« Projets Partagés » est une base de données d’expériences logée sur le site internet du Centre Local de Promotion de la Santé du Brabant wallon (CLPS-Bw). Elle rend visibles des projets de promotion de la santé et permet à d’autres porteurs de projets de s’en inspirer. Son but est aussi de leur donner l’envie de se rencontrer, de se mettre en lien.
Origine de la base de données
L’initiative est née en 2009, dans le cadre de l’accompagnement de la « Plate-forme Santé Environnement » (regroupant des professionnels des secteurs de l’environnement et de la santé) par le CLPS-Bw,. Celui-ci souhaitait voir rassemblées en un lieu les expériences existantes au croisement de ces deux domaines émergents. Il est très vite apparu que cette base de données, en tant que vitrine des acteurs et de leurs projets, répondait aux besoins et attentes de l’ensemble des professionnels. Dès 2010, le CLPS-Bw a donc décidé de l’étendre à toutes les expériences de promotion de la santé menées dans le Brabant wallon, quel qu’en soit le secteur ou la thématique. Début 2011, l’outil « Projets Partagés » est disponible sur le site du CLPS-Bw. Le CLPS Luxembourg s’est rapidement joint à l’initiative, et un site spécifiquement dédié au projet (projetpartages.be) a vu le jour.
ObjectifsCette base de données s’inscrit directement dans la liste des missions du CLPS-Bw. Il s’agit, entre autre, de susciter la mise en réseau intra et intersectorielle, d’encourager la promotion de la santé à l’échelon local et d’accompagner les professionnels dans leurs projets.
« Projets Partagés » sert spécifiquement les objectifs suivants :
permettre aux professionnels de partager et de faire connaître leurs initiatives, projets, institutions et outils ;
servir de boîte à idées et de boîte à bonnes pratiques dont d’autres acteurs peuvent s’inspirer ;
sur base des expériences, créer du lien réseau entre les différents acteurs et institutions afin de permettre des rencontres et collaborations ;
garder une trace des expériences réalisées en promotion de la santé et des enseignements qui en ont été tirés ;
pour les CLPS, cerner l’offre de projets sur un territoire, les stratégies pertinentes, les secteurs les plus représentés et les thématiques les plus traitées.
ContenuToute expérience[1] peut s’y retrouver, dès lors qu’elle est menée par des professionnels ou bénévoles et déploie, même à tâtons, au moins une stratégie de promotion de la santé. Reprise sous le terme générique de « projet », il peut s’agir d’une activité, d’un événement, d’animations ponctuelles ou récurrentes, d’un programme de longue durée, d’une formation, d’un outil, d’une publication, d’une conférence, d’une campagne… Ce projet peut avoir été accompagné par le CLPS-Bw, mais ce n’est pas une obligation.
Concrètement, un porteur de projet – ou une personne du CLPS qui aura récolté toutes les informations nécessaires auprès du porteur de projet – remplit une « fiche expérience ». Celle-ci reprend un résumé du projet, les constats à son origine, les objectifs, démarches et actions, les ressources utilisées, les freins et facilitants, et les perspectives envisagées. Elle renvoie également à une « fichedescriptive de l’institutionporteuse de l’expérience » et des éventuelles institutions partenaires ou ressources. La fiche expérience peut aussi renvoyer à des « fiches outils », détaillant l’un ou l’autre outil pédagogique utilisé dans le cadre du projet.
Lors de l’encodage d’une expérience, une série de critères doivent être sélectionnés pour permettre au navigateur d’effectuer une recherche ciblée selon:
le milieu de vie auquel l’action a été destinée (école, quartier, famille, crèche, maison de repos…) ;
le public auquel l’action a été destinée (adolescent, adulte, enfant, personne handicapée, public précarisé…) ;
la ou les thématique(s) abordée(s) par l’action (addictions, santé mentale, vie affective et sexuelle, société – social, alimentation…)
Ce qui en est fait
Le CLPS-Bw invite régulièrement les professionnels qu’il accompagne à utiliser l’outil. De cette manière, ils peuvent consulter les projets ayant des points communs avec les leurs afin de s’enrichir des enseignements tirés et d’emprunter un chemin déjà déblayé, voire balisé. Le CLPS-Bw les encourage également à contacter la personne à l’origine du projet pour échanger sur les difficultés rencontrées, les étapes mises en place, ressources utilisées, etc.
« Projets Partagés » peut aussi servir de support concret aux échanges lors des rencontres organisées par le CLPS-Bw. Ce fut le cas en 2018 pour « Wavre numérique », par exemple. Cette journée de réflexion (pour les professionnels) sur la thématique des nouvelles technologies s’est basée sur cinq projets et six outils réalisés par les acteurs de terrain. Ils avaient été récoltés pour l’occasion et couvraient le cyberharcèlement, le partage de données personnelles, les tags, les émotions, les rumeurs sur le net… Les participants ont reçu les fiches correspondantes afin de garder une synthèse écrite et d’avoir un aperçu des ateliers auxquels ils n’avaient pas pu assister. Cela a rendu visibles et vivantes la base de données et les expériences elles-mêmes. Les partenaires qui ont présenté leurs projets en ont fait des retours très positifs : le travail fourni leur a permis de valoriser leurs projets/outils, mais aussi de se questionner par rapport à ceux-ci et de se confronter aux productions des autres.
Freins
Ce sont rarement les professionnels qui viennent proposer un projet, ce sera plutôt le CLPS qui, parce qu’un projet/sujet lui semble innovant ou peu représenté, propose de le rendre visible en l’incorporant à sa base de données.
Le CLPS-Bw a rapidement constaté que la culture de l’écriture (le fait de laisser une trace) est assez peu présente dans le secteur. Ceci est probablement lié au manque de temps qui implique de donner la priorité aux actions de terrain. Les professionnels ont la possibilité d’écrire eux-mêmes la fiche détaillant leur action, même s’ils confient souvent le soin de la rédiger à un membre de l’équipe du CLPS. Cela demande non seulement du temps à consacrer à l’entretien (le plus souvent téléphonique) avec le promoteur de l’expérience, à récolter, lire, interpréter les documents liés au projet, puis à l’écriture, aux modifications et à l’attente de l’aval de la personne en charge. Mais surtout, cela requiert d’avoir suffisamment bien compris le sujet pour le retranscrire.
Les professionnels, lorsqu’ils relatent leur projet, passent parfois rapidement sur un point qui ne leur paraît pas important, alors qu’il constitue une pierre de touche en promotion de la santé. L’entretien en vue de rédiger l’article implique de creuser, de repérer et mettre en avant les techniques ou stratégies sous-jacentes, de susciter un regard évaluatif…Si c’est le porteur lui-même qui complète la fiche, il lui faudra prévoir un moment de relecture par le CLPS en plus du temps de rédaction. Il est également périlleux, pour l’équipe, de respecter la parole des acteurs tout en se pliant à certaines contraintes de compréhension, de lisibilité et de densité. Pour cette raison, cette base de données multi-auteurs est plus un patchwork d’expériences qu’un recueil au style uniforme et standardisé.
Facilitants et plus-values
« Projets Partagés » est un outil précieux de communication et de visibilité. Le CLPS-Bw reprend, dans chacune de ses newsletters trimestrielles, le résumé d’un à trois projets partagés, et constate que ces liens sont parmi les plus consultés. Le fait de laisser une trace écrite facilite la transmission du projet, que ce soit par le CLPS auprès d’autres professionnels ou par le porteur de projet lui-même s’il souhaite en faire la publicité.
Les acteurs de terrain ne se rendent pas toujours compte que l’activité ou l’événement qu’ils organisent est un véritable projet. Ils ne réalisent pas la richesse de leur travail et des outils qu’ils développent – probablement parce qu’ils sont toujours dans l’action – et sont donc peu enclins à les partager, presque surpris qu’on s’y intéresse. Les échanges autour de la rédaction des projets partagés sont comparables à un accompagnement méthodologique qui permet aux acteurs de cerner les atouts de leur démarche en termes de promotion de la santé, de faire le bilan sur les étapes accomplies et de prendre du recul par rapport à leur projet.
Au fil des années, la base de données s’étoffe et offre un panel de plus en plus large d’expériences. Elle brasse des thématiques et publics très variés en traitant, par exemple du « potager collectif » qui vise l’inclusion des personnes en situation de précarité et en souffrance mentale, du « thé sexo » qui lutte contre l’isolement des femmes retraitées, en passant par « le jeu des trois figures » qui suscite un vivre-ensemble respectueux à l’école maternelle. Cette diversité est elle-même représentative du travail varié du CLPS, et le rend lui-même visible, autant qu’elle permet à l’équipe d’avoir un regard vaste et approfondi sur ce qui existe à l’échelle locale en promotion de la santé.
Certains sites internet reprennent des liens vers des projets partagés, en fonction de la thématique dont ils traitent. Cette pratique en toile d’araignée impacte la consultation des projets et amplifie la visibilité des actions locales.
Perspectives
Au vu du frein principal qu’est la lourdeur de rédaction, le CLPS-Bw s’interroge sur une manière de simplifier l’encodage, mais sans « désubstantifier » l’expérience. L’idée d’agrémenter la base de données d’entretiens vidéos fait actuellement son chemin, entre autres, dans cette optique de simplification.
L’anniversaire des 100 projets partagés approche à grands pas et pourrait être l’occasion d’une réflexion à ce sujet.
L’éducation sexuelle à l’école : diversité des pratiques
En Suisse, l’éducation sexuelle s’est développée de manière diverse et à des rythmes différents en fonction des régions. Comme ailleurs en Europe, l’éducation sexuelle à l’école s’est vraiment institutionnalisée après la révolution sexuelle, lorsqu’il s’est avéré nécessaire d’informer les jeunes sur la contraception et le couple. Mais c’est véritablement l’arrivée de l’épidémie du VIH qui a déclenché la généralisation des cours d’éducation sexuelle dans tous les cantons en Suisse. Aujourd’hui, la situation reste très hétérogène dans sa mise en œuvre.
SANTÉ SEXUELLE Suisse, l’organisation qui fédère les centres de conseil en santé sexuelle et services d’éducation sexuelle ainsi que les associations professionnelles concernées, promeut en Suisse une éducation sexuelle holistique selon les standards OMS Europe[1]. Elle attache beaucoup d’importance à la qualité des cours donnés dans le cadre scolaire, et participe dans ce sens à la formation des professionnel(le)s. Toutefois, sur le terrain, les cours proposés aux enfants et aux jeunes sont différents d’une région à l’autre, voire d’une école à l’autre. Ainsi, en Suisse romande, ce sont des spécialistes externes en santé sexuelle qui interviennent dans les écoles pour assurer une éducation sexuelle continue. Ce modèle a fait ses preuves depuis plus de 30 ans. Il est très bien accueilli et apprécié par les parents.
En Suisse alémanique, ce sont le plus souvent les enseignant(e)s qui sont responsables de la mise en œuvre de l’éducation sexuelle et de nombreux modèles existent, en fonction des écoles ou des enseignant(e)s : ceux proposant des prestations très complètes, mais aussi ceux transmettant seulement le strict minimum, la plupart du temps sous forme de cours de biologie et reproduction, en laissant de côté les aspects relationnels et sociaux. Un modèle de coopération entre le personnel enseignant et le personnel spécialisé en santé sexuelle serait incontestablement souhaitable et garantirait la qualité des cours dispensés. Au Tessin, la partie italophone de la Suisse, les enseignant(e)s sont responsables de l’éducation sexuelle. Ils sont soutenus dans leur tâche éducative par des coachs spécifiquement formés. Au secondaire et post-obligatoire, les spécialistes externes en santé sexuelle interviennent pour compléter l’éducation à la santé sexuelle.[2]
Le cours d’éducation sexuelle par un(e) spécialiste en santé sexuelle: une approche interactive et participative
Comme mentionné, il existe différentes approches pour les cours d’éducation sexuelle à l’école. Nous choisissons ici de décrire un cours type donné par un ou une spécialiste en santé sexuelle, ayant à la fois une formation professionnelle en éducation sexuelle ainsi qu’une expérience en la matière.Concrètement, ce cours d’éducation sexuelle s’intègre dans la vie de l’école : les parents sont informés par une lettre et conviés à une séance de présentation de l’intervention. Les enseignant(e)s sont associé(e)s à la démarche avant et après le cours car leur rôle est fondamental pour que l’intervention se déroule dans de bonnes conditions. Pour soutenir cette approche de coopération, SANTÉ SEXUELLE Suisse développe des outils d’information pour les parents et les professionnel(le)s (voir la liste sur le site www.sante-sexuelle.ch).
Selon l’âge des élèves, différentes méthodes pédagogiques sont utilisées, avec ou sans support préétabli, et une place importante est donnée à la discussion de groupe. La récolte de questions anonymes, avant ou en début de cours, est souvent privilégiée pour les élèves de l’école secondaire car elles leur permettent de poser leurs réelles demandes sans risque de s’exposer trop personnellement. C’est aussi une manière pour l’intervenant(e) de savoir où en sont les élèves, ce qui les intéresse et les préoccupe.
L’entrée en matière du début de cours est fondamentale car l’éducateur/trice ne connaît généralement pas la classe. Des petits jeux « brise-glace » sont habituellement utilisés pour permettre de parler très spontanément d’amour, d’amitié, de sexualité. Ces exercices offrent aux élèves un espace d’expression assez libre qui permet de poser les émotions ou tensions éventuelles et de s’ancrer dans le moment. Il permet également d’instaurer un rapport de confiance entre l’intervenant(e) et la classe. Ensuite, en fonction des priorités et de la classe, différents supports pédagogiques sont utilisés : dessins, images, séquences vidéos, planches anatomiques, objets symboliques, moyens de contraception, brochures, etc.
SANTÉ SEXUELLE Suisse développe, avec son réseau partenaire des supports d’information et d’éducation, par exemple des brochures pour les adolescent(e)s (Hé les filles Hé les gars, Crac crac boum boum), ou des films de témoignage (Body Talk) permettant de lancer une discussion sur une grande diversité de thématiques.
Un accent important est mis sur l’interaction et l’échange, dans une perspective positive de la sexualité et selon une approche basée sur les droits humains. Chaque élève est libre de décider dans quelle mesure il/elle veut participer.
L’éducation sexuelle est aussi proposée aux élèves en situation de handicap, quel que soit leur lieu d’étude ou de vie. Cette éducation s’appuie sur les mêmes bases que l’éducation sexuelle holistique tout en mettant l’accent sur les besoins spécifiques et l’écoute de chaque enfant ou jeune.
L’éducation sexuelle pour les jeunes enfants
SANTÉ SEXUELLE Suisse promeut une éducation sexuelle dès le plus jeune âge. Chez les enfants en âge pré-scolaire (0-4 ans), l’approche proposée associe d’abord les parents et les éducateurs/trices de la petite enfance. A l’exemple du projet proposé par l’Association pour l’Education Familiale du canton de Fribourg, l’éducation sexuelle est avant tout une éducation familiale où adultes et enfants apprennent ensemble à échanger autour de thèmes de l’éducation quotidienne dont la sexualité fait partie. L’un des principaux défis est d’apprendre aux adultes à se mettre à la place des enfants car la sexualité exprimée dans la petite enfance n’est souvent sexuée que dans le regard des adultes. Pour les enfants, la découverte du corps est globale. Elle se fait par les sensations, le toucher et les mots, et n’est pas spécifique aux parties intimes.
L’éducation sexuelle est généralement intégrée sous forme de programme dès l’entrée à l’école. Dans les petits degrés il s’agit de poser un cadre permettant la socialisation de l’enfant, notamment par l’apprentissage des règles de vie en société et des droits de l’enfant. Dans le contexte de la sexualité, cela se concrétise par l’apprentissage des différences entre les activités qui relèvent du domaine privé de celles qui ont leur place en public. Ceci nécessite une connaissance et un respect de son propre corps ainsi que de ses émotions.
L’enseignement des émotions est une partie importante de la prévention des abus sexuels. Les enfants apprennent à les reconnaître, à les exprimer. Dès les premières années d’école, l’éducation sexuelle aborde aussi la question des différents modèles familiaux et relationnels et travaille avec les enfants sur leurs représentations. Les grands thèmes de l’éducation sexuelle comme la reproduction humaine, l’identité sexuée et de genre, ou encore les normes sociales sur la sexualité sont aussi abordés sous forme d’histoires, de jeux ou encore de dessins.
Les défis de demain pour l’éducation sexuelle en Suisse
Les enfants et les jeunes grandissent dans une société où l’exercice de leurs droits ne va pas de soi (ex. droit à l’intégrité sexuelle, droit à la vie privée, droit à l’égalité pour les personnes en situation de handicap). L’éducation est la meilleure porte d’entrée pour apprendre les droits et commencer à les exercer. Or, selon une étude en voie de publication[3], ni les parents, ni l’école dans son ensemble ne dispensent une éducation tout à fait holistique au sens des standards européens de l’OMS.
Sur la base de ce constat, SANTÉ SEXUELLE Suisse a identifié au moins trois défis. L’école devrait développer un programme d’éducation sexuelle holistique basé sur les droits humains en se basant sur l’expertise des spécialistes en santé sexuelle. Ce programme devrait être mis en œuvre par les spécialistes en santé sexuelle tout en impliquant de manière complémentaire d’autres intervenant(e)s comme, par exemple, l’infirmièr(e) scolaire, l’enseignant(e) de biologie ou l’intervenant(e) en travail social scolaire.
L’ensemble de ces professionnel(le)s devrait aussi se donner l’occasion d’expliquer et de rappeler les droits fondamentaux lorsqu’ils/elles abordent des questions de contraception ou d’interruption de grossesse, règlent l’utilisation du smartphone à l’école ou réagissent à des injures homophobes. L’éducation sexuelle participe en effet à l’éducation citoyenne et tous les intervenant(e)s scolaires devraient bénéficier d’une formation pour assurer la qualité de leur cours. L’éducation sexuelle devrait faire partie de l’éducation de l’élève au même titre que les autres contenus, y compris pour l’élève en situation(s) de handicap.
Qu’ils le souhaitent ou non, les parents sont en première ligne dans l’éducation sexuelle. Même de bonne volonté, ils ne parviennent que difficilement à faire l’éducation sexuelle de leur enfant. Tout comme la sexualité, l’éducation sexuelle nécessite un apprentissage. Les parents devraient pouvoir bénéficier d’offres à bas seuil où l’on échange sur la sexualité comme l’on parle d’alimentation ou de gestion des devoirs à domicile. Les pères en particulier devraient prendre une place dans cette éducation, de laquelle ils sont quasiment absents, selon les études scientifiques. Les enfants et les adolescent(e)s sont les bénéficiaires de l’éducation sexuelle mais les parents et les professionnel(le)s ne leur accordent pas souvent la parole pour exprimer leurs besoins sur l’éducation sexuelle. Si en général les approches pédagogiques des intervenant(e)s externes à l’école sont interactives et favorisent la participation des jeunes au cours, l’étude sur l’éducation sexuelle et les droits montre que le droit à la participation est surtout compris comme la participation des parents mais pas celle des adolescent(e)s.
L’approche des droits de l’enfant n’est donc clairement pas appliquée. Le droit d’être entendu(e)s devrait s’appliquer aux enfants et aux jeunes lors de la conception et de la mise en œuvre des programmes. Ils devraient pouvoir donner leur avis sur les sujets à développer et les approches pédagogiques. Le principe de participation inscrit dans la Convention des Droits de l’Enfant devrait être appliqué à l’éducation sexuelle. Ceci permettrait de mieux équilibrer les contenus entre mandat de prévention et discussion sur des sujets qui préoccupent les élèves au quotidien (ex. identité et orientation sexuelle, stéréotypes et sexisme, plaisir et sexualité, consentement et zone grise, etc.). Ceci permettrait aussi de compléter les cours d’éducation sexuelle par des approches différentes telles que l’approche par les pairs.
[2] Questions réponses sur l’éducation sexuelle à l’école auprès des enfants et des jeunes, www.alliance-educationsexuelle.ch, consulté le 18.02.2019
[3] Charmillot, M. (UNIGE), Földhazi, A. (HETS Genève), Jacot-Descombes, C. (SSCH), Kunz, D. (HSLU), Roth, N. (HSLU) (en voie de publication). Parler des droits sexuels à l’école ? Une évidence, un idéal ou un luxe ? Perceptions et pratiques des parents, des jeunes, des enseignant.e.s et des spécialistes de l’éducation sexuelle.
[4] Voir par exemple : Barrense-Dias Y., Akre C., Berchtold A., Leeners B., Morselli D., Suris J-C. (2018). Sexual health and behavior of young people in Switzerland. Lausanne: Institut universitaire de médecine sociale et préventive. Zugriff 19.03.2019 : https://dx.doi.org/10.16908/issn.1660-7104/291
Extrait du communiqué de presse du 16/01/2019Générations sans Tabac est une initiative qui a pour but que tous les enfants nés à partir de 2019, une fois adultes, revendiquent haut et fort : « Nous sommes la première génération sans tabac ! ». Pour que cet objectif devienne réalité, il est indispensable de faire en sorte que le plus d’endroits possibles fréquentés par ces jeunes deviennent non-fumeurs, car voir fumer incite à fumer.
Droit de grandir dans un monde sans tabac
Chaque parent espère que son enfant sera en bonne santé. Grandir dans un monde sans tabac ne peut qu’y contribuer! Sachant que 93 % des Belges sont favorables au droit des enfants de grandir dans un monde sans tabac, Générations sans Tabac, soutenue par de nombreux partenaires, n’a de cesse de transformer le plus d’endroits possibles fréquentés par les enfants en environnements non-fumeurs. Les bébés d’aujourd’hui, et les enfants de demain, seront ainsi protégés du tabagisme et pourront jouer et s’amuser dans des environnements sains. A travers ces actions, un monde sans tabac peut devenir la norme.
