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Manger: un écolage passionnant

Le 30 Déc 20

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Si l’alimentation est un sujet inépuisable, il est souvent abordé à l’école d’une manière «prescriptive», rarement ludique, sauf en maternelle où la créativité et l’imagination sont souvent des supports d’apprentissage.

Jouer plutôt que prescrire

Dans l’enseignement primaire, plus généralement, l’enseignant ou l’intervenant dissémine des notions de base en matière de nutrition: la pyramide alimentaire, les «bons et les mauvais aliments», la composition du petit déjeuner idéal, la nécessité de manger équilibré et de bouger pour vivre en meilleure santé, etc.
De surcroît, ces impératifs confinent parfois à l’oracle scientifique, sans lien avec un vrai travail d’explication positive (autant que possible ludique, joyeux, accrocheur…) sur le fonctionnement du corps, son utilité et ses besoins. Les savoirs sont servis sur le bureau des élèves avec devoir de les ingurgiter pour ensuite les régurgiter et bien entendu les mettre en application. Dans cette logique qui est encore d’actualité et qui peut être renforcée par des prescrits familiaux transmis parfois de génération en génération, changer ses habitudes alimentaires deviendrait donc un devoir, dérivant de l’information que l’on nous assène (mais qu’on ne s’est pas forcément appropriée). Il suffit d’une minute d’introspection pour se rendre compte du nombre d’actes accomplis allant quotidiennement à l’encontre de ces prescrits de santé.
Ce mode vertical de transmission est depuis longtemps remis en question aussi bien par les pédagogues et les éducateurs que par les spécialistes en promotion de la santé: les diktats ont peu d’échos dans les changements de comportement que ce soit en matière d’alimentation et plus généralement en matière de santé.
Et cependant, les enfants s’en souviennent: c’est ce qui ressort des courriers que des classes maternelles et primaires transmettent à la Coordination Éducation & Santé asbl, condition nécessaire pour qu’elles reçoivent en retour le kit pédagogique «En rang d’oignons» (1).
Les deux questions auxquelles les élèves répondent dans ces lettres sont: «Des fruits et des légumes, j’en mange ou j’en mange pas? » et «Pourquoi?». Dans les réponses, on retrouve bien souvent des messages entendus et rabâchés sans doute mille fois, que ce soit avec des intentions éducatives de la part des parents, des éducateurs, des professionnels de santé ou encore avec des finalités commerciales aux apparences informatives, par les médias ou les publicités. La santé ou le «politiquement correct» du moment est utilisé comme allégation pour vendre davantage certains produits alimentaires industrialisés.
Recomposés de manière parfois chaotique comme dans les cadavres exquis, les prescrits ressortent: «les fruits contiennent des vitamines qui font grandir», «les légumes donnent de la force», «les fruits et les légumes, j’en mange parce que c’est bon pour la santé».
La mémorisation de ces messages prescripteurs par les élèves souligne les défis actuels d’une éducation nutritionnelle qui porterait ses fruits à court, moyen et long termes. La Coordination Éducation & Santé s’attache à repenser de manière créative les moyens permettant d’influer le cours des choses. Elle mise notamment sur la curiosité et le plaisir d’apprendre ensemble et d’expérimenter avec la classe à partir des réalités toutes proches mais aussi sur l’intégration des efforts pour promouvoir la santé dans les apprentissages et la vie de la classe.
Développer des compétences «santé» se rapproche donc d’autres objectifs proches des missions de l’enseignement comme apprendre à s’exprimer, exercer la citoyenneté, s’éveiller aux enjeux de la société et aux défis du futur: développement durable et solidarité en particulier, en visant un développement harmonieux de chacun et de tous.
Dans le cadre des programmes de promotion de la santé subventionnés par la Communauté française, l’asbl Cordes – de son petit nom – a élaboré des outils: le kit pédagogique «En rang d’oignons» diffusé depuis septembre 2008 et l’outil «Set de table» avec sa brochure d’accompagnement diffusé fin janvier 2010.
Ces deux outils sont construits sur quelques exigences méthodologiques qui nous paraissent fondamentales:
-la première est d’impliquer résolument les élèves dès le départ du projet ou de la préparation d’une action visant la santé et le mieux vivre;
-la deuxième est de les faire participer dans les activités autour de l’alimentation en suscitant leur envie d’apprendre, de découvrir, de cuisiner, de goûter, de commenter et en encourageant les rapprochements entre l’école, la famille, le quartier, le voisinage et des acteurs parfois sous-estimés au sein de l’école.
Les deux outils sont assez colorés pour attirer l’attention des enseignants comme des élèves (voir l’analyse des outils sur le site de https://www.pipsa.org ). La difficulté est d’arriver jusqu’à eux car les envois systématiques mettent parfois du temps pour circuler dans l’école et tous n’ont pas l’occasion de voir l’outil qui est proposé!

Fruits et légumes à l’agenda scolaire: l’outil «En rang d’oignons»

En ce qui concerne, le kit «En rang d’oignons», les enseignants ont fort bien accueilli la petite procédure pour obtenir l’outil en faisant répondre la classe aux deux questions suggérées sur les fruits et les légumes. C’est donc une manière d’introduire le sujet dans la classe. L’échange de correspondance avec la classe est un atout car il permet aux enseignants d’intégrer l’exercice d’écriture ou d’illustration en fonction de leurs objectifs d’apprentissage pour la classe. Nous avons par exemple reçu d’une classe 25 lettres individuelles dans une grande enveloppe où chaque élève avait visiblement fait l’exercice de la composition et l’adressage d’un courrier en argumentant ses réponses aux deux questions.
Du côté des classes maternelles, l’envoi d’une lettre à la coordination avec les dessins et les phrases des enfants écrites par l’enseignante est souvent un prétexte pour mener déjà des activités culinaires ou de dégustation de fruits et légumes avec les élèves, selon l’inspiration de la «meneuse de jeu».
La diversité des réalisations et des illustrations que les classes nous transmettent montre combien le sujet des fruits et des légumes est source de créativité. Il est vrai que l’outil en lui-même dans sa facture artistique libère les imaginations: toutes les écoles ont reçu en septembre 2009 l’affiche qui fait partie du kit avec une nouvelle invitation à se lancer dans la procédure pour obtenir le kit «En rang d’oignons» pour la classe. Depuis la rentrée de septembre, ce ne sont pas moins de 296 classes qui ont entamé une correspondance avec Cordes (contre 194 l’année précédente). Autant d’enseignants se proposant d’exploiter le thème des fruits et des légumes en l’ajustant avec leurs objectifs pour leur classe que ce soit de maternelle ou de primaire.
De surcroît, le thème des fruits et des légumes est à l’honneur avec la proposition faite conjointement par la Région wallonne, la Région de Bruxelles-Capitale et la Communauté française (2) de donner aux écoles les moyens d’offrir pendant l’année des fruits et légumes une fois par semaine à des classes du fondamental grâce aux apports de chaque entité fédérée mais aussi grâce aux subsides de l’Union européenne (voir programme «Fruits et légumes à l’école» sur le site de la Région wallonne – portail de l’agriculture wallonne – et sur le site de la Région de Bruxelles-Capitale).
La Communauté française prend en charge les mesures d’accompagnement et, dans ce cadre, propose aux écoles participantes le kit «En rang d’oignons» édité par la Coordination Éducation & Santé – Cordes asbl et le livre «Petite bibliothèque gourmande» édité par le Service général des Lettres et du Livre de la Communauté française. Ainsi 146 classes correspondant à 79 écoles participant au programme «Fruits et légumes» à l’école ont écrit pour recevoir le kit «En rang d’oignons».
De la sorte, ces écoles peuvent joindre le geste à la parole en accordant la consommation de fruits et de légumes avec les activités pédagogiques sur le sujet.
Depuis son lancement récent dans les deux régions, un total de 728 implantations (3) (682 en Wallonie et 46 en région bruxelloise) se sont déjà inscrites dans ce programme de distribution de fruits et de légumes. Le choix du producteur est laissé à l’école qui – selon sa sensibilité au développement durable – peut opter pour un mode de production bio plutôt que conventionnelle ou encore privilégier les producteurs locaux pour diminuer le coût énergétique.
Voilà bien une démonstration de l’intersectorialité à encourager dans les différentes actions de promotion de la santé.
Ce premier pas peut sans doute lancer une réflexion plus approfondie sur les conditions déterminantes de la consommation et non consommation de ces denrées dans les différents milieux sociaux. La distribution de fruits et légumes en milieu scolaire peut aussi permettre de sensibiliser les élèves aux conditions de production favorisant le développement durable ou encore d’aborder avec les plus grands la question des choix de consommation alimentaire respectueux de la santé et de l’environnement.
Les programmes d’éducation aux médias et à la citoyenneté peuvent s’y articuler également et favoriser ainsi pour l’élève plus de cohérence et de sens dans ses apprentissages.

Jeu, set et match: l’outil «Set de table»

Autre outil, même démarche participative que dans l’outil « En rang d’oignons». À part que, cette fois, c’est une lettre des enseignants qui est attendue avant de leur remettre l’outil pour mener des activités dans leur classe. Distribué fin janvier 2010 à toutes les implantations scolaires du fondamental et du secondaire, en incluant l’enseignement spécialisé, les organismes de jeunesse et les écoles de devoirs, l’outil set de table connaît déjà un franc succès (4).
Près de 450 demandes sont arrivées à la Coordination en l’espace de trois à quatre semaines: 33 000 sets de table ont été distribués dans des classes, des groupes. Le formulaire à remplir demandait de préciser les projets en cours et le contexte d’utilisation prévu. Les demandes reçues indiquent que le sujet de l’alimentation, du manger, du bouger, de la santé et de l’équilibre alimentaire est plus que jamais à l’ordre du jour que ce soit dans un projet de classe ou dans le cadre d’un cours de science ou encore dans le cadre d’une action avec les parents et les élèves.
La brochure, qui contient certaines informations nutritionnelles de base à destination de l’enseignant, de l’éducateur, offre de nombreuses pistes d’exploitation de cet outil dont les objectifs en termes de santé sont de:
-permettre à l’élève de prendre conscience de ses habitudes alimentaires en rapport avec les différents groupes alimentaires et la santé;
-donner des occasions d’échanges entre élèves sur la nourriture et les pratiques de repas de chacun.
Comme pour le kit «En rang d’oignons», les propositions pédagogiques allient à la fois l’apprentissage, l’exercice de compétences et la promotion de la santé tout en suscitant les questionnements sur ce qui détermine les consommations alimentaires et les comportements de santé.
À ce stade, il n’est pas encore possible d’évaluer l’impact de la diffusion de cet outil, mais quelques constats peuvent déjà être faits:
– il est arrivé fréquemment que l’outil soit demandé en nombre par le directeur de l’école, laissant entendre que la démarche sera menée par tous les enseignants de l’école, ce que l’on peut espérer vu qu’ils reçoivent la brochure leur permettant d’utiliser le set de table dans un contexte pédagogique. Néanmoins cela reflète une fois de plus la diversité des modes de fonctionnement et de délégation qui peuvent exister au sein des écoles. À chacune son mode de communication, de prise de décision, de partage de responsabilités, d’autonomie des enseignants…
– la question du formulaire à l’enseignant visant à faire réfléchir sur la correspondance entre la demande de sets de table et les besoins spécifiques en matière d’alimentation de la classe n’est visiblement pas toujours comprise par tous mais elle a le mérite d’être posée et de ce fait, on peut espérer qu’elle fera du chemin: trop souvent encore, l’alimentation équilibrée est vue comme une matière incontournable à différents moments du cursus scolaire (du maternel au secondaire) sans que les besoins des élèves en matière de santé soient identifiés au préalable.
Ceci illustre la nécessité de poursuivre les efforts au sein des services PSE, de rassembler et encoder des données utiles qui permettront d’affiner les actions de promotion de la santé établies au sein des écoles en fonction des besoins et des demandes des élèves.
Le rôle attendu des Services PSE, des Centres PMS et des CLPS est bien de faire connaître l’outil en le montrant aux enseignants intéressés et en les encourageant à remplir le formulaire pour recevoir le nombre de sets nécessaire pour leur classe avec la brochure d’accompagnement. Cela peut déboucher sur des partenariats avec les enseignants pour mener des actions dans les classes selon les disponibilités et les envies de chacun.

Que ce soit pour le kit «En rang d’oignons» ou pour l’outil «Set de table», la Coordination Éducation & Santé asbl a mis en place des procédures participatives pour que les classes obtiennent des outils en support de leur projet. Il s’agit donc bien de mobiliser les enseignants et les élèves pour les intéresser à l’outil et à son utilisation dans le cadre de la vie de la classe et des apprentissages.
Les échanges de courrier sont un élément auquel nous tenons particulièrement pour établir un lien direct et motivant avec les uns et les autres. Tout au long du projet, nous poursuivrons ces échanges, que ce soit pour re-motiver les classes à poursuivre la dynamique sur le thème des fruits et légumes ou que ce soit pour évaluer avec les enseignants et les élèves l’intérêt des outils et démarches proposées pour avancer vers des plus en santé et des écoles plus «en santé».
Cristine Deliens , coordinatrice Coordination Éducation & Santé asbl (Cordes asbl), av. Maréchal Joffre 75, 1190 Bruxelles. Courriel: c.deliens@cordes-asbl.be (1) Cet outil a été présenté dans le n° 237 d’Éducation Santé, septembre 2008. ‘Voyagez toute l’année… sur le thème des fruits et légumes!’ , par Cristine Deliens.
(2) Ce programme est aussi développé en Communauté flamande.
(3) Chiffres arrêtés le 9/3/2010
(4) Les enseignants et les élèves ne sont pas les seuls à apprécier les initiatives de l’asbl Cordes. Les deux outils présentés ici ont obtenu le label de qualité du Plan national nutrition et santé belge (ndlr).

Enfants difficiles. Privilégier les réponses personnalisées

Le 30 Déc 20

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Enfants difficiles, hyperactifs avec ou sans impulsivité, enfants rois ou tyrans, futurs délinquants détectables dès la maternelle… Y’a pas à dire: l’éducation de nos chères petites têtes blondes fait régulièrement couler de l’encre! Et quand les troubles neurologiques sont exclus, pas facile d’identifier les causes pour s’y attaquer.
C’est pourtant à cette tâche que s’est attelée l’équipe d’ Isabelle Roskam , en suivant dès leur plus jeune âge les enfants qui posent problème à leur famille et/ou à l’école.
Diagnostiquer précocement les difficultés de comportement de l’enfant: voilà précisément le défi relevé par une équipe pluridisciplinaire des Cliniques universitaires Saint-Luc (UCL) à Bruxelles, impliquant des psychologues, bien sûr, mais aussi des neuropédiatres, pédopsychiatres, logopèdes et neuropsychologues.
« Depuis plusieurs années , nous rencontrions un grand nombre de parents et d’enfants en souffrance dans leur relation : face à leur enfant très difficile , les parents qui ne s’en sortaient plus venaient consulter des spécialistes de notre unité pour comprendre ce qui n’allait pas . Lorsque nous avions exclu des causes neurologiques ou des situations personnelles problématiques , la seule réponse que nous pouvions apporter était la psychomotricité . Mais en observant les archives des consultations , nous avons constaté que cette réponse peu claire les incitait à se lancer dans du shopping médical afin d’obtenir une réponse plus précise …», explique Isabelle Roskam, docteur en psychologie et promoteur du projet. Elle et son équipe ont alors décidé de réfléchir à la meilleure manière d’apporter de véritables solutions aux patients et à leurs familles.

Étude de cas

D’où l’idée de chercher à objectiver plus précisément les types de problèmes rencontrés par ces familles. « Nous recrutons depuis 2005 des enfants de 3 , 4 ou 5 ans qui présentent des difficultés de comportement , tels que l’agressivité , le manque d’obéissance , l’impulsivité ou l’agitation . Le contact se fait via les consultations aux Cliniques Saint Luc par des parents qui ne s’en sortent plus et viennent demander une aide . Nous excluons les enfants qui présentent des problèmes neurologiques clairs comme l’épilepsie par exemple , ceux qui vivent dans un contexte psychosocial problématique , ceux qui rencontrent d’importants troubles du langage ou souffrent de déficiences intellectuelles . Raison pour laquelle nous travaillons de concert avec des neuropédiatres ou encore des psychologues qui sont chargés de dépister ces cas », poursuit Isabelle Roskam. Elle note que si certains troubles sont aujourd’hui plus aisément diagnostiqués grâce à des outils fiables, ce n’est pas le cas pour tous, notamment l’inhibition motrice et cognitive. Ils ont dès lors dû adapter des outils utilisés pour les enfants plus grands, les standardiser afin de pouvoir réaliser des comparaisons fiables de cas.
Sur base des quelque 150 enfants enrôlés, comparés à 300 à 400 enfants d’un groupe contrôle recruté dans des écoles partenaires du projet, l’équipe d’Isabelle Roskam a pu déterminer quatre facteurs qui étaient à l’origine de la problématique comportementale de ces enfants. « Tout d’abord , un quart d’entre eux présentent un développement insuffisant du langage : ils ne comprennent donc pas les consignes , et de ce fait , ce que les parents ou les éducateurs attendent d’eux . Si de plus ces consignes ne sont pas énoncées clairement , ou que les enfants ne sont pas capables de s’exprimer correctement , une agressivité risque de se manifester .
Deuxième facteur : l’incapacité d’inhibition . Celle ci est régie par une zone frontale du cerveau ; si elle est déficiente , on peut constater chez ces enfants une incapacité à inhiber les mouvements moteurs pour respecter la consigne , ou pour attendre que l’adulte ait fini de parler pour prendre la parole , par exemple . Les enfants ADHD ou présentant un trouble de l’attention sont les plus à risque dans ce domaine .
Troisième facteur , les problèmes affectifs : l’enfant cherche à se faire remarquer par son comportement difficile ou par un profil anxieux . Les enfants ayant vécu un trouble de l’attachement sont particulièrement représentés dans cette catégorie .
Enfin , il y a les problèmes d’ordre éducatif : les parents dépassés ne fixent pas suffisamment de limites ou manquent de cohérence soit dans les différentes décisions prises , soit entre eux

Des enseignements intéressants

Tous les enfants sont alors évalués durant trois ans selon ces 4 critères, sur base de consultations régulières. « Après la phase de bilan complet initial , qui comprend une consultation psychologique , une consultation logopédique et une rencontre à l’école , l’enfant refait cette même triple consultation tous les six mois durant deux ans , et lors du bilan de clôture , afin d’observer son évolution .» Les enfants seront ensuite à nouveau revus à 9, 12 et 15 ans afin de connaître leur évolution.
La mission de l’équipe est de débusquer les facteurs les plus contributifs dans chaque cas et de donner aux parents des pistes pour adapter leur attitude en fonction de la situation, de manière individuelle, même si les lignes directrices sont les mêmes. En effet, il faudra tenir compte de la situation familiale, sociale, éducative, socio-professionnelle… de chaque famille.
Après plus de trois années d’observation de ce panel dont les premiers enrôlés ont terminé les trois années d’étude, quelles sont les grandes lignes qui se dégagent?
« Premièrement , on a vu à quel point il était déjà difficile de déterminer les enfants réellement à problème Selon la personne qui demande une évaluation ( le père , la mère , l’enseignant , un autre médecin …), l’image donnée de l’enfant peut varier très fortement . D’où notre questionnement : qui croire ? Qui est le meilleur informateur ?» Selon Isabelle Roskam, la vision des parents est biaisée, notamment parce que souvent, ils arrivent dans son service au bout d’un long parcours fait de recherches sur les techniques d’éducation, de discussions avec des proches: ils cèdent finalement la main à un professionnel.
«Et comme ils veulent que leur demande soit prise au sérieux, ils exposent les problèmes sous leur plus mauvais angle, racontent les expériences les plus négatives. Ces problèmes isolés donnent une image qui colle à leur représentation, mais est-elle fiable?»
Les enseignants alors? Souvent plus structurée, parce qu’ils ne sont pas impliqués émotionnellement comme les parents, leur demande est différente de même que leur jugement. Mais il n’y a pas de mauvais point de vue, s’empresse d’ajouter Isabelle Roskam: « L’enfant est une synthèse de tout ce que nous rapporte son entourage . Parfois , l’enfant est difficile à l’école et pas à la maison et vice versa . Il est aussi différent à la consultation , même s’il y a des cas d’enfants difficiles toujours et partout …» Mais elle souligne que le problème des spécialistes consultés est qu’ils ne peuvent se fier qu’à la personne qui vient en consultation, faute de temps et d’argent: idéalement, il faudrait avoir le «son de cloche» de différents intervenants…
«Nous ne nous attendions pas à constater tant de différences. Par exemple pour le diagnostic d’ADHD, si le spécialiste s’en tient à une seule version, le trouble concernerait 25% des enfants de 3 ans; si l’enfant est étudié dans deux milieux différents, le chiffre tombe à 2,5%! Il faut donc rester humbles…»

