuses années (1995) à la demande de l’Europe contre le Cancer, a pris connaissance d’une question parlementaire très importante, concernant la cohérence des décisions ministérielles en matière de lutte contre le tabagisme.
En effet, ce 7 février, en Commission de la Justice, la députée Muriel Gerkens a interrogé la Ministre de la Justice Laurette Onkelinx à propos du sort qu’elle comptait réserver à la demande introduite par la Fondation Rodin d’être reconnue en tant qu’organisme d’utilité publique. Madame Onkelinx a affirmé qu’elle acceptait cette reconnaissance pour peu que la Fondation Rodin change de nom. En fait la question avait déjà été soulevée le 19 avril 2004 par Madame Gerkens et à l’époque la Ministre avait répondu que toute asbl avait le droit de créer une autre asbl qui pouvait demander à être reconnue d’utilité publique.
En fait, l’asbl CREAA (Centre pour la recherche et l’évaluation des actions sur la problématique des assuétudes), qui collabore avec, au moins en partie, les mêmes administrateurs que la Fondation Rodin et qui a été créée par cette dernière, serait déjà reconnue d’utilité publique et financée par les pouvoirs publics!
Pour rappel, antérieurement, les cigarettiers avaient obtenu la création d’un fonds privé de lutte contre le tabagisme entièrement financé par leurs soins d’ 1.85 millions d’euros par an. Ce fonds a pris la forme d’une asbl s’intitulant «Fondation Rodin». En échange, aucune taxation n’a été levée sur les produits du tabac, ce qui aurait permis de financer un fonds de prévention du tabagisme avec un budget beaucoup plus conséquent (12 millions d’euros).
Cette décision confiant de fait la lutte contre le tabagisme… aux cigarettiers a suscité une violente indignation tant en Belgique qu’au niveau international, car elle était en contradiction totale avec la Convention-cadre de lutte contre le tabagisme qui exclut toute collaboration directe ou indirecte avec l’industrie du tabac. Rappelons que le Gouvernement fédéral, de même que les Communautés et Régions ont ratifié cette Convention-cadre en novembre 2005!
La Coalition nationale contre le tabac rappelle qu’elle s’est constituée depuis plus de 10 ans, à la demande de l’Europe, afin de cordonner en Belgique les organismes actifs en matière de lutte contre le tabagisme et de promouvoir la stratégie internationale de prévention du tabagisme et d’en stimuler la réalisation en Belgique. Elle est membre de l’ENSP (European Network for Smoking Prevention).
Si l’OMS, comme il en est question, souhaite une référence nationale centralisant les compétences scientifiques et les savoir-faire pour soutenir la mise en œuvre de la Convention-cadre, c’est tout naturellement qu’elle se tournerait vers elle.
La Coalition nationale s’étonne des réponses apportées à Madame Gerkens, à un moment où les différents ministres compétents en matière de santé, tant au niveau fédéral qu’au niveau des entités fédérées manifestent une prise de conscience du problème du tabagisme et concrétisent cette dernière par des actions déterminées qui vont dans le sens préconisé par la Convention-cadre, à savoir la réduction de l’accès au tabac par des mesures financières et fiscales, l’interdiction de vente aux mineurs, la protection contre l’exposition à la fumée de tabac, la réglementation de la composition des produits de tabac, la réglementation des informations sur les produits, les conditionnement et étiquetage des produits du tabac, les mesures d’éducation, communication, formation, sensibilisation du public, et l’interdiction de la publicité.
La Coalition constate que beaucoup de ces recommandations sont soutenues par les différents ministres concernés et leur en donne acte.

Une obligation claire pour les Parties à la Convention

La Convention cadre précise en son article 5:
1. Chaque Partie élabore, met en oeuvre, actualise et examine périodiquement des stratégies et des plans et programmes nationaux multisectoriels globaux de lutte anti-tabac conformément aux dispositions de la Convention et des protocoles auxquels elle est Partie;
2. A cette fin, chaque Partie en fonction de ses capacités:
-met en place ou renforce, et dote de moyens financiers, un dispositif national de coordination ou des points focaux nationaux pour le lutte antitabac
-et adopte et applique des mesures législatives, exécutives, administratives et/ou autres mesures efficaces, et coopère, le cas échéant, avec d’autres pouvoirs afin d’élaborer des politiques appropriées pour prévenir et réduire la consommation de tabac, l’addiction nicotinique et l’exposition à la fumée de tabac.
3. En définissant et en appliquant leurs politiques de santé publique en matière de lutte antitabac, les Parties veillent à ce que ces politiques ne soient pas influencées par les intérêts commerciaux et autres de l’industrie du tabac, conformément à la législation nationale.

La Coalition nationale constate donc avec stupeur qu’une Fondation si controversée nationalement et internationalement pour ses liens avec l’industrie du tabac verrait son rôle dans la lutte contre le tabagisme, non pas supprimé, mais renforcé par une reconnaissance indirecte comme asbl d’utilité publique, à travers une asbl «poupée russe» qui deviendrait par ailleurs une sorte d’organisme supérieur «référent» qui évalue les nombreuses associations actives et compétentes en matière d’assuétudes diverses, qui bénéficient de décennies d’expérience sur le terrain.
Coalition nationale contre le tabac (1)
Présidence 2006: FARES, rue de la Concorde 56, 1050 Bruxelles
D’après un communiqué de presse du 17/2/2006 (1) La Coalition nationale contre le tabac regroupe: l’Association des Pharmaciens Belges/Algemene Apothekers Bond (APB), la Fondation Belge contre le Cancer/Belgische Stichting tegen Kanker, le Fonds des Affections Respiratoires (FARES), l’Observatoire de la Mortalité Infantile, l’Observatoire de la Santé du Hainaut (OSH), la Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG), het Vlaamse Instituut voor Gezondheidspromotie (VIG), de Vlaamse Liga tegen Kanker (VLK), de Vlaamse Vereniging voor Respiratoire Gezondheidszorg en Tuberculosebestrijding (VRGT), de Wetenschappelijke Vereniging van Vlaamse Huisartsen (WVVH) et le Ministerium der Deutschsprachigen Gemeinschaft.

Ne loupez pas les médicaments moins chers

Le 30 Déc 20

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Les dépenses en médicaments continuent d’augmenter et pèsent lourd sur le budget de l’assurance maladie. Les patients paient également un lourd tribut à cette augmentation. Pour un grand nombre de malades chroniques, ces dépenses atteignent des sommes très importantes et cela peut entraver sérieusement leur accès aux soins de santé. Le recours plus systématique aux médicaments moins chers à qualité égale permettrait pourtant de réaliser des économies substantielles. Les moyens financiers ainsi libérés pourraient être investis dans le remboursement de médicaments nouveaux, plus chers mais pourtant nécessaires pour sauver des vies. Par ailleurs, les médicaments moins chers sont souvent plus anciens et les médecins et les patients connaissent mieux leurs interactions et leurs effets secondaires.
Pour sensibiliser le public aux atouts des médicaments moins chers et aux économies qu’il pourrait réaliser en y recourant davantage, la Mutualité chrétienne lance une campagne intitulée «Ne loupez pas les médicaments moins chers! Ils sont de qualité.»
L’objectif de la campagne est d’informer, de sensibiliser et de rassurer le public sur la qualité des médicaments moins chers mais aussi de lui donner les moyens de mieux évaluer les économies réalisables en y recourant davantage.
Cette campagne comprend trois domaines d’action:
informer le public : brochures (voir encadré), affiche, publication d’articles dans le journal En Marche , module de formation;
outiller le public pour calculer les économies potentielles à réaliser: module de calcul et de comparaison des prix sur le nouveau site internet de la Mutualité chrétienne ( https://www.mc.be ) ou via une brochure régulièrement actualisée, numéro d’appel gratuit où l’on peut recevoir des conseils et poser ses questions (0800 10 9 8 7);
informer les prestataires de soins :
– les médecins généralistes et les pharmaciens ont reçu un courrier sur le contenu de la campagne, les invitant à réserver un bon accueil aux éventuelles questions du public;
– chaque médecin peut visionner, sur le site internet de la Mutualité chrétienne, grâce à un mot de passe personnel et sécurisé, son profil de prescription . L’économie potentielle pour l’assurance maladie et pour ses patients s’affiche directement en euros. Une version demo est disponible pour tous sur https://www.mc.be (cliquer sur «pour les prestataires» et ensuite sur «Med-dial»).La préparation de cette campagne s’est notamment basée sur les résultats d’un sondage réalisé auprès des membres de la Mutualité chrétienne. Le recours aux médicaments moins chers étant de plus en plus encouragé auprès des patients, mais également auprès des prestataires, ce sondage sera reconduit après la campagne afin d’évaluer les évolutions d’opinion et de comportement dans le chef des affiliés de cet organisme assureur. L’évolution des prescriptions de médicaments moins chers sera également analysée au terme de la campagne.
A noter enfin, cette campagne renforce une initiative du même ordre du Gouvernement fédéral, s’appuyant quant à elle sur le slogan ‘Les médicaments génériques: 100% aussi efficaces, généralement moins chers. Ca fait du bien!’ C’est un peu compliqué comme formule, mais logique puisque de plus en plus de firmes baissent le prix de leurs médicaments de référence pour l’aligner sur celui des génériques les plus chers…
Maryse Van Audenhaege

Les brochures

Infor Santé, le service de promotion de la santé de l’Alliance nationale des mutualités chrétiennes a réalisé une brochure d’information générale (12 pages) intitulée ‘Ne loupez pas les médicaments moins chers! Ils sont de qualité’ . Elle explique ce qu’est un médicament générique, détaille le principe de la bioéquivalence afin de montrer pourquoi le médicament générique agit de la même façon que la spécialité originale, s’attache bien évidemment à la question du prix du médicament générique et de l’avantage pour la sécurité sociale à utiliser plutôt un générique.
La brochure rappelle que le patient peut avoir un rôle central dans le recours aux médicaments génériques, en les demandant directement au médecin ou au pharmacien lorsqu’il s’agit d’un médicament en vente libre; elle explique aussi le principe de la prescription en DCI (dénomination commune internationale) qui est d’application en Belgique depuis le 1er octobre 2005.
Le gadget de la campagne, une petite loupe de format carte de crédit, est collée dans la brochure, rappelant le slogan de la campagne, ainsi que l’adresse du site https://www.mc.be et le numéro vert 0800 10 9 8 7 , auquel le public peut poser ses questions et commander les documents d’informations.
Une autre brochure, ‘Les médicaments génériques’ (68 pages), existe depuis de nombreuses années et est mise à jour deux fois par an. Elle reprend la liste des médicaments génériques disponibles en pharmacie, en montrant clairement, pour chaque médicament, l’économie potentielle pour le patient.
Ces deux documents sont réalisés avec la collaboration de la Cellule médicaments- Direction médicale de l’ANMC.
Ces deux brochures sont disponibles sur simple appel gratuit au numéro 0800 10 9 8 7, ainsi que dans tous les points de contact des mutualités chrétiennes .
Infor Santé, chaussée de Haecht 579 bte 40, 1031 Bruxelles. Courriel: infor.sante@mc.be