Pour les bébés d’aujourd’hui, un monde sans tabac devient la norme
Les enfants et les jeunes imitent les comportements de leurs aînés, et parmi ces comportements, le tabagisme. Autrement dit, voir fumer incite à fumer et donne l’impression que fumer est un comportement « normal ». En revanche, si un monde sans tabac devient la norme, ces enfants seront moins enclins à commencer à fumer. Selon l’Organisation mondiale de la Santé, la dénormalisation du tabagisme est une stratégie clé pour empêcher les jeunes de fumer.C’est la raison pour laquelle nous demandons aux adultes de donner le bon exemple et de fumer uniquement hors de la vue des enfants, dans les endroits prévus à cet effet. En outre, la plupart des fumeurs (74 %) ne souhaitent pas que leur enfant commence à fumer. Mais attention : l’intention de Générations sans Tabac n’est pas de stigmatiser les fumeurs, bien au contraire : elle a besoin de leur aide pour garder nos enfants à l’abri de cette dépendance.
S’arrêter de fumer peut être si difficile… Générations sans Tabac veille à ce qu’il soit difficile de commencer…
Il ressort de la dernière enquête « Tabac » de la Fondation contre le Cancer que 66 % des fumeurs veulent arrêter de fumer. Chez les jeunes de 24 à 35 ans, à savoir le groupe des jeunes parents, ce pourcentage est légèrement plus élevé (77 %) que pour les autres groupes d’âge. La population belge compte davantage d’ex-fumeurs dans le groupe avec enfants (40 %) que dans le groupe sans enfant (21 %). Les enfants sont l’avenir et encouragent donc à arrêter de fumer. Ils sont la motivation pour un monde meilleur et plus sain. Un monde dans lequel, à court terme, la cigarette disparaîtra de la vue des enfants et, à long terme, appartiendra à un passé révolu.Durant l’année, les nouveaux parents recevront un petit livre illustré, afin de les sensibiliser aux bienfaits d’une vie sans tabac pour que leur bébé et tous les autres nouveau-nés de 2019, aient la chance de grandir dans un monde sans tabac.
L’Alliance pour une Société sans Tabac, l’organisation à l’origine de Générations sans Tabac, est une initiative commune de la Fondation contre le Cancer, Kom op tegen Kanker, la Ligue Cardiologique Belge, le Fonds des affections respiratoires (FARES), le Service d’Étude et de Prévention du Tabagisme (SEPT), l’Observatoire de la Santé du Hainaut, l’Institut flamand pour une vie saine, l’Association flamande pour les soins de santé respiratoires et la défense contre la tuberculose (VRGT) et la Gezinsbond (Ligue des familles flamande). Des dizaines d’organisations de la santé et d’associations médicales ont signé une charte dans laquelle ils s’engagent à travailler avec leurs membres pour faire de Générations sans Tabac une réalité. L’Association flamande de pédiatrie, l’Union professionnelle flamande des sages-femmes et l’Association flamande d’Obstétrique et de Gynécologie se sont également placées sous la bannière de Générations sans Tabac pour que ses objectifs deviennent une réalité.Les résultats de l’enquête Tabac 2018 de la Fondation contre le Cancer peuvent être téléchargés en suivant ce lien : www.cancer.be/prevention/les-dangers-du-tabac/des-chiffres-et-des-faits/enquetes-tabac
Les 1e et 2 décembre 2017 avait lieu la première Biennale « Ensemble pour la santé » – « Samen voor gezondheid », une initiative de la Plateforme d’Action Santé et Solidarité (PASS). Le projet initial est né de la réflexion d’une trentaine d’organisations flamandes, wallonnes et bruxelloises, issues du secteur de la promotion de la santé, mais aussi des soins primaires, du logement, de la mobilité, de la culture… Une dynamique de co-construction est alors lancée pour mener à bien ce projet.
Ces partenaires partagent une même préoccupation : réduire les inégalités sociales de santé, améliorer la santé et le bien-être de la population. La problématique des inégalités sociales de santé est complexe : elle mobilise une multitude de facteurs sociaux et économiques, plus communément appelés les déterminants sociaux de la santé. Elle est donc intersectorielle et transversale[1].
Dès lors, pour contribuer à la réduction des inégalités sociales, la priorité est mise sur la collaboration et la mobilisation d’acteurs issus de secteurs variés. La volonté s’est rapidement dégagée de privilégier les projets locaux innovants et mis en œuvre par une démarche participative. Ces initiatives représentées lors de la Biennale ont été sélectionnées pour leur contribution à une meilleure santé et à une plus grande justice sociale.
Dans cet esprit de décloisonnement de la santé, les organisateurs souhaitaient que se créent des ponts entre les acteurs exerçant sur le terrain local, la recherche et les acteurs politiques.
La Biennale, les objectifs
1.Mettre en évidence les facteurs sociaux (logement, culture, environnement, éducation…) comme déterminants majeurs de la santé.
2.Mettre en valeur les dynamiques et stratégies d’action qui ont un impact sur ces déterminants sociaux de la santé, qui sont mises en œuvre à un niveau local et à travers des démarches participatives. Il s’agissait de contribuer à la visibilité et la reconnaissance de ces démarches, par le grand public et par les élus et d’être un moment d’interpellation du politique pour montrer que des alternatives existent et fonctionnent, en vue d’obtenir son soutien.
3.Permettre l’échange de savoirs et d’expériences entre acteurs dans le but de renforcer les compétences et les actions.
4.Mettre en valeur l’impact des actions locales et participatives à travers la recherche scientifique (existante ou à mettre en œuvre).
5.Créer des liens solidaires entre acteurs, citoyens, professionnels et élus, provenant des différentes régions de Belgique et de différents secteurs. Ces liens se baseront sur des valeurs communes dans le but d’un mieux-être pour tous.
6.Identifier les conditions nécessaires au développement des actions locales et notamment mettre en évidence les stratégies mises en œuvre à différents niveaux de décision (fédéral, régional, communautaire, communal).
La Biennale, une évaluation participative et négociée
Le projet étant d’organiser ces rencontres sous la forme de Biennales, une évaluation a d’emblée été jugée nécessaire. Les finalités en étaient multiples, allant d’une prise de décision sur l’opportunité de mettre en place la biennale suivante jusqu’aux constats de résultats en terme de développement de pratiques et politiques nouvelles visant à agir sur les déterminants sociaux de la santé. Et cela, en passant par une analyse de la satisfaction des participants, une analyse des éléments des contenus des échanges à valoriser et une analyse des processus de co-construction parmi les organisateurs. Dès le début du processus de construction du projet, l’APES-ULiège (Appui en Promotion et Education pour la Santé) a donc été associée à la réflexion.
En concordance avec cette dynamique participative et de co-construction, une démarche d’évaluation participative et négociée a été mise en place. On entend par évaluation participative toute évaluation qui engage les différents protagonistes d’un projet dans la planification et la réalisation de l’évaluation[2].
Dès lors, sa particularité est d’inclure un panel varié de parties prenantes dans le processus évaluatif, depuis la formulation des questionnements évaluatifs jusqu’à la diffusion des résultats[3].
Les enjeux rencontrés par les approches d’évaluation participative sont nombreux, ils s’organisent autour de trois axes. L’axe politique orienté sur les acteurs, met l’accent sur l’autodétermination, l’émancipation des acteurs, le renforcement de leurs capacités, la justice sociale et l’équité ou la démocratisation de la décision publique. L’évaluation émancipatrice (Fetterman) fait partie de cette catégorie d’évaluation participative. L’axe opérationnel est orienté sur le processus évaluatif et l’accent est mis sur l’utilisation des résultats et l’amélioration de l’efficacité des programmes et politiques, comme par exemple, l’évaluation axée sur l’utilisation (Patton). L’axe pluraliste ou constructiviste met l’accent sur la qualité et la pertinence de la connaissance produite par l’intégration des aspirations, valeurs et préoccupations de la diversité des acteurs de l’évaluation (Stake).
Construction d’une démarche d’évaluation
Appliquer une démarche d’évaluation participative et négociée allait de soi pour être en convergence avec la volonté de co-construction de cet événement. Ce projet d’évaluation a suscité la participation et une réflexion importante d’un grand nombre de parties prenantes de cette organisation. Remarquons toutefois que mener un tel processus, du début à la fin, nécessite un investissement en temps important de la part des personnes impliquées. Dans le cas présent, cet investissement a été fluctuant, la mise en place des processus participatifs de la journée et du recrutement des participants ayant déjà mobilisé de nombreuses énergies. Effectivement, face à l’ampleur du travail, les parties prenantes mettent la priorité sur la préparation de l’évènement plutôt que sur la préparation de l’évaluation.
Néanmoins, une des richesses de ce processus a sans aucun doute été la diversité des acteurs et des parties prenantes ayant participé à la co-construction de cet évènement et de son évaluation. Cette participation élargie d’acteurs aux profils variés a permis une meilleure compréhension du sens et des objectifs du projet.
En vue de mieux préparer l’évaluation, plusieurs réunions ont eu lieu soit avec le Comité de pilotage soit avec un groupe restreint de parties prenantes issues dudit Comité. En mars 2017, une réunion du Comité de pilotage a été consacrée à l’évaluation. Le but était de donner aux parties prenantes la possibilité de s’engager activement dans le processus en leur permettant d’exprimer leurs attentes à ce propos.L’appui méthodologique de l’APES-ULiège a été facilitateur dans la réalisation des étapes du processus décrites ci-dessous.
Définition du contenu de l’évaluation
Les premiers comités de pilotage, sortes de brainstorming d’idées sur les modalités de co-construction des journées et sur les contenus thématiques ont abouti à la définition des objectifs et des attentes de la Biennale.
Lors du Comité de pilotage sur l’évaluation, les participants ont identifié les résultats attendus selon les acteurs concernés, ainsi que les objets et les critères d’évaluation. Les objectifs ont également été examinés en vue de nourrir et de formuler les questionnements évaluatifs. Ces derniers étant les questions auxquelles l’ensemble des activités d’évaluation tente de répondre. La co-construction de la réflexion sur les critères et sur les indicateurs en a assuré l’appropriation par les participants. De plus, ce travail a garanti la pertinence de la collecte et de l’analyse des données.
Ainsi, les questionnements évaluatifs ont été élaborés progressivement sur base des différents acquis de la participation et également en concordance avec les objectifs définis par le Comité de pilotage. Les membres du groupe de travail « évaluation » ont été impliqués dans la définition finale des questions auxquelles ils souhaitaient obtenir des réponses à l’issue de cette évaluation.
Au total, 12 questions évaluatives (QE) ont été formulées, cinq d’entre elles portaient sur des éléments de processus et de résultats à court terme à la fin des deux journées. Une enquête de satisfaction a été réalisée en vue de répondre à ces questionnements. Les autres questions évaluatives portaient sur le contenu des réalisations des participants durant les deux journées.
Questionnements évaluatifs ayant fait l’objet d’une enquête de satisfaction auprès des participants
QE 1. La biennale a-t-elle été un lieu d’échanges et de contacts ?QE 2. Ces échanges et contacts ont-ils permis :
De découvrir (des idées pour l’action) des stratégies/dynamiques locales et participatives qui ont un impact sur les déterminants sociaux ?
De renforcer la motivation pour agir de cette manière (localement, en intersectoriel, sur des déterminants sociaux) ?
QE 3. Quels ont été les apports respectifs de chacun des types d’activités ?
QE 4. Les participants ont-ils apprécié les choix organisationnels, d’animations de la journée ?
QE 5. L’organisation de ces deux journées répond-elle aux objectifs : La vision des déterminants sociaux de la santé est élargie, la « santé » est restée la thématique principale des échanges de cette biennale, les initiatives locales et participatives ont été mises en valeur
Questionnements évaluatifs relevant des éléments traités par la capitalisation
QE 6. Quels déterminants de la santé ont été évoqués ?
QE 7. Quels leviers ont été identifiés et à quel niveau ? (Local, Régional, Intermédiaire, Fédéral, International)
QE 8. Quelles modalités de valorisation ont été évoquées ou présentées ?
QE 9. A-t-on parlé d’EIS ou de pratiques similaires ?
QE 10. Quelles collaborations intersectorielles ont été citées ?
QE 11. A-t-on identifié des questions, des domaines qui devront faire l’objet de recherches ?
QE 12. Quelles modalités de mobilisation des parties prenantes ont été évoquées, illustrées par des cas concrets ?
Les outils de recueil des données
La variété d’informations collectées par différents intervenants et canaux a participé à enrichir les données d’évaluation tout au long du processus. Les différentes sources d’informations identifiées sont développées ci-dessous.
Une enquête de satisfaction par questionnaire a été distribuée aux 189 participants de la biennale, en français et en néerlandais (version papier et électronique). 55 participants francophones et 10 néerlandophones ont répondu à cette enquête, soit approximativement un tiers des participants. Ces données ont été analysées qualitativement et quantitativement et ont fait d’objet d’un rapport technique[4]. En aval de la Biennale, les résultats de l’enquête de satisfaction ont été commentés lors d’un comité de pilotage.
L’analyse des contenus produits au cours de la biennale a été réalisée sur base du rapport de « valorisation des supports de la Biennale » produit par l’UCL-RESO[5].
Sur base des données administratives disponibles (notamment les inscriptions et les présences), une analyse des caractéristiques des participants, des contributeurs, des partenaires a été établie. Effectivement, ce travail était surtout utile pour définir plus finement les relations intersectorielles créées durant l’évènement.
A la suite de la Biennale, une analyse structurée des processus sous forme d’un focus group a été organisée avec le comité de pilotage et avec les participants aux divers groupes de travail. Cette rencontre fut l’occasion de recueillir les impressions et témoignages des personnes ayant participé activement à l’organisation de ces deux journées en décembre 2017.
Les retours évaluatifs informels en suivi de la Biennale, en ce compris une série de mails et articles (n=8) et une réunion « évaluation à chaud » du 14 décembre 2017 (n=14) ont constitué une autre source d’informations en terme de résultats mais également de processus. En outre, des participants citoyens ont été accompagnés par des organisations communautaires en amont et en aval de la Biennale. Après l’évènement, ces citoyens et organisations ont participé à un entretien de groupe évaluatif qui portait sur les objectifs et la méthodologie du Réseau Cureghem Marolles (RCM) dans l’accompagnement des citoyens à la participation à la Biennale.
L’analyse des données et la construction du rapport d’évaluation
A la suite des deux journées, il importait de faire l’inventaire des données dont nous disposions. Dans une démarche de co-construction, avantages et aléas se mêlent, en résultent des données éparses mais non moins riches. Dès lors, la nécessité est apparue de valoriser au maximum cette variété de données.
Comme détaillé précédemment, les différentes collectes de données ont fait l’objet de rapports spécifiques. C’est le cas pour la valorisation des productions (UCL-RESO), pour l’évaluation citoyenne (RCM) et pour le rapport technique sur les résultats de l’enquête de satisfaction (APES-ULiège).
Le défi à rencontrer dans la réalisation du rapport final d’évaluation était de mettre de la cohérence dans les informations. Les résultats issus des différentes sources ont été confrontés afin d’en établir les convergences, et les spécificités éventuelles. Ainsi, pour chaque objectif, les données ont été retracées pour enrichir l’analyse finale. Les données ont donc été articulées les unes avec les autres pour répondre aux questions que se posaient les organisateurs et partenaires sur la pertinence et l’efficacité de cette organisation et sa réplication dans deux ans, selon cette formule ou selon une formule modifiée. La synthèse des résultats a été présentée par objectif en regard de la source des informations et de la question évaluative concernée[6].
L’analyse de l’objectif 3 : « Permettre l’échange de savoirs et d’expériences entre acteurs dans le but de renforcer les compétences et les actions » illustre particulièrement cette combinaison de sources. Effectivement, l’enquête de satisfaction et l’évaluation citoyenne nous apprennent que les rencontres intersectorielles ont été favorisées par les choix organisationnels et les modes d’organisation. Les retours évaluatifs divers et la capitalisation apportent également des éléments de réponse, par exemple ; le rôle de la mixité et de la diversité des profils des participants dans la richesse des échanges, reconnu comme une des principales réussites de la Biennale.
L’objectif 5 montre un autre exemple de cette construction de résultats. Plusieurs sources se rejoignent quant au fait que la Biennale ait été un lieu de création de liens solidaires entre les acteurs, citoyens et professionnels. Des retours par mails et des témoignages de participants sur des sites d’associations indiquaient explicitement que des collaborations étaient nées. Les données de l’enquête de satisfaction confirmaient également que les participants avaient développé des partenariats ou étendus leurs carnets d’adresses. La capitalisation des contenus a défini les alliances avec un réseau étendu de partenaires comme un levier dans la mise en place de projets en faveur de la santé pour tous. Et enfin, l’entretien de groupe réalisé avec les initiateurs de la Biennale a mis en lumière la richesse du processus en lien avec la diversité des profils autour des mêmes valeurs de « santé pour tous ».
L’utilisation des résultats
Les analyses diverses réalisées durant l’année 2018 ont été diffusées et présentées lors d’un Comité de pilotage ouvert à toute personne intéressée, fin 2018. L’accent est mis sur la continuité de ce projet. Une volonté marquée d’intégrer davantage de citoyens dans cette organisation s’est traduite par une forte participation à ce Comité de pilotage.Le moment est arrivé d’utiliser l’ensemble des résultats pour co-construire une seconde Biennale, d’examiner les résultats de manière critique pour en extraire les messages-clés. L’objectif est de maintenir et de renforcer les acquis en tenant compte des conclusions de l’évaluation.
Les principales questions auxquelles il faudra répondre sont : « Comment mobiliser ? » « Comment s’organiser ? » et « Que faire pour la deuxième édition ? ». Cette réflexion est d’ores et déjà en cours au sein du Comité de pilotage.
Conclusion : L’évaluation, une étape essentielle
La démarche d’évaluation décrite dans cet article se caractérise par la contribution directe des parties prenantes. Celles-ci ont participé aux différentes étapes du processus ; initiation de l’évaluation, constitution d’un groupe de travail « évaluation », définition des questions évaluatives, définitions des critères et indicateurs, collecte des données, diffusion et utilisation des résultats.
L’évaluation a été intégrée dès le début de la réflexion sur la co-construction de cet évènement. Il s’agissait donc d‘une étape essentielle, voulue, discutée et négociée pour être cohérente et utile au vu des objectifs fixés par les membres du Comité de pilotage.
On ne peut pas faire abstraction des aléas de la co-construction et de la complexité qui en résulte dans la réalisation d’un projet d’évaluation. Effectivement, cette évaluation a fait face à un manque de construction commune des outils. Seul le questionnaire a été approuvé par la Comité de pilotage après sa création par l’équipe de l’APES-ULiège. Le rapport final d’évaluation résulte donc en une compilation de sources hybrides. Notons toutefois que, nonobstant les contraintes méthodologiques engrangées, la variété des sources de données réunies pour enrichir les analyses en ont fait la richesse. Cela a été possible grâce à la bonne collaboration entre les parties prenantes engagées dans le processus.
Une majorité des résultats de la Biennale ont été rencontrés. La Biennale a été un levier dans les rencontres entre les participants aux profils variés, en terme de prise de contacts voire de futurs partenariats. L’objectif de santé et de bien-être pour tous s’est révélé être une préoccupation commune, quel que soit le secteur ou le profil des participants. La dynamique est maintenant lancée, il reste à transformer les acquis de la participation en plaidoyer, notamment au niveau politique. Il faudra également veiller a suscité l’intérêt de la recherche scientifique pour la mise en valeur de l’impact des actions locales et participatives.
L’évaluation a été une étape essentielle, mise au service de la qualité des interventions en vue de l’amélioration de la santé de la population. Les résultats de l’évaluation ont montré la pertinence de cet évènement et poussent les membres organisateurs à continuer en ce sens en ajustant les processus de préparation et d’organisation.
Pour aller plus loin…
Cette publication est axée sur les éléments méthodologiques de la démarche d’évaluation mise en place dans le cadre de la première Biennale Ensemble pour la Santé. Les résultats de cette évaluation se trouvent dans un ensemble complémentaire de documents disponibles à l’adresse suivante : https://www.samenvoorlasante.be/fr/resultats/
[1] OMS (2011). Combler le fossé : de la politique à l’action sur les déterminants sociaux de la santé : document de travail. Conférence mondiale sur les déterminants sociaux de la santé. Rio de Janeiro, Brésil, 19-21 octobre, 2011.
[2] Vandoorne, C. (2002). Les acteurs et les enjeux au coeur de l’évaluation. Education Santé: 9-11.
[3] Steve Jacob et Laurence Ouvrard, L’évaluation participative. Avantages et difficultés d’une pratique innovante, Cahiers de la performance et de l’évaluation, Québec, PerfEval, 2009, n° 1. https://www.perfeval.pol.ulaval.ca/sites/perfeval.pol.ulaval.ca/files/2009__cahiers_perfeval_1_participation.pdf
[4] Georgin, E. and C. Vandoorne (2018). Biennale Ensemble pour la santé 2017. Rapport d’évaluation. Partie 2: Annexes. Liège: 16.
[5] Malengreaux Ségolène, Peeters Mathilde, Scheen Bénédicte, « Ensemble pour la santé » – Transcription et analyse des supports coconstruits lors de la biennale 2017, RESO, Bruxelles, novembre 2018.
[6] Georgin, E. and C. Vandoorne (2018). Biennale Ensemble pour la santé 2017. Rapport d’évaluation. Partie 1: Synthèse des résultats. Liège: 16.
La résistance m’a toujours fascinée. Ou plutôt, la Résistance, celle des réseaux clandestins, organisés durant la Seconde Guerre mondiale par des personnes comme vous et moi, des hommes et des femmes qui ont pris conscience qu’ils devaient agir au quotidien pour combattre les nazis, ou du moins ne pas collaborer avec eux. Des personnes qui n’ont pas fait le choix de la facilité et qui ont décidé que leur quotidien serait moins sûr et moins confortable pour défendre une valeur : la liberté. Certains ont mis en place de petites actions, d’autres de plus spectaculaires, mais tous se sont dressés contre l’injustice, et ce, souvent au péril de leur vie.
