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Bref bilan de la première Université de printemps francophone en santé publique

Le 30 Déc 20

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Après Besançon (été), après Dakar (automne), Bruxelles a pu trouver une fenêtre dans l’agenda déjà très chargé des formations francophones en santé publique et promotion de la santé à vocation internationale.
La première Université de printemps francophone en santé publique a donc eu lieu à l’École de Santé publique de l’Université libre de Bruxelles du 11 au 15 avril 2011. S’agissant d’une ‘première’, qui plus est soutenue par notre mensuel, il nous a semblé intéressant d’en dresser un rapide bilan auprès des chevilles ouvrières de cette initiative, le Prof . Alain Levêque (Président de l’ESP ULB) et Mme Martine Bantuelle (asbl Éduca Santé).
Éducation Santé: Tout d’abord, quel était le programme de cette semaine? S’agissait-il de cours ex cathedra, d’ateliers, de séminaires? Vous êtes-vous inspirés de l’organisation en modules, qui a fait ses preuves en Franche-Comté?
Martine Bantuelle ( MB ): c’est plus qu’une inspiration! Notre Université de printemps a rejoint le réseau des ‘Universités sœurs’, nées à l’initiative de l’Université d’été de Besançon qui existe depuis huit ans, et voit grandir le nombre de ses participants au point d’en refuser de plus en plus chaque année. C’est ainsi que sont nées l’Université d’automne de Dakar, celle de printemps de Bruxelles et une petite sœur est annoncée pour bientôt en Tunisie.
Les Universités sœurs partagent les mêmes objectifs et le même esprit: ouvrir une formation à toutes les personnes concernées par les questions actuelles de santé publique; fédérer les savoirs et les savoir-faire autour du concept de promotion de la santé; stimuler les échanges entre enseignants, chercheurs, décideurs, intervenants de terrain; relier l’action et la recherche; répondre à des problématiques concrètes en favorisant la réflexion et les échanges autour d’expériences originales. Le choix d’une organisation partenariale université/association a pour but d’unir le potentiel d’équipes universitaires et de professionnels de santé publique et de promotion de la santé engagés dans une pratique de terrain et d’associer des intervenants et des participants issus de différents pays francophones.
Les deux partenaires principaux (ESP ULB et Éduca Santé) partagent le même souhait d’agir et de réfléchir avec d’autres sur leur pratique, et de mettre en interaction la théorie et la pratique en privilégiant les apports des participants comme matériau à travailler durant la formation.
ES: Avez-vous facilement trouvé des intervenants de qualité prêts à ‘sacrifier’ une semaine de vacances de Pâques?
Alain Levêque ( AL ): sans difficulté! Nous avons eu la chance de réunir plus de 25 intervenants de qualité séduits par les objectifs et l’esprit de cette Université de printemps. Près de la moitié sont venus de l’extérieur de la Belgique. Et je peux vous dire que tous, sans exception, étaient ravis de cette expérience!
Nous avons également bénéficié de la présence d’experts nationaux et internationaux lors de la séance inaugurale et de la table ronde. Martine Cornil , journaliste bien connue de la RTBF, nous a même consacré une partie de ses vacances pour animer les débats! Vous pouvez constater que la mobilisation a été large et enthousiaste.
ES: Le tout n’est pas d’avoir un bon programme, encore faut-il qu’il attire suffisamment de participants! Bilan positif de ce côté? Combien de participants attendiez-vous? Combien ont fait le déplacement de Bruxelles?
AL : Avant de démarrer la semaine, nous avions une petite centaine d’inscrits, ce qui était notre objectif pour cette première! Mais les désistements de dernière minute, les difficultés d’obtention de visa pour certains, les maladies intercurrentes… ont ramené le total de participants inscrits à une septantaine. À ce nombre, il convient d’ajouter plusieurs habitants de Bruxelles venus participer aux travaux du module traitant des études d’impact en santé ainsi que quelques étudiants en santé publique venus prendre part aux débats sur les politiques de coopération en santé internationale. Bref, beaucoup de monde, beaucoup de débats et d’échanges durant cette semaine… de vacances!
ES: La formation a-t-elle attiré surtout des compatriotes, ou bien le recrutement a-t-il été international comme vous le souhaitiez? Quelles nationalités étaient présentes?
AL : Un tiers des participants venaient de Belgique. Quinze nationalités étaient réunies: Algérie, Belgique, Burkina Faso, Burundi, Cameroun, Comores, République Démocratique du Congo, France, Haïti, Martinique, Maroc, Sénégal, Suisse, Tchad, Togo. La mixité des publics n’est pas très habituelle dans les programmes de formation. Elle crée une dynamique d’échange exceptionnelle tant par l’enrichissement des apports et des points de vue de chacun que par le climat de curiosité et de tolérance qu’elle induit.
ES: Les frais d’inscription étaient plutôt élevés. Cela n’en a-t-il pas découragé certains? Je pense en particulier aux personnes issues de l’espace francophone africain.
MB : Les frais d’inscription ont été alignés sur ceux en cours à Besançon et à Dakar. Pas question de se faire concurrence. Nous avons eu l’opportunité d’offrir quelques bourses mais des efforts doivent encore être faits pour multiplier les possibilités de bourses offertes aux participants issus des pays du sud. De même, des ‘stimulants’ devraient être déployés afin de renforcer l’accès aux acteurs de terrain de la Communauté française.
ES: À propos de moyens financiers, les recettes de la semaine représentent-elles le coût vérité de cette première Université de printemps, ou avez-vous pu compter sur d’autres apports? Je pense par exemple à la mise à disposition de locaux par l’École de Santé publique…
AL : Outre les soutiens financiers octroyés par la Fondation Roi Baudouin, le Ministère de la Santé de la Communauté française, la Région wallonne, l’Agence universitaire de la francophonie (AUF) et l’INPES, l’Université de printemps a bénéficié pour sa logistique (locaux, secrétariat, organisation, relations publiques, etc.) du soutien de l’École de santé publique et de l’asbl Éduca Santé. Il faut rappeler que les intervenants, d’où qu’ils viennent, ont apporté gracieusement leur contribution à cette initiative. Cela mérite d’être souligné.
ES: Des motifs particuliers de satisfaction?
MB et AL : Lorsqu’on décide de se lancer dans cette aventure, et même si l’on sait que le ‘produit’ a été testé ailleurs et donne entière satisfaction, il y a évidemment beaucoup de doutes et de craintes. Est-ce que cela va fonctionner chez nous? Aurons-nous suffisamment d’inscrits? Nos universitaires et nos acteurs de terrain vont-ils adhérer au concept? À toutes ces questions, nous avons maintenant une réponse et celle-ci est très positive!
Dans ce type d’événement, l’organisation administrative et logistique est aussi une grande source de questionnement et de stress! Nous avons eu la chance de bénéficier d’un appui très précieux et très professionnel de Myriam Dekerpel de l’École de Santé Publique qui a largement participé au succès de cette première!
Mais le motif de satisfaction le plus important est certainement l’enthousiasme sans faille des participants!
ES: Des points à améliorer?
AL : Sans aucun doute! Il y a toujours des points à améliorer. Pour nous y préparer, chaque module a fait l’objet d’une évaluation interne et l’ensemble de la semaine a fait l’objet d’une évaluation anonyme dont l’analyse est en cours. Mais sans anticiper les résultats de ces évaluations, je peux déjà vous dire que de nombreuses idées fusent pour la deuxième édition, pour laquelle nous avons déjà reçu une demande d’inscription!
ES: En-dehors de la formation proprement dite, les participants ont-ils pu découvrir certains aspects touristiques ou culturels de notre capitale? Il faut bien admettre que le Campus Érasme n’est pas très représentatif des charmes de la ville…
MB : Vous avez raison. Le Campus Érasme est à la fois excentré et peu propice aux découvertes esthétiques ou historiques. Nous en sommes conscients et c’est pour cette raison que nous avons souhaité que tous les participants soient hébergés en ville.
Quelques activités sociales ont été organisées; nous avons également été reçus à l’hôtel de ville (sur le balcon!) par les autorités de la Ville de Bruxelles, avec sa vue imprenable sur la Grand-Place. Des activités sportives étaient également organisées durant la pause de midi. Bref, vous voyez que nous avons essayé de rendre cette semaine formative, conviviale et festive!
ES: Une dernière question inévitable. Y aura-t-il une deuxième Université de printemps l’an prochain?
MB et AL : À votre avis?
Propos recueillis par Christian De Bock

Le partenariat entre médecins généralistes et associations de santé : pas si simple… mais porteur ?

Le 30 Déc 20

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Des généralistes et des associations de santé peuvent-ils travailler ensemble? C’est la question posée par l’asbl Promo Santé et Médecine Générale à des généralistes et à des associations actives dans le domaine de la santé… Quels peuvent être les intérêts à travailler ensemble et surtout les buts recherchés de part et d’autres? Certaines difficultés freinent-elles ces collaborations? Ce type de partenariat n’est-il pas source d’un enrichissement parfois inattendu?
Tout a commencé en automne 2007, quand l’asbl Promo Santé et Médecine Générale invite des associations de promotion de la santé à rencontrer des généralistes dans les locaux de la Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG). Une quinzaine d’associations sont présentes et autant de généralistes… Découvertes mutuelles, pistes de partenariats, envie de se revoir… Cette rencontre a été relatée dans la Revue de la Médecine Générale de septembre 2008 et dans la revue Éducation Santé (1). Une piste se dégage: aller à la rencontre de projets qui fonctionnent bien et dans lesquels collaborent des médecins généralistes. Un appel à partenariat est lancé pour continuer à travailler ensemble: le Centre d’éducation du patient et l’Observatoire de la Santé du Hainaut se mobilisent gracieusement.
En 2009, avec nos deux partenaires, nous creusons ce sillon et lançons un appel à la recherche de ces projets. Nous faisons appel aux Centres locaux de promotion de la santé ainsi qu’aux associations et médecins généralistes de nos carnets d’adresses. Les projets doivent répondre aux critères suivants:
-collaboration d’au moins un généraliste et
-projet dépassant le curatif pour aller vers le préventif et/ou
-projet dépassant l’individu pour aller vers le collectif et/ou
-projet dépassant la santé biomédicale pour aller vers la santé globale et/ou
-projet dépassant la prescription professionnelle pour aller vers la participation active du public.
Nous avons ainsi identifié 28 projets. Nous en avons sélectionné 13 pour les interviews. Les généralistes et les associations de chaque projet sont interviewés en miroir.
Du côté des associations, voici quelques exemples de questions posées par nos 3 intervieweurs (2):
Pourquoi avez vous eu envie de travailler avec des généralistes ? Dans quelles circonstances ? Qui a pris l’initiative ? Quelles difficultés avez vous rencontrées ? Quels ont été les éléments facilitateurs ?
Comment décririez vous cette collaboration : une nécessité ? Une plus value ? Une opportunité ?
Et quelques questions posées aux généralistes:
Quelles sont vos motivations pour collaborer au projet avec l’association de santé ? Quel est votre rôle dans cette collaboration ? Quel apport pour votre pratique ? Quels bénéfices pour vos patients ?
Et lors de cette collaboration , quelles difficultés et facilités avez vous rencontrées ? Quels relais vers d’autres généralistes ?

Des difficultés… similaires

!
Que disent les participants ?
Premier constat: ce n’est pas évident. Les uns et les autres rencontrent des difficultés… similaires!
Même pour des projets «réussis», les généralistes participent peu! Pourquoi? Peu de temps, bien évidemment! Ils ont déjà beaucoup de travail curatif et sont en outre sur-sollicités par 1001 actions de divers opérateurs de santé: une campagne dépistant les violences intrafamiliales, une meilleure alimentation des ados ou l’intérêt du préservatif avant les vacances…
De plus, quand des rencontres sont organisées entre généralistes et associations de santé, le rythme de travail des uns et des autres est fort différent. Pour des réunions, les généralistes peuvent plus facilement se libérer en soirée ou le samedi… Ce qui n’arrange pas souvent les associations! Qui plus est, l’investissement du côté des généralistes n’est que rarement valorisé financièrement et ce, au contraire des associations.
Pour les généralistes, l’intérêt de collaborer avec des associations de santé n’est pas immédiatement visible. Ils sont d’abord dans une approche individuelle et bien sûr plus souvent curative que préventive. Un chemin est à parcourir pour rencontrer une approche collective et globale, plus pertinente pour les associations.
Les perspectives temporelles sont parfois différentes: les généralistes travaillent sur le long terme, ils construisent des relations solides et durables avec les gens. Les associations, quant à elles, sont parfois fragilisées par des emplois précaires ou pressées par leurs impératifs financiers ou organisationnels.
Le rôle de leadership est aussi à clarifier: par qui est-il assuré? Association ou médecin généraliste?
Enfin, le secret professionnel pose parfois question: que peut-on partager ou non de ce que vivent les usagers?

Pourquoi les médecins généralistes se sont-ils investis dans ces projets ?

Qu’est-ce qui les a intéressés?
Quand le projet de l’association est proche du champ médical traditionnel, la collaboration avec les médecins est plus facile. Exemple: un réseau pour patients diabétiques, ou le suivi de patients toxicomanes avec une association perçue comme spécialisée pour cette question.
Et si, de plus, les actions de santé de cette association facilitent le travail clinique des médecins, leur collaboration sera d’autant plus facile… Ce qui a été apprécié: des dépliants et outils pour les généralistes et pour les patients en consultation. Ils constituent un apport pour la pratique clinique des médecins.
Quand les actions de santé d’une association répondent à une demande des usagers-patients que les généralistes rencontrent en consultation, ils sont alors également ouverts à une collaboration avec cette association.
Certains médecins généralistes ont surtout été sensibles aux arguments scientifiques du projet (par exemple sur la question de l’alcool pendant la grossesse). Choisir un orateur crédible pour des généralistes est également un atout: le plus souvent, un généraliste clinicien lui aussi. Exemple, pour diffuser son projet auprès des médecins généralistes de la région, une association a fait appel à un généraliste-relais dès la conception du projet, et construit avec lui un diaporama qui a facilité la diffusion des messages pertinents.
Pouvoir montrer qu’une action de santé a aussi des bénéfices pour la santé biomédicale des patients a été un argument sensible pour certains (par exemple, ils constatent que depuis que des personnes toxicomanes participent aux activités d’une association, elles vont mieux).
Ils sont aussi intéressés à découvrir des exemples de projets réussis ailleurs.
Un autre élément facilitateur, tant pour les associations que pour les médecins, est la reconnaissance par les acteurs politiques de ces actions de santé. Elle augmente la légitimité des actions et permet aussi parfois une reconnaissance professionnelle du temps de travail investi et partagé, à rémunérer pour chacun. Exemple: la présence et le soutien d’un Échevin de la santé à des réunions communales d’un Plan de cohésion sociale qui rassemble parfois des généralistes et des associations locales de santé.

Qu’est-ce qui a facilité les collaborations entre médecins généralistes et associations ?

Les associations et les généralistes, ce sont deux mondes différents qui ne se comprennent pas toujours. Il faut donc d’abord prendre le temps d’apprendre à se connaître. Une piste suivie par les personnes interviewées a été d’échanger leurs ‘lunettes’: écouter, découvrir et respecter les représentations de l’autre professionnel dont les réalités, repères et contraintes sont parfois bien différents. Les contacts personnels ont ainsi été valorisés.
Les résultats des nos entretiens ont été présentés dans un atelier organisé à Soignies le 5 décembre 2009 par l’asbl Promo Santé et Médecine Générale. Nous insérons ici quelques commentaires des participants illustrant les propos recueillis lors des entretiens:
« À Manage , par exemple , il y a depuis de nombreuses années des journées de la santé . Un des bénéfices , au fil des ans , est que les différents interlocuteurs ont appris dans un premier temps à ne plus se méfier les uns des autres et ensuite à collaborer . Il est bien plus facile de travailler ensemble lorsque l’on se connaît , que l’on sait comment l’autre travaille . Par exemple , un généraliste peut avoir peur de faire appel à une assistante sociale qu’il ne connaît pas de peur qu’elle soit intrusive
Une autre piste suivie dans différents projets pour réussir la collaboration a été de prendre comme points de départ les préoccupations, difficultés et besoins professionnels des uns et des autres. En effet, si l’on veut proposer un projet aux médecins généralistes, nous dit-on, il vaut mieux s’assurer que cela répond à un besoin ressenti par les médecins mais également par la population.
« Avant de proposer un projet aux médecins généralistes , ne faudrait il pas au préalable aller à leur rencontre pour les interroger sur leurs besoins ? De plus , les médecins ont également un avis sur les besoins de santé de la population Cette première vision des choses est à compléter avec la perception que l’association a elle aussi des besoins de la population . »
Concrètement, il y a un tas de petites choses que l’on peut faire pour faciliter la participation des médecins généralistes et que les interviewés ont partagées avec nous:
-premièrement, il est important de pouvoir accepter des rythmes différents et des alternatives à ce qui était initialement prévu: échanges de mails plutôt qu’une réunion en plus. Accepter aussi des investissements différents des uns et des autres, comme dans tout projet;
-ensuite, assurer la logistique avant et après une rencontre: réserver un local, préparer de la documentation, faire les invitations, les rappels, le PV de la réunion et assurer le suivi de celle-ci;
-une dernière petite chose mais qui a son importance est d’organiser des réunions conviviales: prévoir un sandwich quand la réunion a lieu à midi par exemple…

Que peuvent apporter les généralistes aux projets et réalisations des associations ?

Ces apports découlent directement de ce qui est présenté ci-dessus:
-la participation à la construction d’un projet dès sa conception, comme témoin ou expert. Ceci facilite la pertinence des messages auprès d’autres médecins généralistes;
-en tant que relais actif, il sera un ambassadeur crédible du projet auprès de ses confrères;
-il est également un relais privilégié envers ses patients et leur entourage. Quand un généraliste connaît bien une association et qu’une collaboration a pu être construite, il oriente plus facilement des patients vers cette association et d’autres aussi, si nécessaire. Le généraliste est un expert de proximité et de confiance. Il adapte les messages à chaque patient, il peut sensibiliser ou intéresser activement les personnes qui ne captent pas les messages conçus pour le grand public.
Les usagers ont-ils intérêt à ce que les généralistes et les associations de promotion de la santé se perçoivent mutuellement comme partenaires? Certes, oui. Tout le monde est gagnant. Face aux difficultés bien connues que rencontrent les uns et les autres, des pistes de partenariats méritent d’être développées. Gageons que les généralistes, les associations et les décideurs pourront ainsi œuvrer ensemble pour plus de santé des usagers.
Jean Laperche , médecin généraliste, Valérie Hubens , asbl Promo Santé et Médecine Générale, Jean Luc Collignon , Centre d’éducation du patient, Marie Josée Couteau , Observatoire de la Santé du Hainaut
(1) JONCKHEER P., HUBENS V., LAPERCHE J., PREVOST M., LEGAT P., WATHELET T., DUFOUR A., «Les médecins généralistes et les associations de promotion de la santé» , Éducation Santé , n° 247, juillet-août 2009.
(2) Jean-Luc Collignon pour le Centre d’éducation du patient, Marie-Josée Couteau pour l’Observatoire de la Santé du Hainaut et Valérie Hubens pour Promo Santé et Médecine Générale.

Une enquête au cœur du malaise des jeunes

Le 30 Déc 20

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C’est à Lille que Luc Scheibling est allé à la rencontre de jeunes, de parents et d’éducateurs. De ces rencontres est né un film d’animation sur le malaise des jeunes, intitulé «J’ai deux trois petites choses à vous dire!». Au cœur du malaise, le besoin d’écoute et de parole des jeunes, ainsi que les effets néfastes qu’engendrent les peurs des adultes pour leurs enfants et la surprotection qui en découle. Instituteur spécialisé et musicien à la base, Luc Scheibling est, depuis toujours, sensible au thème des exclus.
En 1998, il rencontrait David, un jeune Chilien adopté, en difficulté, à qui il proposa d’écrire une chanson sur son histoire. L’impact de cette chanson sur David, mais aussi sur ses parents adoptifs, fut tel que Luc Scheibling sentit qu’il avait mis le doigt sur quelque chose qui le dépassait. Il avait créé, de manière intuitive, un espace de rencontre et une démarche singulière capables, sous certaines conditions, de produire du changement. Il se mit alors à essayer de comprendre ce qui s’était joué, à formaliser ce «quelque chose» de manière à pouvoir le reproduire, puis éventuellement, dans un deuxième temps, le transférer à d’autres.

Oser la confiance et la parole authentique

C’est ainsi que Luc Scheibling créa en 1999 l’association « Laisse ton empreinte » qu’il définit comme un projet humaniste, vivant, avec des valeurs et une éthique se basant sur l’échange et la rencontre.
Le projet développé par l’association part d’un simple constat: aujourd’hui, dans notre société, et notamment dans les territoires les plus en difficulté, il y a un déficit de parole et de confiance. « Or , sans confiance , il n’y a pas de parole authentique , et sans parole authentique , il n’y a pas de changement possible , constate Luc Scheibling. Au contraire , on crée de la défiance , du repli , une forme de crispation . Et les préjugés s’installent …»
Entre 2000 et 2002, Luc Scheibling a réalisé près d’une centaine de chansons. Très vite, compte tenu des effets générés et de l’émotion dégagée par ses chansons, des institutions publiques de la région, des professionnels et de nombreux médias se sont intéressés à son travail.
En 2002, ses partenaires institutionnels l’incitèrent à réfléchir aux conditions de transfert de sa démarche originale. Ce qu’il fit avec l’aide de deux femmes venues rejoindre son association: Catherine Carpentier, ethnologue spécialisée dans le récit de vie, et Céline Martineau, spécialisée dans les domaines de la sociologie et de la culture. C’est ainsi que, petit à petit, l’équipe a développé des outils destinés à rendre publiques des thématiques particulières, comme la parentalité, les pratiques alimentaires, l’apprentissage de la vie ensemble et dernièrement, le malaise des jeunes.
Au fil du temps, Luc Scheibling a troqué sa casquette de chanteur contre celle… d’enquêteur. « Je pars enquêter sur un territoire , je vais là où les gens ont envie que j’aille . À partir de là , nous construisons progressivement quelque chose’ autour d’une thématique généralement large , comme c’est le cas pour le malaise des jeunes . Nous transformons ensuite tout ça en outil pédagogique . À travers notre travail , nous montrons que personne n’a de solution , mais que nous pouvons produire ensemble de l’intelligence collective et des pistes de réflexion qui permettent d’avancer

Une réponse à une demande pressante

Le documentaire sur le malaise des jeunes est né d’un besoin de parents et de travailleurs sociaux. « Après avoir réalisé et présenté un travail sur la parentalité pour la ville de Roubaix , de nombreux parents nous ont parlé des difficultés qu’ils rencontraient avec leurs adolescents . Beaucoup de travailleurs sociaux nous ont également fait part de leurs inquiétudes à ce sujet . C’est ainsi que la mairie de Roubaix nous a demandé de prolonger notre travail sur la parentalité , mais en mettant cette fois l’accent sur le malaise des jeunes
Pour mener son enquête, Luc Scheibling s’est rendu sur le terrain, vierge de toute influence, sans même passer par une librairie pour s’instruire sur la problématique du malaise des jeunes. Il a d’abord recueilli les témoignages de 45 professionnels (assistants sociaux, psychologues, infirmiers, animateurs de centre sociaux, éducateurs). Il a ensuite rencontré 32 jeunes issus de collèges, de centres sociaux et de clubs de prévention. Enfin, 23 parents, principalement des mères, lui ont confié leurs inquiétudes.