Bidon futé à l’école

Le 30 Déc 20

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L’obésité semble être le ‘mal du siècle’ de ce début de troisième millénaire. La carie quant à elle continue de faire des dégâts chez certains enfants. Au-delà des excès alimentaires, les boissons sucrées ont leur part de responsabilité dans les problèmes de santé. Elles augmentent les apports caloriques et attaquent les dents. Toute boisson autre que de l’eau pure n’est plus une boisson mais un aliment liquide! Beaucoup d’enfants ne boivent même plus un seul verre d’eau… Dans leur esprit, l’eau du robinet n’est pas faite pour être consommée. C’est la publicité et le marketing qui dirigent leur consommation. Un beau gâchis quand on sait qu’en termes de qualité, nous disposons d’une des meilleures eaux de distribution et que celle-ci coûte 150 à 600 fois moins cher que l’eau en bouteille! C’est sur cette réflexion qu’a débuté en 2002 la campagne «Robinet-fontaine», initiée par la Maison de l’Eau et de la Vie (MEV), la Région de Bruxelles-Capitale et l’Intercommunale bruxelloise de distribution d’eau (IBDE). Le but de la campagne était de promouvoir la consommation d’eau de distribution comme eau de boisson. Une centaine de robinets-fontaines avaient d’ailleurs été installés dans les établissements de Bruxelles (1).
L’IBDE remet ça avec sa nouvelle campagne «Bidon futé». Depuis le début de l’année, la société propose l’eau gratuitement aux écoles de la région de Bruxelles, à raison d’un litre par enfant et par jour. Par cette action, l’IBDE souhaite sensibiliser les enfants à la valeur de l’eau et à sa bonne utilisation, mais aussi les inviter à participer activement à la protection de leur santé en buvant de l’eau plutôt que des boissons sucrées, et enfin, éveiller chez eux une réflexion sur la quantité de déchets produite par les emballages des boissons sucrées. En septembre, une campagne de distribution de gourdes dans les écoles primaires bruxelloises a commencé. Plus de 76.000 gourdes ont été demandées à ce jour. En plus de cela, l’IBDE propose un accompagnement pédagogique à 30 écoles parmi les 368 qui ont répondu à l’appel.
En parallèle, la Fondation pour la santé dentaire avait lancé en 2004 la campagne «Sourire pour tous», conjointement à l’action Denti-Pass (2) qui a permis à 15 000 enfants de familles précarisées de bénéficier gratuitement de soins dentaires. La campagne visait à donner des conseils à travers différents supports. Un kit pédagogique avait été envoyé à toutes les classes de 1ère et 2ème années afin de permettre aux enseignants de travailler la thématique de la santé dentaire à long terme.
Aujourd’hui, la Fondation pour la santé dentaire continue sur sa lancée en proposant aux écoles un projet passionnant. Découvrons-le ensemble…

L’eau comme boisson à l’école

Entre janvier 2004 et juin 2005, l’équipe de «Sourire pour tous» a rencontré 76 écoles primaires en «discrimination positive» pour leur proposer des expériences-pilotes d’une durée d’un mois et en faire ensuite une évaluation.
Quand on sait qu’une canette de cola par jour pendant un an équivaut à plus de 2500 morceaux de sucre (16 kg!), et qu’à cela s’ajoutent souvent des céréales sucrées le matin, un en-cas comme du chocolat à 10 heures, un goûter de type gaufre ou crème, on peut facilement imaginer la quantité de sucre consommée par certains enfants. L’école étant un endroit où l’enfant passe une grande partie de son temps, il est inutile de souligner l’importance d’y mener un projet qui permettra peut-être de changer ses habitudes quotidiennes, et par conséquent de lui épargner de futurs problèmes de santé.
Le projet consiste à proposer aux élèves de primaire d’observer leurs habitudes de consommation de boissons. Au moment de la collation, l’enseignant rassemble ce qui est bu en classe. Ils en analysent ensemble les différents composants, la teneur en sucre, l’acidité… Cela promet des exercices de calculs bien intéressants…
Ensuite, l’enseignant propose aux enfants de relever un défi: pendant un mois, ils s’engagent à boire de l’eau, rien que de l’eau à l’école. Ils pourront disposer d’une bouteille près d’eux et boire en classe, sans que cela perturbe les autres. Lorsque la bouteille sera vide, ils devront pouvoir la remplir aisément.
Dans ce cadre, la Fondation pour la santé dentaire a donc décidé d’offrir à chaque enfant une petite bouteille d’eau de 33 ou 50 cl dont on peut personnaliser l’étiquette dans un atelier artistique. Chaque élève est alors inclus dans le projet car on remarque que souvent, l’un des moteurs de celui-ci est l’effet de groupe.
Le mois écoulé, il faut évaluer l’action. De cette évaluation naîtront d’éventuelles nouvelles mesures, des suggestions, comme mettre des carafes d’eau à disposition au réfectoire, installer un robinet-fontaine dans l’école, aller expliquer son expérience dans une autre classe… Cela peut être aussi l’occasion d’analyser le fonctionnement du marketing ou de la publicité. Celle-ci nous dit ce qu’il est bon de boire, ce dont nous avons besoin, mais est-ce vrai, est-ce faux? Qui nous délivre ces messages et pourquoi?
La brochure de «Sourire pour tous» donne des pistes pour démarrer le projet en classe, et met d’autres outils à disposition: un tableau reprenant la teneur en sucre de différentes boissons sucrées, un autre comparant le prix des déchets occasionnés par chaque type d’emballage de boisson, des conseils pour consommer l’eau du robinet, mais aussi des sources d’information sur le sujet et des exemples d’exercices à faire en classe.

IBDE, rue aux Laines 70, 1000 Bruxelles. Tél.: 02 518 88 97. Fax: 02 518 83 04. Courriel: ibde@ibde.be.
La brochure peut être commandée par courriel à: info@sourirepourtous.be, ou en écrivant à: Fondation pour la santé dentaire, avenue de Fré 191, 1180 Bruxelles. Le site https://www.sourirepourtous.be fourmille d’informations utiles sous forme de dossiers pédagogiques.

Bientôt dans Education Santé: «Bruxelles-Ville maintient l’interdiction des distributeurs automatiques dans ses écoles»

(1) Sylvie Bourguignon, «L’eau du robinet, ça nous plaît» , Education Santé n°178, avril 2003, pp.6 à 9.
(2) Myriam Marchand, «Sourire, un privilège ?» , Education Santé n°188, mars 2004, pp.2 à 3.

Les francophones contre le tabac

Le 30 Déc 20

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La deuxième conférence internationale francophone sur le contrôle du tabac (CIFCOT II) s’est tenue à Paris du 18 au 21 septembre, à la Maison de la Chimie.
Plus de 700 participants d’Europe, du Québec et d ‘Afrique se sont réunis pendant 3 jours pour partager les connaissances, les expériences et s’approprier encore et toujours plus de compétences pour lutter contre le tabagisme.
Cette conférence internationale était organisée par la Ligue nationale française contre le cancer et l’Alliance française contre le tabac.
En présence du Ministre français de la Santé et de la Solidarité, Xavier Bertrand , du Vice-président de l’Assemblée nationale et de nombreuses personnalités nationales et internationales de premier plan, et avec le soutien du Ministère de la Santé et de l’Institut national du cancer, les participants ont pu fédérer les énergies et mutualiser les connaissances dans tous les domaines (scientifiques, médicaux, sociaux, politiques, économiques et écologiques).
En améliorant ainsi l’information et en renforçant l’action à l’échelle mondiale francophone, CIFCOT II a permis à tous les organismes et personnes engagés dans la lutte contre le tabagisme d’opposer un front uni et déterminé à une industrie meurtrière et très organisée.
Le programme de la conférence, très ambitieux, a couvert la quasi-totalité des champs d’action: envahissement de l’Afrique par les cigarettiers, protection des salariés sur leur lieu de travail, médias, économie et aide à l’arrêt.
Pas moins de 180 ateliers et 6 sessions plénières ont animé ces 3 jours et devraient permettre d’envisager de remporter, sinon la guerre au tabac, du moins de grandes batailles.
Comme Fabrice del Dongo le héros de Stendhal du Rouge et le noir , qui a assisté à la bataille de Waterloo mais n’a vu que ‘passer les boulets de canon’, nous avons pointé quelques aspects seulement des débats, mais d’un grand intérêt.

Travail

En France, un quart des salariés – 4,6 millions de personnes – restent enfumés sur leur lieu de travail. Dans un sondage rendu public à la conférence, 21 % des salariés déclarent qu’il n’est pas interdit de fumer dans leur entreprise. Et seulement 23 % que la Loi Evin y est appliquée.
Certains sont mieux protégés que d’ autres puisque 31 % des ouvriers contre 11 % des cadres travaillent dans une entreprise hors la loi.
En revanche quasiment tous (93 %) sont désormais conscients du fait que l’exposition à la fumée des autres ne constitue pas seulement une gêne mais un risque important pour la santé des non-fumeurs. Et 78 % estiment que c’est à l’employeur de garantir un environnement de travail sans fumée, y compris dans les bars, cafés et restaurants.
Voilà de bonnes nouvelles pour notre Ministre de la santé publique Rudy Demotte

Consommation

Un aspect également mis en exergue a été l’importance du tabagisme en Afrique, étant donné le nombre de morts en plateau dans les pays industrialisés, mais en augmentation dans les pays pauvres, et aussi en Chine, énormes réserves de marché pour l’industrie du tabac. Les conséquences sanitaires et sociales, entrave au développement, altération de l’environnement (le séchage du tabac est une des premières causes de la déforestation), majoration de la pauvreté, menacent gravement les pays en développement et plus particulièrement l’Afrique.
Un aspect particulier de la lutte en France: le recul du tabagisme marque hélas le pas.
En effet, après la chute historique des ventes de cigarettes au cours de trois dernières années, due à des augmentations significatives du prix, les bureaux de tabac français pensent restaurer leur chiffre d’affaire. Au mois d’août la quantité de cigarettes vendue par Altadis a augmenté de 1,8 % par rapport au même mois de l’an passé. L ‘entreprise qui approvisionne la quasi-totalité des débitants de tabac avait déjà enregistré une hausse de vente de 2,1 % en janvier et 6,9 % en mai!
Autant de signes qui prouvent la fragilité des résultats de la lutte contre le tabagisme selon les associations antitabac.