Des solutions sur mesure

Autre enseignement important: l’impact des troubles du langage. 25% des enfants difficiles seraient concernés. Pourtant, des mesures simples peuvent déjà avoir un impact considérable, comme une communication efficace avec ces enfants: se mettre à leur niveau pour capter leur attention, énoncer des consignes claires, communiquer simplement et efficacement… « Nous avons fait suivre aux parents une formation pour leur apprendre ces mesures . Et quand la situation se normalise , le comportement de bon nombre de ces enfants s’améliore
Toujours dans l’idée d’énoncer des consignes claires, celles-ci ne doivent pas seulement l’être dans leur verbalisation, mais aussi dans leur consistance. « Les parents utilisent parfois des techniques différentes pour se faire obéir . Résultat , il y a un manque de consistance éducative et l’enfant saura toujours comment obtenir de l’un ou de l’autre ce qu’il désire . De même , ces parents lancent des menaces irréalistes ; l’enfant y reste donc totalement insensible et ne change rien à son comportement . Autre cas de figure : ils essaient simultanément toutes sortes de techniques pour se faire respecter , de sorte qu’il n’y a plus de ligne directrice
Dans certains cas, il faudra même briser une image négative que les parents peuvent avoir de leur enfant, par exemple s’il n’était pas désiré, ou s’il s’agissait d’un garçon alors que les parents souhaitaient une fille, ou vice versa… Il s’agira alors de travailler sur la représentation de l’enfant par exemple en soulignant ses compétences reconnues par les enseignants, ou ses progrès.
Pour sa part, la logopédie sera utile pour rectifier des troubles du langage. « Quant au manque d’inhibition , la psychomotricité peut être utile , mais aussi des petits jeux très faciles à réaliser en famille comme le « ni oui ni non » pour exercer l’inhibition cognitive ou le « Jacques a dit » pour l’inhibition motrice . De plus , c’est un moment positif de relation avec l’enfant …», souligne Isabelle Roskam. Et si ces mesures ne suffisent pas, si le comportement de l’enfant a un impact sur son parcours scolaire, une médication peut être envisagée pour les enfants de plus de 6 ans sur décision du neuropédiatre, et parfois sur avis de l’équipe de recherche.
Et puis il y a les cas de troubles affectifs. « C’est l’aspect le plus difficile à travailler : cela demande une grande remise en question durant des séances familiales . On envisage aussi des thérapies mère enfant s’il y a eu un problème de lien
Enfin, pour recadrer les méthodes d’éducation, des séances de guidance parentale sont organisées pour les parents qui sont prêts à remettre leur attitude en question. Une forme de coaching éducatif, en somme, organisé à raison de 5 à 10 soirées, individuellement ou en groupe. Précision importante: il est indispensable d’avoir l’adhésion des deux parents, afin qu’ils forment une équipe face aux problèmes, qu’ils puissent passer le relais quand nécessaire et décident de mesures adéquates. Cela a pour effet un retour de la confiance: les parents se sentent à nouveau capables d’agir. Quant à l’enfant, il tirera un bénéfice de ces thérapies, et ne se sentira plus rejeté, avec un effet positif sur son estime de lui-même.

Bilan tous les trois ans

Les enfants qui ont été pris en charge dans cette étude et qui ont suivi ces corrections adaptées à leur problématique spécifique ont donc aujourd’hui 6 ans. « Bonne nouvelle : aucun enfant difficile à 3 ans n’est condamné à le rester ! Il y a un potentiel d’aide pour tous .», aime souligner Isabelle Roskam.
La théorie des futurs délinquants dès la maternelle est donc effacée d’un coup de balai! « Il faut simplement développer des outils pour travailler avec les parents et les réseaux , mais aussi pour diminuer le stress dans la famille ou le couple , afin de ne pas rester dans un cercle vicieux . Les interventions générales comme la psychomotricité aujourd’hui proposée doivent être remplacées par des mesures ciblées
Une étude comme celle menée par Isabelle Roskam et son équipe, aussi utile et efficace soit-elle, a un coût non négligeable « Les parents n’ont rien dû payer , et 85 % environ sont restés avec nous . Si nous les avions fait payer , ceux qui seraient allé ne fût ce qu’un peu mieux seraient déjà partis Il nous faut donc des fonds pour poursuivre cette étude , trouver un financement
Toujours le même nerf de la guerre…
Carine Maillard

www.sida-stop.be. Un concours pour impliquer les jeunes

Le 30 Déc 20

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Depuis que la Santé et l’Égalité des Chances ont rejoint, en juillet 2009, les compétences que Fadila Laanan exerçait en matière de Culture et d’Audiovisuel depuis 2004, elle a souhaité renforcer la transversalité des politiques publiques comme des initiatives subventionnées, et permettre au plus grand nombre possible de nos concitoyens de bénéficier des effets positifs de ces politiques et de ces initiatives.
Cela se traduit par des convergences entre les départements dont elle a la responsabilité depuis 2009 (sur le mode de celles déjà promues entre opérateurs culturels sous la précédente législature). Cela se concrétise aussi par des méthodes nouvelles pour faire passer les messages de promotion de la santé et de prévention en matière de santé auprès de populations qu’ils n’atteignent pas, ou pas assez, actuellement: la promotion du mammotest auprès d’une population féminine défavorisée en est un exemple; le concours ‘sida-stop’ pour la prévention du sida auprès des jeunes en est un autre.
Il s’agit, en effet, de concevoir et de diffuser le message de prévention du sida d’une manière originale, pour toucher un public qu’il n’atteint pas ou plus par les canaux traditionnels, et plus particulièrement un public jeune. Pour y parvenir, l’opération Sida-Stop apporte plusieurs innovations par rapport aux campagnes précédentes.
Elle prend la forme d’un concours faisant appel à la créativité des jeunes de plus de 18 ans pour susciter la réflexion personnelle et l’implication concrète des jeunes eux-mêmes, à travers la réalisation de clips audiovisuels et de spots radiophoniques.
Elle ambitionne de mobiliser les énergies créatives des forces vives en devenir des secteurs culturels et audiovisuels, via notamment les écoles de cinéma.
Elle repose aussi sur la volonté d’offrir une plate-forme d’expression originale aux talents émergents de notre Communauté. En effet, la ministre souhaite dans la mesure du possible utiliser les meilleurs messages générés par le concours Sida-Stop comme supports de futures campagnes d’intérêt général que la Communauté française diffusera en radio et en télévision.
Elle utilise les canaux de communication d’Internet, car ils sont très largement fréquentés par la population que le concours entend sensibiliser.
Elle implique le public-cible lui-même, en l’associant au choix des capsules audiovisuelles et sonores qui seront primées, pour l’inciter à la réflexion sur la thématique abordée.
Enfin, elle repose sur la conviction que des messages de promotion de la santé destinés à des jeunes seront mieux compris et plus efficaces s’ils sont conçus par des jeunes et si des jeunes sont associés à leur sélection.

Sida-Stop concrètement

L’opération Sida-Stop s’arc-boute sur une plate-forme internet. Elle est ouverte à tous les jeunes créatifs de la Communauté française; aux étudiants des écoles de cinéma; aux animateurs des centres culturels de Wallonie et de Bruxelles ainsi qu’aux jeunes qu’ils encadrent; aux maisons de jeunes; et, plus largement, à tous ceux que ce thème inspire.
Six thématiques sont proposées:
-le regard des jeunes sur le préservatif;
-la première fois et le préservatif;
-le mode de transmission du sida et des IST;
-les situations à risques rencontrées par les jeunes;
-les fausses croyances relatives au sida et aux IST;
-la solidarité avec les personnes séropositives.
Les participants au concours sont invités à présenter des clips audiovisuels ou des spots radiophoniques de 30 à 120 secondes via le site https://www.sida-stop.be .
Ce dernier permet évidemment de participer au concours, mais fournit aussi un contenu informatif inspiré du site internet de la Plate-forme prévention sida ( https://www.preventionsida.org ) et renvoie vers lui à travers une série de liens pour les internautes qui voudraient davantage d’informations.
De même, la section «Actualités» et le volet lié au débat interactif sur https://www.sida-stop.be seront gérés en lien avec les personnes ressources de la Plate-forme.

Pourquoi deux formes différentes?

Certaines personnes sont particulièrement à l’aise avec la vidéo, cela n’aura échappé à personne compte tenu de tout ce qui circule sur des plate-formes dédiées à ce mode d’expression: même avec un téléphone portable, certains artistes en herbe ou confirmés réalisent de véritables prouesses. Mais d’autres se sentent plus inspirés par le travail du son et par l’atmosphère particulière qui s’en dégage.
Dans aucun des deux cas, il n’est requis d’utiliser un matériel sophistiqué pour participer au concours: un clip réalisé avec un téléphone portable ou un diaporama photographique ont autant de chances d’être primés qu’un film réalisé avec des moyens plus professionnels, à condition que la pertinence du message et l’originalité de la forme soient présentes.
De plus, le concours n’est pas ouvert aux professionnels.
Dans le même esprit, pour offrir des chances équivalentes à tous les candidats, cette initiative s’articule en plusieurs étapes:
-jusqu’au 31 mai 2010, les clips audiovisuels et les spots radiophoniques envoyés par les candidats seront écoutés ou visionnés (pour éviter tout «dérapage» que la thématique pourrait entraîner) avant d’être mis en ligne sur https://www.sida-stop.be . Mais le public ne pourra pas encore voter. Ainsi, les candidats qui auront besoin de plus de temps pour la réalisation de leur œuvre ou qui ne pourront pas la réaliser rapidement ne seront pas pénalisés par rapport à ceux qui posteront la leur (sur You Tube) dès le début de l’action;
-du 1er au 15 juin 2010, après la clôture de l’envoi des candidatures, le public pourra voter pour ses clips audiovisuels et ses spots radiophoniques préférés. Lors de cette phase, 10 réalisations seront retenues;
-entre le 15 et le 25 juin 2010, un jury composé de professionnels des secteurs de la santé et de l’audiovisuel délibérera pour choisir, parmi la sélection du public, les 3 meilleures réalisations. Les résultats seront annoncés avant fin juin.

Les prix

Un prix de 1.000 euros sera décerné à chacune des 3 œuvres issues du vote du public et retenues par le jury de professionnels. Ces trois œuvres pourront éventuellement être diffusées par les opérateurs audiovisuels, dans le cadre des campagnes de promotion de la santé de la Communauté française. Ceci sous réserve d’acceptation par l’instance d’avis compétente pour ces campagnes et à condition de répondre à certains critères techniques.
Un prix de 500 euros sera décerné à chacune des 7 œuvres issues du vote du public mais non retenues par le jury de professionnels.

Le Jury

Il sera composé d’experts «santé» et d’experts «médias».
Experts « santé »
Jean Christophe Goffard , médecin, Centre de référence sida Érasme; Thierry Martin , Plate-forme prévention sida; Xénia Maszowez , Centres de planning familial des Femmes prévoyantes socialistes; Vladimir Martens , Observatoire du sida et des sexualités; Patricia Piron , Direction générale Santé au Ministère de la Communauté française (en charge des thèmes liés au sida); Bénédicte Rusingizandekwe , Coordination sida assuétudes (en charge des projets «jeunes»).
Experts « médias »
Nabil Ben Yadir , réalisateur du film «Les Barons»; Dan Cukier , Président de la Commission de sélection des films du Centre du Cinéma et de l’Audiovisuel; Jean Jacques Deleeuw , Directeur RTL Newmedia; Yves Gérard , Directeur général RMB; Alain Lorfèvre , La Libre Belgique (journaliste cinéma); Bernadette Wynants , Présidente du Conseil d’administration RTBF.
Nous reviendrons cet été sur le palmarès de cette initiative.
D’après un communiqué de la Ministre de la Culture, de l’Audiovisuel, de la Santé et de l’Égalité des chances de la Communauté française – 26 mars 2010

Genre, précarité, migration, sexualisation

Le 30 Déc 20

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Dans les espaces urbains touchés par la paupérisation, les sphères de l’intime se fragilisent. Les relations entre hommes et femmes se détériorent, le rapport à soi et au corps est affecté.
Pascale Jamoulle , anthropologue à l’UCL et au Service de santé Le Méridien (St-Josse-Ten-Nood à Bruxelles), a mené une enquête de terrain auprès des habitants de plusieurs quartiers populaires, dont celui de la gare du Nord. L’enquête, relatée dans son livre ‘ Fragments d’intime . Amour , corps et solitude aux marges urbaines’ (La Découverte, 2009), explore la vie émotionnelle, affective et sociale d’adultes et de jeunes de toutes origines, souvent marquées par l’exil.
Son travail met en lumière trois dynamiques de précarisation sociale et intime: les errances et solitudes de la vie en rue, les tensions entre traditions et modernité au sein des communautés issues de l’immigration, l’exploitation et l’hypersexualisation des corps.
La Fondation Roi Baudouin a proposé récemment trois débats de midi au départ de ce travail, en lien avec ses propres actions en matière de justice sociale, avec comme fil rouge cette question essentielle: quels enseignements tirer de l’écoute approfondie des publics les plus fragilisés, sur le plan des pratiques professionnelles et des politiques publiques?
Les trois rencontres ont rencontré un très vif succès, auquel la passion avec laquelle Pascale Jamoulle partage son travail n’est sans doute pas étrangère. Nous avons eu la chance d’en suivre une.
Celle-ci, qui tournait autour des relations de genre dans les quartiers immigrés, nous permit de mieux appréhender la réalité du ‘cocon turc’, avec sa forte paupérisation, ses écoles ghettos, ses mariages arrangés voire imposés, qui restent la voie la plus sûre pour venir vivre dans notre société beaucoup moins accueillante aujourd’hui qu’hier.
Pascale Jamoulle relate aussi la dégradation des relations entre filles et garçons, à l’école et en-dehors de l’école (d’aucuns plaidant même pour un recul par rapport à la mixité dans les établissements d’enseignement), les conflits intergénérationnels autour du choix libre ou non du mariage.
Le débat permit de se rendre compte que Flamands et francophones de ce pays n’ont pas la même conception de l’intégration, les premiers imposant aux migrants des cours leur permettant de mieux appréhender les valeurs de notre société, cours souvent interprétés par les francophones comme une machine idéologique flamande pour manipuler les consciences. Bien belge, tout ça! En somme, le ‘code’ a changé, mais tout le monde ne le sait pas encore!
Il revint à Manu Goncalvès (coordinateur ‘Précarité et santé mentale’ à la Ligue bruxelloise francophone pour la santé mentale, et ‘fier d’être à la fois belge et portugais’…) de tirer quelques leçons du débat, avec un plaidoyer élégant pour le métissage et le ‘communautaire’ au sens noble du terme.
Christian De Bock

Rwanda – La contraception divise les époux

Le 30 Déc 20

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(Syfia Grands lacs/Rwanda) Au Rwanda, planifier les naissances est une nécessité qui divise souvent les foyers. Les femmes, les plus concernées, sont souvent punies, voire répudiées par leurs époux lorsqu’elles utilisent des méthodes contraceptives sur lesquelles règnent encore de nombreux préjugés.
Mère de 7 enfants, M.L. de Busanza, en périphérie de Kigali, a été rejetée par son mari, il y a deux ans. Fatiguée de ses grossesses rapprochées, elle s’était fait ligaturer les trompes sans le consentement de son conjoint. Celui-ci a pris une autre femme qui pouvait lui donner d’autres enfants. Pour lui, c’est « une punition à sa femme qui s’est rendue stérile à son insu ».
Comme elle, nombre de Rwandaises, épuisées par leurs familles nombreuses, adoptent des méthodes contraceptives, sans le dire à leurs époux qui sont souvent réticents. Certains pensent que, quand la femme ne craint plus de tomber enceinte, elle risque d’aller avec d’autres hommes. De même que certaines femmes estiment que, si elles n’ont que deux ou trois enfants, leur mari ira en faire d’autres ailleurs. Ce qui contribue souvent à les diviser.
Pourtant, selon Lyliose Umumararungu , agent de l’Association rwandaise du bien-être familial, (ARBEF), « l’un des objectifs de la planification familiale est d’augmenter la joie et le bonheur entre les époux , et d’assurer la sécurité des enfants ». Mais les femmes qui prennent des mesures pour ne plus être enceintes sont souvent injuriées, frappées, voire répudiées par leurs conjoints. À Rwaniro, sud du Rwanda, Louise a subi régulièrement les coups de fouet de son mari qui avait découvert qu’elle prenait la pilule en cachette.
Le malentendu sur la limitation des naissances peut aussi venir de la femme. V.M, habitant de Kigali dit avoir été trompé par son épouse qui voulait un autre enfant. « On avait planifié pour deux enfants , mais ce bébé est le quatrième et ma femme ne cessait de m’assurer qu’elle prenait des contraceptifs », affirme-t-il, refusant les félicitations de ses collègues pour la naissance de son fils. « Depuis la conception du quatrième enfant , on ne s’entend pas bien en famille », ajoute-t-il.

Rumeurs sur les contraceptifs

Ce sont aussi souvent les préjugés et les rumeurs sur les méthodes contraceptives qui sont à l’origine de ces problèmes. Kabera , 39 ans et père de 8 enfants ne veut pas que sa femme prenne des contraceptifs. Lui-même hésite à pratiquer la vasectomie, cette opération qui, selon les médecins, rend les hommes stériles, mais ne change en rien la qualité des rapports sexuels. « Je ne veux pas me faire castrer , je ne veux pas devenir impuissant », dit-il. « Pour certains , les contraceptifs diminuent le plaisir au cours des relations sexuelles ou peuvent être à l’origine du cancer , des saignements ou de douleurs abdominales », explique cet infirmier de Nyaruguru, sud du Rwanda.
Ces rumeurs qui circulent alimentent la peur des couples à limiter les naissances, malgré leur souhait de ne pas mettre au monde de nombreux enfants. « En cas de saignements ou de douleurs , mon mari va me rejeter et me dire que c’est moi qui ai causé ces maux », témoigne Anitha . « On m’a dit que si je prends la pilule , je ne pourrais pas mettre au monde un enfant de 9 mois , je n’aurais que des prématurés », confie Rachel , justifiant son refus de les prendre. Mais d’autres femmes, comme Murereyimana de Nyaruguru, qui prennent des contraceptifs oraux depuis des années, témoignent qu’elles n’ont rencontré aucun problème. « Ça m’a beaucoup aidé car je mettais au monde presque chaque année », affirme-t-elle.
Le ministère de la Santé vient de clôturer une campagne pour contrer ces rumeurs sur les méthodes de planification familiale, mais les résultats ne sont pas très visibles. « C’est vraiment déplorable , ces gens ne considèrent même pas le fait qu’ils reçoivent ces traitements de la part des agents de santé qui savent ce qu’ils font », réagit madame Nyankesha Elvanie du ministère de la Santé.