Diagnostic

« Ma rencontre avec les professionnels nous a permis d’établir un diagnostic assez fort sur l’effet de groupe , l’enclavement , l’isolement des jeunes , le manque de confiance en eux , raconte le réalisateur. Des questions plus sensibles sur l’histoire des parents immigrés ont aussi fait surface . Généralement , on ne parle pas de l’immigration car il s’agit d’une problématique que l’on ne sait pas aborder sans stigmatiser et qui contient beaucoup de colère et de ressentiment . Dans le film , des animateurs d’origine maghrébine ont pris la parole sur le sujet de l’immigration . C’était très intéressant
Parmi les parents rencontrés, peu de pères se sont manifestés. « Ils restent derrière , se cachent , ont peur . Certains pères m’ont dit avoir honte de ne pas y arriver avec leurs enfants . On voit bien que les mères s’occupent de leurs enfants , tout en étant dans une forme de relation fusionnelle où il y a de la surprotection . Le rôle du père est de couper le cordon , mais il ne parvient plus à le faire ou on ne le laisse plus faire
Voilà qui nous amène au cœur même du malaise des jeunes mis en mots par le film. Celui-ci a fait apparaître de manière frappante que les témoignages des parents, des professionnels et des jeunes se recoupent. Ce qui est plutôt bon signe en matière de recherche de solutions.

Quid du malaise ?

« Les parents veulent le meilleur pour leur enfant , constate le réalisateur. Mais ils sont assaillis par des tas de peurs : peur de la pédophilie , de la violence , de voir leur enfant mal tourner Certains nous ont raconté leur crainte de voir leurs enfants entrer au collège car ils savent que c’est à ce moment là qu’ils vont se mettre à déconner . La télé est aussi très anxiogène . Résultat : les parents ne lâchent pas leurs enfants tant qu’ils sont petits . Quand ils entrent au collège , ces préadolescents ne sont pas dégourdis et manquent de confiance en eux . Pour se rassurer , ils entrent dans un groupe …»
De leur côté, et on pourrait y voir un paradoxe, les jeunes estiment que les adultes ne sont pas suffisamment attentifs et ne les protègent pas assez. Mais ils expriment aussi leur besoin de ne pas être surprotégés par eux. Luc Scheibling fait bien la différence entre la protection et la surprotection. « La protection , c’est essayer de voir , de comprendre ce qui ne va pas pour y remédier ; c’est aussi faire en sorte que notre enfant puisse s’outiller pour faire face aux obstacles qu’il rencontre . La surprotection , c’est faire les choses à la place du jeune parce que , en tant que parents , on trouve le monde tellement flippant et les autres tellement méchants . En agissant de la sorte , les adultes coupent les ailes des enfants
Les ados demandent aussi aux adultes de leur montrer l’exemple et expriment leur besoin de règles pour éviter de partir en vrille, car la confiance ne suffit pas.
Ainsi, le documentaire aide à prendre conscience d’un processus dans lequel la peur des parents provoque de la surprotection, laquelle entraîne une immaturité et une mauvaise image de soi chez les jeunes. « Au bout du compte , l’adolescent ne va pas bien , il n’a pas confiance en lui . En réaction à cela , il a tendance soit à se replier sur lui même , soit à s’intégrer dans un groupe qui va progressivement l’isoler et qui peut le faire partir à la dérive . Or , pour rendre un enfant responsable et autonome , il faut lui faire confiance . Aussi les jeunes demandent ils aux adultes de leur faire confiance , tout en ne les laissant pas devant des choix qu’ils ne peuvent pas assumer et en ne les mettant pas dans des situations où les tentations sont trop fortes

Créer de l’intelligence collective

Luc Scheibling raconte que la prise de conscience de ce mode de fonctionnement chez les parents, cœur du malaise des jeunes, a encouragé les mamans à agir autrement.
« Elles ont fait l’effort de donner la clé de la maison à leur enfant . Elles l’autorisent à traverser la route , à sortir du quartier sans les accompagner systématiquement et sans être malades d’angoisse . Autant de détails qui permettent de grandir et de se sentir digne de confiance
Si nous avons tous un fond d’anxiété concernant l’avenir de nos enfants, le réalisateur constate qu’il n’y a rien de pire que d’être seul avec cette anxiété et de culpabiliser. « Cela ne permet pas d’avancer d’un pouce et on fait pire que mieux avec ses enfants . L’idée est donc de partager les peurs , les vécus pour produire de l’intelligence collective et une dynamique qui permette d’avancer , de cheminer ensemble dans un premier temps et ensuite individuellement avec nos enfants
Aussi, face à la peur des parents de voir entrer leurs enfants au collège, la question était de savoir comment agir pour qu’ils ne dérapent pas et éviter ainsi les risques de déscolarisation. « La solution consiste à les autonomiser et à les responsabiliser avant l’entrée au collège . Nous avons pris les choses dans l’autre sens
À propos de la responsabilisation, Luc Scheibling insiste sur la nécessité d’interpeller nos jeunes. « Les ados ont besoin d’être interpellés pour se responsabiliser . Surtout , ne pas les victimiser avec des paroles telles que Mon pauvre chéri , tu n’y arrives pas’ , ni être dans le déni et faire comme si tout roulait parce qu’on ne veut pas voir ni savoir . L’interpellation , c’est par exemple leur dire J’ai l’impression que tu es en train de déconner , que tu me racontes des carabistouilles à propos de ce que tu fais avec tes potes . Ne me prends pas pour un con’ . Bref , il faut sortir de la politique de l’autruche

Des mots pour soigner les maux

Tous les jeunes que Luc Scheibling a rencontrés lui ont parlé à cœur ouvert de choses personnelles et d’une manière extrêmement forte. « Ils crèvent de ne pas pouvoir parler . Il y a un manque d’espaces de parole terrible . C’est normal , les ados ont du mal à parler à leurs parents car c’est compliqué à l’adolescence . En même temps , les parents ont des messages à leur faire passer . Ils n’y arrivent pas car soit ils sont dans le conflit , soit ils ont l’impression que leur enfant ne peut rien entendre parce que ça l’angoisse parfois trop fort . Les parents sentent bien que les jeunes ne vont pas bien , mais ils ne savent pas décoder ce qui ne va pas . Pour comprendre leur malaise , il faut des espaces intermédiaires . C’est ce que je représente en tant qu’intervenant extérieur . Les jeunes ont pris la parole que je leur ai tendue . Cela les a aidés à exprimer des choses très fortes qui étaient en fait adressées à leurs parents ou aux adultes qui l’entourent
Colette Barbier
Renseignements complémentaires: Laisse ton empreinte, 187 Boulevard Victor Hugo, 59000 Lille. Site: https://www.laissetonempreinte.fr . Courriel: contact@laissetonempreinte.fr. Tél.: (00 33) 3 20 30 86 56.

Quand des «experts» patinent aussi avec leurs enfants… Ça rassure les parents sur leurs propres compétences!

Le film ‘J’ai deux trois petites choses à vous dire !’ mêle les témoignages réels des jeunes, parents et professionnels et les interventions d’un enquêteur, le Professeur Zoulouck, imaginé par Luc Scheibling pour rendre accessible le message contenu dans son film.
« Il s’agit d’un personnage très important car il s’occupe de la mise en scène et introduit une certaine distance par rapport à des choses choses difficiles à dire et à assumer publiquement . C’est le fil rouge des enquêtes : il construit le discours et vulgarise des notions généralement réservées à des spécialistes . Son côté tête à claques’ fait mouche auprès des parents et des jeunes . Il représente en effet , malgré lui , une certaine posture le donneur de leçons qui consiste à pointer avant tout les faiblesses des autres en prenant soin d’oublier de s’interroger sur ses propres travers . Mais là où le bât blesse , c’est qu’au cours de ses enquêtes , il finit toujours par être rattrapé par ses propres défaillances . Ainsi , bon gré mal gré , il finit par se lancer quelques petits défis personnels . Du coup , il en devient attachant , voire même source d’exemplarité en matière de changement dans le sens où on se dit Si un tel gugusse peut le faire , alors pourquoi pas nous’
Le professeur Zoulouck est supervisé par un second personnage, Charles-Henri Ronceval. « C’est un puits de science , spécialisé en tout , mais qui ne bouge pas de son bureau . Il envoie Zoulouck au charbon . Dans le film , on picote un peu Ronceval par rapport à ses défauts . Au niveau de l’éducation de ses propres enfants , on s’aperçoit qu’il ne réussit pas forcément mieux que les autres parents
Ces deux personnages aident les parents à sortir de la culpabilité et à oser se faire confiance, puisque même les experts rament et se trompent avec leurs enfants…

Quand l’alimentation passe à table

Le 30 Déc 20

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La première année du programme « Alimentation, santé, société, » subsidié par la Communauté française tire parti des expériences des programmes antérieurs de notre asbl (Zep santé, ‘Arts d’Écoles’, ‘Midis à l’école’, ‘À table les cartables’, ‘Carnets de voyage’) pour créer de nouveaux supports et poursuivre la diffusion d’outils mobilisateurs en promotion de la santé tant auprès des enfants et des jeunes que des adultes qui les accompagnent, à l’école ou dans d’autres lieux de vie.
Cordes a choisi de mettre l’accent sur l’alimentation pour activer la participation des élèves et répondre en même temps aux priorités politiques en matière de santé publique et de promotion de la santé. Le Plan national nutrition santé belge recommande en effet d’augmenter la consommation journalière de fruits et de légumes et le Plan «Attitudes Saines en matière d’alimentation et d’exercice physique» de la Communauté française met la priorité sur des actions de promotion de la santé auprès des enfants et des jeunes. Vu que les fruits et les légumes sont généralement trop peu consommés par ceux-ci (mais les adultes montrent-ils l’exemple?), les outils pédagogiques et de sensibilisation mettent l’accent sur cette thématique en s’adressant à différentes tranches d’âge. Servant à la fois d’«accroche» et de support, ils cherchent à motiver les enseignants et les autres acteurs éducatifs à se lancer avec leurs élèves dans des projets sur l’alimentation. Ainsi, le kit pédagogique «En rang d’oignons» pour introduire le sujet d’une manière imagée et ludique est diffusé depuis l’année scolaire 2008-09 (1). L’affiche didactique «Une année aux petits oignons» (exploitable à partir du 3e degré primaire) est diffusée depuis septembre 2011.
L’idée des fruits et légumes comme point de départ peut amener à parler des besoins, des habitudes de consommation, de l’environnement et des modes de production, notamment. L’outil «Jeu-test-santé» sous forme de set de table avec la brochure d’accompagnement «Set de table», diffusé depuis début 2010 permet justement, de manière à la fois individuelle mais aussi en échangeant avec le groupe, d’examiner les habitudes de repas en regard des groupes alimentaires et d’étudier comment les équilibrer davantage.
Les propositions de ces outils intègrent les démarches «santé» dans les activités d’apprentissage de la classe et favorisent aussi l’exercice de compétences correspondant aux missions de l’école.
Pour amener une démarche de promotion de la santé au sein de la classe, la stratégie de diffusion de ces outils est basée sur une procédure participative impliquant les élèves en suscitant leur curiosité. L’enjeu est double: mobiliser les enseignants et permettre aux élèves d’exercer ce «devenir acteur» pour qu’ils puissent – un jour – faire des choix plus favorables à la santé et à la santé collective. Toute simple en apparence, cette proposition invite à un travail collectif dans la classe, ce qui fait déjà contre-pied à la stratégie dominante au sein de l’école, basée fondamentalement sur l’individualisation des apprentissages et de la réussite. Pour obtenir l’affiche «Une année aux petits oignons» (2) pour la classe et d’autres supports pour poursuivre sur la thématique des fruits et légumes, la démarche va un pas plus loin qu’un simple courrier: les élèves doivent explorer et «produire» un petit dossier sur une des questions de l’affiche et nous l’envoyer.

Une stratégie qui porte ses fruits?

Pour mieux réaliser si ces diffusions contribuent à une mobilisation des classes et enseignants, nous avons examiné de plus près nos données à propos du kit «En rang d’oignons» et l’évolution du nombre de classes participantes c’est-à-dire qui ont fait cette démarche d’écrire une lettre collective à la Coordination Éducation & Santé pour l’obtenir.

Petites phrases de grands connaisseurs et méconnaisseurs en fruits et légumes 1
« J’aime mieux la salade sans trop de mayo
« Les petits pois sont trop petits
« J’en mange ( des fruits et des légumes ) parce que papa et / ou maman me le demandent
« J’en mange parce que j’ai envie
« J’aime pas le chou de Bruxelles parce que c’est horrible .».
« Je n’aime pas les légumes parce qu’ ils me donnent envie de vomir

Nous constatons (voir tableau 1) que pour l’année scolaire 2009-2010, le nombre de classes participantes a quasi doublé par rapport à 2008-2009, passant d’un peu moins de 200 à presque 400. Cet accroissement reflète le temps souvent nécessaire pour que l’information concernant les outils circule en milieu scolaire. Le partage d’outils pédagogiques et les échanges sur les pratiques de classe entre enseignants dépendent fortement des modalités de travail impulsées par les directions et des bonnes volontés et initiatives de chacun. Cette mobilisation est sans doute aussi le résultat d’un faisceau de circonstances favorables sur le plan structurel dont nous parlerons plus loin.

Tableau 1- Répartition des classes participantes «Rang d’oignons» par CLPS

CLPS

2008-2009 2009-2010 2010-2011
(jusqu’en février)
Total
Brabant wallon 22 29 1 52
Bruxelles 41 44 8 93
Charleroi 25 66 3 94
Hainaut Occidental 10 34 7 51
Huy 7 10 6 23
Liège 40 44 4 88
Luxembourg 9 46 10 65
Mons 12 31 25 68
Namur 11 43 18 72
Verviers 16 32 12 60
Autres (France, Vlaanderen) 1 3 1 5
Total 194 382 95 671

Source: Cordes asbl, mars 2011
La répartition par zone de territoire correspondant aux différents CLPS montre des hausses importantes de demandes pour la deuxième année dans la plupart des CLPS. Pour d’autres zones comme Bruxelles, Liège ou le Brabant wallon, la mobilisation déjà importante la première année s’est maintenue.
671 enseignants et éducateurs ont donc abordé la thématique des fruits et des légumes avec leur classe ou leur groupe avec comme objectif d’obtenir le kit pédagogique. 23 d’entre eux proviennent du milieu «hors scolaire». En effet, depuis 2009-2010, nous avons élargi notre champ de diffusion au secteur jeunesse et extrascolaire. Parfois même ce sont des élèves éducateurs ou enseignants en formation qui ont fait l’exercice de répondre à la question. Ou encore, ce sont des groupes d’adultes (collectif d’alphabétisation, adultes handicapés, parents…) qui utilisent l’outil pour aborder le sujet de la consommation des fruits et des légumes tout en menant des activités éducatives et de sensibilisation sur l’alimentation et la santé par exemple.

Petites phrases de grands connaisseurs et méconnaisseurs en fruits et légumes 2
C’est chouette quand on fabrique du jus
« J’en mange pour faire du sport
« Les fruits , j’en mange . Il faut en profiter avant qu’ils pourrissent
« J’aime parce que c’est juteux
« J’adore l’orange ses vraiment bon et surtous avec un sucre à l’intérieurre » ou encore « Je déteste la noix de coco , ses vraiment m’avais se gout , il est vraiment bizard se gout .» ( reproduit tel que rédigé )
« J’aime tous les légumes , les fruits et légumes et les fruits : j’aime tous les légumes parce que je ne sais pas pourquoi : la tomate , la carotte , un citron , un concombre , une courgette

L’outil pouvant être exploité avec des enfants plus jeunes, il n’est pas étonnant de constater que depuis son lancement, le palmarès des demandes est détenu par les classes maternelles (23%) suivies de près par le premier degré du primaire (22 %) puis par le deuxième degré du primaire avec 18 % . L’enseignement spécialisé représente une grosse part des classes participantes (19 %) tandis que les 5e et 6e primaires ne comptent que pour 8 % . Il faudra attendre la fin du programme pour mieux estimer si le nouvel outil «Une année… aux petits oignons» qui est davantage destiné aux plus grands, permet de les mobiliser sur le sujet des fruits et des légumes et ce de manière plus globale. L’affiche les interpelle en effet sur des aspects plus complexes touchant à l’environnement, à la production ou encore aux pratiques liées au repas et à la consommation.

Projet de classe ou projet d’école ?

Dans la majorité des cas (voir tableau 2), la mobilisation concerne une seule classe par école mais dans près de 20 % des écoles, ce sont deux classes qui se sont impliquées dans le programme. Effet de contagion à l’idée de recevoir un outil ou travail à plusieurs mains dans le cadre d’un degré par exemple? La question reste ouverte mais il est clair que la proposition «En rang d’oignons» permet d’embarquer bien plus qu’une classe. La première année, 21 écoles ont participé avec trois classes ou plus (soit 20% d’entre elles). En 2009-2010, ce sont 25 écoles (10%) qui ont participé avec trois classes ou plus. Et pour les 6 premiers mois de l’année scolaire 2010-2011, ce sont 12% des écoles participantes qui ont utilisé «En rang d’oignons» pour rassembler des énergies (et des élèves) sur le thème des fruits et des légumes.

Tableau 2 – Degré de mobilisation autour du kit «En rang d’oignons»

Mobilisation par école

Année scolaire
2008-2009
Année scolaire
2009-2010
Année scolaire
2010-2011 (jusqu’en février)
1 classe 63 % 68 % 71 %
2 classes 17 % 19 % 18 %
3 classes et + 20 % 10 % 12 %
Total classes 194 382 95
Total écoles 106 248 51

Source: Cordes asbl, mars 2011
Bien évidemment, si l’enseignant(e) continue d’utiliser le kit pédagogique (ce que nous espérons!) l’année suivante ou le prête à un(e) collègue nous n’en saurons rien sauf si l’idée d’obtenir le kit pour la classe et d’établir une correspondance avec Cordes pousse à faire la démarche. On ne sait pas si l’outil fut à chaque fois intégré à un projet plus global sur la santé ou l’alimentation. Mais le kit est motivant pour les enseignants qui mettent en place diverses activités autour du thème de l’alimentation comme par exemple l’écriture de poésies, la lecture de comptines, de recettes, mais aussi la réalisation de diverses plantations, la visite d’un potager, d’un magasin, l’analyse des étiquettes, des recherches sur l’origine alimentaire des produits. D’autres font des maths avec leur classe ou partent cueillir des plantes sauvages…
Quand les fruits et légumes s’invitent en classe, c’est pour la réalisation de préparations culinaires variées, selon les saisons: compotes, salades de fruits, confitures, jus de pomme ou encore la préparation de repas, de soupes. Ou encore lors des collations saines, des goûters d’anniversaires ou lors du développement d’un potager ou de plantation en pots.
Pour mieux comprendre les besoins des enseignants (3), des interviews et des questionnaires d’évaluation ont permis de relever la diversité dans leurs approches d’un outil. Peu d’entre eux ont intégré d’autres acteurs dans leur dynamique de classe alors que les propositions d’activités dans le kit pédagogique débordent de suggestions en ce sens. Parmi les points forts relevés par les enseignants, l’aspect attrayant du kit et la diversité des propositions pédagogiques sont cités. L’originalité du graphisme (appréciée par 30% des répondants) est compensée par la difficulté relevée par 40% d’entre eux d’identifier la totalité les légumes illustrés sur les cartes et/ou l’affiche.
Mais découvrir tous ces fruits et légumes et en parler, ça change quoi? Quels sont les effets remarqués par les utilisateurs de l’outil? Certains répondent que les enfants ont appris à mieux connaître les fruits et légumes ou remarquent qu’ils en consomment plus qu’avant. Les élèves connaissent les effets bénéfiques pour la santé, leur vocabulaire s’est enrichi. Une autre enseignante avance que cela a permis de lancer la discussion sur les vitamines et l’équilibre alimentaire, que les élèves prennent plus conscience de l’importance de ce qu’on mange, du temps de croissance, du rythme de la nature. Un utilisateur a souligné le fait que par l’utilisation du kit, «les élèves s’investissent plus, donc retiennent mieux». Voilà qui est déjà positif, mais encore insuffisant!

Parler des fruits et des légumes, c’est bien, en croquer, c’est mieux

Une belle conjoncture a permis de faire des synergies avec d’autres secteurs. En effet, des contacts et des collaborations se sont mises en place autour de la question des fruits et légumes avec les régions wallonne et bruxelloise dans le cadre du programme «Fruits et légumes à l’école» subsidié par l’Europe et par ces mêmes régions. La Communauté française, quant à elle, contribue à la mise en place de mesures d’accompagnement, dont la diffusion gratuite du kit «En rang d’oignons» et de l’affiche «Une année aux petits oignons» ou encore par la diffusion par le Centre de Lecture Publique, de l’ouvrage: «Petite bibliothèque gourmande» à laquelle nous avons contribué.
Déjà dans notre article de septembre 2008 (4), la distribution gratuite de fruits et légumes avait été évoquée soulignant combien cette éventualité d’alors – et réalité d’aujourd’hui – illustrerait «une manière de combiner les intérêts économiques avec les intérêts ‘santé’ du plus grand nombre». Une concrétisation de politiques publiques saines en quelque sorte.
Actuellement, les dernières statistiques transmises par la Région wallonne indiquent un total de 832 écoles inscrites au programme de distribution des fruits et légumes. Comme les outils Cordes sont référés sur le site des régions et que lors de nos envois d’outils aux écoles, nous faisons référence au programme, nous pouvons supposer que nos envois ont un impact sur ces inscriptions et vice-versa.