Je me suis souvent demandé si j’aurais eu le courage, comme toutes ces femmes et tous ces hommes, d’entrer dans la Résistance si j’avais eu 20 ans en 1940. Aurais-je accepté de distribuer des tracts interdits, de faire passer des messages codés, ou d’abandonner ma famille et ma ville pour mener des actions dans la clandestinité pour défendre mes valeurs ? Les jours où je m’insurge contre les injustices, je sens qu’une énergie venue du plus profond de mon ventre me fait pousser des ailes et me donne envie de me battre pour des idées, pour des valeurs. Je suis alors persuadée que j’aurais fait partie de ces héros ordinaires. Mais bien souvent, alors même que je me sens submergée par les motifs d’injustice, je dois reconnaitre que je me contente de m’insurger, parfois même de lever les épaules d’impuissance, et de poursuivre mon train-train quotidien.
Est-il nécessaire de résister aujourd’hui ?
Aujourd’hui la résistance s’est institutionnalisée. Elle est portée par le réseau associatif. C’est ce qui fait à la fois sa force et sa faiblesse : elle s’est organisée en associations et en institutions qui permettent de fédérer les résistances et de rassembler les efforts et les énergies. Ce faisant, l’individu n’a plus à se soucier des personnes dans le besoin, puisqu’il y a des prises en charge. Il n’a plus à se mobiliser pour faire pression sur les politiques ou pour aller manifester puisque c’est le rôle des associations de défendre des valeurs.
« On tergiverse, on déplore et quelquefois on pétitionne, mais on n’entreprend rien de sérieux ni d’effectif. On attend, avec bienveillance, que d’autres remédient au mal, afin de n’avoir plus à le déplorer »1.
Mais la résistance, qu’elle soit individuelle ou collective est encore et toujours nécessaire. Ainsi, Stéphane Hessel, écrivain et ancien résistant nous enjoignait à ne pas nous laisser envahir par un sentiment d’impuissance et à ne pas nous endormir face aux injustices qui nous entourent : peu avant sa mort (en 2013), il nous laissait deux livres, l’un intitulé Indignez-vous, l’autre, Engagez-vous. Il y a rappelé à quel point les mouvements de résistance, qu’ils soient individuels ou collectifs, doivent, aujourd’hui plus que jamais, revivre. Il appelle à ne pas baisser notre vigilance.
« Résister, c’est considérer qu’il y a des choses scandaleuses autour de nous et qui doivent être combattues avec vigueur. C’est refuser de se laisser aller à une situation qu’on pourrait accepter comme malheureusement définitive »2.
Pour résister, il faut tout d’abord avoir ou préserver la capacité de s’indigner. Et cela ne peut venir que d’un effort individuel de prise de conscience, de travail d’esprit critique, d’ouverture au monde qui nous entoure. S’indigner contre les véritables injustices que l’on côtoie tous les jours c’est déjà faire preuve d’une certaine résistance, parce que cela signifie que l’on ne laisse pas notre conscience se reposer ou être dominée. Si l’on n’a pas les moyens d’agir, au moins nous avons les facultés de nous insurger, de nous révolter intérieurement.
« La pire des attitudes est l’indifférence, dire « je n’y peux rien, je me débrouille ». En vous comportant ainsi, vous perdez l’une des composantes essentielles qui fait l’humain. Une des composantes indispensables : la faculté d’indignation et l’engagement qui en est la conséquence »3.
Résister, oui, mais à quoi ?
Les raisons de s’indigner et de résister, sont plus floues qu’avant, du temps de Stéphane Hessel. Car, si l’on voit bien quels étaient les motifs de résistance dans le contexte de la Seconde Guerre mondiale et de l’occupation, aujourd’hui les choses sont nettement moins évidentes : lorsque la vie nous est (relativement) confortable, que l’on a accès à différents biens de consommation, que personne ne nous empêche de vivre et qu’aucune forme de violence physique n’est exercée à notre encontre, que signifie résister ?
Pourtant, les motifs de résistance sont nombreux : la gestion de la crise des migrants (qui flirte, selon certains témoignages, avec nos années les plus sombres), les inégalités salariales hommes/femmes, toutes les formes de discriminations, la destruction de l’environnement… Le monde est devenu un enchevêtrement complexe de causes et d’effets, d’interdépendances dont il est souvent bien difficile de démêler les fils et d’identifier des responsables. Il suffit de se rendre dans le centre d’une ville et de voir le nombre de personnes qui dorment dans la rue, de passer devant un centre pour réfugiés ou une maison d’accueil pour femmes battues, d’écouter, de regarder ou de lire les informations…pour prendre immédiatement conscience des nombreux combats que l’on pourrait mener. Mais face au nombre croissant d’inégalités et d’injustices près et loin de chez nous, on peut se sentir paralysé.
Quels sont nos moyens de résistance ?
La difficulté aujourd’hui pour définir les moyens de résistance est que les ennemis sont bien souvent invisibles ou difficilement identifiables comme tel. Dans notre société capitaliste, l’ennemi est plus insidieux, et d’ailleurs ne peut pas être appelé ennemi en tant que tel, car les injustices qu’il crée ne relèvent généralement pas d’une volonté propre : c’est par exemple la société de consommation et ses conséquences sociales éthiques et environnementales catastrophiques. Personne n’en est directement responsable, il est donc difficile d’identifier les moyens à utiliser : je peux m’opposer à une personnalité politique, ou à une multinationale. Je peux essayer de faire tomber la tête de la première et de démanteler la seconde. Mais dès lors que ce sera fait, une autre personne prendra la place de la personnalité politique, et une autre multinationale reprendra les parts de marché laissées par sa concurrente. C’est ce qu’on appelle le système.
« Penser que le capitalisme va accepter en son sein sa propre destruction, c’est illusoire. La lame de fond néolibérale est parvenue à tout balayer sur son passage. Les grands discours ne suffisent plus et on ne peut plus tout attendre de l’État : la solution viendra d’en bas, dans des initiatives locales, incarnées, citoyennes, reliées entre elles »4.
C’est contre ce système inégalitaire que Stéphane Hessel appelle à résister :
« Une véritable insurrection pacifique contre les moyens de communication de masse qui ne proposent comme horizon pour notre jeunesse que la consommation de masse, le mépris des plus faibles et de la culture, l’amnésie généralisée et la compétition à outrance de tous contre tous »5.
Il y a bien sûr la résistance héroïque, qui consiste à risquer sa vie. Dans nos pays, elle est rare (une grève de la faim pourrait relever de ce type de résistance). Il existe aussi la résistance « coup de poing », qui repose sur un acte flirtant avec l’illégalité, comme par exemple l’occupation physique de lieux stratégiques, entarter une personnalité connue… Pour certains activistes, la violence est aujourd’hui nécessaire pour arriver à marquer les esprits et à faire bouger les choses, même dans nos démocraties. Leur argument est le suivant : nous ne sommes pas assez nombreux à résister, l’action pacifique est dès lors vouée à l’échec. Il faut donc tout faire pour se faire voir et entendre.
Mais pour d’autres activistes, la violence ne résout rien, car seule la force politique peut changer les choses. La violence (quelle que soit sa forme) entraine la méfiance, voire l’emprisonnement, et est dès lors inefficace, car elle diminue les forces vives de résistants. Si l’objectif est de faire plier les politiques par le nombre, alors mieux vaut être nombreux à résister pacifiquement et à envoyer de petits signaux, qu’un petit groupe destructeur.
On attribue à Henry d. Thoreau la paternité de la désobéissance civile. Cet homme s’est opposé farouchement à la pratique institutionnalisée de l’esclavage par le gouvernement américain. Il a commencé par refuser de payer un impôt local pour protester contre la politique esclavagiste américaine. L’idée qu’il revendique est d’agir selon ses principes, et donc de faire coïncider les actes avec les valeurs d’un individu. Et, selon Thoreau, si chaque individu agissait de la sorte, le changement serait possible. Il estime qu’il est de l’obligation individuelle d’agir selon ce qu’il considère être le bien. N’ayant pas le pouvoir ni la responsabilité d’éradiquer les maux de la société, son devoir est de ne pas y contribuer. Ainsi, il existe aussi une multitude de formes légales et pacifiques de résistance individuelle ou collective, plus accessibles au commun des êtres humains. En voici une liste non exhaustive :
S’informer, réfléchir et aiguiser son esprit critique : refuser les pensées « prêtes à porter », les clichés, les stéréotypes et les idées simplistes. Rester vigilant et entrer en débat ;
Par la prise de parole : s’insurger oralement ou par écrit, tel que le font de nombreux journalistes ;
S’engager (dans un mouvement social) ; Boycotter toute entreprise qui ne respecte pas des principes moraux et environnementaux
Désobéir : rejeter une forme d’autorité (une norme sociale par exemple), que l’on juge liberticide ou néfaste. C’est refuser de se conformer ou de se résigner devant un ordre des choses établi.
Manifester, faire la grève…
On s’éloigne bien entendu de la Résistance organisée où l’individu agit pour le collectif et au nom du collectif. Mais l’idée de vivre selon ses principes et ses valeurs n’est déjà pas si évidente qu’il n’y parait. Concrètement : agir en pleine conscience
Ce que l’on peut retenir de toutes ces réflexions, c’est l’importance de se tenir informé, d’aiguiser son esprit critique et de poser des actes « en pleine conscience ». Cela signifie que je peux réfléchir à chaque acte que je pose et à leurs conséquences. À partir de là, je peux poser un acte en pleine conscience : si je ne participe pas à cette manifestation, est-ce que cela a un impact ? Si j’achète ce vêtement écologique, mais pas éthique, qu’est-ce que je privilégie ? Ayant pesé le pour et le contre, quel choix vais-je faire ? Et, sachant que je ne peux pas agir à tous les niveaux, c’est essayer de faire de mon mieux, chaque fois que je le peux. Malgré cela, la résistance n’est pas forcément facile, elle ne peut se contenter d’être menée simplement assis sur sa chaise en regardant la télévision ou en lisant un livre. Il y a forcément une forme de contrainte, puisque par définition, la résistance nous appelle à renoncer à certains de nos privilèges, à quelques-unes de nos habitudes.
Prenons un exemple, je prends la voiture pour me rendre à une réunion. Je sais exactement quel est l’impact écologique de ce mode de transport, je sais aussi qu’en utilisant de l’essence je favorise l’exploitation de ressources et d’humains par des grands groupes pétroliers. Je peux commencer par me demander si je ne peux vraiment pas prendre le train ou le bus. Ensuite seulement, si je me rends compte que pour diverses bonnes raisons ce n’est pas possible, j’accepte en pleine conscience d’avoir fait ce choix. Cela doit nous amener à ne pas culpabiliser inutilement. Autrement dit, je ne peux certes pas lutter contre tout, mais je peux choisir de faire « le moins de mal possible », de limiter l’impact de mes choix de vie, et d’essayer, dans la mesure du possible de vivre selon mes principes.
Ensuite, je peux choisir mon ou mes combats et tenter de mener celui-là jusqu’au bout. Par exemple, si je choisis le combat de l’écologie. Cela ne me laissera sans doute pas suffisamment de temps et d’énergie pour agir en même temps sur la pauvreté, les conditions de vie des migrants, les inégalités hommesfemmes, etc. Je ne me détourne pas pour autant de ces combats, je ne les porte simplement pas, je ne les incarne pas. Tout en les gardant en tête lorsque je dois voter, consommer ou m’exprimer.
Hélène Eraly
1. Thoreau, 20182. Hessel, 2011, p.153 Hessel, 2010, p.144 Benkhelifa, 2018 5 Hessel, 2010, p.226 Bossé, 2018, p.14 POUR ALLER PLUS LOIN…
Benkhelifa S., dans Imagine demain le monde, septembre-octobre 2018, n°129 Bossé J., Ligue de l’Enseignement et de l’éducation permanente asbl, (2018), « Désobéissance civile: nourrir la démocratie », Éduquer, tribune laïque n° 139 juin 2018. https://ligue-enseignement.be/ladesobeissance-civile-a-lecole/ Hessel S., (2010), Indignez-vous !, Indigène éditions. Hessel S., (2011), Engagez-vous ! Entretiens avec Gilles Vanderpooten, Éditions de l’Aube. Thoreau H.-D., (2018), La Désobéissance civile, Le mot et le reste.
Avertissement : Les analyses Énéo ont pour objectif d’enrichir une réflexion et/ou un débat à propos d’un thème donné. Elles ne proposent pas de positions avalisées par l’asbl et n’engagent que leur(s) auteur(e)(s).
Le burn-out maternel peut toucher toutes les classes sociales. Mais qu’en est-il pour ces mères qui cumulent les difficultés, qui vivent dans des situations précaires, les mères seules, sans papier, réfugiées, primo-arrivantes ? Dans le quartier Helmet, à Schaerbeek, un projet de prévention fait ses preuves depuis deux ans.
Le burn-out maternel renvoie à ces mamans épuisées moralement et physiquement, un épuisement qui les fait sombrer dans un état dépressif pouvant avoir des conséquences graves sur elles-mêmes ou sur leurs enfants. La complexité des situations qu’elles vivent, liées, entre autres, à leur situation financière, administrative et sociale, rendent la problématique encore plus dangereuse. Certaines n’ont pas toujours accès à un suivi et ont même du mal à en parler à leurs proches ou à leur médecin. D’autres sont fort isolées, ont souvent laissé leur réseau de soutien social au pays, rencontrent des barrières linguistiques et sont en perte de repères. Face à un discours parfois jugeant de la part de l’école, d’autres intervenants ou de la société en général, l’image qu’elles se font de leur rôle maternel est entachée.
Notre équipe est pluridisciplinaire : médecins, accueillantes, infirmier, assistante sociale, chargée de projet en promotion de la santé, coordinatrice… Nous collaborons étroitement avec des psychologues, diététicienne et logopède. Nous avons fait le constat ces dernières années de ce « mal » récurrent auprès de notre patientèle féminine. Ces femmes sont en proie à des inégalités sociales de santé accentuées par leur genre. Dépassées par leur situation de vie, elles ont du mal à faire appel à leurs ressources personnelles mais aussi à celles de leur environnement. Elles ont souvent perdu confiance en elles et en leur capacité à dépasser les évènements du quotidien.
En 2015, nous avons a lancé un projet de prévention du burn-out maternel, soutenu par Céline Frémault, ministre bruxelloise de l’Aide aux personnes, dans le cadre d’un appel à projet pour le soutien à la parentalité, et par la commune pour la mise à disposition de salle ainsi que du subside « Sport au féminin » (Cocof) pour les cours de Yoga.
Inégalités sociales de santé, genre et parentalité
Notre maison médicale est située dans le quartier Helmet, densément peuplé. Elle accueille aussi des patients du bas de Schaerbeek (une zone faisant partie du croissant pauvre de Bruxelles) ainsi que des habitants d’Evere et de Saint-Josse. Schaerbeek est l’une des trois communes bruxelloises qui comptent plus de 100 000 habitants. La proportion de jeunes de moins de dix-huit ans y est importante (un peu plus d’un habitant sur quatre). L’âge moyen, en 2015, était de 34,5 ans.
Selon l’Observatoire de la santé et du social de Bruxelles, « la part des familles avec enfants, parmi lesquelles on retrouve une proportion importante de ménages de grande taille, est supérieure à la moyenne régionale. Ces ménages sont plus présents dans les quartiers situés à l’ouest et au nord de la commune. Les personnes de nationalité étrangère représentent 35% de la population. Plus d’un quart des enfants naissent dans des ménages sans revenu du travail. Malgré une certaine augmentation sur les dix dernières années, le taux de couverture en milieux d’accueil de la petite enfance reste bas, avec à peine une place pour quatre enfants (de moins de trois ans) »[1].
Les inégalités sociales de santé touchent principalement les femmes, surexposées aux risques de précarité et aux autres mécanismes producteurs d’inégalités. Un autre rapport de l’Observatoire de la santé et du social confirme nos constats : « les parcours de vie avec épisode migratoire sont souvent très complexes, marqués de ruptures, de bouleversements familiaux, culturels et socioéconomiques, de complexités administratives, d’accès aux droits, etc. Ces parcours mènent parfois à une précarisation. Ils sont, en outre, souvent invisibles : pas de données chiffrées et non accès aux structures classiques de l’aide formelle. Tous ces éléments peuvent potentiellement jouer un rôle fragilisant ou aggravant la situation précaire »[2].
33% des femmes inscrites dans notre maison médicale sont âgées de plus de dix-huit ans. 55% de celles-ci bénéficient de l’intervention majorée de la mutuelle et 3% bénéficient de l’aide médicale urgente. Les enfants constituent 42% de notre patientèle générale.
Les femmes se retrouvent sur divers fronts : la gestion du quotidien, l’éducation des enfants… Parfois le care (prendre soin) dépasse le cadre des enfants et de l’époux et s’élargit aux parents et aux beaux-parents. Elles sont souvent seules à tout porter et n’ont pas toujours la possibilité ou le courage de confier leurs jeunes enfants à un milieu de garde. Elles expriment leur mal-être en consultation et souvent aussi leur besoin d’être soutenues. La barrière de la langue, l’immigration et parfois la double immigration (Maroc-Espagne/Espagne-Belgique, par exemple) amène son lot de difficultés supplémentaires qui touchent, entre autres, au sentiment de compétence parentale, à la confiance en soi. Plusieurs femmes nous font part d’un sentiment d’épuisement, de culpabilité de dévalorisation : certaines d’entre elles sont universitaires dans leur pays d’origine et « descendent dans l’échelle sociale » suite à leur migration. D’autres ont vécu l’exil suite à des situations de guerre.
Les enfants avant tout
Les enfants sont souvent la préoccupation principale des femmes. Chez eux, nos professionnels observent des troubles du comportement à l’école, des troubles de l’alimentation, des difficultés scolaires, des difficultés de sommeil et de la somnolence en classe, un non suivi médical de la part des parents, une addiction aux jeux vidéo et aux écrans de télévision, seules occupations possibles dans le foyer… Certains cas sont inquiétants : nous avons constaté des situations de négligence.
Chez les mamans, nos professionnels observent un épuisement généralisé, un surmenage, un malaise psychologique et somatique avec, entre autres, des conséquences sur l’exercice de leur fonction parentale. Ce mal-être et cet épuisement sont des déterminants communs à toutes nos participantes. Pour l’Observatoire de la santé et du social, « les femmes en situation de précarité sont plus souvent en mauvaise santé que les femmes plus aisées. (…) Moins les revenus sont élevés, plus la probabilité de se sentir en mauvaise santé augmente. (…) Si la santé est un problème pour bon nombre de femmes en situations de précarité, elle ne représente cependant pas leur première préoccupation. La santé passe souvent après d’autres besoins comme le logement, l’alimentation, les soins aux enfants, etc. (…) 28% des femmes bruxelloises aux revenus les plus bas présentent des troubles dépressifs, soit trois fois plus que les femmes avec les revenus les plus élevés. Plusieurs femmes rapportent à quel point leur situation sociale influence leur santé mentale.
Elles ont des soucis, des pensées incessantes, des maux de têtes, des troubles du sommeil. À un certain niveau, les problèmes de santé mentale deviennent un frein pour reprendre pied. La précarité et la (mauvaise) santé s’entremêlent. »[3]
Notre analyse de la demande des femmes inscrites à la maison médicale a mis en évidence plusieurs besoins : sortir de l’isolement, prendre soin de soi, prendre du recul. Un désir également d’autonomie et d’indépendance. Elles demandent un espace où être soutenues tout en pouvant échanger avec d’autres afin d’améliorer leur vie, leur santé, leur gestion du quotidien et la prise en charge de leurs enfants. Un espace où elles peuvent échanger en groupe avec des personnes ressources. La gestion du stress revient souvent ainsi que les difficultés familiales (couple, répartition des tâches, logement, difficultés à trouver un emploi…).
Une approche globale
Le projet vise à renforcer la capacité d’agir des femmes. Toute l’équipe y est sensibilisée et intervient d’une manière ou d’une autre : lors des consultations, les médecins détectent les personnes à risque puis les orientent vers notre psychologue et vers les activités proposées ; les accueillantes ont souvent des discussions privilégiées avec des patientes ; d’autres membres de l’équipe participent aux activités.Nous aimerions amener nos patientes à devenir actrices de leur santé (globale). Mais pour cela, un travail en amont est nécessaire : conscientisation, mise en réflexion et sensibilisation. Il s’agit aussi de leur donner une place active. Nous sommes convaincus que notre public possède des ressources, notre travail consiste à l’aider à les mobiliser et à les enrichir au quotidien. Nous leur proposons différentes activités.
Réunions mensuelles « Pause Mamans ». Sortir de leur quotidien, rencontrer d’autres personnes, découvrir d’autres manières de penser et de faire (notamment en termes de fonction parentale), s’octroyer un moment à soi… permet aux mères de prendre du recul face à leur situation. Une attention particulière est octroyée à la valorisation personnelle. Elles peuvent acquérir une meilleure confiance en leurs compétences, en leurs ressources personnelles et autres (le groupe, le réseau extérieur, les acteurs associatifs, etc.). Deux membres de l’équipe encadrent et animent le groupe. Ils sont garants du cadre : confidentialité, respect mutuel, distribution du temps de parole, et n’hésitent pas à recourir à la traduction par les pairs si nécessaire. Les professionnels n’occupent pas une position de « détenteur de savoir » mais plutôt de personne ressource, ils ne déposent pas des savoirs ou informations mais suscitent la réflexion et le partage en assurant un cadre sécurisant.
Sophrologie. L’objectif est de permettre aux patientes de bénéficier d’un moment pour mieux gérer leur stress et leur mal-être. Au début, ces ateliers étaient mensuels. Vu la demande, ils sont aujourd’hui hebdomadaires.
Yoga. Cette activité physique douce aide également à gérer le stress et à libérer l’esprit. Les participantes expriment un « avant » et un « après ». Certaines, qui avaient réellement du mal à confier leur enfant en bas âge, ont trouvé des solutions pour pouvoir y participer sereinement.
Activités parents-enfants. Nous accompagnons les mamans et leurs enfants dans des activités communes visant à renforcer les liens : jeux, sorties récréatives, yoga des enfants, massages, etc. Ces activités sont en cours de réalisation, en collaboration avec des partenaires locaux comme le REZO santé 1030 pour l’Espace jeux parents-enfants.
Permanence sociale. Notre assistante sociale, présente aux activités, informe, oriente et accompagne si nécessaire nos patientes vers les ressources extérieures (haltes accueil, etc.).