Trois enfants par famille

Des facteurs socioculturels restent aussi un handicap à la réussite de la politique de régulation des naissances. Certaines femmes n’ont d’autre choix que d’obéir à leurs époux: « Je ne peux pas penser à cette histoire de planification des naissances . Au lieu de divorcer , je ferai tout ce qu’il veut », affirme cette maman de 28 ans venue au centre de santé de Rusatira faire vacciner son cinquième enfant. « Comme elles sont les premières à subir des conséquences des grossesses non planifiées , elles ont droit aux contraceptifs même si les époux ne le souhaitent pas », estime, lui, le Dr Ngabo Fidèle du ministère de la Santé.
Au Rwanda, le nombre des femmes qui utilisent les méthodes contraceptives modernes a cependant progressé de 4% en 2000 à 27% en 2008, un net progrès mais encore insuffisant dans ce petit pays, de plus en plus surpeuplé. La densité, calculée sur la surface habitable, atteint aujourd’hui 433 habitants au km2 et même 1000 dans certains districts très peuplés du Sud. Selon l’Institut national des statistiques, le nombre moyen d’enfants par femme est passé de 6,2 en 2005 à 5,5 en 2008. Les autorités continuent à faire campagne pour que la population limite à trois le nombre d’enfants par famille.
Jean Fichery Dukulizimana

Les jeunes confrontés à l’hypersexualisation

Le 30 Déc 20

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La construction identitaire des enfants et des adolescents est-elle menacée par une société qui oscille entre banalisation et survalorisation de la sexualité? Latitude Jeunes a consacré une journée à la question, à laquelle deux courants de pensée et de recherches sont venus répondre.
Avant toute chose, une tentative de définition de l’hypersexualisation s’impose. Il y a celle du Réseau québécois d’action pour la santé des femmes: « L’hypersexualisation se caractérise par la surenchère sexuelle , à la fois dans l’univers médiatique et dans les rapports entre les personnes . À travers les médias , les industries diffusent un modèle de sexualité réducteur qui s’inspire des stéréotypes véhiculés par la pornographie . On pense à l’homme dominateur . À la femme objet séductrice et soumise
Plus concrètement, en ce qui concerne le jeune public, la sexologue québécoise Geneviève Marier a partagé lors de cette journée ses interrogations sur les comportements sexuels des jeunes et sur leurs attitudes à l’égard de la sexualité. Des considérations qui se sont attardées sur la mode vestimentaire, le rapport au corps, ou sur les discours de magazines pour jeune public. On peut effectivement rester songeur et songeuse devant tel test paru dans un magazine pour demoiselles où les réponses classent les lectrices en trois catégories: ringardes, salopes et supersalopes! Le même type de presse serine que la grande menace qui plane sur les filles c’est de… rester seules. Un discours qui n’est jamais adressé aux garçons par les revues dont ils constituent le lectorat!
Geneviève Marier s’insurge contre ce qui pour elle revêt l’ampleur d’un phénomène de société. « La valorisation d’attitudes et de comportements sexuels précoces altère le rapport à son propre corps , à soi et à l’autre », explique-t-elle. Même si elle s’en alarme, elle ne s’étonne pas que les filles dont l’estime de soi est plus faible consentent à avoir des relations sexuelles plus tôt. On notera que du côté des garçons, ce genre de comportement est au contraire corrélé avec une bonne estime de soi.
A-t-on une idée précise de l’impact de l’hypersexualisation? Geneviève Marier énumère: une conception mécanique et morcelée du corps, la réduction de la femme à son apparence… « Quant aux conséquences de l’hypersexualisation », poursuit-elle, « on peut affirmer qu’il s’agit de perte de repères , de distorsions cognitives , d’attentes irréalistes et de difficultés relationnelles
Ce tableau sombre a heureusement généré des pistes d’action Outre-Atlantique, à l’égard des responsables politiques, des écoles et des jeunes, notamment via l’éducation à une consommation responsable et aux médias. Une éducation aux médias délicate quand on connaît la pression que la publicité exerce sur les jeunes. Les «Tweens» (amalgame entre teenager et between), soit les 8-13 ans, dépensent près d’un milliard de dollars par an. Peut-on dès lors parler de corps et de sexualité libérés? L’industrie surfe même sur la vague critique à son égard, puisqu’une célèbre marque de cosmétiques a créé un Fonds pour l’estime de soi…

Remettre les pendules à l’heure

Le sociologue français Philippe Liotard (Université de Lyon) est moins alarmiste face aux modèles proposés aux jeunes. « Les jeunes sont confrontés à deux pseudo modèles : celui de la salope et celui de l’étalon », admet-il, « mais ils évoluent par rapport aux stéréotypes . Le changement est le propre de la jeunesse . Il est aussi intéressant que les parents , face à cette situation , soient amenés à un questionnement sur leurs valeurs , leurs propres limites , leur définition d’une relation saine
Le sociologue y va aussi de ses constats, qui relativisent le poids de l’hypersexualisation: « L’âge du premier rapport sexuel n’a pas vraiment varié depuis l’avènement de la pilule . Il se situe autour de 17 ans . La construction de l’apparence a changé . C’est indéniable . On montre davantage les corps , mais on les a aussi beaucoup montrés par le passé , il ne faudrait pas l’oublier . Comme il ne faut pas oublier de relever que lorsqu’on interroge les jeunes sur ce qui compte dans leur relation amoureuse , les réponses comportent invariablement , situés en bonne place , des facteurs comme la fidélité , la confiance , le choix d’objectifs communs
Versant dans l’alarmisme ou pas, les deux points de vue se rejoignent quand ils invitent les éducateurs, les parents et les pouvoirs publics à mettre à l’ordre du jour la question de saines relations affectives entre jeunes (et moins jeunes d’ailleurs).

À découvrir

Les ateliers de la journée de Latitude Jeunes ont permis de faire le point sur des études récentes menées auprès des jeunes et d’attirer l’attention des professionnels sur des ressources disponibles pour aborder le thème de l’hypersexualisation.

Des études

Selon une étude de la Direction de l’égalité des chances (www.egalite.cfwb.be), 9 jeunes sur 10 parmi les 12-21 ans sont victimes d’actes de violences, principalement verbales, psychologiques ou morales, de la part de leur partenaire. Les garçons recourent plus à la violence physique et les filles à des actes de déni et de manipulation. Cette différenciation se renforce avec l’âge.

Les ados et le sexe

Le numéro 29 de Faits & Gestes , la revue trimestrielle présentant des chiffres clés en lien avec les compétences de la Communauté française, explore différents champs de la vie sexuelle des adolescents. Il s’appuie pour cela sur une enquête récente de «Santé et bien-être des jeunes» qui constitue le versant belge francophone de l’étude internationale ‘Health Behaviour of School-Aged Children’ (HBSC) effectuée par l’équipe SIPES-ULB.

Les premières relations

52% des élèves âgés de 15 à 18 ans déclarent avoir déjà eu une relation sexuelle. Il est intéressant de noter que cette proportion varie significativement selon la filière d’enseignement et qu’elle est moins élevée dans l’enseignement général (44%) que dans le professionnel (64%).
La question sur la précocité a été posée aux jeunes sexuellement actifs. 11 % d’entre eux déclarent avoir eu leur première relation sexuelle avant 14 ans. La proportion de garçons est environ deux fois plus élevée que celle des filles (14 % vs 7%).

Protection contre les IST et contraception

Toujours parmi les élèves de 15 à 18 ans, près de 90% déclarent avoir déjà vu ou manipulé un préservatif. Cette proportion est plus élevée chez les jeunes sexuellement actifs (97%) que chez ceux qui ne le sont pas (79%).
De la théorie à la pratique: 57% des jeunes sexuellement actifs ont utilisé un préservatif lors de leur dernier rapport sexuel. Paradoxalement, les jeunes qui ont déjà eu plusieurs rapports sexuels avec des partenaires différents ont davantage tendance à ne pas utiliser le préservatif (49%) que ceux dont c’était le premier rapport sexuel (19%).
Parmi les 15 – 22 ans, 82% déclarent avoir utilisé (eux-mêmes ou leur partenaire) au moins un moyen contraceptif lors du dernier rapport sexuel et parmi les filles cela va jusqu’à 88%.
Les moyens de contraception les plus souvent cités sont la pilule et le préservatif: ainsi 83% des adolescentes ont cité, comme contraception, la pilule et 66% des garçons ont cité le préservatif.
Par ailleurs, parmi les adolescentes de 15 à 22 ans sexuellement active, 28% ont déjà utilisé au moins une fois la pilule du lendemain.
L’analyse de ces réponses montre que les jeunes perçoivent le préservatif davantage comme un moyen de protection contre les IST que comme un moyen de contraception. Elle indique aussi que la contraception reste encore perçue comme relevant de la responsabilité féminine.

Par rapport au sida

25% des jeunes n’identifient pas ou pas clairement les risques de transmission du sida lors de relations sexuelles non protégées avec une personne asymptomatique. Certaines croyances erronées sont tenaces: ainsi 50% des jeunes pensent que (ou ne savent pas si) il y a un risque lors d’une transfusion sanguine en Belgique et 40% pensent que le moustique peut transmettre ce virus.

Actions futures

Les jeunes constituent un groupe privilégié pour développer des actions de promotion de la santé car les schémas de comportement s’acquièrent à l’adolescence. Ce genre d’enquête est donc très utile pour adapter les actions futures de la Communauté française en la matière.
Les actions de prévention et d’information restent indispensables car, si les connaissances sur le sujet se sont améliorées, il reste encore des points où les risques sont mal identifiés; il est également nécessaire de continuer à mener des campagnes de sensibilisation par rapport aux IST.
Par rapport à l’usage d’un préservatif ou d’une contraception, les actions de prévention doivent viser à développer et maintenir un comportement de protection responsable, autrement dit à ancrer les ‘’bons’’ réflexes dans la durée.
Faits & Gestes 29, ‘Les jeunes face à leur vie sexuelle et affective.
Abonnements et commandes: Service de la Recherche Communauté française, 02 413 36 42. Courriel: faits.gestes@cfwb.be
Site internet et abonnement électronique: https://www.faitsetgestes.cfwb.be

La Fédération des centres de planning familial des Femmes Prévoyantes Socialistes s’est penchée, quant à elle, sur l’affirmation de soi dans les relations amoureuses chez les 13-21 ans. Il apparaît que les garçons se sentent plus que les filles ‘obligés’ au rapport sexuel. En effet, 1 garçon sur 2 dit avoir des difficultés à refuser un rapport sexuel sans le moyen de contraception de son choix, voire renoncer à refuser le rapport. Deux garçons sur 5 expriment leurs difficultés à refuser une pratique sexuelle qui les dérange. Un jeune sur 10 déclare également ne pas pouvoir choisir librement le moment et la personne avec qui avoir des relations sexuelles. À lire sur https://www.femmesprevoyantes.be

Des outils

Geneviève Marier est à l’origine d’une fiction éducative («Sexcursion») destinée aux jeunes de l’enseignement secondaire. La fiction aborde les pressions sociosexuelles et l’authenticité, les stéréotypes sexuels et les pratiques sexuelles sécuritaires. À découvrir sur wwwpasdepanique.ca.
Latitude Jeunes propose une brochure très complète sur la question au départ des travaux de la journée d’études. Son titre: ‘Hypersexualisation – Trop, trop tôt, trop vite’. Son contenu: un tour du problème et sept pistes d’intervention de bon sens, exprimées avec franchise et clarté (nouer le dialogue, mettre des limites, positiver la sexualité, sensibiliser à la diversité, identifier les besoins et les valeurs, déconstruire les stéréotypes, développer l’esprit critique). Téléchargeable gratuitement sur https://www.ifeelgood.be/hypersexualisation . Commandes au 02 515 04 02.
Le Centre d’action laïque de Namur a conçu une exposition intitulée «Plaisirs d’amour». Recommandée par le centre de référence en outils de promotion de la santé PIPSA, elle est articulée autour de 4 axes: démédicaliser l’amour, découvrir le corps, induire la capacité d’analyser et enrichir le vocabulaire pour mettre les mots justes sur ce qu’on ressent et le faire comprendre.
On trouvera aussi des informations sur l’exposition «Le Guide du zizi sexuel», destinée aux 9-14 ans, sur le site de la Cité des Sciences: https://www.cite-sciences.fr
Enfin, le site de Latitude jeunes ( https://www.ifeelgood.be ) propose tout à la fois des informations sur l’amour, la démocratie et l’équilibre. Un module sur la pornographie aborde le thème avec les ados en dévoilant les clichés entretenus dans les films X.
Véronique Janzyk

Le programme de dépistage du cancer colorectal

Le 30 Déc 20

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Premier bilan après six mois de fonctionnement

Pour rappel (1), l’objectif du programme est de réduire la mortalité par cancer colorectal. Son utilité ne faisait aucun doute vu la fréquence et la gravité potentielle de cette maladie dans les pays à forte incidence comme la Belgique. Il nous a semblé intéressant d’observer dans quelle mesure ce programme est reçu et utilisé par la population après six mois de fonctionnement. Quelle est l’implication des médecins généralistes? Pour en savoir plus, nous avons rencontré Michel Candeur, responsable du programme en Communauté française.
Bernadette Taeymans: Michel Candeur, quel est le bilan que vous pouvez dresser après ces six premiers mois de fonctionnement?
Michel Candeur: Quelques chiffres tout d’abord. Sur les 6 premiers mois, nous avons eu 18.906 personnes touchées par le programme. Parmi elles, 17.925 ont effectué le test Hemoccult.
Parmi ces tests, 488 tests étaient positifs soit 2,7%. Ce qui est un taux tout à fait satisfaisant sachant qu’au lancement d’un tel programme le pourcentage de tests positifs attendus se situe entre 2,5 et 3%.
Lors de l’anamnèse effectuée par le médecin généraliste, 981 personnes ont été détectées comme à risque et sont par conséquent rentrées dans le programme par la filière «coloscopie», soit environ 5%. Ce taux est nettement inférieur à ce qui avait été estimé lors de l’élaboration du programme puisque le pourcentage attendu n’était pas loin de 20%. Il est vrai que ce taux ne tenait pas compte des personnes déjà suivies préalablement. Mais peut-être certains médecins n’orientent-ils pas les personnes à risque vers la coloscopie ou, s’ils les orientent, ne les intègrent-ils pas dans le programme?
Il est donc sans doute utile de rappeler que le programme a aussi pour objectif d’intégrer les personnes à risque via la filière de la coloscopie et d’en assurer le suivi, par exemple par l’enregistrement des résultats des examens ou l’envoi d’une nouvelle invitation à l’échéance attendue.
B . T .: Que dire du taux de participation de la population ?
M.C.: Il faut savoir qu’en 6 mois nous avons envoyé 257.000 invitations. Le taux de participation est de 7,4% ce qui est bien entendu encore insuffisant par rapport à notre objectif de 30% de participation après un premier cycle de deux ans de fonctionnement. Il est vrai que durant ces premiers mois, il a fallu le temps de faire connaître le programme, de roder le système tant pour les patients que pour les médecins généralistes. Il faut savoir aussi que les invitations pour la Région bruxelloise n’ont démarré qu’en mai, soit trois mois après le début du programme.
B . T .: Pouvez vous nous parler de la participation des médecins dans le programme ?
M.C.: Sur ce plan-là, nous sommes plutôt satisfaits, la participation des médecins généralistes est vraiment très importante. Sur environ 7000 médecins généralistes actifs en Communauté française, plus de 4000 ont déjà au moins un de leurs patients qui est repris dans le programme.
Sur les 6 premiers mois, près de 60% de médecins généralistes ont été actifs. Ce qui témoigne d’une grande implication des médecins généralistes dans ce programme. C’est probablement le résultat de la concertation lors de l’élaboration du programme ainsi que des effets de tout le processus de sensibilisation, d’information et de formation qui a été proposé aux médecins durant l’année qui précédait le lancement du programme.
Certains médecins généralistes sont vraiment très actifs et proposent le dépistage de façon quasi systématique, et ont déjà une centaine de leurs patients intégrés dans le programme.
C’est l’occasion de rappeler que le médecin généraliste peut proposer le dépistage de sa propre initiative à son patient. Si un conjoint vient consulter son médecin parce qu’il a reçu une invitation, le médecin généraliste peut d’emblée proposer à l’autre conjoint de participer au programme. Il ne faut pas attendre l’invitation.
Par ailleurs, en cas de test positif, le médecin généraliste peut inciter le patient à s’informer auprès du gastro-entérologue sur la manière dont se déroulera l’examen, sa préparation, le coût global de l’examen (honoraires conventionnés ou non et frais hospitaliers), la durée d’une éventuelle observation à l’hôpital…
B . T .: Avez vous eu des réactions particulières des médecins généralistes au début du programme ?
M.C.: Oui, au début du programme, certains n’ont pas hésité à nous contacter pour nous demander des précisions ou nous faire part de leurs remarques ou suggestions.
Nous avons d’ailleurs tenu compte de celles-ci, comme par exemple la demande d’obtenir les résultats via le DMI (dossier médical informatisé). Depuis peu, le Centre communautaire de référence est agréé à ce sujet et fonctionne aussi en transmission électronique. Pour les médecins qui ont un DMI (soit actuellement 1260 médecins participant au programme de dépistage), tous les résultats sont envoyés via la transmission électronique. Pour les résultats positifs à l’Hemoccult, un courrier complémentaire leur est également envoyé avec tous les documents nécessaires pour assurer le suivi.
B . T .: Vous parliez du taux de participation de la population qui est encore assez faible . Avez vous une idée du pourquoi ?
M.C.: La mise en route du programme est encore trop récente. Il faut savoir que cela fait plus d’un an qu’un travail d’information et de sensibilisation des médecins généralistes a démarré. Les médecins ont eu de nombreuses occasions de s’informer, d’en discuter. Pour la population, les premières informations ne sont sorties qu’en février – mars 2009. C’est donc encore une découverte. D’autant que peu de personnes connaissaient auparavant la possibilité de dépister le cancer de l’intestin contrairement au dépistage du cancer du sein qui était déjà largement connu avant le démarrage du programme ‘mammotest’.

Le démarrage du programme en quelques chiffres

Du 1er mars au 31 août 2009
18.906 contacts (personnes ayant participé au programme)
17.925 tests Hemoccult dont 488 tests positifs (2,7%)
981 dépistages par coloscopie pour personnes à risque
Plus de 4000 médecins généralistes actifs dans le programme (près de 60% de taux de participation).

Nous disposons aussi d’autres informations intéressantes grâce aux personnes qui nous renvoient leur invitation en communiquant le pourquoi de leur non participation. Parmi les quelque 3000 documents qui nous ont été renvoyés, la très grosse majorité nous dit être déjà suivie par un gastro-entérologue (n=1140) ou avoir eu une coloscopie récemment (n=1535). Seulement 448 personnes nous disent ne pas se sentir concernées par le dépistage.
B . T .: Avez vous rencontré des difficultés particulières dans le déroulement du programme jusqu’ici ?
M.C.: Il arrive que des Hemoccult soient ininterprétables pour l’une ou l’autre raison. Cela représente au total 157 Hemoccult sur l’ensemble, soit 0,9% des tests reçus, ce qui est très peu. Dans ces cas, nous contactons le médecin généraliste pour le lui signaler et lui proposer de demander au patient de recommencer le test en donnant quelques informations complémentaires sur le mode d’emploi du test. Dans 80% des cas, les personnes ont recommencé le test et celui-ci a pu alors être interprété. En dehors de ces quelques rares cas, les patients comprennent très largement comment faire le test.
B . T .: Quels sont les processus mis en place pour assurer la qualité du programme ?
M.C.: Nous veillons à assurer les conditions optimales de lecture des tests et le contrôle de qualité: lecture centralisée, contrôle de qualité entre membres de l’équipe, supervision par un médecin expérimenté. Tous les tests douteux ou positifs sont lus et validés par un deuxième lecteur.
Tout est tracé, il y a un contact personnalisé avec le médecin en cas de doute ou de problème. Pour les résultats positifs à l’Hemoccult, tout est suivi également: est-ce que la coloscopie a été réalisée, quels en sont les résultats et quels sont les résultats de l’histologie? Si nécessaire, nous prenons contact avec le médecin généraliste ou le gastro-entérologue.
B . T .: Quelles sont les perspectives ?
M.C.: Poursuivre l’information vers la population, affiner les indicateurs et outils d’analyse du programme, donner un feed-back aux médecins sur les résultats du programme sont des priorités. Le médecin généraliste peut ainsi d’ores et déjà, à titre individuel, nous demander un historique complet de son «activité» dans le programme.
Propos recueillis par Bernadette Taeymans , SCPS Question Santé
Repris d’une newsletter publiée par le SCPS Question Santé et reproduit avec son aimable autorisation. (1) Voir les articles ‘Le dépistage du cancer colorectal en Communauté française’ de Bernadette Taeymans et Christian De Bock ( https://www.educationsante.be/es/article.php?id=1098 ) et ‘Le programme de dépistage du cancer colorectal en Communauté française’ ( https://www.educationsante.be/es/article.php?id=1102 ) dans le n° 244 d’Éducation Santé (mars 2009).