Convention-cadre

Notons aussi l’approche globale de la lutte contre le tabac, et une mobilisation internationale importante envers le dispositif que la Convention-cadre de l’OMS apportera dans cette lutte.
Relevons à ce propos que pour la Belgique, toutes les entités fédérées ont signé et ratifié cette convention, sauf, à la date du 21 septembre dernier, le Gouvernement flamand.(Ndlr: le Gouvernement flamand a effectivement signé et ratifié en date du 14 octobre 2005).
Gageons qu’il ne s’agit que d’un retard administratif. Il serait dommage qu’une non-ratification d’une seule partie empêche la Belgique de participer à la première conférence de suivi de la Convention-cadre qui se tiendra au début 2006 à Genève.
Voilà encore du travail de lobbying à prévoir pour la Coalition nationale de lutte contre le tabagisme…
Michel Pettiaux , FARES asbl
Adresse de l’auteur: FARES, rue de la Concorde 56, 1050 Bruxelles. Tél.: 02 512 29 36. Courriel: michel.pettiaux@fares.be

L’Appel de Paris contre le tabac

Face à une industrie dont la concentration des moyens financiers menace la santé publique et entrave, par la corruption, le développement des pays émergents, désireux de s’ouvrir à la dimension internationale, multiculturelle et plurilinguistique de la lutte contre le tabac, forts de la Déclaration de Montréal, adoptée en 2002 lors de CIFCOT I, les 700 délégués représentant 33 pays de la francophonie réunis à Paris à l’occasion de CIFCOT II adoptent à l’unanimité les deux résolutions suivantes:
La convention-cadre de lutte antitabac de l’OMS (CCLAT) doit être ratifiée, transposée et appliquée par les gouvernements des pays de la francophonie.
Les opinions de ces pays , en particulier celles des pays d’Afrique, d’Asie, de l’Océan indien… doivent être mobilisées afin de mettre en œuvre un plan d’action comprenant:
-l’interdiction de toute publicité et de toute promotion des produits du tabac sous quelque forme que ce soit;
-l’augmentation significative et répétée annuellement du prix de vente au détail des produits du tabac;
-la protection totale des non-fumeurs par l’interdiction générale de fumer dans les lieux publics et les lieux de travail;
-la mise à disposition auprès des fumeurs des méthodes d’arrêt du tabac scientifiquement validées;
-l’information efficace des publics, en particulier des plus démunis, sur les effets du tabagisme sur la santé.
La Conférence mandate les présidents de CIFCOT I, de CIFCOT II, le président et le secrétaire permanent de l’Observatoire du Tabac en Afrique francophone (OTAF) de constituer et de financer un Secrétariat permanent francophone de lutte contre le tabac.
Il est chargé d’élaborer une stratégie francophone et de renforcer la collaboration mondiale face aux agissements de l’industrie du tabac particulièrement dans les pays les plus vulnérables.
CIFCOT II, Paris, le 21 septembre 2005

Burundi – une loi pour protéger les sidéens de la discrimination

Le 30 Déc 20

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Le gouvernement burundais vient de voter une loi pour lutter contre la discrimination dont sont victimes les personnes atteintes du sida. Une étape essentielle dans leur difficile combat au quotidien pour faire reconnaître leur droit à vivre comme tout le monde.
C’est un pas important pour la reconnaissance des droits des malades et porteurs du VIH/Sida qui a été franchi par l’Assemblée nationale de transition au Burundi, le 2 mars dernier. Elle a, en effet, adopté à l’unanimité une loi qui protège les sidéens contre la discrimination dont ils sont actuellement victimes. Des amendes de 10.000 Fbu à 100.000 Fbu, des sanctions administratives, disciplinaires et autres sont prévues pour punir ceux qui contreviennent à la loi.
C’est une victoire pour Jeanne Gapiya et les membres du réseau des personnes vivant avec le virus, qui ont fait pression sur le pouvoir législatif pour obtenir ce vote. J. Gapiya a été la première Burundaise à reconnaître publiquement qu’elle avait le sida, un matin de décembre 1985, choisissant ainsi d’affronter les regards, les critiques et le mépris. Refusant la fatalité, elle a depuis lors entamé un rude combat qui l’a conduite à fonder, en 1993, une association de soutien aux séropositifs et sidéens. Les centres Turiho (‘ Nous sommes vivants ‘ en kirundi) accueillent aujourd’hui plusieurs milliers de patients à Bujumbura et à Kirundo.
Jeanne fait figure d’héroïne, dans un pays où la stigmatisation des séropositifs et des sidéens reste forte. Qu’il s’agisse de louer une maison ou de trouver un travail, ceux-ci ont, en effet, bien du mal à faire reconnaître leurs droits. Comme cette femme qui s’est vu refuser un appartement à louer lorsqu’elle a avoué avoir le sida. Au quotidien, la discrimination est courante : une autre femme raconte que dans la parcelle où elle habite, les colocataires, sachant qu’elle est porteuse du VIH, montrent ouvertement leur répugnance à utiliser les lieux d’aisance ou la douche commune quand elle en sort. La nouvelle loi reconnaît à ceux qui sont atteints le droit de jouir des mêmes avantages sociaux ou professionnels qu’une personne saine.

Peur du rejet social

Pour tous ceux qui sont touchés par ce fléau, elle est donc porteuse d’espoir. Parmi eux de très nombreuses femmes comme I.C. qui se confie les yeux baissés, d’une voix à peine audible. Elle a appris sa séropositivité il y a près de 5 ans après le décès de son mari lorsque, sur les conseils d’une amie, elle est allée se faire dépister.
Comme bon nombre d’autres femmes porteuses du virus – cultivatrices, enseignantes, fonctionnaires et autres – I.C. a appris à vivre avec son fardeau. Ces femmes viennent régulièrement assister aux séances organisées par une association de prise en charge des personnes vivant avec le VIH/Sida. De la maladie, elles en parlent entre elles, entre amies, mais surtout pas aux gens de la famille, de peur d’être socialement rejetées. Les discussions sur le sujet, avec les enfants, sont encore plus difficiles. Nombreuses sont d’ailleurs celles qui n’ont pas encore eu le courage de faire dépister leurs enfants préférant continuer à vivre dans l’incertitude. À ce niveau, les obstacles d’ordre culturel restent quasiment insurmontables.

Il n’y a pas qu’au Burundi…

Un travail de réflexion de longue haleine du secteur de la prévention du sida et autres MST a abouti récemment à la publication d’une plaquette ‘Stratégies concertées du secteur de la prévention du sida et des IST en Communauté française’.
La réduction des discriminations vis-à-vis des publics vulnérables et plus particulièrement des personnes séropositives est un des trois objectifs transversaux retenus pour les prochaines années, à côté de l’amélioration du recours adéquat et de l’accès aux dépistages et de l’utilisation du préservatif lors de la prise de risques.
Une publication de 24 pages est disponible à l’Observatoire du sida et des sexualités, Bd Jardin botanique 43, 1000 Bruxelles. Courriel: observatoire@fusl.ac.be. Le document peut être téléchargé sur le site https://www.fusl.ac.be/observatoire .

Selon la loi qui vient d’être votée, le gouvernement doit mettre en place obligatoirement des mécanismes de lutte contre la discrimination de personnes infectées par le VIH et assurer leur prise en charge médicale et psychosociale. Mais son application risque de ne pas être facile. Chaque année, le virus fait de nouvelles victimes. La tendance est à la hausse dans le milieu rural tandis que dans les villes les chiffres se stabilisent. À Bujumbura, la séro-prévalence est de 9,4 %, selon la toute dernière enquête effectuée en 2002. En zone semi-urbaine, le pourcentage atteint les 10,5 % tandis que dans le milieu rural, il n’est que de 2,5 %, mais en très forte hausse. La guerre, les déplacements de populations, la paupérisation et la vie dans des conditions précaires ont favorisé cette augmentation des infections.
Béatrice Ndayizigamiye , InfoSud – Syfia

Une enquête sur les chutes à domicile

Le 30 Déc 20

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A tout moment, une chute peut se produire sans crier gare et les proches ne sont pas toujours présents. Le système de télé-assistance aide à résoudre cette situation angoissante et permet à de très nombreuses personnes âgées de vivre chez elles dans de bonnes conditions de sécurité. En effet, via ce système, la personne peut appeler à l’aide 24 heures sur 24 où qu’elle soit (maison et jardin) et signaler un malaise, une chute ou toute autre demande d’urgence. La centrale dont elle dépend se charge d’appeler les intervenants (famille, voisins, médecin, ambulance…) et reste en contact avec la personne en difficulté jusqu’à leur arrivée sur place.
L’asbl Permanence Soins à Domicile (P.S.D.) existe depuis 14 ans et compte près de 6500 affiliés au système de télé-assistance. Pour l’année 2004, plus de 63.000 appels ont été traités. Les appels pour cause de chute représentent 4,2% du total, la majorité des appels sont des essais du client (32,1%), des appels involontaires (22,3%) et des appels techniques (23,4%). Ce faible pourcentage signifie néanmoins que chaque année la centrale intervient dans plus de 2600 chutes à domicile, soit une moyenne de plus de 7 chutes par jour.
Cette expérience nous permet d’avoir un regard particulier sur cet événement, première cause d’accident domestique chez les personnes de plus de 65 ans.
Pour en savoir plus, nous avons mené une enquête téléphonique auprès d’un échantillon de nos affiliés ayant fait une chute. Voici quelques informations plus précises sur ce qui s’est passé pour eux.

Qui chute?

La moitié (50,2%) des personnes qui sont tombées ont entre 80 et 89 ans. Près d’une personne sur trois a entre 70 et 79 ans. Mais il y a également des personnes plus jeunes (2,8 % ont entre 50 et 59 ans) ou plus âgées (14,4% ont entre 90 et 99 ans et une personne de plus de 100 ans!).
En Belgique, la proportion homme/femme pour la population de 80 ans et plus est d’environ 25% d’hommes et 75% de femmes. Notre population d’affiliés quant à elle comprend 85,8% de femmes pour 14,2% d’hommes. Parmi les personnes enquêtées, nous avons trouvé un pourcentage légèrement plus important d’hommes par rapport aux femmes (soit 83,1% de femmes pour 16,9% d’hommes).