Tableau 3 – Pourcentage d’écoles «En rang d’oignons» (RO) participant au programme «Fruits et légumes à l’école» (F & L)

RO 2008 -2009 RO 2009 -2010 RO 2010 -fév 2011
F & L 2009-2010 33 % 32 %
F & L 2010-2011 27 % 32 % 46 %
Total 60 % 64 %

Source: Cordes asbl, mars 2011
Après un «pairage» entre les données des régions concernant les écoles Fruits et légumes et nos données concernant les classes participantes Rang d’oignons, nous avons pu établir que bon nombre d’écoles participent à la fois au programme Fruits et Légumes à l’école et à la démarche Rang d’oignons. Pour 60 % des écoles participant à la démarche RO déjà en 2008, l’inscription au programme F & L s’est faite en 2009-10 (33 %) tandis que 27 % l’ont fait en 2010-2011. Ce pourcentage monte à 64 % pour les écoles qui ont des classes mobilisées en 2009-2010 par l’outil «En rang d’oignons». Ce qui laisse entendre que bon nombre de classes profitent de cette occasion de consommer des fruits et des légumes gratuitement, permettant ainsi de «joindre le geste à la parole». Par ailleurs, cette opportunité peut leur permettre d’entrer en contact avec des producteurs locaux et d’exploiter davantage ce thème en abordant par exemple les produits de saison et les modes de production.

Petites phrases de grands connaisseurs et méconnaisseurs en fruits et légumes 3
« Ca me fait penser aux vacances
« Pourquoi c’est bon de manger des légumes ? Parce qu’on devient fort ».
« Les carottes , j’en mange parce que maman les prépare bien
« Le chou fleur sent mauvais
« Les pommes , ça casse les dents qui balancent
« Les fruits , je ne les aime pas mais je sais que c’est bon pour la santé alors je les prépare en jus

Comme l’ont annoncé les régions, ce programme de distribution se voit élargi aux classes maternelles à partir de l’année scolaire 2011. Manger des fruits et des légumes en classe offre l’avantage d’une situation collective qui donne l’occasion à des enfants de découvrir des fruits ou des légumes qu’ils n’ont pas encore eu l’occasion d’apprécier. Ce qui peut les encourager parfois davantage que les discours parentaux qui se verront ainsi enfin récompensés par l’«épreuve du goûter» enfin réalisée! Par ailleurs, la confrontation des avis de chacun des élèves «en situation de goûter», permet parfois – comme par magie – d’élargir la palette des goûts des élèves.
Et qui sait si à plus ou moins long terme, ces discours et pratiques sur les fruits et les légumes n’influenceront pas les modes de consommation au sein des familles et les menus proposés dans les cantines scolaires? On peut même imaginer, par exemple, au travers de ces rapprochements entre producteurs et consommateurs, que des parents soient encouragés à se joindre à des groupes d’achats collectifs ou à des groupes d’achats solidaires avec l’agriculture paysanne contribuant ainsi à réduire les coûts en amenant des légumes et fruits de saison en direct du producteur dans les assiettes de manière régulière, évitant ainsi les nombreuses tentations des surfaces commerciales.
Ces deux dernières années scolaires, 354 écoles ont mobilisé des classes autour du kit «En rang d’oignons». Parmi celles-ci, nous avons identifié 220 écoles participant au programme de distribution de fruits et de légumes. Une complémentarité qui a tout à gagner pour influencer la consommation des élèves que ce soit à cours ou à long terme.
Derrière ces chiffres, il y a ce lent tissage à la Pénélope pour diffuser nos outils auprès des autres secteurs et des différents niveaux de pouvoir. Ce qui est en cours montre que ce travail de plaidoyer pour faire connaître les principes de la promotion de la santé n’est pas inutile et au contraire qu’il contribue à la mise en œuvre des synergies qui peuvent avoir un effet favorable sur l’un ou l’autre déterminant de la santé. Nous plaidons pour ces «offensives» tout azimut dans différents secteurs car nous gagnons autant à connaître ce qui se fait ailleurs ainsi que les stratégies mises en place qu’à faire connaître nos réalisations et les stratégies participatives du secteur de la promotion de la santé «si mal nommée».
Cristine Deliens , coordinatrice de la Coordination Éducation & Santé asbl (Cordes asbl)
Adresse de l’auteure: avenue Maréchal Joffre 75, 1190 Bruxelles. Tél et fax: 02 538 23 73. Courriel: c.deliens@cordes-asbl.be (1) Voir à ce sujet l’article de la revue Éducation Santé n° 255 «Manger, un écolage passionnant» dans lequel sont présentés les outils «En rang d’oignons» et «Set de table». Le site https://www.pipsa.be présente une analyse de ces deux productions de notre asbl.
(2) Cet outil est présenté dans Éducation Santé n° 260 ainsi que sur le site de https://www.pipsa.be .
(3) Voir l’article ‘La santé à l’école au travers des pratiques éducatives’ , par Virginie Vandermeersch, Éducation Santé n° 261, novembre 2010.
(4) ‘Voyagez toute l’année… sur le thème des fruits et légumes !’ .

La santé mentale, ça se soigne ou ça se fête ?

Le 30 Déc 20

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Le 10 décembre 2010, le Service de Santé mentale (SSM) du CPAS de Charleroi célébrait ses 30 ans. L’occasion de fêter ça très sérieusement, en organisant un colloque au menu de circonstance: deux interventions en plénière, six ateliers…
Dans le prochain numéro d’ Éducation santé , vous pourrez lire un article de Colette Barbier consacré à l’exposé du psychiatre Serge Tisseron , qui s’était partagé la plénière du matin avec le sociologue Alain Ehrenberg . Précisons seulement qu’il leur est revenu la tâche difficile, à la suite du Président du CPAS et de la Ministre en charge de la Santé en Région wallonne, d’animer une salle confrontée à des conditions d’écoute et d’échange spartiates, en l’absence bien involontaire de chauffage!
Un feu de bois, un repas, un (ou deux) verre(s) de vin plus tard, les ateliers devaient favoriser les échanges avec les participants, à partir des pratiques des équipes du SSM. En voici les intitulés:
-quand Internet interroge la prise en charge en santé mentale;
– le travail thérapeutique sous injonction judiciaire: est-ce possible;
-panser les parents… penser les enfants: soutien à la parentalité au sein d’un SSM avec des familles en rupture de lien;
donnez-moi et je serai . Patient-thérapeute, qu’en est-il de la singularité de leur rencontre aujourd’hui?
-la place et l’usage des médicaments dans un SSM;
-approche communautaire, promotion de la santé… Quelle im-pertinence en santé mentale!?
Les thèmes traduisent déjà la variété des questions qui occupent les équipes d’un service de santé mentale et colorent les Regards sur la santé mentale , titre de cette journée anniversaire. Nous proposons de pousser la porte de l’atelier 6, co-animé par l’équipe Prévention/Promotion de la santé du SSM du CPAS, et l’équipe ‘communautaire’ du SSM bruxellois Le Méridien . Bien qu’il fut trop rarement le premier choix des professionnels mobilisés par la santé mentale, nous osons croire que cet atelier a la préférence des lecteurs d’ Éducation Santé

Promotion de la santé, approche communautaire, tout se joue dans la rencontre…

En avril 2009, l’équipe Prévention/Promotion de la santé du SSM du CPAS de Charleroi entamait son deuxième programme quinquennal de promotion de la santé. Il s’adresse aux adultes relais professionnels ou non professionnels de la famille, du quartier et de l’école.
Ce programme a pour finalité de soutenir la capacité des relais à promouvoir le bien-être des publics «jeunes» (à partir de 6 ans), en proposant par exemple des pistes d’action sur l’estime de soi des enfants ou des adolescents, en développant une sensibilité et des repères pour construire avec les jeunes des relations et un environnement épanouissants (sécurisants, sources d’apprentissage, solidaires, etc.). Cette démarche situe les conduites à risque , les consommations par exemple (1), dans une perspective plus large et positive de promotion de la santé. L’accent est mis sur les facteurs de protection de la santé individuels (estime de soi, compétences sociales), collectifs (participation à des projets) ou environnementaux (offre de services, aménagement ou convivialité dans le quartier)…
Les activités de l’équipe Prévention/Promotion santé comprennent la sensibilisation, la formation, l’accompagnement de projet mais également le lobbying (plaidoyer). Prenant appui sur l’identité et les ressources multiples du CPAS, l’équipe déploie aussi ses activités dans la «Maison des parents» de Dampremy ou l’«Espace jeunes» de La Docherie, projets menés sur deux des trois Espaces citoyens du CPAS. Les Espaces citoyens implantés à Dampremy, Marchienne-Docherie et Marchienne-au-Pont, privilégient une approche communautaire pour leurs activités éducatives, psycho-sociales ou d’aide à la réinsertion.
Une rencontre toute naturelle s’est donc opérée entre équipe, objectifs et stratégies de promotion de la santé d’un côté, et de l’autre côté, ressources, expériences et publics des Espaces citoyens qui vitalisent l’approche communautaire à Charleroi. Deux membres de l’équipe Prévention/Promotion santé se trouvent d’ailleurs à l’Espace citoyen de Dampremy.
Les 30 ans du SSM offraient une belle occasion d’illustrer une rencontre, qui se joue premièrement au sein d’un Centre Public d’Action Sociale, en y conviant ensuite – quoi de plus normal pour un anniversaire? – d’autres acteurs liant santé (mentale) et approche communautaire.
Il s’agit cette fois de membres de l’équipe Communautaire du SSM Le Méridien . Cette équipe «développe et fédère des pratiques qui visent à renforcer les solidarités dans les quartiers et la capacité d’autonomie des populations face aux problèmes de santé mentale (2)». Créée en 1994, l’équipe communautaire du Méridien avait pour vocation première «la sensibilisation et la formation de professionnels à des méthodes de santé mentale communautaire et d’animation de groupes d’habitants du quartier (Saint-Josse)»… Elle s’est progressivement muée en «collectif de professionnels partageant des pratiques et valeurs similaires: autonomie, proximité, entraide, empowerment , action collective, politique, etc.». Aujourd’hui, l’équipe anime notamment une «Plate-forme sur l’articulation des démarches cliniques et communautaires dans les SSM». Le travail d’échanges et de réseautage entre professionnels prend appui sur la présentation des projets des uns et des autres et vise à mieux cerner les contours de l’approche communautaire en santé mentale, afin d’en renforcer in fine la (re-)connaissance.
Ce 10 décembre 2010, les équipes Prévention/Promotion de la santé du CPAS de Charleroi et Communautaire du Méridien s’associaient pour explorer en atelier la question suivante: en quoi les démarches communautaires ou de promotion de la santé peuvent-elles contribuer à la santé mentale des populations? Dit autrement: en quoi sont-elles pertinentes ou impertinentes en santé mentale?

Santé mentale d’ici et de là-bas…

Pour démarrer l’atelier, rien de tel que de se donner un cadre définitoire, et de mettre pour ce faire les participants au travail! Qu’entend-on par «santé mentale»? Et en se mouillant un peu plus, «si on vous demandait de compléter la phrase: Pour moi , être en bonne santé mentale c’est …, qu’auriez-vous envie de dire»?
Voici un florilège des réponses données par les participants (médecin, psychologues cliniciens ou chercheurs, acteurs de promotion de la santé de première ou deuxième lignes…) :
– «… se sentir soutenue, avoir confiance en soi, écouter ses émotions»;
-«… parler, rire, être à l’aise, râler et le dire»;
– «… avoir le sentiment d’avoir une place distincte des autres, dans mon travail, dans la société en général, être en accord avec mes valeurs, avoir des projets, être en capacité de faire face aux difficultés…»;
– «… parvenir à organiser tous les domaines de ma vie, communiquer de manière sereine et bienveillante avec mes proches, être acceptée telle que je suis…»;
-«… se sentir apaisé, libre de toute pression».

Et «côté publics», comment des jeunes d’un quartier de Charleroi ou des femmes résidant à Saint-Josse (Bruxelles) répondent-ils à cette question?À la Docherie, ancien quartier ouvrier, des jeunes de 12 à 18 ans fréquentant le projet «Espace Jeunes» disent «être en bonne santé mentale, à condition de…»
– «… courir, faire du sport»;
– «… dormir»;
– «… sortir avec des amis»;
– «… ne pas rester seul»;
– « …aller sur Facebook»;
– «… ennuyer les filles».
À Bruxelles, des femmes dont certaines sont en attente d’une régularisation de leur situation administrative et de séjour, disent pouvoir «être en bonne santé mentale, à condition de…»
– «… ne pas devoir vivre cachée car on est sans papier»;
– «… pouvoir assurer que les enfants vont bien à l’école»;
– «… avoir des nouvelles de sa famille restée au pays».
Toute personne recèle des images, des vécus, des idées… Bref, se représente la santé mentale. Tributaires des contextes, ces représentations constituent, en promotion de la santé et dans une démarche de santé communautaire, le premier médium de la rencontre avec le public (et entre les individus qui le composent). Le recueil des représentations permet en quelque sorte de se rapprocher de l’ici-maintenant des personnes, pour entamer la démarche avec elles, au plus près des préoccupations, du langage et des priorités de chacune, et de chacune dans le groupe… L’articulation entre individu et collectif(s), l’aller-retour régulier entre les deux, est rappelons-le l’un des enjeux fondamentaux de la promotion de la santé et, plus spécifiquement, de l’approche communautaire au service de l’amélioration du bien-être.

Deux définitions pour (encore) plus de santé mentale

Si l’on a forcément des images ou certaines idées à propos de la (bonne) santé mentale, les confronter aux définitions d’«experts» peut enrichir ce premier trésor de représentations.
En promotion de la santé, l’OMS reste une valeur réflexe . Elle définit la santé mentale, comme «un état de bien-être qui permet à chacun de réaliser son potentiel, de faire face aux difficultés normales de la vie, de travailler avec succès et de manière productive et d’être en mesure d’apporter une contribution à la communauté».
Une définition volontaire qui projette la santé mentale hors de la pathologie (3), dans un élan «positiviste», censé faciliter la projection (dans ce que l’on souhaite comme individu ou collectif), la définition de buts («La santé pour tous!»), l’espoir (un moteur individuel et collectif) et la mobilisation (des personnes et des États).
En ces temps de crises (4), face à ceux qu’on nomme les «laissés-pour-compte-de-la-société», quand « l’aide sociale» se mue en « action sociale» (5), la définition de l’OMS peut soudainement revêtir d’étranges relents de libéralisme: «potentiel», «succès», «productivité», «contribution»… S’ils doivent être replacés en contexte et dans l’évolution des approches en santé, ces mots pourraient aujourd’hui résonner comme autant d’injonctions à être heureux, à réussir sa vie et/ou celle des autres, à produire, etc.
Nous avons donc cherché une autre vision, née justement du regard d’un professionnel en santé mentale, portant une attention particulière aux déterminants sociaux… Le psychiatre français Jean Furtos , cofondateur et Directeur scientifique de l’Observatoire national des pratiques en santé mentale et précarité (ONSMP (6)), propose une définition de la santé mentale humaniste, qui laisse notamment place à la souffrance: « Une santé mentale suffisamment bonne est définie par la capacité de vivre et de souffrir dans un environnement donné et transformable , sans destructivité mais non pas sans révolte ». Furtos formule encore d’autres jalons, que d’aucuns en promotion de la santé appelleraient «life skills» (compétences de vie), il s’agit de: « la capacité de vivre avec autrui , de rester en lien avec soi même et de pouvoir investir et créer dans cet environnement , y compris des productions atypiques et non normatives ».

Le 10 décembre dernier, dans l’atelier 6, la confrontation à ces deux définitions a eu un effet d’apaisement… Comme si l’essentiel avait été dit pour concevoir la santé mentale dans toute sa densité. Mais j’entends déjà s’élever la voix des plus pragmatiques, avec cette interpellation: «Et concrètement, que peut-on faire pour agir sur la santé mentale? Et comment?». Porter le regard du côté de la pratique des équipes ‘communautaires’ et ‘prévention/promotion de la santé’ vaut sans doute mieux qu’un trop long discours…

L’illustration par l’approche communautaire (Le Méridien)

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Contexte: anti-psychiatrie et déterminants sociaux de la santé mentale

Le SSM Le Méridien est né dans le giron du courant ambulatoire des années soixante et de la psychiatrie sociale. Il est situé dans la commune de Saint-Josse-ten-Noode (à Bruxelles), l’une des plus pauvres de Belgique. Les quartiers qui la composent hébergent des populations diversifiées au niveau social, culturel et économique. Le Méridien a rapidement mis en place, à côté des consultations de guidance et de psychothérapie, une équipe communautaire chargée de développer une démarche abordant la santé mentale par un autre biais que la pathologie. En effet, dans ces quartiers populaires, les problématiques rencontrées dans les consultations dépassent en général le cadre d’un travail thérapeutique classique: problèmes de logement, de non-emploi, d’exclusion sociale, etc.

Des finalités et des méthodes au croisement de l’éducation populaire, de la mobilisation politique et de la promotion de la santé

Le projet de l’équipe communautaire du Méridien s’est inspiré des principes développés par le Brésilien Paulo Freire , initiateur du courant de l’éducation populaire (années 60), qui visait à rendre une communauté capable de s’organiser et d‘agir sur ses conditions d’existence. Sa méthode visait à apprendre aux personnes dominées à saisir les rapports sociaux dans lesquels elles s’insèrent et les structures qui sont sources d’inégalité sociale. Il s’agit aussi de rechercher les causes historiques et sociales des situations douloureuses et de développer des actions pour transformer cette réalité sociale. L’originalité de la démarche du Méridien réside dans l’application de la méthodologie d’éducation populaire dans le champ particulier de la santé mentale. Une part importante du travail de groupe avec des habitants est en effet centrée sur l’élaboration des expériences de vie personnelles, familiales et communautaires, sur la mise en place d’espaces de paroles et de narration. Cette méthodologie doit permettre le passage d’un travail de développement personnel vers des actions collectives, un passage du «je» vers un «nous» groupal, puis vers un «nous tous», les êtres humains.
Autre outil de référence, la grille de José Bengoa (8), anthropologue et philosophe chilien. En invitant à circuler à travers quatre axes de travail en groupe (identité, modernité, participation et changement social), Bengoa permet d’articuler souffrances singulières, problématiques collectives et actions de changement social.
La conception du travail communautaire du Méridien s’enracine également dans l’histoire sociale de Bruxelles et dans une conception qui lie clairement travail social et luttes politiques. Elle se relie aussi aux principes de la déclaration d’Alma Ata: approche globale de la santé, santé pour tous, participation individuelle et collective des citoyens à la planification et la mise en œuvre des soins de santé (OMS 1978) et de la Charte d’Ottawa (1986). Plus récemment, elle intègre les considérations sur la «souffrance sociale», portées notamment par Jean Furtos (cf. supra).

Une méthodologie en 4 étapes pour agir collectivement en santé mentale…

(9)
1.Le diagnostic groupal: une fois constitué et en confiance, un groupe de participants (habitants par exemple) «décide ensemble des thèmes à aborder, à partir des préoccupations, des problèmes et des désirs de changement des participants».
2.La mise en commun des savoirs expérientiels: organisés «en groupes restreints, les participants partagent les expériences vécues liées au thème choisi, en se centrant sur les émotions, les difficultés rencontrées et les ressources mobilisées (…) Cette étape favorise l’émergence d’un sentiment d’appartenance communautaire».
3.La contextualisation: les éléments rapportés par les sous-groupes sont resitués «en regard du contexte social. Cela permet de passer à une analyse plus collective des situations vécues, puis de réintégrer cette analyse dans le vécu du sujet (…) Ce qui aide à dépasser les sentiments de culpabilité, de victimisation ou d’impuissance.
4.L’action collective: cette étape renvoie à « la mise en acte au niveau interpersonnel et collectif: «(…) Quel impact pouvons-nous avoir au-delà des membres du groupe, sur notre quartier ou nos communautés d’appartenance (…)? Comment pouvons-nous arriver à un changement social?»

Un exemple en cours actuellement : la mise sur pied d’un Conseil consultatif des femmes à Saint-Josse-ten-Noode

L’équipe Communautaire du Méridien travaille notamment auprès d’un groupe de femmes qui se réunit depuis plusieurs années dans la commune. Il faut en effet du temps pour qu’un groupe puisse se mobiliser et se fédérer dans l’action. Il est par exemple essentiel que les individus qui le constituent puissent jouir d’une sécurité de base (logement, soins et revenus). À Saint-Josse, s’inspirant du Conseil Consultatif des Seniors, les femmes côtoyées par l’équipe communautaire du Méridien ont souhaité se mobiliser de la sorte, en vue de mettre plus largement en débat les sujets qui les animent et de faciliter l’expression de propositions concrètes au niveau communal. Les échevines concernées ont alors marqué leur intérêt pour la formule. L’aventure est en marche aujourd’hui et l’équipe Communautaire du Méridien ne manquera pas d’y revenir, avec le recul nécessaire pour faire état de la maturation progressive de la démarche et des éventuelles leçons à en tirer…

L’illustration par la promotion de la santé en lieu de vie (CPAS de Charleroi)

Contexte: une campagne de prévention nationale vue de Charleroi…

Croisant la demande des éducateurs du projet «Espace Jeunes» de la Docherie (quartier de Marchienne) qui souhaitaient aborder la question des consommations (d’alcool), avec l’actualité de la deuxième campagne nationale d’Information sur l’Alcool et les Autres Drogues (IDA, 2009), l’équipe Prévention/Promotion de la santé a accompagné Espace jeunes dans l’élaboration et la co-animation de rencontres avec les jeunes du quartier. Le tout s’est mis en place avec le concours du Point d’Appui Assuétudes du CLPS de Charleroi-Thuin.
Espace Jeunes est un projet de l’Espace citoyen de la Docherie, et fonctionne à la manière d’une «maison de quartier». Les jeunes (12 à 18 ans et plus) y participent à des projets/activités de loisirs/détente, à vocation éducative ou citoyenne… Certaines activités réalisées au bénéfice de la collectivité (embellissement du quartier, encadrement de l’École de devoirs, etc.) peuvent permettre aux jeunes d’obtenir un défraiement en tant que volontaires, ou de réunir ensemble un petit bénéfice qui sera ensuite réaffecté à un autre projet…
Les rencontres «Santé, consommations et alcool» se sont inscrites dans cette dynamique, en proposant à une quinzaine de jeunes de pré-tester, sous le statut de «jobistes» (volontaires défrayés) , des «activités santé» destinées à d’autres personnes de leur âge (15 ans et plus)… L’idée était également de consigner ces activités sur une fiche d’animation à l’usage des relais éducatifs et donc, au profit d’autres jeunes en Communauté française.

