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L’enfant et l’hôpital

Le 30 Déc 20

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Dans le numéro 171 de juillet-août 2002, nous vous présentions les débuts de la campagne pédagogique «Ensemble, découvrons l’hôpital», premier volet d’un projet en trois axes. Deux ans plus tard, le programme a continué de mobiliser les énergies et les volets complémentaires à ce premier axe se développent pour toucher différents acteurs. Après sa présentation au 2e Colloque international sur les programmes locaux et régionaux de santé à Québec, revenons sur cette campagne ainsi que sur les axes complémentaires.

Un projet en trois volets

La finalité du programme «L’enfant et l’hôpital» piloté par les Mutualités chrétiennes, l’asbl Jeunesse & Santé et la Clinique de l’Espérance – asbl C.H.C. est de favoriser une approche dynamique et contrastée de l’hôpital par l’enfant et de valoriser les compétences de chacun des partenaires autour de l’enfant pour lui permettre le meilleur vécu possible lors d’une éventuelle hospitalisation.

Favoriser une image dynamique et contrastée

Chacun d’entre nous a un vécu autour de l’hôpital, chacun en a une représentation, souvent teintée d’une certaine émotion. Les enfants aussi. Certains disent «J’ai peur, on se dit que si on doit y aller, ça sera une grosse maladie, que l’opération se passera mal», «Ce n’est pas très joyeux, personne ne sourit», «On reçoit des piqûres et d’autres choses encore pires»… Certaines images sont positives aussi: «C’est bien parce qu’on y guérit», «Ma maman est infirmière, c’est bien», «Grâce à l’hôpital, on sauve des vies», «Mon petit frère y est né»… Développer une image plus contrastée qui englobe les récentes évolutions de l’hôpital est important, que ce soit chez les enfants, mais aussi chez les adultes qui l’entourent comme ses parents ou les enseignants.

Valoriser les compétences de chacun

Jamais facile à vivre une hospitalisation d’enfant. Chacun peut pourtant faciliter ce passage… Les enfants eux-mêmes peuvent être acteurs dans leurs relations avec les soignants. Les parents ont un rôle à jouer, une place à prendre pour soutenir leur enfant. Les enseignants peuvent contribuer à la dédramatisation collective du passage à l’hôpital. Et les soignants, en parlant de leur métier, de l’hôpital et des soins, peuvent adopter un langage qui apaise l’enfant et l’invite à collaborer.
Le projet est donc développé selon trois axes afin de toucher un maximum d’acteurs: les enfants et le cadre scolaire, les parents, les équipes hospitalières.

Le premier volet: la campagne vers les enfants et les écoles

Faire découvrir l’hôpital aux enfants, comme découvrir la ferme ou parler du métier de pompier, tel est l’objectif de la campagne pédagogique diffusée depuis septembre 2002 à l’attention du cycle 5-8 ans. Cet objectif ne se cantonne pas à une découverte des lieux. A travers ce programme, les enseignants sont invités à développer des projets qui permettent une dédramatisation de l’univers hospitalier, qui permettent une meilleure connaissance de ce qui s’y vit, ce qui s’y fait, de ceux qui y travaillent. Le projet invite à dépasser la connaissance du milieu hospitalier pour travailler des aspects tels que l’expression de la douleur et des peurs, la découverte du corps humain, de l’univers médical en général… Et des compétences telles que savoir poser des questions, savoir dialoguer avec un adulte sont également mises en évidence.

Du matériel adéquat

Les enseignants qui participent au projet reçoivent un dossier pédagogique qui leur propose tout d’abord de s’interroger sur leurs propres représentations de l’hôpital. Avec nuances, il informe ensuite sur les représentations-types de l’enfant et sa façon de vivre l’hôpital pour proposer ensuite des pistes de projets et des fiches d’activités à développer en classe.
Chaque enfant reçoit une brochure illustrée «Ensemble, découvrons l’hôpital» dans laquelle Harold, la mascotte, l’invite à découvrir sa maison, l’hôpital. Harold interroge l’enfant sur ce qu’il aime ou n’aime pas à l’hôpital, lui propose d’observer ce qui s’y passe, ce qu’on y fait, comment on prend en charge la douleur et comment on peut en parler, à quoi sert une radio ou une perfusion, de découvrir aussi certains lieux comme la salle de jeux, l’école, la chambre ou la salle d’opération.

Une large diffusion et de multiples réappropriations

Depuis septembre 2002, ce sont environ 440 écoles qui ont participé au programme. Elles en ont pris connaissance soit par un courrier adressé à l’école soit par des échos dans la presse ou encore par le bouche-à-oreille. A travers l’exploitation de quelques fiches pédagogiques, à travers l’organisation d’une visite d’un hôpital, à travers le montage d’une exposition, l’accueil d’infirmiers, de médecins ou d’une ambulance à l’école… les enseignants et leurs élèves ont fait preuve d’imagination pour se réapproprier les outils disponibles gratuitement et les adapter aux réalités des classes.
Les outils sont également sortis des murs de l’école: les enfants ont ramené les livrets chez eux, des hôpitaux ont diffusé des livrets pour les enfants venant à l’hôpital ou pour les frères et sœurs d’enfants hospitalisés, des associations ont décidé de sensibiliser les enfants qu’elles rencontrent, etc. Au total, 55.000 enfants ont ainsi pu découvrir l’hôpital avec Harold, mais aussi avec les adultes qui les entourent.

Des résultats encourageants

« Ce projet a permis de mettre les enfants en confiance et de dédramatiser tout ce qui tourne autour de l’hôpital » nous dit une enseignante. Cet avis rejoint celui de bon nombre d’instituteurs et institutrices.
Les évaluations auprès des enseignants montrent que dans tous les cas, les enfants apprennent un nouveau vocabulaire. 71% des enseignants déclarent que les enfants ont pu évoquer leurs peurs. 60% rajoutent que les enfants ont développé une image plus positive et plus multiple de l’hôpital.
Quant aux parents, 30 ont répondu à une interview téléphonique et ont rapporté que leur enfant avait parlé du thème à la maison et qu’il avait fait le lien avec ce qu’il connaissait. Deux tiers de ces parents ont lu le livret, se sont dits intéressés par la thématique et trouvent qu’il vaut la peine d’en parler avec les enfants. Ceux qui ont lu le livret disent qu’il est plus facile de parler de l’hôpital avec ce support et ils réalisent davantage le soutien nécessaire pour un enfant lorsqu’il doit être hospitalisé.
Ces derniers résultats mettent en évidence l’intérêt d’un support et l’importance d’encourager les parents dans le soutien qu’ils peuvent apporter à l’enfant en cas d’hospitalisation. Ces éléments sont à la base du second axe.

Le deuxième volet: un soutien des parents dans l’hospitalisation de leur bébé ou leur enfant

Comment expliquer à son enfant qu’il va devoir aller à l’hôpital? Comment le soutenir au moment d’un soin douloureux? Comment dialoguer avec le personnel soignant? Pour aborder ces questions, les partenaires du projet «L’enfant et l’hôpital» ont créé un outil dynamique et interactif pour les parents.
Depuis septembre 2004, la brochure «Mon enfant à l’hôpital. L’accompagner avant, pendant et après» est diffusée auprès de parents devant faire face à l’hospitalisation (de courte durée) de leur bébé ou de leur enfant.

Un outil multiple

Témoignages de parents, interviews d’un médecin généraliste et d’une infirmière, jeux pour les enfants à faire seul et à faire avec les parents, conseils pratiques, attitudes à adopter, questionnements, réflexions, outils à utiliser (le mémo de ce qu’il faut mettre dans la valise, une carte postale à découper et à personnaliser pour son enfant, des références de livres et de jeux)… A travers ces divers contenus, cette brochure de 28 pages tend à montrer au parent qu’il peut trouver lui-même une multitude de ressources pour accompagner son enfant. Car qui sait mieux que lui ce dont son enfant a besoin? Les informations proposées ne sont que des pistes que chaque parent est capable de s’approprier.

Une diffusion par des acteurs

Pour toucher les parents au moment opportun, des partenariats se créent petit à petit avec les hôpitaux. A l’heure actuelle, une quinzaine de services de pédiatrie soutiennent la démarche et réfléchissent à une diffusion adéquate de l’outil. Une information aux médecins généralistes et pédiatres a eu lieu en novembre 2004. Les Mutualités chrétiennes s’activent dans la mobilisation de différents secteurs afin d’assurer la meilleure diffusion possible de l’outil.

Le troisième volet: une réflexion à construire avec les équipes hospitalières

Travailler à une approche positive de l’hôpital par l’enfant et soutenir les parents dans leur dialogue avec l’hôpital sont deux démarches complémentaires. Elles en appellent cependant une troisième: celle de la réflexion avec les équipes hospitalières.
Après l’évaluation du deuxième volet fin 2004, l’équipe du projet souhaite, en 2005, réfléchir avec les équipes hospitalières intéressées à la manière d’accueillir et de présenter l’hôpital aux enfants: que cela concerne des enfants sans hospitalisation prévue (pour accueillir une visite scolaire par exemple), des enfants en visite (par exemple ceux qui viennent rendre visite à leur frère ou à leur sœur), des enfants dont l’hospitalisation est prévue (pour leur présenter l’hôpital lors d’une visite préopératoire par exemple) ou des enfants hospitalisés (ceux qui arrivent par le circuit des urgences par exemple, pour leur parler de l’endroit où ils arrivent).
Beaucoup d’initiatives existent déjà dans les services: pourquoi ne pas les reconnaître, les valoriser, les communiquer? Et ainsi poursuivre le travail d’amélioration globale de la prise en charge des petits patients. Tel sera l’objectif du troisième volet qui clôturera ainsi la trilogie du projet.
Il s’agit d’un projet global qui met l’accent sur la prévention dans et en dehors du milieu hospitalier, qui reconnaît l’émotion associée à ce lieu et ce qui s’y passe, et qui valorise les compétences de chacun, adultes et enfants.
Anne Avaux Responsable de projet pour la Mutualité chrétienne
Pour se procurer les outils ou pour tout renseignement: infor.sante@mc.be, tél.: 02 246 48 51. Le dossier pédagogique est téléchargeable sur https://www.mc.be , pages Infor Santé. Vous y trouverez aussi les coordonnées des responsables du projet dans chaque implantation des Mutualités chrétiennes en Communauté française Wallonie-Bruxelles.

Le Centre Antipoisons au quotidien

Le 30 Déc 20

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A l’occasion de ses 40 ans d’existence, le Centre Antipoisons vient de faire le point sur les services qu’il rend au jour le jour.

Enormément d’appels

Combien le Centre reçoit-il d’appels? Le téléphone sonne 140 fois par jour en moyenne au 070 245 245. Le nombre d’appels par mois fluctue entre 4 et 5.000.Tous les appels sont pris en charge par un médecin. L’équipe compte actuellement 13 médecins qui se relaient pour assurer un service 24h sur 24. L’accès au numéro d’urgence est gratuit: en effet, l’Arrêté royal du 9 octobre 2002 (M.B. 7/11/2002) impose aux opérateurs d’assurer à leurs abonnés l’accès gratuit aux services d’urgence.

Qui peut faire appel au Centre Antipoisons?

Le Centre est accessible au public comme aux professionnels de santé. Ce n’est pas le cas partout en Europe: aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne, les centres équivalents ne répondent pas aux appels du public.
Cette accessibilité est un atout important: donner des premiers soins corrects au moment de l’accident, évaluer l’importance de l’exposition pour laisser au domicile les cas bénins et orienter très vite vers l’hôpital les cas graves contribue à améliorer la prise en charge des patients intoxiqués.

Les missions du Centre Antipoisons

Assurer une permanence médicale d’information toxicologique en urgence.
Gérer une documentation sur les toxiques.
Faciliter l’accès aux antidotes et autres médicaments spécifiques.
Recevoir la composition des préparations dangereuses et des cosmétiques mis sur le marché en Belgique.
Assurer une mission de toxicovigilance.
Tenir un registre des intoxications au CO, première cause de mort accidentelle en Belgique.

Par ailleurs, la réponse au public donne de précieuses indications sur la manière dont les accidents surviennent et les produits en cause. Le Centre peut ainsi détecter des problèmes liés à la présentation des produits, à un étiquetage peu clair, à une notice mal conçue, à une toxicité inattendue. Ce travail de toxicovigilance est une fonction importante pour les centres antipoisons.
Actuellement, trois quarts des appels proviennent du public. Huit appels sur dix sont des appels urgents, suite à un contact avec un ou plusieurs produits.

Qui sont les victimes?

La moitié des accidents concernent des enfants. Le principal groupe à risque est celui des moins de 4 ans. Les jeunes enfants passent par une période au cours de laquelle ils explorent leur environnement en portant tout à la bouche. Les parents de jeunes enfants savent à quel point cette période demande une vigilance de tous les instants.

Quels sont les produits en cause?

D’une manière générale, plus un produit circule, plus la probabilité de contact est grande.
Les appels les plus fréquents concernent donc des produits d’usage courant. On ne sera pas surpris de voir arriver médicaments et produits ménagers en tête des agents en cause dans les appels. Ces produits sont présents dans toutes les familles et occasionnent le plus grand nombre d’accidents. Les appels les plus fréquents ne sont heureusement pas les plus graves.

Médicaments 41,66%
Produits ménagers 30,49%
Plantes/champignons 5,72%
Produits phytosanitaires 4,82%
Cosmétiques 4,56%
Aliments 3,42%
Animaux 1,66%
Divers 7,47%
Non précisé 0,19%

Quels sont les produits les plus dangereux?