Est-ce un accident isolé ou plutôt répété?

Nos affiliés présentent peut-être un risque de chute plus important que la population en général car très souvent, une personne s’affilie à la télé-assistance parce qu’elle est déjà tombée. Parmi les personnes interviewées, 29,4% sont tombées dans le mois qui précède, 19,1% dans le trimestre et 16,8% dans l’année. Pour plus du quart de notre échantillon, nous ne disposons pas de cette information. Cela signifie que certaines personnes tombent très souvent.

Quand risque-t-on le plus de tomber?

La personne âgée tombe le plus souvent lors d’un déplacement pour une activité de la vie quotidienne: sortir du lit, se lever du fauteuil, aller d’une pièce à l’autre. Donc tous les moments de la journée où la personne se déplace peuvent être à risque.
En divisant la journée en 8 tranches horaire de 3 heures, nous remarquons que la période la plus calme est celle de minuit à 3 heures du matin. Les périodes où le risque de chute semble le plus important, sont la matinée (de 9 à 12h) et le début de soirée (de 18 à 21h).

Où risque-t-on le plus de tomber?

Le système de télé-assistance fonctionne uniquement au domicile de la personne et aux abords proches comme le jardin par exemple. La chute survient dans les pièces les plus fréquentées: la chambre, le salon, la cuisine.

Qui est intervenu pour aider la personne à se relever?

La famille intervient dans la majorité des situations (55,8%) mais aussi les voisins (31,5%). Le pourcentage relativement important d’intervention des pompiers (2,5%) est dû au fait que, lorsqu’aucun des intervenants renseignés par l’affilié n’est disponible, la centrale doit faire appel aux services de secours c’est-à-dire essentiellement aux pompiers. Les professionnels de santé et d’aide aux familles quant à eux interviennent rarement dans ces situations (3,1%).

Quelles sont les conséquences de la chute?

Heureusement, pour 51,8% des personnes ayant chuté, il n’y a pas de conséquence: «Tout va bien, je ne me suis pas fait mal…». Bref, la chute n’est qu’un souvenir parmi d’autres.
Mais cela signifie que pour l’autre moitié des personnes, la chute a provoqué des dégâts: quelques bleus ou bosses, des courbatures pour 21,6 %, des contusions un peu plus lourdes pour 12,3%, des blessures ou douleurs ayant nécessité la visite du médecin pour 7,4%, un passage à l’hôpital (pour une suture, une radio et parfois une fracture confirmée pour 4,4%) et enfin une hospitalisation pour 2,5%.
Ces chiffres témoignent du fait que pour une personne âgée, la chute reste un événement à haut risque. Même si la télé-assistance permet d’être très rapidement secouru, elle n’empêche ni de tomber ni de se faire mal… Et la chute entraîne souvent des douleurs et courbatures qui rendent la marche et les déplacements plus difficiles qu’avant,… et donc, qui augmentent le risque de chuter à nouveau!

Mais pourquoi ces personnes sont-elles tombées? Qu’en disent-elles?

38,5% incriminent un problème de santé (problèmes d’équilibre ou de circulation, problème de tension artérielle, genou défaillant…). 20,5% ne savent pas expliquer pourquoi elles sont tombées: «C’est arrivé comme ça, je me suis retrouvée par terre.»
14,3% disent avoir glissé: à cause d’un tapis, d’un parquet trop bien ciré, d’une chaussure mal ajustée.
5,2% parlent d’un obstacle comme un pavement inégal, le pied d’une chaise…
15,4% disent avoir pris des ‘risques’: «Le téléphone sonnait, j’ai voulu aller décrocher mais je me suis levée trop vite» ou encore «J’ai voulu ramasser mon journal par terre mais je n’ai plus su me redresser, je me suis laissé glisser».
3,1% parlent des effets de médicaments: «J’avais pris un cachet pour dormir, j’évite d’en prendre maintenant.»

La télé-assistance, une aide précieuse

Lors d’une chute, l’attente et l’inquiétude sont quasi inexistantes. En effet, le système de télé-assistance permet de rester aux côtés de la personne en difficulté jusqu’à l’arrivée de l’aide. Cette présence s’exprime par un petit mot d’encouragement, quelques questions pour rassurer et vérifier que la personne reste confiante et consciente. Si besoin, la centraliste peut appeler des secours en plus des intervenants: médecin traitant, service 100. Lors de notre enquête, les personnes (et leur entourage) étaient unanimement satisfaites de l’aide apportée par la télé-assistance.
En fait, ce système permet d’organiser un réseau d’aide essentiellement bénévole autour de chacun des 6500 affiliés. Imaginez-vous plus de 20.000 personnes appelables et prêtes à aider la personne si celle-ci est en difficulté. Quel réseau de solidarité discret mais impressionnant!

Et le rôle des professionnels du domicile?

Si les professionnels du domicile interviennent très rarement lors de la chute pour aider la personne à se relever, ils ont cependant un rôle primordial dans la prévention et le suivi. En effet, en rencontrant la personne dans son lieu de vie, le professionnel peut identifier ce qui risque de provoquer une chute, que cela concerne l’aménagement du lieu de vie, les problèmes de santé ou les comportements de la personne. Il peut alors aider la personne à limiter ces risques et lui faire connaître le système de télé-assistance.
Quand il y a chute et surtout chutes à répétition, c’est souvent l’indicateur d’un problème particulier: un problème de santé qui s’aggrave, une mauvaise adaptation de l’environnement… et l’intervenant à domicile doit alors intervenir plus précisément en informant le médecin traitant, en adaptant l’environnement… Régulièrement, nous renseignons ou nous prenons nous-mêmes contact avec des professionnels du domicile (assistants sociaux, infirmiers, médecins…) proches de la personne pour rechercher des solutions et aider au maintien à domicile.
Bernadette Taeymans , PSD
Cet article est déjà paru dans la revue Contact n° 103, avril-mai 2005.
Adresse de l’auteur: PSD, chée de Louvain 292, 5004 Bouge. Courriel: bernadette.taeymans@psd.skynet.be.

Témoignage de Mme J., 71 ans

C’était lundi soir, j’étais dans ma cuisine pour préparer mon souper. Et puis j’ai eu une ‘tourniole’ et je n’ai pas su me rattraper. J’ai été fort malade et c’est vrai que je suis plus fragile, je ne sais presque plus marcher. Heureusement que j’avais l’émetteur. J’ai appuyé dessus et tout de suite quelqu’un m’a appelée. J’ai pu dire que j’étais tombée et la personne de la centrale m’a demandé si ça allait. Elle m’a dit de ne pas m’inquiéter, elle allait appeler quelqu’un pour m’aider à me relever. Deux minutes plus tard, la personne de la centrale avait su joindre ma fille et elle me prévenait que celle-ci arrivait tout de suite. Régulièrement en attendant ma fille, la centraliste me demandait si ça allait, si je n’avais pas trop mal. Ma fille est arrivée et m’a aidée à me relever. Nous avons pu dire à la centraliste que tout allait bien, que tout était en ordre. Et nous nous sommes souhaité une bonne soirée!
C’est vrai qu’il y avait très longtemps que cela ne m’était plus arrivé de tomber, plus de 4 ans… Mais heureusement que j’avais mon émetteur sur moi; avec ça, je me sens rassurée, le moindre problème et je peux appeler à l’aide. En fait, je ne me sens jamais seule.

Témoignage de la fille de Mme B., 82 ans

C’était dimanche matin, maman était assise à table, dans la cuisine, elle prenait son petit déjeuner. Maman a voulu reculer sa chaise pour se lever et sortir de table mais la chaise a basculé et elle est tombée par terre. La centrale m’a appelée et je suis arrivée 20 minutes plus tard, le temps de m’habiller et d’arriver chez elle. Pendant ce temps-là, Maman n’a pas paniqué, elle a beaucoup apprécié que la personne de la centrale demande régulièrement de ses nouvelles en attendant que j’arrive.
Quand je suis arrivée, elle avait mal mais elle était tranquille, pas du tout angoissée. La personne de la centrale nous a demandé si tout allait bien, j’ai dit que j’avais pu aider maman à se mettre dans son fauteuil mais qu’elle avait fort mal au bras, la centraliste m’a proposé de contacter elle-même le médecin de maman, ce qu’elle a fait tout de suite. Elle m’a dit que le médecin était prévenu et qu’il allait venir le plus rapidement possible. Et puis elle nous a laissé pour répondre à d’autres appels. Le docteur est venu, il craignait une fracture et il nous a envoyées à l’hôpital pour faire une radio de contrôle. Malheureusement son bras était cassé. Mais quand j’y repense cela aurait pu être plus grave encore. J’étais venue lui rendre visite samedi et je ne pensais pas revenir avant lundi soir. Si elle n’avait pas eu la télé-assistance, elle serait restée par terre pendant plus de 30 heures!

L’interdiction de fumer sur le lieu de travail est devenue réalité

Le 30 Déc 20

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Depuis le 1er janvier 2006, plus aucune entreprise n’y échappe: l’interdiction de fumer dans les lieux de travail clos, qu’ils soient situés dans l’entreprise ou en dehors, les lieux de passage fermés ou les pièces collectives, est entrée en vigueur. Mais depuis le 1er avril 2005, les entreprises étaient déjà invitées à réfléchir à la façon la plus adaptée de mettre cette législation en application. Pour les y aider, le FARES a mis en place un outil d’aide très pratique.
La gestion du tabagisme sur les lieux de travail se pose avec plus ou moins d’acuité dans la grande majorité des entreprises. Car lorsque les fumeurs se heurtent aux non-fumeurs, les uns arguant de leur liberté individuelle, les autres du respect de leur santé, les conflits peuvent pourrir l’ambiance au travail. Désormais, les choses seront plus claires. En tout cas en théorie… En pratique, tout n’est pas toujours aussi aisé à aménager.