Un processus dans le temps
Un tel projet n’est pas sans rencontrer des difficultés. La mise en route a nécessité du temps pour recruter les mamans, pour établir un lien de confiance. Mais peu à peu, un noyau s’est constitué. L’une des participantes a réussi à convaincre son époux de garder leur fils durant les activités ; aujourd’hui, il la soutient et se rend compte que cela fait du bien à son épouse. Les femmes se livrent de plus en plus et confient leurs difficultés : sentiment d’isolement (manque d’entourage familial dans des moments importants comme l’accouchement), manque de confiance et d’estime de soi, perte de contrôle pouvant conduire à de la violence envers les enfants… autant de sujets lourds qu’elles parviennent à déposer dans un cadre sécurisant. Cependant, l’une des grandes difficultés rencontrées dans ce projet est la régularité. Notre public montre son intérêt et l’exprime, mais les contextes de vie font que participer aux activités ne constitue pas toujours une priorité. La garde des enfants est un frein non négligeable. Les haltes accueil sont peu nombreuses et saturées. Les crèches ne sont pas accessibles à ces mamans qui ne travaillent pas. Nous avons fait le choix d’accepter qu’elles viennent avec leur enfant tout en les accompagnants pour trouver des solutions. Ce n’est confortable pour personne mais cela les motive à trouver une alternative.
Aussi, les personnes les plus touchées par leur mal-être ne participent pas à nos activités…Notre projet n’a pas l’ambition d’agir sur le burn-out maternel mais de le prévenir, d’informer, d’orienter les mamans et de leur permettre de mobiliser leurs ressources pour être capables de rebondir dans ces situations de mal-être. Elles ont souvent du mal à demander de l’aide et à faire appel à des personnes spécialisées. La maison médicale est une structure de première ligne qui peut identifier et orienter les personnes à risque.
[1] Observatoire de la santé et du social de Bruxelles, Zoom sur les communes 2016, www.observatbru.be.
[2] Observatoire de la santé et du social de Bruxelles, Femmes, précarités et pauvreté en Région bruxelloise, Cahier thématique du Rapport bruxellois sur l’état de la pauvreté 2014, Commission communautaire commune, 2015.
Pour le Comité de Pilotage des Rencontres « Ensemble pour la santé – Samen voor gezhondheid », https://www.samenvoorlasante.be
Dans le numéro 340 d’Education Santé, Manon Gobeaux est l’auteure d’un article faisant suite aux Rencontres ‘Ensemble pour la santé’, organisées les 1ier et 2 décembre 2017.
L’objectif général de ces Rencontres était de « promouvoir les actions locales et participatives sur les déterminants sociaux de la santé afin d’améliorer la santé des populations et de réduire les inégalités sociales de santé. » De leur organisation jusqu’à leur évaluation, ces Rencontres étaient placées sous le signe de la participation d’acteurs de la santé, qu’ils soient professionnels – politiques – citoyens (Retrouvez plus de contenu sur l’évaluation dans l’article d’Estelle Georgin et de Chantal Vandoorne dans le numéro 353).
Outre le fait que la participation soit la thématique des Rencontres, il s’agissait de la considérer comme une fin en soi, c’est-à-dire de voir dans le processus participatif un intérêt tout aussi important que le résultat final, à savoir l’émergence d’un corpus de connaissances partagées. Ces deux aspects sont reflétés dans la conclusion de l’article de Manon Gobeaux: « […] ce n’est pas tant l’apport de nouvelles connaissances qui a marqué cette première édition d’ « Ensemble pour la santé » mais bien la prise de conscience de l’importance du processus en lui-même ! ».
Un an après, nous revenons sur ces Rencontres par le biais d’une mindmap, co-construite lors d’un des ateliers de l’évènement, dont nous souhaitons mettre en avant le processus de construction ainsi que son contenu. L’atelier en question visait à réfléchir et à échanger sur les conditions au développement d’actions locales, participatives et citoyennes.
Pour réfléchir cette question, l’ensemble des participant(-es) a été réparti en groupes d’une dizaine de personnes. Dans chaque groupe, 2 personnes étaient des « contributeurs/contributrices », c’est-à-dire des représentant(-es) d’actions locales et participatives menées sur le terrain belge.
Dans un premier temps, les contributeurs/contributrices ont partagé leur expérience à leur groupe, ils ont expliqué en quoi consiste leur action, comment elle est née, pour qui et par qui elle est menée, etc.
Dans un deuxième temps, sur base de l’expérience de ces deux initiatives et de l’expérience des personnes, chaque groupe était invité à trouver des réponses aux trois questions suivantes :
Quels sont les points communs entre les deux initiatives présentées ?
Quels sont les leviers à la mise en place d’initiatives locales et participatives ?
Quels sont les freins à la mise en place d’initiatives locales et participatives ?
La consigne était d’inscrire les réponses sur des post-it de couleur (bleu pour les points communs, vert pour les leviers et jaune pour les freins) qui allaient ensuite être reportées et organisées sur une toile par un animateur en intelligence collective[1]. Cette animation a permis d’aboutir à la mindmap ci-dessous. Les éléments qui la composent ont donc été proposés par les 150 participant(es).
Cette forme d’animation a été bénéfique à plusieurs égards et fait l’objet d’une analyse pointue dans le rapport d’évaluation de l’APES-ULG[2].
photographie de la mindmap après l’évènement
Quelque temps après l’évènement, un groupe de travail au sein des organisateurs des Rencontres a ressorti la toile et s’est penché sur sa traduction graphique pour en faire un outil interactif par lequel diffuser les résultats des échanges aux participant(-es), mais plus largement aussi, à toutes personnes désireuses d’être acteurs/actrices du changement. Ce travail impliquait aussi de se plonger dans le contenu de la mindmap et d’en faire émerger des constats.
Pour ce faire, nous avons travaillé avec un graphiste et un informaticien. Nous leur apportions le contenu et ils le mettaient en action. Ainsi, la mindmap a vu le jour sur l’internet 2.0. Le principe est simple : lorsque l’on passe sa souris sur les différents éléments du dessin, le contenu des post-it apparait. Mais, pour garantir la lisibilité de la mindmap, il a fallu regrouper les post-it en catégories en fonction du dessin de fond. Ce dernier, imaginé par l’animateur en intelligence collective simultanément à la réception des post-it, a quant à lui été redessiné graphiquement (à l’identique) comme on le voit sur l’illustration ci-dessous.
Que nous dit la mindmap sur les freins et leviers au développement d’actions locales et participatives ?
D’abord, qu’au commencement, un certain nombre de facteurs peuvent venir freiner la participation des individus à des actions collectives : pour participer il faut se comprendre et donc, parler la même langue ; il faut avoir la volonté de participer et se sentir en confiance ; il faut avoir les informations, et puis il faut comprendre l’intérêt des actions locales et participatives. En réponse à ces freins, des leviers ayant trait à une posture individuelle ont été identifiés : s’engager, s’investir, être motivé, croire en, être tenace…
A l’analyse de la mindmap, on tombe à plusieurs reprises sur un post-it qui renvoie à une question bien connue de toutes et tous : comment susciter la participation des publics précaires, comment les atteindre ? Les leviers relevés par les participant(-es) ? Créer des espaces collectifs de proximité, encourager la mixité dans les groupes collectifs, faire preuve de flexibilité et de ténacité, poser un cadre qui favorise la confiance et le respect, prendre le temps de la participation, développer des actions autour de réseaux. Un grand nombre de freins fait référence aux aspects financiers des actions locales et participatives ainsi qu’au cadre institutionnel et politique dans lequel elles s’inscrivent. Les leviers existent pour les surpasser : adopter une vision globale de la santé, ne plus travailler en silo, penser à la santé dans toutes les politiques, etc.
Il ne s’agit là que de quelques tendances parmi les éléments apportés par les participant(es). Pour parcourir la mindmap et ainsi en savoir davantage sur le contenu des échanges, nous vous invitons à vous rendre sur le site des Rencontres « Ensemble pour la Santé » : https://www.samenvoorlasante.be/fr/mindmap/
La transformation d’un brainstorming semi-écrit à un outil de connaissances partagées, est un processus enrichissant pour remettre en perspective le contenu. La diffusion de cet outil permet aussi de faire écho aux échanges au-delà de l’évènement. La question à se poser maintenant est comment faire évoluer cet outil, et surtout les réflexions qui en sont l’objet ? Le comité de pilotage se penche actuellement sur les suites à donner aux Rencontres.
[1] Pour l’animation de l’évènement, les organisateurs ont fait appel à deux associations : Collectiv-a et Periferia.
Pour le Comité de Pilotage des Rencontres « Ensemble pour la santé – Samen voor gezhondheid », https://www.samenvoorlasante.be
Les 1er et 2 décembre 2017 avait lieu les premières Rencontres « Ensemble pour la santé – Samen voor gezondheid », une initiative de la Plateforme d’Action Santé et Solidarité (PASS). Un des objectifs de ces Rencontres étaient de mettre en évidence les facteurs multiples qui déterminent la santé. Les deux jours de Rencontres ont démarré avec 3 intervenants aux profils assez différents : Wim van Hees[1] avait une casquette d’« expert – acteur », Christine Ferron[2], celle d’ « experte – scientifique » et, enfin, les actrices du Théâtre du Copion portaient la casquette d’« expertes du vécu ». Malgré ces différents profils, leurs visions de ce qu’est la santé et comment l’améliorer se rejoignent et se complètent. D’ailleurs, elles ne sont pas sans rappeler une certaine charte, particulièrement chère aux professionnels de la promotion de la santé : la charte d’Ottawa.[3]
La synthèse de ces 3 interventions ci-dessous illustre et rappelle quelques-uns des éléments clés de la charte d’Ottawa.
Au fond, qu’est-ce que la santé ? Au-delà de la santé physique que l’on associe aux maladies et aux infirmités, définissons pour une fois la santé de manière positive. Car la santé n’est pas une finalité en soi, ou seulement un objectif à atteindre, c’est également une ressource pour la vie. En effet, être en bonne santé, c’est avoir la possibilité de réaliser nos aspirations et nos projets. La santé, c’est également pouvoir satisfaire nos besoins. La santé n’est donc pas juste l’inverse de la maladie : c’est un concept global et positif qui inclut de nombreuses dimensions de la vie des individus.
Qu’est-ce qui détermine notre santé ? Le concept de santé globale tel que décrit ici renvoie à la santé comme un tout, qui est dynamique. En effet, ce « tout » résulte de l’interaction constante entre l’individu et une série de facteurs, que l’on appelle déterminants de la santé. Chaque facteur se cumulant à un autre et ayant une influence sur un autre, en faveur ou en défaveur de la santé des individus.
Ces facteurs sont traditionnellement rassemblés en catégories et schématisés sous forme d’arcs de cercle, allant du plus proche au plus éloigné de l’individu. La figure ci-dessous en est un exemple. Ainsi, la santé des individus est influencée par leurs caractéristiques et styles de vie personnels, mais également par les milieux de vie dans lesquels ils évoluent. Les facteurs liés aux conditions de vie et de travail influencent bien sûr aussi la santé (ex : la qualité du logement). Enfin, les conditions socioéconomiques, culturelles et environnementales ont un impact sur la santé des individus. Il existe donc une série de facteurs sur lesquels il est possible d’agir pour améliorer la santé des personnes.
Oui, mais comment ? Wim van Hees, Christine Ferron et les actrices du Théâtre du Copion ont illustré certains de ces facteurs.
Figure 1 Les déterminants de la santé
Référence 1 : Ministère de la Santé et des Services Sociaux (2012) ‘La santé et ses déterminants – mieux comprendre pour mieux agir’, Québec
Commençons par la dimension politique : les politiques ont en effet un impact essentiel sur la santé, c’est pourquoi la principale stratégie pour améliorer la santé est de promouvoir des politiques publiques favorables à la santé. Nous parlons de « politiques favorables à la santé » et non de « politiques de santé », car nous avons vu que la santé est influencée par un grand nombre de facteurs : elle doit donc être prise en compte par l’ensemble des politiques (ex : éducation, emploi, logement, urbanisme, environnement, etc.). On parle d’ailleurs de « santé dans toutes les politiques ». Ces politiques doivent être instaurées à un niveau national, mais également à un niveau local. Ainsi, les bourgmestres ont un rôle important à jouer à l’échelle de la commune, mais, comme le souligne Christine Ferron, le premier niveau politique est celui des directions d’établissements (scolaires, hospitaliers, etc.) ou de services (sociaux ou médicosociaux, protection maternelle et infantile, etc.), dont les méthodes de management peuvent être plus ou moins promotrices de santé, que ce soit au niveau interne ou externe.
Les conditions de vie influencent également la santé des individus, or tous les individus ne vivent pas dans les mêmes conditions. Il existe en effet des inégalités sociales et environnementales de santé qui ont un impact sur la santé des citoyen(-nes) : il est par exemple possible de comparer les statistiques entre quartiers et de constater des différences au niveau de la santé des enfants. Le théâtre du Copion a d’ailleurs abordé ce thème en mettant en scène deux personnes parlant entre autres de leurs problèmes financiers pour payer leur logement et leurs médicaments, de leur peur de perdre leur travail et de leur incompréhension face aux contraintes institutionnelles (« trop de paperasses »).
L’existence d’un environnement favorable à la santé est donc une condition nécessaire à la santé des individus.
La santé est aussi influencée par le pouvoir d’agir, qu’il soit collectif ou individuel. Ainsi, au niveau collectif, il est possible de promouvoir la santé des individus en créant des opportunités pour développer le pouvoir d’agir et permettre la participation des communautés. C’est ce qui s’appelle l’action communautaire : les personnes les plus concernées par le problème à résoudre se mobilisent afin de définir les priorités, fixer les objectifs, mettre en place des actions pour atteindre ces objectifs. De cette manière, les individus se trouvent mis en situation d’agir sur des déterminants de la santé qui autrement échapperaient à leur influence : en soutenant leur pouvoir d’agir collectivement, on développe leur capacité à porter des revendications auprès des politiques. Comme l’a expliqué Wim van Hees, les groupes de citoyen(-nes) peuvent ainsi les interpeller, les contrer ou les pousser à prendre des décisions plus favorables à la santé. Wim van Hees, représentant un groupement de citoyen(-nes) nommé Ademloos, a témoigné de ce combat de longue haleine pour faire entendre la voix des citoyen(nes) concernant le tracé du nouveau périphérique d’Anvers et ses impacts sur la qualité de vie.
Au niveau individuel, le développement des aptitudes personnelles est une stratégie à investir davantage. En effet, ces aptitudes donnent aux citoyen(-nes) des compétences pour interpeller les politiques, améliorer leur cadre de vie, s’exprimer dans le débat public et faire évoluer le système de soins.
L’atteinte d’une meilleure santé pour toutes et tous, sans laisser personne sur le bord du chemin, requiert un engagement de tous les instants et des actions qui doivent se mener à toutes les échelles de la société. Néanmoins, dans une société belge d’une extrême complexité dans laquelle les grandes orientations politiques ne sont pas toujours prises en fonction des besoins essentiels de la population, l’action citoyenne locale se profile comme un moyen particulièrement pertinent pour susciter des changements favorables à la santé. Porter un plaidoyer en faveur d’une meilleure alimentation à l’école de ses enfants, créer un jardin partagé, repenser collectivement l’usage d’une friche industrielle ou militer pour plus de logements sociaux dans sa commune sont des exemples d’engagements bénéfiques pour la santé. Ils le sont à plusieurs titres dans le sens où ils permettent de retisser du lien social, de développer chez les personnes des capacités de dire et d’agir, de relier les citoyen(-nes) à leur environnement, de montrer aux politiques la voie à suivre et d’exercer une influence directe sur les conditions préalables à la santé pour l’ensemble de la communauté…
La suite des échanges menés lors des Rencontres Ensemble pour la santé ont montré concrètement comment des actions ont été menées et ont pu être encouragées. Elle a également mis en évidence ce qui freine leur développement et les moyens pour les dépasser. Enfin, ces Rencontres ont permis de dégager des idées pour créer de nouvelles dynamiques collectives, locales et participatives favorables à la santé.
[1] Représentant un groupement de citoyen(-nes) nommé Ademloos.
[2] Christine Ferron, Docteur en psychologie, Directrice de l’Instance régionale d’éducation et de promotion de la santé de Bretagne, Déléguée générale à la Fédération nationale d’éducation et de promotion de la santé (FNES)
A partir des années 2000, l’association « Santé, Communauté, Participation « (SaCoPar) a accompagné différents programmes « Communes et santé » développés à l’initiative des différents ministères de la santé de la Communauté française qui se sont succédés. C’est près d’une centaine de projets, portés par des communes et des CPAS, en Wallonie et à Bruxelles, qui ont bénéficié d’un financement pour les mener à bien. Ces programmes, centrés essentiellement sur la volonté de développer le bien-être des citoyens et sur la réduction des inégalités sociales de santé, se sont implantés entre 2001 et 2013. SaCoPar a œuvré à l’évaluation des processus de ces projets et observé leurs résultats. C’est sur base de leur analyse que la publication, parue cette année, « La qualité de vie, un enjeu communal » a été réalisée.
Constats et expériences
De l’analyse de ces expériences locales, dans la durée et dans leur diversité, on peut retenir :
l’émergence d’un nouveau paradigme de santé : la santé est le fruit des différentes activités de la vie sociale : conditions sociales, scolarité, environnement, logement, mobilité, conditions de travail, etc., toutes régies par des choix et décisions politiques, dont un nombre important relève des compétences communales,
l’implication des différents secteurs qui concernent le quotidien des populations,
la nécessité d’une approche intégrée et transversale ainsi que de la participation citoyenne,
la mise à jour des conditions pour des effets durables : des politiques et cadres administratifs locaux volontaires, un cadre politique régional incitatif, un réseau serré de tous les acteurs y compris des habitants, la prise en compte des besoins de la population,
le besoin de formation et d’outils au service du personnel communal et leurs partenaires.
Rendre durables des mesures politiques qui favorisent la qualité de vie des habitants suppose que celles-ci soient inscrites au cœur des préoccupations des politiques et que soient interrogées les décisions prises en matière de politique publique.De nombreuses expériences illustrent l’intérêt et la faisabilité d’agir au niveau des villes et des communes : Le programme Villes Santé, lancé par l’OMS en 1986, actualisé en 2016 par la déclaration de Shangaï des Maires de villes, a impulsé une large dynamique en Belgique et dans toutes les régions du monde. Plus de 1300 villes et communes participent à ce programme en Europe dont une douzaine en Belgique.La stratégie « Villes santé » met en lumière l’impact de la santé sur le développement local : Pourtant, les évaluations d’impact, et plus largement l’émergence de Villes, se développent peu en Belgique. Il y a sans doute une question de moyens. Bien que des services permettant d’améliorer la santé globale constituent un maillon important de développement local. Ils devraient dès lors être considérés davantage comme un investissement plutôt qu’un coût. Au terme de ces nombreuses années d’accompagnement de projets communaux, la question de la prise de conscience, et de la conviction politique qui en découle, que les communes possèdent d’importants leviers pour améliorer la qualité de vie de leurs citoyens est apparue centrale voire primordiale. A cet égard, l’EIS (Evaluation d’impact sur la santé) s’avère être un outil au service de cet objectif et un soutien structurant d’une volonté politique de faire des politiques communales des leviers de santé des habitants.
Questions pour un passage à l’acte
Dans cette perspective, SaCoPar a organisé, à Bruxelles et à Charleroi, en juin 2018, un séminaire de sensibilisation, d’échanges et d’analyse des préoccupations et besoins des acteurs communaux locaux, en lien avec les différentes dimensions révélées au cours de la démarche d’accompagnement des projets communaux. Il s’agissait d’interroger la prise de conscience de l’impact des politiques publiques communales sur la sante et d’explorer les moyens d’agir sur cette relation. Ces rencontres ont bénéficié de la collaboration de l’Observatoire de la santé et du social de la Région de Bruxelles- capitale, du Parlement bruxellois, de Charleroi-Ville- Sante et de l’association internationale S2D (Santé, développement durable) centre collaborateur de l’OMS. Celle-ci a pour mission de soutenir, notamment par la formation et les échanges d’expériences, le développement et l’implantation des Évaluation d’impact sur la santé (EIS) au niveau local.Les questions, qui sont revenues le plus souvent chez les participants au séminaire, traduisent les interrogations suscitées par la mise en œuvre. Elles soulèvent les points suivants :
la transversalité des dispositifs politiques : liée à l’organisation des responsabilités politiques au sein d’une commune, au rôle de coordination incitative et soutenante du bourgmestre, à la culture collective du bien commun pour sa commune,
la vision partagée ou non du concept de santé au sein des acteurs communaux : à cet égard le concept de qualité de vie est évoqué comme plus fédérateur, ainsi que l’opportunité de faire entrer la santé dans les préoccupations communales pour des besoins spécifiques comme par exemple la qualité de l’air, de l’eau, le développement durable, l’animation des enfants et des jeunes, la cantine scolaire, ….
la présence des bonnes personnes au bon moment : cela nécessite du repérage au sein des corps politiques, administratifs et techniques. L’existence d’un échevin ayant des compétences santé peut être déterminante, à condition qu’elles soient dotées de moyens financiers décents. L’important c’est d’œuvrer dans l’intérêt général et d’avoir une vision ouverte sur le bien commun.
la mobilisation des ressources locales : les Cpas, les associations et les citoyens qui se mettent au service de la population et sont derrière le politique (mouvements citoyens) et des ressources d’appui régionales (sont cités : CLPS, OSS, IPSA, Perspective Brussels).L’évaluation peu présente dans les projets : dans les communes, les opérateurs sont peu outillés à l’évaluation de projets, ils s’interrogent sur quels types d’indicateurs définir. Ils posent la question « Existe-t-il une aide à l’implantation des EIS ?
