Distrait, déconcentré, en difficulté à l’école. Avez-vous déjà entendu ces termes au sujet de votre enfant ? Avec le dispositif « Découvrons nos dys-férences », la Mutualité Chrétienne veut sensibiliser les professionnels de santé et de l’éducation aux impacts des troubles de l’apprentissage sur la santé mentale des enfants et de leurs parents.
Regard caméra, voix posée. Le jeune homme se présente simplement « Bonjour, je m’appelle Romain, j’ai 17 ans, j’ai été diagnostiqué avec un trouble de l’attention avec hyperactivité en troisième maternelle et j’ai commencé à être aidé en quatrième primaire. Le TDAH, ça fait partie de ma personnalité, je n’ai pas honte de ce que je suis ». Au fil de cinq capsules vidéo, Romain, sa mère, une neuropsychologue et une professeure racontent les obstacles qui jalonnent le parcours des enfants comme lui, avant d’obtenir un accompagnement adéquat.
En Fédération Wallonie-Bruxelles, deux élèves par classe en moyenne présentent un ou plusieurs troubles d’apprentissage, qui seraient responsables de la moitié des échecs scolaires selon l’APEDA (l’Association belge pour les Enfants en Difficulté d’Apprentissage). Pour ces enfants, les difficultés scolaires ne sont pas passagères, elles sont permanentes, à cause d’un problème neurologique dans une ou plusieurs zones du cerveau. Ils ont donc besoin d’un accompagnement spécifique car ils souffrent d’un ou de plusieurs trouble(s) de l’apprentissage. Il en existe huit : dyspraxie, dyscalculie, dysorthographie, dyslexie, dysgraphie, dysphasie, haut potentiel (HP) et trouble de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDA ou TDAH). Ces troubles impactent à des degrés divers l’écriture, la lecture, le calcul, le comportement… et le bien-être de l’enfant et de sa famille.
Un trouble de l’apprentissage ? Vous êtes certain ?
Entre l’apparition des symptômes, la détection des signes et le diagnostic, le temps est souvent long et ce parcours du combattant a un impact psychologique important sur les enfants et leurs familles. Au quotidien, l’enfant doute de ses capacités et l’école peut même devenir un lieu d’humiliation : « je pensais que j’étais bon à rien, que j’étais bête, explique Romain, sauf parfois quand je me rendais compte que j’allais plus vite que mes camarades ». Il arrive que les observations des enseignants soient maladroites : « il est dans la lune, intenable, il manque de limites », ou judicieuses : « peut-être qu’il faudrait consulter votre généraliste ou un logopède ». Les parents aussi s’interrogent, au point qu’ils et elles en viennent à douter de leurs capacités parentales, une source de souffrance, tant ils compensent les besoins de leur enfant au quotidien. Quant à la scolarité, elle file à toute vitesse avant qu’un accompagnement et un traitement adaptés soient mis en place.
La mère de Romain relate de grands moments d’énervement, de stress, avant et même après le diagnostic. Comme la plupart des familles, celle-ci est passée par des moments d’errance. Comme les autres enfants, il était soumis à des apprentissages dont il ne possédait pas les clefs pour répondre aux exigences du système éducatif. Tout ceci dans une société où la réussite scolaire est un baromètre social souvent évoqué pour les enfants : « ça va à l’école ? », « tu as réussi ton bulletin ? », « tu sais bien lire et compter maintenant ? ». Cette errance, couplée à la méconnaissance des troubles de l’apprentissage et à une stigmatisation fréquente, pèse sur les épaules des familles, parents et enfant mais aussi de la fratrie, dont la santé mentale est mise à rude épreuve.
Une dys-férence pas comme les autres
« Découvrons nos dys-férences » est un projet de promotion de la santé qui a donc pour mission de soutenir les familles dont un ou plusieurs enfants ont des difficultés ou des troubles dans la sphère des apprentissages. Le jeu de mot fait bien sûr référence aux troubles (dyslexie, dysphasie…) ainsi qu’au fonctionnement cognitif différent de ces enfants et à leurs besoins spécifiques parfois incompris et vite jugés. D’où la volonté à travers ce projet de faire découvrir au plus grand nombre ce que recouvre le terme « trouble dys ».
En effet, les « dys » ne s’arrêtent pas aux grilles des écoles. Ces enfants sont souvent affublés à tort de qualificatifs tels que « paresseux », « distraits », « turbulents ». Les parents, de leur côté, se voient parfois reprochés d’être trop laxistes, peu investis dans l’éducation de leur progéniture ou trop permissifs. Ceci n’est que jugement car la population générale et certains professionnels de la santé et de l’éducation ignorent que les troubles de l’apprentissage sont liés à une cause neurodéveloppementale et non à la bonne volonté des uns et des autres. C’est pourquoi le projet « Découvrons nos dys-férences » veut sensibiliser tout un chacun à l’existence de ces troubles pour les démystifier et lutter contre leur image négative mais aussi encourager les parents qui ont un doute sur l’existence d’un trouble à consulter pour trouver des réponses et des solutions.