Objectifs: renforcer les compétences-santé des jeunes

De manière générale, il s’agit de faire prendre aux jeunes une part active dans l’élaboration d’un outil de sensibilisation relatif aux consommations d’alcool. Ce qui permet déjà d’augmenter leur pouvoir d’action sur leur santé (10). Plus spécifiquement, les rencontres «Santé, consommations et alcool» souhaitaient renforcer et exercer des compétences aussi transversales que: la connaissance de soi, la capacité d’analyse et de recul, la capacité à exprimer ses émotions, à faire valoir son opinion… Des compétences à mettre également au rang des «life skills» («compétences de vie» ou «… à la vie » , «aptitudes à la vie quotidienne»).

Activités réalisées: variété et complémentarité des techniques

Trois rencontres se sont déroulées en avant-soirée dans le restaurant social du quartier. Elles ont conjugué un photo-langage pour faire connaissance (capacité à parler de soi); un brainstorming au départ des deux séquences de la campagne IDA 2009 relatives au « binge drinking », et la structuration des débats autour des pôles «produit-personne-environnement» (capacité d’analyse et de compréhension du processus de consommations); et, enfin, des jeux de rôles au départ de situations de consommations vécues par des jeunes (entraînement de la capacité de négociation, de prise de distance par rapport aux pressions de groupe, etc.).
Cette démarche a permis également aux animateurs (éducateurs relais et partenaires) de transmettre des éléments d’informations à propos des consommations, mais aussi sur d’autres thématiques-santé abordées: l’alimentation, les relations parents-enfants, les relations amoureuses, etc.

Et aujourd’hui, que reste-t-il de tout ça ?

Très concrètement d’abord: une fiche d’animation «À ta santé!, Santé , consommations , alcool , des idées pour en parler avec les jeunes » est mise à la disposition des relais éducatifs, y compris en milieu scolaire (11).
Dans le quartier de la Docherie, Espace Jeunes poursuit l’organisation de rencontres «thématiques» avec les jeunes du quartier, pour exercer et installer davantage les «fameuses» compétences-santé… Actuellement, sur base des centres d’intérêt de la petite vingtaine de jeunes (12 à 18 ans et parfois plus) fréquentant le projet «dochard», un cycle d’activités s’organise autour de la violence. Après avoir exprimé leurs représentations à ce sujet, les jeunes ont été invités à visionner les 40 premières minutes du film de Clint Eastwood «Gran Torino» (40 minutes seulement, quelle frustration!)… Deux intervenantes du Service de médiation scolaire (SMSW) de la Communauté française ont pris le relais pour faciliter échanges et activités visant:
-la prise de recul des jeunes face aux situations, attitudes et comportements violents (les leurs, ceux des autres), pour en comprendre les déterminants, en mesurer aussi les conséquences éventuelles;
-la découverte d’outils/techniques permettant la régulation de l’impulsivité;
-la découverte d’intervenants/ressources utiles dans ce domaine (comme le Service de Médiation Scolaire en Wallonie par exemple);
-l’élaboration collective de règles ou d’une «Charte du vivre ensemble» pour l’Espace jeunes. Ce qui permettra aux éducateurs de reprendre leur place dans les échanges et dans la conduite des activités avec les jeunes qu’ils côtoient quasi quotidiennement…

Dans ce processus continu, l’équipe Prévention/Promotion de la santé du SSM du CPAS de Charleroi, vit parfois de près (observation, appui à la construction et à l’animation), mais souvent de plus loin (debriefing, recherche de partenaires, appui au suivi, etc.), cette démarche de promotion de la santé dans le quartier. Une réunion récente avec les éducateurs a permis d’en appréhender quelques traces ou impressions sur l’environnement de l’Espace Jeunes de La Docherie:
-les paroles des jeunes qui ont émergé lors d’un photo-langage sur le bien-être/la santé mentale sont affichées et piquent la curiosité des jeunes qui passent… ils en parlent!
-les éducateurs foisonnent d’idées pour poursuivre le travail sur «la violence» («ça vaudrait la peine d’y consacrer une année»), mais vue plutôt sous l’angle de la relaxation («Soyons zen», «Be cool») et en explorant différents médias: musique, peinture, théâtre…
-on pense à rendre toute cette activité plus visible dans le quartier… Des liens sont faits avec les activités sportives qui peuvent aider à évacuer les tensions, toute cette énergie (si visible chez les garçons)… Qui prétendra encore que ceci ne relève pas de la santé mentale, une «certaine» santé mentale? Dit à l’anglaise, un bien-être qui commence dans le care («prendre soin de») et avant le cure («soigner/guérir»). Une santé où l’on réveille et entretient tout ce qui protège, par exemple, des «bitures» à répétition, ou des «pétages de plombs» qui dégénèrent…: estime de soi, savoir-être relationnels, connaissance et utilisation des ressources de santé, identification des adultes de confiance ou autres «tuteurs de résilience», etc.

À vous de nous dire…

De retour dans l’espace-temps de l’atelier 6, ce fameux 10 décembre enneigé à Marcinelle, on a enfin redonné la parole aux participants. Que pensaient-ils de ces pratiques en santé communautaire et promotion de la santé? En quoi relèvent-elles de la santé mentale? Le temps nous manquait, mais nous avons quand même recueilli quelques éléments de réponse, nous invitons les lecteurs d’Éducation Santé à les compléter, les nuancer…
Approches communautaires et de promotion de la santé «collent» assez avec le cadre définitoire de la santé mentale, tant celui des participants, des publics, que celui des (autres) «experts». Reste évidemment à assumer ce cadre extensif et à le diffuser (à ceux qui n’étaient pas dans l’atelier par exemple…).
L’inscription de ces approches dans le vécu des personnes et des collectifs, leur caractère prospectif (dépasser la difficulté, partager un objectif/sens et se mettre en action pour y arriver ensemble…), recèlent un potentiel thérapeutique/soignant .
À la manière des approches systémiques ou complexes, elles ont un puissant pouvoir de «reliance»: entre des personnes, des niveaux d’intervention, des lieux de vie différents, des préoccupations et des pratiques ou profils professionnels… Un peu comme la vie elle-même finalement.
Ce pouvoir de reliance dont l’impact n’est sans doute plus à prouver sur la santé mentale des personnes et des groupes, est sans doute plus difficile (impossible?) à faire refléter par un dispositif (décrets, financements, politique(s))… Alors en attendant ou en demandant mieux, des acteurs bricolent cette cohérence au quotidien.
En conclusion, permettons-nous d’imaginer la rencontre des ressources et leur conjugaison pour que de si beaux et créatifs «bricolages» en santé mentale se muent en un édifice aussi souple et humble que l’on peut rêver l’humain, par exemple. À vous/nous de jouer!
Emmanuelle Caspers , Coordinatrice de l’Équipe Prévention/Promotion Santé- SSM du CPAS de Charleroi, avec la collaboration de Nathalie Thomas pour l’équipe Communautaire du SSM Le Méridien .
Adresse de l’auteure : Service de santé mentale du CPAS de Charleroi, Faubourg de Charleroi 7, 6041 Gosselies. Courriel : emmanuelle.caspers@cpascharleroi.be
(1) L’équipe Prévention était auparavant intégrée à l’équipe Toxicomanies/Assuétudes du SSM du CPAS de Charleroi.
(2) Propos de Nathalie Thomas repris du site du Méridien consacré à la Santé communautaire, cf. https://www.meridien-communautaire.be/index.html , rubrique «collectif».
(3) Tout comme auparavant la santé s’est trouvée présentée par ce qu’elle est (un état, puis une ressource), et non plus uniquement par ce qu’elle n’est pas (une maladie).
(4) Il est vrai qu’on met aujourd’hui la «crise» à toutes les sauces: elle est sociale, économique, éducative, sociétale… Ce qui peut, tout en reconnaissant la nécessité d’une vision complexe, flouter quelque peu les déterminants fondamentaux de ces situations de crise…
(5) On dit désormais Centre Public d’ Action Sociale et non plus d’ Aide Sociale.
(6) «Fondé en 1996, l’Observatoire régional Rhône-Alpes sur la souffrance psychique en rapport avec l’exclusion (ORSPERE) devient en 2002, au regard de ses activités nationales, l’Observatoire national des pratiques en santé mentale et précarité (ONSMP). Il s’adresse à un public de professionnels du champ sanitaire et social qui, dans l’exercice de leur fonction, sont confrontés à la souffrance psychique, génératrice d’exclusion sociale et/ou d’altération de la santé mentale », extrait du site de l’ONSMP-ORSPERE, https://www.orspere.fr/Presentation-de-l-orspere/#1
(7) Éléments de présentation repris du site https://www.meridien-communautaire.be/declaration_meridien_communautaire.html et complétés de la présentation réalisée par Nathalie Thomas et Namur Corral lors de l’atelier du 10 décembre 2011.
(8) Voir notamment les articles et documents relatifs à José Bengoa sur le site du Centre de formation pour le développement et la solidarité internationale Iteco, sur https://www.iteco.be/spip.php?page=recherche&recherche;=bengoa
(9) Extraits du dossier Bruxelles Santé n°60, pp 11-14, décembre 2010, nous soulignons. Téléchargeable sur https://www.questionsante.org/03publications/charger/bxlsante60.pdf
(10) La fameuse définition de la promotion de la santé…
(11) Elle peut être commandée au 071 53 26 44 ou au 071 20 24 42.

Augmentation des accises du tabac : plus de revenus et moins de fumeurs

Le 30 Déc 20

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Une augmentation des revenus fiscaux liés au tabac peut faire entrer de 200 à 300 millions d’euros dans les caisses de l’État.
En 2009, 11.617 millions de cigarettes et 7.548 tonnes de tabac à rouler ont été vendus en Belgique. En augmentant le prix de ces produits de 40 à 50 centimes, l’État pourrait engranger de 200 à 300 millions d’euros. Augmenter le prix des produits du tabac permettrait de gagner sur deux tableaux: une baisse des ventes avec un impact positif sur la santé publique et une augmentation des revenus fiscaux positive pour le budget.
Chaque année, environ 18.600 personnes décèdent en Belgique des conséquences du tabac. La Coalition Nationale contre le Tabac propose d’augmenter les taxes – et plus précisément les accises spécifiques – sur les produits du tabac dans le but de décourager la consommation de tabac auprès des jeunes et des personnes en situation précaire.

Plus d’argent

Concrètement, la Coalition propose d’augmenter les taxes sur les paquets de cigarettes de 20 unités de 40 centimes et celles sur les paquets de tabac à rouler de 50 grammes de 50 centimes. Ces mesures ont l’avantage supplémentaire de faire entrer plus d’argent dans les caisses de l’état. En effet, si les ventes restent constantes, une telle hausse dégagerait environ 307 millions d’euros. Si les ventes baissent de 5%, la somme engrangée s’élévera encore à 200 millions d’euros.

Bénéfique pour la santé publique

Le prix du tabac joue un rôle déterminant dans la décision de fumer, surtout auprès des jeunes et des personnes défavorisées. Selon la Banque mondiale, une hausse des prix constitue la mesure la plus efficace pour décourager la consommation. Lorsque les prix augmentent de 10%, on observe une diminution de la consommation d’environ 4%.
La plupart des pays de l’Union européenne taxent nettement moins le tabac à rouler que les cigarettes. Amener les taxes au même niveau pour ces deux produits permettrait d’éviter le passage de l’un à l’autre.

Une augmentation fiscale tolérée

Une majoration de la taxe sur les produits du tabac est l’une des rares majorations d’impôt qui puisse être acceptée par la population. Selon une enquête menée en 2009 à l’initiative de la Commission européenne, il ressort d’ailleurs que 57% des Belges sont favorables à une augmentation des taxes sur les produits du tabac.

Des accises spécifiques ?

Les ‘accises spécifiques’ sont des montants fixés pour chaque produit du tabac, permettant d’augmenter le prix de tous les produits de manière équivalente et de réduire les différences de prix entre les marques. Les ‘accises ad valorem’ et la TVA sont des pourcentages basés sur le prix de vente, ce qui laisse plus de marge au fabricant pour garder ses prix bas.
La proportion des accises spécifiques est très basse en Belgique. Au sein de l’Union, il n’y a qu’en Espagne, en Italie et en France qu’elle est inférieure. Les accises spécifiques basses, d’application dans notre pays, permettent aux producteurs de cigarettes ‘bon marché’ de pratiquer des prix plus bas que d’autres marques. L’intérêt d’un pourcentage d’accises spécifiques élevé est qu’il permet d’ajouter le même montant, pour chaque paquet, au prix du fabricant.
Communiqué par la Coalition nationale contre le tabac

Prix en euros d’un paquet de 20 Marlboro dans les 27 pays de l’Union européenne (juillet 2010)

Roumanie

2,52
Lituanie 2,54
Estonie 2,55
Bulgarie 2,55
Pologne 2,56
Lettonie 2,6
Hongrie 2,6
Slovénie 3,0
Slovaquie 3,16
Tchéquie 3,18
Portugal 3,7
Malte 3,8
Grèce 3,8
Espagne 3,85
Chypre 3,85
Luxembourg 4,2
Autriche 4,2
Italie 4,5
Belgique 4,95
Allemagne 4,95
Danemark 4,96
Finlande 5,0
Pays-Bas 5,05
Suède 5,26
France 5,6
Royaume Uni 7,46
Irlande 8,55

La Mutualité chrétienne se soucie de la santé de ses employés !

Le 30 Déc 20

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Soucieux de sensibiliser tout un chacun aux bienfaits d’une alimentation équilibrée et à la pratique d’une activité physique régulière, le service Infor Santé de la Mutualité chrétienne a lancé en 2009 une initiative destinée au personnel francophone de son Secrétariat national (1) .
Chaque semaine pendant une année, un conseil «Mes 52 Réflexes Santé» («Mangeons mieux, bougeons plus») était adressé par courriel au personnel francophone du Secrétariat national des Mutualités chrétiennes. De la promotion des 30 minutes d’activité physique par jour à des idées de lunch sains pour le midi, en passant par le décryptage des étiquettes sur nos produits, les messages se voulaient avant tout positifs et encourageants.
La démarche a fait l’objet d’une évaluation (par questionnaire) auprès de l’ensemble du personnel francophone.
De manière générale, le projet a été accueilli positivement. Pour une majorité des répondants, les messages étaient variés, positifs, intéressants, utiles et encourageants. Cependant, certains ont souligné l’aspect répétitif et peu innovant des conseils prodigués.
Certains messages ont éveillé davantage d’intérêt que d’autres:
– ceux ayant trait à l’activité physique au sens large et aux conseils de relaxation et de détente;
– ceux proposant des recettes et des conseils de cuisine;
– ceux portant sur les choix alimentaires avisés (catégories de poissons à privilégier, lecture des étiquettes…).
À l’avenir, d’autres initiatives pourraient être envisagées, en réponse aux attentes formulées par les répondants:
– continuer à informer le personnel en proposant de nouveaux messages santé;
– proposer des actions régulières sur le lieu de travail comme par exemple des activités «sport» ou «détente», des ateliers cuisine «santé», des petits-déjeuners ou des repas «santé», etc;
– étendre l’initiative «santé» au restaurant d’entreprise (par exemple afficher la valeur nutritionnelle des aliments, proposer des plats plus diététiques…).
Florence Kapala , chargée de projets Infor Santé, Mutualité chrétienne
Pour tout renseignement, consultez le site https://www.mc.be/fr]/100/avantages_et_services/conseils_et_services_aide/reflexe_sante/ ou envoyez un message à infor.sante@mc.be.
(1) Cette initiative constitue un exemple parmi d’autres. L’ensemble des Mutualités chrétiennes régionales ont, elles aussi, mené différents types d’actions « Réflexe Santé ».

Pourquoi « Réflexe Santé » ?

Lancé en 2007, «Réflexe Santé» représente l’ensemble des initiatives de la MC et de ses partenaires autour de l’alimentation équilibrée et de l’activité physique.
Au départ de cette initiative, un constat: bien que les actions autour de l’activité physique et de l’alimentation soient nombreuses à la MC, son image n’est pas celle d’une mutualité se préoccupant particulièrement de la santé de ses membres.
Pour y remédier, la MC crée « Réflexe Santé », une initiative de l’ensemble des mutualités francophones, symbolisé par un logo permettant de mieux identifier toutes les actions existantes et à venir.
Quels sont les objectifs ?
– Mieux faire connaître les projets santé de la MC et de ses partenaires axés autour de l’activité physique et/ou de l’alimentation saine;
– Améliorer les habitudes des affiliés en matière d’activité physique et d’alimentation;
– Profiler la MC comme référence en la matière.
Quel est son public ?
La MC souhaite agir principalement aux niveaux interne et externe.
La cible prioritaire est la tranche d’âge 0-30 ans mais l’action est ouverte à tous les publics (personnes handicapées, personnes âgées, familles…).
Les membres du personnel ne sont pas oubliés: ils sont sensibilisés aux objectifs de «Réflexe Santé» et donc mobilisés pour les promouvoir à l’extérieur. Ils le seront d’autant mieux si ces actions permettent qu’ils acquièrent eux-mêmes de meilleurs réflexes en matière d’alimentation et d’activité physique.

Quelques sujets traités dans le cadre du projet «Mes 52 Réflexes Santé»:
«Prenez l’escalier au lieu de l’ascenseur»
«Je bois de l’eau tout au long de la journée»
«Consommer des fruits et légumes de saison»
«Moins de sel dans votre assiette, c’est possible»
«Au travail, je fais des pauses ‘étirements’!»

Le label de qualité du Plan national nutrition santé

Le 30 Déc 20

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Rapide évaluation après 4 ans de fonctionnement

Dans le cadre de la mise en œuvre du Plan National Nutrition Santé 2005-2010, il est possible pour les acteurs du secteur public comme du secteur privé commercial et non-marchand de bénéficier d’un label de qualité indiquant que leurs projets en relation avec l’alimentation saine et l’activité physique s’inscrivent dans les objectifs défendus dans un ou plusieurs des sept axes stratégiques du PNNS.
Un comité d’évaluation des demandes a été mis en place courant 2006, présidé par le Prof . émérite Paul Tobback (KU Leuven) (1). Contrairement à l’habitude qui veut que les experts remettent un avis au ministre qui décide en dernier ressort, ce comité a le pouvoir d’attribuer lui-même le logo en toute indépendance. C’est dire qu’il doit endosser une véritable responsabilité.

Un bilan correct

Au cours des quatre premières années (2), 66 demandes ont été introduites. Elles émanent du secteur privé comme du non-marchand. Elles portent le plus souvent sur des questions liées à l’alimentation, mais aussi parfois exclusivement sur la promotion de l’activité physique.
Parmi les organismes ayant introduit plusieurs demandes (3), relevons l’Observatoire de la Santé du Hainaut (6 dossiers, un record!), la Vlaamse Beroepsvereniging van Voedingsdeskundigen en Diëtisten, l’Union professionnelle des diplômés en diététique de langue française, les mutualités chrétiennes francophones, l’asbl Nubel, l’asbl CORDES.
Parmi les ‘poids lourds’ du secteur agro-alimentaire et de la restauration collective, on pointera Sodexo et Accor, FEVIA, la Fondation Happy Body, Delhaize, Kellogg’s.

Bilan chiffré du comité ‘ logo’ du PNNS

Année

Nombre de dossiers (nombre de réunions du comité) Décisions + Décisions – Pas de décision (par absence de réponse à des demandes d’éclaircissements)
2006 6 (3) 3 1 2
2007 21 (8) 14 6 1
2008 16 (5) 7 9 0
2009 14 (6) 12 2 0
2010 9 (4) 7 2 0
Total 66 (26) 43 20 3

À la lecture des demandes, on peut remarquer un nombre de dossiers francophones plus important que ce qu’on était en droit d’attendre. Si on exclut les demandes introduites en néerlandais pour des utilisations nationales (surtout du secteur marchand et assimilé), il n’y a pas de demandes du secteur de la promotion de la santé en Communauté flamande. C’est sans doute une conséquence d’un manque de collaboration entre le PNNS 1 et la Vlaamse Gemeenschap.
On remarque aussi une forte diminution des décisions négatives entre 2008 et 2009. Le fait que les organismes ayant obtenu le logo une première fois sont évidemment encouragés à introduire de nouvelles demandes et maîtrisent bien la routine pour en bénéficier à nouveau n’y est pas étranger.
Cela dit, on ne peut s’empêcher de penser que le comité pourrait avoir un peu plus de travail, et que pas mal de projets qui s’inscrivent objectivement dans les priorités du PNNS n’introduisent pas de demandes, par manque d’information, de temps, de motivation.
Un effort devra sans doute être fait en ce sens au cours du second PNNS…

Composition du comité (membres effectifs)

Experts en sciences nutritionnelles
Paul Tobback
Jean Nève
Experts en diététique
Chris Provoost
Serge Pieters
Expert en composition des aliments
Carine Seeuws (vice-présidente)
Expert en publicité et marketing
Martin de Duve
Expert en santé publique
Christian De Bock (président)
Expert en activité physique
Greet Cardon
Représentant des consommateurs
Ingrid Vanhaevre
Représentant SPF Santé publique
Olivier Christiaens
À la date du 30/11/2010

Comment faire pour obtenir le logo ?

Qui peut introduire une demande ?