En bref, le séminaire « La santé dans toutes les politiques communales et la qualité de vie , un enjeu communal » a mis en avant la nécessité :
d’un ancrage communal fort : la santé dans toutes les politiques, comme une volonté politique inscrite dans le projet communal et des acteurs mobilisés, prêts à agir
d’un partage de l’expérience à l’échelle locale, régionale, fédérale et internationale pour élargir les savoir-faire (les succès engrangés, les difficultés et les défaites, les astuces pour s’en sortir quand tout semble perdu),
de la mobilisation à tous les niveaux par le plaidoyer (exprimer des besoins, suggérer des réponses, proposer des outils, montrer des résultats), de la prise de conscience de la nécessité, de l’utilité et de l’intérêt d’un accompagnement (outil tel que l’EIS, expertise).
Recommandations
Des recommandations formulées ici et lors des séminaires sont issues de la lecture critique des programmes locaux développés en Communauté française, des stratégies de mises en œuvre au travers de divers dispositifs de développement nationaux et internationaux : Villes- sante Oms , plans de cohésion sociale, contrats de quartiers durables , agenda 21 local … . La plupart s’inscrive dans des dynamiques de bien- être partagé au sein d’un territoire. On observe combien leurs objectifs convergents et la proximité des méthodes peuvent alimenter une nouvelle dynamique territoriale sur la commune. Inscrire la Sante / Qualité de vie au cœur des politiques communales peut utilement enrichir ces dispositifs et vice versa. L’interaction des pratiques et des concepts théoriques produit une somme de connaissances et de pistes d’actions régulièrement affinées, dont les acteurs peuvent utilement faire usage.Quelques brèves lignes de force « recommandables » sont issues de cette confrontation de l’expertise aux réalités de terrain :
une priorité : développer des facteurs favorables à la santé globale, en agissant au niveau des milieux de vie (école, logement, entreprises, loisirs), des quartiers (sécurité, infrastructures sportives, voiries), de l’environnement (hygiène, espaces verts, eau, circulation routière)
une stratégie de base : soutenir la collaboration intersectorielle et la mise en réseau
une condition de pertinence et d’efficacité : agir au niveau des collectivités territoriales
une option centrale : développer une action communautaire au niveau local avec la participation de tous les acteurs concernés, en impliquant la population de façon active, en valorisant et mutualisant les ressources locales, en réorientant les services de santé vers les besoins de la collectivité.
… des perspectives pour faire un pas plus loin
Tant l’expérience d’un accompagnement de plusieurs années, que les constats et attentes partagés avec les acteurs, conduisent à formuler des perspectives qui permettent une avancée de l’appropriation par les pouvoirs locaux de la dimension globale de la santé. Le débriefing, réalisé avec l’Observatoire santé-social bruxellois, conforte cette option.L’agenda institutionnel ouvre parfois des opportunités : il inscrit deux élections successives en 2 ans, l’une communale et l’autre fédérale et régionale, qui sensibilisent potentiellement les acteurs politiques et les citoyens sur les programmes politiques. Complémentairement, le Plan santé bruxellois, en voie d’adoption, intègre dans ses mesures le développement de l’évaluation de l’impact des politiques de santé. Il en prévoit une mise en place progressive et comportant une phase de sensibilisation auprès des différents acteurs politiques susceptibles d’y avoir recours. Il souhaite mettre cet outil d’aide à la décision à la disposition des ministres régionaux et communautaires, mais également à la disposition des pouvoirs locaux. Il est à espérer que le projet wallon, actuellement en gestation, aille dans le même sens.Dès maintenant, le programme initié par SaCoPar travaillera trois axes, retenus comme fondateurs et complémentaires :
Developper une conscience et conviction en faveur de la sante globale et de l’impact des politiques communales sur la qualité de vie des collectivités locales.
Promouvoir des stratégies territoriales pertinentes répondant aux besoin , déployant une mobilisation intersectorielle, de nature communautaire (sollicitant la participation de tous les acteurs )
Soutenir les politiques locales par l’appropriation de l’évaluation d’impact sur la santé, comme outil structurant
Ce programme s’adresse aux acteurs, actuels et futurs, de la santé des citoyens et ils sont nombreux. Les acteurs du terrain communal devraient y puiser des ressources facilitantes pour intégrer la santé dans la « préoccupation » transversale de leurs politiques.
Pour en savoir plus
www.sacopar.be Contact : coordination@sacopar.be
La brochure est téléchargeable sur le site www.sacopar.be
En 2018, Femmes et Santé asbl est mandatée par la Cocof pour créer et renforcer un réseau « Femmes, genre et promotion de la santé » sur le territoire bruxellois. La mise en place de ce réseau prévue par le plan stratégique de promotion de la santé 2018-2022, répond à l’objectif transversal « lutter contre les inégalités basées sur le genre ». Nous vous proposons ici de (re)découvrir Femmes et Santé asbl, la Plateforme pour Promouvoir la Santé des Femmes, l’articulation entre ces entités et la nouvelle mission de réseau, ainsi que les projets portés par celui-ci.
L’ADN de Femmes et Santé
Femmes et santé est une asbl qui opère depuis plus d’une quinzaine d’années sur le territoire de la Fédération Wallonie-Bruxelles, en proposant des ateliers de promotion de la santé et des actions communautaires en santé majoritairement à destination de femmes cisgenres[1].La mise en place de ce type d’ateliers répondait à plusieurs constats :
La surmédicalisation du corps des femmes tout au long de leurs cycles de vie : les règles, la grossesse, l’accouchement, la période autour de la cinquantaine sont autant de processus naturels qui sont souvent pathologisés et dès lors majoritairement pris en charge par des consultations médicales ou psychologiques ou par la prescription de médicaments.
Les rapports de pouvoir entre les soignant.e.s et les soignées : la médecine occidentale place les soignant.e.s dans le rôle d’expert.e.s, tandis qu’une forme de discrédit est accordé aux soignées. On ne prend pas suffisamment en compte les savoirs populaires et l’expertise des personnes sur leur propre corps. La consultation médicale peut rapidement devenir un espace de pouvoir où l’on va dire ce qui est bon de faire, où le consentement éclairé n’est plus systématique… aboutissant parfois à des violences médicales et institutionnelles qui peuvent être lourdes de conséquences pour la santé des femmes.
Un manque de compréhension systémique de la santé des femmes : la santé est conditionnée par de nombreux déterminants sociaux, dont le genre, le fait d’être racisé.e, l’accès aux ressources socioéconomiques, l’accès aux droits culturels, le fait de disposer d’un réseau social ou d’être isolé.e, etc. La consultation médicale dispose souvent de trop peu de temps pour intégrer ces dimensions et ne peut répondre à elle seule à l’ensemble de ces facteurs sociaux qui se répercutent sur la santé. En ce qui concerne la santé des femmes, une compréhension de la spécificité de leur statut dans la société est nécessaire pour mieux les accompagner dans leurs cycles de vie, mais également pour favoriser leur autonomie, leur auto-détermination et les liens de solidarités intergénérationnels.
De la mise en place d’ateliers à l’élaboration d’outils de transmission
Les ateliers de promotion de la santé des femmes ont été mis en place par Catherine Markstein, médecin fondatrice et ancienne coordinatrice de l’ASBL. Plusieurs animatrices l’ont accompagné dans ce projet. Ensemble, elles se sont pleinement inspirées des dynamiques de self-help, que l’on peut traduire par auto-santé, développées par les mouvements féministes dans les années 70’.
Par ces dynamiques, on sort du colloque singulier entre médecin et patiente pour envisager la santé de manière collective et participative. Chacun.e a une expertise à apporter au groupe ; l’autogestion du groupe est garante de la bienveillance et du recoupement des informations. Ces ateliers visent à recréer une culture de transmission entre les femmes par l’échange de leurs savoirs et compétences propres, de leurs expériences et vécus. Elles en ressortent plus informées et affirmées pour échanger avec le corps médical. Les grandes recommandations de santé publique peuvent être des balises, mais en aucun cas, une réponse systématique : chaque femme doit trouver les réponses qui lui conviennent étant donné ses conditions de vie.Catherine Markstein s’est appliquée à traduire sa pratique et ses réflexions autour de la santé des femmes en deux outils de transmission.
Le référentiel Auto-santé des femmes[2] : Il encourage la mise en place d’ateliers de santé auto-gérés, au sein d’associations ou dans la sphère citoyenne. Il fournit des canevas d’ateliers autour de l’immunité, de la santé des seins, du périnée, du sommeil, la période autour de la cinquantaine, etc. afin de soutenir les groupes concernés dans leur démarche.
La conférence gesticulée « La place n’était pas vide… » : cette conférence (1h20’) est un outil d’éducation populaire (France) qui mélange des savoirs scientifiques et les savoirs expérientiels. En fil rouge de son expérience personnelle, Catherine Markstein greffe ses réflexions et interrogations vis-à-vis d’une pratique médicale patriarcale, raciste et néolibérale. Elle propose des pistes pour une pratique médicale moins normative, plus inclusive et participative[3].
La Plateforme pour Promouvoir la Santé des Femmes : un espace de renforcement et de plaidoyer
En parallèle des ateliers de promotion de la santé et des actions en santé communautaire s’est développé une plateforme de femmes et d’associations concernées par la santé des femmes et désireuses de défendre l’intégration de l’approche de genre dans les recherches, les actions et les politiques de promotion de la santé. La « Plateforme pour Promouvoir la Santé des Femmes » (PPSF), a la caractéristique de croiser des regards (citoyennes et professionnelles), des secteurs (promotion de la santé, éducation permanente, coopération au développement, etc.), des témoignages, constats et observations autour de la santé des femmes.
La PPSF a été un lieu de renforcement des femmes et des associations désireuses de porter ces questions, alors même que persistent de nombreuses résistances à parler de genre et de nombreux questionnements sur la manière d’opérationnaliser le genre en promotion de la santé.Au cours de ces dix dernières années, la PPSF a porté une réflexion autour de :
l’auto-santé : en continuum des actions présentées précédemment, la PPSF soutient les femmes dans la réappropriation de leur corps, leur santé et leur sexualité tout au long de leurs cycles de vie par l’échange de savoirs et d’expériences entre elles. Cette thématique a ainsi constitué le cœur du premier évènement grand public organisé par la PPSF en mai 2013.
les violences faites aux femmes : elles ne concernent pas seulement la violence entre partenaires ou intrafamiliale, mais des formes de violence beaucoup plus systémiques et liée à une société patriarcale. Les femmes subissent des discriminations du fait de leur identité de genre, qui se répercutent au niveau de l’accès à l’emploi, des salaires, mais également dans l’espace public (sexisme, harcèlement), dans les pratiques médicales (violences gynécologiques ou obstétricales), dans leur sexualité (violences sexuelles, viols).
la place du Care[4] dans notre société : un nombre important de femmes témoignent que malgré certaines avancées en termes d’égalité au niveau professionnel, les stéréotypes ont la vie dure au sein de la sphère privée. Dans les couples hétérosexuels, les femmes pointent du doigt l’inégale répartition des tâches liées aux soins (de la maison, des enfants, des parents, etc.) et le poids que cela suppose sur leur santé. Le Care comme grille de lecture a aussi l’avantage de questionner les valeurs et les rythmes de nos sociétés : une société de la performance et de la productivité est-elle capable de valoriser les tâches liées au Care, à la fois invisibles, souvent non-monétarisées et pourtant essentielles au maintien de la vie humaine ?
la maternité : elle est souvent identifiée par les femmes elles-mêmes comme un moment de fracture dans leur vie. La période prénatale est très investie, voire surinvestie au niveau médical, alors que la période postnatale est souvent caractérisée par une forme d’isolement, en plus de l’extrême fatigue et des multiples questionnements propres à l’arrivée d’un nouveau-né. La vie des femmes devenues mères doit se réorganiser drastiquement même au-delà du post-partum, ce qui a beaucoup d’impacts sur leur santé physique et mentale. Ce moment est, en ce sens, un moment de vulnérabilité en termes de vécus des violences et des inégalités.
Nos réflexions se sont accompagnées de dynamiques de plaidoyer telles que la sensibilisation et la rencontre avec des élu.e.s…mais pas uniquement ! Nous tentons d’amener des professionnels d’autres secteurs à s’approprier notre approche et nos réflexions, les compléter et les complexifier afin d’étendre l’intégration d’une démarche féministe de promotion de la santé.
Ainsi, la grille d’analyse du Care attend encore d’être déclinée sur de nombreuses thématiques et problématiques comme une réflexion sur les dispositifs de sécurité sociale avec des mouvements syndicalistes, le soutien du bien-être et le statut des aidant.e.s proches,ou encore les liens entre le genre et les assuétudes.
Un nouveau financement, une nouvelle mission, un nouveau réseau
Le 28 mai 2018 (journée internationale d’action pour la santé des femmes), nous fêtions les 10 ans d’existence de la PPSF. L’octroi d’une subvention strictement allouée à la constitution et au renforcement d’un réseau « Femmes, genre et promotion de la santé » est pour nous une grande joie et un signe de reconnaissance par rapport à l’ampleur du travail jusqu’ici accompli de manière militante. 2018 sonne donc un tournant : la fin des ateliers de promotion de la santé d’une part et l’institutionnalisation du réseau bruxellois d’autre part. L’appellation Plateforme pour Promouvoir la Santé des Femmes (PPSF) disparait au profit du vocable « réseau ».
Lors du 28 mai, une trentaine de femmes issues de la PPSF et du secteur de promotion de la santé à Bruxelles se sont rencontrées. Dans un premier temps, les membres fondatrices et actives de la PPSF ont exprimé la place qu’elles avaient accordé à ce réseau dans leurs actions citoyennes ou professionnelles.
Dans un second temps, nous avons abordé les pistes de réflexions et d’actions que la PPSF pensait ouvrir au fil de ces trois années. Enfin, les participantes ont été invitées à s’exprimer sur leurs ressentis et leurs attentes par rapport à la mise en place d’un tel réseau.
Cette rencontre a été l’occasion de relever de nombreux défis pour le futur réseau bruxellois à différents niveaux :
la représentativité : penser la mixité, l’inclusion des personnes transgenres et assurer la présence de non-professionnel.le.s dans le réseau
des cadres d’analyse : élargir les réflexions à d’autres féminismes, penser de manière intersectionnelle comme intégrer l’afroféminisme, les transféminismes…
des missions potentielles :
réaliser un diagnostic des vécus des femmes dans les quartiers et donner de la légitimité à la parole des usagères dans les associations de promotion de la santé
construire un plaidoyer (intersectionnel) en veillant à ce que les personnes concernées soient directement impliquées
relayer des activités réalisées par ses membres, et inversement ceux-ci deviennent relais du réseau
construire et proposer une formation autour de l’approche de genre en promotion de la santé
accompagner et soutenir les compétences psychosociales nécessaires au Care
accompagner la réflexion sur différentes thématiques de travail :
la mixité ou la non-mixité (l’importance des espaces « safe »)
les rapports de pouvoir entre les professionnel.le.s et les bénéficiaires (soignant.e/soigné.e, personnes blanches/racisées, etc.)
l’engagement/la militance dans les pratiques (l’articulation des échelles de valeurs)
la promotion de la santé des personnes malades
le lien avec les aidant.e.s proches
l’opérationnalisation de la grille d’analyse du Care dans les pratiques (avec les publics mais aussi dans les institutions elles-mêmes)
Etant donné que le réseau bruxellois ne dispose que d’une coordinatrice mi-temps, nous ne pourrons répondre à toutes ces attentes endéans les trois années de convention, mais celles-ci suggèrent l’ampleur du travail à mener à l’avenir.
Les actions du réseau en 2018
Une photographie du secteur de la promotion de la santé sous le regard du genre
Nos rencontres avec les acteurs et actrices de terrain depuis le début de l’année nous montrent leur intérêt à prendre en compte la dimension du genre dans les pratiques, même si certaines difficultés à la traduire en actions concrètes sont fréquemment exprimées.
Afin d’avoir une vision globale du secteur autour de ces questions, nous avons proposé trois rencontres collectives dans le courant du mois d’octobre 2018. Celles-ci ont eu pour objectif d’identifier les représentations des associations autour de ce sujet, la manière dont cela se traduit sur le terrain dans les pratiques professionnelles et les échanges avec les bénéficiaires, d’identifier avec eux/elles leurs questionnements et besoins à faire réseau autour des questions de genre et santé des femmes.
Nous avons privilégié un résultat « photographique » plutôt qu’un état des lieux (plus exhaustif). En effet, le dispositif de récolte d’informations se veut « léger » afin de ne pas surcharger le secteur lors de cette première année. Une rencontre est prévue afin de présenter ces résultats au secteur, d’en discuter et de pouvoir dégager de nouvelles pistes d’action et de travail.
Des rencontres
La PPSF s’est toujours rencontrée mensuellement de septembre à juin. Lors de la photographie, les personnes rencontrées ont exprimées leurs besoins d’échanges sur les questions liées au genre. Le nouveau réseau doit donc s’approprier cet espace de rencontre, en déterminer l’objectif, les questions et les thématiques à aborder ainsi que la fréquence.
Le 28 mai, journée internationale d’action pour la santé des femmes, constituait la rencontre annuelle de la PPSF, à destination du grand public et du monde politique. Le 28 mai restera la date de rassemblement des associations belges francophones qui défendent une approche féministe de promotion de la santé des femmes.
Tout au long de l’année, la coordinatrice du réseau répond aux sollicitations du secteur : rédaction d’articles, rencontres, échanges, co-construction d’une action (évènements, outils, interventions).
Un site internet interactif
Femmes et santé dispose aujourd’hui de deux sites Internet qui répondent aux deux missions historiques. A l’avenir, seul le site www.femmesetsante.be (plus connu et plus usité) persistera et sera entièrement revu dans sa structure, ses contenus et son identité graphique.
Le futur site a pour objectif d’être une interface interactive autour de la démarche d’auto-santé et de l’appproche de genre en santé. Nous espérons qu’il soutiendra toute association et tout collectif désireux d’intégrer le genre dans ses recherches, actions et politiques. Le site proposera à la fois des canevas méthodologiques, des publications de référence et des ressources autour de différents thèmes. Ce site sera également l’occasion de valoriser les initiatives, les publications et les actions menées par d’autres associations.
Des personnes-ressources, des collectifs citoyens ainsi que des associations belges et françaises s’ancrent dans ce mouvement pour la santé des femmes. Un travail de centralisation de ces informations va être réalisé et diffusé via le nouveau site internet de Femmes et santé, de telle manière que ce réseau soit visible et joignable. Ainsi, des personnes qui désirent participer à cette démarche, peuvent identifier un groupe sur leur territoire, de même que des personnes désireuses de mettre en place ce type d’ateliers, peuvent également prendre contact et s’informer auprès des personnes/lieux-ressources.
Et en Wallonie ?
Le transfert des compétences a le désavantage de faire vivre notre pays à deux vitesses. En octobre 2018, nous avons relancé des femmes et des associations wallonnes à se réunir autour de la philosophie de Femmes et Santé. Nous désirons renouer des liens de solidarité, recréer un espace d’échanges et de renforcement pour les personnes qui s’interrogent sur la santé des femmes et l’intégration de l’approche de genre en santé…et ainsi créer un réseau spécifique en Wallonie en lien avec nos intérêts et nos thématiques.
11ème Rencontres Internationales Femmes et Santé, Santé des femmes et droits humains, construisons l’avenir, Bruxelles, Belgique, 2011. Disponible sur le site du Monde selon les femmes : https://www.mondefemmes.be/pdf/RIFS11-FRWEB.pdf
Le Care, une grille d’analyse des rapports sociaux, publié par la Fédération des centres pluralistes de planning familial, 2017. Celui-ci s’inspire de la recherche réalisée par la PPSF en 2016 et d’un document-plaidoyer rédigé à l’occasion d’une rencontre avec des politiques en juin 2017. Disponible sur le site de la fédération : https://www.fcppf.be/portfolio/items/le-care/
Femmes et Santé et Le Monde selon les femmes finalisent la co-écriture d’une publication dans la collection Déclic du Monde selon les Femmes, dont l’objectif est d’accompagner les associations à intégrer la grille d’analyse du genre dans des projets de santé. Disponible à la fin de l’année 2018.
[1] Dont l’identité de genre assigné à la naissance concorde avec leur sexe biologique.
[3] Catherine continue de rencontrer des associations et collectifs par le biais de sa conférence gesticulée. Si vous êtes intéressé.e.s à la recevoir, n’hésitez pas à contacter l’asbl. Par ailleurs, La conférence sera bientôt disponible en format vidéo.
[4] Terme anglais qu’on peut traduire par sollicitude, le « prendre soin » des autres, de soi, de son environnement. Il comprend un ensemble de savoir-être et de tâches « que nous faisons pour maintenir, réparer et perpétuer notre monde, afin que nous puissions y vivre aussi bien que possible. Ce monde comprend nos corps, nos personnes et notre environnement. » (Joan Tronto, 2013).
Nouvelle venue dans le paysage éducatif en santé, l’éducation à la santé familiale (ESF) se propose de conférer aux familles les connaissances et les compétences élémentaires leur permettant de résoudre par elles-mêmes des problèmes de santé courants et de gérer des situations à domicile sans recourir au système de soin. Rémi Gagnayre dirige le Laboratoire Éducations et Pratiques de Santé EA3412-Université Paris 13 où est né l’ESF sous l’impulsion de Jean-François d’Ivernois. Nous lui avons de nous en présenter les fondements et les enjeux.
Education Santé : Votre laboratoire a inventé le concept d’éducation à la santé familiale. De quoi s’agit-il?
Rémi Gagnayre : C’est une formation qui s’adresse aux familles volontaires et vise à leur redonner des compétences de gestion des problèmes de santé courants et des situations d’urgence familiale à domicile. Elle couvre à la fois le domaine de la prévention, celui des soins et celui du secourisme appliqués l’espace familial et de voisinage. Elle a le souci de l’opératoire et s’attache à ce que chacun sache quoi faire, par exemple pour un proche âgé en cas de canicule ou vis-à-vis d’un enfant lors d’un baby-sitting. Surtout, la formation à l’ESF va au-devant des gens là où ils vivent dans le but de leur redonner confiance et d’augmenter leur sentiment de compétence tout en développant le lien social. Des expériences ont été menées dans les zones rurales et semi-rurales avec la Mutualité sociale Agricole (MSA) et l’Union Nationale des associations familiales (UNAF). Comprenons-nous bien : l’éducation à la santé familiale ne déclare pas une nouvelle approche de développement des compétences psychosociales : elle comble des besoins non satisfaits dans l’accès et le recours aux soins.