S’il est souvent victime de sa curiosité, le jeune enfant avale rarement des quantités importantes de produit et beaucoup d’accidents sont heureusement bénins. Il faut malgré tout savoir qu’il existe des produits d’usage courant dangereux en petite quantité. Il est impossible de les citer tous.
Parmi les produits d’entretien, il faut être particulièrement vigilant avec les produits caustiques . Ces produits provoquent des brûlures en cas de projection dans l’œil ou sur la peau et des lésions internes s’ils sont avalés. En pratique, dans la vie courante, on trouve dans cette catégorie des produits de droguerie comme l’esprit de sel, la soude caustique, l’acide sulfurique, et aussi des produits d’entretien, les déboucheurs de canalisation principalement, certains nettoyants dégraissant pour four, grill et hotte…
L’étiquette des produits corrosifs doit porter un symbole de danger noir sur fond orange. La signification de ce symbole n’est malheureusement pas connue de tous. Ce symbole représente deux éprouvettes d’où s’écoule un liquide endommageant une surface de travail et une main.
Autre catégorie de produit dangereux en petite quantité, les produits contenant des distillats de pétrole . En cas d’ingestion accidentelle, il peut arriver que suite à un vomissement, quelques gouttes de produit soient avalées de travers et pénètrent dans les poumons, entraînant une pneumonie chimique. On retrouve des dérivés pétroliers dans beaucoup de produits d’entretien ou de bricolage L’essence, le white spirit, de nombreux vernis et peintures, les rénovateurs pour meubles, l’huile pour lampe, les allume-feu liquides se retrouvent dans cette catégorie.
Comment repérer les produits à risque d’aspiration dans les poumons? Il n’existe pas de symbole spécifique. L’étiquette portera une croix de Saint André avec la mention nocif, symbole qui se retrouve sur de très nombreuses préparations. C’est une phrase sur l’étiquette qui doit spécifier ce risque particulier: il s agit de la phrase ‘Nocif: peut provoquer une atteinte des poumons en cas d’ingestion’. Il faut donc lire toute l’étiquette pour être informé.
Le méthanol et l’ éthylène glycol sont des toxiques redoutables en faible quantité. A l’approche de l’hiver il faut rappeler que la plupart des antigels contiennent de l’éthylène glycol.
Le méthanol est un combustible courant pour les réchauds à fondue. Une gorgée d’un de ces produits suffit à entraîner une intoxication grave. Il faut particulièrement veiller à les garder hors de portée des enfants.

Comment se produisent les accidents?

La plupart des appels concernent des accidents. Les tentatives de suicide représentent 11% des appels environ.
Chez l’enfant, beaucoup d’accidents surviennent lorsque le produit est en cours d’utilisation: un bref moment d’inattention de l’adulte interrompu par le téléphone, un autre enfant qui pleure, un coup de sonnette suffisent à l’enfant pour s’emparer du flacon laissé ouvert.
L’enfant qui commence à se déplacer trouve à sa portée des plantes d’appartement, un cendrier rempli de mégots, une lampe à huile sur une table basse, des verres contenant un fond d’alcool, un pinceau trempant dans du white spirit, un désodorisant d’ambiance, toutes choses qu’il aura vite fait de porter à la bouche.
L’exploration d’un sac à main peut aussi conduire à la découverte d’une boîte à pilule ou d’un paquet de cigarette par exemple.
Certaines circonstances sont propices aux accidents: l’enfant que l’on couche dans une chambre d’adulte pour y faire la sieste pourra au réveil explorer la table de nuit et y trouver somnifères, pilule contraceptive ou d’autres médicaments.
Chez l’adulte les accidents sont plutôt liés à une erreur de manipulation d’un produit: utilisation d’un produit caustique sans gant ni lunettes de protection, travail prolongé avec des solvants dans un espace non ventilé, mélange d’eau de javel et d’acide avec dégagement de chlore pour citer les exemples les plus courants. Les produits transvasés dans des contenants alimentaires (bouteilles, verres…) sont sources d’accident tant chez l’enfant que chez l’adulte.
Plus de deux mille appels par an sont en rapport avec une erreur thérapeutique, c’est-à-dire une erreur dans l’administration d’un médicament. Il s’agit principalement d’erreurs de produit et de surdosages. Ces appels sont régulièrement examinés pour dégager d’éventuelles mesures de prévention.

Quelle est la gravité des accidents?

Beaucoup d’accidents sont heureusement bénins et peuvent être soignés à la maison. Pour les appels venant du public, 40% environ nécessitent une intervention médicale, 24% des cas sont renvoyés à un médecin, 16% sont orientés d’emblée vers l’hôpital.
Centre Antipoisons, c/o Hôpital Central de la Base Reine Astrid, rue Bruyn, 1120 Bruxelles. Internet: https://www.poisoncentre.be
D’après la farde de presse du Centre Antipoisons

Ligne téléphonique d’aide à l’arrêt tabagique: première évaluation

Le 30 Déc 20

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A l’instar d’autres pays européens, la Ligne Tabac Stop (070 227 227) d’information sur le tabac et d’aide à l’arrêt fonctionne en Belgique depuis le 1er juin 2004 (1). Premiers éléments d’évaluation.
La Fédération belge contre le cancer se lance dans l’aventure de l’information et de l’aide à l’arrêt par téléphone. L’information (en ce compris l’envoi de brochures) est proposée entre 8 heures et 19 heures. L’aide à l’arrêt est, elle, réservée à la tranche horaire 15 h-19h. L’initiative n’est-elle pas tardive par rapport à d’autres pays européens?
« Il fallait que nous soyions prêts , formés , tempère le Dr Juan Coulon (responsable francophone du projet à la Fédération belge contre le cancer). Ce qui s’est fait auprès des lignes étrangères . Ce travail qui est par essence proche des personnes devait se nourrir de nos expériences d’aide à l’arrêt tabagique . Elles ont dû se développer . Je pense à la consultation d’aide à l’arrêt à Bordet , à celle mise en place sur le campus de l’ULB ou à la formation en tabacologie que nous organisons avec les universités et la Fares . C’est grâce à toute cette dynamique que Tabac Stop a pu voir le jour . Ce n’est pas parce que les choses se passent par téléphone que le service doit être moins rigoureux . Les coups de fil durent en moyenne un quart d’heure . Nous posons des questions précises pour cerner le profil des fumeurs qui appellent et les aider au mieux . Les professionnels qui sont au bout du fil sont soit médecins soit psychologues , et tous formés en tabacologie et à la technique des entretiens motivants . Ils ont tous une pratique avec des fumeurs , que cela soit directement ou moins directement comme lors de stages

Profil

Entre le 1er juin et la mi-octobre, environ 1500 personnes ont appelé le 070 227 227 pour les appelants francophones (les appelants néerlandophones sont un peu moins nombreux). Une majorité de femmes ont utilisé ce service. Une majorité d’appelants sont fumeurs. L’arrêt tabagique est la raison principale des appels, mais il y a aussi des questions sur la législation, sur le tabagisme passif et sur la santé.
Les appelants qui contactent les professionnels (psychologue ou médecin formés en tabacologie) sont plus âgés que le public qui fréquente les centres d’aide à l’arrêt au tabac. Les plus de 50 ans sont nombreux. Les jeunes sont quasiment absents. La consommation élevée de tabac est une constante (soit plus de 30, 40 cigarettes par jour). « Pas mal de patients chipotent avec les substituts nicotiniques , constate le Dr Coulon. Ils ne savent plus comment doser . Ils se colleraient bien deux , trois patches sur la peau . Je pense qu’ils hésitent à expliquer leurs difficultés à leur médecin . Comme si cela devait aller de soi . Comme si on avait peur de dire ses difficultés , son manque . Une croyance souvent rencontrée , c’est celle que tout passe par les substituts nicotiniques . Des personnes tournent en rond d’un substitut à l’autre ! Elles ont l’impression qu’elles ont tout essayé et que cela ne sert à rien ! Beaucoup de fumeurs qui veulent arrêter ont un problème d’estime d’eux mêmes . Ils sont fragilisés dans ce domaine . Ils ont peur d’échouer encore une fois . Mais attention , nos appelants ne sont pas représentatifs de tous ceux qui veulent arrêter de fumer . Nous avons des fumeurs et des fumeuses avec des tabagismes lourds , des comorbidités somatiques et psychologiques

Aussi au service des généralistes

La ligne Tabac Stop lance un appel aux médecins généralistes. Elle est là aussi pour eux, pour offrir de l’information sur les consultations de tabacologie, les centres d’aide à l’arrêt tabagique, mais surtout sur les recommandations internationales en matière de traitement des dépendances physiques, psychologiques et comportementales.
Les soutiens dans le long terme sont importants à promouvoir, car fondamentaux. «Nous sommes là pour répondre aux médecins généralistes, aux travailleurs de la santé, à tout professionnel confronté à la question du tabac. Nous avons des pistes à leur proposer face à une série de questions. Que dire à un patient qui a peur de prendre du poids? Quelle option prendre avec les substituts nicotiniques lorsqu’on se trouve face à une femme enceinte ou à une personne qui vient de faire un infarctus? Que faire avec un patient qui a un cancer de la gorge et qui continue de fumer? Quelle stratégie utiliser avec un patient que l’on ne trouve pas suffisamment motivé? Que dire quand la rechute est là? Et quand le patient est déprimé, comment relancer le traitement?»
La ligne Tabac Stop renvoie souvent vers le médecin généraliste des patients désorientés par l’aventure de l’arrêt. « Ce serait formidable , poursuit le Dr Coulon, que les médecins de famille puissent nous recontacter ensuite , que nous puissions partager nos expériences . Ils sont mieux placés que nous , ils connaissent très bien leur patientèle . Mais je ne suis pas sûr que les patients leur disent nous avoir appelés …»

Des mots pour motiver

Les professionnels répondant à ceux et celles qui veulent arrêter de fumer sont formés à la technique des entretiens motivants. Quelques principes sous-tendent cette approche. Comme l’empathie, faite de compréhension, de respect, de tolérance. « C’est par exemple dire au patient qu’on entend qu’il doute , mais l’encourager néanmoins . Lui dire qu’on va y arriver
Autre principe: augmenter l’estime de soi. Ce sera affirmer par exemple « Il n’y a pas d’échec en tabacologie . Il y a des rechutes , mais elles sont constructives .» La position de l’expert sera évitée par-dessus tout. Le patient sait. C’est lui qui a les ressources.
Autre manière de soutenir autrui, l’aider à se projeter dans le futur comme ex-fumeur: « Dans six mois , quand vous aurez arrêté …»
Véronique Janzyk
Toute information complémentaire auprès de la Fédération belge contre le cancer au 02 736 99 99.
(1) Voir ‘Enfin une Ligne Tabac-Stop en Belgique’ , Education Santé n° 194, octobre 2004.

Paquets de cigarettes: bientôt des avertissements sanitaires musclés

Le 30 Déc 20

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Le Commissaire européen charge de la Santé et de la Protection du consommateur David Byrne a annoncé le 22 octobre dernier le lancement par l’Union européenne d’une campagne médiatique de 72 millions d’euros contre le tabac.
Il a dévoilé les nouveaux avertissements sous forme d’illustrations percutantes destinés à figurer sur les paquets de cigarettes. Les nouvelles mesures antitabac font suite au succès de la campagne communautaire qui s’est déroulée de 2002 à 2004, ‘Feel free to say no’ qui conseillait aux jeunes Européens ‘Be cool – don’t smoke’, et pour laquelle l’Union européenne s’était associée à des joueurs de football et des vedettes du monde musical.
Les avertissements illustrés dévoilés par M. Byrne présentent notamment des clichés de poumons malades (légende: ‘Fumer provoque le cancer mortel du poumon’), un cadavre dans une morgue (légende: ‘Les fumeurs meurent prématurément’) ainsi qu’un homme dont la gorge comporte une grave tumeur (légende: ‘Fumer peut entraîner une mort lente et douloureuse’). Ces illustrations font partie d’une base de données de 42 images destinées à être utilisées en combinaison avec les avertissements percutants introduits à l’échelon communautaire en 2003. Les Etats membres qui le souhaitent pourront y recourir pour intensifier l’impact de leurs avertissements sanitaires. La Commission prévoit que ces avertissements visuels seront introduits l’année prochaine dans plusieurs pays.

La Belgique dit oui

Le Ministre de la Santé publique, Rudy Demotte, se réjouit de la communication de la Commission européenne qui publie les photos permettant d’apposer des avertissements combinés sur les paquets de cigarettes.
En effet, l’apposition sur les paquets de cigarettes d’avertissements combinés (c’est-à-dire associant un avertissement sanitaire et des photos), déjà utilisée au Canada depuis quelques années, a pu montrer son efficacité dans la lutte contre le tabagisme.
Cette communication de la Commission permet d’imposer les avertissements combinés en Belgique.
Cette volonté était déjà affirmée dans le Plan fédéral de lutte contre le tabagisme que Rudy Demotte a soumis au Conseil des ministres au début de l’année.
Maintenant que l’Union européenne a mis à la disposition des Etats membres la base de données des photos utilisables, un arrêté rendant l’apposition de ces avertissements obligatoire sera pris avant la fin de l’année.
Concrètement, les producteurs disposeront d’une période transitoire d’un an pour se conformer aux nouvelles dispositions, et les détaillants disposeront de six mois supplémentaires pour écouler leurs stocks d’anciens paquets.