Ce que dit la loi

Le Moniteur belge du 2 mars 2005 publiait un arrêté royal datant du 19 janvier de la même année qui signe l’arrêt de mort du tabagisme «libre» en entreprise. Néanmoins, bon nombre d’entre elles avaient déjà pris des mesures, allant de la tolérance zéro dans le bâtiment à l’installation de fumoirs (1). Ces mesures sont donc généralisées depuis le 1er janvier 2006.
L’arrêté définit en effet cette interdiction de fumer dans les lieux de travail clos, que ce soit dans les bâtiments ou en dehors, comme dans les cabines de camion, les voitures de fonction, etc. Cette interdiction se prolonge dans les espaces fermés de l’entreprise où les travailleurs accèdent, comme les halls, couloirs, ascenseurs, parkings fermés, etc., ou encore les moyens de transport mis à la disposition du personnel pour le transport collectif du et vers le lieu de travail, mais aussi dans les équipements sociaux, comme les réfectoires, sanitaires, locaux de repos et de premiers soins.
« Les entreprises devront mettre en place une politique de gestion du tabagisme dans ces lieux : cela peut aller de l’interdiction totale à l’installation d’un fumoir qui devra être ventilé efficacement . Pour arriver à une solution qui convienne au plus grand nombre , il est important que la direction choisisse , en concertation avec les travailleurs ou leurs représentants , l’option la plus adéquate . Nous prônons l’installation d’un comité de pilotage composé entre autres de représentants de la direction , des ressources humaines , du conseiller en prévention , de la médecine du travail et des délégués syndicaux . Ce comité serait chargé d’analyser la situation individuelle de la société , en fonction du nombre de fumeurs , de la disposition des locaux , des demandes des travailleurs et de leurs besoins , etc .» explique le Professeur Pierre Bartsch , Président du FARES, Fonds des affections respiratoires.

Des outils pour aider les entreprises

Plusieurs appels ont abouti au FARES, provenant d’employeurs souhaitant avoir l’expertise de cette institution, voire une consultance. « Nous ne disposons pas du personnel suffisant pour aider sur place les entreprises à trouver les solutions les plus adéquates . Aussi , face à la demande des firmes qui prenaient spontanément contact avec nous , nous avons édité une brochure pratique qui donne des conseils notamment sur la façon de développer une politique de gestion du tabagisme en fonction de cette nouvelle législation , d’organiser un fumoir , d’informer les travailleurs ainsi que les visiteurs des mesures prises , etc . Elle donne également des adresses utiles en termes d’aide à la cessation tabagique et rappelle l’impact du tabagisme tant sur les fumeurs que sur les non fumeurs qui les côtoient », poursuit Pierre Bartsch. Un cédérom vient compléter cette information pour aborder les questions pratiques (2).
« Dans tous les cas , il n’est pas question de stigmatiser le fumeur : il n’est pas un ennemi . Certains sont très dépendants et très malheureux de l’être . Il s’agit donc de veiller au bien être au travail , dans la gestion de relations entre les travailleurs . Par ailleurs , focaliser sur les minutes perdues au fumoir risque de créer des tensions au sein de l’entreprise ; or , si on établit une bonne concertation dès le départ , toute discrimination et tout problème relationnel seront évités . Il faut favoriser la compréhension dans un cadre légal qui existe désormais . Enfin , et surtout , cette discussion sur la gestion du tabagisme peut aussi être l’occasion pour les fumeurs de réfléchir à leur consommation et d’être orientés vers un moyen d’aide à la cessation tabagique ou une consultation dans un Centre d’aide aux fumeurs ( CAF )…», précise Caroline Rasson, responsable du Service Prévention tabac du FARES.

Tolérance zéro: 6% de fumeurs en moins!

Parmi les moyens possibles pour supprimer le tabagisme au sein de l’entreprise, il y a la «tolérance zéro», à savoir l’interdiction formelle de fumer dans tous les bâtiments de l’entreprise, et sans mise à disposition de fumoir. Une solution que le Président du FARES semble privilégier en terme d’impact sur la santé du personnel: « On a constaté que la présence d’un fumoir n’incite pas à arrêter de fumer . De plus , il faut aussi penser au personnel d’entretien qui doit nettoyer les cendriers et pour qui ce n’est pas nécessairement agréable ; au fait que les personnes occupant les bureaux voisins sentent bien souvent les relents de fumée provenant du fumoir lorsque les portes ne sont pas fermées ; au fait que vu qu’il est autorisé de fumer dans l’entreprise , le fumeur qui n’a pas le temps ou l’envie de se rendre au fumoir à l’autre bout du bâtiment peut aller fumer dans les cages d’escaliers ou l’escalier de secours Ce dernier risque peut aussi surgir lorsqu’ aucun fumoir n’est prévu et que le travailleur n’a pas envie d’aller fumer dehors Alors que lorsqu’une entreprise instaure l’interdiction totale de fumer , on constate une diminution du nombre de fumeurs de 6 % en moyenne ! Certes , l’objet de la loi n’est pas de faire diminuer le nombre de fumeurs , mais cette conséquence n’est pas dénuée d’intérêt !», précise le Prof. Bartsch.
Mais cette interdiction totale doit aussi être concertée: on pense notamment à l’infirmière de nuit qui ne peut quitter son service, puisqu’elle est seule. Il s’agit de l’aider à travailler dans les meilleures conditions possibles, par exemple en mettant à sa disposition des gommes de nicotine ou tout autre moyen de substitution en cas de coup dur…

Recommandations d’experts

Réunis à Limassol (Chypre) en avril 2005, une soixantaine d’experts ont élaboré 12 recommandations en matière d’interdiction de fumer sur les lieux de travail et dans les lieux publics.
1. Le principal argument est que le danger du tabagisme passif est prouvé.
2. Les succès récents de ce type de législation en Irlande, Norvège et Italie sont à mettre en exergue.
3. Il faut choisir une législation claire.
4. Le meilleur choix est l’interdiction totale.
5. Il est important que les législations ne se limitent pas aux seuls lieux de travail.
6. Il faut éviter une législation avec des zones pour fumeurs.
7. Il faut éviter une législation qui ne sera pas respectée.
8. Il faut pouvoir contrôler la mise en œuvre de l’interdiction.
9. Une interdiction totale n’est possible qu’après une préparation adéquate et un processus de consultation.
10. Une stratégie média proactive et réactive est indispensable.
11. Se préparer à une forte opposition (3).
12. Une alliance des acteurs de santé publique est requise.
Informations fournies par Luk Joossens , de la Fondation contre le cancer

On le voit, décider de la politique à mener au sein de l’entreprise n’est pas chose aisée: il faut prendre en compte la situation particulière et globale de l’entreprise et de ses salariés, et analyser correctement la situation pour que chacun participe, s’exprime librement et que tous les acteurs décident de la solution la plus adaptée.

Sanctions volontairement oubliées

Le législateur n’a cependant pas souhaité s’immiscer trop dans la vie de l’entreprise et n’a pas prévu lui-même de sanctions en cas d’entorse au règlement. « C’est la législation actuelle qui reste en vigueur : si un non fumeur porte plainte auprès de la direction pour non respect de la part d’un fumeur de cette interdiction , c’est l’employeur qui est responsable . Cela ne peut donc qu’inciter ce dernier à trouver des solutions et à réfléchir à des sanctions possibles . Ensuite , il s’agira d’amener ces informations de la façon la plus courtoise possible et d’y faire adhérer tout travailleur , fumeur ou non . Il devra également être capable de prouver qu’il a bien informé son personnel sur l’interdiction et sur les risques liés à la consommation de tabac dans l’entreprise . La loi donne l’obligation d’informer , d’interdire de fumer , mais ne fixe pas les moyens pour y parvenir …», conclut Caroline Rasson.
Raison de plus pour établir la concertation et d’inscrire par exemple la mesure prise dans le règlement d’ordre intérieur…
Carine Maillard
(1) Par exemple, le siège central des Mutualités chrétiennes, qui éditent Education Santé, est non-fumeur depuis son déménagement de la rue de la Loi (Bruxelles) à la chaussée de Haecht (Schaerbeek) en novembre 1999. Le pari était qu’une telle mesure serait plus facilement acceptée par les fumeurs en arrivant dans un nouvel environnement au sein duquel ils n’avaient pas de repères tabagiques. Pari gagné, cela n’a guère posé de problème. Il est vrai que le bâtiment s’y prête bien, avec un fumoir adapté, et la possibilité d’aller fumer à l’extérieur sans se retrouver sur un trottoir pollué par les gaz d’échappement (ndlr).
(2) Ce cédérom est en vente au prix de 50 euros, commande en ligne sur le site https://www.fares.be . La brochure est disponible en format électronique au FARES, rue de la Concorde 56, 1050 Bruxelles. Tél.: 02 512 29 36 ou par courriel: bibliotheque@fares.be. Une affiche sur la prévention du tabagisme en entreprise est également disponible gratuitement.
(3) Ainsi, en Belgique, l’annonce du projet d’interdiction prochaine de fumer dans l’Horeca a été immédiatement présentée par le secteur comme une catastrophe majeure pour l’emploi, ce que les expériences des pays européens ayant franchi le pas ne permet absolument pas de prévoir.

Comment Philip Morris a tenté de dissuader une entreprise suisse de protéger ses employés contre la fumée passive

Le 30 Déc 20

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En 1998, les principales compagnies de tabac des USA ont été contraintes par la justice américaine de rendre publics et de mettre sur Internet leurs documents internes, dont beaucoup étaient auparavant classés top secret ou confidentiels. Ces documents constituent une mine d’informations très précieuses pour tous ceux qui veulent en savoir plus sur les agissements, les stratégies et les modes de penser des transnationales du tabac. Ces archives contiennent des documents saisis sur sol américain, mais aussi des documents émanant de filiales hors USA. De nombreux documents viennent de Suisse, pays dans lequel l’une des grandes transnationales cigarettières, Philip Morris, a établi le siège de ses opérations internationales. On peut trouver ces documents sur le site des documents internes de Philip Morris https://www.pmdocs.com .

DuPont de Nemours veut protéger son personnel…

Nous avons retrouvé sur ce site quelques documents qui illustrent comment Philip Morris a essayé d’influencer la compagnie DuPont de Nemours International S.A. (DISA), dont le siège est à Genève, pour que celle-ci revienne sur son intention d’instaurer dans tous ses locaux une politique de protection des employés contre la fumée passive, en rendant ces locaux 100% sans fumée.
Le premier document est ce qui apparaît comme un fragment d’une circulaire interne de la société DuPont de Nemours International S.A. adressée le 7 juillet 1994 à ses employés pour leur annoncer que l’entreprise deviendra 100% sans fumée à partir du 1er juillet 1995 et les inviter à un programme d’aide à l’arrêt tabagique. Un autre document nous indique que cette note a été transmise à Philip Morris par le canal de relations personnelles non spécifiées.
Nous voyons qu’en 1994, la société DuPont de Nemours était bien renseignée sur l’état de la connaissance scientifique concernant la nocivité de l’exposition à la fumée passive. Elle adoptait en conséquence, et avec résolution, une politique très responsable de protection de la santé de son personnel.