Le « jeu du foulard » n’est pas un jeu : dans un jeu, on a plusieurs vies

Le 30 Déc 20

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«Victor avait 14 ans. Il habitait près d’Arlon. Il aimait les scouts, les échecs, le foot. Le 30 septembre dernier, il mourait, seul dans sa chambre, étranglé par un foulard.
Le 18 octobre, un petit garçon habitant Amay était retrouvé inanimé sur son lit, une écharpe nouée autour du cou. Quatre jours plus tard, il décédait à l’hôpital. Il allait avoir 11 ans.
Le 30 octobre, un drame similaire se déroulait à Braine-l’Alleud. Des parents ont découvert leur petit garçon, âgé d’à peine 9 ans, une ceinture enroulée autour du cou. Malgré l’intervention des secours, l’enfant est décédé dans la nuit.
Et une information judiciaire est ouverte dans un quatrième cas dramatique, dont les medias n’ont pas parlé, la famille souhaitant la discrétion.
En un mois, quatre enfants – au moins – sont donc morts des suites de ce sinistre jeu du foulard pratiqué dans les cours de récréation».

La Libre Belgique, 2 novembre 2009 La presse rapporte de plus en plus souvent ce type de faits dramatiques. Cet article fait le point sur les connaissances actuelles concernant la pratique du jeu du foulard, ses risques, les signes d’alerte auxquels les adultes doivent être attentifs et les aspects préventifs qu’il serait utile de développer.

Définition

Le jeu du foulard est le plus connu des jeux de non-oxygénation. On parle également de «jeu du cosmos», de «rêve bleu» ou «rêve indien», de «30 secondes de bonheur».

Principe du jeu

Le jeu du foulard consiste en une strangulation volontaire, réalisée seul ou à plusieurs, dont l’objectif est de vivre une expérience spéciale, de connaître des sensations nouvelles, intenses, un état euphorique causé par une hypoxie cérébrale. Les effets le plus souvent décrits sont les suivants: des sensations «planantes», une impression de «décoller du sol», des hallucinations ou visions colorées, des sensations proches de l’orgasme.
Les enfants utilisent une ceinture, un foulard, un lien ou les pouces d’un copain: le cou est serré, parfois jusqu’à la perte de connaissance. La strangulation est donc effectuée par le jeune lui-même ou par un copain, généralement dans les cours de récréation ou les sanitaires (près des robinets, pour pouvoir aider au réveil). Le jeu est parfois pratiqué lors de camps d’été.
Lorsque l’hypoxie se poursuit, la perte de connaissance s’accompagne de spasmes convulsifs, hypertoniques. Si l’hypoxie se prolonge encore, c’est l’anoxie qui apparaît, généralement accompagnée de gaspes (mouvements inspiratoires prémortels) dont les conséquences peuvent être irréversibles. En général les «étrangleurs» et les «étranglés» sont les mêmes, à tour de rôle. Cependant il semblerait que certains aient pratiqué ce jeu sous la contrainte ou la pression d’un groupe de jeunes.
Lorsque le jeune a repris ses esprits, il raconte ses visions et cherche à partager ses «vécus hallucinatoires» avec le groupe de pairs.
Il arrive que l’enfant reproduise seul l’étranglement grâce à un lien quelconque, avec un risque accru de strangulation et de pendaison irréversible puisqu’étant seul, personne ne pourra le réveiller.

Quels enfants pratiquent ce jeu?

Le jeu du foulard existe depuis plusieurs générations et est ‘populaire’ partout dans le monde.
Cette pratique peut toucher tout enfant ou adolescent. Celui-ci peut être «initié» sous la pression d’un groupe, intrigué par une découverte en solitaire ou encore influencé par Internet, des lectures, un film… Une étude canadienne a identifié 65 vidéos de jeux de non-oxygénation sur You Tube , montrant différentes techniques, qui risquent de «normaliser» ce type de comportement chez les adolescents.
L’initiation débute le plus souvent à l’école primaire. Dans la phase d’initiation et d’expérimentation, le jeu se pratique généralement en groupe, dans la cour de récréation ou les toilettes de l’école, à l’abri des regards des adultes. Notons en passant que des adultes pratiquent également ce jeu.
D’autres comportements à risque peuvent être associés à cette pratique, en particulier des conduites ayant une valeur transgressive. Une étude menée en France en 2004 auprès d’environ 200 collégiens a montré que ceux qui avaient déjà joué au jeu du foulard (7%) consommaient occasionnellement davantage de toxiques que les autres: tabac (62 vs 16%), alcool (92 vs 45%), cannabis (46 vs 10%), et rapportaient prendre davantage de risques dans le domaine sportif et routier, ce qui montre que leur attrait pour les jeux dangereux a aussi concerné d’autres comportements à risque. Cette co-occurrence de conduites dangereuses est confirmée dans d’autres publications.
Un autre rapport réalisé en France sur le sujet a permis de distinguer les pratiquants «occasionnels» et les pratiquants «réguliers»: les occasionnels sont motivés par la curiosité ou agissent sous la contrainte de l’effet de groupe, tandis que les réguliers recherchent surtout des sensations et sont souvent amenés à pratiquer au domicile.
Les enfants ne sont généralement pas conscients des risques qu’ils prennent en pratiquant ce jeu dangereux. Les plus petits ne savent pas qu’il peut entraîner la mort, et les plus grands pensent contrôler les événements.
Les adultes quant à eux ne sont généralement pas conscients du fait que leur enfant pratique ce jeu avant qu’une intervention médicale ne soit nécessaire.
La pratique du jeu du foulard ne se rattache pas à un profil suicidaire. La majorité des décès qui surviennent sont donc accidentels, le «jeu» ayant mal tourné…

Autres jeux de non-oxygénation

– le jeu de la tomate : l’enfant retient sa respiration jusqu’à devenir tout rouge;
– le jeu du sternum : la perte de connaissance est provoquée par un appui intense sur le sternum jusqu’au blocage de la respiration;
– le jeu de la grenouille : la perte de connaissance est obtenue en s’accroupissant et en hyperventilant.

Importance du problème

L’ampleur du problème est difficile à évaluer car le jeu se pratique en général en dehors du regard des adultes et ses conséquences sont souvent interprétées en termes d’accidents. Les décès sont généralement assimilés à des suicides (pendaisons).
La première publication mentionnant le jeu du foulard dans la littérature médicale date de 2000.
Concernant la notoriété et la pratique du jeu, une enquête récente menée au Canada auprès de 2762 élèves âgés de 9 à 18 ans a montré que 68% d’entre eux avaient déjà entendu parler du jeu du foulard. Près de la moitié (45%) connaissaient un ami qui l’avait pratiqué et 6,6% avouaient l’avoir testé eux-mêmes. Dans 40% des cas, les jeunes interrogés estimaient que ce jeu était sans risque.
Une enquête de ce type a également été réalisée en France en 2007, mais auprès d’un échantillon national représentatif de plus de 1000 adultes cette fois: 63% d’entre eux ont su décrire précisément le jeu du foulard et 91% en avaient entendu parler; 9% ont déclaré avoir été témoins de ce genre de pratique, 4% ont déclaré l’avoir pratiqué, enfant ou adolescent. La moitié (52%) des personnes qui l’ont pratiqué personnellement ou l’ont vu pratiquer par d’autres n’avaient pas conscience de jouer ou d’assister à un jeu très dangereux.
En termes de mortalité, les médias rapportent de plus en plus, ces derniers mois, de cas de décès de jeunes adolescents suite à la pratique du jeu du foulard. En Belgique, comme indiqué en début d’article, 4 décès ont été rapportés pour le seul mois d’octobre 2009.
Aux États-Unis, le CDC (Centers for Disease Control and prevention) a recensé les décès relatés dans la presse pour estimer l’incidence des décès liés au jeu chez les enfants et adolescents de moins de 20 ans, entre 1995 et 2007. Les cas ont été inclus si le décès était décrit dans un journal et résultait d’une auto-strangulation ou d’une strangulation par une autre personne dans le cadre d’une pratique ayant mis en évidence des éléments du jeu du foulard. Les observations suivantes ont été rapportées:
-82 décès probablement liés au jeu du foulard ont été identifiés; aucun regroupement géographique et aucune variation selon les saisons ou les jours de la semaine n’ont été observés;
-moins de 3 décès par an ont été rapportés entre 1995 et 2004, 22 décès ont eu lieu en 2005, 35 en 2006 et 9 en 2007;
-les décès ont eu lieu chez des enfants âgés de 6 à 19 ans, avec un âge moyen de 13.3 ans, et 87% des décès ont eu lieu chez des garçons;
-parmi les décès pour lesquels on disposait de suffisamment de données, 96% se sont produits alors que le jeune était seul, et 93% des parents méconnaissaient le jeu du foulard avant le décès de leur enfant.

Conséquences physiques et neurologiques

Les séquelles liées à la pratique des jeux de strangulation sont les conséquences d’un état d’anoxie cérébrale plus ou moins prolongé: lenteur cognitive, ralentissement dans le traitement de l’information (difficultés d’attention, de mémorisation…), céphalées intenses, amnésies, tendance à la somnolence. Des lésions peuvent être observées, selon la violence de la pendaison: écrasement du larynx, fracture du rachis cervical, élongation de la moëlle cervicale…
Dans les cas les plus graves, on retrouve des séquelles de type lésions cérébrales irréversibles, déficits moteurs (paralysie, paraplégie, tétraplégie), parfois surdité, cécité, voire encéphalopathie; l’anoxie peut aussi conduire à un coma profond avec des épisodes bradycardiques intenses, voire à la mort.
Une pratique intensive et répétée du jeu du foulard peut créer une relation de dépendance comportementale qui pousse le jeune à rechercher toujours plus de sensations via l’auto-asphyxie.
L’hypoxie cérébrale aiguë peut provoquer une perte de conscience en 10 à 20 secondes, des séquelles neurologiques irréversibles en 3 minutes et le décès en 4 à 5 minutes.
Le risque de décès est d’autant plus grand que l’enfant reproduit ce jeu seul à son domicile et qu’il utilise des liens ou foulards.

Prévention

Rechercher des signes d’alerte

Les adultes qui sont en contacts avec des enfants et des adolescents doivent être conscients de l’existence de ce jeu et des signes d’alerte. Les signes ou comportements suspects sont les suivants:
des traces suspectes sur le cou (parfois camouflées par un foulard ou une écharpe, ou par le port d’un vêtement cachant le cou);
des questions posées sur les effets de la strangulation;
un besoin inhabituel de s’isoler;
la présence de liens, cordes, ceintures dans la chambre;
des maux de tête parfois violents, récidivants;
des douleurs auriculaires;
une vision floue;
une diminution de concentration;
des rougeurs suspectes au visage ou des yeux injectés de sang.

Témoignages de jeunes

« Lorsque je jouais j’étais tellement bien , je ne sentais plus la douleur , je planais , c’était le bonheur
« C’est le danger , le risque qui me plaît
« J’étais tellement bien que je ne pouvais plus m’en passer et je jouais tous les jours , et même plusieurs fois par jour

De plus, sur le plan médical, il est extrêmement important de connaître le «jeu du foulard» comme cause potentielle d’épisodes paroxystiques récurrents d’«absences», d’épisodes confusionnels, de syncopes ou de pertes de conscience chez l’adolescent.

Informer les adultes avant tout

La question de la prévention auprès des enfants et des adolescents demande une réflexion approfondie. La première attitude à avoir en cas de suspicion de la pratique du jeu est d’écouter le jeune s’exprimer par rapport à ce jeu, au plaisir et au risque qu’il peut provoquer. Il s’agit donc de susciter le débat, de favoriser la communication, de tester les motivations éventuelles à pratiquer ce jeu. Il peut être nécessaire d’interroger la fratrie et les amis. De plus, il est essentiel d’informer le jeune du risque qu’il prend, les enfants n’en étant généralement pas ou peu conscients, et les plus jeunes ne sachant pas que le jeu peut entraîner la mort. Il faut les dissuader d’y jouer, et surtout d’y jouer seuls.
Pour ce qui est de l’information «collective» auprès des jeunes, la prudence s’impose. En effet la connaissance des risques, à l’adolescence, n’apparaît pas toujours comme un facteur de protection, et l’information pourrait même paradoxalement inciter certains adolescents à rechercher des risques. Par ailleurs aborder le sujet de manière trop vague risque également de développer le fantasme et une attirance possible. Il semble que l’attitude la plus appropriée soit de laisser le rôle de l’information à des spécialistes du sujet ou à des professionnels suffisamment formés, qui, à travers des explications très précises des risques et conséquences de la pratique du jeu, auront probablement le message le plus dissuasif.
Il convient donc avant tout, actuellement, d’informer les parents et les professionnels (enseignants, éducateurs, psychologues, médecins, spécialistes de santé scolaire…) sur le principe du jeu et des autres pratiques existantes, leurs risques et les signes auxquels être attentifs. Une sensibilisation des professionnels (enseignants, équipes PMS et PSE) à la gestion d’une situation de crise en milieu scolaire pourrait également être utile, lorsque survient le décès d’un élève dans ce type de circonstances: elle permettrait de réduire la survenue de troubles psychopathologiques chez les camarades de classe, de permettre une bonne circulation de l’information, de limiter les effets de contagion, d’amplification, de non-dit, de rétablir une continuité dans le fonctionnement de l’établissement scolaire.
Dr Florence Noirhomme-Renard , médecin scolaire et de santé publique, Université de Liège, Département des Sciences de la Santé publique, Avenue de l’Hôpital, 3 – Bât. B23, 4000 Liège. Courriel: florence.renard@ulg.ac.be

Associations et sites Internet

Des parents d’enfants victimes du jeu du foulard ont constitué des associations pour faire connaître ces pratiques et prévenir d’autres décès.
En France : l’APEAS ou Association de Parents d’Enfants Accidentés par Strangulation, a été créée en octobre 2000. Elle est très active dans le domaine de la prévention et travaille avec des familles, des professionnels et des jeunes qui ont été confrontés à cette expérience dangereuse. Internet: https://www.jeudufoulard.com .
GASP = Games Adolescents Shouldn’t Play: association américaine et canadienne similaire à l’APEAS. Internet: https://www.stop-the-choking-game.com
En Belgique : l’association «Chousingha» a été créée début 2009 par un papa dont la fille est décédée tragiquement, victime d’un de ces jeux d’évanouissement. Son but est d’apporter une information préventive sur les jeux dangereux, de constituer des outils pédagogiques destinés aux enfants, aux parents, aux enseignants et aux éducateurs concernant le jeu du foulard. Elle a édité récemment une brochure sur cette thématique, «Les jeux dangereux, ce n’est pas du jeu!», qui décrit ce que sont les jeux d’évanouissement et les jeux violents, les signes d’alerte, des pistes d’actions en matière de prévention et ce à quoi il est nécessaire d’être attentifs en cas d’accident ou d’incident. Internet: https://www.chousingha.be .
La Ministre de l’Enseignement obligatoire et de la Promotion sociale Marie-Dominique Simonet soutient cette initiative, et a adressé une circulaire à ce sujet aux équipes concernées en Communauté française (circulaire 2960 du 17/12/2009). En voici de larges extraits:
«Les comportements à risque et les jeux dangereux constituent régulièrement un motif d’inquiétude pour les parents, les éducateurs, les enseignants et les directeurs d’écoles. Ils concernent aussi bien des pratiques dans les établissements scolaires qu’en dehors. Le danger est réel bien que souvent méconnu. Sans vouloir créer un sentiment de dramatisation, qui serait injustifié, il convient de rester vigilant et de pouvoir reconnaître les signes d’alertes à un stade précoce, même si ceux-ci ne signifient pas obligatoirement que le jeune pratique ce type de jeu.
Le travail de prévention est essentiel car les jeunes se tournent rarement spontanément vers les adultes pour trouver de l’aide et ont tendance à garder secrètes ces pratiques.
Les parents sont les premiers concernés, même s’il ne savent pas toujours comment (ré)agir. Il est important de les soutenir et de les conseiller.
Les professionnels de l’école peuvent également occuper une place importante en intégrant dans leurs pratiques des actions de prévention, fondées sur le développement de la confiance en soi et de l’estime de soi.
Des interventions doivent également être mises en place après un incident, ou lorsque de telles pratiques sont repérées. Le chef d’établissement, les équipes éducatives et enseignantes doivent intervenir tant auprès de l’élève victime qu’auprès des autres élèves. Sans donner une importance excessive à ce phénomène dont beaucoup de jeunes n’ont pas connaissance et dont ils pourraient se sentir exclus, il s’agit d’adresser aux jeunes un message qui n’est ni incitatif, ni moralisateur mais qui, au contraire, ouvre le débat et favorise la communication avec les élèves. Il ne faut pas négliger non plus l’impact de tels incidents ou accidents sur les élèves «témoins passifs» qui peuvent éprouver un sentiment de culpabilité ou de honte, à ne pas avoir pu ou su intervenir.
Les équipes tri-disciplinaires des Centres PMS ont un rôle central à exercer en la matière tant dans le soutien à la parentalité que dans l’accompagnement des enseignants et des éducateurs dans la mise en oeuvre des projets et des actions.
L’équipe tri-disciplinaire du Centre PMS de votre école est votre partenaire privilégié en la matière. Elle est à votre disposition pour vous aider à reconnaître les signes d’alerte, mettre sur pied des actions de prévention et, le cas échéant, intervenir après un incident ou lorsque vous avez repéré de telles pratiques.»

Bibliographie complémentaire

Correa Guedes A, Are your students playing’ the fainting game ? British Journal of School Nursing, Mars 2009, pp.78-79.
Le D, Macnab AJ, Self strangulation by hanging from cloth towel dispensers in Canadian schools , Inj Prev. 2001 Sep;7(3):231-3.
Le Heuzey MF, Attention école: jeux dangereux , Archives de Pédiatrie, Volume 10, Issue 7, July 2003, pp. 587-589.
Linkletter M, Gordon K, Dooley J, The Choking Game and YouTube : A Dangerous Combination , Clin Pediatr (Phila). 2009 Jul 13.
Macnab AJ, Deevska M, Gagnon F, Cannon WG, Andrew T, Asphyxial games or the choking game ‘: a potentially fatal risk behaviour , Inj Prev. 2009 Feb;15(1):45-9.
Michel G, Les jeux dangereux et violents chez l’enfant et l’adolescent : l’exemple des jeux d’agression et de non oxygénation , Journal de Pédiatrie et de Puériculture 19, 2006, pp. 304-312.
Toblin RL, Paulozzi LJ, Gilchrist J, Russell PJ, Unintentional strangulation deaths from the choking game among youths aged 6 19 years United States , 1995 2007 , J Safety Res. 2008;39(4):445-8. Epub 2008 Jul 9.
Ullrich NJ, Bergin AM, Goodkin HP, ‘ The choking game ‘: self induced hypoxia presenting as recurrent seizure like events , Epilepsy Behav. 2008 Apr;12(3):486-8.
Ullrich NJ, Goodkin HP, The choking game and other asphyxial games in children and adolescents , 2009, https://www.uptodate.com/home/store/index.do .