Tout le monde, ou presque:
-les services publics fédéraux et les organisations qui y sont liées;
-les autorités régionales et communautaires ainsi que les organisations qui y sont liées;
-les organisations et organismes publics ou privés qui font la promotion d’habitudes alimentaires et d’un mode de vie sains, pour autant que l’objet et les autres activités de ces organisations ne soient pas contraires aux principes du PNNS B. C’est la raison pour laquelle les producteurs et négociants de produits de tabac et de boissons alcoolisées sont exclus du dispositif.

Pour quelles activités ?

Des campagnes d’information, des brochures et dépliants, des sessions de formation, des actions de promotion d’habitudes alimentaires saines et d’activité physique, des outils de communication, des jeux, des sites Internet… Le choix est vaste, pour autant que ces initiatives valorisent un ou plusieurs objectifs du Plan national (par exemple, réduire la consommation de sel tout en favorisant l’usage du sel iodé, limiter l’apport en matières grasses à moins de 35% de l’apport énergétique total recommandé…).
Le logo ne peut pas être attribué à des actions à caractère commercial, ni pour promouvoir directement ou indirectement un aliment ou une marque déterminés.

Comment faire ?

Pour introduire une demande, il suffit de télécharger le formulaire ad hoc, qui se trouve sur le site https://www.monplannutrition.be (rubrique Qu’est-ce que le PNNS? Demande d’utilisation du logo).
Le demandeur peut espérer une réponse assez rapide, puisque le comité se réunit tous les mois (pour autant qu’il ait des dossiers à examiner), et qu’il doit communiquer au demandeur sa décision motivée dans les 40 jours de l’introduction du dossier complet. L’absence de décision à l’expiration de ce délai vaut d’ailleurs autorisation.
Si vous êtes tentés, et que c’est une première pour vous, prévoyez un délai supplémentaire au cas où le comité vous demanderait des précisions après un premier examen de votre dossier.

Pour réussir l’implantation du Plan national, il ne suffit pas de mobiliser les pouvoirs publics et les professionnels de la santé, et d’organiser une bonne communication publicitaire vers le grand public. Il ne suffit pas non plus de pouvoir compter sur la collaboration des secteurs de l’Horeca, de l’agro-alimentaire et de la grande distribution.
Il est tout aussi important de permettre à un maximum d’actions visant le même objectif de promotion de la santé de renforcer l’impact et la visibilité de cette ambitieuse initiative. En d’autres termes, le PNNS a autant à gagner d’une bonne diffusion du logo via des initiatives de valeur que les organisations à se voir attribuer un label de qualité qui reconnaît le sérieux de leur travail.
Christian De Bock , Président du Comité logo
Adresse de contact: Olivier Christiaens, S.P.F. Santé publique, Sécurité de la chaîne alimentaire et Environnement, D.G. Animaux, Végétaux et Alimentation, Service Denrées alimentaires, aliments pour animaux et autres produits de consommation, Eurostation, bloc II, 7e étage, Place Victor Horta 40 bte 10, 1060 Bruxelles. Courriel: olivier.christiaens@health.fgov.be (1) Le Prof. Tobback (KUL) a assuré la présidence du Comité d’août 2006 à octobre 2010, secondé par le Prof. Jean Nève (ULB). Christian De Bock (présidence) et Carine Seeuws (vice-présidence) leur ont succédé en octobre 2010.
(2) Ou plus exactement de début octobre 2006, date de démarrage des travaux du comité, à fin décembre 2010, date de rédaction de ce texte.
(3) Ce qui ne signifie pas automatiquement qu’ils l’ont obtenu à chaque fois !

Santé, musique et contes, ou comment aborder des choses graves … avec légèreté

Le 30 Déc 20

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L’association des arts et de la promotion de la santé n’est pas neuve. Si elle passe le plus souvent par les arts plastiques, on voit également émerger en Communauté française des projets basés sur les mots, mis en musique ou contés. Parce qu’une chanson ou un conte nous parlent de manière immédiate et réveillent en nous des images et des émotions, ils constituent un excellent point de départ pour mener des animations et des séances de sensibilisation à la santé.
Éducation Santé vous présente deux outils qui font rimer santé et musicalité , «Des plumes et des voix… pour réchauffer les maux», compilation de chansons de divers artistes francophones belges éditée par la Médiathèque de la Communauté française et l’album de l’auteur-compositeur-interprète Alice Artaud , «La balade des émotions».

Des plumes et des voix… pour réchauffer les maux

Cet outil se présente sous la forme d’un livret contenant un double-CD, composé de 18 chansons et de 5 contes abordant, chacun d’une manière originale, différents thèmes de santé: les maladies (neurodégénérative, sida, etc.), les assuétudes (alcool, tabac, drogues diverses et même médicaments), les handicaps et les troubles psychologiques, les différentes formes de maltraitance, la périnatalité, la construction de l’identité, la sexualité dans la société, la vie sexuelle et affective, l’hygiène de vie, l’alimentation, le vieillissement, la santé mentale (dépression, deuil et mort, solitude, suicide, etc.). Autant de sujets qui peuvent être abordés de manière originale avec un accompagnement pédagogique adapté.
En ce sens, le livret de 250 pages à destination du milieu éducatif reprend d’une part la présentation des artistes, le texte des chansons et l’intégralité des contes et, d’autre part, un important travail d’exploitation pédagogique s’appuyant sur ces textes et la musique qui les accompagne. À noter, la brochure présente également un inventaire discographique assez impressionnant (plus de 350 titres!) sur des thématiques liées à la santé au sens large. Dressé à partir du répertoire francophone disponible à la Médiathèque, d’Aznavour ( Je bois, je bois ) à Zazie ( Adam et Yves ), il permet d’alimenter le propos dans le cadre d’animations scolaires.
Pour en savoir un peu plus sur cette démarche intéressante, Éducation Santé a rencontré pour vous Christel Depierreux , responsable de la Collection Éducation pour la Santé de la Médiathèque.
Éducation Santé: Comment est née l’idée d’éditer «Des plumes et des voix… pour réchauffer les maux»?
Christelle Depierreux : Tout d’abord, nous avons réalisé un tour d’horizon de la discographie récente, qui nous a permis d’épingler 5 chansons et 1 conte ayant trait à la santé. Ensuite, le chanteur André Borbé] , qui a eu vent du projet, nous a proposé spontanément une chanson inédite ( L’automne étonne ). Afin d’étoffer le projet, la Médiathèque a lancé en avril 2008 un concours à destination d’artistes émergents, résidant en Belgique et s’exprimant en français. Les artistes avaient pour consigne de proposer un texte (accompagné d’une musique, pour les chansons) explicitement lié au thème de la santé au sens large. C’est ainsi que nous avons reçu les participations d’une soixantaine d’artistes. Tous – auteurs, compositeurs, interprètes et conteurs – ont montré un vif enthousiasme et apporté une touche particulière au projet. Cette façon de procéder pour réunir les artistes autour d’un même projet a largement contribué à apporter une véritable richesse et une originalité certaine à l’outil.
«Des plumes et des voix…» a été tiré à 3000 exemplaires et est sorti lors du Salon de l’Éducation à Namur, en octobre 2009. L’accueil de la part des enseignants a été très positif et encourageant.
Je voudrais également souligner que, dans une optique plus «culturelle», ce type de projet participe activement à faire connaître 23 projets, pour la majorité inédits, d’artistes issus de la Communauté Wallonie-Bruxelles. Ce n’est pas rien…
ES: Difficile de faire un choix parmi toutes ces propositions?
Ch. D. : Effectivement, la sélection n’a pas été évidente. Ce sont 2 comités – l’un étant composé de spécialistes du monde de la chanson et l’autre regroupant des spécialistes du conte – qui ont sélectionné les 18 chansons et les 4 contes qui composent le double-CD, sur base d’une grille d’analyse que nous leur avons fournie.
Ensuite, direction le Studio Caraïbes, un studio d’enregistrement musical professionnel et renommé de Bruxelles, pour enregistrer les morceaux et les contes. Enfin, 2 groupes rédactionnels ont planché sur la rédaction des fiches d’exploitation pédagogique, avant de réaliser le pressage des CD et l’édition de cette brochure.
Chacun des 18 titres choisis raconte une histoire particulière d’homme et de femme de notre temps aux prises avec une souffrance physique ou psychique. Quant aux contes, ils abordent également, de manière plus onirique, des thématiques très humaines et très contemporaines.
ES: Cet outil, par sa forme, semble s’adresser plutôt à un public d’enfants ou d’adolescents, est-ce le cas?
Ch. D. : Effectivement, «Des plumes et des voix… pour réchauffer les maux» s’adresse plutôt aux jeunes, à partir du troisième cycle de l’enseignement primaire et l’ensemble de l’enseignement secondaire. Ca, c’est de manière assez large: des indications plus précises sont données pour chaque conte et chaque chanson, afin de cibler efficacement le public.
L’utilisation de l’outil peut se faire par l’intermédiaire des enseignants et du milieu éducatif en général bien sûr, mais également des parents, même si l’approche des thèmes sera a priori plus courte et moins cadrée. La brochure présente quelques pistes d’exploitation du matériau, afin d’aider l’animateur à introduire le sujet, la chanson, etc. L’idée sous-jacente est bien entendu que la chanson ou le conte constituent une accroche pour entamer une réflexion ou un débat plus pointu sur le contenu développé.
ES: Je suppose que cet outil est disponible dans les Médiathèques de la Communauté française. Peut-on le découvrir ailleurs?
Ch. D. : Bien entendu, la brochure et les deux CD sont disponibles gratuitement sur demande dans les différentes Médiathèques. La brochure est également téléchargeable au format PDF sur notre site https://www.lamediatheque.be , à la rubrique «thématiques > éducation pour la santé > publications».
Par ailleurs, le projet «vit» en dehors de la Médiathèque: le festival «Mars en chansons» a programmé certains artistes de «Des plumes et des voix…» sur la scène du Théâtre La Ruche à Charleroi l’an dernier.
Notons aussi qu’une exposition itinérante est disponible sur demande au CLPS de Charleroi-Thuin. Elle est le fruit d’une interprétation libre des 18 chansons par des élèves de l’Académie des Beaux-Arts de Tournai. Enfin, un projet de coopération est actuellement en discussion concernant une formation à l’animation de promotion de la santé basée sur le chant et le conte. Pas mal de perspectives pour permettre au projet « Des plumes et des voix…» de prendre son envol.

La balade des émotions

Le CD «Balade des émotions» est le fruit du travail de l’auteur-compositeur-interprète Alice Artaud. Composé de 12 chansons et d’un livret reprenant les textes des chansons, il aborde la thématique des émotions de façon sensible, simple et imagée… tout en étant servi par une musique très riche (accordéon, clarinette, violons et violoncelle, flûte traversière, trombone et tuba, mandoline, etc.). On y découvre tour à tour que Jean a un «chagrin d’automne», qu’un lapin affublé de toutes petites oreilles subit les moqueries de ses camarades, que le soleil aussi peut se mettre en colère et que les enfants, parfois, peuvent se sentir bien seuls…
Un sympathique projet qui, si l’on regrette un peu l’absence de «propositions pédagogiques», aura au moins le mérite de faire voyager petits et grands.
ES: Comment a émergé l’idée de cette balade en chanson au pays des émotions?
Alice Artaud : Ma formation d’infirmière en santé communautaire et de licenciée en santé publique m’a amenée à constater combien l’expression de l’éventail des émotions dans le cadre de la promotion de la santé est fondamentale. Les émotions constituent bien souvent le point de rencontre entre les diverses thématiques abordées avec des enfants. J’ai eu envie d’exploiter ce thème et je me suis lancée dans l’écriture des chansons. Cet outil a mûri longuement, sur 2 années, en collaboration avec de nombreux musiciens, ainsi qu’un arrangeur.
ES: Qui est invité à partager cette balade avec vous?
A. A. : «La balade des émotions» vise principalement des enfants de maternelle et de début d’école primaire. Chaque chanson joue sur un registre et un niveau de lecture différent et peut dès lors être utilisée de manière plus pointue suivant le public. Au-delà de l’écoute des chansons, cet outil peut être utilisé comme support d’animation pour les écoles, les animateurs de bibliothèques, les centres psycho-médico-sociaux. Le CD peut ouvrir à des discussions, des échanges entre enfants – encadrés par un enseignant – ou pourquoi pas entre des parents et leur(s) enfant(s). Je pense qu’il peut, modestement, constituer une aide, une voie d’entrée en cas de gestion de conflits et inviter au dialogue.
ES: Où peut-on trouver le CD?
A. A. : «La balade des émotions» est en dépôt et en vente dans des librairies pour enfants («L’île ouverte» à Verviers et «La parenthèse » à Liège). Il est également disponible sur commande via mon site https://www.aliceartaud.be ou par courriel adressé à info@aliceartaud.be.

Et votre coeur…? Une initiative de la Fondation Roi Baudouin

Le 30 Déc 20

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En 2008, la Communauté française et la Fondation Roi Baudouin lançaient un appel à projets intitulé «Bien-être et santé du cœur auprès de la population défavorisée». Sur une quarantaine de projets présentés, 17 avaient été retenus; ils ont été présentés dans un dossier spécial de la revue Éducation Santé (n°250 Hors série à découvrir ou redécouvrir sur https://www.educationsante.be/ ).
Aujourd’hui, le financement de ces projets est terminé, et l’on a pu tirer un bilan extrêmement positif de toutes ces initiatives (un rapport complet est disponible sur le site de la Fondation Roi Baudouin https://www.kbs-frb.be ).

Des personnes vulnérables, des publics variés

Rappelons la diversité des associations et des publics concernés.
Le public de «Comme Chez Nous», à Charleroi, est constitué de personnes sans domicile fixe ou mal logées; Lire et Écrire, à Charleroi, vise un public peu alphabétisé; Le Monde des Possibles, à Liège, touche des migrants; Bouillon de Cultures, à Bruxelles, ainsi que l’Intercommunale de Santé Harmegnies-Rolland, les familles d’un quartier défavorisé; le Service Éducation pour la Santé de Huy se consacre aux détenus; le Plan de cohésion sociale de Chimay touche des personnes précarisées et isolées de tous âges; la Régie des Quartiers d’Amay s’occupe de stagiaires en processus de réinsertion sociale et professionnelle; l’IESSMS de Seraing, école technique et professionnelle, vise tant les élèves que les parents; le CPAS de Namur, à travers son Service d’Insertion Sociale, implique les allocataires entrant dans les conditions de l’insertion sociale; la Maison de l’Éveil et de la Santé, qui propose à Colfontaine diverses activités récréatives, s’est alliée avec le CPAS et des médecins locaux pour toucher des personnes défavorisées; Forest Quartiers Santé, qui développe des projets de santé communautaire dans un quartier bruxellois, s’est concentré ici sur les éducateurs de rue; enfin, plusieurs maisons médicales (Aquarelle à Grâce-Hollogne, Cité Santé à Bruxelles, Barvaux à Barvaux-sur-Ourthe, l’intergroupe de Liège), ont développé des projets pour leurs usagers, parfois des sous-groupes plus vulnérables, en incluant dans certains cas des personnes du quartier ne faisant pas partie de leur patientèle; c’est aussi le cas pour le GRACQ qui, à Bruxelles, s’est allié à plusieurs maisons médicales.

Des approches participatives, des découvertes

Les associations subsidiées connaissaient donc bien leur public et ses difficultés. Elles ont aussi découvert, à travers leurs projets, des difficultés qu’elles ne soupçonnaient pas, surtout lorsqu’elles ne s’étaient, auparavant, pas occupées de la santé; grâce à la grande ouverture du jury de sélection, certaines associations ont quasiment découvert les bases de la promotion de la santé – ou ont pu comprendre, plus clairement, que leurs activités ont un impact sur la santé. En effet, le jury a choisi des acteurs ayant un bon ancrage auprès de publics défavorisés, plutôt que des acteurs centrés sur la santé.
Quasi toutes les associations sont vraiment parties des représentations de leur public et de ses contextes de vie. Certaines ont passé un temps considérable à faire émerger les attentes, les ressources mobilisables dans leur public, dans une perspective de recherche action: la co-construction est alors apparue comme un élément central du projet – et une clé de sa réussite, même si, du coup, la mise en œuvre des activités a parfois été un peu ralentie. En effet, là où ce processus a bien fonctionné (SES Huy, Lire et Écrire, CPAS de Namur, par exemple), le public a été réellement concerné, impliqué, ce qui a nourri l’enthousiasme des intervenants, d’autant plus créatifs pour imaginer des perspectives à plus long terme.
Certaines associations ont aussi, en cours de projet, élargi les activités prévues ou le public concerné; d’autres ont perçu la nécessité de sensibiliser des acteurs, des institutions en contact avec le même public, dont elles percevaient le peu d’implication en matière de santé, ou l’ignorance relative à certaines difficultés.
Une découverte importante pour la plupart des associations, ce fut aussi la disponibilité, l’intérêt de leur public pour les questions liées à la santé du cœur. Pas de miracle bien sûr, il n’est pas toujours facile de mobiliser les gens pour des activités inhabituelles. C’est plus aisé quand l’association a une mission formulée autour du lien social (Bouillon de Cultures par exemple); ou quand elle a un contact suivi avec un public qui vient de toute façon, pour une autre activité. Lorsqu’il y avait déjà plus ou moins un groupe (l’IESSMS, Lire et Écrire, le Monde des Possibles, la Régie des Quartiers…), les intervenants ont pu s’appuyer sur une dynamique collective existante. Par contre, lorsqu’il s’agissait d’attirer un public très désinséré (PCS de Chimay), ou qui vient de manière ponctuelle et irrégulière (patients des maisons médicales), créer du lien social est parfois devenu, en cours de route, un objectif en soi.
De manière générale, tous les promoteurs ont tenté de développer les ressources personnelles, de munir les gens de compétences nouvelles qu’ils pourraient s’approprier et qui seraient utiles pour d’autres aspects de leur vie; estime de soi, esprit critique, réflexion, capacité de faire des choix favorables à la santé et de dialoguer avec les soignants, autonomie, responsabilité vis-à-vis de la santé, motivation à se faire du bien…
Il s’agissait aussi de donner concrètement aux gens la possibilité d’expérimenter des activités favorables à la santé, d’acquérir de nouvelles habitudes, de participer à la vie socioculturelle, de connaître les infrastructures existantes… Bref, tous sont allés bien au-delà d’une amélioration des connaissances ou des comportements en matière de santé cardiovasculaire proprement dite – là encore, il faut saluer le choix fait dès le départ par le jury de sélection.

Des rencontres, des partenariats

La plupart des projets se sont aussi attachés à amener d’autres intervenants à mieux connaître et comprendre les difficultés des personnes précarisées en matière de soins et de prévention, et à améliorer leurs capacités d’intervention. Par exemple, Forest Quartiers Santé a proposé aux éducateurs de rue appartenant à des associations locales, une formation relative au développement des compétences psycho-sociales chez les jeunes du quartier, dans le cadre du tabagisme; l’Intercommunale de santé Harmegnies-Rolland a quasi entièrement orienté son projet sur la création d’un réseau local facilitant l’installation durable de pratiques d’activités physiques accessibles; l’IGL et la Maison médicale de Barvaux ont visé à la fois les patients et les soignants, en organisant avec ces derniers des temps de mobilisation, de formation et d’échanges; Comme Chez Nous s’est attaché à améliorer ses collaborations avec le secteur sanitaire…
Ces démarches auprès d’autres intervenants ont eu plusieurs effets positifs: elles ont renforcé le dynamisme des promoteurs de projets, et participé à la transformation des pratiques à long terme. Il y a donc là un effet multiplicateur très intéressant.
De nombreux partenariats se sont construits autour des projets; certains étaient prévus dès le départ, d’autres se sont construits en cours de route. L’accompagnement mis en place par la Fondation Roi Baudouin a été fructueux à cet égard: il a permis d’engager certains porteurs de projets à s’adresser à diverses ressources locales, et l’on peut penser aujourd’hui que des liens durables se sont ainsi tissés, notamment avec les CLPS, qui ont apporté un soutien considérable à certains projets.

Les partenaires des projets

L’Observatoire de la Santé du Hainaut
Carolo-Cardio-Santé
Le Relais santé de Charleroi
ONE
Un Foyer social
Une association de femmes turques
Des maisons médicales
Le Centre permanent pour la citoyenneté et la participation
Un centre culturel
L’ADEPS
Deux CPAS
Un centre PMS
La prison de Lantin
La Ferme de l’Arbre à Liège
Une Régie de quartier
Des médecins locaux
L’Article 27
L’asbl Pro Velo
Une maison de quartier
Les CLPS de Charleroi, de Namur, de Mons-Soignies, de Huy, du Luxembourg.