Pour le commissaire Byrne, ‘ il est nécessaire d’ébranler l’insouciance du public vis à vis du tabac . J’assume pleinement la totalité des illustrations que nous utilisons . Le vrai visage du tabagisme est la maladie , la mort et l’horreur et non la séduction et le chic que les pourvoyeurs de l’industrie du tabac essaient de dépeindre . L’Union européenne doit marteler ce message auprès des jeunes grâce à sa campagne médiatique et auprès des fumeurs au moyen de leurs paquets de cigarettes .’
Les grands avertissements sanitaires en noir et blanc qui figurent sur les paquets de cigarettes partout en Europe ont été introduits par la directive européenne sur les produits du tabac. Cette législation chargeait la Commission d’aider les pays membres à introduire des avertissements illustrés. La base de données de la Commission a été créée par une agence de communication, Chili con Carne basée à Bruxelles. Les avertissements sont déclinés de façon à couvrir le spectre de la communication, du rationnel à l’émotionnel. Les images ont été testées dans les 25 pays de l’Union. L’expérience du Canada, qui utilise les avertissements illustrés depuis plusieurs années, porte à croire que ceux-ci peuvent aider à réduire la consommation de tabac.
David Byrne était accompagné, lors de sa conférence de presse, par le docteur Ann McNeil, directeur de recherche honoraire du University College London, qui a présenté une évaluation de la politique communautaire de lutte antitabac, menée par un groupe de spécialistes de la santé. Ces experts évaluent le coût annuel des affections dues au tabagisme dans l’Union européenne à 100 milliards d’euros…
Leur rapport préconise une intensification de la lutte antitabac dans l’Union européenne, qui devrait reposer sur:
-des stratégies globales à long terme;
-des organismes de surveillance du tabagisme dotés de ressources humaines et financières suffisantes;
-la pleine application de la convention-cadre de l’Organisation mondiale de la santé pour la lutte antitabac.
Le commissaire Byrne a commenté ces recommandations en considérant qu’elles constituent une contribution importante aux réflexions de la Commission.
Le nouveau Commissaire européen Markos Kyprianou prévoit 3 priorités d’action, la lutte contre l’obésité, le tabagisme et l’abus d’alcool.
Des copies des nouveaux avertissements sont disponibles à l’adresse suivante:
https://www.europa.eu.int/comm/mediatheque/photo/select/tabac_en.htm
Michel Pettiaux , FARES

Bonne nouvelle: la ‘Loi portant assentiment à la Convention-cadre de l’OMS pour la lutte antitabac, adoptée à Genève le 21/5/2003’ a été promulguée le 13/9/2004 (Moniteur belge du 10/11/2004)

Les comportements alimentaires des Français

Le 30 Déc 20

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Depuis 1992, l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes) et les principales institutions nationales en charge de la santé publique ont élaboré un dispositif d’enquêtes ‘Baromètre santé’. Répétées régulièrement, elles mesurent l’état de l’opinion, des attitudes et des comportements des Français vis-à-vis de leur santé. Elles permettent à l’Inpes d’apprécier l’évolution des connaissances et d’adapter ainsi les stratégies d’information et la mise en œuvre des actions de prévention et de promotion de la santé.
Le Baromètre santé nutrition 2002 donne des informations sur les connaissances, opinions et comportements de la population française en matière de nutrition.
Que savent les 12-75 ans de l’alimentation, des liens entre celle-ci et certaines maladies? Se sentent-ils bien informés? Que représente pour eux le fait de manger? Pensent-ils avoir une alimentation équilibrée? Qu’est-ce qui influence la composition des menus? Que et quand mangent-ils? Comment structurent-ils leurs repas? Où et avec qui les prennent-ils? Comment se situe leur alimentation par rapport aux repères de consommation recommandés? Ont-ils tendance à grignoter? Comment les Français choisissent-ils leurs lieux d’achats? Qu’en est-il de la pratique de l’activité physique ou sportive?
Plus de 3000 personnes âgées de 12 à 75 ans ont répondu à ces questions au niveau national entre le 2 février et le 29 mars 2002. Des analyses auprès des 18-75 ans ont été menées dans deux suréchantillons régionaux d’environ 1000 personnes, en Languedoc-Roussillon et dans le Nord-Pas-de-Calais.

Perceptions et connaissances relatives à la nutrition

Lien entre alimentation et maladies : si manger pour conserver sa santé n’est un objectif que pour 20 % des Français, plus de 80 % considèrent que l’alimentation joue un rôle important dans l’apparition de certaines maladies comme l’obésité, les maladies cardio-vasculaires, le diabète ou l’ostéoporose. En revanche, ils ne sont que 64 % à penser qu’elle joue un rôle important en ce qui concerne le cancer.
Information : plus des trois quarts des Français (77,3 %) considèrent être bien informés sur l’alimentation. Sont cités comme principales sources d’information les médias (49,8 %), les professionnels de santé (20,5 %) et l’entourage proche (16,8 %). Plus de la moitié des personnes interrogées lisent les informations nutritionnelles portées sur les emballages au cours de leurs achats, mais parmi celles-ci, seulement un peu plus d’une sur deux trouve que ces informations sont faciles à comprendre.
Connaissances : au moment de l’enquête, une minorité de personnes cite les repères de consommation recommandés depuis fin 2001 par le PNNS (Programme National Nutrition Santé). 2,6 % de Français ont cité ‘au moins 5 fruits et légumes par jour’, 17,6 % ‘3 produits laitiers par jour’ et 30,4 % ‘au moins 30 minutes d’activité physique par jour’.
Les femmes semblent plus intéressées et plus préoccupées par la valeur santé de l’alimentation que les hommes et sont deux fois plus nombreuses à déclarer suivre un régime amaigrissant. Par ailleurs, en 2002, elles sont en proportion plus nombreuses qu’en 1996 à pratiquer ce type de régime.
De nombreuses attitudes, opinions et connaissances changent aussi en fonction de l’âge: pour les adolescents, manger représente avant tout un acte indispensable pour vivre, alors que pour les adultes, le plaisir de manger prime. Pour les adolescents, manger équilibré signifie plus souvent ‘éviter certains aliments’, ‘prendre des repas réguliers’, ou encore ‘ne pas grignoter entre les repas’, alors que les adultes évoquent ‘manger varié’ ou ‘favoriser certains aliments’. Plus on avance en âge et plus l’alimentation devient un sujet de préoccupation.

Consommations et habitudes

Consommation alimentaire : un Français sur dix prend des fruits et légumes au moins 5 fois dans la journée. La consommation de fruits et légumes est davantage féminine et augmente avec l’âge. Un sur quatre consomme des produits laitiers 3 fois par jour, ce qui est en augmentation par rapport à 1996 et 48,1 % des jeunes de 12 à 17 ans en ont pris 3 ou 4 fois. Huit personnes sur 10 mangent une à deux fois par jour de la viande, des produits de la pêche ou des œufs. Les produits sucrés sont davantage consommés par les jeunes ainsi que les snacks (pizzas, tartes salées, sandwich…). Ces derniers sont également davantage consommés par les individus qui travaillent.
Consommation de boissons : la consommation d’eau minérale ou d’eau de source a augmenté ainsi que celle de jus de fruits. Le pourcentage de Français de 18 à 75 ans ayant pris une boisson alcoolisée au moins une fois dans la journée a diminué entre les enquêtes de 1996 et celle de 2002, passant de 45 % à 39 %. En proportion de consommateurs, le vin rouge reste l’alcool le plus consommé, mais la tendance est à la baisse.
Habitudes alimentaires : certaines habitudes alimentaires apparaissent ancrées. C’est en particulier le cas du sel posé sur la table par plus de 3 Français sur 5. C’est également celui de diverses matières grasses comme la mayonnaise, le beurre et l’huile d’olive qu’un Français sur 5 a l’habitude de mettre sur sa table.
Certains changements sont observés depuis 1996: concernant les matières grasses utilisées pour la vinaigrette et la cuisson, l’emploi de l’huile d’olive a fortement augmenté (+86 % pour la vinaigrette). Le beurre et la margarine ordinaire sont en baisse alors que c’est l’inverse pour les produits allégés et les huiles mélangées.
Activités physiques : parmi l’ensemble des 12-75 ans, 55 % déclarent avoir pratiqué une activité sportive au cours des 15 derniers jours. Les plus jeunes sont proportionnellement plus nombreux à en avoir pratiqué. 66,6 % de la population a marché ou fait du sport la veille de l’interview.

Composition, répartition et lieux de prise des repas

Le modèle alimentaire dit ‘traditionnel’ des Français repose sur la notion de repas qui rythment la journée. Ils sont structurés en plusieurs plats et partagés avec d’autres convives (pour ce qui concerne le déjeuner et le dîner). Les modes de vie actuels sont susceptibles de contraindre ce modèle et de le modifier. Si la tradition de prendre 3 repas par jour persiste, on assiste à une simplification de la structure des deux principaux repas.
Le lieu principal des 3 principaux repas reste le domicile même lors du déjeuner (67,7 %).
Petit-déjeuner : 10,2 % des Français composent leur petit-déjeuner de façon optimale avec les trois groupes d’aliments recommandés par les nutritionnistes. Ils mettent en moyenne 16 minutes pour prendre leur petit-déjeuner et sont 17,4 % à regarder la télévision en même temps.
Déjeuner : la structure en 4 plats encore fréquente en 1996 (25,2 %) a vu son importance diminuer (19,9 %). En 2002, la structure du déjeuner se fait principalement autour de 3 plats (37,7 %) ou de 2 plats (30,3 %). 33,8 % des Français le prennent devant la télévision et y consacrent 30 minutes.
Dîner : la structure du dîner se fait principalement autour de 2 plats (38,9 %) ou de 3 plats (34,8 %). L’ordre était inversé en 1996. Près d’un Français sur 2 (49,8 %) dîne devant la télévision. Le temps consacré à ce repas est en moyenne de 40 minutes.
D’après un communiqué de presse de l’INPES

Jeunes et alcool: quand la prévention s’emmêle

Le 30 Déc 20

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Cet article a pris sa source dans une série d’échanges que nous avons eus Philippe Bastin d’Infor-Drogues et moi-même lors de réunions de préparation de la journée ‘Les jeunes et l’alcool’, qui s’est tenue à Louvain-la-Neuve le 18 mai (1). Son propos ne sera pas ici d’apporter des réponses préalables aux questions liées à la problématique de la consommation d’alcool chez les jeunes ni sur la seule bonne manière de concevoir la prévention. Son objectif est de proposer une série de questionnements et d’étonnements par rapport à cette thématique et son inscription dans le contexte actuel, d’aborder un certain nombre de balises permettant de penser la prévention en tentant de resituer l’ensemble dans une optique de promotion de la santé, et de «survoler» quelques «évidences» dont on nous «abreuve» concernant l’alcool et les jeunes afin de tenter d’éviter d’entrer dans un processus de stigmatisation et de généralisation abusive. En effet, il n’y a pas une seule manière de consommer de l’alcool et ces consommations d’alcool s’inscrivent parmi une diversité d’autres consommations, certaines problématiques, d’autres non…
Et puis, «être jeune» n’est ni un syndrome ni une catégorie sociologique uniforme…
Aussi quand un phénomène est pointé à un moment donné comme un problème de société, il importe de se pencher sur ce phénomène, de prendre la mesure de sa complexité et d’éviter toute approche réductrice, stigmatisante et génératrice d’effets pervers.
Après un long temps de focalisation sur les drogues illicites, des discours alarmistes se développent sur des produits jusque là plus ou moins épargnés par la diabolisation. Les temps changent et l’on se rend compte que le caractère licite ou illicite d’un produit n’est pas la conséquence directe de son degré de dangerosité. Le classement de certaines substances psychoactives dans la catégorie des produits illicites n’a aucun fondement scientifique. Mais, par rapport aux produits légaux (et il suffit de voir ce qui se passe actuellement au niveau du tabac !) et à la manière de concevoir leur inscription (ou désinscription) sociale, n’est-on pas en train de refaire le même chemin semé d’embûches, d’exclusion et de moralisme que par rapport à ce que jusqu’il y a peu on considérait comme les «seules» drogues? Va-t-on répéter ad libitum les mêmes stratégies et discours préventifs visant uniquement l’abstinence comme seule voie de salut sans prendre en compte ce qu’ont pointé les expériences et les échecs de la «guerre à la drogue»?
On ne peut donc que s’interroger sur l’actualité et tenter de penser d’autres voies de sortie ou d’amélioration des situations…