…Philip Morris n’aime pas

Etant donné le prestige de DuPont de Nemours, on peut supposer que Philip Morris n’ait pas vu d’un très bon oeil cette politique de lieux de travail sans fumée, qui pouvait servir d’exemple et risquer de faire tache d’huile.
En fait, Philip Morris prend cette «menace» très au sérieux. Elle est même traitée à un niveau élevé dans la hiérarchie de la transnationale et fait l’objet d’un long fax envoyé le 28 juillet 1994 par Ulrich Crettaz, le directeur des relations et des affaires publiques de Philip Morris Suisse S.A., à Matthew Winokur, le Director of Corporate Scientific Affairs , un membre de la direction de Philip Morris au niveau international. Ce fax est constitué de plusieurs documents, dont la première page résume clairement les intentions de Philip Morris.
Philip Morris ne désire pas seulement infléchir la décision suisse de DISA: son intention est d’exercer une influence sur la politique mondiale de DuPont de Nemours. Mais, on ne sait pas pour quelle raison, la transnationale du tabac ne semble pas vouloir s’impliquer ouvertement dans cette opération: elle la délègue à l’association suisse des fabricants de cigarettes, la Communauté de l’industrie suisse de la cigarette (CISC), dont elle est membre. C’est le président de la CISC, le Dr Edgar Oehler, conseiller national à ses heures, qui est chargé d’envoyer la missive.
Le document suivant est l’une des pièces jointes au fax de Crettaz à Winokur. C’est en fait le projet de lettre, projet déjà très élaboré sauf pour un paragraphe qui doit être complété avec les résultats d’une enquête sur la préférence des travailleurs suisses concernant la cohabitation fumeurs/non-fumeurs dans l’entreprise.

Manipulation des faits

Le contenu de cette lettre, dont on peut supposer qu’elle a été envoyée sans changement majeur à DuPont de Nemours, est tout à fait édifiant. Elle illustre les techniques utilisées par l’industrie du tabac pour contrer la science médicale, qui avait, dès le début des années 80, mis en évidence la nocivité de la fumée passive, avec pour corollaire la nécessité de protéger les personnes contre l’exposition à ce toxique.
La première technique, à laquelle les cigarettiers ont eu recours de façon systématique depuis le début, et jusqu’à ce jour, est naturellement le déni pur et simple : «Nous croyons fermement que ces allégations ne peuvent pas être confirmées par des données scientifiques». En fait, Philip Morris connaissait mieux que quiconque cette nocivité, ayant conduit en secret dans ses laboratoires des expériences biologiques qui ont mis en évidence de façon incontestable la haute toxicité de la fumée «secondaire» respirée par le fumeur passif (voir l’article du Lancet The whole truth and nothing but the truth? The research that Philip Morris did not want you to see ).
Deuxième technique: une tentative de marginalisation et de déconsidération des professionnels et des services de la santé publique, qui sont décrits comme «des groupes de personnes hostiles à la fumée de tabac». Quels étaient ces groupes hostiles (on pense même «groupuscules»)? Ni plus, ni moins que de prestigieuses institutions gouvernementales, comme l’ Environmental Protection Agency (EPA) ou le Surgeon General (responsable fédéral de la santé publique américaine) aux USA, ou internationales comme le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) ou l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Sans compter de très grandes organisations non gouvernementales, comme l’ American Cancer Society ou la British Medical Association , et de très nombreux chercheurs indépendants dans des universités de renom. Rien que cela!
Troisième technique: invoquer un complot contre l’industrie du tabac à des fins politiques. Certains de ses ennemis, non identifiés, utiliseraient la science de façon abusive «pour atteindre des buts politiques fixés à l’avance», et n’hésiteraient pas à ignorer ou à manipuler les résultats scientifiques. La suite des événements, et notamment la publication des documents secrets des cigarettiers américains, va révéler une toute autre face des choses.
En fait, Philip Morris effectue dans cette lettre une formidable projection sur un adversaire indéfini de son propre comportement. C’est en effet elle et ses comparses de l’industrie du tabac qui ont systématiquement détourné la science, manipulé les résultats, dissimulé des recherches compromettantes, allant jusqu’à soudoyer des professeurs d’université pour qu’ils produisent des résultats favorables à leurs intérêts commerciaux. Il y a donc une incroyable arrogance de la part de la multinationale à invoquer la manipulation de la science. C’est aussi l’indication qu’en 1994, elle croyait bénéficier d’une impunité sans faille, que ses énormes moyens financiers et ses hordes d’avocats lui avaient assurée jusque-là. Elle a dû déchanter peu de temps après, lorsqu’aux USA les premières condamnations commencèrent à tomber.

L’EPA, victime de choix

L’industrie du tabac, Philip Morris en tête, s’est acharnée contre l’EPA lorsque cette agence a proposé, au début des années 90, de classifier la fumée passive dans la catégorie des substances cancérigènes. L’agence gouvernementale a été accusée de fraude scientifique et a été traînée devant les tribunaux par les cigarettiers américains. Toutes les allégations de l’industrie ont été finalement, et après une longue procédure, repoussées par la justice comme étant «sans objet», mais ce harcèlement judiciaire a permis aux cigarettiers de créer la confusion et de retarder les décisions en matière de protection des personnes contre la fumée passive (voir encadré). Philip Morris a exploité cette affaire avec l’EPA pour tenter de bloquer des décisions de santé publique dans d’autres pays.
Philip Morris avance, comme on peut s’y attendre, la ventilation comme une solution à la cohabitation dans un même espace entre fumeurs et non-fumeurs. La compagnie a beaucoup investi dans la ventilation et tout ce qui peut contribuer à la qualité de l’air ambiant, tout en évitant soigneusement de mettre en cause la pollution principale de celui-ci, à savoir celle due à sa contamination par la fumée de tabac. Mais là encore, force est de constater que ses efforts ont échoué. On pouvait récemment lire sur le site Internet de Philip Morris USA la déclaration suivante: «Bien qu’il n’ait pas été démontré que la ventilation peut résoudre les problèmes de santé associés à la fumée passive, elle peut améliorer la qualité de l’air d’un établissement». Les recherches scientifiques sur la ventilation ont en effet prouvé que celle-ci ne suffisait pas pour protéger les personnes contre les effets toxiques de la fumée passive. Pour atteindre des niveaux de qualité de l’air qui soient acceptables, il faudrait des taux de renouvellement de l’air comparables à ceux obtenus dans une soufflerie.
Philip Morris offre ensuite son interprétation très particulière de l’article 19 de l’Ordonnance 3 de la Loi sur le travail (OLT3). Depuis lors, la directive du SECO a clarifié l’application de cet article, qui n’est pas opposé à l’interdiction complète de fumer, comme le prétend Philip Morris. La directive du SECO précise en effet que «si les installations, les bâtiments ou les locaux de travail ne permettent pas de créer des postes de travail séparés ou si une entente entre fumeurs et non-fumeurs n’est pas trouvée, l’interdiction de fumer doit être instaurée à la demande des travailleurs non-fumeurs concernés». Elle donne clairement la prépondérance à la santé des travailleurs sur la liberté de fumer.

Sage décision

Finalement, la lettre se réfère aux résultats d’un sondage suisse sur les préférences des travailleurs pour la cohabitation des fumeurs et des non-fumeurs au sein de l’entreprise. Philip Morris possédait les résultats d’un pré-test de ce sondage. On constate l’aspect fortement inducteur des questions. En effet, qui pourrait s’opposer à «un accord satisfaisant aussi bien pour les fumeurs que les non-fumeurs»? Pas surprenant donc que cette réponse reçoive 57% des suffrages. Malgré cela, 42% des non-fumeurs indiquent leur préférence pour une interdiction pure et simple de fumer!
DuPont de Nemours ne sera pas dupe et rejettera platement la tentative d’influence du cigarettier. Nous n’avons pas la copie de la lettre finalement envoyée à DISA par la CISC. Nous disposons cependant de la réponse adressée par le Managing Director de DuPont de Nemours International S.A. à Edgar Oehler. Cette réponse est remarquable. Elle témoigne de la grande détermination de la direction de DuPont de Nemours dans son souci de donner la priorité à la santé de son personnel. Elle montre aussi que cette direction ne se laisse pas intimider par la lettre du conseiller national et président des cigarettiers suisses, mais affirme ses principes sans détour (attitude d’autant plus remarquable que les cigarettiers sont par ailleurs des clients importants de DuPont de Nemours pour certains produits).
Dans cet exemple, Philip Morris a tenté d’influencer une grande multinationale et a essayé de la dissuader de protéger ses travailleurs contre l’exposition à la fumée de tabac. Elle a – heureusement – essuyé un échec. Cette tentative n’en reste pas moins inquiétante, et il est fort probable qu’elle ne soit pas un fait isolé. Est-ce que les directions d’autres entreprises suisses soumises à des pressions similaires auront toutes eu la lucidité et le courage de celle de DuPont de Nemours? Il est permis d’en douter.
Article publié avec l’aimable autorisation d’OxyRomandieNote bas de page et la collaboration du FARES.

Les attaques de l’industrie du tabac contre l’EPA

En 1993, l’Agence de Protection de l’Environnement des USA, en bref l’EPA ( Environmental Protection Agency ), publiait un rapport faisant état d’une vaste étude passant en revue l’état de la connaissance sur la fumée de tabac environnementale (FTE). Elle arrivait à la conclusion que la fumée passive provoquait le cancer du poumon chez les non-fumeurs. En conséquence, elle classifiait la FTE dans le groupe A des substances cancérogènes, c’est-à-dire parmi celles qui sont reconnues les plus dangereuses.Cette étude s’attira évidemment les foudres de l’industrie du tabac. Les cigarettiers américains ont commencé par submerger l’EPA sous une masse gigantesque de commentaires niant ses observations et critiquant ses méthodes. Ils mobilisèrent pour cela tous leurs «scientifiques indépendants». Ces manoeuvres ne parvinrent cependant pas à stopper la publication du rapport.
L’industrie lança ensuite une vaste offensive judiciaire contre l’EPA, l’accusant de fraude scientifique et d’incompétence. Par des manoeuvres procédurières et à l’aide d’un juge qui avait été auparavant un lobbyiste des cultivateurs de tabac, l’industrie parvint à bloquer la décision de l’EPA. Celle-ci déposa immédiatement un recours. L’affaire mit beaucoup de temps avant d’être jugée, car ce n’est qu’en janvier 2003 que la justice américaine devait débouter l’industrie du tabac, jugeant sa cause sans objet.En juin 2002, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui est rattaché à l’OMS et est la plus haute autorité mondiale en matière de recherche sur le cancer, arrivait à la conclusion officielle que «l’exposition involontaire à la fumée de tabac provoque le cancer du poumon», précisant que «les non-fumeurs sont exposés aux mêmes cancérogènes que les fumeurs actifs. Il a été montré que les niveaux types d’une exposition involontaire provoquaient le cancer du poumon chez des individus n’ayant jamais fumé». En vertu de quoi, le CIRC classait la fumée de tabac dans l’air ambiant dans le Groupe 1 des substances cancérogènes (qui rejoignait ainsi, entre autres, l’amiante, l’arsenic, le gaz moutarde et le radon).
Les attaques de l’industrie du tabac contre les travaux de l’EPA n’ont donc pas abouti à inverser les résultats scientifiques concernant la toxicité de la fumée passive, mais elles ont réussi à créer la confusion et la controverse et à retarder les décisions des responsables de santé publique pour la protection des personnes – en causant au passage de très nombreuses maladies et morts qui auraient pu être évitées si les mesures avaient été prises à temps.