Renforcer les potentiels du public précarisé… et des intervenants

La plupart des promoteurs ont fait des bilans réguliers, de manière plus ou moins formalisée, ce qui leur a permis d’adapter et de réorienter leur projet au fur et à mesure.
Pour évaluer les bénéfices des projets auprès de leur public, ils se sont fondés sur différents éléments: l’observation des participants au cours des activités, la collecte d’indicateurs (rare, il faut bien le dire!), le témoignage d’autres intervenants.
Il semble clair que les projets ont suscité, parmi les participants, beaucoup de satisfaction et de plaisir à bouger, se sentir mieux dans son corps, être ensemble et partager, apprendre et mettre les acquis en pratique, participer, construire un projet. Les participants ont aussi pris conscience des liens existant entre l’inactivité, l’alimentation, la santé; ils ont mieux identifié leurs propres comportements, les pressions qu’ils subissent et, surtout, leurs propres ressources, les moyens simples qu’ils peuvent développer pour conserver ou améliorer leur santé. Certains ont envie de changer d’habitudes, de mieux prendre soin de soi, d’entreprendre des activités, d’en parler avec un soignant; d’autres ont créé de nouveaux liens sociaux, se sont un peu plus ouverts au monde…
Et les promoteurs de projets ont aussi appris beaucoup de choses. Certains explicitent bien que le projet leur a permis d’évoluer eux-mêmes, de découvrir de nouvelles pistes; ils ont créé de nouveaux liens avec les usagers, sont plus ouverts à leurs difficultés, perçoivent mieux leur potentiel; ils ont découvert l’intérêt des approches participatives, rencontré de nouveaux partenaires, trouvé ou créé de nouveaux outils…
Tous ces effets, souvent non recherchés au départ, motivent les acteurs à poursuivre ce type de démarche, et les incitent à communiquer avec d’autres intervenants et élargir leur projet. Ainsi, Comme Chez Nous évoque la réflexion sur le tabagisme survenue dans d’autres institutions similaires, ainsi que la mise en place d’activités sportives; la Régie des Quartiers d’Amay a, en cours de route, élargi son projet (initialement centré sur les jeunes en formation), aux habitants des quartiers sociaux fréquentant un service du CPAS…

Des perspectives d’avenir: petit zoom sur quelques projets

Un effet positif indéniable, c’est aussi la volonté de pérenniser les projets au-delà du subside accordé par la Fondation Roi Baudouin – volonté présente chez la plupart des promoteurs dès le départ, et déjà souvent mise en œuvre. Ainsi, Comme Chez nous va dorénavant considérer la santé, le bien-être comme une « pierre angulaire » de son travail, le projet de Chimay va se poursuivre sur fonds propres du plan de cohésion sociale; l’IESSMS souhaite mobiliser d’autres implantations; le GRACQ s’est allié avec le Réseau diabète, et a reçu un financement de la Loterie Nationale, ce qui lui a permis de prolonger son projet et de l’étendre à d’autres maisons médicales.
Nous avons pris quelques nouvelles de trois projets, en décembre 2010: ce petit sondage montre que les deniers de la Fondation Roi Baudouin ont produit beaucoup de richesses, et que cela va continuer ! C’est d’ailleurs probablement aussi le cas pour les projets que nous n’avons pas eu l’occasion de réinterroger.
Lire et Écrire (1) avait construit un projet avec les apprenants, dans une réelle démarche de recherche action. Ce projet avait été intégré dans les cours d’alphabétisation, comme un thème central approfondi de séance en séance, les apprenants étant par exemple questionnés par écrit sur leurs habitudes de vie et leur relation avec le médecin – exercice de formulation et d’écriture, de communication faisant partie des apprentissages. Ils avaient aussi été invités à une rencontre avec des professionnels de la santé – préparée de manière approfondie afin qu’ils puissent exprimer leurs questions et préoccupations, comprendre les réponses, dialoguer d’égal à égal avec ces professionnels; cette rencontre répondait à la difficulté manifestée vis-à-vis des médecins, qui sous-estiment ou ignorent le plus souvent que certains patients ne sont pas en mesure de comprendre les conseils donnés, les notices écrites, etc.
Depuis lors, la réflexion et le processus formatif mis en place ont été intégrés dans le processus d’alphabétisation, et les animateurs insistent sur la compréhension des message à caractère médical: chaque groupe travaille l’apprentissage du français via des supports relatifs à la santé, par exemple avec le questionnaire sur les habitudes de vie et les difficultés élaboré dans le cadre du projet mené en 2009.
Lire et Écrire avait, à l’occasion de ce projet, découvert le CLPS, qui lui a fourni beaucoup de documentation et est devenu partenaire. Des tables rondes avec des professionnels de santé auront lieu chaque année à partir de 2011 et, le projet ayant mis en lumière la nécessité de sensibiliser le secteur médical, l’association continue l’information relative aux difficultés de son public.
Au CPAS de Namur, dont le service d’insertion sociale avait organisé un atelier vélo, le projet continue toujours: de nouveaux participants sont arrivés en 2010, il y a des candidats pour 2011 et d’autres CPAS sont intéressés. En 2011, le groupe participera aux «Vélodies» de Dinant, et, dans ce cadre, va construire un objet roulant musical – projet pour lequel il faudra trouver un luthier… Les ballades de 2011 s’orienteront sur cette participation – un bel objectif, qui renouvelle les idées et les énergies! Le matériel sera payé sur fonds propres, les intervenants émargeront au budget Sport et Culture du CPAS – et les animateurs espèrent que le CPAS pourra rémunérer sur fonds propres l’association Pro Velo, dont la participation s’avère très porteuse et mobilisatrice: il est très stimulant pour les participants de se déplacer en ville avec un animateur formé.
L’atelier vélo est le plus demandé par les usagers, c’est la seule activité physique proposée par le service d’insertion sociale, une activité qui les oblige à aller à l’extérieur, «une bouffée d’oxygène», comme dit une participante.
En décembre 2010, le Service Éducation Santé de Huy, qui a mené son projet auprès des détenues de Lantin, nous disait que le projet continue: le SES organise des rencontres sur l’alimentation dans plusieurs prisons (en modules de 10 séances), dans un esprit plus large – tout en gardant à l’esprit la santé du coeur.
À Verviers, un relais a intégré le projet, l’intégrant dans un autre, lié à la toxicomanie: une éducatrice avait eu l’idée d’un projet «vivre sans drogues», dans lequel les détenus s’engageraient à ne pas consommer… Cela n’a pas très bien marché, mais elle voulait continuer un projet, faire sortir les détenus de leur cellule, les occuper pour qu’ils soient moins attirés par la consommation de drogues. Elle a proposé des ateliers de foot, peinture, jeux de société, et le SES a organisé l’atelier cuisine, qui s’inscrit dans cet ensemble. Il n’y a que des hommes… mais cet atelier marche très bien, certains détenus ne savaient pas du tout cuisiner, pour d’autres le plaisir, c’est plutôt de se rencontrer, de partager un repas. L’éducatrice mène cette activité seule aujourd’hui, et le SES peut s’orienter vers d’autres sites, à Namur, pour la section femmes, à Andenne et Marneffe – il est aussi sollicité par l’annexe psy à Namur, tandis que les détenues de Lantin sont toujours demandeuses. Le projet a duré là-bas pendant trois ans: «On aurait pu continuer 10 ans!» dit la responsable.
Les intervenants constatent que les ateliers cuisine sont très bien reçus par les détenus qui ne veulent pas s’investir dans une activité intellectuelle. Il faut savoir qu’ils peuvent louer une plaque électrique et, grâce à l’achat de produits à la cantine, cuisiner dans leur cellule ou, plus rarement, dans une petite cuisine; certains ne mangent qu’ainsi, par refus de la nourriture de la prison, par révolte… La préparation autonome du repas, le partage, ont donc une valeur particulière, ils aident aussi à se resocialiser, à partager – un apprentissage, pour certains.
Les intervenants adaptent le menu en fonction du public, de la demande. Les participants ont plaisir à cuisiner des repas typiques de leur propre culture, et c’est valorisé: si un détenu dit qu’il sait bien faire le tajine par exemple, ce plat est mis au menu pour la fois suivante et c’est lui qui dirige la recette; l’ouverture aux autres cultures se fait de manière positive à travers l’alimentation.
Le but des ateliers de cuisine, c’est aussi d’apprendre aux détenus à cuisiner à petit prix, avec des produits de saison; c’est important pour la sortie, car la plupart n’ont que peu de ressources.
Les prisons sont favorables à ce type de projet, et fournissent un budget pour l’achat des aliments.
Le SES, qui a une mission de promotion de la santé auprès des détenus pour l’ensemble de la Communauté française, a proposé de former les agents des équipes soins de santé-prison (éducateurs, animateurs, assistants sociaux, ergothérapeutes), pour leur permettre d’animer des ateliers cuisine; son but, c’est aussi de les former à la promotion de la santé à travers l’alimentation. Il a d’ailleurs déjà proposé plusieurs formations sur l’hygiène à la demande du centre de formation de Marneffe, pour permettre aux agents d’encadrer les détenus qui s’occupent du nettoyage des locaux, du linge, du travail en cuisine, de la distribution des repas (travaux rémunérés) – toujours dans le même esprit de promotion de la santé.

Le dynamisme des acteurs de terrain: une ardeur d’avance ?

La créativité et le dynamisme des acteurs de terrain sont remarquables: les projets ont produit de réelles avancées en matière d’inégalités face à la santé. Une expertise se construit sur le terrain: un savoir élaboré en partenariat, des pratiques collectives au niveau local, permettent à des publics parfois extrêmement défavorisés d’avoir un meilleur accès à la santé et de reprendre en main certains aspects d’une vie par ailleurs très dure et précaire.
Ce constat est réjouissant, et l’on ne peut que plaider pour un renforcement du soutien public à ce type de démarches. Il faut toutefois rappeler que seules des politiques globales relatives à l’ensemble des déterminants de la santé pourront diminuer significativement les inégalités de santé; les associations ont rencontré une difficulté commune à tous les acteurs qui interviennent dans le champ du social et de la santé: le contexte global, sur lequel ils ont peu de prise, ne cesse de renforcer les inégalités et la précarité.
La créativité des acteurs de terrain s’exprime lorsqu’il s’agit d’impliquer la population, de mobiliser l’équipe, de tisser des partenariats. Pour chacun de ces points, les acteurs rencontrent des obstacles qu’ils arrivent, plus ou moins bien, à surmonter. Ils y arriveront peut-être encore mieux si leurs pouvoirs subsidiants prennent la mesure de ces réalités. On ne peut donc que recommander, une fois de plus et plus que jamais, aux pouvoirs subsidiants, de :
-prendre des mesures structurelles relatives à divers domaines reconnus comme déterminants majeurs de la santé: le travail, l’emploi, la production alimentaire, le développement d’infrastructures sportives accessibles, d’espaces verts et de plaines de jeux…
-créer des lieux de concertation intersectorielle à différents niveaux de décisions et de compétences;
-favoriser le cofinancement de projets touchant à des champs de compétence différents (social, économique, santé, culture, sport…);
-soutenir la concertation des acteurs impliqués dans des projets intersectoriels par la mise en place de plates-formes au niveau local;
-soutenir les CLPS afin qu’ils puissent, encore mieux, accompagner l’ensemble des intervenants agissant sur les déterminants de la santé.
Marianne Prévost
(1) Ce projet et celui du CPAS de Namur ont été décrits dans le dossier n° 50 de Santé Conjuguée consacré à la promotion de la santé en Communauté française https://www.maisonmedicale.org

Connaître et guider les ados à l’ère d’Internet

Le 30 Déc 20

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À l’occasion du 30e anniversaire du Service de Santé Mentale du CPAS de Charleroi, le psychanalyste Serge Tisseron a dressé un tableau des changements qu’opère la « révolution Internet » sur le psychisme de nos jeunes. Face aux bouleversements que vit le monde actuel, la vigilance s’impose. Veillons à donner des repères à nos ados pour qu’ils puissent avoir prise sur la réalité de ce nouveau monde et devenir des acteurs capables de construire avec humanité le monde de demain.
Les nouvelles technologies induisent chez les jeunes de nouveaux comportements qui dessinent peu à peu une nouvelle culture. « En quelques années , nous sommes passés d’une culture du livre à une culture des écrans , analyse Serge Tisseron . Cela ne signifie pas que nous sommes passés d’une culture où on lisait à une culture où on lirait moins . Les jeunes continuent à lire : des mails , des textes sur internet , des hebdomadaires , peut être moins de romans , mais ce n’est pas certain . Dans la culture du livre , on a affaire à un livre à la fois , les contraires s’excluent . Par contre , dans la culture des écrans , les contraires se juxtaposent et cohabitent
Ce changement de culture ne concerne pas seulement le rapport aux écrans; il concerne globalement notre manière d’envisager la vie. « Il provoque des bouleversements dans les domaines de l’identité , des rapports aux autres , aux images et aux apprentissages , imposant du coup des nouveaux devoirs aux parents , aux pédagogues et aux collectivités publiques

Bouleversement des identités

Aujourd’hui, tout enfant a affaire à deux séries d’images de lui-même: l’image inversée que continuent à lui renvoyer les miroirs qui l’entourent et l’image redressée que lui renvoient les photographies et les films faits par ses parents, visionnés sur la télévision ou l’ordinateur familial. « C’est une découverte extraordinaire pour l’enfant . En grandissant avec ces deux séries d’images différentes de lui même , l’enfant renonce à l’idée qu’une image puisse le représenter absolument et pense que chacune rend visible une facette de lui . Il se familiarise ainsi avec l’idée d’avoir plusieurs identités
Selon Serge Tisseron, les technologies contemporaines sur le Web 1.0 et le Web 2.0 renforcent considérablement l’idée que l’on puisse être multi-identitaire.
« Dans le Web 1 . 0 ( pseudos , avatars et blogs ), les jeunes explorent leurs diverses identités dans le but de mieux cerner le foyer virtuel de leur personnalité qui reste pour chacun à jamais inconnu . Dans les chats’ et les jeux en réseau , ils possèdent plusieurs avatars qui leur permettent d’explorer , d’expérimenter différentes identités . Ils se fabriquent plusieurs personnages , jouent tantôt avec l’un , tantôt avec l’autre . De même , un jeune ne se crée jamais un seul blog , mais plusieurs en parallèle ( un blog pour les adultes , pour ses parents , un autre pour les copains , un blog où tout va bien , un autre où tout va mal …). Il a le désir d’être partout , et d’être tout à la fois , comme il a aussi le désir de découvrir laquelle de ses identités multiples est la mieux reconnue , avec l’objectif de la privilégier
Le Web 2.0 – Facebook en l’occurrence – est, quant à lui, collaboratif et permet une nouvelle définition de l’identité. « Chacun peut essayer de se construire une identité en choisissant des photos et des textes avantageux . Cette identité résulte d’une activité groupale : elle est constamment modifiée , transformée , enrichie par l’ensemble des contributions des internautes sur la page d’un individu . L’identité se transforme au carrefour de chaque communauté fréquentée . Du coup , chacun peut avoir autant d’identités que de réseaux dans lesquels il est intégré

La relation aux autres

La relation aux autres s’est transformée, d’abord avec le Web 1.0 dont le plus grand changement fut d’induire un élargissement du nombre d’interlocuteurs.
« Déjà , à partir de 2001 , ce que j’ai appelé le désir d’ extimité’ un terme qui avait d’abord été utilisé par Jacques Lacan s’est manifesté d’une autre manière quand est apparue l’émission de télé réalité , « Loft Story ». Ce désir d’extimité est un processus par lequel , chacun , à certains moments de sa vie , manifeste des facettes de son intimité , dont il ne connaît pas la valeur , de manière à les faire valider par autrui . Ce désir est le ressort de la jeunesse aujourd’hui , comme il est le ressort de tout âge . La nouveauté , c’est que ce désir d’extimité , jusqu’en 2001 , passait par la famille , les amis , etc . Grâce à la télévision , il a trouvé un nouveau support . Par la suite , le désir de passer à la télévision a très vite été supplanté par le désir d’être sur Internet . Cependant , Internet a donné un nouvel espace , considérable , au désir d’extimité . Sur Internet , le risque lié à ce désir , c’est d’en rajouter une couche , car sur le net , on existe souvent moins par l’intérêt de ce qu’on y met que par le nombre de clics’ que l’on suscite , même si ce nombre de clics’ est induit par des mauvaises raisons
Avec l’arrivée du Web 2.0, la nature des liens, des réseaux, de l’amitié et du capital social a complètement changé. « Dans cette nouvelle version du Web , il n’y a plus de liens forts ou faibles . Tous les liens sont élastiques . Leur particularité , c’est d’être activables ou non activables . Des liens très faibles peuvent être extrêmement utiles pourvu qu’ils soient activables . Par exemple , quand une personne recherche un emploi , les stratégies qui s’appuient sur des amis d’amis’ sont souvent plus efficaces que les relations de grande proximité .» C’est ce que Serge Tisseron appelle la «force des liens faibles».
D’autre part, contrairement au modèle de sociabilité traditionnelle, où le réseau local s’oppose au réseau lointain, dans le Web collaboratif (Web 2.0), le réseau est «glocal», c’est-à-dire qu’il est à la fois global et local. « Il est , en effet , possible de toucher de la même manière des personnes géographiquement ou socialement lointaines et d’autres proches
Avec le Web collaboratif, l’amitié change aussi de signification. « Dans l’amitié au sens traditionnel du terme , les amis sont des gens avec lesquels on a du plaisir à être et à échanger . Sur Facebook , on établit des liens de friendling’ qui sont d’abord organisés sur des associations de profils , ce qui signifie que l’on décide de devenir friend’ avec des gens dont le profil nous intéresse . Il s’agit d’un acte déclaratif qui permet l’échange d’informations . Dire qu’on est amis , c’est établir un lien qui peut ensuite évoluer vers une amitié réelle ou rester distendu sans jamais d’autres concrétisations que ce statut
Il faut savoir que l’idéologie première de Facebook est de pouvoir s’y créer un capital social (1) quand on n’en a pas dans sa famille, quand on est perdu dans son HLM de banlieue… « Aussi , le capital social se constitue t il à travers des connexions , de telle façon que chacun puisse optimiser ses possibilités de joindre , de proches en proches , en deux ou trois ricochets , l’interlocuteur dont il a besoin

Le rapport aux images

Nous sommes rapidement passés d’une culture des images «indicielles» à une culture des images numériques, constate Serge Tisseron. « Face à une image indicielle , on est certain qu’il y a , quelque part , quelque chose qui ressemble à l’image réelle prise par l’objectif de l’appareil photo ou de la caméra . Dans la photo numérique , l’image a pu être fabriquée avec un logiciel . Les jeunes fabriquent des images de plus en plus tôt . Ils les transforment et les numérisent . Quand on voit des images faites par des ados , on ne peut donc jamais savoir si elles sont réelles ou fabriquées
Ainsi, on peut désormais photographier une jeune fille, fabriquer, à partir de cette photo, une image d’elle posant nue et la mettre sur Internet. On commence également à créer des images représentant des relations ou pratiques sexuelles qui n’ont jamais eu lieu. « Ces images fabriquées font apparaître de nouvelles formes de chantage et de harcèlement . Mais à côté de cela , des jeunes fabriquent des images d’un grand intérêt esthétique qui , elles , doivent être valorisées par les adultes

La relation à la connaissance

Aujourd’hui, analyse encore Serge Tisseron, les jeunes grandissent dans un monde où ils ont très vite accès aux nouvelles technologies. « Ils apprennent à les pratiquer en les pratiquant . Les enfants entrent dans les apprentissages par tâtonnements , par essais et erreurs . Ils évoluent dans une logique où l’erreur n’est jamais pénalisée et où la réussite est fortement valorisée . Au contraire , dans l’apprentissage scolaire , l’enfant découvre malheureusement un monde où l’erreur est pénalisée par le système des cotations et la réussite faiblement valorisée puisque les élèves qui réussissent sont considérés comme normaux et ceux qui échouent doivent faire mieux . Beaucoup d’enfants préfèrent donc se tourner vers le monde des jeux vidéo où ils retrouvent leur apprentissage intuitif . Il y a là un vrai défi : des personnes réfléchissent , en effet , à des manières d’appliquer les stratégies du jeu vidéo à des logiciels d’apprentissage pour que les jeunes apprennent des choses utiles

Jeu excessif et jeu pathologique

Face aux difficultés et aux problèmes que pose ce passage de la culture du livre à la culture des écrans, Serge Tisseron propose quelques pistes pour aider parents et éducateurs à guider les jeunes.
Il est tout d’abord important de pouvoir faire la différence entre le jeu excessif et le jeu pathologique. « Le jeu excessif relève d’un problème éducatif . Il suffit de réduire le temps de jeu du joueur excessif pour éviter qu’il ne manque de temps pour faire son travail scolaire , pratiquer une activité sportive , aller au cinéma Le jeu pathologique est , quant à lui , lié aux comorbidités : lorsqu’un jeune va mal , il ne peut pas aller bien quand il joue . Ainsi , un jeune qui souffre de dépression grave , de phobie sociale , de troubles psychotiques des pathologies qui ont toujours existé chez un tout petit pourcentage d’adolescents jouera de manière malade’ , car il est malade . Le jeu pathologique relève donc de la psychologie et de la psychiatrie . En aucun cas , il ne doit être confondu avec le jeu excessif qui , lui , relève de l’éducation . Malheureusement , on voit un très grand nombre de jeunes abandonnés à eux mêmes qui grandissent avec des parents qui n’ont pas encore compris qu’il faut limiter le temps de jeu

Repères

Pour Serge Tisseron, il est aussi très important de donner des repères aux jeunes pour les aider à bien évoluer dans ce nouveau monde.

Comment distinguer le joueur excessif du joueur pathologique ?

Pour répondre à cette question, Serge Tisseron suggère de poser trois questions aux jeunes accros des jeux vidéo:
Premièrement, puisqu’il aime les jeux vidéo, a-t-il pensé à s’orienter vers une profession ayant trait au domaine d’Internet? « Si la réponse est affirmative , c’est bon signe . Cela prouve que l’ado pense à son avenir et le rôle des adultes est alors de l’orienter vers une profession qui lui convient , d’autant plus qu’Internet est un domaine où il y a du travail . Si au contraire , le jeune ne réfléchit pas à un métier , c’est inquiétant
Deuxièmement, l’ado joue-t-il seul ou avec d’autres personnes? « Jouer seul n’est pas bon signe . Pour ceux qui jouent avec d’autres personnes , jouer avec des personnes connues est un meilleur signe que jouer avec des personnes inconnues
Troisièmement, de quelle manière joue l’ado? « Lui demander ce qu’il fait , quelle est l’histoire de son personnage , bref le fait de le faire parler constitue un formidable support de socialisation et de construction de soi . Lorsque le jeune est engagé dans son jeu , il a souvent peu de recul , il joue seul ; dès qu’il commence à raconter ce qu’il fait dans son jeu , il devient celui qui raconte , c’est à dire qu’il se construit une identité narrative . À ce moment , il se trouve dans une réelle construction de lui même et c’est positif

D’une part, il est essentiel d’avoir une bonne connaissance des «modèles économiques» des nouveaux médias. « Beaucoup de personnes croient encore que l’éducation aux images consiste à expliquer les images de la télévision ou du cinéma . Or , il s’agit là de l’ancien monde . À notre époque , l’éducation aux images consiste à apprendre le modèle économique de Facebook , de Youtube Il est bien évident que les jeunes qui ignorent ces modèles économiques ce qui est très souvent le cas en sont les premières victimes ! Il faut , en outre , expliquer aux jeunes que s’ils décident de créer leur page sur Facebook , ils devront également accepter , en signant d’un simple clic , les conditions générales d’utilisation . Cela signifie qu’ils abandonnent à Facebook et à Youtube , par exemples , tous leurs droits sur les productions qu’ils y mettent . Ces conditions générales doivent être photocopiées et distribuées dans les écoles , dans les clubs de loisirs Il faut en discuter avec les ados de telle sorte qu’il n’y ait d’usagers qu’en connaissance de cause
Il est également indispensable d’expliquer aux jeunes leur droit à l’image. « Il faut leur dire qu’ils ont le droit d’accepter ou de refuser d’être pris en photo , et de savoir quel usage sera fait de leur image

Le rôle des collectivités publiques

Les «pocket films» (réalisés avec le GSM), les « Machinima » (des courts métrages fabriqués à partir de séquences de jeux vidéo) et autres productions réalisées par les jeunes constituent une nouvelle culture et doivent être valorisées. « Je milite pour que les collectivités locales organisent des concours , des rencontres ou des journées autour de ces réalisations , avec des remises de prix réelles ou symboliques . L’organisation de ces rencontres et la gestion des budgets doivent être confiées aux jeunes , afin de les responsabiliser .» Une des raisons de valoriser ces créations réside dans la volonté de limiter le risque d’une fracture générationnelle liée aux nouvelles technologies. « Ce risque sera considérablement réduit si des représentants officiels opèrent une reconnaissance des productions des jeunes . C’est peut être la première fois que l’on constate aussi peu d’empathie de la part des adultes pour les activités des jeunes . Par le passé , les adultes avaient toujours considéré d’un œil bienveillant , parfois un peu condescendant , les activités des jeunes . Maintenant , avec l’ordinateur , on ne parle que d’addiction , de dépendance . Les Anglais parlent d’une génération pourrie ‘. C’est très problématique car les jeunes qui grandissent en ayant l’impression de ne pas bénéficier de l’empathie des adultes sur ce qui les passionne , risquent de développer eux mêmes peu d’empathie , non seulement envers les autres adultes , mais aussi envers leurs camarades . D’autre part , un certain nombre de jeunes se marginalisent malheureusement assez tôt de la communauté des adultes car ils ont l’impression que ceux ci ne reconnaissent ni leur culture ni leurs valeurs , et méprisent tout ce qui les intéresse . »
Colette Barbier
(1) Le capital social est l’ensemble des relations humaines qui permettent à un individu ou un groupe d’améliorer sa position. À ce sujet, nous vous conseillons de voir le film « The Social Network », réalisé par David Fincher .

