“Le pain santé. Quel pain choisir ? ” est une brochure de savoirs coconstruits à destination de tous, sur un aliment de tous les jours. Cet article revient sur l’expérience de création de l’outil avec le groupe des personnes diabétiques de l’asbl Les Pissenlits.
Une asbl de démarche communautaire
L’asbl Les Pissenlits se situe à Cureghem, un quartier d’Anderlecht, une des communes de la Région bruxelloise. Elle s’ancre dans une démarche communautaire de promotion de la santé. Elle valorise l’importance du réseau social, de l’expertise du vécu et vise le développement des compétences psychosociales de chacun. L’asbl invite des personnes de différents horizons, cultures, âges, mais aussi des personnes sourdes et des personnes entendantes à faire lien afin de construire ensemble des actions visant un mieux-être tant avec soi-même et les autres mais aussi avec son quartier et sa société. Dans le cadre de ses activités de proximité, l’asbl travaille sur diverses thématiques : connaissance et accessibilité aux ressources, activité physique, échanges de savoirs créatifs, soutien à la parentalité, santé au féminin, mobilité… Le diabète est une de ces thématiques.
Le groupe des personnes diabétiques
En 2003, l’asbl Les Pissenlits a ouvert le groupe des personnes diabétiques. Un vendredi matin par mois, des personnes concernées par ce problème de santé se retrouvent autour d’un petit-déjeuner équilibré. Les participants discutent de leur vécu de la maladie, de leurs difficultés et échangent librement astuces et conseils. Les réunions sont ponctuées de rencontres avec un professionnel (éducateur en diabétologie, diététicien, médecin…) pour discuter d’un sujet plus spécifique.
La réunion est habituellement animée par l’asbl en facilitation visuelle et un interprète en langue des signes est présent. L’intention est que chacun puisse participer.
« Ça fait déjà plus de 15 ans que je suis avec eux. Les Pissenlits, c’est un lieu qui dépasse les conseils de santé. C’est un lieu entre nous où on peut vider son sac de problèmes et commencer à réagir. C’est une famille. »
Fatima, membre du groupe des personnes diabétiques
Création d’outils, diffusion et évaluation
Avec le soutien de l’asbl Les Pissenlits, le groupe des personnes diabétiques mène de nombreuses actions qui se construisent collectivement.
Amélie Plateau, responsable de projets au sein de l’asbl explique : « Depuis le début et la naissance du groupe, il y a un double objectif pour les participants. D’une part, c’est d’accumuler des savoirs sur le diabète, sur le mieux vivre avec la maladie et sur la santé de manière globale. Mais, un autre grand souhait est de diffuser les savoirs acquis parce que les membres du groupe sont conscients du désarroi que peuvent rencontrer les personnes qui apprennent avoir le diabète, pour l’avoir vécu eux-mêmes ».
Le groupe s’implique donc dans des activités comme la sensibilisation au diabète sur le marché des Abattoirs d’Anderlecht ou la diffusion de la démarche communautaire auprès d’étudiants de hautes écoles et d’universités.
Le groupe contribue également à la réalisation d’outils. Il y a d’abord eu un petit feuillet explicatif sur les premiers symptômes du diabète qui a été distribué à grande échelle dans les pharmacies, maisons médicales et quartiers. Puis, il y a eu un DVD sur la question de vivre avec le diabète qui a été récemment complété par une traduction en langue des signes et mis en ligne sur le site internet de l’association. La brochure « Le pain santé. Quel pain choisir ? » est le troisième outil créé par le groupe.
« Le pain santé. Quel pain choisir ? »
Une accumulation de savoirs et savoir-faire
Fatima, membre du groupe des personnes diabétiques explique le commencement du projet : « Tout a commencé par un questionnement lors de réunions : comment choisir un pain bon pour sa santé ? » Jean, un autre participant du groupe complète : « Le pain est un aliment que nous mangeons tout le temps. Nous souhaitions comprendre l’impact sur notre santé de cet aliment si souvent consommé ».
Le groupe a donc commencé à rassembler des informations et savoir-faire : diététicien, boulanger, meunier… sont autant d’experts que le groupe a rencontrés pour comprendre le pain sous tous ses aspects.
De la coconstruction pour une brochure accessible
Après avoir accumulé autant de connaissances et de savoir-faire, le groupe a souhaité en faire profiter un plus large public. Un groupe de travail s’est constitué avec des participants du groupe des personnes diabétiques et les responsables de projets de l’asbl Les Pissenlits afin de proposer un outil qui reprendrait tout le savoir coconstruit.
L’accessibilité de l’outil était un enjeu important du projet. Le choix s’est porté sur une brochure, pas trop épaisse, avec des informations simples. L’idée était que l’outil puisse être aussi utile aux personnes qui ne sont pas à l’aise avec le français ou l’écrit. La brochure a donc été réalisée en facilitation visuelle, avec des phrases simples et des illustrations pour faciliter la compréhension.