Quelques constats relevés dans l’actualité

La presse nous renvoie des constats et informations en apparence contradictoires.
Le 04/03/2004 on pouvait lire dans «La Tribune de Bruxelles»: «L’alcool, fléau européen. Dans toute l’Europe, les jeunes consomment de plus en plus d’alcool. En Norvège, l’association Actis combat le mal depuis plus d’un siècle…».
Alors que la veille, La Libre Belgique titrait: surtout ne pas arrêter de boire modérément. Les personnes qui arrêtent de boire de un à deux verres de boissons alcoolisées par jour, courent 29 % plus de risques de mourir d’une maladie cardiovasculaire que les buveurs modérés qui continuent (et cela, selon deux enquêtes danoises publiées dans la revue internationale «Epidemiology»). Ainsi selon le Professeur Morten Groenbaek de l’Institut de l’Etat pour la Santé publique, «le risque de décéder d’une crise cardiaque augmente chez les gens qui ont une consommation modérée d’alcool, et qui cessent de boire. Et ceux qui n’ont jamais bu améliorent leur protection contre les maladies coronaires s’ils commencent à boire un peu.» Cet appel à la consommation modérée de bière, de vin et de spiritueux, a été accueilli avec prudence par les autorités sanitaires qui n’ont pas voulu contester les résultats mais n’envisagent pas de lancer des campagnes pour inciter les citoyens à boire, dans un pays où l’on sait que l’alcoolisme est un problème majeur.
Dans la publication de décembre 2003, «La santé et le bien-être des jeunes d’âge scolaire. Quoi de neuf depuis 1994?», les chercheurs de PROMES signalent entre autres résultats:
– chez les élèves de 13, 15 et 17 ans la proportion des jeunes qui déclarent avoir déjà goûté une boisson alcoolisée varie de 94% en 1986 à 81% en 2002. L’essai de consommation s’observe plus fréquemment chez les élèves plus âgés et parmi ceux de l’enseignement général. On observe une diminution de l’essai par rapport à 1986 et cela pour toutes les enquêtes suivantes.
– l’étude de la fréquence de consommation confirme que pour certains jeunes, le fait de boire de l’alcool n’est pas occasionnel même si l’évolution dans le temps montre que le nombre de consommateurs réguliers est le plus bas ces dernières années. De 1986 à 2002, le pourcentage de buveurs hebdomadaires est passé de 48 % à 28 %.
Ne pas considérer la question dans sa complexité peut générer en terme de prévention des effets contre-productifs si l’objet pris en considération est la «santé» des individus.
Ainsi, fin des années nonante, un chercheur canadien a pu montrer que la diminution de la consommation d’alcool dans la population générale ne signifiait pas la diminution des problèmes de consommation. Ce qui, avant d’aller plus loin, nous renvoie à l’un des constats de début d’exposé concernant les rapports que les jeunes Belges entretiennent avec l’alcool: globalement depuis plusieurs années on note une diminution du nombre de jeunes disant avoir consommé au moins un verre d’alcool dans l’année, par contre on pointe une tendance à la hausse du nombre de jeunes disant avoir été ivres plus d’une fois dans l’année.
Pour en revenir à notre chercheur canadien, dans un ouvrage intitulé «La modération a bien meilleur goût, mais…», il nous dit «L’idée derrière la politique québécoise est bien sûr d’atténuer les problèmes liés à l’alcool. Mais une baisse de la consommation moyenne ne se traduit pas nécessairement par un règlement des problèmes. Loin de là.» Des analyses faites en Australie, en Angleterre, en Ontario et au Québec ont mis en évidence que les problèmes viennent vraiment des intoxications. En d’autres termes, il existe deux catégories de consommateurs d’alcool qu’il faut éviter de confondre.
Premier type de consommateur: une personne boit ses deux verres de vin à chaque souper. Son médecin peut la féliciter: l’alcool à doses modérées et régulières réduit les risques de maladies cardiaques. De très nombreuses études indiquent que la santé des buveurs modérés est meilleure que celle des abstinents, même après avoir exclu l’influence des variables comme l’âge ou l’activité physique (ce qui est en cohérence avec la nouvelle recherche mentionnée dans La Libre et ce qui a été appelé le «paradoxe du sud-ouest» par des chercheurs danois dans les années quatre-vingt).
Bref, pour cette personne, l’alcool est source de plaisir et de santé, pas de problèmes.
Il en va tout autrement pour la seconde catégorie de personne qui ingurgite le même volume d’alcool par semaine mais en une ou deux occasions. Là, dit notre auteur, «le médecin n’est plus d’accord et le travailleur social ouvre l’œil.»
Pourquoi?
Une fraction importante de ceux qui s’intoxiquent à l’alcool boivent parce qu’il ont des problèmes … et ils ont des problèmes parce qu’ils boivent… Et c’est ici, dit-il, qu’on découvre un «hic» dans les données de Santé Québec.
Suite à cette grande campagne visant à diminuer la consommation d’alcool sur l’ensemble de la population on constate que la catégorie de buveurs modérés a fondu au profit des abstinents. Pour reprendre l’exemple, les personnes de la première catégorie ont remplacé leur vin par de l’eau. Si boire n’était pas politiquement incorrect, leur médecin devrait leur dire qu’ils arrêtent un comportement favorable à leur santé. Ici, cette baisse de consommation a donc un effet pervers.
Mais il y a pire, les mêmes données montrent que les gros buveurs, ceux qui s’intoxiquent, ont maintenu leur niveau de consommation…
« Au Québec , les buveurs qui sont encore excessifs forment un noyau dur . Pour les rejoindre il faudra changer de message mais , dit Louise Nadeau , du département de psychologie de l’université de Montréal, il faudra surtout changer d’objectif et ne plus le fixer en fonction du volume global d’alcool consommé mais bien viser à réduire le nombre d’intoxications . »
Dès lors, lorsqu’on envisage de mettre sur pied des projets de prévention d’abus d’alcool, comme d’autres produits psychotropes licites ou illicites, et qu’on souhaite les inscrire dans un cadre de promotion de la santé, l’objectif serait non pas l’abstinence ou la réduction de la demande mais la réduction des dommages, des problèmes liés à la consommation. Et ce, en favorisant les possibilités d’augmenter, pour les personnes, leurs compétences, leur estime de soi, leurs capacités à faire des choix en étant mieux informées mais aussi en ayant accès à de meilleures ressources.

Quelle prévention pour les jeunes?

A ce propos je voudrais vous parler de deux chercheurs hollandais ( De Haes et Schuurman : «Results of an evaluation study on three drug education models» in Journal of Health Education, 18, supplement, 1975) qui ont étudié l’impact de différents modèles de prévention sur la consommation des jeunes.
Ils ont essayé de trouver laquelle des trois approches suivantes était la plus efficace:
– l’approche axée sur la peur, centrée sur la mise en garde;
– l’approche informative «neutre», «objective» centrée sur le produit;
– l’approche centrée sur les personnes et leurs problèmes offrant la place au dialogue, à la rencontre.
Leur expérience a été réalisée à Rotterdam, auprès d’environ mille jeunes de 14 à 16 ans, provenant de cinquante écoles différentes. Après analyse, les comparaisons avec un groupe contrôle où il n’y a aucune intervention montrent que les deux premières approches ont un effet pervers. Seule la dernière approche a un effet positif. D’autres études, effectuées par la suite, confortent ces résultats. Ainsi, toutes ces littératures semblent confirmer le fait que les programmes centrés sur les approches d’avertissement et la seule information, n’ont soit aucun effet, soit un effet négatif inverse de celui escompté (on constate plus du double de consommation pour la population étudiée dans le cas de l’approche centrée sur la peur par rapport au groupe contrôle où «on ne fait rien»). Par contre, les programmes qui portent leur attention sur les jeunes (qui ils sont, comment ils vivent, leur apprenant à surmonter leurs difficultés au jour le jour…) sont efficients pas seulement dans la diminution de la consommation de drogues, mais aussi dans leurs comportements rebelles, de recherche d’attention…Type de «manipulation expérimentale»

Première consommation dans les 7 mois suivant la «manipulation expérimentale»
Prévention axée sur la peur, la mise en garde 7,3 %
Information «neutre», «objective» centrée sur les produits 4,6 %
Approche centrée sur les personnes et leurs problèmes offrant la place au dialogue, à la rencontre 2,6 %
Groupe contrôle – pas d’intervention 3,6 %

De Haes, W. & Schuurman , J., Results of an evaluation study on three drug education models (1975).
(International Journal of Health Education, 18, Supplement).Au Québec de nouveau, Line Beauchesne (Professeure de criminologie à l’Université d’Ottawa) a mené pendant plusieurs années des recherches sur l’efficacité des programmes de prévention en matière de psychotropes chez les jeunes en milieu scolaire.
Elle a pu dégager un certain nombre d’indices à ce sujet.
Le premier indice est la nécessité d’une stratégie multiple d’interventions qui répondent à la multiplicité des motifs de consommation.
Les jeunes ne consomment pas les produits psychotropes uniquement parce que ces produits sont disponibles, d’où la faiblesse des programmes axés uniquement sur la nécessité d’abstinence ou de «savoir dire non». Ni parce qu’ils sont mal informés, d’où la faiblesse des programmes axés uniquement sur la présentation des produits particuliers et de leur potentiel de toxicité. Ni encore parce qu’ils ont des problèmes, d’où la faiblesse des programmes axés uniquement sur la perception des jeunes consommateurs comme des jeunes à problèmes.
Les consommations de psychotropes, licites et illicites, relèvent des interactions entre la personne, le produit et l’environnement, et ce rapport s’inscrit dans des modèles socio-culturels.
Il importe alors, dans l’élaboration d’un projet de prévention pour les jeunes, de présenter les modèles socio-culturels de consommation, de discuter de l’ensemble des motivations à consommer (et elles sont nombreuses et diversifiées!), et d’échanger sur les différents usages des produits que les jeunes seront le plus susceptibles d’expérimenter.
Le deuxième indice est que la démarche en matière de consommations de psychotropes doit s’inscrire dans un discours global de promotion de la santé englobant entre autres le développement d’habiletés qui augmentent l’estime de soi et le goût de vivre et non pas être isolée dans une problématique à part. Cela permet d’intégrer cette approche très tôt dans la vie des jeunes et non après qu’ils aient déjà acquis des habitudes de consommations plus ou moins adéquates pour leur bien-être. Cela permet également de s’inscrire dans une démarche de dialogue avec les jeunes sur ce qui les aide à vivre, leur estime de soi et leur qualité de vie.

Numéro spécial des Cahiers de Prospective Jeunesse

Le comportement des jeunes face à l’alcool se modifie, il se rajeunit, il se féminise. Les stratégies commerciales mises en œuvre pour toucher cette cible essentielle deviennent de plus en plus variées et pointues. Comment faut-il réagir? En observant, en dénonçant, en éduquant?
Plusieurs associations des secteurs de la prévention et de la jeunesse ont organisé, le 18 mai 2004, un colloque consacré à cette question. Il s’agissait de faire un état des lieux:
– des données épidémiologiques de la consommation d’alcool par les jeunes;
– des stratégies commerciales et communicationnelles des producteurs et distributeurs d’alcool, ainsi que des messages véhiculés par les médias;
– des actions de prévention ou de promotion de la santé liées à la problématique;
– des aspects juridiques et législatifs de la question.
Le texte de Henri-Patrick Ceusters est extrait de ce numéro de grande qualité.
Le 32e Cahier de Prospective Jeunesse contenant les actes de ce colloque est disponible. Pour le commander (10 €) ou recevoir la liste des autres numéros parus, contactez Claire Haesaerts, Secrétaire de rédaction, tél.: 02 512 17 66, fax: 02 513 24 02, courriel : claire.haesaerts@prospective-jeunesse.be. Site internet : https://www.prospective-jeunesse.be
Pour en savoir plus sur la constitution du Réseau Jeunes et Alcool en Communauté française, contactez Florence Vanderstichelen ou Martin de Duve, à l’asbl Univers Santé, place Galilée 6, 1348 Louvain-la-Neuve. Tél.: 010 47 28 28, fax : 010 47 26 00, courriel:
jeunes-alcool@univers-sante.ucl.ac.be

Le troisième indice est que ce sont les adultes qui entourent les jeunes, qui sont les «messagers» les plus crédible de cette prévention. Donc il importe de sensibiliser ces personnes, interlocuteurs habituels des jeunes, à l’importance de ce rôle et de leur donner les moyens de l’assumer.
La promotion de la santé repose sur une conception globale, dynamique et positive de la santé et vise à augmenter pour l’individu et la collectivité le pouvoir d’agir sur leur santé. Plutôt que de vouloir bannir toutes les conduites à risque par l’exclusion ou l’interdit, cette approche se fonde sur un questionnement éthique et non sur une vision moralisatrice, elle vise à restaurer, pour la personne, des possibilités de choix concernant son «bien-être» et ses relations harmonieuses avec les autres dans la cité.

Le bon usage

La manière dont on parle du produit pointé comme problématique n’est pas anodine. Que ce soit dans les médias ou dans le discours ambiant, le vocable de «fléau» est souvent mis en avant, en ce sens que c’est ce produit qui contamine, «détruit» les jeunes… Le sensationnalisme est privilégié au détriment d’une approche plus nuancée. Dans ce discours réducteur, le produit est la cause de tout, c’est parce qu’il est présent et accessible qu’il y a des jeunes qui en deviennent dépendants et bien sûr dans ce schéma cognitif, ce sont les propriétés intrinsèques du produit qui poussent à sa consommation. Ce qui revient à nier la possibilité d’action du consommateur et l’influence d’autres facteurs.
Plutôt que de mettre l’accent sur le produit et sa dangerosité, il importe de se pencher sur les usages que les personnes font du produit, car ce qui peut faire problème ce n’est pas le produit lui-même mais la manière dont on en use. L’usage, c’est la rencontre entre un produit (avec ses propriétés pharmacologiques et son inscription culturelle), une personne qui le consomme (avec son histoire, ses valeurs, ses attentes par rapport à ce produit…) et un contexte (dans un espace-temps culturel, dans un groupe, dans une société avec ses lois…). Chaque usage est donc particulier et il existe une pluralité d’usages: occasionnel, récréatif, modéré, festif, traditionnel, problématique (par exemple en situation d’apprentissage pédagogique, sur les lieux de travail, ou encore lors de la conduite d’un véhicule…) et chaque usage répond à des motivations particulières. Ainsi, même si c’est le désir d’accéder à des états de conscience modifiée qui sous-tend souvent la consommation du produit, il arrive qu’on le prenne pour d’autres raisons.
Pour être bien parmi les autres , créer des relations: «Tchin!», «Santé», «A la vie!», «A l’amour!»… Dans nos contrées, les occasions de trinquer sont nombreuses car elles sont souvent associées à la notion de fête et constituent généralement des moments agréables, qui ont pour effet de rapprocher les personnes. L’apéritif, un repas d’anniversaire, un examen réussi ou une victoire sportive, une pendaison de crémaillère… en sont autant d’exemples. L’alcool nous rend moins timides, plus exubérants, plus joyeux… On parle plus facilement à l’autre, on aborde plus facilement quelqu’un… Quant aux drogues illégales, elles jouent un rôle similaire voire encore plus fort par le fait qu’elle rapprochent des personnes qui ont choisi de consommer des produits illégaux, de transgresser certains interdits.
Pour franchir les interdits , repousser des limites au-delà des effets individuels recherchés par la consommation d’un produit psychoactif, il y a toute une dimension sociale qui entre en compte, surtout lorsqu’il s’agit de substances dont l’accès est prohibé. Celles-ci sont porteuses d’interdits et de tabous ce qui a pour conséquence de leur conférer un pouvoir symbolique d’opposition très puissant. Les enfants découvrent très vite qu’on peut contrarier ses parents, ses professeurs, son médecin et toute autre autorité en prenant de tels produits. C’est bien pour cela, aussi, que l’adolescence est une période particulière où ces produits sont attirants aussi parce qu’ils sont interdits.
Pour faire comme les autres . Chaque famille, institution, groupe de personnes, bande… a ses propres usages et coutumes. Ainsi, le plus souvent les personnes ne choisissent pas de consommer ou non, mais finissent par le faire parce que c’est comme ça dans leur milieu, pour faire comme tout le monde! En de nombreuses situations ne pas consommer c’est prendre le risque de se voir rejeté. Ainsi quelqu’un qui décide de ne pas partager au moins un verre lors d’une «troisième mi-temps» risque fort d’être «regardé de travers».
Pour modifier son humeur . L’alcool et de nombreuses drogues sont consommées pour pallier l’angoisse, la dépression, l’insomnie, la douleur ou l’ennui, bref toutes ces humeurs considérées comme étant indésirables voire inacceptables. L’alcool peut aussi faire croître l’audace, et procurer la sensation d’être plus puissant. Encouragés par la publicité et par certaines croyances sociales, un grand nombre de personnes, quel que soit leur âge, consomment des drogues, qu’elles soient légales ou non, dans cette optique. Ainsi, avant un entretien pour un emploi, un individu peut consommer un léger calmant; dans le même ordre d’idées, pour diminuer son angoisse avant un match important un jeune choisira de fumer un pétard, alors qu’un autre, pour assumer une situation vue comme stressante va se jeter un petit whisky derrière la cravate…
Etc., car la liste des motivations et du sens donné à la consommation est loin d’être complète.