Le premiers secours en milieu (extra) scolaire. Utilité et pertinence des formations dispensées par la Croix-Rouge de Belgique – 1ère partie

Le 30 Déc 20

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On ne le dira jamais assez. Soyez prudents. Un coup de rasoir distrait? C’est la coupure, le sang qui coule et la plaie qui s’invite au petit déjeuner. Une balade à vélo sur feuilles mortes et glissantes? Et bardaf, c’est l’embardée avec ses bosses, ses hématomes ou pire encore si l’on tombe sur la tête et dans les pommes. Un caquelon à fondue qui se renverse et c’est la chair qui grésille, la douleur qui crépite et l’ambiance qui refroidit.
Le danger revêt des visages multiples (un chien, un pot de fleur, un joueur de foot) et peut frapper à tout moment.
Face à la menace, la Croix-Rouge, fataliste autant que pragmatique, a, depuis longtemps, choisi son camp: celui des victimes, et ses alliés: vous et moi, témoins potentiels d’un malaise ou d’un accident, que quelques heures de formation transformeront en saint-bernard prêts à réanimer une personne inconsciente, désobstruer une trachée bouchée ou appeler les secours en cas de besoin. Selon le profil (parent, éducateur, employé…) et le lieu (crèche, école, entreprise…), la Croix-Rouge propose des produits à contenu (de l’écharde au choc anaphylactique) et intensité (six, douze, vingt-quatre heures) variables.
Reconnaissons-le: notre vénérable institution dispose là d’un produit en béton. Béton éthique d’abord. Aider autrui, apaiser sa douleur, protéger sa santé, voilà qui participe à des valeurs universelles. Béton médical ensuite. Des premiers secours rapides et efficaces facilitent l’intervention des professionnels et contribuent au mieux-être de la victime. Béton légal enfin puisque «tout citoyen est punissable de ne pas venir en aide à une personne exposée à un péril grave» (Code pénal, article 422 bis) (1). Et puis, moins rationnel, mais plus excitant, il y a le goût du sang et la peur de la mort qui effrayent autant qu’ils captivent, l’impression de fréquenter, le temps d’une formation, le Docteur House, et cette fierté citoyenne autant que légitime de contribuer à un monde sinon moins dangereux, du moins plus sécurisé.
Ajoutons que les premiers secours constituent un quasi monopole de la Croix-Rouge, que les formateurs ne cessent de perfectionner les techniques d’intervention et que les participants s’en retournent ravis et contents. Et l’on comprendra que la Croix-Rouge se soit installée dans ses certitudes, s’assurant du bien-être et de la satisfaction des apprenants (les participants aux formations) et non du bien-être et de la satisfaction des utilisateurs (les mêmes, mais cette fois sur le terrain).
Or, l’un n’est pas l’autre et inversement. Pour preuve, le témoignage de cette jeune femme: « Il y a eu un crash dans ma rue ; c’était costaud ; il y avait des blessés ; je n’ai pas osé intervenir et pourtant , j’ai mon brevet de secouriste .» Ah bon. Ou cette éducatrice clamant haut et fort qu’elle n’hésiterait pas à soigner son propre fils, mais qu’elle y réfléchirait à deux fois avant de soigner le gosse d’une autre.
Deux fois? C’est une fois de trop! Surtout quand les chercheurs confirment ces témoignages. Selon eux, 70 à 75% des témoins d’un accident passent leur chemin sans intervenir. Et le fait d’avoir suivi une formation en secourisme semble peu interférer dans la décision d’intervenir (ou plutôt son absence).
En voilà assez pour troubler notre encéphalogramme. Assez pour percevoir l’urgence de savoir comment cela se passe en cas d’accident, dans les cours de récréation ou sur les bancs publics, au camp scout ou à l’usine. Car il faut bien admettre notre embarras et balayer devant notre ambulance.
Nous disposons de peu d’études quant aux effets de ces formations sur le terrain et quant à l’utilisation des apprentissages par les personnes formées. Étonnant et regrettable. Mais que celui qui n’a jamais omis d’évaluer sa formation nous jette la première seringue…
Forte de cette ignorance, la Croix-Rouge a osé le geste qui sauve et décidé d’évaluer ses formations auprès de ceux qui auraient eu la chance (c’est une façon de parler!) de porter secours à des enfants sur leur lieu de travail. Qu’importent le manque de moyens (humains, financiers, logistiques) et l’absence de repères méthodologiques (cette enquête était une première en son genre, du moins à notre connaissance), nous allions en avoir le cœur net.

Le cadre de l’enquête

Pour définir un champ d’investigation signifiant et réaliste, nous avons posé nos limites sur la table (d’opération) et décidé de cibler une formation précise, le Brevet Européen de Premiers Secours (BEPS) (2), et un public spécifique, les accueillantes temps libre (nous les appellerons ATL), chargées de l’accueil des enfants à l’école.
Cette initiative est dispensée dans le cadre des formations qui sont subventionnées par l’ONE. Notre enquête a concerné 650 personnes, soit toutes les ATL ayant suivi un BEPS en 2007, auxquelles nous avons envoyé un questionnaire à choix multiple d’une trentaine de questions.
Notre questionnement s’est articulé autour de quatre axes: 1) la mise en pratique des connaissances / la gestion des accidents; 2) la gestion du «post accident»; 3) les changements dans la perception de soi; 4) les changements dans les pratiques «hors accident» (modification des habitudes, du matériel, de l’environnement…).
La Croix-Rouge ambitionnait de disposer des données nécessaires pour a) confirmer et / ou modifier la démarche pédagogique; b) confirmer et / ou modifier l’offre de formation en matière de premiers secours; c) envisager si nécessaire des stratégies non formatives (lobbying, sensibilisation des pouvoirs organisateurs…) pour assurer l’application sur le terrain des enseignements de la formation.
La conception et l’élaboration de l’enquête, de même que l’analyse des données, ont été réalisées en collaboration étroite avec un groupe de pilotage composé des coordinatrices pédagogiques des formations, d’une représentante de l’ONE et du Service communautaire «Appui pour l’Éducation pour la Santé» (APES) de l’École de Santé publique de l’Université de Liège.

Les résultats en question

Du rapport final de cent trente pages (3), nous avons extrait quelques résultats significatifs que nous livrons ici accompagnés d’un bref commentaire.

Tableau 1 – Quels problèmes de santé les ATL rencontrent-elles chez les enfants qui leur sont confiés?

Problème

% d’ATL ayant rencontré le problème au moins une fois depuis un an
Bosse 90
Mal de ventre 90
Bleu, hématome 89
Saignement de nez 89
Mal de tête 85
Plaie 83
Fièvre 78

Tableau 2 – Quels problèmes de santé les ATL ne rencontrent-elles pas chez les enfants qui leur sont confiés?

Problème

% d’ATL n’ayant jamais rencontré le problème depuis un an
Électrisation 99
Intoxication 96
Convulsions 93
Obstruction des voies respiratoires 90
Perte de connaissance 87
Problème osseux ou articulaire 75
Brûlure 72

Les personnes interrogées ne rencontrent pratiquement jamais d’intoxication , de convulsions ou d’obstruction . Or , ces sujets constituent l’essentiel du BEPS . Par ailleurs , quoique fréquents , les maux de tête , les bleus ou les petites blessures ne sont pas abordés en formation . Critère de gravité ou critère de fréquence ? Le BEPS a tranché pour le premier , tablant sur la nécessité de prévoir le pire , même si le pire , et c’est heureux , n’arrive que très rarement .

Tableau 3 – Quels problèmes les ATL se sentent-elles capables de gérer?

Problème

% d’ATL se sentant capables de gérer le problème
Saignement de nez 94
Plaie 93
Bleu, bosse 91
Écharde, piqûre d’insecte 83
Brûlure 76
Mal de tête 75
Fièvre 73
Difficultés respiratoires 39
Obstruction des voies respiratoires 34
Perte de connaissance 31
Problème osseux ou articulaire 17
Intoxication 17
Convulsions 11
Électrisation 07

Plus la situation est grave , moins les participants se disent capables de la gérer . Or , la formation est censée les driller pour affronter des situations difficiles . Pourquoi ne passent ils pas à l’acte ? Autre question . Les cas bénins ( et quotidiens ) ne sont pas au menu du BEPS . Or , les personnes interrogées disent pouvoir s’en occuper . Tant mieux , mais d’où proviennent leurs connaissances ?

Tableau 4 – Les conditions matérielles pour soigner un enfant sont-elles réunies?

Conditions

% d’ATL considérant l’acte comme difficile ou impossible
Occuper un local adapté aux soins 72
Consulter le dossier médical 55
Confier les enfants à un autre adulte 48
Utiliser des gants 43

Dans l’ensemble , les résultats sont rassurants . En cas de problème , le téléphone , l’eau courante , les coordonnées d’un médecin sont accessibles à la plupart des ATL . Deux ombres au tableau toutefois : la difficulté de confier les enfants à un adulte en cas de besoin et l’impossibilité pour une majorité d’accéder à un local approprié . Des contraintes qui relèvent de la sphère institutionnelle , mais dont on peut se demander s’ils sont suffisamment pris en compte par les formateurs .

Tableau 4 – Pour quelles raisons, soigner un enfant peut-il s’avérer difficile?

Éléments de difficulté

% d’ATL considérant la raison citée comme source de difficulté (plusieurs réponses possibles)
Le manque de matériel adéquat 57
Le manque de connaissances 42
Le stress des autres enfants 42
Le stress de la victime 33
Le stress de l’intervenant 25
Le stress des autres adultes 18

La difficulté à gérer le stress ( le sien , celui des autres ) constitue sans doute une explication au non passage à l’acte évoqué par ailleurs . Rien de révolutionnaire dans ce constat . Mais une incitation à s’interroger sur l’efficacité des mises en situation proposées par les formateurs . Permettent elles réellement d’apprivoiser le stress , la panique , la nervosité inhérents à toute intervention ?

Tableau 5 – Que souhaitent apprendre les participants à la formation?

% d’ATL souhaitant apprendre à…
Intervenir en cas de problème grave 41
Soigner les petits bobos quotidiens 38
Les deux (intervenir / soigner) 16
Autre (mettre à jour mes connaissances, gérer le stress…) 05

Alors que la Croix Rouge annonce clairement la couleur des matières abordées , les attentes des participants portent tant sur les cas graves que sur les petits bobos . Ces réponses non tranchées voire contradictoires interpellent quant aux motivations des participants , mais aussi quant aux finalités de la formation , à leur communication et à leur appropriation par les ATL .

Tableau 6 – Quels sont les effets de la formation sur la perception des participants par leurs entourage professionnel?

% d’ATL estimant que la formation a amélioré leur image auprès des collègues et de la direction
Je ne sais pas 37
Non 36
Oui, un peu 18
Oui, beaucoup 09

Faible impact de la formation sur la façon dont les personnes formées sont perçues sur le terrain . Cause probable : le manque d’intérêt et de ( re ) connaissance des pouvoirs organisateurs pour la formation comme pour les ATL .

Tableau 7 – Faut-il suivre une procédure en cas de problème grave?

% d’ATL ayant répondu…
À ma connaissance, il n’y a pas de procédure à suivre 38
Je connais la procédure à suivre 38
J’ignore s’il existe une procédure à suivre 24

Une procédure existe t elle ? Varie t elle selon les écoles , les réseaux , les niveaux d’enseignement ? Y a t il des directives quant au transport de la victime ( souvent effectué par les directeurs d’école , alors que la Croix Rouge le déconseille ), quant à l’appel des secours ( quand ? qui …), quant à l’administration de médicaments aux enfants ( effectuée par la moitié des participants à l’enquête , tolérée par Question Santé ou l’ONE , mais pour laquelle la Croix Rouge se montre plus que circonspecte ) ? Autant de questions qui méritent concertation et clarification .

Tableau 8 – Qu’est-il important de faire après un accident auprès des enfants présents?

% des ATL estimant important de… (plusieurs réponses possibles)
Les rassurer 73
Leur donner des explications à propos du problème survenu 50
Leur permettre d’en parler 38
Leur expliquer comment prévenir ce genre de problème 25

Tableau 9 – Et la prévention des accidents?

% des ATL prêtes à participer à une formation «prévention des accidents»
Oui 53
Je ne sais pas 27
Non 20

Les participants marquent peu d’intérêt pour la prévention . Quand c’est le cas , ils évoquent la prévention du « sur accident » ou le besoin de pouvoir « faire face à tout ce qui peut arriver La prévention ( au sens « agir sur les facteurs provoquant l’accident ») n’est certes pas l’objet du BEPS . Mais on peut regretter qu’elle en soit à ce point distante .

Tableau 10 – Quelle est l’opinion des ATL sur la formation?

% d’ATL estimant que la formation s’est avérée utile
Oui, parfois 64
Non, jamais 27
Oui, souvent 09

Ces chiffres somme toute positifs laissent entrevoir la relative , mais réelle satisfaction des participants . Mais comment les interpréter quand ils semblent contredire ( en apparence du moins ) certains résultats ?

La PS au chevet des PS

Pour expliquer ces résultats contrastés et contrariants, nous avons, après analyse, considéré trois angles d’approche:
-l’angle «contenu»: nous verrons que la matière «Premiers soins» porte en elle de réels paradoxes (tensions? contradictions?), entre le médical et le non médical, le réel et le virtuel, l’amateur et le professionnel… qui rendent sa transmission et son apprentissage complexes et aléatoires;
-l’angle «méthode»: en relation avec le point précédent, on montrera que les techniques pédagogiques utilisées lors du BEPS expliquent, en partie du moins, le sentiment d’incapacité des participants à passer à l’acte; ainsi, la mise en situation peut s’avérer une arme à double tranchant entre familiarisation à une situation problématique et «mise en fiction» de la même situation;
-l’angle «participant»: l’identité, le statut, le cadre de travail de l’ATL comportent de nombreux obstacles à l’acquisition et l’application des connaissances transmises par le BEPS.
La question sera moins d’éliminer ces contraintes que d’envisager comment les anticiper et en tenir compte au cours du processus formatif.
Mais n’est-ce pas la stratégie «formation» elle-même qui montre ses limites?
Reconnaissons-le: avec ses airs de star hors de laquelle point de salut, la formation apparaît aujourd’hui comme une panacée universelle (nous assumons ce pléonasme parfaitement justifié dans ce cas). Loin de nous l’idée de contester les vertus de la démarche formative pour améliorer les pratiques, acquérir de nouvelles compétences, se sentir malin et rencontrer des gens sympas. Reconnaissons toutefois que la formation (enfin la «chose» que l’on nomme ainsi, plus proche, dans de nombreux cas, d’une séance d’initiation, d’information ou de sensibilisation) s’impose comme allant de soi sans toujours présenter des preuves de sa validité et de son efficience. La Croix-Rouge, comme d’autres, a entrepris un travail en profondeur dont les changements terminologiques constituent la partie visible, mais où les véritables enjeux concernent les finalités et les stratégies mises en œuvre.
Au seuil de telles (remises en) questions, le cadre conceptuel qui fonde la promotion de la santé et les repères méthodologiques qui l’animent nous sont apparus comme une grille de lecture et d’interprétation performante, dynamique et bienveillante pour structurer notre réflexion et proposer une rénovation substantielle du BEPS, s’appuyant tant sur ses qualités (nombreuses) que sur ses failles (réelles).
Ainsi, nous pourrons autant panser local que penser global, autant apporter de petits soins didactiques ou logistiques que redessiner les objectifs et les modes d’action de l’apprentissage des gestes qui sauvent.

Une conclusion provisoire sous forme de lieux pas si communs

«Poser le problème, c’est déjà le résoudre.» Un sacré cliché que l’on fredonne comme d’autres refrains, dès qu’il s’agit d’évaluation. Eh bien, c’est vrai et cela marche. Comme d’autres vérités que nous avons pu vérifier tout au long de cette enquête que nous vous invitons à méditer en attendant le retour du BEPS le mois prochain dans de nouvelles et palpitantes aventures.
Oui, l’évaluation ne fait souvent que confirmer ce que l’on savait déjà. Tant mieux car énoncer, objectiver, expliquer ce que l’on pressentait rassure et permet un travail de reconstruction, ou de deuil parfois.
Oui, un regard extérieur (double dans notre cas, grâce à l’APES) est nécessaire et bénéfique. Il mettra les pieds dans le plat autant que les yeux en face des trous.
Oui, la mise par écrit et en musique des évidences relevées par le regard extérieur constitue un outil de communication, de partage et d’appropriation essentiel pour tous, décideurs comme opérateurs.
Oui, l’implication des formateurs dès l’entame du processus est vital pour voir-entendre-sentir (4) les résultats et permettre un passage progressif de la précontemplation chère à Rogers au changement cher à initier.
Changement qui améliorera à coup sûr la qualité des formations proposées par la Croix-Rouge, mais qui s’inscrira surtout dans une perspective plus large sous la forme d’une (tentative de) réponse à la question posée en 2001 déjà par P. Doumont et P. Meremans: «La formation de personnes bénévoles aux premiers secours peut-elle s’inscrire dans une perspective d’éducation/promotion de la santé?» (5)
André Lufin , Conseiller pédagogique, Département Action sociale, Croix-Rouge de Belgique

(1) Le lecteur aura relevé le délicieux pléonasme de l’expression ‘péril grave’. En connaissez-vous de légers?
(2) Formation (12 heures) ayant pour objet d’apprendre «à pouvoir agir en cas d’accident, en présence d’une fracture, d’un traumatisme crânien, d’une plaie ou d’une intoxication.»
(3) Toute personne souhaitant obtenir la version intégrale du rapport peut s’adresser à André Lufin, Département Action sociale, Croix-Rouge de Belgique, par mail andre.lufin@redcross-fr.be ou par téléphone au 02 371 33 21.
(4) «Voir-Entendre-Sentir (VES)»: acte essentiel qu’accomplit le secouriste pour vérifier la respiration d’une personne inconsciente.
(5) La formation de personnes bénévoles aux premiers secours peut-elle s’inscrire dans une perspective d’éducation/promotion de la santé? P.Doumont, P.Meremans, novembre 2001, UCL-RESO.

Que pensent les médecins généralistes belges francophones du dépistage du cancer du sein ?

Le 30 Déc 20

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En 2008, une enquête a été effectuée auprès des médecins généralistes en Communauté française pour estimer leur appréciation du programme organisé de dépistage du cancer du sein. Trois objectifs sous-tendaient cette action:
-répondre à la demande des médecins généralistes d’être entendus sur le programme;
-répercuter les messages des généralistes aux responsables du programme;
-participer au maintien de l’intérêt des omnipraticiens pour le programme.
Pour réaliser cette enquête, un questionnaire a été élaboré par le Comité Médecins traitants pour le dépistage du cancer du sein (1). Il a été transmis aux médecins par plusieurs canaux: site web de la Société scientifique de médecine générale, courriel et courrier au responsable de chaque cercle, courrier électronique aux 2880 médecins de la liste de distribution de la SSMG.

Quels sont les commentaires des médecins généralistes ?