L’origine du projet
Tout commence en 2019, quand l’ASBL Promusport, partenaire de la MC, organise des stages sportifs et créatifs pour les enfants durant l’été. A la fin de ces stages, des chargés de projets de la MC vont à la rencontre des parents pour discuter de leurs besoins et attentes en termes de santé et de bien-être pour leurs enfants et plus largement pour leur famille. Plusieurs parents confient avoir un enfant avec des difficultés d’apprentissage, leur sentiment de tout faire pour les accompagner (logopédie, psychomotricité…) et leur épuisement face aux échecs scolaires, malgré le temps et l’énergie déployés. « Ils se sentaient démunis et s’inquiétaient des retombées sur les frères et sœurs », explique Anne-Catherine Loriaux, une des chargées de projets de la MC, psychologue de formation et sensible aux problématiques des apprentissages. Elle fait rapidement un lien avec la santé mentale des familles (parents et enfants) et s’empare du projet avec l’idée de mettre sur pied une conférence où le grand public pourrait découvrir les troubles dys. Le Covid-19 entre alors en scène et avec lui l’impossibilité de réunir les foules. Elle met ce temps à profit pour enrichir ses connaissances sur le sujet, récolter des témoignages, organiser des rencontres virtuelles avec des professionnels de santé, des enseignants.
Deux constats importants en ressortent. Le premier : les familles sont en souffrance pour toutes les raisons évoquées plus haut mais aussi parce que lorsqu’elles se mettent en recherche d’aide, elles ne savent pas quel professionnel sera le plus à même d’aider leur enfant, quelles démarches entamer… Elles se retrouvent face à un système complexe au sein duquel elles doivent souvent assurer elles-mêmes la coordination entre les professionnels consultés et les démarches administratives qui y sont liées. Le second : nombreux sont les parents pour lesquels il est difficile d’accepter que leur enfant ait potentiellement un trouble, ce qui rend complexe l’aide et la mise en place de solutions.
Depuis 2022, il est possible de consulter son médecin généraliste pour qu’il ou elle prescrive un bilan logopédique ; pour certains troubles comme la dyspraxie, le ou la praticien.ne orientera vers un neuropédiatre.
« Découvrons nos dys-férences », c’est quoi alors ?
C’est une page web qui met en mots et en images plusieurs éléments importants des difficultés d’apprentissage : une explication de ce qu’est un trouble décrit, le soutien financier de la MC mais surtout l’importance de poser un diagnostic et d’accompagner son enfant. Le point le plus apprécié de cette page sont les vidéos de témoignages d’enseignants et d’enfants sur leur propre vécu car elles donnent la parole aux personnes réellement concernées par les difficultés d’apprentissage. Toute la réflexion autour du support vidéo a été menée en groupe avec des institutrices, neuropsychologue et professionnel de l’orthopédagogie afin de proposer un support simple à utiliser, disponible rapidement et partout. C’est aussi un outil facile à diffuser dans les milieux scolaires où les établissements utilisent de plus en plus les réseaux sociaux pour communiquer vers les parents de manière large.
Les dys en scène
« Dys sur Dys » est une pièce de théâtre créée par la compagnie FACT et François Gillerot, un metteur en scène de Tournai qui veut faire bouger sur la thématique. « Dys sur dys c’est l’histoire de Pirlouit. Sur scène, Pirlouit raconte son enfance, sa jeunesse, en traversant ses souvenirs liés à la différence, aux échecs et aux joies. Il est accompagné par l’Homme-Orchestre, acteur de tous les autres personnages du réel et musicien de la Bande-Originale de sa vie, et par Fantômette, une fantôme hors du commun qui, une fois là, ne le quittera plus. Ensemble, avec humour et poésie, iels vont créer l’univers de Pirlouit à vue, un univers adapté à la dyspraxie. »
La pièce et le projet de la MC embrassent des buts communs, François Gillerot est désireux de proposer une main tendue vers les spectateurs qui chercheraient une aide sur ce thème, en associant à sa pièce des partenaires locaux. C’est la naissance d’une collaboration où la MC assure, à différents endroits en Fédération Wallonie Bruxelles, une présence informative à la fin de représentations théâtrales pour parler de sa page web et de ses aides aux familles.
Quelle suite pour le projet ?
Le travail sur la thématique offre de multiples axes. Les chargés de projets de la MC réalisent actuellement un nouveau flyer pour les familles dont le but est d’offrir une meilleure vue sur les circuits d’accompagnement administratif et médical des troubles dys par les professionnels. Qui solliciter ? Quand ? Pour quel trouble ? Loin d’être le seul fil rouge, il permettra de mettre en évidence des professionnels parfois peu connus et surtout aider à faire le tri dans les démarches.
Comme souvent en promotion de la santé le changement demande du temps. C’est encore plus vrai lorsqu’on espère faire évoluer le regard que pose la société sur la différence. « Découvrons nos dys-férences » cultive l’espoir de contribuer à ce changement, pas à pas.
Une date à retenir :
Conférence « Quand apprendre est difficile… » 12 octobre, 19h – 20h30
Administration communale, Place Albert 1er 21 à 6150 Anderlues
Gratuit. Sandwiches et boissons offerts
Inscription obligatoire au 071/54.89.56 de 8h30 à 16h ou via anna.paci@anderlues.be
Plus d’infos sur : https://mc.be/dys-ferences