Tous les jeunes ou chaque jeune en particulier?

Les jeunes doivent se différencier des adultes, de leurs parents, de leurs éducateurs… avoir des pratiques qui les distinguent. La consommation de biens et de symboles marchands est, aujourd’hui, ce qui caractérise surtout le concept de «culture» des jeunes. C’est une façon privilégiée de s’affirmer. Les ados ont un pouvoir d’achat réel. Dès lors, ils sont des cibles spécifiques des opérations de marketing (cartes GSM, boissons «alcopops» de type «breezer»…).
Il n’est cependant pas raisonnable de penser qu’il existe réellement une seule culture ado en tant que telle (il y a trop de différences sociales, économiques, géographiques…) mais la consommation est néanmoins une des caractéristiques constantes des pratiques adolescentes.
Si la distinction psychologique de l’adolescence par rapport à l’âge adulte doit se faire, il faut rappeler que, finalement, les questions que se posent les ados sont les mêmes que les nôtres: sens de la vie, l’amour, la mort…
Les pertes de modèles et l’absence de repères ne sont pas uniquement un problème pour les ados. Le culte de la performance, la société de consommation, cela nous concerne tous. Les remises en question existentielles ne sont pas des préoccupations pour les seuls jeunes. Nous aussi, adultes, lors d’une crise individuelle grave, nous nous remettons en question…
La «crise» de l’adolescence est aussi la crise de tous les adultes: il faut se réinventer, s’adapter constamment à la mouvance de l’environnement professionnel, familial, social…

Tous concernés?

Face à un phénomène aussi vaste et complexe que sont les usages de drogues (tant légales qu’illégales), tous les secteurs de la société sont concernés: l’enseignement, l’aide à la jeunesse, la santé, le monde des loisirs, les communes, etc.
Tous les secteurs, mais aussi tous les adultes qui ont une responsabilité éducative (éducateurs naturels tels les parents, mais aussi les enseignants, les animateurs…, en fait, tous les adultes responsables!). En effet, ces situations et ces problèmes ne peuvent être réservés aux seuls spécialistes: ceux-ci ne sont pas assez nombreux et ne peuvent de toute façon être partout pour apporter réponse à tout.
Comme pour beaucoup d’autres questions (la violence, la délinquance, le suicide, etc.), sans être un spécialiste, chacun peut, de sa place et à sa place, contribuer à l’éducation et à la prévention: en écoutant les jeunes, en étant un point de repère pour eux, en les conseillant, en les soutenant, etc. Il est nécessaire que les jeunes puissent s’appuyer et se sentir soutenus par des adultes qu’ils connaissent, là où ils sont, et en qui ils ont confiance.
En cas de problèmes graves ou lorsque nécessaire, ces adultes seront aussi les relais idéaux pour les orienter vers des professionnels et des services appropriés. Car même animé des meilleures intentions du monde, chacun a ses limites et on ne peut être «l’homme de toutes les situations».
Enfin, le rôle des intervenants spécialisés en prévention est d’aider les adultes de tous bords qui apportent au quotidien leur contribution dans ce domaine:
– en les informant sur cette question particulière (les drogues, leurs usages, les risques, les adresses utiles, etc.);
– en les aidant à mieux comprendre, écouter et accompagner les jeunes;
– en les aidant pour qu’ils soient mieux à même de gérer, dans les limites du raisonnable, les situations problématiques qui se présentent à eux.
Ainsi, du côté des intervenants, la prévention pourrait se définir alors comme une relation d’accompagnement, c’est-à-dire susciter, faciliter, encourager le choix libre et éclairé d’un comportement toujours à adapter. Bref, promouvoir plutôt que contraindre.
La prévention a une place… seulement si elle est à sa place.
Si la prévention est un pari sur l’avenir, c’est aussi un pari ingrat! Parce que l’adulte est là pour accompagner le jeune dans une aventure dont il (l’adulte) ne connaîtra pas l’issue. Conscient que son rôle n’est pas seulement de transmettre un savoir, mais aussi de donner aux jeunes les meilleures chances de devenir des adultes autonomes, critiques et responsables, il sème pour que d’autres récoltent, en visant un mûrissement lent et solide.
Je terminerai par une image qui me semble bien illustrer cette approche préventive inscrite dans un cadre de promotion de la santé: «Si une famille habite une maison au bord de l’océan, pour éviter qu’ils ne se noient, ne vaut-il pas mieux apprendre à ses enfants à nager plutôt que bâtir un mur autour de cette maison?»
Henri Patrick Ceusters , Psychologue, Consultant-formateur à Prospective Jeunesse, Rédacteur en chef des Cahiers de Prospective Jeunesse .
Ce texte reprend l’intervention de l’auteur lors du colloque ‘Jeunes et alcool’, qui s’est tenu à Louvain-la-Neuve le 18 mai 2004. Il apparaît aussi dans les actes du colloque, disponibles à Univers Santé.
Adresse de l’auteur: Prospective Jeunesse, rue Mercelis 27, 1050 Bruxelles. Internet: https://www.prospective-jeunesse.be .(1) Voir ‘Jeunes et alcool: un colloque pour une nouvelle dynamique préventive’ , n°192, août 2004.

A votre santé

Le 30 Déc 20

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Le 16 novembre dernier, l’asbl Question Santé organisait une journée de réflexion consacrée à l’alcool, en collaboration avec l’asbl Infor-Drogues et avec le soutien de la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale.
Des intervenants du champ de la santé s’interrogent sur le relatif désintérêt actuel vis-à-vis de l’alcool dans les politiques de santé publique. Cette attitude apparaît particulièrement contrastée quand on observe la situation qui prévaut en matière de tabac ou de drogues illégales…
Une question se pose dès lors: entre désintérêt et chasse aux sorcières, un cadre raisonnable peut-il être construit pour des interventions concernant la prévention de l’alcoolisme?
Depuis longtemps, Question Santé, qui ne veut pas faire mentir son nom, nous invite à interroger nos doutes plutôt qu’à conforter nos certitudes. C’est parfois un rien déstabilisant pour des intervenants à la recherche de repères, voire de ‘recettes’, mais c’est aussi très stimulant intellectuellement. Sur une question aussi complexe que celle de l’alcool dans une société ‘consommatrice’ comme la nôtre, il n’y avait guère de risque d’échapper au schéma habituel!
Trois conférenciers ont contribué à alimenter un riche débat.
Le Dr Michel Craplet , psychiatre et alcoologue, membre du groupe Eurocare ( https://www.eurocare.org ) aborda la prévention globale de l’alcoolisme au départ de sa très longue expérience en France, des ‘Centres d’hygiène alimentaire’ dans les années septante (euphémisme pour désigner des organismes d’assistance aux personnes confrontées à un problème d’alcoolisme, mais qui témoignait aussi de l’inscription profonde de l’alcool dans le régime alimentaire français de l’époque) aux récents avatars de la loi Evin vidée en partie de sa substance sur pression du lobby du vin.
Il nous a dit que l’action ciblée, l’information individuelle ne doivent pas nous dédouaner de l’action communautaire, que l’ensemble de la population est concerné, et qu’une approche intelligente du problème comprend des mesures de contrôle, d’information du grand public, d’éducation pour la santé individuelle, de formation de personnes relais, de régulation des messages publicitaires, etc. La prévention globale refuse les modèles psychopathologiques simplistes et se garde du ‘fantasme de toute-puissance dans la maîtrise et le contrôle des comportements à risque’.
De manière peut-être anecdotique mais tout aussi passionnante, il nous a rappelé l’importance considérable du thème de l’alcool dans notre culture, en s’appuyant sur Proust, dont l’œuvre n’est pas faite que de ‘madeleines’, et sur Hergé: saviez-vous que 7% des cases de l’intégrale ‘Tintin’ font allusion à l’alcool? Enorme!
Il termina sur une jolie formule : ‘Il nous faut enlever quelques feuilles de vignes qui cachent les problèmes, mais nous défendre de l’illusion qu’on pourra déraciner les pieds de vigne’.
M. Jean-Pierre Castelain , anthropologue, s’est intéressé aux ‘manières de boire’ chez les dockers du Havre voici une quinzaine d’années. A partir de ce travail d’enquête, on peut voir que la notion d’alcoolisme n’a pas le même contenu pour tous et qu’il faudrait faire l’histoire du mot et de son usage. Une chose est claire, dit M. Castelain, tout discours de prévention extérieur au milieu est ignoré, incompris, refusé ou détourné, car il fait l’impasse sur la question préalable de la fonction de l’alcoolisation.
Il nous a bien montré qu’une alcoolisation massive n’était pas vécue comme maladie, mais comme une forme de langage, de rite de groupe, indissociable du mode d’organisation et de rétribution du travail pendant des décennies. Il nous a ainsi expliqué le système de la ‘pipe’, une tournante qui permettait à une partie d’une équipe de boire et se reposer, pendant que les autres vidaient les bateaux, à charge de revanche.
L’arrivée des conteneurs et d’une plus grande complexité de manipulation des charges a profondément transformé le travail, mais a aussi sonné le glas d’un tissu social et d’un habitat spécifique et convivial, plongeant les consommateurs dans l’isolement et une précarité renforcée.
Enfin, M. Claude Macquet , sociologue spécialiste des questions de contrôle social, constate, en étudiant notre monde postmoderne, qu’une société libérale est loin d’être une société vertueuse. Comme dans le domaine des ‘fous du volants’ de la sécurité routière, la consommation alcoolique jugée excessive d’une minorité est considérée comme un problème pour tous. Le pluralisme postmoderne se caractérise, non plus par la discipline imposée ou librement consentie, mais bien par l’obsession de la surveillance, l’ ‘autre’ représentant un risque qu’il importe de bien gérer, au besoin en l’excluant sans devoir recourir à des formes dures de répression. Un monde d’aujourd’hui dont il déplore qu’il se caractérise par une perte de fraternité, de solidarité. Certains participants à la journée d’études ont cru percevoir dans ses propos comme une nostalgie d’un temps où la société et ses figures d’autorité encadraient la maturation individuelle et sociale de balises fortes, avant la ‘tempête’ de la fin des années soixante. Nostalgie, quand tu nous tiens…
Christian De Bock
Bruxelles-Santé publiera prochainement les textes de cette journée fort intéressante.

Ecole et marketing alimentaire

Le 30 Déc 20

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Après Danone et son programme ‘Bon appétit la santé’ (1), Kellogg’s se lance à son tour dans l’éducation nutritionnelle. Sans arrière-pensées?

‘Miam, la forme!’

Kellogg’s et l’agence K’X lancent un projet éducatif unique pour les enfants des écoles primaires de Belgique: ‘Miam, la forme!’ ou comment apprendre, par le jeu, à s’alimenter sainement et à bouger plus…
Une alimentation équilibrée et une activité physique suffisante sont les piliers d’une bonne santé. Parallèlement au cadre familial, l’école est l’environnement d’apprentissage idéal où les enfants peuvent assimiler ces principes.
C’est la raison pour laquelle des enseignants d’écoles primaires, des pédagogues et des nutritionnistes de Kellogg’s ont élaboré ensemble le jeu ‘Miam, la forme!’, qui a pour but de sensibiliser les enfants de 6 à 12 ans sur l’importance d’une alimentation équilibrée et de l’activité physique qui doit obligatoirement l’accompagner.
Le jeu de société éducatif ‘Miam, la forme!’ est spécialement conçu pour les enseignants et les élèves du primaire. Les questions et exercices que comporte ce jeu permettent aux enfants d’aborder les principes d’une alimentation saine, des habitudes alimentaires et de l’activité physique. Les parents participent également : pour préparer la partie de jeu jouée par leurs enfants en classe, ils complètent avec eux un questionnaire relatif aux habitudes alimentaires de la famille lors du petit déjeuner. Une fois la partie terminée, les enfants ramènent à la maison les astuces ‘Miam, la forme!’, qui attirent également l’attention de la famille sur les bons réflexes en matière d’alimentation et d’activité physique.
Les questions et exercices sont adaptés au niveau de connaissance des enfants, l’alimentation étant abordée au travers des disciplines de base enseignées dans le primaire telles que le calcul, les activités d’éveil, la formation musicale et le français. Les enfants doivent répondre à des questions de connaissance et de réflexion et effectuent également des exercices physiques.

Kellogg’s et l’éducation alimentaire

En créant l’entreprise Kellogg’s en 1906, le Dr WK Kellogg avait déjà comme vision non seulement d’apporter des produits bons et sains mais également de contribuer à une meilleure éducation nutritionnelle.
Cette vocation ne s’est pas démentie durant près d’un siècle. En Belgique par exemple, de 1991 à 1997, Kellogg’s a organisé la Journée nationale du petit déjeuner en collaboration avec le Ministère de la Santé publique.
C’est dans cette même philosophie que Kellogg’s a décidé de s’associer pleinement à ce nouveau projet éducatif, qui permet aux enfants d’augmenter leurs connaissances en matière nutritionnelle de façon ludique. Et ce, à l’heure où la nutrition est devenue une des préoccupations majeures de chacun.

Réaction

Le CRIOC, la Ligue des familles, les Mutualités socialistes et les Femmes prévoyantes socialistes ont réagi à cette initiative, stigmatisant la présence de plus en plus envahissante du ‘commerce’ à l’école.
Les sociétés commerciales financent des recherches permettant de perfectionner leurs produits. Comment dès lors ne pas être tenté – sous couvert d’une ‘bonne’ information – de les utiliser en ‘publi-rédactionnels’, ‘missions éducatives’, ‘sensibilisation’ de publics cibles avides de renseignements à jour? Quelle est la visée réelle de cette démarche nouvelle? Défendre une noble cause? Témoigner d’un sursaut d’altruisme? D’une éthique nouvelle? D’un intérêt écologique? N’est-ce pas plus simplement une manière sournoise d’envahir les lieux (censés protégés) de l’enfance?
L’accueil positif que le corps enseignant réserve à ce genre de démarche est interpellant!
Le manque de moyens financiers et humains, l’augmentation et la lourdeur des tâches administratives, la démotivation, le laxisme… des uns ouvrent une voie royale aux autres pour cautionner une démarche commerciale déguisée. Nous sommes en pleine confusion des rôles : qui est le vendeur? Qui est l’enseignant? Qui soutient l’enfant dans son éveil critique du monde dans lequel il est plongé?
Le chapitre IX du pacte scolaire intitulé ‘Interdiction de pratiques déloyales » a été écrit en …1973. Les pratiques commerciales y sont déjà mentionnées et interdites! Et une sanction est prévue pour les établissements d’enseignement qui enfreindraient ce règlement. Mais, comme souvent, les structures devant réguler cette disposition n’ont jamais été mises en place.
Les signataires de la réaction attendent des pouvoirs publics qu’ils fassent le nécessaire pour faire respecter cette interdiction, et non qu’ils ‘accueillent favorablement’ ces projets ‘éducatifs’!
CDB
(1) Voir DE BOCK C., ‘L’action éducative ‘Bon appétit la santé!’ dans les écoles maternelles’ , Education Santé n° 187, février 2004.