Un total de 136 médecins généralistes a répondu à l’enquête. Une majorité d’entre eux disent connaître moyennement bien le programme organisé de dépistage. Ils sont 4% à avouer ne pas le connaître et 29% à considérer le connaître très bien.
Les points positifs du programme relevés par les répondants sont principalement la double lecture, la gratuité, l’invitation systématique par une lettre et le fait que les unités de radiographie soient soumises à un contrôle technique. En moyenne, il y a 4,6 points positifs par répondant. Deux médecins ajoutent que le programme recrute des femmes qui ne se seraient pas fait dépister autrement.
Concernant les points négatifs du programme, le plus fréquemment évoqué est le délai de transmission des résultats. Il est cité par près de la moitié des répondants. Il est suivi par le fait que les clichés négatifs ne sont pas transmis systématiquement au médecin référent. Viennent ensuite un doute sur la fiabilité du mammotest seul, le discours contraire des spécialistes de la région et la présence non obligatoire du radiologue pendant l’examen. Il faut noter qu’à Bruxelles, le point négatif qui remporte le plus de suffrage concerne le délai pour obtenir un rendez-vous. Il y a en moyenne 3,3 points négatifs par répondant, donc moins de points négatifs que de points positifs.
Plusieurs répondants ont ajouté des points négatifs supplémentaires: le rôle du généraliste limité à celui de «facteur»; des résultats faussement positifs pouvant être source de panique chez les femmes (d’autant qu’il faut un délai pour un bilan complet); des radiologues pas toujours promoteurs du mammotest; le fait que seules les femmes intéressées par leur santé se rendent au dépistage; une interférence avec le propre programme de sensibilisation de certains médecins; le manque de transmission des résultats par voie électronique sécurisée.
À la fin du questionnaire, il était demandé aux médecins généralistes de donner une cote sur 10 au programme. La moyenne obtenue est de 6,3/10, et peu de médecins donnent une cote inférieure à 5/10.
Enfin, des commentaires ont été ajoutés par 29% des répondants. On y retrouve des suggestions pour améliorer le programme: remettre le généraliste au centre du programme; fournir de solides arguments scientifiques; favoriser la transmission électronique des résultats; centraliser tous les examens effectués; fournir un vrai protocole descriptif des résultats; associer une campagne médiatique au travail des généralistes; convaincre les gynécologues; promouvoir la présence systématique d’un radiologue car cela pourrait accélérer la prise en charge en cas de clichés positifs ou douteux; envoyer une lettre à la patiente en cas de mammotest positif demandant de prendre contact avec le médecin référent ou directement avec le centre de mammotest; donner l’accès au code mammotest aux sénologues cliniciens…

Qu’en disent les responsables du programme en Communauté française ?

Le Centre communautaire de référence pour le dépistage a pris connaissance des résultats de cette enquête. Certains points négatifs relevés ont déjà été suivis d’actions. La création du centre unique de 2e lecture a ainsi permis la réduction du délai de transmission des résultats puisque le résultat du mammotest est directement adressé au médecin référent (sans transit par le radiologue). Le passage aux clichés numériques diminue aussi de manière significative le délai de transmission des résultats. De plus, cela permet l’archivage d’une copie de tous les mammotests réalisés. L’envoi des résultats par voie électronique sécurisée vers les dossiers informatiques des médecins est également en cours d’élaboration (il est déjà en place pour le cancer colorectal).
Remettre le médecin généraliste au coeur du programme n’est pas simple. Le discours parfois peu favorable au programme émanant des spécialistes, qu’ils soient gynécologues ou radiologues, semble avoir une influence majeure sur l’opinion des médecins généralistes.
L’envoi par l’INAMI d’un feed-back reprenant le pourcentage de femmes de la patientèle ayant eu un mammotest et/ou un autre examen des seins devrait permettre d’amorcer une réflexion sur les pratiques de chacun puisque ce feed-back est également envoyé aux gynécologues et aux radiologues.
Enfin, communiquer vis-à-vis des médecins mais aussi vis-à-vis des femmes est impératif. Il faut des arguments scientifiques mais aussi des informations sur les points négatifs du programme organisé pour ne pas être pris au dépourvu.
Dr Pascale Jonckheer , Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG)

(1) Ce Comité est constitué de P. Jonckheer, E. Baijot, G. Beuken, P. Delvoye, A. Gillet, Y. Gueuning, J. Laperche, A-M. Moreau, M. Provost et B. Vercruysse.

Communication et mammotest : un coup d’œil dans le rétroviseur

Le 30 Déc 20

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Au printemps 2001, un groupe de travail issu du secteur de la promotion de la santé s’est réuni à plusieurs reprises sur cette question. La coordination et le secrétariat de ce groupe étaient assurés par le Service communautaire de promotion de la santé Question Santé, avec l’aide du Centre local de promotion de la santé de Bruxelles. Il est étonnant de constater combien les recommandations émises par ce groupe sont, avec neuf années de recul, toujours d’actualité. On y trouve des suggestions comme celles-ci: inscrire l’information sur le dépistage du cancer du sein dans une optique de santé globale; adopter une approche mixte dans laquelle les démarches de marketing social (inciter les femmes à pratiquer le dépistage par mammotest par une information adéquate) et d’éducation permanente (favoriser le développement des aptitudes des femmes concernées par rapport à la gestion de leur santé) seront considérées comme complémentaires.
Les objectifs éducatifs énoncés concernaient aussi bien les professionnels de la santé que les femmes. Pour les premiers: augmenter leurs savoirs par rapport au dépistage et à ses corollaires, favoriser une prise de conscience des facteurs qualitatifs, comme l’importance de la parole et du suivi et l’adéquation des informations transmises aux diversités culturelles, socio-économiques, psychologiques. Pour les secondes: développer leurs connaissances (y compris pour les aspects très concrets de l’examen), permettre l’expression des croyances et développer la conscience d’une possibilité d’autogestion de sa santé.
On lit également dans ce document que «la mise en place d’un processus de qualité prime sur les objectifs quantitatifs à court terme» et que «la démarche de communication doit s’inscrire d’emblée dans une continuité d’objectifs et de moyens, et l’évaluation du processus doit être permanente».
Enfin, une liste de critères de qualité était proposée:
-participation de femmes et de médecins à l’ensemble du processus de communication;
-accessibilité du message pour la majorité des femmes du groupe cible. Ce critère qualitatif recouvre entre autres la lisibilité (compréhension de l’information);
-couverture de la population cible (diffusion de l’information). Ce critère quantitatif vise à garantir l’accès au message;
-du critère d’accessibilité découle un autre: une diversité d’approches. Ceci implique notamment la multiplication des supports (écrits, audiovisuels, conférences, etc.) et des moyens (publications, groupes de parole, etc.) ainsi qu’une proximité des actions (appui des réseaux d’acteurs locaux).
-respect d’une rigueur scientifique et éthique (référence aux valeurs). Ceci implique la recherche d’un bénéfice en terme de santé globale pour chaque femme individuellement, le respect de la liberté de choix (ne pas forcer la décision), la recherche du consentement éclairé, la non exclusion de certains groupes;
-respect de la féminité et de l’intimité. Parler du corps féminin est probablement plus aisé entre femmes. Ceci peut revêtir une importance particulière dans certains contextes culturels. Des professionnelles de sexe féminin seront disponibles autant que faire se peut (notamment des techniciennes pour pratiquer le mammotest);
-anticipation des effets pervers de la démarche de communication et, plus largement, du dépistage à large échelle. Les prémices des aspects de communication et d’éducation liés au programme de dépistage étaient donc posées d’emblée de manière riche et diversifiée, dans le cadre d’une concertation d’acteurs de la promotion de la santé.
Cependant, au cours des années suivantes, de nombreux intervenants impliqués dans le programme ont eu le sentiment d’un rétrécissement des options d’action possibles.
En décembre 2005, à nouveau en concertation avec différents partenaires et acteurs locaux, d’autres pistes pour sensibiliser et rencontrer les femmes avaient été envisagées (livret de questions/réponses, photolangage, théâtre-action…) comme supports et outils d’animation pour des relais de proximité (associations d’éducation permanente, CPAS, groupes d’alphabétisation…) mais ils n’ont pu être mis en œuvre faute de moyens.

Pourquoi ce rétrécissement du champ d’action ?

Diverses hypothèses explicatives peuvent être avancées. En voici quelques-unes:
-les difficultés rencontrées par le programme ont eu pour conséquence que l’attention s’est portée prioritairement sur les problèmes fonctionnels et techniques, les débats sur la pertinence du dépistage par mammotest parmi les professionnels de la santé, les changements de la technique radiologique, etc.;
-le choix structurel d’une décentralisation offrait des avantages quant à la proximité des structures de gestion du programme mais, dans le même temps, rendait plus difficiles la coordination et la cohérence des aspects de communication et d’éducation. En outre, les priorités des mandataires au niveau de la Communauté française et au niveau provincial pouvaient diverger;
-les priorités et accents politiques successifs ont fortement influencé la gestion même du programme, par un pilotage direct du politique et par les choix de financement ou de non financement de certains axes de travail;
-les priorités de travail imposées aux Services communautaires et Centres locaux de promotion de la santé ont limité leurs possibilités d’investissement dans le programme;
-les différences de référentiels entre les acteurs d’un programme de médecine préventive impliquent un travail de concertation de longue haleine afin de permettre des échanges et une compréhension des apports spécifiques des uns et des autres. Au-delà, ce qui est recherché est une acceptation de l’expertise spécifique de chacun et de la complémentarité des approches.

Et maintenant…

Des réunions ont repris avec des acteurs de proximité pour élargir à nouveau les perspectives de la communication et de l’éducation des adultes dans le champ des activités de médecine préventive. Beaucoup reste à faire dans ce domaine, mais seule une approche collective reconnaissant les réalités de chacun permettra de progresser vers des démarches diversifiées, cohérentes et de qualité.
Alain Cherbonnier , Chantal Hoyois , Bernadette Taeymans et Patrick Trefois , Question Santé, Service communautaire de promotion de la santé

Le mammotest… un défi pour la Communauté

Le 30 Déc 20

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En Communauté française, depuis 2002, le programme de dépistage du cancer du sein par mammotest offre à toutes les femmes âgées de 50 à 69 ans une mammographie gratuite de qualité contrôlée. Après bientôt huit ans de fonctionnement, le taux de participation des femmes reste trop faible, et ce malgré les multiples actions menées en matière de communication, de formation et de sensibilisation.
Le programme en quelques dates:
Le 25 octobre 2000, un protocole d’accord est signé visant à une collaboration entre l’État fédéral et les Communautés en matière de dépistage du cancer du sein.
Au printemps 2001 commencent les préparatifs pour le lancement du programme.
En août 2002, celui-ci démarre.
En septembre 2005, une campagne de communication est lancée à destination du grand public; une telle campagne avait en effet été jugée inopportune auparavant, tant que le programme n’était pas rodé.

Un état des lieux mitigé

Lors de sa mise en place, le programme a connu quelques maladies de jeunesse: le listing pour l’envoi des invitations s’est révélé incomplet, le délai de transmission des résultats était plus long que prévu, les prescriptions médicales montraient parfois une certaine confusion (mention du mot «mammographie» au lieu de «mammotest»), etc.
En outre, les professionnels de la santé concernés ont émis des avis divergents: ainsi, le recours au bilan sénologique systématique a été défendu par certains, alors que d’autres préféraient le réserver aux mises au point diagnostiques. L’ensemble de ces éléments a concouru à une participation très faible au programme organisé de dépistage, puisque 10% environ des femmes faisaient un mammotest alors que près de 50% recouraient à la mammographie (1). Ces données pour la période 2005-2006, nous indiquent surtout que, six ans après le lancement du programme, près de 40% des femmes n’en bénéficiaient toujours pas dans notre pays. Il y a là un enjeu important: informer au mieux les femmes et améliorer l’accès au programme, mais en respectant le consentement éclairé et sans taire les incertitudes actuelles quant au bénéfice du dépistage.
Cependant, malgré les difficultés rencontrées, les chiffres et les profils des femmes adhérant au programme montraient une progression, certes modérée, dans la couverture du public cible (mammotest + mammographies hors programme); par ailleurs, les inégalités sociales n’étaient pas accentuées par le programme, bien au contraire, et les perceptions du mammotest évoluaient lentement (2).

La communication, une solution miracle?

Sollicitée en 2006 pour la mise en place d’une nouvelle campagne de communication, l’asbl Question Santé, Service communautaire chargé de la communication, a porté son attention sur les freins liés à l’organisation même du programme et aux hésitations des professionnels de la santé – freins qui renforcent évidemment les résistances des femmes. Une évaluation de la campagne 2005 avait également été envisagée pour mesurer les connaissances, les réticences, les pratiques et les intentions des femmes de 50 à 69 ans en matière de dépistage, mais cette évaluation n’a pu être réalisée faute de moyens.
Entre 2006 et 2008, le groupe de travail mis en place par le Cabinet de la Ministre de la Santé (3) a planché sur la relance de la communication, arrivant à un consensus sur les points suivants.
1. Obtenir une mesure structurelle pour favoriser le choix du mammotest plutôt que du bilan sénologique
Un groupe réuni au sein de l’INAMI a étudié en 2009 le scénario d’un changement de nomenclature, l’hypothèse étant de supprimer, dans le cadre du dépistage chez les femmes de 50 à 69 ans, le remboursement pour le bilan sénologique (mais de le maintenir notamment dans le cadre du diagnostic) et de rembourser le seul mammotest.
2. Améliorer l’adhésion des radiologues , gynécologues et médecins généralistes au dépistage par mammotest
Cette adhésion ne pourra être améliorée que très progressivement, en mettant en place des stratégies multiples: relais de l’enseignement facultaire, formations continues, informations répétées et communication régulière des évaluations du programme, recrutement de leaders d’opinion, concertation avec les groupements professionnels. Plusieurs initiatives sont en cours dans ce domaine.
3. Sensibiliser les femmes à recourir au dépistage du cancer du sein entre 50 et 69 ans
Même si l’information et la sensibilisation des femmes sont essentielles, il est clair qu’une campagne de communication ne peut, à elle seule, permettre de surmonter les obstacles identifiés. D’autres stratégies doivent être mises en place (voir ci-dessus).

Du bilan à une nouvelle démarche

Le passage effectif de l’analogique au numérique dans les Unités agréées qui pratiquent le mammotest semblait un moment propice au lancement d’une nouvelle campagne de communication. Celle-ci a débuté en février 2010.
Pour la réaliser, il fallait une concertation entre les différents partenaires, au premier rang desquels le Centre communautaire de référence pour le dépistage des cancers et le Comité de pilotage du programme, et d’autres acteurs de la santé en Communauté française: les centres locaux de promotion de la santé, les ex-centres de coordination provinciaux et d’autres structures de proximité intéressées, la médecine du travail, les mutualités, les gynécologues (via le GGOLFB) et les médecins généralistes (via la SSMG).
De ces nombreuses rencontres s’est dégagé un consensus sur les points suivants:
-mener des actions afin de revaloriser le programme. Il faut insister sur l’assurance de qualité, notamment la double lecture, le contrôle des appareillages, le contrôle de la qualité des clichés, le recueil de données, etc., afin de rendre positive l’image du mammotest;
-poursuivre, à l’intention des professionnels et des femmes, la diffusion d’informations précises et fiables concernant les procédures mises en œuvre: invitations, prescriptions, rendez-vous dans les Unités agréées, accueil, délai de réponse, etc.
-étayer scientifiquement, de manière continue, la pertinence de l’approche choisie: groupe d’âge, examen, etc.
La campagne de communication s’inscrit donc dans un contexte plus large de réflexion et d’information qui vise à relever plusieurs défis.
1. Rencontrer les préoccupations des médecins et les informer
L’adhésion et une attitude proactive de la part du médecin sont déterminantes pour la participation des femmes au dépistage. S’il subsiste encore des doutes sur le programme chez un certain nombre de professionnels, il est essentiel de mettre les points litigieux en discussion et de continuer à offrir une information scientifique de qualité.
2. Rencontrer les attentes des femmes et les informer
Parallèlement, une information est proposée aux femmes, tenant compte de leurs réticences et éclairant les aspects concrets de la démarche de dépistage. Car, à ce jour, en Communauté française, quatre femmes de 50 à 69 ans sur dix ne font aucun dépistage du cancer du sein ou le font de manière irrégulière. Améliorer leur adhésion nécessitera des stratégies multiples: dédramatiser le dépistage, prendre en compte les résistances, comprendre les raisons des pratiques irrégulières de dépistage (par ex. tous les 4 à 5 ans), etc.
Une démarche est également en cours pour faire le lien entre la campagne de communication et des actions de proximité par région.

La campagne de communication

Les objectifs communs à l’ensemble des outils de la campagne sont:
-rappeler l’importance du dépistage du cancer du sein tous les 2 ans;
-encourager les femmes qui ont peur de faire le mammotest ou qui ne se sentent pas concernées;
-rappeler les différentes modalités pour bénéficier du mammotest (courrier personnalisé ou prescription par le médecin traitant, gratuité, etc.);
-donner une visibilité et une identité au programme;
-à travers les outils non audiovisuels, développer la conscience de la qualité de cet examen et favoriser le recours au mammotest.

La recherche créative

Un appel à projets a été lancé auprès de plusieurs sociétés de production pour réaliser le spot TV/radio. La consigne: réaliser un ou des spot(s) avec un message positif sur les avantages à faire ce dépistage, créer un climat de complicité autour de la féminité et éviter de mettre en avant l’acte médical. Un jury a sélectionné le projet correspondant le mieux à ces exigences.
Un pré-test a ensuite été effectué pour valider le spot et son message. Un avis favorable a été émis par la commission examinant les demandes de campagnes radiodiffusées de promotion de la santé au sein du Conseil supérieur de promotion de la santé.
À côté de cela, divers outils sont disponibles: affiches, dépliants, cartes postales, site internet, signets, exposition… La campagne a débuté à la mi-février.

Des outils pour les professionnels

Une brochure éditée par la SSMG en collaboration avec Question Santé est actuellement diffusée auprès des médecins généralistes. Elle aborde évidemment les aspects scientifiques et organisationnels du programme mais, surtout, elle donne la parole aux professionnels, permettant ainsi d’exprimer des points de vue différents et de mettre en débat leur adhésion au programme. Enfin, d’autres actions sont menées hors médias vers les professionnels et les femmes.
Pour en savoir plus sur la campagne, consultez le site https://www.lemammotest.be .
Pour obtenir gratuitement du matériel d’information et de sensibilisation (affiche, carte postale…), contactez le Service communautaire Question Santé au 02 512 41 74 ou par courriel: info@questionsante.org.

Alain Cherbonnier , Chantal Hoyois , Bernadette Taeymans et Patrick Trefois , Question Santé, Service communautaire de promotion de la santé

(1) Ces chiffres sont inverses en Communauté flamande, où plus de 40% des femmes ont recours au mammotest et 21% à la mammographie (données de l’Agence intermutualiste pour la période 2005-2006, publiées en 2009). Lire également DE BOCK C., FABRI V., REMACLE A., Succès contrastés du programme de dépistage du cancer du sein , Éducation Santé n° 246, juin 2009.
(2) Source intermutualiste et résultats des Centres de coordination provinciaux, 2007.
(3) Ce groupe comprenait la Direction générale de la santé, le Centre communautaire de référence pour le dépistage des cancers, les mutualités, Question Santé, etc.

Le programme de dépistage du cancer du sein

Le 30 Déc 20

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Pour rappel, ce programme de santé publique s’inscrit dans le cadre des Recommandations du Conseil de l’Union européenne (2003/878/EC). Ces dernières (1) font suite aux recommandations de l’Advisory Committee in Cancer Prevention (2): «Le dépistage du cancer du sein doit s’adresser à l’ensemble de la population-cible et être réalisé dans le cadre d’un programme d’assurance de qualité: contrôle de qualité des procédures, enregistrement, évaluation».
La démarche d’assurance de qualité a pour objectif d’atteindre une efficacité optimale et de réduire au minimum les effets négatifs.
Les Recommandations du Conseil européen se basent sur de nombreuses études qui ont démontré que les femmes de 50 à 69 ans qui avaient bénéficié régulièrement d’une mammographie, dans le cadre d’un programme d’assurance de qualité, avaient moins de risque de mourir d’un cancer du sein.
Un protocole d’accord entre l’État fédéral et les Communautés pour la mise en place d’un dépistage de masse du cancer du sein par mammographie a été signé en octobre 2000.
Ce dépistage s’adresse à une population asymptomatique. Son objectif est de réduire la mortalité liée au cancer du sein. Le «test» utilisé pour le dépistage doit être simple, acceptable, sans danger et peu coûteux (3).
Le mammotest répond à ces conditions. Il a pour objet d’identifier parmi l’ensemble des femmes de 50 à 69 ans celles qui présentent un risque d’être atteintes d’un cancer du sein en raison de l’existence d’une anomalie à la mammographie. Ces femmes devront bénéficier, dans un 2e temps, d’un bilan sénologique à visée diagnostique.
Le mammotest est une mammographie qui est soumise à un contrôle de qualité et dont les effets sont évalués.