Aide au sevrage tabagique chez la femme enceinte et son partenaire

Le 30 Déc 20

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Pour la femme enceinte, l’arrêt du tabac est un challenge difficile à atteindre. Il l’est d’autant plus lorsque son partenaire est fumeur. Cette prise de conscience est à l’origine d’une campagne d’aide à l’arrêt du tabac émanant du Ministère de la Santé Publique (cfr Arrêté Royal du 17/09/2005). Cette aide permet aux femmes enceintes et à leur conjoint, tous deux fumeurs, de bénéficier d’un remboursement forfaitaire des consultations d’aide au sevrage tabagique.
Pour bénéficier de cette aide, la future maman et éventuellement le futur papa, sur conseils du gynécologue ou d’un professionnel de santé, se rendent chez un tabacologue reconnu (1) à raison d’au minimum 8 séances. La première a lieu au plus tard 3 mois avant la date prévue de l’accouchement, et la dernière, au plus tôt 3 mois et au plus tard 6 mois après la date prévue de l’accouchement. A l’issue de ces 8 séances, les futurs père et mère pourront obtenir un remboursement forfaitaire de l’ordre de 120 euros chacun, sur présentation d’une fiche de suivi remplie lors des séances par le tabacologue agréé.
Cette aide financière comporte également un remboursement de l’ordre de 55 euros pour les frais médicamenteux (substituts nicotiniques et bupropion) pour le partenaire de la femme enceinte, pour autant que cette dernière soit enceinte, fumeuse et participe également à ce programme. Le partenaire doit lui aussi se rendre chez un tabacologue reconnu à raison de 8 séances.
Ce programme ambitieux d’aide au sevrage tabagique est une première en Belgique. La coordination de ce projet a été confiée au Fonds des affections respiratoires (FARES) et à son correspondant néerlandophone, la Vlaamse vereniging voor respiratoire gezondheidszorg en tuberculosebestrijding (VRGT).
Afin de faire connaître au grand public le contenu de ce programme, des spots radio seront diffusés dès janvier 2006. Des dépliants d’information seront disponibles auprès des différents professionnels de santé qui travaillent dans le domaine mère-enfant. La ligne Tabac-Stop (0800 111 00) permettra de répondre aux différentes questions du public. Les noms et adresses des différents tabacologues agréés pourront y être renseignés. Un site web sera également disponible pour le grand public et pour les professionnels de santé. Ces derniers pourront y télécharger les outils de la campagne et accéder à la liste des tabacologues.
Information communiquée par Michel Pettiaux, FARES
(1) Le tabacologue est un professionnel de santé – médecin, infirmière, kinésithérapeute etc. – ou un psychologue, formé à la tabacologie et reconnu par l’Institut national d’assurance maladie invalidité.

Top Gars, le guindailleur responsable

Le 30 Déc 20

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Les collectifs étudiants de l’UCL (cercles, régionales, kots-à-projets et AGL), soutenus par l’asbl Univers Santé, ont lancé, depuis le 30 octobre, une opération de sensibilisation et de prévention à la consommation excessive d’alcool. Cette campagne se décline sur les deux sites de Louvain-la-Neuve et de Woluwe.
Top Gars en est le héros. Sorte de ‘superman’ de la guindaille, il va, au fur et à mesure de la campagne, dévoiler sa vraie personnalité. C’est-à-dire celle d’un franc guindailleur, buveur et noceur, mais qui a décidé de le faire sans nuire à sa santé ni au bien-être des autres.
Deux objectifs guident cette campagne, élaborée par les étudiants eux-mêmes:
-le premier est de réduire les risques liés à une consommation excessive d’alcool . Ces risques existent tant pour l’étudiant lui-même (problèmes de santé, notamment), que pour ses proches ou ceux qui l’entourent (risque de bagarres, de rapports sexuels non protégés, conduite en état d’ivresse…);
-le second vise la réduction des nuisances liées à la consommation d’alcool, qu’elles soient sonores ou environnementales. Cet aspect prend tout son sens dans le contexte urbain dans lequel se déroulent la plupart des guindailles étudiantes, tant à Louvain-la-Neuve qu’à Bruxelles.
Cette opération se développe sous la forme d’une campagne d’affichage en trois phases. La première cherche à susciter la curiosité des étudiants.
La deuxième présente Top Gars , avec le slogan ‘Il arrive!’.
La troisième partie de la campagne montre Top Gars en situation, avec des slogans ad hoc: ‘Top Gars, il boit, mais ne te cherche pas’ ou ‘Si t’es dans le coton, il te raccompagne sans façon’.
Les illustrations sont réalisées par le dessinateur Benoi. Elles sont placées dans les lieux fréquentés par les étudiants: cercles, salles de soirée…
Cette campagne se déroule durant toute l’année académique et au-delà. Le souhait des organisateurs est que les étudiants s’approprient, dans la durée, le personnage et les messages qu’il dispense.
Infos auprès de Martin de Duve, deduve@univers-sante.ucl.ac.be, tél.: 010 47 35 04. Internet: https://www.univers-sante.ucl.ac.be

Les grands progrès de la vaccination depuis un quart de siècle se confirment

Le 30 Déc 20

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Mais on pourrait sauver des millions de vies supplémentaires avec de nouveaux vaccins et en renforçant les systèmes de santé

Au niveau mondial, la vaccination a beaucoup progressé au cours des 25 dernières années, mais en augmentant encore la couverture, on pourrait sauver des millions de vies supplémentaires dans les populations qui ne bénéficient pas encore de cette protection. C’est ce qu’a établi un groupe de partenaires de la vaccination lors du Congrès mondial de la vaccination à Lyon (France).
Cette conclusion ressort de l’analyse des dernières données mondiales sur la vaccination. L’Organisation mondiale de la santé et l’UNICEF ont fait, avec l’appui financier des Centers for Disease Control and Prevention (Etats-Unis) et en étroite collaboration avec les ministères de la santé, un contrôle mondial de la situation pour produire des estimations annuelles de la couverture vaccinale. La synthèse des principaux résultats est la suivante.
La couverture mondiale de la vaccination par trois doses du vaccin antidiphtérique-antitétanique-anticoquelucheux (DTC3) s’est maintenue à 78 % en 2004 (1).
La couverture par trois doses de DTC atteint ou dépasse 90 % dans 102 pays et plus de 80 pays se situent dans la fourchette 50–89 %. Dix pays seulement – en Afrique, en Asie et en Amérique centrale – ont encore une couverture inférieure à 50 % (2).
En 2004, 27 millions d’enfants n’ont pas été vaccinés par trois doses de DTC et sont, de ce fait, exposés au risque de contracter des maladies potentiellement mortelles (3).
Cinq pays, la Chine, l’Inde, l’Indonésie, le Nigéria et le Pakistan, comptent chacun plus d’un million d’enfants non vaccinés, le total représentant 16,3 millions des 27 millions d’enfants non vaccinés dans le monde (soit plus de 60 %) (4).
On a observé des progrès spectaculaires dans l’administration des vaccins contre l’hépatite B et contre Hemophilus influenzae type B (Hib). On compte désormais 153 pays qui vaccinent systématiquement les nourrissons contre l’hépatite B, contre 12 en 1990. Désormais, 92 pays intègrent le vaccin contre le Hib dans les programmes de vaccination systématique, contre seulement 4 en 1991.

Maintenir le cap

« Les progrès spectaculaires de la vaccination dans les années 80 se sont maintenus grâce à l’engagement ferme des pays et des partenaires , à des stratégies efficaces et à des financements importants . Cependant , nous pouvons et devons faire mieux . Il faut apporter les vaccins aux millions de personnes qui n’en bénéficient toujours pas et tout le monde doit avoir accès aux nouveaux vaccins assurant une protection contre des maladies potentiellement mortelles », a estimé le Dr Jean-Marie Okwo-Bele , Directeur à l’OMS du département Vaccination, vaccins et produits biologiques.
Selon les estimations, le nombre des décès dus, dans toutes les tranches d’âge, à des maladies évitables par les vaccins recommandés actuellement par l’OMS, comme la rougeole, l’hépatite B, le Hib, la coqueluche, le tétanos et d’autres, était de 2,1 millions en 2002, dont 1,4 million d’enfants de moins de 5 ans.
Rien que pour 2003, la vaccination a permis d’éviter plus de 2 millions de décès auxquels il faut ajouter 600 000 décès dus à l’hépatite B qui, sans le vaccin, se seraient produits à l’âge adulte.
Du point de vue historique, la vaccination est l’un des plus grands succès de la santé publique: la variole a été éradiquée en 1980, l’incidence mondiale de la poliomyélite a baissé de 99 % et, en cinq ans seulement (1999 – 2003), le nombre des décès dus à la rougeole dans le monde a diminué de 39 %, et même de 46 % en Afrique.
La vaccination est arrivée à un tournant de son histoire. Elle bénéficie désormais de ressources sans précédent grâce au dispositif financier international pour la vaccination (IFFIm) (5), auquel un groupe de pays européens a encore promis US $4 milliards récemment.
« Les fonds de l’IFFIm nous permettront d’étendre la vaccination et d’introduire de nouveaux vaccins pour des millions d’enfants parmi les plus pauvres du monde . Il faut un soutien financier important pour appuyer les systèmes de santé si l’on veut que les pays développent d’une part l’accès aux vaccins traditionnels et , d’autre part , gèrent et délivrent les nouveaux vaccins », a expliqué le Dr Julian Lob-Levyt , Secrétaire exécutif de l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI).
Au cours des dix prochaines années, on s’attend à une révolution dans la manière de concevoir, de fabriquer, de financer, de délivrer et d’administrer les nouveaux vaccins. Des avancées décisives se produisent dans le développement des vaccins et l’on prévoit une vingtaine de nouveaux vaccins ou de vaccins améliorés dans les dix ans à venir.
Comme le rappelle le Dr John Wecker , Directeur Solutions vaccinales à PATH (6), une organisation non gouvernementale internationale, « des progrès spectaculaires ont eu lieu dans la mise au point de plusieurs nouveaux vaccins contre des maladies touchant les enfants dans les pays en développement et encore plus de vies pourront être sauvées . Le défi que nous avons à relever , c’est de garantir l’accès à ces vaccins pour tous les enfants qui doivent pouvoir en bénéficier
D’après un communiqué de presse de l’OMS, 4 octobre 2005.
Pour plus d’informations, consulter https://www.who.int et, pour la vaccination, https://www.who.int/vaccines .