ES : Pourquoi investir le terrain de la famille?
RG : c’est la réponse logique à plusieurs observations. Premièrement, de nombreuses personnes, notamment des parents de jeunes enfants mais pas seulement, se trouvent démunies devant des situations de santé de la vie quotidienne comme de la fièvre, des douleurs, des éruptions de boutons, des cris qui durent, etc. Ils se tournent alors vers les soins de premiers recours, ce qui a pour effet de surcharger les consultations pour des troubles mineurs et d’engorger les services d’urgence. Le fait est que dans la société moderne qui est la nôtre, la médecine devenue hyperspécialisée a confisqué des pratiques profanes courantes au profit de pratiques soignantes plus pointues. Ensuite, il se trouve que la famille au sens large, c’est-à-dire les proches et les voisins, a jusqu’à présent été très peu sollicitée en matière d’éducation à la santé. L’école, les environnements de travail ou de loisirs, oui, mais pas, ou peu, la maison, l’immeuble, le quartier qui pourtant peuvent eux aussi, bien évidemment, produire de la santé. Enfin, nous nous sommes dit qu’il manquait peut-être, dans le spectre des éducations à la santé, des apprentissages à visée de résolution de problèmes quotidiens, avec un caractère préventif positif. Auprès des adolescents par exemple, cette forme d’éducation consiste à les préparer à savoir quoi faire devant un « bad trip » d’un copain et de discuter la place de la drogue dans leur quotidien. Autrement dit, il s’agit d’une approche qui ne pose pas des interdits mais fournit les compétences permettant d’agir devant telle ou telle situation courante. De toute évidence, il y a une place à côté d’une éducation pour la santé trop organisée en silos, qui se déploie sous la forme d’actions de prévention thématiques, ici sur l’alimentation, là sur le sommeil, et qui dit ce qu’il faut faire ou ne pas faire. L’ESF entend occuper cette place.
ES : Concrètement, comment se déroule un programme d’éducation à la santé familiale? A qui s’adresse-t-il? Qui sont les intervenants?
RG : L’éducation à la santé familiale s’adresse à toutes les familles, notamment celles avec de jeunes enfants et/ou des personnes âgées. Elle privilégie toutefois certains publics en situation de précarité, éloignés de l’offre de soin. Elle fait appel aux professionnels qui travaillent auprès des familles et les accueillent, qui endossent le rôle d’éducateurs. Pour les parents de jeunes enfants, ce peut être un.e assistant.e maternel.le ou les personnels de crèche. Le programme tel que nous l’avons conçu dure entre 9 et 12 heures réparties sur 4 à 5 séances collectives à raison d’un tronc commun et d’un module spécifique au choix. Les interventions commencent systématiquement par une analyse des besoins du groupe, indispensable pour ajuster les modules à la réalité du terrain et aux besoins pratiques des participants. Le tronc commun aborde quatre grands thèmes : les petits maux fréquents et leur résolution, les traumatismes et agressions extérieurs, les crises dans le milieu de vie et les situations d’exception (canicule, grands froids, épidémies…). Le module spécifique se concentre soit le nouveau-né et le jeune enfant, soit sur les personnes âgées, soit sur les solutions pour agir en tant que jeune. Ce dernier module est spécialement dédié aux adolescents pour leur permettre de se positionner en tant qu’acteur de santé auprès de leur famille et de leurs amis. Les contenus ont été formalisés à partir de données épidémiologiques, d’avis d’experts, de deux enquêtes nationales et de deux focus groupes. La formation est dispensée par un binôme de professionnels de santé (médecin, infirmier, secouriste, puéricultrice), qui inclue toujours un soignant. C’est important pour, le cas échéant, pouvoir combler les attentes des participants en terme de références médicales. L’autre éducateur peut aussi être un pair de la population concernée. Les éducateurs sont eux-mêmes formés pendant trois jours auprès de l’IPCEM à la pédagogie de l’éducation à la santé familiale, qui vise l’émancipation et s’appuie sur les savoirs et les expériences des familles.
ES : En quoi ces formations se distinguent-elles d’autres programmes d’éducation à la santé, par exemple ceux consistent à apprendre à porter secours?
RG : D’abord, elles vont au-delà du secourisme. Ensuite, elles se déploient ailleurs que dans des espaces captifs comme l’école, les entreprises. L’ESF a été pensée pour l’itinérance, pour aller dans un village au pied de la montagne, dans une salle communale ou dans la grange du voisin, c’est-à-dire au coeur des bassins de vie. Cette dynamique communautaire peut produire des besoins sanitaires et sociaux, qui ne s’exprimeraient pas dans d’autres circonstances. Ces rencontres constituent l’une des rares occasions où les gens peuvent s’emparer des questions concernant le système de santé et son organisation, imaginer collectivement des solutions adaptées à leur réalité. Ce qui est singulier dans cette éducation, ce ne sont pas tant les contenus que la philosophie à travers la rencontre et ce qu’elle produit en terme de santé globale. Du reste, les discussions ne se limitent pas aux techniques de soin et de prévention des risques mais permettent aussi d’aborder la santé sous l’angle de ses déterminants psychosociaux.
ES : Parlez-nous de l’expérience menée en Lorraine, qui a récemment fait l’objet d’une évaluation. Quels enseignements en tirez-vous?
RG : Les premières expérimentations d’éducation à la santé familiale remontent aux années 2009 et 2010 et se sont déroulées dans le Jura, en Dordogne et en Picardie, en collaboration avec l’Union nationale des associations familiales (Unaf), la Mutualité sociale agricole (MSA) et le mouvement des maisons Familiales et Rurales (MFR). Cette étape a permis de vérifier qu’à l’issue de la formation, les familles et les adolescents formés se sentaient capables de s’occuper de la santé quotidienne de leurs proches et que le programme augmente bien leur sentiment de compétence vis-à-vis des situations d’urgence. Suite à cela, l’Agence régionale de santé de Lorraine et la Mutualité sociale agricole ont souhaité déployer le programme sur leur territoire. A cet effet, 22 professionnels de santé et issus du secteur social ont été formés à Nancy en janvier 2015, puis ces derniers ont dispensé une trentaine de formation dans la région. Nous avons recueilli par questionnaires l’opinion et la perception des intervenants éducateurs d’une part, celles des participants d’autre part. Les formateurs ont particulièrement apprécié l’interprofessionnalité. Ils souhaiteraient néanmoins plus de soutien, notamment sur la pédagogie et l’adaptation des contenus à la population. Quant aux participants, ils disent se sentir mieux armés pour faire face à des problèmes de santé quotidien, sur le moment mais aussi neuf mois après la formation. Reste qu’il est difficile de mesurer les changements qui s’opèrent dans les comportements. Pour cela, il faudrait mener des études longitudinales, qui exigent de gros moyens et n’ont pas encore été faites. Si les fondements de l’éducation à la santé familiales sont confortés, nous sommes conscients que certains éléments restent perfectibles. Cette évaluation nous aide à les identifier. Nous pourrions par exemple retravailler le module 1 ‘santé et famille au quotidien’ pour mieux l’adapter au public adolescent.
ES : Quelles sont les conditions nécessaires au déploiement de ces programmes ?
RG : Il faut absolument un promoteur. Dans notre cas, ce fût la MSA qui a vu dans l’éducation à la santé familiale le moyen d’aider ses adhérents souvent très éloignés géographiquement des lieux de soins. Des partenaires comme l’Unaf contribuent à faire connaître cette pratique éducative complémentaire de ce qui existe déjà. La condition numéro deux est de trouver sur le terrain la personne qui invite les familles, ce qui suppose une analyse sociologique fine des acteurs présents. En Lorraine, ce sont les conseillers en éducation sociale et familiale (CESF) qui, forts de leurs interventions au domicile des habitants, ont tenu ce rôle. Les crèches, qui voient passer des parents et du personnel, pourraient aussi être des endroits favorables pour inviter des participants. Sans ces éléments, pas de déploiement possible. Il nous faut maintenant réussir à attirer l’attention des partenaires comme les mutuelles et des acteurs locaux sur la complémentarité de ces programmes avec les actions classiques de prévention et d’éducation à la santé. Or beaucoup ne voient pas bien la différence avec ce qu’ils font déjà. A nous de faire un effort de marketing pour la leur montrer mieux.
structure spécialisée de formation des soignants à l’éducation thérapeutique des patients atteints de maladies chroniques – www.ipcem.org
Certes, les poétiques paysages des Highlands ainsi que la culture écossaise nous séduisaient depuis quelques années, mais Sophie, Benjamin et moi n’avons pas entrepris d’affronter un climat capricieux dans le but unique de déguster le fameux haggis ou de siroter quelques whiskeys. Nous nous sommes en effet lancés dans ce voyage d’étude en vue de découvrir d’un peu plus près le système scolaire du pays qui, selon nos sources, promeut la santé et le bien-être des élèves à l’école. Quelques questions remplissaient ainsi nos petits bagages en cabine : qu’est-ce que ça donne dans la pratique ? Quels parallèles entre notre travail et cette réalité de terrain ? Quels liens peut-on faire entre le fameux Curriculum for Excellence et le futur Pacte d’Excellence en Belgique ?
Filgood : un projet international de promotion de la santé en milieu scolaire
C’est donc en tant qu’organisation de jeunesse partenaire de Solidaris et active en promotion de la santé que nous avons décidé d’effectuer ce voyage. En effet, Latitude Jeunes travaille depuis plusieurs années avec la Mutuelle Générale de l’Education Nationale (MGEN, France) et le Réseau Education et Solidarité (RES) autour d’un projet de promotion de la santé dans des écoles secondaires, Filgood. Celui-ci consiste à mesurer le niveau de bien-être ressenti des élèves et à proposer, sur base des résultats, des actions de sensibilisation calibrées ou des animations plus larges destinées à relever ce niveau tout en collaborant avec les enseignants, les directions et les élèves.D’une part, le travail de nos animateurs dans nos antennes régionales donne à ce projet une dimension locale, en tenant compte par exemple des déterminants socio-économiques, démographiques et culturels des établissements scolaires avec lesquels nous travaillons. D’autre part, l’aspect international de ce partenariat – qui s’est plus récemment étendu à l’Allemagne, la Suède et la Roumanie – contribue à enrichir nos ressources pédagogiques mais également à élargir notre réflexion autour des notions de santé et de bien-être à l’école. Ces allers-retours entre terrains belges et étrangers nous permettent de décortiquer et mieux comprendre les problématiques de notre système scolaire et des réalités vécues par les enseignants et élèves au quotidien.
Destination : Ecosse
C’est donc dans le même ordre d’idée que nous avons choisi d’approcher de plus près le système scolaire écossais les 28, 29 et 30 janvier 2018 à Glasgow. Au programme de ce voyage : rencontres, débats, visites d’une école primaire et d’une école secondaire et échange de bonnes pratiques. Nous étions notamment accompagnés d’acteurs du département de l’éducation écossais (Education Scotland), du représentant d’une large organisation syndicale pour les enseignants (NASUWT), d’une chercheuse pour l’organisme de santé publique au Royaume-Uni (NHS) et de School for Health Consultancy, une organisation de consultance qui organisait en partie le voyage. Nos collègues de la MGEN et du RES étaient bien entendu de la partie et nous avons pu, au détour d’une salle des profs ou au coin d’une cour de récréation en compagnie d’élèves en uniforme, en apprendre plus sur le fameux Curriculum for Excellence.
La santé et le bien-être au cœur du Curriculum for Excellence
En 2002, Education Scotland entreprend la réforme du système éducatif écossais. D’une part, ce vaste chantier part d’un constat : en Écosse, les élèves provenant d’un milieu précarisé réussissent moins bien que les plus nantis, surtout en math et en langues. Combler cet écart de développement des compétences et prévenir les inégalités sociales devient ainsi un des objectifs centraux de la réforme. D’autre part, ce travail institutionnel se déploie dans un contexte politique effervescent où la santé et le bien-être sont placés au-devant de la scène et clairement identifiés comme déterminants en ce qui concerne le fondement des inégalités sociales. Ainsi, aux côtés des langues et des mathématiques, Health and Wellbeing devient progressivement l’une des trois plus importantes matières du Curriculum for Excellence en ce qu’elle est explicitement définie comme étant de la « responsabilité de tous » (Responsibility of All). Ceci lui confère un caractère global et transversal où chaque personne au sein de l’école – qu’elle soit enseignante ou non – doit l’inclure dans ses pratiques et interactions quotidiennes avec les enfants.Dans le même ordre d’idées, le nouveau programme a également pour ambition de décloisonner l’institution scolaire en créant des ponts avec la communauté extérieure : parents, commerçants locaux, organisations et associations, réseaux sociaux, etc. Dans ce cadre, Health and Wellbeing prend une place très pertinente et les idées de partenariats foisonnent. Pour les mettre en pratique et réussir à travailler ensemble, les acteurs ont toutefois besoin de partager une définition claire et commune de leurs objectifs. Ainsi, après sa première implantation en 2010, le Curriculum for Excellence continue d’évoluer et se nourrit du Children and Young People’s (Scotland) Act 2014 qui donne une définition du bien-être et fournit des indicateurs destinés à le mesurer. SHANARRI devient notamment un mot-clé employé largement dans les communautés éducatives et apparait sur les murs d’écoles et dans les bricolages des enfants, comme nous avons pu le voir à Doune Primary School.
SHANARRI – Indicateurs de la santé et du bien-être
Safe – La protection contre les abus, négligences et dangers présents à la maison, à l’école, ou au sein de la communauté plus large.
Healthy – Le fait de présenter une bonne santé physique et mentale avec accès à des structures appropriées et une capacité à faire des choix pour sa santé.
Achieving – La faculté de pouvoir réaliser ses ambitions et développer des compétences socio-émotionnelles tout en étant soutenu dans le processus.
Nurtured – Le fait d’avoir un endroit sain et où se sent bien pour vivre en famille ou en dehors de celle-ci.
Active – Le fait d’avoir des opportunités de jeu, de récréation, de sport, de divertissement, tant à l’école qu’en dehors de celle-ci.
Respected – Le fait d’avoir l’opportunité d’être entendu et de pouvoir prendre part aux décisions qui nous concernent.
Responsible – Pouvoir jouer et être encouragé à jouer un rôle responsable et actif à l’école et en dehors, et avoir la possibilité de trouver le soutien nécessaire pour ce faire.
Included – Transcender les différences et disparités économiques, culturelles, sociales, etc. et ne pas être victime de discrimination sur base de celles-ci.
Le Curriculum for Excellence se développe également dans le cadre du Getting it Right for Every Child, un travail national et plus large qui rebondit sur la convention des droits de l’enfant des Nations Unies. Il établit des principes et valeurs que toute personne travaillant de près ou de loin avec des enfants doit respecter. On parle notamment de la nécessité de collaborer avec les familles, d’adopter une approche « holistique » concernant la santé et le bien-être ainsi que de placer l’enfant au centre des pratiques éducatives. Ces éléments sont, aujourd’hui, les piliers du Curriculum for Excellence et détiennent la finalité suivante : développer les compétences avant les connaissances et permettre aux jeunes de devenir des citoyens confiants, responsables, actifs et qui ont la capacité d’apprendre et d’évoluer continuellement (confident individuals, responsible citizens, effective contributors, successful learners). Tout un… programme !
Un petit tour de terrain
Concrètement, 5,2 millions de personnes vivent en Ecosse, dont 684 415 élèves et 50 970 enseignants qui se répartissent dans 2 524 établissements scolaires. Ceux-ci sont circonscrits par 32 Local Authorities, soit des régions qui ont la responsabilité de créer et soutenir ces établissements scolaires. Dans le pays, les écoles ont davantage de marge de manœuvre qu’en Belgique : les directions ont une liberté quasi complète sur le fonctionnement de leur établissement ainsi que sur la façon dont le curriculum y est mis en œuvre. D’un côté, cela augmente considérablement la diversité entre les établissements, ce qui rend leur évaluation et leur gestion plus complexe. D’un autre côté, ce fonctionnement favorise l’adaptation de l’établissement aux réalités locales, renforçant ainsi leur pertinence au sein d’une communauté.Allons donc en témoigner ! Nous sortons de Glasgow accompagnés par un unique ciel bleu et mettons le cap vers Doune Primary School, une école primaire de la région de Stirling. Aux abords de l’établissement : un potager collectif. Dans l’école : une cuisine super équipée dans laquelle des élèves nous font gouter leurs dernières préparations. La directrice contextualise : « l’agriculture est fort présente dans la région et nous permettons aux élèves de l’expérimenter depuis le potager jusqu’à leur assiette. Ils sont accompagnés par des chefs étoilés et présentent leurs productions dans le restaurant du village ». Autre exemple : un partenariat a été établi avec les guides du château de Doune et les élèves sont régulièrement amenés à prendre part aux visites en tant que guides eux-mêmes, après avoir fait des recherches sur l’histoire de ce bâtiment médiéval.Selon les enseignants rencontrés, ces activités permettent aux élèves de développer un ensemble de compétences essentielles à leur avenir et celui de la société, comme la confiance en soi, la prise de parole en public ou la motivation à s’investir dans le développement de leur région. Mais ce n’est pas tout : ces liens entre l’école et les réalités locales permettent aux élèves de donner du sens à leur scolarité, élément fondamental de leur bien-être. A côté de ça, les réguliers conseils étudiants permettent à ces derniers d’exprimer leurs attentes et préoccupations. C’est dans ce cadre que des classes ont, par exemple, été réaménagées. Un élève nous explique d’ailleurs que la sienne comprend maintenant des espaces différenciés (coussins, tables et balles pour s’asseoir) et accessibles en fonction de l’heure, du projet sur lequel ils travaillent ou de leur attitude générale.La visite se termine sur une rapide dégustation de mets concoctés par les élèves. Une heure de route nous suffit pour rejoindre Wallace High School, une école secondaire située au cœur même de Stirling. Là, le contraste est frappant : un grand building moderne et fraichement rénové se dresse fièrement au creux de la vallée. Nous y apprenons que le curriculum est largement orienté « activités physiques » et découvrons en effet des vestiaires très équipés, des salles de danse et de gymnastique ainsi que plusieurs terrains de rugby et de football. En effet, le sport est prépondérant dans la région car plusieurs équipes sont très réputées dans le pays. La construction de ce bâtiment résulte ainsi d’un partenariat avec des clubs sportifs et le projet de cet établissement se décrit comme suit : répondre à la demande des élèves, inspirés par leurs stars locales, former la génération de sportifs de demain et favoriser leur bien-être physique.Mais l’aspect physique n’oriente pas seul le programme de l’école. Témoins des problèmes psychologiques que peut induire la compétition à un niveau professionnel dans la région, des enseignants, en collaboration avec des parents et une association externe, ont notamment mis en place un projet de prévention en matière de santé mentale. Les étudiants ont créé dans ce cadre une mascotte (The Pink Elephant) et contribuent à tour de rôle à faire vivre la campagne de communication sur les réseaux sociaux, tandis qu’ils peuvent s’entretenir dans l’école avec 18 chargés de prévention. A côté de ce projet, une structuration des espaces originale est destinée à promouvoir le bien-être psychique de ses occupants. Le directeur nous explique : « les élèves ont besoin de comprendre l’environnement dans lequel ils évoluent tous les jours pour s’y sentir bien. L’aile gauche, c’est les sciences. Tous les cours de sciences s’y donnent. Aux murs : Neil Amstrong, Albert Enstein et des planètes. C’est simple, ça inspire et ça fait du bien. Tandis qu’ils s’y retrouvent plus facilement dans l’école, les élèves font des liens entre les matières scolaires et leurs héros ».
Ce programme, ça fonctionne ?
Fin des visites. Place aux débats et échanges au cours desquels nous nous interrogeons sur les méthodes d’évaluation et sur l’impact de ces exemples et du Curriculum for Excellence au sens large. On nous annonce que la particularité de ces activités est qu’elles ne sont pas « extra-scolaires » mais bel et bien intégrées dans le curriculum, qu’elles se retrouvent ainsi au cœur des évaluations des élèves. Nous recherchons alors un « bulletin » et tentons de savoir comment on peut dire, en fin d’année scolaire, que tel élève a réussi ou échoué. En vain. Il semble que la nature de ces activités généralement « non-formelles » donne un caractère très qualitatif aux évaluations qui prennent la forme de rapports écrits réalisés en concertation avec les élèves, d’entretiens réguliers avec ceux-ci et de plusieurs grilles d’indicateurs variables d’une activité à l’autre. Nous trouvons-nous là face à un système culturellement éloigné au nôtre, à tel point que nos propres grilles de lecture de l’institution scolaire n’ont aucun sens sur le terrain ? Et puis, est-ce qu’il fonctionne, ce Curriculum for Excellence ? Qu’en est-il du niveau de bien-être et des inégalités en matière d’accès à la scolarité, de réussite et de développement des compétences des élèves ?L’OCDE a publié une première évaluation de celui-ci en 2015. Le côté noir du tableau révèle que ce système nécessite clairement une charge de travail supplémentaire dans le chef des enseignants et de l’inspection qui font face à une diversité sans précédent et des retours qualitatifs denses – ce qui pose question par rapport à leur propre bien-être. Beaucoup de travail reste à fournir côté mathématiques ; les écoles manquent cruellement d’enseignants qualifiés et les programmes doivent encore plus se focaliser sur l’inclusion des minorités et des publics précarisés. Les points forts concernent surtout la santé et le bien-être. Cette réforme et le foisonnement de la scène politique ont conduit à une harmonisation des priorités à l’échelle nationale et au décloisonnement des établissements scolaires, ramenant un grand nombre d’acteurs autour de cette thématique. Cette notion est davantage comprise par les communautés et à travers les âges, et l’école est désormais perçue comme un acteur central de promotion de la santé. L’augmentation des financements en 2017 (Pupil Equity Funding), la réforme de la formation des enseignants et les plus récentes notes de cadrage politique (National Improvement Framework) indiquent que l’Ecosse au sens large, et pas uniquement Education Scotland, a de solides bases pour relever les défis qu’elle se fixe côté santé et bien-être.