L’interdiction des distributeurs de sodas et snacks sucrés à l’école

Le 30 Déc 20

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La Ministre de l’Enseignement de la Communauté française, Marie Arena , a décidé d’interdire les distributeurs de sodas et snacks sucrés dans toutes les écoles primaires et secondaires à la rentrée 2005. Les machines pourront rester si elles délivrent des aliments jugés plus diététiques. Et un effort sera fait pour mettre des fontaines d’eau à la disposition des élèves. Cette annonce énergique a suscité bon nombre de réactions, positives, fatalistes, nuancées. En voici quelques-unes.

La Mutualité socialiste applaudit

En octobre dernier, la Mutualité Socialiste, dans un communiqué commun avec le CRIOC, la Ligue des familles et les Femmes prévoyantes socialistes, tirait la sonnette d’alarme pour dénoncer l’ingérence des sociétés commerciales dans le domaine de l’enseignement et tout particulièrement le rôle néfaste que jouent les firmes agroalimentaires dans le domaine de l’alimentation des enfants.
Le problème de l’excès de poids est considéré par l’OMS comme le risque de décès le plus important après le tabac. En 2000, le coût médical des pathologies liées à l’obésité s’élevait à environ 600 millions d’euros, soit 6% du budget de l’INAMI. En Belgique, 19% des enfants entre 9 et 12 ans sont considérés en surpoids. Il s’agit véritablement d’un problème majeur de santé publique.
La Mutualité socialiste est gestionnaire de l’assurance soins de santé. Elle est aussi un acteur en promotion de la santé. Elle se réjouit de la décision prise par la Ministre de l’Enseignement en Communauté française.
A travers son service Promotion de la santé et ses asbl, la Mutualité socialiste développe des programmes d’éducation nutritionnelle. Elle sera donc attentive aux diverses consultations des acteurs de la santé, consultations relatives à l’introduction d’une alimentation saine et équilibrée en milieu scolaire. Elle soutiendra aussi toute initiative pour enrayer la surcharge pondérale et pour lutter contre l’obésité chez les jeunes, notamment par des pratiques diététiques.
La Mutualité socialiste restera également vigilante envers toutes tentatives de marchandisation de l’école. Ces tentatives pourraient en effet ouvrir la porte à des entreprises commerciales qui, sous le couvert d’un discours d’apparence éducative valorisant de prétendus aliments et boissons diététiques, ne viseraient rien d’autre qu’une démarche commerciale des plus ordinaires peu compatible avec le respect de la santé des enfants.

La Ligue des droits de l’enfant nuance

Il s’agit pour la Ligue d’un trop petit pas dans une problématique beaucoup plus vaste. La lutte contre la mauvaise alimentation chez les jeunes est, effectivement, un problème de santé publique mais doit être abordée dans sa globalité.

Objectif insuffisant

Supprimer les distributeurs de soda et d’aliments sucrés dans les écoles est un premier pas. Il est cependant loin d’être suffisant. Sans l’éducation, cette mesure risque d’être contre-productive. La diabolisation du tabac, par exemple, n’a fait que renforcer son pouvoir d’attrait chez les jeunes. Il y a donc lieu de mettre en place, au sein de l’école, une véritable éducation aux bonnes habitudes alimentaires.

L’obésité: la pointe de l’iceberg

En ne visant que les distributeurs de sodas et aliments sucrés ainsi que les cantines scolaires, la Ministre de l’Enseignement voit le problème par le mauvais côté de la lorgnette. En effet, l’obésité n’est qu’un symptôme de la mauvaise alimentation, en quelque sorte la pointe émergée de l’iceberg. Le problème est plus profond. Il faut y ajouter le manque d’activités physiques (l’école n’est pas un exemple en la matière), les problèmes de marginalisation sociale et de pauvreté. En somme la question est mal posée. Il ne s’agit pas de savoir comment mangent les jeunes mais comment ils vivent . La problématique est sociétale et doit donc recevoir une réponse globale. La lutte contre l’obésité passe par le combat pour l’égalité sociale.

Le problème de la publicité à l’école

Transformer les distributeurs de sodas en distributeurs d’aliments sains ne modifiera pas le problème. Encore faut-il donner aux jeunes l’envie de les acheter. Remplacer Coca-Cola par Danone ne changera rien à la mauvaise alimentation des jeunes, qui est une question d’éducation. Par contre, cela continuera à marchandiser l’école. La Ligue n’admet pas que les enfants, au sein des établissements scolaires, soient vendus aux marques. Depuis 1959, la publicité – et donc les marques – sont interdites au sein des établissements scolaires. La loi doit, tout simplement, être respectée.

Coca-Cola fait des efforts

Le célèbre producteur de sodas concentre les critiques ces jours-ci. En consultant son site belge, en cherchant un peu, on trouve son Code de conduite auprès des écoles primaires et secondaires. L’entreprise y affirme sa volonté de tenir compte ‘ de l’opinion et des intérêts d’autres groupes sociaux . Dans les milieux scolaires , nous sommes à l’écoute des parents , du personnel pédagogique et de la direction . Il nous paraît important de réglementer de façon détaillée notre présence dans les établissements , en nous engageant de façon très concrète sur ce que nous pouvons faire ou non .’
Les directives, contraignantes pour les représentants, ne sont pas tout à fait les mêmes dans le primaire et dans le secondaire. L’offre est adaptée, tant le contenu que le contenant, et la visibilité de la marque n’est pas la même non plus (1).
Pour plus de détails: https://www.cocacola.be/fr/corporate/business/health/attachments/code_fr.pdf
On trouve aussi sur le site une brochure ‘Actif pour une vie saine’ que ne désavoueraient pas les éducateurs purs et durs…
Pas facile de concilier respect d’une certaine éthique et souci de maintenir ou développer les ventes. Le nouveau PDG de la marque la plus connue du monde, Neville Isdell , ne déclarait-il pas récemment: ‘ Nous réalisons de mauvaises performances depuis 1997 . Nous avons raté le mouvement des consommateurs vers la santé’?

La Ministre de la Santé voit plus loin

Interpellée par les professionnels du secteur, les services de promotion de la santé à l’école (PSE) et le grand public, Catherine Fonck souhaite pour sa part recadrer son action dans le cadre du Plan stratégique de promotion de l’alimentation saine.
Il est évident que toute action d’éducation nutritionnelle n’a de sens que si elle prend place dans une action globale de promotion de l’alimentation saine qui porte tant sur des actions à mettre en place au niveau des écoles que sur des actions vis-à-vis de l’ensemble de la population en vue d’améliorer de façon globale l’environnement nutritionnel.

Quel rôle pour les services PSE?

Les services PSE sont des acteurs capitaux car ils rencontrent les enfants à plusieurs reprises durant leur scolarité. Ils ont un rôle à jouer à deux niveaux: pratiquer le dépistage individuel de l’obésité chez les enfants, et être des partenaires à la mise en œuvre d’actions collectives en milieu scolaire.
Il est indispensable que le «bilan de santé» soit le lieu d’un dépistage systématique d’une surcharge pondérale chez les enfants et les adolescents. En effet, concernant les inégalités sociales de santé que l’on connaît par rapport à ce problème, les équipes PSE sont à un poste d’observation privilégié de la santé de tous les enfants.
Ce dépistage des enfants à risque nécessite:
– de mesurer le BMI (indice de masse corporelle) des enfants lors de la visite médicale et de tracer les courbes de corpulence;
– d’utiliser les mêmes seuils pour définir une surcharge pondérale ou une obésité. Les bornes internationales recommandées sont celles de Cole (British Medical Journal 2000);
– de convenir d’une démarche de prise en charge des enfants en surcharge pondérale. Il s’agira, tout d’abord, d’une information et de conseils aux parents. Pour les cas d’«obésité», il sera indispensable de référer les enfants et les adolescents aux médecins généralistes ou aux pédiatres pour une prise en charge médicale la plus précoce possible. Il convient donc d’établir de réels partenariats entre les services PSE et le secteur curatif.
La promotion de la santé et d’une alimentation saine doit, progressivement, se faire une place dans les programmes scolaires, avec l’aide des équipes PSE. Elle doit inclure différentes actions. Les études montrent que la lutte contre la sédentarité est une des armes de la prévention de l’obésité (par exemple interventions visant à diminuer le temps passé par les enfants à regarder la TV et à jouer aux jeux vidéo).
Cette lutte contre la sédentarité est efficace à court terme comme le sont la limitation des apports caloriques et la promotion de l’activité physique. Le point crucial est le maintien de cette efficacité à long terme dans des sociétés qui incitent à la sédentarité, à la surconsommation alimentaire et où les obstacles à la pratique d’une activité sportive sont nombreux.
Les interventions en milieu scolaire seront limitées dans leur impact si elles restent isolées. Il est donc nécessaire d’intégrer les interventions dans un cadre plus global:
– impliquer l’industrie agroalimentaire, bien sûr;
– limiter les stimulations par la publicité et la présence de distributeurs;
– promouvoir l’activité physique dans la population générale par une augmentation de la dépense d’énergie dans les déplacements et les activités de loisirs.

Le Plan stratégique de promotion de l’alimentation saine

Ce plan est actuellement en cours de finalisation dans le cadre de la mise en œuvre du Plan opérationnel communautaire de promotion de la santé.
La promotion de l’alimentation saine et de la pratique de l’exercice physique s’intègre dans le cadre d’une des priorités de santé publique définie dans le programme quinquennal à savoir la prévention cardio-vasculaire.
Les grandes lignes du Plan ‘alimentation saine’ peuvent déjà être tracées.
Actions en direction des parents
L’allaitement, la découverte des goûts, la diversification de l’alimentation, l’inactivité physique, les légumes, le grignotage, les questions de poids… Il est parfois difficile d’aider son enfant dans ses apprentissages alimentaires. Catherine Fonck propose de rédiger, avec un éditeur, un guide à l’attention de tous les parents qui répond à toutes les questions que ces derniers peuvent se poser sur l’alimentation de leur nourrisson, de leur enfant ou de leur ado. Ce guide proposera les repères nutritionnels les concernant. Il pourra également favoriser le dialogue entre enfants et parents. Ces actions envers les parents s’intègrent également dans une politique globale de soutien à la parentalité.
Actions en direction du grand public
Création et diffusion d’un « guide alimentaire », et promotion d’une activité physique quotidienne limitée mais régulière.
Actions auprès des entreprises
Ces actions devront permettre de relayer la campagne de promotion de l’activité physique en ciblant le public sur son lieu de travail par le développement d’une signalétique ludique à l’intérieur de l’entreprise pour favoriser le passage à l’acte: dépliants, autocollants à placer sur les ascenseurs, affiches, etc.

France: reconnaissance légale d’un déterminant majeur de la santé

La loi française sur la politique de santé publique indique la direction à prendre pour essayer de prévenir le développement de certaines maladies chroniques au travers d’un déterminant majeur, l’alimentation. Mais tout reste à faire.
La loi française de santé publique, adoptée durant l’été 2004, comporte un volet sur la prévention nutritionnelle des maladies chroniques. Objectifs d’ici à 2008: réduire la fréquence du surpoids et de l’obésité chez les adultes, et stopper son augmentation chez les enfants; diminuer le nombre de personnes consommant moins de cinq fruits et légumes par jour; réduire le contenu en sel des aliments; réduire la fréquence de la déficience en iode, etc.
Deux mesures concrètes ont été adoptées: l’une interdit la présence de distributeurs automatiques de boissons et de produits alimentaires payants dans les établissements scolaires à compter du 1er septembre 2005; l’autre stipule que les publicités pour boissons sucrées et aliments manufacturés doivent contenir une information à caractère sanitaire, sous peine de verser une contribution au profit de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé.
Il était grand temps que l’alimentation soit reconnue en France au niveau législatif comme un déterminant majeur de l’état de santé de la population. La loi est votée, mais la question de son application reste entière. La revue Prescrire rappelle en effet dans son numéro de janvier 2005 les manœuvres politico-industrielles qui ont tenté d’affaiblir la loi de santé publique, et qui remettent en cause aujourd’hui la loi Evin sur l’alcool.
Seule une politique sincère et de grande ampleur permettrait d’espérer un changement tangible, avec le soutien de tous, citoyens, professionnels de santé, médias, responsables politiques et administratifs, industriels.
Communiqué de presse de la revue Prescrire , janvier 2005

Actions des pouvoirs locaux
Les pouvoirs locaux (communes, provinces) peuvent s’appuyer sur une série de lieux et de compétences pour mettre en place des actions d’éducation nutritionnelle:
– dans le cadre des activités extra-scolaires;
– dans le cadre des bâtiments publics (maison communale, bibliothèque communale, médiathèque, etc);
– en valorisant les supports de communication existants (journaux communaux, site Internet de la commune).
Les pouvoirs locaux pourraient stimuler des actions telles que:
– l’organisation d’une journée ou d’une semaine de la nutrition;
– l’animation de quartier, les initiatives citoyennes;
– la promotion des fruits et légumes avec les commerçants.
L’action de la Communauté française serait d’assurer la promotion de ces activités, de mettre à disposition des outils. Les Centres locaux de promotion de la santé seraient chargés d’assurer la coordination de ces actions.
Afin de piloter l’ensemble du programme, la Ministre Fonck va mettre en place prochainement un Conseil supérieur pour l’alimentation saine.
Compilation réalisée par Christian De Bock
(1) Aux dernières nouvelles, le groupe Coca-Cola a décidé de ne plus vendre du tout de sodas dans les écoles primaires belges. Et dans les écoles secondaires, les distributeurs proposent également de l’eau, un jus de fruit et une version pauvre en calories des sodas.