De même, il fallait que les conseils sur le choix d’un pain bon pour sa santé puissent être facilement mis en pratique. Vérane Vanexem, co-coordinatrice et responsable de projets aux Pissenlits précise : « on cite dans la brochure le fait que le pain peut être fait avec de la levure ou du levain ; que l’idéal c’est avec du levain mais c’est déjà pas mal si les personnes consomment de préférence du pain complet. Il y a eu un travail non seulement sur l’accessibilité en termes de compréhension mais aussi l’accessibilité de mise en pratique. Il faut que les personnes puissent adapter leur consommation aux informations qu’ils ont reçues. Si c’est trop compliqué, c’est décourageant. »
Le travail en coconstruction a apporté beaucoup à l’outil ; les membres du groupe de personnes diabétiques partageaient les points d’attention et les aspects prioritaires, d’après leurs expériences. Vérane Vanexem raconte un exemple : « une proposition du groupe a concerné la quantité de pain à manger par jour. Le groupe a dit que cela ne suffisait pas de parler uniquement en termes de tranches de pain car cela dépend de l’épaisseur. » La brochure reprend donc également des informations sur le poids et l’épaisseur des tartines.
Vérane Vanexem souligne : « on voulait vraiment qu’il y ait des interactions avec le groupe de personnes diabétiques, qu’ils donnent leur avis et fassent des propositions. C’est pour cela qu’il y a eu plusieurs allers-retours et des réunions régulières du groupe de travail. Cela aussi prend du temps. Mais le bénéfice qu’on en retire est tellement grand qu’on n’envisageait absolument pas de travailler autrement. »
Les enjeux des démarches communautaires
Amélie Plateau souligne l’importance d’une participation libre dans la philosophie des Pissenlits : « il y a beaucoup de liberté et de latitude quant à la participation : vient qui peut, qui veut, avec l’énergie que la personne porte à ce moment-là. On prend les énergies et les volontés qui sont là sur le moment. Et évidemment, il y a des personnes qui ont participé à presque tout le processus mais notre politique est de laisser venir les personnes. »
Pour la réalisation de la brochure sur le pain santé, l’enjeu a été de maintenir la participation sur un long terme. Pour les chargées de projet de l’asbl, c’est justement cette ouverture et cette souplesse par rapport à la participation qui permet de tenir sur un long terme. « J’ai l’impression que le fait de ne pas demander d’engagement encourage les personnes justement à participer. Puisqu’elles se sentent libres et n’ont pas de soucis à être absentes une ou deux fois, elles ne se sentent pas mal à l’aise si elles ne viennent pas à toutes les réunions. Mais elles restent impliquées dans le projet » explique Vérane Vanexem.
Elle souligne également l’importance de donner les outils et ressources aux participants pour que leur implication soit réellement possible, dans toutes les étapes de la réalisation : dans la réflexion sur les objectifs de l’outil et la relecture, l’avis et l’évaluation de l’outil pour encourager la motivation des participants. Amélie Plateau poursuit : « il est important d’accepter le savoir des personnes. On peut donner beaucoup de conseils sur la santé, mais ceux-ci doivent être mis dans la réalité des personnes avec les différences culturelles, familiales… On sait que les injonctions à la santé ne suffisent pas à améliorer la santé. Tous les témoignages dans la brochure sont également présentés pour cette raison : les savoirs expérientiels sont tout aussi valables. »
Une double richesse : processus et résultats
Outre la richesse de l’outil réalisé dans cette démarche participative, le processus a été particulièrement enrichissant pour les acteurs impliqués. Amélie Plateau mentionne : « les participants, en venant sur place et en vivant le projet, font des expériences qui sont bénéfiques au-delà de la thématique qu’on est en train de travailler ; le fait de donner son avis, de participer à l’évaluation, de voir que l’avis donné a été pris en compte, de voir que dans l’évaluation, ce qu’on a dit est pertinent, que d’autres pensent la même chose… tout cela est très valorisant pour les participants ».
Vérane Vanexem précise : « Tout ce qui est fait aux Pissenlits respecte les balises méthodologiques de coconstruction, d’échanges de savoirs, de déhiérarchisation des savoirs. Chacun·e apporte son expérience, son vécu, ses opinions et avis. Cela a un impact multiplié sur les personnes qui contribuent. L’objectif n’est pas uniquement le résultat mais l’objectif est surtout basé sur le processus. »
C’est le grand atout des outils créés dans des démarches communautaires qui ont des effets aussi bien à court, moyen et long terme tant pour les participants que pour les personnes qui pourront bénéficier de l’outil créé, porteur de savoir expérientiel.
La brochure, destinée à tous, est disponible sur demande auprès de l’asbl Les Pissenlits.
Contact :
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