La Belgique et son futur « Pacte d’Excellence »
En attendant, nous sommes de retour en Belgique et notre travail en tant qu’organisation de jeunesse active en promotion de la santé nous semble être de devoir prendre une place prépondérante aux côtés de l’école. Nous sommes résolument partenaires de l’éducation, de la santé et du bien-être des enfants et des jeunes, et ceci transparait explicitement dans notre très dense brochure d’animations scolaires à destination des enseignants. Toutefois, le contexte institutionnel éducatif belge n’a pas souvent facilité la tâche aux organisations telles que la nôtre. Par ailleurs, alors que santé et bien-être sont deux notions indissociables (ce qui est le cas en Ecosse), la perception qu’on s’en fait en Belgique est loin de rejoindre cet état de fait. Peut-on espérer que le prochain Pacte pour un Enseignement d’Excellence intègre ces notions de façon plus harmonieuse et mette en place les conditions pour une collaboration plus efficace avec les établissements scolaires ?En théorie, il semblerait que oui. A l’heure actuelle, le cinquième axe stratégique de l’avis numéro trois du Pacte pour un Enseignement d’Excellence cible l’évolution de l’environnement scolaire, les conditions du bien-être de l’enfant et la promotion de la santé. Sa priorité est que chaque enfant bénéficie « d’une place dans une école de qualité ». Il préconise la mise en place de normes pour assurer des infrastructures de qualité : fonctionnelles, accueillantes, confortables, sécurisées, accessibles et multifonctionnelles. De plus, une redéfinition des rythmes scolaires et l’intégration d’activités participatives, sportives, culturelles, citoyennes, en collaboration avec des partenaires externes, sont envisagées afin de mieux prendre en compte les besoins (notamment physiologiques) des élèves. La régulation du vivre ensemble au sein des écoles est conseillée grâce à la collaboration des différents acteurs (parents, enfants, enseignants, partenaires…). La réforme veut également assurer une gratuité complète et le développement de la qualité de vie à l’école en agissant sur les différents facteurs de santé. Cela passe par le développement du sport et des activités mais également par le renforcement en matière de prévention des risques et de lutte contre la violence et le harcèlement.Par ailleurs, en collaboration avec les services de promotion de la santé à l’école (PSE) et les associations de parents, les écoles primaires seront amenées à créer un plan de promotion de la santé définissant les activités mises en place en matière d’alimentation, de condition physique, d’hygiène, d’éducation à la vie relationnelle, affective et sexuelle, de prévention des maladies et de sécurité. Les élèves de l’enseignement secondaire pourraient bénéficier, grâce à un partenariat avec des organisations spécialisées, d’un programme d’accompagnement médical et psychologique de lutte contre les assuétudes. A nouveau : tout un programme !A l’heure actuelle, des collaborations existent évidemment déjà entre les PSE, diverses associations et les écoles. En effet, de nombreuses organisations telles que la nôtre proposent des animations de promotion de la santé et certains établissements ont déjà mis en place des initiatives telles que le conseil des élèves, le portfolio en guise de bulletin, les récréations sportives, le tutorat, les ateliers bien-être ou encore les cercles de paroles. La notion de bienveillance dans les institutions scolaires est de plus en plus abordée par les acteurs de l’enseignement et soutenue par les politiques. Présage d’un avenir où le bien-être des jeunes aura une place prépondérante ? Il reste à espérer que les résolutions du pacte se développent davantage et que les enseignants, associations et élèves puissent en tirer le meilleur avec les moyens qu’ils méritent.
Il est utile de noter, au passage, qu’il n’y a pas de système éducatif commun à tout le Royaume-Uni : chaque gouvernement (anglais, gallois, irlandais et écossais) gère séparément son contenu, son fonctionnement et son financement.
La ministre de la Santé publique, Maggie De Block, a pris la décision d’introduire le nutri-score comme label alimentaire en Belgique. Les consommateurs pourront ainsi obtenir plus facilement des informations leur permettant de savoir dans quelle mesure un aliment fait partie d’une alimentation équilibrée.
La ministre De Block: « De cette façon, nous facilitons le choix d’une alimentation saine. »
Cette décision intervient après une longue consultation des parties prenantes concernées : organisations de consommateurs, experts dans le domaine de l’alimentation, l’industrie alimentaire et les distributeurs.
Le nutri-score est un score global (allant de -15 pour les produits « les plus sains » à +40 pour les produits « les moins sains »). Sur la base de ce score, le produit reçoit une lettre avec le code couleur correspondant : du vert foncé (A) au rouge foncé (F).
L’algorithme sur la base duquel le score est calculé tient compte à la fois des éléments positifs et négatifs : la teneur en sucres, en acides gras saturés, en sel et les calories ont une influence négative sur le score, tandis que la teneur en fruits, légumes, fibres ou protéines peut améliorer le score.
La ministre De Block préfère le nutri-score à d’autres systèmes comme le système britannique traffic lights pour plusieurs raisons :
Le nutri-score a été testé en France. Les tests ont démontré qu’il avait un impact plus important sur le comportement d’achat des consommateurs que d’autres systèmes. En d’autres termes, il est fondé sur des données scientifiquement fondées ;
Ce système simple (un score pour l’ensemble du produit) permet au consommateur d’avoir une évaluation globale du produit en un coup d’œil. Il l’aide ainsi à faire un choix sain plus facilement, comme le demande l’Organisation mondiale de la santé ;
Le soutien d’experts alimentaires, d’acteurs majeurs de la distribution en Belgique et des entités fédérées. Enfin, un label n’aura l’effet souhaité que si toutes les parties prenantes sont impliquées.
La ministre souligne que l’utilisation du nutri-score reste volontaire : aucun producteur ou distributeur d’aliments ne sera obligé de l’utiliser. Elle espère toutefois que le plus grand nombre possible d’entreprises concernées adopteront le label.
Faisons nos réunions debout pour les bienfaits du cœur
Jeudi 6 septembre 2018
Nous consacrons en moyenne moins de 150 minutes par semaine à une activité physique. Et pourtant, la sédentarité est à l’origine de 45 % des maladies cardiovasculaires. Pour lutter contre ce fléau mondial, la Ligue Cardiologique Belge lance, à partir du 6 Septembre, une campagne de prévention, à destination des entreprises de Belgique, contre la sédentarité au travail : « Please stand up » !
La sédentarité un fléau mondial
La sédentarité est considérée comme le quatrième facteur de risque de décès dans le monde. Selon, l‘organisation mondiale de la santé (OMS), environ 3,2 millions de décès sont imputables au manque d’exercice physique. Ce manque augmente les risques de développer, sur le long terme, des maladies cardiovasculaires. En effet, chaque année, une centaine de personnes par jour meurent d’une pathologie cardiocérébrovasculaire, soit plus de 4 toutes les heures !
Or, rien qu’en Belgique, nous sommes 4 millions d’individus à ne pas nous dépenser assez physiquement. Nous passons 7,5 heures au travail pour 4,5 heures de loisirs, le reste de notre journée est passé assis à table ou allongé à dormir. Autrement dit, sur 24 heures seules 3 heures en moyenne sont dédiées à une activité physique plus ou moins intense.
Tous debout contre la sédentarité !
Partant de ce constat, la ligue cardiologique belge, dont la mission est depuis cinquante ans de prévenir les maladies cardiovasculaires, invite toutes les entreprises de Belgique à se lever pour lutter contre la sédentarité au travail : « Please Stand up » !
A partir de ce 6 septembre, la nouvelle campagne de prévention « Please Stand up » proposera une façon originale de rompre activement avec la routine quotidienne du bureau, notamment en faisant des réunions … debout !
Pour convaincre, les entreprises belges aux joies et avantages de l’activité physique au bureau, « Please Stand Up » leur proposera un kit didactique comprenant divers goodies (affiche, logo…) et un dossier pédagogique pour apprendre les moyens simples et efficaces de résistance antisédentarité.
Avec cette campagne, la Ligue Cardiologique Belge espère ainsi conscientiser un maximum d’entreprises des risques que la sédentarité fait courir à la santé physique et mentale de leur personnel et, par là même, à leur propre santé économique et à leur rentabilité.
« Si l’activité physique est reconnue comme un facteur protecteur des maladies cardiovasculaires par un effet favorable sur les principaux facteurs de risque dont l’hypertension, le diabète, l’hypercholestérolémie et l’obésité, le manque d’activité physique, et plus spécifiquement, la sédentarité au travail représente un facteur sournois, sous-estimé pour la santé de notre cœur et des artères et nous menace au quotidien. Please Stand up ! » dr Freddy Van de Casseye, Directeur Général de La Ligue Cardiologique Belge
Ils témoignent
« Nous encourageons nos collègues à bouger, comme dans une célèbre pub d’eau minérale, il y a quelques années… En 2013 et 2016, nous avons réalisé une enquête dont il est ressorti que 2/3 des collaborateurs de Solvay à Bruxelles passe une grande partie de son temps de travail en position assise. Pour pallier les effets néfastes d’une trop grande sédentarité, nous avons mis en place toute une série d’actions, telles que des conférences par des spécialistes (ergonome, kiné, médecin,…), une campagne intitulée « 10 façons de bouger au travail », ou la distribution d’un bracelet connecté. » Patrick Marichal, solvay campus Site Manager & Benelux HR Manager.
Le 23 Août 2018A partir du 1er septembre, en Australie, le paquet de 30 cigarettes vaudra plus ou moins 25 euros selon la marque ! Cette mesure s’inscrit dans une politique volontariste de lutte contre le tabagisme.
L’Australie est certainement le pays le plus ferme en termes de tabagisme. Le gouvernement y a mis en place un ensemble de mesures pour le faire reculer : il a décidé d’augmenter annuellement, entre 2017 et 2020, le montant des taxes et accises sur les paquets de cigarettes de 12,5% (1-2) ; le paquet neutre (paquet de couleur uniforme) comportant comme seule illustration les images choc des méfaits du tabac et les messages sanitaires y est imposé depuis 2012 ; il est interdit d’exposer les paquets dans les magasins ainsi que de faire rentrer dans le pays plus de 25 cigarettes par voyageur (via les aéroports et les produits détaxés, par exemple)… Et certains Etats australiens renforcent encore ces mesures en interdisant la vente aux moins de 18 ans ou en proscrivant la cigarette à l’extérieur (aux arrêts de bus, dans les festivals, dans les aires réservées aux enfants, dans les rues piétonnières, sur les plages…), par exemple. La liste est longue, tant la détermination des autorités est grande. (3)
Commentaire de la Fondation contre le Cancer
Dr. Anne Boucquiau, Manager Experts & Porte-Parole, et Régine Colot, Psychologue tabacologueL’augmentation majeure du prix du paquet de cigarettes est l’une des mesures phares et donne des résultats : en Australie, le nombre de fumeurs est ainsi passé de 27% dans les années 90 à 14% en 2016. Les autorités aimeraient voir émerger la première Génération sans Tabac, à savoir des enfants qui ne verraient jamais de cigarette dans leur enfance. Certains quartiers sont en effet totalement non-fumeurs ! C’est précisément l’objectif que s’est aussi fixé la Fondation en partenariat avec d’autres associations actives en matière de lutte contre le tabagisme (www.generationssanstabac.be).Pour que l’augmentation des taxes sur le tabac soit efficace, elle doit provoquer une forte élévation du prix du paquet de cigarettes : ainsi selon l’OMS, le prix du paquet croît de 10%, cela s’accompagne d’une diminution de 4% de la consommation tabagique. Mais attention : cette augmentation de prix doit s’appliquer à tous les produits du tabac, pour éviter des alternatives moins chères, comme le tabac à rouler.
Suivre l’exemple australien
En Belgique malheureusement, les augmentations de prix sont trop faibles pour avoir un impact sur la prévalence du tabagisme… Soulignons cependant que d’autres mesures ont été prises telles que l’interdiction de fumer dans les lieux publics fermés ou les images choc sur les paquets de cigarettes, notamment. Mais nous sommes loin d’avoir une politique volontariste comme les Australiens…C’est pourquoi la Fondation contre le cancer est en contact permanent avec nos décideurs politiques actuels pour que toutes les mesures prévues dans le Plan Tabac soient mises en place sous cette législature. La Fondation travaille aussi à ce que soient intégrées dans les programmes électoraux les mesures qui ont fait leurs preuves en termes de prévention du tabagisme dans d’autres pays, dont l’augmentation forte des prix des paquets.
La Fondation vous aide à arrêter
Diminuer le nombre de nouveaux fumeurs est une chose ; arrêter de fumer en est une autre… C’est pourquoi la Fondation est aux côtés des fumeurs pour les soutenir dans leur souhait de sevrage tabagique via Tabacstop, un programme soutenu par les autorités régionales (www.tabacstop.be ; 0800 111 00). Là aussi la Fondation plaide auprès des autorités pour que soient mieux remboursées les aides reconnues comme efficaces dans le sevrage tabagique, parmi lesquelles les substituts nicotiniques.
Dans le cadre du nouveau Plan de promotion de la santé de la Cocof, le groupe de travail initialement mené par Modus Vivendi s’est constitué en réseau d’acteurs de promotion de la santé en milieux festifs à Bruxelles. Un nouveau réseau à développer et animer. A la base de ce réseau, il y a un « groupe de travail festif » composé des projets d’intervention en milieux festifs de la Plate-Forme Prévention Sida, la Fédération Laïque de Centres de Planning Familial (le projet Sex&Co) et Modus Vivendi (particulièrement les projets « Equipe Mobile » et « Drogues Risquer Moins »). Initialement ce groupe de travail s’est constitué pour répondre à la nécessité de se coordonner entre acteurs du « festif » afin d’améliorer la cohérence et l’efficacité de leurs interventions. Assez rapidement d’autres enjeux sont venus s’inviter à la table des discussions, tels que le besoin de faire un état des lieux de l’offre déjà existante en matière d’intervention en milieux festifs et les éventuelles demandes ou besoins non couverts, organiser des moments de concertation (échanges de pratiques, formations, appuis méthodologique, création d’outils, etc.), travailler sur une identité commune tout en respectant les spécificités de chacun, mutualiser les ressources matérielles, humaines et méthodologiques…
Les spécificités des milieux festifs
Les moments de fête existent dans toutes les sociétés, ce sont des moments de décompression et de lâcher prise nécessaires. Chaque société a son propre mode de fête et on imagine aisément que la manière de faire la fête dit quelque chose des différents « univers sociaux ». Nous constatons que les moments festifs, puisqu’ils ont, entre autres, pour fonction le lâcher-prise, sont aussi des moments d’augmentation des prises de risques. Notre démarche n’est pas de les annuler – une vie sans risque est impossible – mais plutôt de donner les moyens aux personnes de réduire les risques s’ils le souhaitent, sans briser l’esprit de la fête.Les prises de risques dans un tel contexte peuvent être liées à la consommation de psychotropes : risque de déshydratation, bad trip, transmission d’infections liée à l’échange de matériel de consommation, hyperthermie, overdose, désorientation, confusion, etc. En outre, la modification d’état de conscience dans un environnement euphorisant (son, lumière, nuit, excitation…) peut amener les personnes à diminuer leur vigilance. Il y a aussi les prises de risques sexuels (au sens large : transmission d’IST/Sida, grossesse non désirée, non-consentement, violence entre partenaire(s), etc.) liées au contexte de désinhibition, les risques auditifs liés à l’exposition à un volume sonore trop élevé durant un certain temps, les risques de désorientation et/ou de nervosité dus à la fatigue et aux stimulations visuelles et auditives, les risques d’accidents lors du retour à domicile, les risques d’agressions sexistes, racistes, homophobes, transphobes, grossophobes, etc.
Un mode d’intervention particulier
La Réduction des Risques dans un contexte festif vise donc à prévenir les risques dans le but de les limiter mais sans jugement du comportement et des choix de chacun. Différents types d’interventions existent. Par exemple, l’intervention d’équipes mobiles : des jobistes, jeunes pairs des publics cibles, formés à la Réduction des Risques et accompagnés ou non de professionnels, vont à la rencontre du public et/ou tiennent un stand. Celui-ci est à la fois un lieu d’accueil, de dialogue, de relais et d’information. Le public peut y trouver des informations et des conseils de santé ainsi que du matériel de Réduction des Risques (préservatifs, lubrifiant, bouchons d’oreilles, roule ta paille, sterifix, etc.). D’autres types d’intervention sont possibles tels que l’obtention d’un label, une sensibilisation en amont, la mise à disposition d’outils et de matériel, la proposition de formations… Mais l’esprit reste le même : accompagner le public dans une démarche de promotion de la santé vers une gestion de sa santé (au sens large) en milieux festifs libre et éclairée.Dans ce contexte, il est important de respecter le cadre décontracté et de se rendre accueillant et non jugeant sous peine de n’intéresser personne. Le travail avec des pairs facilite grandement cela, l’idée étant d’accompagner des fêtards dans un processus de réflexion sur la promotion de la santé en milieux festifs. Les bénéfices d’une telle méthode sont doubles. Premièrement, ces jobistes sont des pairs du public cible : ils habitent la région, sont à l’aise en milieu festif, apprécient la musique actuelle, se reconnaissent dans un look et langage communs, ont les mêmes centres d’intérêt, etc. Ils ont donc un contact plus facile avec le public, et sont plus à même de livrer des conseils de promotion de la santé et de Réduction des Risques. Deuxièmement, la prévention participative reconnaît le jobiste comme citoyen et acteur de prévention. Il est un partenaire incontournable !
Des constats de terrains
Depuis 1993, Modus Vivendi organise des activités de Réduction des Risques liés à l’usage des drogues et depuis 1996, nous sommes actifs en milieux festifs via de nombreux projets participatifs. Forts de ces expériences, nous avons pu dresser différents constats.Au vu des prises de risques qu’ils comportent, les milieux festifs sont des lieux d’intervention privilégiés pour les acteurs de santé. Ceci explique le nombre croissant de projets de santé qui investissent ces endroits et faisant appel à différentes stratégies d’action ou thématiques spécifiques : Réduction des Risques, assuétudes, éducation à la vie affective et sexuelle, prévention du Sida, alimentation, sécurité routière… Avec pour conséquence que les organisateurs d’événements reçoivent de nombreuses demandes d’institutions de santé et/ou du domaine des assuétudes.Actuellement, n’ayant pas de coordination des interventions, celles-ci se concrétisent souvent en fonction des opportunités et sans qu’aucune analyse des besoins du public n’ait été réalisée pour justifier le choix de tels ou tels intervenants ou types d’actions. En outre, avec la multiplication des interventions de santé en milieux festifs, sur base de notre expérience, nous constatons qu’il arrive parfois que des services et actions soient surreprésentés dans certains événements, alors que dans d’autres, rien n’est proposé au public. D’où la nécessité de coordonner les actions de Promotion de la santé en milieux festifs sur base d’un état des lieux et en collaboration avec tous les acteurs.Enfin, vu la diversité des projets proposés, il semble opportun d’harmoniser les pratiques d’intervention afin que les organisateurs de festivités et les publics s’y retrouvent plus facilement.
Objectifs principaux du réseau
C’est sur base de ces différents constats de terrain et du travail déjà entamé au sein du « groupe de travail festif » que nous avons dégagé les objectifs principaux du réseau, ceux-ci pouvant évoluer au fil du temps en fonction de la pratique de terrain et de l’ouverture à d’autres partenaires.
1. Coordination des acteurs de promotion de la santé en milieux festifs
Ce premier objectif semble évident, il est dans la lignée du travail réalisé par le « groupe de travail festif » actuel. Toutefois le financement de la coordination de ce réseau va permettre de l’élargir à d’autres acteurs. Pour cela, nous commencerons par réaliser un état des lieux des interventions de promotion de la santé en milieux festifs afin de visualiser l’existant et d’élargir nos services et nos lieux d’intervention en fonction des besoins. Nous ferons également un travail d’identification des différents milieux festifs et types de publics pour s’adapter au mieux aux diversités des lieux et types de fêtard·e·s. Enfin, nous conviendrons ensemble d’un protocole d’intervention en fonction des demandes afin d’harmoniser nos interventions tout en veillant à ce que chaque projet et structure garde son identité. L’idée étant au final de proposer au public des services complémentaires et correctement répartis entre les différents lieux festifs.
2. Augmentation de la visibilité des messages de promotion de la santé en milieux festifs
Afin d’augmenter la visibilité des messages, nous souhaitons proposer aux différents intervenants de santé présents en milieux festifs une bannière commune sous laquelle se rassembler tout en veillant à garder la visibilité et l’identité de chacun. L’idée étant de se concerter et d’harmoniser nos messages afin de rendre nos actions encore plus visibles et complémentaires, et donc efficaces.
3. Formation et échanges de pratiques
Pour assurer une cohérence et une appropriation du réseau par tous les membres et partenaires, nous mettrons en place des temps d’échange de pratiques et de connaissances : réunions de concertation, appuis méthodologiques, mutualisation et création d’outils, développement d’approches complémentaires, etc. Nous travaillerons également sur un tronc commun pour une formation à l’intervention en milieux festifs.
4. Implication de tous les acteurs
Un de nos principes d’intervention est l’implication de tous les acteurs de la fête, usagers comme professionnels, y compris le travail en réseau avec les gérants et responsables des lieux festifs, les associations et les autorités locales. Nous espérons ainsi sensibiliser un maximum de personnes et diversifier les événements concernés et les publics touchés. L’idée étant que chacun puisse s’exprimer et apporter son point de vue. Le réseau peut donc également être un lieu pour proposer de nouvelles thématiques de travail (exemple : la question du consentement en milieux festifs). Celles-ci pouvant être approfondies en groupe de travail avec des publics cibles et spécifiques.
5. Récolte et analyse des besoins
Nous profiterons de ce réseau pour formaliser la récolte de données afin de faire remonter les besoins, analyses et constats de terrain vers les instances, services et institutions concernés. Nous espérons ainsi centraliser à l’échelle de Bruxelles la récolte de données et d’informations sur les comportements et besoins des publics festifs afin de mettre en place des actions qui répondent réellement à leurs besoins.