Les inégalités sociales en matière de santé en Belgique chiffrées avec précision

Le 30 Déc 20

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Dans les pays occidentaux, les inégalités en matière de santé s’accentuent aux dépens des populations socialement défavorisées. La Mutualité chrétienne a souhaité objectiver ce constat, non pas sur base d’un échantillon mais bien de façon systématique. L’étude qu’elle vient de finaliser mesure les inégalités sur base de données objectives, à l’échelle d’une population de 4,5 millions de personnes affiliées. Elle confirme l’existence d’inégalités prononcées.

Par rapport aux individus socialement les plus favorisés, la Mutualité chrétienne a ainsi par exemple observé que les individus appartenant à la classe sociale la plus défavorisée ont un risque de mortalité accru de 45 % et 24 % de ‘chance’ en moins de décéder à domicile. Ils ont également deux fois plus de risques d’être admis en hôpital psychiatrique ou dans le service (neuro)psychiatrique d’un hôpital général.

La méthodologie

L’observation d’inégalités sociales en matière de santé implique la mise en relation d’indicateurs de santé avec une échelle sociale. Les données mutualistes ne contiennent pas de diagnostics en tant que tels, ni de données sur les revenus ou le niveau d’études des affiliés. L’étude se base donc sur les données de facturation ainsi que sur les statistiques fiscales de la Direction générale Statistique et Information économique du SPF Economie (ex-Institut National de Statistique).

Pour les indicateurs relatifs à la santé , l’organisme assureur s’est basé sur les données administratives et les prestations de soins de santé remboursées par l’assurance maladie-invalidité. A l’aide de cette source, la Mutualité chrétienne peut faire état de divers événements liés à la santé: être admis à l’hôpital, avoir consommé tels types de soins ou de médicaments, décéder, être en incapacité de travail, etc. La fréquence de ces événements est mesurée à l’aide d’indices standardisés, ce qui neutralise les différences éventuelles d’âge, de sexe, de région entre les classes sociales.

La construction d’une échelle sociale passe par l’emploi de statistiques fiscales afférentes aux secteurs statistiques (unité géographique de la taille d’un quartier, soit environ 20.000 unités en Belgique). Connaissant l’adresse de résidence de ses membres, la Mutualité chrétienne a construit une échelle sociale de cinq classes de secteurs statistiques, par ordre croissant de valeur des revenus fiscaux qui y sont déclarés (en suivant la médiane par secteur statistique). Les limites de ces cinq classes ont été établies de sorte qu’elles correspondent à la répartition en quintiles de la population belge ayant déclaré des revenus.

La plus-value de la méthode suivie réside dans le fait qu’elle est systématique (elle couvre les 4,5 millions de membres) et qu’elle porte sur des données réelles enregistrées et contrôlées dans le cadre de l’assurance maladie (données administratives et de consommation de soins de santé). Par ailleurs, elle peut se répéter chaque année. Ce sont des avantages importants par rapport aux enquêtes de santé menées sur base d’échantillons, tous les trois à quatre ans et portant sur les déclarations des répondants.

Toutes les données traitées sont relatives à l’année 2006 et à la cohorte des membres de la Mutualité chrétienne au cours de cette période.

Les principaux résultats

Le tableau ci-après reprend les résultats les plus frappants de l’étude.

Risques de (pour 2006)

Indice standardisé*
classe la plus faible (1)
Indice standardisé*
classe la plus élevée (2)
Ratio (1)/(2)
Décéder 121,0 83,4 1,45
Décéder à domicile 82,9 109,6 0,76
Etre en incapacité de travail (au moins 30 jours) 124,7 80,6 1,55
Devenir invalide 132,8 80 1,66
Etre admis en hôpital psychiatrique ou dans le service (neuro) psychiatrique d’un hôpital général 158,5 72,4 2,19
Bénéficier de soins dentaires préventifs 72,4 113,6 0,64
Se voir facturer un forfait pour soins urgents 143,4 87,5 1,64

* A comparer avec l’indice 100 qui donne la moyenne pour l’ensemble de la population étudiée.

Les recommandations de la Mutualité chrétienne

Tous les résultats concordent: à mesure que l’on descend le long de l’échelle sociale, on voit les indicateurs de santé se dégrader. Il est clair que les causes de ce phénomène dépassent de loin le domaine de l’accès et de la qualité des soins de santé. Ces causes sont aussi bien de nature structurelle que culturelle. Parmi les facteurs structurels, on compte les conditions de travail (plus lourdes, malsaines, peu gratifiantes), le logement (espace, salubrité), l’environnement (sécurité, pollution) et la qualité du tissu social. Les facteurs culturels concernent les attitudes et pratiques en matière de prévention, d’alimentation et de comportement sains.
De telles inégalités ne constituent pas une fatalité. Elles témoignent d’une véritable injustice sociale et doivent mobiliser l’attention de tous les acteurs. L’égalité en matière d’accès à la santé doit être un objectif commun. Nous ne pourrons réduire les inégalités que si nous agissons de façon concertée et sur l’ensemble des déterminants sociaux de la santé: emploi, revenus, logement, éducation, environnement.

Les champs d’action pour les acteurs du système de santé sont nombreux. Pour les mutualités, ils se situent au niveau de la prévention et la promotion de la santé, de la diffusion d’informations ciblées, de l’optimisation des droits, de l’aide sociale et des efforts soutenus pour favoriser l’accessibilité aux soins de santé.

La Mutualité chrétienne a ainsi lancé plusieurs projets de recherche-action pour augmenter la qualité de son service et de sa communication envers les groupes défavorisés. De leur côté, les médecins et les autres prestataires de soins (surtout ceux de première ligne) peuvent également agir en étant à l’écoute des difficultés sociales de leurs patients, par une pratique et une prescription adaptée (conseils et soins préventifs, médicaments génériques, dossier médical global, renforcement de l’usage du tiers-payant…).

Les résultats complets de l’étude sont téléchargeables sur https://www.mc.be . Nous publierons le mois prochain un article détaillé sur ces résultats.

La formation en tabacologie, à qui s’adresse-t-elle, quel est son impact?

Le 30 Déc 20

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Depuis un peu plus de 7 ans, à l’initiative du «Service prévention tabac» et du Comité scientifique «tabac» du FARES (Fonds des affections respiratoires), une formation en tabacologie (1) a vu le jour en Communauté française de Belgique. L’Université libre de Bruxelles, l’Université de Liège, l’Université catholique de Louvain, la Société scientifique de médecine générale et la Fondation belge contre le cancer se sont jointes d’emblée à ce projet. Son succès est constant. A ce stade, il est apparu nécessaire de mener une évaluation de l’impact à long terme de cette formation.

Introduction

La formation est organisée sur le modèle de deux formations analogues, dont une mise en oeuvre en France. Elle compte 49 heures de cours réparties sur 7 samedis entre la mi-octobre et la fin avril, au terme desquelles un mémoire et un rapport de stage sont exigés. Depuis 3 ans, ce programme est complété par une rencontre de post-formation qui offre l’intérêt d’actualiser les données et d’ouvrir la réflexion vers des publics ou des approches particulières (tabac et adolescence, tabac et cannabis, chicha – effets de mode et usages, tabac et promotion de la santé, etc).
L’enseignement proposé concerne le tabac et son usage. Il aborde les effets du tabagisme sur la santé, la recherche dans le domaine du tabac, en particulier sur le phénomène de dépendance et les méthodes d’aide à l’arrêt, ainsi que les évolutions législatives relatives à la protection contre le tabagisme.
Les aspects psychologiques et pharmacologiques associés au sevrage constituent également une partie importante de l’enseignement. Les relations et les similitudes avec l’usage d’autres assuétudes sont aussi étudiées.
La formation s’adresse aux professionnels de santé et aux étudiants des disciplines correspondantes afin d’augmenter leurs compétences dans l’accompagnement des fumeurs à la gestion de leur tabagisme, en divers lieux de vie. Il s’agit de leur donner les moyens d’acquérir plus d’assurance et de connaissances dans ce domaine via des lieux d’échanges, de ressources et de partages de pratiques.

Qui sont les tabacologues?

Une évaluation de la formation a été réalisée en mars 2008 afin de mesurer de façon rétrospective l’impact de celle-ci dans la pratique des professionnels ayant obtenu leur certificat de tabacologue entre 2002 et 2006. Un questionnaire anonyme a été envoyé aux 125 tabacologues diplômés sur cette période.
De manière générale, on constate que les participants viennent d’horizons professionnels divers en Communauté française. Relevons également la pluridisciplinarité des participants, ce qui renforce les objectifs de transversalité et de travail en réseau, chers au Service prévention tabac du Fares. Sur les 125 tabacologues, 43% sont médecins, 19% sont infirmier(e)s, 27% sont psychologues et 11% sont issus d’autres professions telles que pharmacien(ne)s, diététicien(ne)s, ergothérapeutes, kinésithérapeutes.

A quelles demandes la formation répond-t-elle?

Pour la moitié des tabacologues interrogés (48,7%), suivre la formation répondait à une réelle nécessité professionnelle. L’intérêt pour la question du tabagisme et son sevrage a également été un élément de motivation à l’inscription. La formation semble, au regard de ces données, répondre à une demande du terrain en matière de prise en charge du tabagisme. En effet, pour presque 70% des tabacologues, la formation a entièrement répondu à leurs attentes.

Quelles sont les compétences acquises au cours de la formation?

En terme de connaissances, l’évaluation révèle que la formation a permis à la majorité des tabacologues d’acquérir de nombreuses connaissances par rapport au tabagisme et à sa prise en charge. Les exposés et les ateliers ont permis aux tabacologues d’enrichir leur bagage théorique de façon satisfaisante. Néanmoins, un quart des tabacologues auraient aimé approfondir encore davantage leurs connaissances sur les aspects psychologiques associés au sevrage comme la motivation, l’estime de soi, le sentiment d’efficacité personnelle, les leviers et les outils à utiliser dans le cadre d’une prise en charge.
Plusieurs tabacologues insistent également sur la nécessité d’intégrer encore plus de pratique sous forme d’ateliers, de jeux de rôle, de mises en situation et d’études de cas, l’acquisition de ces connaissances nécessitant un apprentissage par la pratique.
En terme d’assurance acquise dans l’accompagnement du fumeur à la gestion de son tabagisme, la quasi totalité des tabacologues (94,9%) estime que la formation lui a donné suffisamment de moyens d’acquérir plus d’assurance, notamment par l’obtention de repères et d’outils pratiques et par une meilleure compréhension des symptômes liés au sevrage et au vécu du fumeur.

La formation a-t-elle un impact sur la pratique des professionnels de santé?

La très grande majorité des tabacologues ne pratiquait pas d’activité en lien avec le tabagisme avant d’avoir suivi la formation. Suite à la formation, un professionnel sur deux a mis en place une consultation spécifiquement consacrée à la tabacologie en individuel et un tabacologue sur trois travaille dans un Centre d’aide aux fumeurs (2). Ces données mettent en avant l’apport significatif de la formation dans l’accessibilité du fumeur à une structure spécifique d’aide à l’arrêt du tabac. En moyenne, le tabacologue voit entre 8 et 9 fumeurs par semaine en consultation individuelle (de tabacologie ou autre).
Ces données peuvent être complétées par celles de l’annuaire de tabacologie (à consulter sur https://www.fares.be ). Au 30 juin 2008, on comptait 44 Centres d’aide aux fumeurs et 145 tabacologues. Il faut relever la diversité des activités qu’ils ont entreprises suite à la formation, telles l’organisation de séances de sensibilisation pour les professionnels, des interventions de groupe, la coordination de l’aide au sevrage en milieu hospitalier, des activités de prévention en milieu scolaire, etc.
42,3% des tabacologues estiment que la formation leur a permis d’élargir considérablement leur activité professionnelle. L’autre moitié, soit 46,2%, rapportent, quant à eux, que la formation ne leur a que partiellement permis d’élargir leur activité.
L’explication rapportée par quelques-uns d’entre eux concerne un manque de soutien et de reconnaissance de la direction hospitalière pour la tabacologie. A ce sujet, il est probable que la situation évoluera dans les mois à venir après la mise en application du Plan cancer de la Ministre Laurette Onkelinks , qui prévoit le remboursement des consultations de tabacologie.
Les tabacologues travaillent généralement en équipe (59,7%). Celle-ci se compose, pour la majorité d’entre eux, d’autres tabacologues (69,6%) comportant une proportion importante de médecins, de psychologues et d’infirmiers. D’autres professions sont également mentionnées dans des proportions diverses. Le tabacologue peut donc s’appuyer sur une équipe pluridisciplinaire, ce qui est primordial quand on sait qu’un sevrage tabagique signifie se défaire d’une dépendance à la fois physique, psychologique et comportementale.

Conclusion

L’évaluation réalisée auprès des tabacologues diplômés entre 2002 et 2006 révèle que la formation a un impact positif sur leur pratique professionnelle, en termes d’acquis de connaissances, d’assurance dans l’accompagnement du fumeur et d’élargissement de leur champ d’activité. De plus, la formation semble répondre à une réelle demande du terrain. Les perspectives d’amélioration de la formation concernent principalement l’approfondissement des aspects psychologiques associés au sevrage tabagique et une nécessité d’intégrer encore davantage de pratique. En ce sens, l’approche communicationnelle de l’entretien motivationnel, qui faisait l’objet d’un atelier facultatif, a été intégrée au cursus de base de la formation (3).
Il s’avère donc pertinent de poursuivre l’organisation de cette formation toujours unique en Belgique. En effet, la mobilisation et une formation spécifique des professionnels de santé permet d’augmenter l’accessibilité et la proximité de l’accompagnement à la cessation tabagique, ce qui semble important au regard de la prévalence du tabagisme en Belgique (4) et en se référant aux recommandations des experts concernant la prise en charge du sevrage tabagique (5).
Une mobilisation plus large a également été possible en concertation avec les acteurs du Plan wallon sans tabac de la Région wallonne (6), qui a intégré l’aspect formatif et qui a visé à étendre le réseau des professionnels de santé sensibilisés à la prise en charge du tabagisme.
Françoise Cousin avec l’appui du Comité scientifique «tabac» du Fares (7)
Pour obtenir plus d’informations sur la formation en tabacologie ou sur la formation à l’entretien motivationnel: www.fares.be, tél.: 02 512 29 36, courriel: prevention.tabac@fares.be.
Pour obtenir la liste complète des consultations de tabacologie: https://www.fares.be , ligne Tabac Stop 0800.111.00.