Fonctionnement du Programme

Le fonctionnement du Programme est défini dans les arrêtés de Gouvernement de la Communauté française du 20 janvier 2006 et du 11 juillet 2008, modifiés par celui du 14 mai 2009.

Agrément des unités de mammographie

Les unités de mammographie qui souhaitent participer au programme de dépistage doivent avoir obtenu un agrément spécifique délivré par la Communauté française sur base de leur conformité aux exigences de qualité définies dans les «European guidelines for quality assurance in mammography screening» (4).

Invitation des femmes

Les femmes de 50 à 69 ans sont invitées à faire réaliser un mammotest par une lettre personnelle qui leur est adressée le mois de leur anniversaire (5). Le mammotest peut aussi faire l’objet d’une prescription par le médecin généraliste ou par le gynécologue. La liste des unités de mammographie agréées est annexée à la lettre d’invitation. Elle est aussi consultable sur le site www.lemammotest.be. Elle est mise à jour chaque mois.

La réalisation du mammotest

Le mammotest est réalisé dans une unité de mammographie agréée, par un radiologue ou par une technologue spécifiquement formée. Il n’y a pas d’examen clinique ni d’échographie lors de la réalisation de la mammographie. Le radiologue analyse les clichés et rédige un protocole standardisé sur une «fiche de lecture». Les clichés et la fiche de lecture sont envoyés par voie électronique sécurisée au Centre de 2e lecture.

La double lecture

Les clichés sont analysés par un 2e lecteur. Celui-ci n’a pas connaissance du résultat de la 1ère lecture. Si les avis de 2 lecteurs ne sont pas concordants, l’avis d’un 3e lecteur est requis.
La double lecture a pour objet de réduire les «faux négatifs», sources de fausse réassurance ainsi que les «faux positifs», sources d’examens inutiles et coûteux sur le plan psychologique et sur le plan financier.

Les résultats

Ils sont adressés au médecin «référent».
Soit, et c’est le plus souvent le cas, le mammotest est «négatif». Dans ce cas un nouveau mammotest sera proposé 2 ans plus tard.
Soit le mammotest est «positif», c’est-à-dire qu’une image anormale a été mise en évidence sur la mammographie. Dans ce cas des examens à visée diagnostique doivent être réalisés: clichés complémentaires, échographie…

L’évaluation

Lors de la réalisation du mammotest, la femme est invitée à donner son consentement à l’enregistrement et au traitement des données de son examen en vue de l’évaluation du programme.
Tous les mammotests «positifs» font l’objet d’un suivi épidémiologique afin de connaître les résultats des examens complémentaires et d’évaluer le programme selon les indicateurs de qualité et d’efficacité définis dans les «European guidelines for quality assurance in mammography screening» (6).
La plupart des résultats du Programme (7) sont conformes, et même supérieurs aux normes: sur 82.169 mammotests au total, 514 cancers ont été détectés, dont 51 (10%) lors de la 2e lecture. Ils n’avaient pas été identifiés par le 1er radiologue.

Critères de qualité

Wallonie Recommandation européenne
Taux de détection 6,3 ‰ > 6‰
Taux de cancers in situ 14% 10 – 20%
Cancers invasifs < 10mm 37% > 25%
Pas d’envahissement des ganglions 72,5% > 70%

Ces chiffres encourageants indiquent que le mammotest est performant en termes de détection de petits cancers. Il permet de rencontrer les exigences éthiques et économiques d’un programme de dépistage: réduire au minimum le risque que celles qui ne sont pas atteintes d’un cancer du sein soient soumises à des examens complémentaires, sans toutefois prendre le risque de méconnaître un certain nombre de cancers.
Le Centre communautaire de référence (CCR) , agréé par la Communauté française, est chargé de coordonner les différents acteurs du Programme, d’assurer son fonctionnement, de contrôler sa qualité et d’évaluer son efficacité selon les indicateurs définis par les experts.
Un Centre de 2e lecture, pour l’ensemble de la Région wallonne, a été établi au sein du CCR. Il a pour mission d’organiser les invitations et les réinvitations, d’organiser la deuxième et la troisième lecture des mammotests et l’envoi des résultats, d’assurer le suivi des mammotests positifs ainsi que l’archivage des mammotests.
Professeur Anne Vandenbroucke , coordinatrice du Centre communautaire de référence pour le dépistage du cancer du sein asbl
Adresse de l’auteure:rue André Dumont 5 (Axis Parc), 1435 Mont-Saint-Guibert
Tél.: 010 23 82 70. Fax: 010 45 67 95. Courriel: ccref@ccref.org. Site: https://www.lemammotest.be

(1) Council Recommendation on cancer screening of 2 December 2003 (2003/878/EC). Official Journal of the European Union L 327/34.
(2) Advisory Committee on Cancer Prevention. EJC 2000; 36: 1473-78.
(3) Wilson JMG, Jungren G. Principles and practice of screening for diseases. Public health paper (N) 34). Geneva, WHO 1968:26.
(4) European guidelines for quality assurance in mammography screening and diagnosis. Fourth edition. European Communities 2006.
(5) Une année paire si elles sont nées un jour pair, et une année impaire si elles sont nées un jour impair.
(6) European guidelines for quality assurance in mammography screening and diagnosis. Fourth edition. European Communities 2006.
(7) Du 1er janvier 2005 au 31 décembre 2008 (depuis 2002 pour le Brabant wallon).

La santé est un droit pour tous !

Le 30 Déc 20

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Malgré ce droit, les inégalités subsistent et restent importantes au sein de la population. C’est pourquoi syndicats, mutualités, fédération des maisons médicales, ONG et autres associations, du nord et du sud du pays, se sont réunis pour travailler ensemble à un meilleur accès à la santé pour tous.
À travers une analyse de la situation, des débats et des actions, la Plate-forme d’action santé et solidarité souhaite amener à une politique de santé plus progressiste et plus solidaire. En Belgique, en Europe et ailleurs.

La santé sous toutes ses facettes

La santé des personnes est déterminée par d’innombrables facteurs parmi lesquels les soins ne jouent qu’un rôle limité. Il est donc nécessaire et essentiel de penser à des politiques transversales qui abordent, en plus des soins, aussi bien la question du logement que celle de l’énergie, de l’environnement, de l’emploi… si nous souhaitons diminuer les inégalités existantes.
La Plate-forme a organisé le 13 novembre dernier une matinée de réflexion autour des inégalités sociales en santé sous l’angle des déterminants sociaux et économiques (logement, environnement, emploi…). L’idée était de réunir des experts d’univers différents: représentants d’associations de patients, de réseaux de lutte contre la pauvreté, d’observatoires de la santé mais également des médecins et des professeurs d’université. Les participants étaient francophones et néerlandophones. Le panel était donc riche et varié. La matinée était animée par Jean Hermesse et Raf Mertens , des Mutualités chrétiennes (1).
L’objectif de cette rencontre était de définir des mesures prioritaires, de les budgétiser et de définir des stratégies qui permettraient de diminuer les inégalités sociales en santé. Un programme ambitieux pour les ministres d’un jour d’un gouvernement éphémère!
Cette matinée nous a permis de cibler 6 priorités.
1. Développer une approche globale transversale de la santé: viser un travail intersectoriel et mettre sur pied une bonne coordination entre les différents niveaux de pouvoirs en matière de santé. Intégrer systématiquement la dimension santé dans les politiques et actions menées en matière de logement, d’emploi, de transports, d’enseignement… À quand un Plan national de la santé?
Objectif opérationnel: désignation d’un Commissaire royal à la Santé.
2. Introduire un plan de gestion social local dans lequel l’aspect santé est intégré. L’idée est ici de mettre en place une politique locale sociale en matière de santé qui fasse remonter ses effets et résultats vers un système plus global. Il faut renforcer la participation citoyenne.
Objectif opérationnel: création d’observatoires locaux de la santé.
3. Renforcer la sécurité sociale: pensions, assurance maladie invalidité, assurance autonomie, assurance hospitalisation. Maintenir le système de solidarité, car les assurances privées aggravent les inégalités sociales.
Objectif opérationnel: développer le premier pilier, la couverture et les indemnités par la sécurité sociale.
4. Renforcer une fiscalité qui soit plus équitable.
Objectif opérationnel: une fiscalité plus juste touchant toutes les sources de revenus et les flux financiers.
5. Garantir un travail digne, avec une attention particulière à l’évolution des conditions de travail des travailleurs, en particulier pour les travaux lourds, les situations de sous-traitances, la précarité de l’emploi et les cadences. Prévoir une règlementation adaptée en matière de santé au travail.
Objectif opérationnel: coordination des structures de santé (médecins généralistes, médecins du travail, syndicats) et intégration de la problématique dans les politiques de santé.
6. Augmenter le revenu d’intégration sociale. Il doit dans un premier temps atteindre le seuil de pauvreté européen pour ensuite faire l’objet d’une nouvelle hausse pour atteindre 878€, minimum vital en Belgique.
Objectif opérationnel: atteindre 878€ en 2012.

Des choix, idéologiques, sociaux et politiques!

‘Peut-on rendre les Belges égaux devant la santé?’
Cette question sera au cœur du deuxième temps de notre démarche le 25 mars prochain. En effet, ce sera le moment pour la Plate-forme de mettre les politiques face à leurs responsabilités et de leur soumettre des recommandations très concrètes.
De nombreuses recherches ont été faites, de nombreux colloques organisés et nous faisons toujours les mêmes constats: les inégalités ne cessent d’augmenter. Il faut agir plus globalement, inventer un nouveau modèle de société.
L’objectif de la soirée sera de convaincre les représentants politiques que notre système économique, social et politique doit être adapté pour amener notre société vers un développement plus humain.
Nous défendrons des mesures concrètes qui ouvrent des perspectives, qui peuvent mettre des contradictions en évidence et qui amènent à une réelle conscientisation. Bien souvent de telles mesures ne nécessitent pas forcément de nouveaux moyens. Des transferts, des fusions de budgets sont possibles ou il faut réorienter les priorités.
Nous vous attendons nombreux à ce débat! Il sera bilingue, tout comme notre Plate-forme, et une traduction simultanée sera assurée.
Cela se passera donc le 25 mars 2010 à partir de 19h30 au Centre De Markten, rue du Vieux Marché aux Grains 5 à 1000 Bruxelles (quartier Sainte-Catherine). Inscriptions via le site internet: https://www.sante-solidarite.be . Tél.: 02 209 23 64 – 0484 499 603. Contacts: france.defrenne@sante-solidarite.be – famke.vekeman@gezondheid-solidariteit.be
France Defrenne , Plate-forme Santé-Solidarité

(1) Depuis lors, Raf Mertens a quitté les Mutualités chrétiennes. Il est devenu le directeur du KCE, le Centre fédéral d’expertise des soins de santé.

Le Réseau Belge de Lutte contre la Pauvreté (BAPN) coordonne un projet où des personnes en situation de pauvreté des trois régions du pays formulent des recommandations au niveau de la santé, de la sécurité sociale et de l’inclusion sociale. Ce projet de deux ans (2009-2010) se fait en étroite collaboration avec les réseaux régionaux (bruxellois, flamand et wallon) de lutte contre la pauvreté et de nombreuses associations de terrain qui sont en contact avec des personnes en situation de pauvreté.
Les recommandations des personnes en situation de pauvreté seront présentées aux responsables politiques à la fin de 2010. Afin de leur conférer plus de «poids», BAPN souhaite que ces recommandations très concrètes soient portées et soutenues par le plus grand nombre d’organisations et d’instances de la société civile et du monde académique concernées par ces thèmes. C’est ainsi que la Plate-forme Santé-Solidarité collabore activement aux travaux de BAPN, tout comme BAPN a participé à la matinée de réflexion organisée par la Plate-forme le 13 novembre dernier. L’objectif clairement affiché est de se renforcer mutuellement.

Eduquer aux plaisirs plus qu’aux facteurs de risque

Le 30 Déc 20

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Depuis le Service de psychosomatique des Cliniques Universitaires de Mont Godinne , les Dr Reynaert et Zdanowicz lancent un appel à l’éducation aux plaisirs du corps et de l’esprit , ces plaisirs que les discours , pas seulement sanitaires , escamotent au profit d’une ritournelle de risques . Les campagnes de prévention n’échappent pas à leurs critiques .
Depuis plus de vingt ans, le Dr Christine Reynaert (psychiatre), examine et écoute des patients, dont de nombreux adolescents, souffrant de migraines, de stress, de problèmes d’assuétudes, d’anorexie, de dépression… Le Service qu’elle dirige est animé par une équipe pluridisciplinaire (psychiatres, médecin interne, kiné). « C’est que l’approche globale du patient revient en force », explique-t-elle. « La science , pour progresser , a bien dû découper son sujet d’étude , mais elle le restitue aujourd’hui . On renoue avec la globalité
La prévention de tels troubles devrait, selon elle, prendre une voie particulière, balisée de plaisirs. Plaisirs que le corps comme l’esprit nous procurent, la dopamine étant concentrée dans une zone du cerveau connectée à la fois au cerveau archaïque et au cortex, «acquisition» beaucoup plus récente.
« Les plaisirs physiques sont importants pour notre équilibre », précise le Dr Reynaert. « Mais tout autant les satisfactions nées de notre imaginaire , de la lecture d’un livre , d’un film ou de notre capacité à anticiper un moment agréable ou à garder confiance en son avènement . C’est ce qui crée notre monde intérieur , ce qui nous donne consistance . Plus on sera consistants , moins on aura besoin d’objets et de produits pour nous renseigner sur qui nous sommes ou nous faire oublier qui nous croyons être !» Qui dit plaisir dit désir mais aussi frustration. Lié au manque, le désir naît de ce manque, à la différence de besoins qui eux se comblent. « L’éducation au manque , l’acceptation de la frustration font défaut dans notre société », constate le Dr Reynaert. « Prenons l’exemple de l’anorexie . Souvent , elle est vécue par des jeunes filles très couvées alors qu’elles étaient dépendantes des adultes dans les premiers mois de leur vie . À force de recevoir trop vite , elle ont eu besoin de réintroduire le manque , et de quelle manière , franchement radicale

Peur du positif ?

Le Dr Nicolas Zdanowic , chargé plus particulièrement de la prise en charge des jeunes au sein du Service de psychosomatique de Mont-Godinne regrette que, dans les discours des professionnels en général, ce soit « toujours la même chanson », pour reprendre ses propres termes: « Comment parler aux jeunes de risques si on ne leur parle pas aussi des plaisirs , des bons côtés , si on ne leur donne pas l’envie de vivre ? Notre société oublie ce qui va bien . Elle préfère asséner les informations sur les facteurs de risque individuels
Ainsi attirerait-on rarement l’attention des jeunes sur les aspects positifs de l’usage de telle ou telle substance ou de tel comportement. Le Dr Zdanowicz en veut pour preuve la faible couverture médiatique de l’effet positif du chocolat sur la tension artérielle et sur le risque de décès par maladies cardiovasculaires. « Pourquoi ne parle t on pas non plus de l’effet positif de la sexualité sur le cancer de la prostate , constat qui a étonné les chercheurs eux mêmes , puisqu’ils tentaient de démontrer le contraire . Pourquoi aussi à l’heure de la promotion de l’activité physique au quotidien ne pas rappeler qu’une relation sexuelle peut rivaliser avec la dépense physique occasionnée par une course à pied
Il évoque encore ces pseudo-risques qu’on trouve dans bien des bouches et qui n’auraient pas autant de réalité qu’on veut bien nous le faire croire. Exemple frappant: Internet. Une étude épidémiologique a comparé des jeunes cherchant des partenaires en ligne et des «non-cherchant». « L’étude montre que la différence d’âge de la première relation sexuelle est de six mois . Le nombre de partenaires par an de ces jeunes est de 4 , 3 pour ceux qui recourent à Internet contre 1 , 7 pour ceux qui ne l’emploient pas . Mais la différence entre les deux est virtuelle ! Les partenaires en chair et en os ne sont pas plus nombreux pour ceux qui surfent !», indique-t-il (1) .

Contribuer au plaisir

Davantage encore, si au lieu de parler de plaisir, les milieux de vie contribuaient à les éduquer aux plaisirs… Ainsi, prodiguer des conseils relatifs à l’équilibre alimentaire est utile, mais devrait s’insérer dans un contexte favorable plus large, en famille, à l’école, en entreprise. « La nourriture devrait être associée au plaisir d’être ensemble , au plaisir du partage », explique le Dr Reynaert. « Pourquoi les jeunes préfèrent ils grignoter seuls dans leur coin ? De quoi parle t on quand on est à table . Ils sont peut être dissuadés d’y rester ! Il me semble aussi que boire un verre en famille fait partie de ce plaisir et devrait contribuer à apprendre à gérer sa consommation . Dans un autre registre , on parle d’assuétude des jeunes à l’égard d’Internet . Mais c’est leur solitude qu’il faut incriminer , voir ce qui se passe en amont
Rien ne vaut le plaisir, rien ne vaut non plus la parole. Dans le Service de psychosomatique, aux nombreux jeunes qui se plaignent de maux de ventre ou de migraines, on demandera comment ça se passe à la maison. C’est parfois l’expression d’une hypersensibilité à des problèmes de couple chez les parents. Nombreux sont les jeunes traités pour de la dépression, des phobies scolaires. « Cela peut paraître étonnant », relate le Dr Zdanowicz « mais des jeunes me disent ouvertement qu’ils regrettent le manque d’autorité de leurs parents . Bien entendu autorité ne signifie pas seulement punition . Et à l’heure où les autorités individuelles , celles que peuvent représenter les parents mais aussi les enseignants , perdent de leur légitimité et de leur pouvoir , je pense qu’il y aurait beaucoup à gagner de créer de la liaison entre ces protagonistes . On est à l’heure actuelle dans de la méfiance réciproque et c’est dommageable pour tout le monde
Le manque de rapprochements fructueux entre «autorités individuelles» serait une des principales faiblesses des campagnes de prévention. « Je pense », poursuit le Dr Zdanowicz, « à l’évaluation du programme DARE qui recourait aux forces de l’ordre en milieu scolaire pour prévenir les assuétudes . Les résultats ne furent pas positifs . L’évaluation a eu le mérite de montrer que le meilleur agent pour exécuter les campagnes , ce sont les jeunes eux mêmes . Il y a aussi l’exemple , positif lui , d’une campagne norvégienne qui , plutôt que de se focaliser sur l’interdiction de fumer , insiste sur l’importance de la liberté individuelle , du libre arbitre et sur l’importance des prises de décisions » (2) .
Véronique Janzyk
On lira aussi, pour en débattre, l’article signé par les deux psychiatres dans «Neuropsychiatrie de l’enfance et de l’adolescence» (vol 56, juin-juillet 2008, Elsevier).