‘Mon petit coin’, un outil d’éducation aux ‘bonnes habitudes’

Le 30 Déc 20

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De nombreux enfants ne reçoivent pas une éducation adéquate au sujet des bonnes habitudes à acquérir aux toilettes, ce qui engendre parfois de sérieux problèmes de santé : troubles de la miction, infections urinaires, constipation… Troubles qu’on pourra retrouver à l’âge adulte.
Forte de ses observations, une équipe pluridisciplinaire des Cliniques universitaires Saint-Luc a mis au point le projet ‘Mon petit coin’ en partenariat avec des enseignants et l’Antenne de Watermael-Boitsfort du PSE Libre de Bruxelles-Capitale. L’objectif de cette initiative est de sensibiliser tous les partenaires de l’éducation à une bonne utilisation des toilettes à l’école et à la maison ainsi qu’à une bonne hygiène de vie.
L’outil a la forme d’un jeu de l’oie, et vise des enfants de 6-8 ans. Il comprend un plateau de jeu, une feuille de conseils (par exemple, apprendre à tirer la chasse, ce qui semble à tort aller de soi…), un dossier pédagogique, un dépliant informatif pour les parents et un poster à personnaliser en classe. Les enfants reçoivent un petit personnage, un ‘stop-porte’ et un diplôme.
À noter, il s’agit d’un travail bénévole, réalisé sans beaucoup de moyens, et le jeu lui-même n’a pu être reproduit qu’en un nombre limité d’exemplaires. Cela crispa quelque peu les équipes venues à sa présentation officielle et sa distribution, équipes peu conscientes sans doute des trésors de patience et de volonté qu’il a fallu aux conceptrices de l’outil pour faire aboutir leur démarche.
Inévitablement, la question de l’état lamentable de certaines toilettes scolaires ne manqua pas d’être posée, sans pour autant stigmatiser des ‘coupables’…
Pour en savoir plus : marie-pierre.damiens@uclouvain.be et anne-francoise.meurisse@uclouvain.be

Évaluation de la campagne ‘Stop le sel’

Le 30 Déc 20

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En 2009, une campagne visant une diminution de la consommation de sel a été menée dans le cadre du Plan national nutrition et santé belge (1).
Le CRIOC a été chargé du post-test de cette initiative. Cela a été fait au moyen d’une enquête téléphonique auprès de 620 personnes âgées de 18 ans et plus résidant en Belgique.

Un bilan en demi-teinte

Peu de gens connaissent le repère nutritionnel (6 grammes par jour, et l’OMS parle même de 5 g), la plupart de répondants pensant même que la dose journalière à ne pas dépasser est de 12 g…
Si les gens se souviennent plus ou moins de messages relatifs à l’alimentation ou l’activité physique, il y en a très peu (2%) qui évoquent spontanément la question du sel (par comparaison, 46 % évoquent la recommandation de manger tous les jours des fruits et légumes).
Le souvenir ‘aidé’ donne quand même 29 % de personnes ayant vu, lu ou entendu une info, et 15 % identifiant la limite de 6 grammes par jour.

Identification des recommandations

Pas mal de consommateurs se sentent quand même concernés, et envisagent de suivre certains conseils, ou le font déjà.

Conseil

Connu(%) Suivi (%)
En faisant les courses, je lis les étiquettes pour connaître le taux de sel 27 16
Pour réduire ma consommation de sel, je mange plus de fruits, de légumes et de pommes de terre 50 48
Pour réduire ma consommation de sel, j’assaisonne différemment 52 48
Pour réduire ma consommation, je prends un petit déjeuner à faible teneur en sel 56 56
Pour réduire ma consommation, je choisis des aliments moins salés 62 59
Pour réduire ma consommation, je limite le ‘fast-food’ 77 71
Pour réduire ma consommation, j’évite la salière 57 32
Je remplace le sel par le sel iodé 32 23

Le gadget de la campagne, le ‘salinomètre’, est très peu connu, 1% des répondants seulement arrivant à le décrire correctement. Le site https://www.stoplesel.be est tout aussi confidentiel (4% le connaissent).

En conclusion, la faible connaissance de départ sur le repère ‘sel’ justifie sans aucun doute une campagne, mais les outils utilisés (site, brochure d’info, salinomètre) ne permettent pas d’espérer (et de loin), l’impact d’une vraie campagne médiatique. Un membre du comité d’experts directeur du PNNS, quelque peu iconoclaste, n’a pas hésité à déplorer que la communication se soit axée sur ‘moins de sel’ plutôt que sur ‘plus de goût’…
Au rayon plus positif, quand le message est connu, il est bien intégré, voire suivi d’effet en termes de réduction de la consommation. L’incitation au changement est donc bien réelle.
Cela dit, comme le rappelle Test Santé dans sa livraison de février-mars 2011, le consommateur belge, qui n’est responsable que de 15% des 10 à 11 grammes de sel qu’il avale chaque jour, doit plutôt compter sur une pression des autorités européennes incitant les fabricants à modifier la formulation de leurs plats préparés et autres charcuteries, fromages ou conserves… Un fameux défi pour les prochaines années !
Christian De Bock , d’après le document «Post-test de la campagne ’sel’» du CRIOC
(1) Voir C. De Bock, ’Stop le sel! Une campagne pour la réduction de notre consommation de sel’ , Éducation Santé n° 247, juillet-août 2009.

Sida: l’Afrique du Sud fait sa révolution

Le 30 Déc 20

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Une vaste campagne de prévention, de dépistage et de distribution d’antirétroviraux (ARV) y a débuté au mois d’avril. L’objectif: tester 15 millions de personnes d’ici 2011. Dans ce pays, un des plus infectés de la planète, le sida touche 5,7 millions de personnes – dont 280.000 enfants – sur 48,7 millions d’habitants. Selon les estimations, la maladie tue environ un millier de Sud-Africains chaque jour.
« Il s’agit de la plus grande campagne de prévention et de dépistage dans toute l’histoire de la pandémie du sida ». Mark Heywood , directeur de l’ONG Aids Law Project, est particulièrement enthousiaste. Selon lui, 2010 est l’année de l’espoir pour la lutte contre le sida en Afrique du Sud.
« Nous sommes prêts à prendre le taureau par les cornes », a déclaré le ministre de la Santé, Aaron Motsoaledi .
En décembre 2009, à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre le sida, Jacob Zuma avait affiché sa volonté de combattre la pandémie. Afin d’encourager la population à faire de même, le président sud-africain a d’ailleurs effectué publiquement un test de dépistage, le 8 avril dernier. Un changement de politique radical par rapport au déni affiché pendant des années par son prédécesseur, Thabo Mbeki.

Traitement gratuit

« Il y a clairement un changement d’attitude », constate Éric Goemaere , coordinateur médical de Médecins Sans Frontières (MSF) en Afrique du Sud. « Il fut un temps où le personnel de MSF était perçu ici comme une bande de racistes qui testait des médicaments toxiques , les antirétroviraux , sur la population . Alors , un plan comme celui , c’est une révolution !». Car outre le dépistage, le nouveau plan national prévoit aussi d’augmenter le nombre de personnes ayant accès aux ARV.
En février, lors de la présentation du budget annuel, le ministre des Finances, Pravin Gordhan , a annoncé que l’Afrique du Sud consacrerait 3 milliards de rands (300 millions d’euros) supplémentaires à la lutte contre la pandémie au cours des trois prochaines années. « Notre programme d’antirétroviraux subviendra aux besoins de 2 , 1 millions de personnes d’ici 2012 / 2013 » a-t-il déclaré. Actuellement, environ 900 000 personnes ont accès à un traitement gratuit (elles n’étaient que 483 000 en avril 2008).
« C’est en offrant un traitement que l’on peut encourager les gens à se faire tester et à accepter la maladie » constate Éric Goemaere. « Si on ne leur donne pas la possibilité de se soigner efficacement , beaucoup préfèrent ignorer leur statut » ajoute-t-il. En Afrique du Sud, les antirétroviraux n’ont été distribués à la population dans le secteur public qu’à partir de 2004 (quelques projets tests avaient eu lieu auparavant).
Depuis le 1er avril, tous les bébés de moins d’un an porteurs du VIH peuvent désormais recevoir gratuitement des ARV dans les établissements publics, et les femmes enceintes sont traitées plus tôt pour prévenir la transmission du virus à leur nouveau-né. Selon l’Unicef, « avec un traitement ARV administré pendant la grossesse et l’allaitement , le taux de transmission de la mère à l’enfant est de moins de 3 %. Sans le traitement , il se situe entre 30 et 35 %».
Également visées par ce plan: les personnes qui combinent infection au VIH et tuberculose. Cette dernière est la maladie opportuniste responsable du plus grand nombre de décès chez les patients séropositifs. Et environ 70% des personnes tuberculeuses en Afrique du Sud sont également séropositives ou atteintes du sida. Jusqu’ici, les médicaments antirétroviraux ne leur étaient administrés que lorsque la maladie avait déjà significativement réduit leurs cellules immunitaires (200 cellules de type CD4 (1) par millimètre cube de sang; un taux qui passe désormais à 350 cellules/mm3).
Julia Dipuo , 36 ans, est une des premières personnes à bénéficier de ces nouvelles mesures. Assise au milieu de plusieurs dizaines d’autres patients qui attendent leur tour à l’hôpital Helen Joseph de Johannesburg, elle a rendez-vous avec un médecin qui doit lui prescrire aujourd’hui, pour la première fois, des ARV. Un traitement dont sa survie dépend. Testée positive au VIH il y a 3 ans, souffrant également de tuberculose, Julia a déjà connu plusieurs complications sérieuses. Aujourd’hui, elle est néanmoins optimiste. « Quand j’ai appris que j’étais séropositive , j’étais effondrée » se souvient-elle. « À l’époque , je n’ai reçu aucun support . Aujourd’hui , on m’a expliqué comment j’allais devoir prendre mon traitement et quels étaient les éventuels effets secondaires . Je me sens enfin soutenue ».
La clinique pour le VIH et le sida de l’hôpital public Helen Joseph est considérée comme une des meilleures du pays. Pourtant, avec seulement 3 médecins pour recevoir plus de 300 patients, Julia Dipuo sait qu’elle devra patienter toute la journée pour voir son tour arriver. « Nous sommes débordés », lance un médecin pressé qui passe dans le couloir. « Je ne sais pas comment on va pouvoir accueillir des patients supplémentaires dans l’état actuel des choses ».

Opération de grande envergure

« Imaginez la situation dans les campagnes , où les gens doivent souvent parcourir plus de 50 km pour recevoir leurs ARV », fait remarquer Éric Goemaere. L’autre grand objectif du plan national de lutte contre le sida est justement de rendre ces traitements plus accessibles. « Dans notre province , nous avons déjà fait passer le nombre de cliniques où les antirétroviraux peuvent être prescrits de 70 à 110 » explique Qedani Mahlangu , en charge de la Santé au gouvernement de la province de Gauteng (où se situent Johannesburg et Pretoria, ndlr). « Cela permet aux patients d’avoir plus facilement accès à leur traitement et de se faire soigner au même endroit pour leurs différents problèmes de santé , notamment le VIH / sida et la tuberculose » ajoute-t-il. Actuellement, environ 450 centres de santé à travers le pays sont accrédités pour distribuer des ARV. L’objectif annoncé est de multiplier ce chiffre par dix d’ici un an. « Un projet ambitieux , mais peu réaliste », affirme-t-on cependant chez MSF.
« Il faudra un certain temps avant que ce plan puisse s’appliquer à l’ensemble du pays », confirme le docteur Pappie Majuba , de l’ONG Right to Care. « De nombreuses cliniques , particulièrement en zones rurales , souffrent d’un énorme manque de moyens et de personnel de santé correctement formé . On ne pourra pas résoudre tous ces problèmes en un an ».
« Il est important de former plus d’infirmières au cours des années à venir » reconnaît Qedani Mahlangu. « Nous avons déjà augmenté la capacité de certains collèges et nous travaillons aussi en partenariat avec des ONG pour enseigner les compétences spécifiques à la distribution d’ARV au personnel déjà diplômé ». Le ministre de la Santé a par ailleurs annoncé qu’il avait envoyé plusieurs milliers de lettres pour demander aux médecins et infirmier(e)s retraités de revenir au travail pour aider à la mise en place de la campagne.
Mais, selon la coordinatrice du service VIH de l’hôpital Helen Joseph, Sue Roberts , il faudra aussi changer les mentalités. « Le problème , c’est que beaucoup de personnes ne se rendent à l’hôpital qu’une fois qu’elles sont très malades , déplore t elle . Souvent , elles ne savent même pas qu’elles sont séropositives . Maintenant la politique de l’hôpital sera de proposer systématiquement un test aux patients . Si la personne accepte , celui ci sera effectué immédiatement . Par ailleurs , il y aura un stand qui sera installé dans le hall d’entrée de l’établissement , où les gens pourront recevoir des informations et des préservatifs . C’est par là qu’il faut commencer si on veut limiter le nombre de nouvelles infections ».

Le rôle essentiel de l’aide américaine

L’Afrique du Sud, première puissance économique du continent africain, est généralement très réticente à recevoir de l’aide des pays occidentaux. Sur la question du sida, néanmoins, le pays n’a guère le choix.
Les États-Unis sont ainsi les premiers bailleurs de fonds en Afrique du Sud pour la lutte contre la pandémie. En 2009, le pays a reçu 385 millions d’euros d’aide américaine. Un montant grâce auquel 650.000 personnes bénéficient d’un traitement antirétroviral et 600.000 orphelins sont pris en charge. Mais de vives inquiétudes pèsent actuellement sur le financement de la lutte contre le sida. La crise ne favorise pas la générosité… Or, selon Michel Sidibé , directeur d’Onusida, en cette période charnière, une stabilisation ou une diminution des investissements serait particulièrement dommageable. « Les donateurs ne doivent pas réduire leurs investissements à un moment où la riposte commence à enregistrer des résultats », a-t-il déclaré. « Nous avons besoin de 10 milliards de dollars supplémentaires chaque année pour financer les soins dans le monde ». Car le nombre de malades ne cesse d’augmenter : quand deux personnes sont mises sous traitement sur la planète, cinq autres contractent le VIH.
En 2003, le président George Bush avait mis en place un vaste programme d’aide d’urgence à l’Afrique: Pepfar (President’s Emergency Plan for Aids Relief). Doté à l’origine d’un budget de 15 milliards de dollars américains répartis sur une période de cinq ans, celui-ci a été au final de 18,8 milliards de dollars. Cet argent a permis de financer le traitement de plus de 2 millions de personnes infectées par le VIH et d’apporter des soins à 10 millions d’autres personnes touchées par le virus dans le monde, y compris les orphelins. Mais Pepfar a aussi été critiqué pour son approche de la prévention, conforme à l’idéologie de certains groupes chrétiens américains. « Pour obtenir des financements , de nombreuses ONG ont été tenues de rédiger leurs programmes en respectant les vues des groupes religieux », explique Thomas Wheeler , de l’Institut sud-africain des affaires internationales. « Les travailleurs sociaux devaient ainsi encourager l’abstinence et la fidélité plutôt que l’usage du préservatif ». Mais la situation a grandement évolué depuis la mise en place de l’administration Obama et le remplacement de Mark Dybul, le très controversé coordinateur de Pepfar. Cependant, selon Thomas Wheeler, « quand une aide vient d’un pays étranger , celui ci attend toujours une forme de compensation . Ainsi , de nombreux programmes financés par Pepfar utilisent des médicaments issus des firmes américaines , plus chers que les génériques ».
Patricia Huon , Infosud Belgique

(1) Les cellules CD4, ou lymphocytes T, sont des globules blancs qui organisent la réponse du système immunitaire contre certains microorganismes tels que les bactéries, les virus et les infections fongiques.

Prévention du suicide chez les jeunes

Le 30 Déc 20

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À l’initiative de la Ministre de la Culture, de l’Audiovisuel, de la Santé et de l’Égalité des chances, Fadila Laanan, une table ronde d’une demi-journée consacrée à la prévention du suicide chez les jeunes s’est déroulée au siège de la Présidence de la Communauté française le 22 octobre 2010.
Cette matinée, modérée par Chantal Leva (Présidente du Conseil supérieur de promotion de la santé) clôturait les travaux d’un groupe d’experts francophones sur la question, animé par Martine Bantuelle , Directrice de l’asbl Éduca Santé, spécialisée dans la prévention des traumatismes.
Fait inhabituel, les interventions des spécialistes se sont déroulées en présence de SAR le Prince Philippe , très sensible à cette problématique, qu’il évoqua brièvement en début de réunion.
Dans un premier temps, chacun des experts avait une dizaine de minutes pour partager avec les nombreux participants son regard sur le suicide, sa ‘prévention’, sa ‘postvention’ aussi. Réel défi, bien tenu par la plupart des intervenants (1), et qui avait le mérite d’offrir à des acteurs de terrain une belle tribune.
Le Prof . Alain Levêque (École de Santé publique de l’ULB) brossa en quelques traits un tableau épidémiologique de l’ampleur du phénomène suicidaire, soulignant au passage le mauvais ‘classement’ de la Belgique, ainsi que la sous-estimation certaine dans les statistiques du nombre réel de suicides.
La situation particulière du suicide parmi les jeunes homosexuel(les) fit l’objet d’une présentation prudente de Vladimir Martens (Obervatoire du sida et des sexualités), témoignant d’une plus grande vulnérabilité chez les garçons homosexuels que chez les filles, tout en précisant que la focalisation sur cette question présente des risques de victimisation ou de stigmatisation.
La complexité de la problématique fut mise en évidence par les exposés d’Axel Geeraerts (Centre de prévention du suicide) et Florence Ringlet (Centre ‘Un pass dans l’impasse’ (1)). Le premier nous rappela entre autres que questionner l’intentionnalité du suicide revient aussi à nous interroger sur notre propre rapport à la mort, et nous invita à méditer le paradoxe qu’un geste décisif qui ôte la vie permet au suicidaire de reprendre à cet instant le contrôle de son existence au terme de beaucoup de souffrance. La seconde exprima nombre de questions que se posent les intervenants: comment faire de la prévention, où la situer, l’école est-elle un lieu favorable pour en faire?
Le Dr Denis Hirsch , psychiatre d’adolescents au Service de santé mentale de la Ville de Bruxelles, replaça le thème du jour dans le cadre plus large des conduites à risque, qui, au-delà de leurs spécificités, ont des caractéristiques communes (mise en danger de soi, quête de sensations fortes, risque de dépendance, recherche d’un sentiment d’exister, appel masqué aux parents et aux adultes) dont il importe d’être conscient quand on travaille à leur ‘prévention’.
Les 4 interventions suivantes apportèrent une dimension encore plus concrète, non dénuée d’émotion, à la matinée, puisqu’elles émanaient d’acteurs en contact direct avec des jeunes en souffrance : Anne Englert , psychothérapeute au Service de santé mentale de l’ULB, le Dr Xavier Gernay , psychiatre au Centre Patrick Dewaere (Province de Liège), Denis Hirsch encore, sur la question de la mise en réseau des acteurs cette fois, et G . De Bundel (PMS Centre scolaire Sacré cœur de Jette) à propos de la mise en place récente (deux ans de recul) d’une Cellule bien-être au sein de son établissement scolaire.
Martine Bantuelle présenta ensuite les recommandations du groupe d’experts pour une approche globale considérant à la fois la promotion des facteurs de protection, la prévention des facteurs de risque, l’identification et l’accompagnement des personnes à risque. Plus concrètement pour la Communauté française, elle insista sur le besoin d’améliorer nos connaissances, de sensibiliser les adultes proches des jeunes, de multiplier les interventions de qualité, et de faire prendre conscience aux medias de leur responsabilité importante en la matière.
Le public n’eut malheureusement guère le temps d’enrichir les propositions (mais il put le faire par écrit après la table ronde), deux personnes relevant néanmoins le peu de place occupé par les parents des jeunes suicidaires dans les présentations du jour.
Dans sa conclusion, la ministre assura le public présent qu’elle n’entendait pas refermer le dossier, au contraire, et que des actions concrètes seront précisées en concertation avec ses collègues Marie Dominique Simonet (Enseignement) et Évelyne Huytebroeck (Aide à la Jeunesse).
Éducation Santé ne manquera pas d’y revenir dans le courant de l’année prochaine.
Christian De Bock (1) L’un d’entre eux déclara toutefois en amorce à son discours que l’exercice relevait pour lui de la gageure, et même de l’injure. Propos déplacé, insultant pour ses collègues, qui heureusement ne parvint pas à troubler la sérénité des débats.
(2) Voir l’article ‘Un pass dans l’impasse’ de Xavier Malisoux, Éducation Santé n° 261, novembre 2010

Le temps passe, pas le sida

Le 30 Déc 20

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Le sida, aujourd’hui, ne fait plus la une de l’actualité. Pourtant, chaque jour, trois nouvelles personnes sont contaminées par le VIH en Belgique, soit plus qu’en 1992, lorsque tout le monde parlait du sida et le craignait.
Comme le sida fait moins peur, les comportements de prévention se relâchent, les prises de risque augmentent. En témoigne notamment la recrudescence des infections sexuellement transmissibles.
La meilleure parade : informer, encore et toujours.