6. Développement de partenariats
Enfin, la mise en réseau permet de mutualiser les ressources matérielles, humaines et méthodologiques. Avec cela, nous espérons pouvoir faire des économies à tout niveau (temps, argent, etc.). Notamment, en développant les partenariats, nous pourrons, entre autres, avoir et offrir un meilleur accès au matériel de prévention : regroupement des demandes, achats groupés, conventions avec des partenaires, etc.
A suivre donc…
Dans un premier temps, les membres fondateurs du réseau (la Fédération Laïque de Centres de Planning Familial, la Plate-Forme Prévention Sida et Modus Vivendi) travaillent sur l’identité et le mode de fonctionnement de celui-ci. Nous souhaitons ensuite rapidement élargir le réseau à d’autres partenaires afin d’être réellement représentatif des acteurs de promotion de la santé en milieux festifs à Bruxelles. L’idée étant de répondre au mieux aux éventuelles demandes des organisateurs de soirées mais surtout aux besoins des publics festifs pour que Bruxelles soit la capitale d’une fête réussie !
Vous êtes actif en Réduction des Risques et/ou promotion de la santé en milieux festifs ? Vous souhaitez obtenir davantage d’information sur le réseau et/ou en devenir membre ? N’hésitez pas à contacter Marie François marie.francois@modusvivendi-be.org
Charte de la réduction des risques
Préambule
Cette charte a pour objectif de constituer le socle conceptuel de toute démarche pouvant se réclamer de la réduction des risques liés à l’usage de drogues en Communauté française de Belgique. A ce titre, les signataires de la présente s’engagent à en respecter l’esprit et les termes dans leurs interventions relatives à l’usage de drogues. Cette charte a été élaborée sur l’initiative de Modus Vivendi asbl, dont l’objet social est la prévention du sida et la réduction des autres risques liés à l’usage de drogues en Communauté française. Elle a fait l’objet d’une concertation avec l’ensemble des acteurs du secteur socio-sanitaire concernés par la problématique.
Définition
La réduction des risques est une stratégie de santé publique qui vise à prévenir les dommages liés à l’utilisation de « drogues». La réduction des risques concerne tous les usages, qu’ils soient expérimentaux, récréatifs, ponctuels, abusifs ou inscrits dans une dépendance. La réduction des risques peut également s’adresser aux personnes qui s’apprêtent à consommer une drogue pour la première fois. Les risques principalement associés aux drogues sont les risques de dépendance, de lésions somatiques et les risques psychosociaux. Ils peuvent avoir pour conséquences une morbidité, une mortalité et une exclusion sociale que les stratégies de réduction des risques se proposent de réduire. Cette approche s’inscrit dans une démarche de promotion de la santé physique, mentale et sociale. La réduction des risques se distingue de la prévention de l’usage et des traitements, dont elle se veut complémentaire. En effet si les traitements ont pour objectif un changement d’ordre sanitaire et / ou psychosocial, si la prévention a pour objectif de diminuer l’incidence de l’usage de drogues dans la population, la réduction des risques, quant à elle, a pour objet de réduire les risques et de prévenir les dommages que l’usage de drogues peut occasionner chez les personnes qui ne peuvent ou ne veulent pas s’abstenir d’en consommer.
Enjeux de la réduction des risques
Les épidémies du sida et des hépatites ont démontré qu’il était urgent d’aborder l’usage de drogues en termes de santé. En conséquence, la réduction des risques se propose de promouvoir la santé, le bien être, la dignité et la citoyenneté des usagers de drogues. Cette approche socio-sanitaire de l’usage de drogues est parfois en tension avec d’autres enjeux, notamment sécuritaires.
Les constats
Une société sans drogues n’existe pasOn ne connaît pas d’exemple d’une seule société humaine qui n’ait pas eu recours à une drogue ou à un psychotrope quelconque. Il y a et il y aura toujours des personnes qui expérimentent, usent, voire abusent de drogues. Néanmoins l’usage abusif de masse semble être typique du monde contemporain, ce qui soulève des questions légitimes de santé publique. Ce constat, sans écarter le débat sur la causalité de l’usage et de l’abus de drogues, doit inspirer des stratégies de réduction de risques conçues dans une logique de santé publique.Le risque zéro n’existe pasToutes les activités humaines comportent des risques qu’il est possible de réduire mais non de supprimer. La prise de risque fait partie intégrante de l’existence. Une vie sans risque est impossible. Personne ne peut s’y soustraire, ni l’usager de drogues, ni les intervenants.La notion de risque est relativeMême s’ils adoptent certains comportements à risque (consommer une drogue, se l’injecter au risque de contracter une infection virale, s’exposer à une overdose…), les usagers de drogues ne sont pas prêts à tout risquer. La plupart des usagers de drogues témoignent d’un intérêt pour les modes de consommation à moindre risque.La prohibition des drogues maximalise les risquesLa prohibition contraint l’usager de drogues à la clandestinité, créant ainsi les conditions d’une consommation risquée. Il faut donc prendre acte du fait qu’il est contre-productif de criminaliser les usagers de drogues. En effet, la prévention de l’usage de drogues ou l’assistance des usagers problématiques est entravée par cette criminalisation, qui a pour conséquence d’augmenter la marginalisation et la criminalisation dont souffrent déjà certains usagers de drogues.Une information objective n’est pas incitatriceUne information claire, crédible, objective et accessible sur les risques associés à l’usage de drogues n’a pas pour effet une incitation à l’usage de drogues, quand elle s’adresse à des personnes en situation de consommation. Il en va de même pour la mise à disposition de moyens de consommer des drogues à moindres risques.
Les valeurs
Reconnaître l’usager de drogues comme une personne à part entièreLa réduction des risques reconnaît l’usager de drogues avant tout comme une personne, avec sa dignité, son humanité. L’usage de drogues et la prise de risques associée peuvent avoir un sens pour la personne, même si ce sens lui échappe.Ne pas juger la consommation de droguesEn tant que professionnels de l’aide sociale et de la santé, nous respectons l’usager de drogues dans ses choix et décisions en ce qui concerne la consommation de drogues. Il ne nous appartient pas de poser un jugement moral sur la consommation des personnes.Reconnaître des finalités propres à la réduction des risquesLes objectifs de la réduction des risques liés à l’usage des drogues, et en particulier la prévention du sida et des hépatites, ne doivent pas être confondus avec la prévention de l’usage de drogues. La prévention, le traitement et la réduction des risques concourent ensemble à la promotion de la santé de la population en général et des usagers de drogues en particulier. Pragmatique, la réduction des risques intervient auprès des usagers de drogues, à tous les stades de leur consommation, de ses pratiques et de son insertion sociale. Les objectifs de la réduction des risques ne sont pas subordonnés à ceux de l’abstinence, du traitement ou de la répression de la criminalité.Affirmer le droit de l’usager de drogues à la participation socialeEn dépit du statut illégal de certains de ses comportements, comme tout individu, l’usager de drogues a droit à la participation sociale, à la santé, à l’éducation, au travail, au respect. Pour autant que les moyens leur en soient donnés, la plupart des usagers de drogues sont capables d’agir de manière responsable vis-à-vis d’eux-mêmes et d’autrui, peuvent être acteurs de la société et de la réduction des risques liés à l’usage de drogues. Il n’y aurait, par exemple, pas d’échange de seringues sans la participation responsable des usagers de drogues.
Principes d’intervention
Ne pas banaliser l’usage de droguesLes interventions de réduction des risques ne visent ni à encourager ni à décourager l’usage de drogues. La réduction des risques se préoccupe de ne pas banaliser le recours aux drogues.Donner aux usagers de drogues les moyens de réduire les risquesLa réduction des risques s’attache à rendre accessible l’information sur les risques et les manières de les réduire et, au-delà, à procurer des outils pratiques tels que matériel stérile d’injection, préservatifs, analyse scientifique de substances, traitements de substitution, etc.Encourager les prises de responsabilité des usagers de droguesLes interventions de réduction des risques visent à permettre aux usagers de drogues de s’approprier les moyens et outils afin de réduire les risques pour eux-mêmes, leur entourage et la société. Elles soutiennent la création et le développement d’associations d’auto-support.Aller à la rencontre de l’usager de drogues dans son milieu de vieLa rencontre des usagers de drogues est activement recherchée par les intervenants de réduction des risques. Ils privilégient l’approche « de proximité » c’est à dire l’intervention dans les lieux de vie mêmes des usagers de drogues, en rue, en prison, au travail, en milieu festif, etc.Faire participer les usagers de droguesLes interventions de réduction des risques se développent sur base de l’articulation entre le savoir scientifique, les connaissances tirées de l’expérience des usagers de drogues et leurs préoccupations. Ainsi, nous considérons comme essentiel le partenariat avec des usagers de drogues à tous les stades des interventions, depuis leur élaboration jusqu’à leur évaluation.Faire évoluer les représentations sociales sur les usagers de droguesL’usager de drogues véhicule généralement une image négative, relayée, entretenue, amplifiée voire générée par certains médias et discours politiques: asocial, dangereux, hors-la-loi, malade, etc. Ces représentations sociales négatives entretiennent la stigmatisation et l’exclusion des usagers de drogues. Renforçant ainsi les pratiques clandestines de ces derniers, elles restreignent l’accessibilité aux dispositifs socio-sanitaires et donc contribuent à augmenter les risques. Au défi de ces représentations sociales dominantes, la réduction des risques fait valoir la dignité des usagers de drogues tant auprès de publics spécifiques, tels que le monde politique, le monde associatif, les pharmaciens, les médecins, etc., qu’auprès du grand public.Sensibiliser les professionnels de différents horizons aux interventionsLes interventions de réduction des risques visent à associer dans nos interventions toutes les personnes en contact ou susceptibles d’être en contact avec des usagers de drogues (pharmaciens, employés communaux, agents pénitentiaires, agents de protection de l’environnement, agents de police…).Développer une réflexion et une évaluation constantesLa dimension expérimentale du champ de la réduction des risques et les questions éthiques qu’elle soulève, imposent une évaluation constante des interventions, des pratiques et des besoins ainsi qu’une recherche sur les objectifs et les méthodes.
Entendus comme toutes substances – licites ou illicites – modifiant le psychisme
Au sens large : sur les produits psychotropes, les IST/Sida, la contraception, le retour à domicile, etc.
Par exemple, le label « Quality Nights » est un label de qualité de soirée proposé aux lieux festifs qui s’engagent en retour à mettre en place minimum 6 critères. Pour en savoir plus : https://www.qualitynights.be.
Dans ce document, le terme « drogue » doit être entendu comme toute substance psychoactive, licite ou illicite, pouvant provoquer des dommages pour la santé mentale, physique et sociale, susceptible d’un usage abusif et pouvant ou non faire l’objet d’une dépendance.
Paru dans Les échos du logement, n°121, novembre 2017
Alodgî signifie «se loger» ou «loger quelqu’un» en wallon. La Fondation du même nom est née du souhait de créer un ensemble de logements adaptés aux besoins de personnes atteintes de déficiences mentales. Situé au cœur d’Ottignies, cet habitat solidaire inauguré fin 2013, a été créé sur le modèle du Community Land Tust (CLT). Benoit Van Tichelen, psychologue et responsable du Service de Santé Mentale «Entre Mots», est un des initiateurs de ce projet.
SF : Comment Alodgî est-il né? BVT : Le projet a été initié au départ de «Entre mots» qui depuis ses origines accueille notamment des personnes souffrant de troubles psychiatriques chroniques comme la psychose ou la schizophrénie. Au détour de ces traitements, les familles nous ont interpellés à propos de la situation de leurs enfants devenus adultes: malgré le fait que les soins améliorait la vie psychique de ces personnes, leur qualité de vie restait fragile, voire limitée car ils n’avaient accès ni au logement ni au travail. Ce qui restreignait très fort les possibilités d’épanouissement. Les patients qui nous consultent disent d’ailleurs la même chose: ils ont peu de moyens financiers et peinent à accéder à un logement de qualité, singulièrement en Brabant-wallon où son coût est plus élevé.Nous nous sommes interrogés sur notre rôle, en tant qu’organe de santé mentale, sur ces questions qui nous forçaient en quelque sorte à sortir de notre cabinet de consultation. Et nous sommes arrivés à la décision de nous engager en dehors de notre espace de consultation car le logement et le travail sont des déterminants importants de la santé. A partir de là, nous avons monté un groupe de travail rassemblant des personnes souffrant d’un trouble psychique, l’entourage des patients et quelques professionnels. Ce groupe a été accompagné par SAW-B car on s’est bien rendu compte qu’on allait être confronté à des questions financières importantes qui dépassaient nos compétences professionnelles. Le groupe a ainsi établi une déclaration d’intentions qui a été confrontée aux besoins des personnes.Très vite, nous avons remarqué qu’entre notre idée de départ — qui était de créer une grande maison communautaire — et les attentes de notre public, il y avait un fossé énorme. Les patients nous ont dit qu’ils voulaient un logement totalement autonome et indépendant qui ne soit pas connecté. Nous avons également fait le constat que les personnes qui avaient pu quitter leur famille avaient systématiquement bénéficié d’un soutien matériel de proches. Troisième constat: ces personnes étaient régulièrement confrontées à des conditions de logement difficiles (quartier délabré, état du logement,…) ou à des déménagements fréquents impliquant la rupture avec le réseau de soutien informel et le réseau de soins, ce qui ne facilitait pas leur intégration sociale, ni leur équilibre psychique. Pouvaient s’ensuivre des phénomènes de décompensation les conduisant aux urgences et ouvrant la voie à de nouvelles prises en charge sur le plan psychiatrique. Ajoutez cela que dans un logement «classique» — un appartement loué ou acheté en copropriété par exemple — le risque de stigmatisation est très élevé. D’un autre côté, des personnes hébergées dans des centres de soins dont l’état s’améliore restent dans ces structures car ils ne trouvent pas à se loger ailleurs. Or ils n’ont plus forcément besoin de ce type de soins, ce qui bloque des places pour des personnes qui auraient besoin de ces soins.Nous sommes donc arrivés à la conclusion qu’il existait un chainon manquant entre l’offre libérale de logements et les structures d’hébergement intégrant des soins. Notre objectif a donc été de créer pour le public présentant des troubles psychiatriques chroniques des logements individuels tout en maintenant des mécanismes de rencontre et de solidarité à l’intérieur de l’ensemble. Il s’agissait d’entendre ce besoin d’indépendance des personnes tout en évitant leur isolement.SF : Comment s’est passé le montage du projet ? BVT : Un bâtiment était à vendre au centre d’Ottignies depuis longtemps. Il semblait convenir pour le projet que nous souhaitions mettre en place mais nous ne disposions pas de moyens financiers. Nous savions que les familles pourraient intervenir en fonction de leurs moyens et que la Clinique Saint-Pierre ainsi que les Mutualités chrétiennes acceptaient d’investir un montant équivalent. Mais c’était insuffisant pour un projet estimé à 2 millions d’€. A la faveur d’une série de consultations, nous avons décidé de nous orienter vers le modèle du Community Land Trust où la propriété du sol est séparée de celle du bâti. Ce modèle est particulièrement pertinent en Brabant-wallon où le coût du terrain est plus élevé qu’ailleurs, contrairement au coût de la «brique» qui ne connaît pas de grosse différence d’une région à l’autre. Grâce à la mise de départ des parents, de la Clinique Saint-Pierre et des Mutualités chrétiennes (environ 150.000€), nous avons pu signer un compromis de vente. Après cela, nous avons obtenu le soutien du Fonds du Logement et un financement dans le cadre de l’appel à projets «Habitat durable». Nous avons créé la Fondation privée Alodjî pour l’achat du bâtiment qui s’est concrétisé fin 2011. Elle rassemble, outre les partenaires déjà cités, «Entre Mots», les asbl Similes (qui regroupe les proches des personnes souffrant de problèmes psychiatriques) et Psytoyens (association d’usagers de services de psychiatrie) ainsi que l’Agence immobilière sociale du Brabant wallon. L’AIS est un acteur important car elle s’occupe de la gestion immobilière, ce qui n’est pas du tout notre métier.Après rénovation de l’ensemble du bâtiment, la moitié de la surface a été vendue en droits de superficie aux familles ou aux personnes elles-mêmes, la Fondation gardant la propriété de quelques appartements et de l’espace communautaire. Nous avons fait la différence entre l’accès à la propriété et l’accès à l’occupation. Tout le monde à Alodgî peut être propriétaire d’un appartement mais l’occupant, dont le trouble psychiatrique est attesté, doit être apparenté jusqu’au troisième degré au propriétaire. Dans le cas contraire, l’appartement est loué par la Fondation via l’AIS, tout comme les appartements dont elle a la propriété. Une commission de mise en location regroupant des représentants des fondateurs est chargée de sélectionner les candidatures sur la base d’une série de critères définis au préalable. Après quoi, les candidatures sont transmises à l’AIS.SF : Pouvez-vous nous en dire plus sur la façon dont les choses s’organisent à l’intérieur de cet habitat ?BVT : Le bâtiment dispose de 11 logements indépendants avec un minimum d’exigences collectives: une réunion des habitants par mois et un contact avec un «veilleur» une fois par semaine. Nous voulions éviter au maximum les contraintes pour privilégier la liberté d’inventer des modalités de vivre ensemble. Le bâtiment comporte un espace communautaire qui vise la perméabilité entre l’intérieur et l’extérieur.Le système de «veilleurs» est assuré par les assistants sociaux de «Entre Mots». Le rôle du veilleur est d’orienter les habitants de la meilleure façon qui soit: cela peut concerner une personne qui veut se lancer dans une activité sportive ou une autre qui a besoin de soins psychiatriques spécifiques. Les veilleurs interviennent également au niveau des services mis en commun: un lavoir est mis à la disposition des occupants et ce sont les veilleurs qui distribuent les jetons; un bar à soupes s’ouvre une fois par semaine pour les résidents et les personnes extérieures. Et puis, une série d’activités sont organisées dans l’espace communautaire: café social, groupes de parole, cours de yoga, atelier mandala,… L’idée est de créer des occasions de rencontre, de la solidarité,… sans que cela ne soit imposé formellement comme une condition de l’occupation des lieux. Par ailleurs, nous souhaitions vraiment éviter que cet immeuble d’habitations ne se transforme en lieu de soins. Il s’agit d’un espace clairement différencié de «Entre Mots» qui lui est dédié à la santé psychiatrique.SF : Comment appréhendez-vous le ressenti des occupants? BVT : De façon assez étonnante, il y a à la fois peu de contacts entre les personnes et un lien très fort qui les unit. Par exemple, la cohabitation entre locataires et propriétaires est d’un apport précieux. Les propriétaires ont une attention plus grande à l’entretien du bâtiment. Il existe une entraide spontanée entre occupants qui tient notamment à leur volonté de maintenir une bonne image dans le quartier. Au départ du projet, les habitants du quartier ont été un peu méfiants par rapport à l’arrivée de ces nouveaux occupants. La folie inquiète. «Mes enfants pourront-il continuer à aller seuls à la boulangerie du quartier ?» Voici le genre de question qui nous avait été posée. Après coup, on s’aperçoit que la cohabitation fonctionne très bien.On constate également que le projet dispose d’une taille idéale. A 3 ou 4, on est obligé de s’entendre, voire de s’entraider, or nous avons affaire un public qui éprouve des difficultés sur le plan relationnel. Une dizaine d’occupants, cela laisse plus de liberté dans la façon dont les relations s’organisent et en même temps cela permet de représenter un ensemble avec lequel le quartier doit compter. Par exemple, les habitants de Aldogî sont devenus des clients réguliers de la boulangerie dont je vous parlais à l’instant. Ils ont trouvé leur place dans le quartier. Beaucoup de parents étaient inquiets quant à l’avenir de leurs enfants et le projet Alodjî a permis de les apaiser. Des usagers nous ont dit: «enfin je peux vivre dans un endroit où je sais que je vais pouvoir mourir».SF : Fort de bilan positif, est-ce que vous envisagez d’étendre cette expérience? BVT : Nous nous lançons dans un partenariat à trois. L’asbl Familia est propriétaire d’un terrain à Ottignies et souhaite y créer des espaces de réception et de convivialité. La Fondation Alodgî veut proposer entre 14 et 15 logements pour son public. Tandis que la Société de Logements publics «Notre Maison» y construira une vingtaine de logements, une partie à la vente et une autre à la location. La réunion de différents partenaires permets de réaliser des économies d’échelle non négligeables.
Sept services assuétudes se fédèrent en une nouvelle plate-forme toxicomanie en Wallonie.
Le Centre d’Action Laïque de la province de Luxembourg, Eurotox, Infor-Drogues, Modus Vivendi, Prospective Jeunesse, le réseau ALTO et le service de prévention de la Ville de Mons se sont réunis pour créer une plateforme active en Wallonie : la DAWA, Drogues Action Wallonie, constituée en ASBL.Leur ambition est de défendre une approche globale, transversale et progressiste en matière de prévention des assuétudes et de Réduction des Risques.Il s’agit d’œuvrer à la déstigmatisation des usagers de drogues, de travailler sur les représentations des professionnels et du grand public et de faire évoluer les politiques publiques relatives aux usagers et aux usages de drogues.Ces associations, actives en promotion de la santé depuis de nombreuses années, veulent créer un espace de réflexion, d’échange et d’action commune afin de développer des projets d’information, de formation, de soins et d’accompagnement. La DAWA veut ainsi nourrir les politiques des différents secteurs au niveau local, régional, fédéral et international.La plateforme mettra en avant les valeurs d’égalité, d’autodétermination, de solidarité et de liberté, y compris celle de disposer de son corps.La DAWA s’inscrit d’ores et déjà dans la campagne belge « STOP1921 » (qui vise à réformer la loi sur les stupéfiants de 1921 : https://stop1921.be/fr/la-campagne/) et soutient la campagne mondiale « Support. Don’t punish » (https://supportdontpunish.org/fr/). Ces campagnes visent toutes les deux à promouvoir des politiques en matière de drogues qui respectent les droits humains et protègent la santé publique, loin de la criminalisation des usages et des usagers !Toute association, tout citoyen qui le souhaite peut devenir membre de la DAWA.
Pour contacter DAWA asbl : Rue de l’Ancienne Gare, 2 – 6800 Libramont – 061/22 50 60
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