(1) Mc Farlane M., Rietmeijer CA. Young adults on the Internet: risks behaviours for sexually transmitetted diseases and HIV. J Adolesc Health 2002; 31: 11-6
(2) Josendal O, Bergh IH. Effects of a school-based smoking prevention program among subgroups of adolescents. Health Educ Res 1998; 13: 215-24

Les autres projets primés en quelques lignes

Le 30 Déc 20

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Accès à une alimentation équilibrée à travers les ressources régionales

Un projet du Plan de Prévention de Proximité de Chimay

Un projet de cuisine communautaire («Coup de Pouce») avait été mené antérieurement avec des jeunes sortis de prison et en formation en promotion sociale, en collaboration avec le CPAS (qui a un restaurant social). Il s’agissait de préparer régulièrement le repas pour le restaurant social avec les jeunes, et de les amener, ainsi que d’autres, à le fréquenter.
Le CPAS souhaitait donc élargir son public, plutôt composé de personnes âgées jusque-là.
Les jeunes visés ont adhéré au premier volet de ce projet mais ce sont plutôt des personnes âgées isolées qui sont venues au restaurant social.
L’idée est de relancer ce projet, en y ajoutant une activité de jardinage (dans le jardin social du CPAS). L’achat des produits sera possible grâce au budget de la Fondation Roi Baudouin.
Actuellement, cinq jeunes sont intéressés par le projet (désœuvrés, en réinsertion). Les promoteurs sont optimistes quant à la possibilité de rassembler d’autres jeunes sur ce projet, tout en prévoyant un certain turn-over (public mobile, notamment en fonction des différents lieux de formation).
Au niveau de l’évaluation, un débriefing sur la gestion et la collaboration est prévu après chaque repas, avec les jeunes, en équipe. La publication d’articles dans la presse sera un indicateur de succès également. Enfin, il semble pertinent d’évaluer si les jeunes participants prennent mieux soin de leur corps, s’ils viennent pour être aidés à prendre des rendez-vous chez le médecin, le dentiste…
Pour plus d’informations: Virginie Devergnies, Chef de projet, rue de l’Athénée 14, 6460 Chimay – laurechampagne@gmail.com .

Bien-être et santé du cœur

Un projet de la Maison de l’Éveil et de la Santé

Le projet a pour objectif, avec le soutien d’animateurs spécialisés, de proposer à une population défavorisée des activités de prévention et de développement de leurs ‘facultés’ cardiovasculaires.
Étant donné la situation actuelle de l’asbl (changement de personnel, congés de maladie…), le projet a débuté à un rythme moins soutenu que prévu.
Des contacts ont été établis avec les assistantes sociales du CPAS de Colfontaine, pour présenter le projet et leur demander d’informer leurs bénéficiaires sur la possibilité de participer gratuitement aux activités sportives de la Maison.
Concrètement, la Maison de l’Éveil et de la Santé propose un abonnement gratuit au module découverte du sport pour toute personne bénéficiant d’une aide au CPAS.
Actuellement, une personne bénéficiant de l’aide du CPAS a demandé un abonnement gratuit pour le module «découverte du sport».
Un travail de mobilisation de tous les publics défavorisés est à prévoir.
Pour plus d’informations: Jean-Luc Moreau, Directeur administratif – Rue de l’Église 51, 7340 Colfontaine – Paturages – 065 66 30 98 – [maison-eveil-et-sante@skynet.be –
Site: https://www.maison-eveil-et-sante.be .

Se remuer pour sa santé

Un projet de la Régie des Quartiers d’Amay

Le projet est encore en phase exploratoire, étant donné un changement récent de personnel. Actuellement aucune activité concrète n’a encore été mise en place.

Cercles de paroles interactifs sur la santé

Un projet de Bouillon de Cultures asbl

Bouillon de Cultures est une maison de quartier. Son public est composé au départ de jeunes jusque 25 ans.
Depuis 2007, elle organise en partenariat des activités pour adultes: gymnastique pour femmes, animations santé, piscine pour femmes, alphabétisation…
Les animations sur l’alimentation se font tous les deux mois. Elles se terminent par le partage d’un repas, gratuit, préparé par le service «traiteur» de Bouillon de Cultures. Il n’est malheureusement pas possible d’organiser des ateliers pratiques de cuisine avec ce service.
Jusqu’à présent, 5 animations ont eu lieu sur les thèmes suivants: diététique et cuisine, bien manger à faible coût, surpoids et adolescents.
L’activité a beaucoup de succès: participation d’environ 25 personnes (nombre limité à 30), pour la plupart des femmes de 30 à 50 ans, ne travaillant pas, Belges, Turques ou Maghrébines.
La participation est très active: les femmes posent beaucoup de questions et sont très ouvertes. Elles ont elles-mêmes souhaité avoir un atelier sur l’alimentation des adolescents.
Au niveau de l’évaluation, une réunion de bilan avec les partenaires est organisée entre chaque séance. Un bilan a lieu avec les femmes après chaque séance également. Et un quiz est prévu lors de la dernière séance.
Pour plus d’informations: Mélodie Dreesen, Coordinatrice pédagogique adjointe – Bouillon de Cultures – Rue Philomène 41, 1030 Schaerbeek – 02 210 94 26 – melodie@bouillondecultures.be. Site: https://www.bouillondecultures.be .

Mandala

Un projet du Monde des Possibles

Le projet Mandala a été conçu dans la foulée du projet de jardin communautaire «Papillon» subsidié en 2007 par la Fondation Roi Baudouin dans le cadre de l’appel à projets «Alimentation favorable à la santé pour les personnes précarisées».
Le projet a démarré plus tardivement que prévu suite au déménagement de l’asbl. Celle-ci se trouvant dans un autre quartier, le jardin communautaire n’a pas pu continuer. Par ailleurs, il s’agit d’un nouveau public d’apprenants (qui a toutefois les mêmes caractéristiques globales que précédemment).
La «cuisine communautaire» est organisée depuis fin janvier: des ateliers cuisine du monde sont organisés deux fois par semaine avec une stagiaire éducatrice. Celle-ci part de la demande des participants et apporte des éléments sur l’alimentation saine, sans être diététicienne. L’objectif déclaré est un apprentissage interculturel.
Le vendredi, un souper festif est préparé par un des apprenants. Depuis janvier: soupers algérien, iranien, espagnol, chilien et laotien ont été organisés. Une dizaine de participants, hommes et femmes, parents, de toutes nationalités y ont participé.
Un plus grand nombre de personnes viennent aux soupers du vendredi soir, y compris des Belges (la plupart sensibilisés par la question des réfugiés). Ce repas est gratuit pour les personnes sans papiers.
Ce projet a très bien fonctionné, il a permis de faire connaître aux apprenants des fruits et légumes locaux, de les rendre accessibles et abordables, d’en augmenter la consommation. Ce projet a aussi permis de mieux comprendre les liens entre immigration et alimentation, et de développer l’estime de soi et les liens sociaux, notamment avec les seniors (de la maison intergénérationnelle).
Un magasin communautaire va être mis sur pied. Il s’agit d’élaborer, avec les apprenants participant au premier volet, un outil pédagogique sous forme de valisette, qui pourrait circuler dans les associations. Cet outil devrait «matérialiser» le vécu des gens (comment lire les étiquettes, se repérer et choisir des produits, comprendre les techniques de marketing, être un consommateur vigilant…).
Ce projet n’a pas encore été présenté au groupe, car il doit encore être solidifié.
Pour plus d’informations: Régine Decoster, Assistante sociale – Rue Grétry 141, 4020 Liège – 04 232 02 92 – reginedecoster@gmail.com. Site: https://www.possibles.org .

Le vélo, mon partenaire santé

Un projet du Groupe de Recherche et d’Action des Cyclistes Quotidiens (GRACQ)

Il s’agit d’un projet de sensibilisation visant à encourager les patients de maisons médicales à rouler plus souvent à vélo.
Le projet est maintenant arrivé à la fin de sa première étape: l’enquête et l’analyse ont été faites et le matériel (dépliant pour les patients) a été distribué par le Gracq.
Suite aux résultats de l’enquête (1111 répondants), l’objectif du projet s’est précisé: renforcer la motivation et la pratique des utilisateurs occasionnels, hésitants.
Par ailleurs, 80 personnes ont renvoyé le prospectus pour manifester leur intérêt d’être informées des activités du Gracq.
Depuis le mois de septembre, 4 types d’activités et ateliers ont été mis en place, avec l’idée de décentraliser l’action.
Pour plus d’informations: Éric Nicolas – GRACQ – Rue de Londres 15, 1050 Ixelles – eric.nicolas@gracq.org .

Au coeur de la vi(ll)e, le vélo… Un projet du Service d’Insertion Sociale du CPAS de Namur

Le 30 Déc 20

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La mission d’un Centre Public d’Action Sociale (CPAS) est d’assurer à toute personne une vie conforme à la dignité humaine.
Si l’insertion professionnelle est une des missions premières du Centre, l’insertion sociale a toujours représenté une part importante dans le travail de l’institution. Il s’agit même d’un besoin de plus en plus criant. Parmi toutes les personnes aidées, un certain nombre d’entre elles échappe en effet au processus de l’insertion professionnelle.
Il serait faux de croire que chaque situation permet une réinsertion de ce type, à court ou à moyen terme. Dans certains cas, même, elle ne sera malheureusement jamais envisageable. Partant de ce constat, le CPAS a souhaité apporter une toute autre réponse aux besoins de ce public. C’est ainsi qu’un Service d’Insertion Sociale (SIS) a vu le jour en septembre 2009.
Nous constatons que la précarité entraîne souvent la solitude, tant familiale que sociale. La finalité d’un SIS est de permettre de rompre cet isolement, de créer du lien et de la reconnaissance par le biais d’activités collectives et communautaires. En effet, de faibles ressources financières ne doivent pas rendre impossible la pratique d’activités extérieures.
L’objectif est donc d’atteindre plus de bien-être et une meilleure qualité de vie. Au travers de ses activités, le SIS veut inciter la personne à devenir plus autonome et à mieux participer à la vie en société en général. Par ses projets, il ambitionne d’offrir à chaque personne la possibilité de se sentir valorisée et reconnue dans ses aptitudes, d’être porteuse et actrice de son projet de vie, d’écouter ses besoins et ses désirs.
C’est dans ce contexte que le projet «Bien-être et santé du cœur auprès des personnes défavorisées» lancé par la Fondation Roi Baudouin a pu être développé et trouver toute sa place. Le SIS, géré actuellement par une coordinatrice, a mis en œuvre tous les moyens nécessaires pour donner naissance à un premier atelier, «Le vélo au cœur de la vie».

«Le vélo au cœur de la vie»…

L’idée de cet atelier était de promouvoir la santé par la pratique du vélo. L’avantage d’une telle démarche est de pouvoir associer plusieurs dimensions de la santé:
-diminuer le curatif par de la «prévention éducative»;
-socialiser par le groupe avec pour objectif que celui-ci devienne pérenne et autonome;
-susciter l’intérêt culturel par la découverte;
-donner l’occasion d’être en contact direct avec l’environnement;
-sensibiliser à l’écologie et à une alimentation saine;
-prendre ou reprendre goût à la pratique d’un sport peu coûteux.
Cette démarche préventive visait donc à apporter aux populations défavorisées des outils, des moyens, des connaissances, une sensibilisation, toutes choses pour garantir leur intégrité physique et psychique, non seulement par la pratique même du vélo, mais aussi par des activités parallèles sous-jacentes telles qu’expertises médicales, informations diététiques, coaching sportif…
Le projet visait à modifier, au long d’un stage de 3 mois, des comportements néfastes et à en promouvoir d’autres, plus favorables à la santé. Et ce temps d’initiation pourrait, par la suite, renvoyer à un «projet santé» plus vaste et de plus longue durée.

De l’initiation

Le SIS a commencé par réaliser une séance d’information pour le public correspondant aux critères de l’insertion sociale. Des 60 personnes présentes lors de cette information, 20 se sont inscrites pour ce qui allait devenir «l’atelier vélo». C’est finalement un groupe de 10 personnes qui s’est constitué en avril 2009 pour les rencontres hebdomadaires du vendredi matin.
La première rencontre fut consacrée à préciser le contexte et la philosophie du projet. D’abord, le groupe fut questionné sur ses objectifs à poursuivre cet atelier. Les réponses étaient unanimes: rencontrer des personnes, créer des liens et améliorer sa santé. Ensuite, la coordinatrice a présenté les objectifs de l’institution ainsi que les acteurs partenaires de ce projet. Enfin, il fut décidé de l’élaboration d’une charte lors de la rencontre à venir, dans l’idée que chaque personne puisse être aussi autonome que possible et d’être à l’initiative de tous les aspects de la vie du groupe.
De fil en aiguille, et dès la deuxième rencontre, les candidats ont été amenés à élaborer leur programme, à exprimer leurs attentes et à s’investir dans la prise de décisions. C’est donc en fonction de leurs désirs que les étapes décrites se sont succédé.
Ils ont été reçus individuellement par un médecin du Service provincial de la médecine sportive afin de s’assurer, par un test à l’effort, que cette activité n’impliquait aucun danger quant à leur état de santé. Entre ceux qui ne savaient pas du tout rouler, et les autres qui ne roulaient plus depuis des années, aucun ne pratiquait régulièrement un sport.
Les candidats ont été initiés à la mécanique du vélo. Grâce à l’Entreprise de Formation par le Travail (EFT), section «vélo» du CPAS, ils ont appris, entre autres choses, à regonfler un pneu, poser une rustine, changer une chambre à air ou adapter la selle. C’est aussi par cette filière de seconde main que chacun s’est vu confier un vélo.
Une kinésithérapeute travaillant dans le monde des maisons médicales leur a enseigné des exercices préparatoires à réaliser avant toute activité physique afin de ménager son corps.
Un diététicien les a également reçus pour leur transmettre une information sur une alimentation saine et équilibrée. Besoins nutritifs du corps, pyramide alimentaire, place de l’alimentation dans la société… Quantité d’éléments ont été source d’échanges passionnants.
L’ambiance était agréable et une relation de confiance s’est installée progressivement au sein du groupe.

À la confirmation

Le GRACQ et l’asbl Pro Vélo de Namur ont, lors de plusieurs séances, initié les débutants et emmené le groupe à vélo dans la circulation urbaine afin de lui apprendre le code de la route et de lui faire adopter une conduite sécurisante et préventive.
La réaction de chaque participant était fabuleuse car très attentive et très soucieuse des autres, afin que chacun trouve sa place et poursuive l’aventure.
Ensuite, c’est sans animateurs professionnels que le groupe a continué à pédaler en ville au cours de balades culture et nature dont le réseau autonome des voies lentes (RAVEL) prend souvent le relais des parcours urbains.
Ainsi, à partir de la fin août 2009, quatre balades d’une journée entière ont été organisées avec l’asbl article 27 de l’arrondissement de Namur. Le menu de ces excursions, concocté avec l’animatrice culturelle, était à l’image des désirs du groupe.
Directement, la composante multiculturelle a été exploitée. C’est pourquoi la première journée associait la balade en pleine nature avec la dégustation de plats de chez nous et préparés par les participants. Et tout le monde a relevé le défi!
La seconde journée partait à la découverte d’une ferme biologique et d’un musée.
Quant à la troisième, elle a conduit le groupe à la rencontre d’une conteuse. Dans une ferme, assis sur des ballots de paille. les participants ont pu se plonger pendant une heure trente dans un univers féerique et fabuleux.
La dernière journée, la plus citadine, était axée sur les richesses culturelles trop peu connues de notre belle ville de Namur: maison des contes, maison de la poésie, musée Félicien Rops, maison des arts forains…
Au terme du projet, les candidats sont demandeurs de poursuivre cette activité, ce qui a fait germer l’idée de créer un atelier vélo permanent au sein du SIS. Un second groupe s’est constitué en octobre.
La richesse de ce projet est de voir combien, outre l’aspect santé mis en avant, les personnes se sont investies et ont fait preuve d’une grande solidarité dans le respect de chacun. Une véritable alchimie est née entre les membres. Il s’agit là d’une réelle reconnaissance sociale pour ces derniers et d’une ouverture vers le monde extérieur.
Lao Tseu disait: «Le plus grand des périples commence toujours par un premier pas»… Nous dirons que pour nous, il a peut-être commencé par un premier coup de pédale!
Sandra Bouz , CPAS de Namur
Pour plus d’informations: Sandra Bouz, Assistante Sociale – CPAS de Namur – Rue de Dave 165, 5100 Jambes – 081 33 70 51 – sandra.bouz@cpasnamur.be – Site: https://www.cpasnamur.be .

Ensemble pour notre santé. Un projet de la Maison médicale de Barvaux

Le 30 Déc 20

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Éducation Santé: Dans quel contexte avez-vous mis sur pied votre projet? Qu’est-ce qui vous a poussé à répondre à l’appel à projets de la Fondation Roi Baudouin?
Sophie Charlier : Notre équipe participe au projet d’amélioration de la santé cardiovasculaire de la Fondation Roi Baudouin pour plusieurs raisons.
Des activités préventives sont développées depuis plusieurs années autour des facteurs de risque des maladies cardiovasculaires tels que le tabac, l’alimentation non équilibrée et le manque d’exercice physique. Si ces activités sont connues et appréciées par une partie des patients, l’équipe souhaite toucher encore plus de personnes et surtout celles qui se trouvent en situation précaire. Pour cela, les soignants ont la volonté d’aborder les personnes à partir de leur contexte de vie, en intégrant la prévention et la santé communautaire aux soins curatifs.
Dans la pratique, ils constatent les nombreuses difficultés à mettre en lien ces activités de prévention avec les soins primaires. Concentrés sur les demandes des patients, les soignants en oublient parfois de proposer ces activités préventives et/ou ne savent pas toujours comment faire pour en parler! De plus, une nouvelle animatrice en santé communautaire a rejoint l’équipe et souhaite s’imprégner des projets de prévention existants. Ces deux éléments sont les arguments majeurs qui ont encouragé l’équipe à participer à cet appel à projets.
ES: Parlez-nous de votre réalisation…
SC : Le projet «Ensemble pour notre santé» vise 4 objectifs : créer un climat de sensibilisation dans les lieux de passage de la Maison médicale autour des actions de prévention existantes; faire parler les soignants et les patients entre eux de ces facteurs de risque des maladies cardiovasculaires et de leur santé; avoir une meilleure connaissance des représentations de santé des patients et mobiliser davantage les patients précarisés.
Une moyenne de 290 patients vient à la maison médicale chaque semaine. Notre intention est de toucher le plus grand nombre d’entre eux. Et plus particulièrement, les personnes plus précarisées.
Pour ce faire, l’équipe et quelques patients ont créé des outils de sensibilisation: des affiches, des fruits en papier mâché, un autocollant à poser sur le sol de la salle d’attente, des témoignages d’anciens fumeurs et de fumeurs actuels… Des activités sont également proposées: un concours cuisine, la présentation d’un panier de fruits et légumes à consommer en salle d’attente… Une activité physique est proposée une fois par semaine par les kinés, ainsi qu’une balade santé et un dépistage du taux de glycémie par le pool infirmier. Un stand de «bonnes odeurs» et confiseries est aussi tenu par les accueillantes; un espace fumeur est aménagé à l’extérieur de la maison médicale; une distribution de fausses cigarettes en cabinet de consultation est organisée par les soignants…
ES: Vous êtes très actifs semble-t-il. Combien de personnes travaillent à ce projet?
SC : Pour réaliser l’ensemble de ces actions, l’animatrice en santé communautaire a consacré tout son temps de travail (mi-temps) à la préparation et la mise en œuvre de ce projet pendant 3 mois. Elle était largement secondée par toute l’équipe à l’occasion des réunions de préparation du projet, de la réalisation des outils de sensibilisation et lors des activités planifiées. Enfin, comme espéré, chacun a été amené à échanger avec les patients sur leur santé. Le projet planifié au départ sur 1 mois a duré 2 mois supplémentaires, à la demande de l’ensemble de l’équipe!
ES: Avez-vous déjà pu évaluer ces actions?
SC : La phase d’évaluation est en cours. L’équipe a déjà pris le temps de répondre à un questionnaire d’évaluation et de débattre des difficultés et des intérêts du projet pour les soignants et les patients. Les résultats de cette phase seront ultérieurement confrontés aux résultats qui émergeront des patients qui seront questionnés prochainement.
Propos recueillis par Carole Feulien
Pour plus d’informations: Sophie Charlier, Animatrice – Maison médicale de Barvaux, rue du Ténimont 37, 6940 Barvaux-sur-Ourthe, 086 21 27 52, s.charlier@mmbarvaux.be. Site: https://mmbarvaux.blogspot.com .