Pourquoi l’information est-elle plus que jamais indispensable?

Parce que même si le sida ne fait plus beaucoup parler de lui, le risque de contamination est inchangé: plus de 1.000 nouveaux cas par an en Belgique, soit plus qu’il y a 20 ans.
Parce que les comportements à risque sont en augmentation, y compris au sein des groupes les plus exposés et chez les jeunes. Le sida ne fait plus peur et l’usage du préservatif n’est plus systématique alors qu’un seul rapport non protégé peut entraîner la contamination.
Parce que beaucoup d’idées fausses circulent, tant sur les modes de transmission que sur les risques et les moyens de prévention. Ce qui, notamment, continue à générer des comportements discriminatoires à l’égard des personnes séropositives.

Un nouvel acteur de poids pour la prévention sida en Belgique

Le géant du cosmétique L’Oréal a lancé en Afrique du Sud en 2001 le projet ‘Hairdressers against aids’, qui vise à faire des réseaux de salons de coiffure des acteurs de la sensibilisation du grand public lors de l’annuelle journée mondiale du sida. L’UNESCO a ensuite aidé le groupe à étendre son programme à une trentaine de pays. La Belgique et le Grand-duché de Luxembourg rejoignent le projet cette année.
L’idée est de permettre aux coiffeurs, qui sont en contact quotidien avec un grand nombre d’hommes et de femmes, d’exploiter la relation de confiance qu’ils ont avec leurs clients pour faire passer un message de prévention.
Pour ce faire, la firme consacre quelques minutes à la problématique du sida lors des formations de coiffeurs, et leur offre un matériel de sensibilisation. Ce sont pas moins de 100 salons et 500 coiffeurs qui se mobilisent pour cette ‘première’ en Belgique.
Que pensent les acteurs de la prévention de cette initiative ? Nous avons posé la question à Thierry Martin , directeur de la Plate-forme prévention sida. Selon lui, « c’est une stratégie de prévention complémentaire au travail déjà réalisé par les associations et qui permettra de toucher également un autre public , peut être moins sensibilisé au départ à ces questions . De plus , le contact privilégié des coiffeurs avec leur clientèle peut avoir un impact positif dans la mémorisation des informations sur la prévention et la solidarité avec les malades . »

Une nouvelle campagne d’information : dix infos essentielles sur le sida

L’information étant toujours prioritaire, il importe de faciliter sa diffusion et son accès au maximum. L’objectif de cette campagne est donc d’aller à la rencontre des gens avec dix fiches d’information qui, chaque fois, proposent un texte informatif court sur les thèmes essentiels du sida à partir d’un visuel et d’un slogan exprimant un message concret. Une pochette regroupant les dix fiches est également prévue. Chaque texte conclut systématiquement à la nécessité de s’informer davantage: ceux qui le désirent sont invités à demander la brochure d’information plus complète en s’adressant à la Plate-forme prévention sida.
Parmi les dix accroches développées :
« En Belgique, il y a trois nouvelles infections au VIH par jour. »,
« Le dépistage, parce que c’est important de savoir. »
« La seule chose qu’on peut attraper en travaillant avec une personne séropositive, c’est un fou rire de temps en temps. »
Ces dix fiches d’information sont disponibles sur simple demande à la Plate-forme et largement diffusées par l’ensemble des partenaires de l’association. Elles sont aussi diffusées sous format électronique via le site https://www.preventionsida.org .
Leur diffusion est soutenue par une campagne reprenant les visuels et les slogans des fiches sous forme d’annonces presse, d’affiches et de cartes Boomerang
Pour plus d’informations : Plate-forme prévention sida, rue Jourdan 151, 1060 Bruxelles. Tél. : 02 733 72 99. Fax : 02 646 89 68. Courriel : info@preventionsida.org. Internet : https://www.preventionsida.org .

Les médecins scolaires en quête d’une nouvelle identité professionnelle

Le 30 Déc 20

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Les États Généraux de la médecine scolaire organisés par l’Association professionnelle des médecins scolaires (APMS) ont fourni aux participants l’occasion de s’interroger collectivement sur leurs pratiques professionnelles. L’analyse des discussions tenues dans les différents ateliers met en évidence le souhait des médecins scolaires de trouver et d’afficher une identité professionnelle renouvelée et spécifique. Comment comprendre la place que les médecins scolaires attribuent à l’identité dans leurs pratiques professionnelles?
La théorie des luttes pour la reconnaissance semble particulièrement adéquate pour une interprétation sociétale de cette revendication identitaire professionnelle. Avant d’aborder ce point, un petit détour sur le concept même de l’identité professionnelle s’impose: qu’entend-on par identité professionnelle? En existe-t-il une définition claire et précise?

L’identité professionnelle: quelques repères

À la lecture synthétique des écrits de sociologues et psychosociologues (1), plusieurs points d’ancrage semblent émerger autour de l’identité professionnelle et de ses caractéristiques:
-l’identité professionnelle est en lien avec les autres identités configurant l’individu, autrement dit, elle est une des composantes qui participent de l’identité « globale »;
-l’identité professionnelle, au même titre que les autres composantes identitaires, est dynamique, c’est-à-dire qu’elle n’est pas figée une fois pour toute, elle évolue au fil de la vie;
-l’identité professionnelle s’acquiert à l’intérieur d’un champ spécifique, en l’occurrence le monde du travail, par l’incorporation de pratiques spécialisées;
-l’identité professionnelle prend donc corps à travers un vocabulaire et des procédures définis et construits en référence à un domaine précis d’activités.
Par ailleurs, la question de l’identité renvoie à une vision du monde définie par le passage du modèle de société industrielle (ou postindustrielle, hypermoderne… les qualificatifs ne manquent pas) vers un modèle de société identitaire, avec, au centre de ce passage, la figure de l’individu posé comme acteur (2).
La compréhension de ces processus identitaires s’intègre dans la reconnaissance de soi à travers autrui. Comment relier la construction de l’identité professionnelle avec la théorie des luttes pour la reconnaissance?
Cette théorie est le fruit des réflexions d’ Axel Honneth , philosophe allemand, héritier de l’école critique de Frankfurt. Selon celui-ci, l’ensemble de nos rapports à autrui est traversé par des attentes de reconnaissance. En effet, l’image positive que nous pouvons avoir de nous-mêmes dépend du regard, des jugements et des comportements d’autrui à notre égard. C’est la raison pour laquelle nous restons toujours en attente de reconnaissance dans les interactions sociales.
Axel Honneth met en rapport trois formes de reconnaissance (affective, juridique et morale) avec trois formes de rapport positif à soi, eux-mêmes distribués dans trois sphères sociales distinctes (3).
Comment les trois formes de reconnaissance se déclinent-elles dans le discours des médecins scolaires sur leurs pratiques?

La reconnaissance interpersonnelle de proximité

Il s’agit de la reconnaissance affective au sens de Axel Honneth. La première sphère est celle du relationnel qui rend possible la « confiance en soi », c’est-à-dire la conscience de la qualité de notre propre existence.
À plusieurs reprises, les médecins scolaires ont évoqué le souhait de plus d’interactions avec les parents, les élèves et les partenaires scolaires ou hors école. Cependant, leurs pratiques professionnelles restent trop souvent focalisées dans une relation individuelle. Ainsi, de nombreux participants aux ateliers ont mis en exergue l’importance que recouvre, dans leurs pratiques professionnelles, le colloque singulier médecin/élève.
Cela peut se traduire ainsi : « Il y a un temps que l’on ne doit pas oublier , c’est le temps de l’écoute , c’est le seul moment où l’enfant est en tête à tête avec nous …»
Quoique cette spécificité constitue une plus-value à leurs yeux, ils ne sentent pas que celle-ci soit perçue à sa juste valeur. En d’autres termes, les médecins scolaires signifient ici l’absence de reconnaissance interpersonnelle de proximité dont ils sont l’objet.

Profil des participants aux États Généraux

144 médecins participants (source APMS, 2008)
soit 44,3 % des 325 médecins répertoriés par l’APMS
soit 53,9 % des membres de l’APMS
75 % des services PSE et centres PMS étaient représentés (proportion établie en tenant compte des affectations)
SPSE subventionnés officiels 18/24
SPSE subventionnés libres 18/22
CPMS Communauté française 30/42

Par ailleurs, le médecin scolaire dépend des autres professionnels pour mener à bien un certain nombre de prestations. Son identité professionnelle réside aussi dans le travail en équipe, le partenariat avec les éventuels partages de responsabilité et de délégation qui en découlent. Toutefois, les médecins scolaires envisagent davantage le partenariat dans une dynamique individuelle (entre eux-mêmes et des partenaires extérieurs) plutôt que dans une dynamique institutionnelle d’intervention (entre leurs équipes et des intervenants extérieurs). Les partenariats s’inscrivent donc dans une forte attente de reconnaissance interpersonnelle.

La reconnaissance juridique

La deuxième sphère publique (du droit et de la politique) porte sur les relations juridiques . La reconnaissance dépend alors des droits qui nous sont attribués; ceux-ci donnent lieu au «respect de soi», à savoir la certitude de la valeur de notre liberté.
La santé publique et la promotion de la santé ne jouissent pas d’une reconnaissance juridique suffisamment affirmée. Trois raisons pourraient expliquer le déficit de la reconnaissance juridique de ces missions parmi les tâches du médecin scolaire:
-les mandats de santé publique et de promotion de la santé ne sont pas définis avec suffisamment de clarté et de précision;
-le cadre légal valorise moins les missions de promotion de la santé et la santé publique (4).
-enfin, les conditions de prestations et de statut des médecins scolaires limitent ceux-ci aux bilans de santé et aux vaccinations qui sont les principaux services rendus aux élèves, en termes de temps de travail et de couverture de la population scolaire (5).
Pour le dire autrement, « Le projet santé , ça demande plus de temps au médecin , beaucoup plus de temps …»

La reconnaissance morale

La dernière sphère concerne la contribution de nos activités individuelles au bien de la société, soit de la division du travail. Ce qui est recherché ici est l’« estime de soi », entendue comme la conviction de la fonction sociale de notre activité. Cette forme de reconnaissance morale permet ainsi à la personne de se rapporter positivement à ses qualités et à ses capacités concrètes.
Le déficit de reconnaissance morale du médecin scolaire comme acteur de santé publique pourrait s’expliquer par une image souvent dévalorisée renvoyée par les parents, par les confrères médecins, par les acteurs de la communauté éducative et par les autorités.
Le médecin scolaire ne se sent pas reconnu comme un acteur de santé publique qui détient des informations utiles à la description de l’état de santé de la population scolaire et à la détermination des politiques permettant de l’améliorer, qui est le garant de l’équité et de l’universalité du service préventif auprès des enfants et des jeunes.
Comme l’exprime une participante : « Les gens ont besoin de reconnaissance de leur travail et que quelqu’un dise que cette médecine là est incontournable . »

En guise de conclusion

L’objectif poursuivi dans cet article est d’illustrer en quoi le recours à une théorie sociale, située à l’intersection de diverses disciplines – philosophie, sociologie, psychologie sociale – permet d’approfondir l’interprétation de vécus professionnels et de les relier à des manières d’être, de penser, d’agir et de faire qui caractérisent notre contemporanéité.
N’est-ce pas là une porte d’entrée vers le décloisonnement des pratiques professionnelles et, partant, un levier pour jeter les bases propices aux dialogues multidisciplinaires, un des enjeux de taille au cœur même de la prévention et de la promotion de la santé ?
Patrick Govers et Cetty Saglimbene , SCPS APES-ULg

(1) R. Sainsaulieu, 1977, L’identité au travail , 2e édition 1985, Presses de la Fondation Nationale des Sciences Politiques ; P. Berger, T. Luckmann, 1966, La construction sociale de la réalité , Paris, Méridiens Klincksieck, 1986 ; Jean Marie Barbier, L’analyse des pratiques : questions conceptuelles , dans Claude Blanchard-Laville et Daniel Fablet (Éds), L’analyse des pratiques professionnelles , Paris, L’Harmattan, 1996a, pp. 27-49. Claude Dubar, La socialisation , construction des identités sociales et professionnelles , 3e édition, Paris, Armand Colin, 2000 ; Christophe Dejours. Vulnérabilité psychopathologique et nouvelles formes d’organisation du travail ( approche étiologique ) L’Information psychiatrique 2007 ; 83 : 269-75.
(2) Voir par exemple Guy Bajoit, Le changement social . Approches sociologiques des sociétés occidentales contemporaines , Paris, Armand Colin, 2003 ; Alain Touraine, Un nouveau paradigme . Pour comprendre le monde aujourd’hui , Paris, Fayard, 2005.
(3) Axel Honneth, La lutte pour la reconnaissance , Paris, Édition du Cerf, 2002. Par la suite, l’auteur revient sur sa théorie dans La Société du mépris . Vers une nouvelle théorie critique , La Découverte, Paris, 2006. Pour une vision plus générale de cette théorie, voir Alain Caillé, La quête de reconnaissance nouveau phénomène social total , La Découverte, Paris, 2007
(4) L’article 5 de l’Arrêté relatif aux modalités des bilans de santé, à leurs fréquences et contenus, stipule clairement que « la durée minimum des prestations affectées au suivi médical des élèves est de 70 %. La durée minimum des prestations affectées à la mise en place de programmes de promotion de la santé et de promotion d’un environnement scolaire favorable à la santé est de 20 % ».
(5) Ce déficit de reconnaissance juridique fait d’ailleurs l’objet d’une revendication spécifique de la part de l’APMS : « rendre obligatoire la fonction de médecin coordinateur , afin de donner à la médecine scolaire la dynamique nécessaire pour œuvrer utilement dans les domaines de la santé publique et de la santé communautaire ». Association professionnelle des médecins scolaires, op . cit ., p.80.

Les Etats généraux de la médecine scolaire

Le 30 Déc 20

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Lors des États généraux de la médecine scolaire, qui ont été organisés par l’Association professionnelle des médecins scolaires (APMS, voir encadré page suivante) en novembre 2009, ont eu lieu un certain nombre d’ateliers au cours desquels les médecins scolaires travaillant dans les services PSE et centre PMS de la Communauté française ont réfléchi à la place du médecin scolaire dans la Promotion de Santé à l’École. Cette initiative faisait suite à une enquête qui avait permis d’objectiver que le vécu professionnel de ces médecins était extrêmement divers. Il convenait d’analyser les causes et les conséquences de cette disparité et de tenter de proposer un certain nombre de recommandations. Cet important travail a pu être réalisé grâce au soutien de l’APES–ULg, Service communautaire de promotion de la santé attaché à l’École de santé publique de l’Université de Liège.

Mise en question des pratiques

Les propos échangés lors des ateliers laissent penser que, bien que les médecins scolaires revendiquent des spécificités professionnelles, ils n’arrivent pas tous à enrichir les pratiques liées aux compétences acquises au cours de leurs études de médecine pour devenir pleinement acteurs de santé publique. Il est vrai que les démarches classiques en médecine de santé publique et /ou communautaire sont passablement différentes de celles poursuivies en médecine curative.
Pour devenir un véritable acteur de santé publique, le médecin scolaire devrait opérer plusieurs transitions :
-placer la prévention médicalisée et organisée au centre de ses pratiques;
-se préoccuper de la santé globale des élèves et de l’éducation pour la santé ;
-tenter d’agir sur les déterminants non sanitaires de l’état de santé ;
-prendre en charge la santé d’une communauté ou d’une population ;
-définir ses priorités d’intervention non seulement en fonction des observations cliniques mais surtout en fonction de données collectées et analysées au niveau local ou au niveau régional.

Manque de reconnaissance et d’attractivité

Nombre de médecins scolaires éprouvent des difficultés à rentrer dans la dynamique de projets collectifs ou de promotion de la santé ; certains n’ont pas encore « apprivoisé » la santé communautaire. Par ailleurs, le manque de reconnaissance juridique et morale des missions de santé publique ne contribue pas à une reconnaissance des spécificités de la fonction. D’autre part, la fonction elle-même semble relativement peu attractive à des médecins formés à l’art de guérir et à la pratique de gestes thérapeutiques; le caractère modeste des rétributions par rapport à celles d’autres spécialités médicales ne fait que renforcer ce manque d’attractivité de la fonction.
Toutefois, les médecins participant aux ateliers ont invoqué à maintes reprises une volonté d’implanter davantage de qualité dans la réalisation des missions de service, insistant sur le bien-fondé de la Promotion de la Santé à l’École comme vecteur de santé publique contribuant à la protection de l’enfance. Cet outil, gratuit, accessible à tous et permettant de lutter contre des inégalités sociales doit être maintenu et probablement amélioré.

Une question d’identité

C’est précisément dans cette perspective que les participants ont travaillé ensemble, avec un enthousiasme certain, à mieux définir leur identité professionnelle. Les médecins scolaires sont en recherche et ils doivent trouver leur juste place parmi la variété des partenaires susceptibles de contribuer à la santé des enfants et des jeunes.
Dans le cadre de ce processus identitaire en construction, les médecins ont estimé pertinent d’analyser les facteurs structurels et organisationnels qui influencent leurs discours et pratiques et qui cristallisent leurs revendications et recommandations.
En termes structurels, ils se sont penchés sur les différences de statuts qui influencent la répartition des tâches au sein des équipes, sur le manque de temps qui entrave les processus de concertation et de communication, sur le manque de disponibilité qui influence la reconnaissance du médecin comme acteur de santé publique, sur les difficultés d’accéder aux formations complémentaires.
En termes de facteurs organisationnels, ils se sont penchés sur les paramètres qui influencent la qualité du travail; ils ont aussi évoqué les conditions à mettre en place pour établir des partenariats stables. Les situations varient selon les pouvoirs organisateurs; songeons à titre d’exemples, à la mise à disposition de moyens et de collaborateurs ou encore à la reconnaissance des missions accomplies.
D’une manière plus large, ces analyses et réflexions éclairent particulièrement la place que la société donne à la santé; la scission entre les aspects curatif et préventif de la médecine est profonde, institutionnalisée, majorée par un déséquilibre des moyens affectés (tant en termes humains qu’en termes matériels) et par un manque, longtemps dénoncé, de formation des médecins dans les domaines de la prévention et de la santé publique. La diminution de la dotation dont ont souffert les services il y a plusieurs années, notamment par la suppression de l’expérience de rénovation, a vu croître le nombre de dysfonctionnements.

Une réelle plus-value

L’APMS tient à souligner la spécificité et la plus-value apportées par un médecin scolaire bien formé pour la Promotion de la Santé à l’École. Le médecin scolaire est alors le garant du respect des pratiques scientifiquement reconnues et de la rigueur des informations, mais aussi du bien-fondé des analyses de situations et des collectes de données, de la détermination des priorités des actions et de la transmission des informations. Il se situe en tant qu’interlocuteur légitime, légal et déontologique à l’égard de ses confrères assumant la responsabilité des actes médicaux prestés. De plus, le médecin scolaire est à même d’utiliser des leviers professionnels en lien tant avec sa formation qu’avec sa qualité de médecin.
Se basant sur ces constats, l’APMS fait des recommandations en termes de visibilité des missions de services, en termes d’explicitations de diverses fonctions qui ne doivent pas s’exclure mais se concevoir en cascade (médecin examinateur, médecin référent d’établissement, médecin coordinateur, médecin directeur), en termes de formations de base ou continuées.
L’APMS revendique le maintien et l’amélioration de la Promotion de la Santé à l’École car toutes ses missions se réalisent dans l’intérêt exclusif de ses bénéficiaires à savoir les élèves et étudiants ainsi que les établissements scolaires. Chaque enfant et étudiant scolarisé dans l’ensemble de la Communauté française doit pouvoir avoir accès et bénéficier, quel que soit le réseau d’enseignement qu’il fréquente, aux mêmes offres de services. Cela nécessite impérativement une revalorisation du secteur afin de rencontrer les revendications suivantes qui, toutes, doivent s’inscrire clairement dans des textes légaux:
-établir des normes d’encadrement afin de supprimer toute inéquité dans la prise en charge des élèves (1 heure ‘médecin’ par tranche de six élèves sous tutelle) et afin de permettre l’instauration d’un partenariat stable, gage d’efficacité;
-établir des normes de fonctionnement afin de faire de la médecine scolaire un outil de santé professionnelle en lui ménageant des conditions matérielles propices à la qualité des prestations;
-établir des normes de rémunération attractives pour ces praticiens selon les statuts établis et pour toutes les fonctions prestées;
-rendre obligatoire la fonction de médecin coordinateur afin de donner à la médecine scolaire la dynamique nécessaire pour œuvrer utilement dans les domaines de la santé publique et communautaire.
D’après les Actes publiés en juin 2010 suite aux États généraux de la médecine scolaire

Depuis 1989, l’Association professionnelle des médecins scolaires (APMS) regroupe les médecins ayant des missions de promotion de la santé à l’école dans l’ensemble des réseaux d’enseignement organisés (dans les CPMS de la Communauté française) ou subventionnés (dans les Services PSE communaux, provinciaux, libres), présents en Communauté française.
Ses missions se centrent sur la promotion de la santé en milieu scolaire et la défense du rôle et du statut des médecins scolaires.
L’APMS assure la représentation des médecins scolaires dans différentes instances: Conseil supérieur de promotion de la santé, Commission PSE, Centres locaux de promotion de la santé, Comité de concertation intersectoriel vaccination, etc.
Association Professionnelle des Médecins Scolaires, rue d’Orbais 11, 1360 Perwez. Site: https://www.apms.be . Courriel: apms2005@hotmail.com