(1) L’OMS et l’UNICEF contrôlent régulièrement les couvertures nationales de la vaccination chez le nourrisson pour les maladies suivantes: tuberculose, diphtérie, tétanos, coqueluche, hépatite et Hemophilus influenzae type B. On utilise couramment la couverture par le DTC comme indicateur des résultats des systèmes de vaccination. En 1980, la couverture mondiale de la vaccination par 3 doses de DTC n’était que de 20 % et seulement environ 30 % des pays disposaient d’un système officiel de vaccination des nourrissons. Des progrès spectaculaires ont été accomplis dans les années 80 et se sont maintenus jusqu’à présent, malgré l’accroissement de la population mondiale. Sur les 124,6 millions d’enfants nés en 2004 et en vie à leur premier anniversaire, plus de 108 millions ont reçu au moins un vaccin et 95 millions ont reçu le BCG (le vaccin contre la tuberculose), les trois doses de DTC, le vaccin antipoliomyélitique buccal et le vaccin antirougeoleux. Des systèmes de vaccination des nourrissons existent désormais dans 192 pays.
(2) Il s’agit du Gabon (38 %), de la Guinée équatoriale (33 %), de Haïti (43 %), du Libéria (31 %), du Nigéria (25 %), de la Papouasie-Nouvelle-Guinée (46 %), de la République centrafricaine (40 %), de la République démocratique populaire Lao (45 %), de la Somalie (30 %) et du Vanuatu (49 %). En 2004, il y avait dans ces 10 pays 4,3 millions d’enfants qui n’avaient pas été vaccinés.
(3) Parmi ces 27 millions d’enfants, on en recense 11 millions en Asie du Sud, 9 millions en Afrique subsaharienne et 3,9 millions en Asie orientale et dans le Pacifique.
(4) En 2004, on comptait 8,5 millions d’enfants non vaccinés en Inde, 3,3 millions au Nigéria, 1,8 million au Pakistan, 1,6 million en Chine et 1,3 million en Indonésie.
(5) L’IFFIm et l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination (GAVI). Le dispositif financier international pour la vaccination (IFFIm) sera mis en œuvre par l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination, alliance historique des principales parties intéressées. On compte parmi les membres de l’Alliance un grand nombre de partenaires: pays en développement et gouvernements donateurs, l’OMS, l’UNICEF, la Banque mondiale, l’industrie du vaccin (dans les pays industrialisés comme dans ceux en développement), des instituts de recherche et des instituts techniques, des ONG, la Fondation Bill & Melinda Gates et le Fonds pour les vaccins, qui s’occupe, au sein de l’Alliance, des ressources et du financement.
(6) PATH, organisation non gouvernementale internationale, trouve des solutions durables et culturellement appropriées permettant aux communautés du monde entier de rompre le cycle de la mauvaise santé. En collaborant avec divers partenaires des secteurs public et privé, elle contribue à fournir les technologies sanitaires adaptées et des stratégies vitales pour modifier les façons d’agir et de penser. Son action améliore la santé et le bien-être à l’échelle mondiale. Pour en savoir plus sur PATH, consulter le site https://www.path.org .

Quand les personnes âgées devancent la mort

Le 30 Déc 20

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Le taux de suicide est de 21,1 pour 100 000 en Belgique. Le taux de suicide des 65-74 ans est de 23,4 et de 39,7 après 75 ans. Le taux monte à 35,5 pour 100 000 chez les hommes de 65 à 74 ans et à 86,8 au-delà de cette tranche d’âge. Pour les femmes, il est de respectivement 13,6 pour 100 000 entre 65 et 74 ans et de 15,6 pour 100 000 au-delà. Les provinces de Hainaut et de Liège apparaissent plus touchées que les autres. Les personnes âgées sont deux fois plus nombreuses que les jeunes à mettre fin à leur vie de manière intentionnelle. Et le taux de suicide est deux fois plus important en maison de repos qu’au domicile. Une situation analysée lors d’un récent colloque de l’Institut européen interuniversitaire de l’action sociale (IEIAS).
Certaines personnes âgées partagent avec les adolescents un sentiment d’inutilité, une peur du déficit psychique et la crainte de l’incapacité sexuelle. Trois facteurs parmi d’autres qui, hypothèse, conduisent certains et certaines parmi ces deux tranches d’âge à en finir avec la vie. Selon Claude Renard , Vice-président de la Société francophone de prévention du suicide, un véritable problème sociétal se pose avec le suicide des personnes âgées: il intervient à une période de la vie où la mort se profile comme étant dans l’ordre naturel des choses, à la différence des jeunes où le nombre d’années de vie potentiellement perdues est très important. Pourtant les chiffres sont aussi écrasants que la réalité qu’ils cernent: sur les 2146 suicides annuels en Belgique, plus de 350 concernent des hommes de plus de 65 ans et 150 des femmes de plus de 65 ans. Les aînés s’empoisonnent, se défenestrent, se pendent aux potences de leur lit, recourent aux armes à feux. « Mais il est d’autres modes opératoires que ceux là encore , nommés équivalents suicidaires , explique Claude Renard. Ils et elles arrêtent de prendre un traitement . Je pense aux diabétiques . Des cardiaques se mettent à faire un sport violent . Il existe aussi ce qu’on qualifie de syndrome de glissement , soit une conduite passive de refus de la vie .» On notera que les derniers chiffres disponibles datent de 1997. Et qu’ils donnent une vision sous-évaluée du problème: une étude auprès des médecins généralistes montre qu’il est arrivé à un médecin traitant sur deux de déclarer comme accident un suicide, et cela notamment dans un souci de protéger l’entourage.

Culture

Les taux de suicide les plus élevés se trouvent en Hongrie, Croatie, Slovénie, Autriche, Suisse, Belgique, France, Ukraine, Allemagne, Luxembourg, Suède, Danemark. Les taux sont nettement plus bas à Malte, en Grèce, en Irlande, au Royaume-Uni, en Pologne, en Norvège, aux Pays-Bas, en Italie, en Roumanie, en Finlande, au Portugal et en Espagne.
Un classement à mettre en rapport avec des choix politiques. « On a en Irlande , explique Claude Renard, une politique de reconnaissance de l’acquis des connaissances et des compétences acquises avec l’organisation d’échange de savoirs . Les aînés sont mis à contribution
On pourrait relever aussi le «poids» de la religion. « Des études américaines , je pense à celles de Charles Reynolds , et irlandaises , se sont penchées sur les rapports entre psychiatrie et religion », explique le Dr Jérôme Pellerin du Service de psychiatrie de la personne âgée de l’Hôpital Charles Foix d’Yvry-sur-Seine. Une dimension difficile à prendre en compte dans l’installation d’une véritable politique de prévention du suicide, comme l’a souligné une représentante du Centre de prévention du suicide… Ce qu’ Hélène Reboul , gérontologue et professeur à l’Université de Lyon II, illustre par le cas de Freud: « Celui ci , atteint du cancer , avait fait promettre à son fidèle médecin de lui faire une piqûre finale . Mais ses convictions religieuses rendaient en fait le suicide impossible
Anthropologue des religions, Kadri Agha y va, lui, de son cri d’alarme: « Notre société suicide les vieux . Le jeunisme ambiant est mortifère . Il faut être conservé . Vieillir est hors normes . Pour 85 % de l’humanité , les vieux sont une référence sociale . Ils transmettent des valeurs . Ce que font les personnes âgées en se tuant , c’est ne pas mourir . Ne pas accepter l’indifférence dans laquelle le groupe les maintient . En même temps , paradoxalement , ils soulagent la société du poids qu’ils sentent bien être . Qu’est ce que ce monde qui nous fait vivre plus longtemps physiologiquement mais qui nous tue psychologiquement

Dépression

Selon le Dr Françoise Dumont , psychiatre à l’Hôpital Vincent Van Gogh (Charleroi), le diagnostic de la dépression chez la personne âgée est crucial en matière de prévention du suicide. « On peut dire , explique-t-elle, que 90 % des tentatives de suicide se déroulent en présence d’une affection psychiatrique . Si le taux de dépression dans la population générale peut être estimé à 20 %, il peut croître jusqu’à 40 % en maison de repos . Il est important de l’identifier , car si le grand âge est un facteur tertiaire et l’isolement social un facteur secondaire , la dépression , elle , est bien un facteur primaire que l’on peut désamorcer .» Le sous-diagnostic a plusieurs causes: une croyance erronée, comme si grand âge et dépression allaient de pair; pudeur des personnes âgées à évoquer leurs états d’âme. « Cependant , poursuit le Dr Françoise Dumont, les médecins qui prennent l’initiative de poser des questions sur l’état affectif de leurs patients âgés obtiennent un meilleur taux de diagnostic de la dépression . L’information est importante lorsqu’on la met en rapport avec le fait que 75 % des personnes âgées se suicidant ont consulté un médecin dans le mois précédant l’acte
Parmi les questions à investiguer par les médecins: le sommeil, comme porte-parole de la douleur morale, les angoisses matinales, la mobilité, mais aussi la constipation «qui peut être un indice d’un non dit émotif ». Et la psychiatre carolorégienne de rappeler que les antidépresseurs sont bénéfiques dans 80 % des traitements et qu’un tiers des dépressions sont ainsi guéries sans rechute. Le Dr Pellerin (Hôpital Charles Foix) met cependant en garde de s’engouffrer trop rapidement dans l’hypothèse dépressive: « L’explication peut rassurer entourage et professionnels . C’est une cause qui trouve son origine dans la personne qui est morte ou a voulu mourir .» Et de s’interroger: « N’existerait il pas des suicides réussis , choisis
Véronique Janzyk