(1) La formation est organisée grâce au soutien de la Région wallonne et du Ministère fédéral de la Santé Publique.
(2) Equipe pluridisciplinaire composée de tabacologues travaillant spécifiquement dans le domaine du tabagisme.
(3) Le Fares propose également une formation spécifique à l’entretien motivationnel. Celle-ci se déroule sur 3 jours et permet d’approfondir spécifiquement les aspects psychologiques associés à un changement de comportement, notamment par la pratique.
(4) En 2008, le pourcentage de fumeurs quotidiens s’élève à 30%, soit 3% de plus qu’en 2007 (enquête réalisée par Ipsos à la demande de la Fondation contre le cancer, novembre 2008).
(5) ‘Les spécialistes de la santé doivent proposer une intervention de désaccoutumance à tous leurs patients qui consomment du tabac . La dépendance au tabac est une maladie chronique qui rend nécessaire des interventions répétées (…) Des thérapies efficaces permettent d’augmenter de manière significative les taux d’abstinence à long terme .’ Fiore MC, Jaen CR, Baker TB et al., Treating Tobacco Use and Dependence, Department of Health and Human Services, Public Health Service, May 2008.
(6) Le comité de pilotage du Plan wallon sans tabac est constitué de représentants du Fonds des affections respiratoires, de la Société scientifique de médecine générale, du Département de médecine générale de l’Université de Liège, de la Fédération des Maisons Médicales, du Service d’Etude et de Prévention du Tabagisme, de l’Association pharmaceutique belge et de la Société scientifique des pharmaciens francophones.
(7) Composition: Prof. Pierre Bartsch, Martial Bodo, Dr. Juan Coulon, Jacques Dumont, Dr. Patrick Emonts, Dr. Jeanine Gailly, Prof. Laurence Galanti, Dr. Véronique Godding, Dr. Pierre Nys, Prof. Jacques Prignot, Caroline Rasson, Prof. Jean-Paul Van Vooren, Dr. Maryse Wanlin.

La prévention du sida et des infections sexuellement transmissibles à Charleroi-Mons

Le 30 Déc 20

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L’asbl ‘Sida-MST Charleroi’ est active depuis 1988 et a étendu depuis 2 ans son action à la région de Mons. Elle s’appelle d’ailleurs aujourd’hui ‘Sida-IST Charleroi-Mons (asbl)’.
Son travail est la prévention de l’infection par le VIH et autres IST, en particulier au sein de publics défavorisés.
Elle est subventionnée par la Communauté française de Belgique et par la Région wallonne par le biais du système des emplois APE. L’asbl est aussi soutenue par les CPAS et villes de Charleroi et de Mons.
Elle est composée d’une équipe pluridisciplinaire: médecins, éducateur, assistantes sociales, travailleuse sociale, secrétaire. Elle propose un accueil, une écoute téléphonique et des échanges par Internet (chat, courriel…).
Elle s’adresse à tous les publics: population générale, population précarisée, migrants, jeunes, hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes, personnes infectées par le VIH, usagers de drogues, personnes se prostituant. Les objectifs de travail et les stratégies sont adaptés en fonction du facteur de vulnérabilité de chaque public (discrimination, marginalisation, précarité économique, sociale, psychologique).
Pour la population générale, ses activités sont principalement des actions de visibilité reconduites d’année en année, comme l’action du 1er décembre, la campagne d’été, la Saint-Valentin, le Salon Erotix … Elle propose aussi des animations au sein du Resto du Cœur et dans les services de formation professionnelle de Charleroi et de Mons.
‘Sida-IST Charleroi-Mons’ est en contact avec les centres d’accueil de candidats réfugiés, car beaucoup de migrants découvrent leur séropositivité pendant leur séjour dans ces centres. C’est l’occasion d’un travail de promotion de la santé, et plus particulièrement de prévention des IST.
Un des endroits où l’asbl peut nouer de nouvelles rencontres est le milieu associatif culturel. Par des séances d’information, des actions ponctuelles ou tout simplement par une simple présence, des contacts individuels ou collectifs s’établissent et permettent de développer des projets plus conséquents. Sur le terrain, les night-shops, les cabines téléphoniques et les bars dans le milieu africain sont des lieux stratégiques pour la prévention. L’asbl investit également le milieu associatif maghrébin et turc.
La prévention dans le public jeune se concrétise essentiellement au travers des animations en milieu scolaire ou extra-scolaire, des activités de visibilité (par exemple dans les festivals d’été, les soirées) et des activités récurrentes telles que le 1er décembre et la Saint-Valentin, les portes ouvertes dans les écoles, le salon de la jeunesse à La Louvière, etc.
A Mons, l’asbl élargit ses contacts en participant aux réunions inter-quartiers et de coordination sociale dans les différentes entités pour se faire connaître vu sa récente implantation dans la ville.
Elle suscite, soutient et développe des projets à l’initiative des jeunes fréquentant les structures du secteur de l’Aide à la Jeunesse (maisons de jeunes, AMO, IPPJ…).
Facilité d’action et d’anonymat font d’Internet un endroit privilégié d’échange, de drague et de rencontre. L’asbl est présente sur les sites de rencontre et échange avec les tchatteurs en glissant un message de prévention.
Pour le public d’usagers de drogues, elle participe au projet «Drogues, risquer moins» visant à diffuser des informations de réductions des risques en milieu festif. Concrètement, des stands d’information sont installés lors de soirées avec la mise à disposition de brochures informatives et du matériel afin de limiter les risques liés à la consommation de drogues.
L’ensemble de ses activités pour les personnes infectées par le VIH s’inscrit dans le cadre de la lutte contre la ségrégation et la promotion d’une solidarité envers les personnes séropositives. Chaque année, ‘Sida-IST Charleroi-Mons’ organise une journée de réflexion à l’intention des personnes concernées par la prévention, le traitement du VIH/sida et des infections sexuellement transmissibles.

Tables rectangulaires

Le fondateur ‘historique’ de l’asbl ‘Sida-IST Charleroi-Mons’, le Dr Jean-Claude Legrand , a eu la bonne idée de proposer une journée d’échanges entre les acteurs de la prévention et de la prise en charge et les politiques d’une part le matin, et la presse d’autre part l’après-midi, pour célébrer les 20 ans de son institution.
Il y a avait deux tables rondes (en fait elles étaient rectangulaires!) au menu du 18 novembre dernier.
Le matin, trois représentants des partis démocratiques francophones (il manquait le CdH) ont eu l’occasion d’exprimer leur sensibilité sur la question, et aussi leur perception du rôle qu’ils peuvent jouer pour faire progresser la cause commune.
L’hôte du jour avait préparé pour chacun d’eux une question volontairement provocante, voire ‘populiste’ selon ses propres dires. On a particulièrement apprécié la réponse de la jeune députée fédérale Ecolo, Juliette Boulet , qui a répondu sur le même ton avec beaucoup de finesse, avant d’exprimer avec simplicité et détermination les choix prioritaires de son parti.
Ou encore cette formule heureuse (voulue ou non!) de Jean-Jacques Flahaux (MR), à propos de la chape de silence qui règne toujours maintenant autour des IST, ces ‘maladies sexuellement transmissibles mais non communicables’.
Pour sa part, Joëlle Kapompole (PS) affirma que la prévention est une priorité absolue, tout en déplorant que l’école donne aux élèves une information sur l’appareil reproducteur sans la moindre allusion aux IST.
L’après-midi, ce fut au tour de quatre représentants de la presse d’expliquer leur façon de travailler et les contraintes auxquelles ils doivent faire face au quotidien, et aussi aux participants d’exprimer leurs attentes vis-à-vis des médias. Avec cette frustration paradoxale d’attendre de la presse plus qu’un simple ‘copier-coller’ de communiqués de presse fournis ‘clé sur porte’ tout en craignant un ‘mauvais traitement’ des informations communiquées aux journalistes.
Pierre Dewaele ( Polyhedra , presse médicale) rappela à la salle que tous les medias subissent des pressions diverses qui limitent leur autonomie: il peut s’agir des annonceurs pour la presse gratuite, des pouvoirs publics pour la presse subsidiée, des lecteurs (et donc du ‘marché’) pour la presse payante grand public. Il souligna aussi la différence essentielle entre le souci légitime de communiquer des associations et le devoir déontologique d’information, donc de traitement critique des sources, des journalistes.
Pour sa part Frédéric Soumois ( Le Soir ) expliqua combien il est difficile d’imposer un sujet qui ne génère plus assez de ‘nouveautés’ aux yeux des responsables éditoriaux d’un grand quotidien. Maintenir un peu de bruit autour du sida, ce n’est pas simple pour les travailleurs du social et de la santé qui s’en préoccupent en permanence, c’est tout aussi compliqué pour les journalistes!
Christian De Bock ( Education Santé ) insista sur deux points essentiels à ses yeux: d’abord, associations et journalistes doivent se faire confiance; ensuite le souci de transparence doit les guider dans leurs relations comme dans leurs initiatives.
Thierry Poucet ( Renouer ), qui animait les débats, se félicita de la variété et de la qualité des points de vue, et émit deux suggestions intéressantes comme suivi de la journée: mettre en place une observation ‘objective’ du traitement du sida et des IST dans les médias, et organiser des rencontres périodiques entre secteur préventif tous domaines de santé publique confondus et journalistes concernés pour mieux se comprendre et collaborer dans le respect de l’autonomie de chacun.
Gilles C. Jourdan

Mille facettes’, un outil, un réseau de partenaires

Le 30 Déc 20

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De l’expertise à l’expérience

Dans le cadre de ses activités, Nadja reçoit de nombreux adultes (enseignants, éducateurs, animateurs, intervenants psycho-médico-sociaux) confrontés à des jeunes qui adoptent des conduites addictives (consommation de drogues légales et illégales, rapport problématique au jeu, à la nourriture…).
Leur demande initiale à l’asbl en tant que spécialiste dans le domaine des assuétudes consiste à solliciter une intervention auprès de ces jeunes. En filigrane, ces adultes espèrent que «les experts» de Nadja vont divulguer des informations irréfutables permettant de démontrer le danger des conduites addictives, dont principalement la consommation de drogues.
Or, de nombreuses études ont démontré que les informations centrées uniquement sur les effets des produits ne s’avèrent pas efficaces pour modifier un comportement de consommation. Elles risquent même d’être contre-productives, d’éveiller l’intérêt pour les produits.
Ce savoir sur les produits est certes nécessaire mais doit s’intégrer dans une approche globale de la problématique qui tienne compte du vécu des jeunes et des différents contextes dans lesquels ils évoluent.
Ces adultes qui sont en contact régulier avec les jeunes dans leurs différents milieux de vie sont à même d’établir un dialogue avec leur public, d’aborder la problématique de consommation et d’amener une réflexion sur les conduites à risque. Ils pourront également gérer de nombreuses situations dans les limites de leur fonction. Seules les situations jugées trop complexes nécessitent un accompagnement vers des structures de prise en charge.
Cependant, ces adultes communiquent souvent leur sentiment d’incompétence pour aborder ce thème. Soit ils n’ont jamais expérimenté de drogues et se sentent démunis pour délivrer des informations; soit ils en ont fait l’expérience lorsqu’ils étaient adolescents et se sentent mal à l’aise pour donner des conseils.
Ils soulignent également le manque d’aide méthodologique actuellement accessible et le manque de temps pour pouvoir se former.
C’est à ce stade que «Mille facettes» intervient pour donner à ces adultes relais les moyens pour atteindre leurs objectifs.
«Mille facettes» est un outil pédagogique, dont la forme souple, attractive et évolutive constitue un nouveau point d’appui pour accompagner les adultes dans leur rôle d’acteurs de prévention en matière d’assuétudes.
Cet outil aidera l’animateur à ouvrir le dialogue avec les jeunes, depuis la fin de l’enseignement primaire jusqu’à la fin des humanités, en situant l’usage de produits psychotropes dans leurs préoccupations et motivations de jeunes.
Les thèmes développés jettent un pont entre les générations en recadrant la consommation de produits psychotropes dans diverses facettes de toute expérience humaine: la dépendance, la modification de conscience, le rapport aux normes, l’appartenance à un groupe, etc.

Nadja, trente ans d’expérience

L’asbl Nadja a vu le jour en 1978 et s’est spécialisée dans l’information, la prévention et le traitement des dépendances. Ses activités se développent autour de trois services:
-un centre de documentation (qui regroupe plus de 8000 références, et est ouvert aux professionnels comme au grand public);
-un service de traitement (consultations destinées aux consommateurs en difficulté ainsi qu’à leur entourage, formations et supervisions de professionnels);
-un service de prévention qui entend promouvoir le rôle actif de chacun (adultes et jeunes) face à la problématique des dépendances. Les adultes présents dans les différents lieux de vie des jeunes (familles, maisons de jeunes, mouvements de jeunesse, AMO, institutions scolaires…) sont en effet des acteurs privilégiés pour les aider à devenir responsables de leurs choix. Ils les connaissent, ont l’habitude de dialoguer avec eux, de les épauler, afin de leur offrir des lieux structurants et de les aider à se construire. La mission de l’asbl consiste donc à renforcer leurs compétences et à les outiller pour qu’ils se sentent à l’aise pour aborder les dépendances avec les jeunes qu’ils côtoient.
Ces trois services partagent une lecture commune de la problématique des assuétudes fondée sur les théories de la communication, qui imprègne les différents axes de travail (préventif, curatif) de Nadja.
Tous les comportements que nous adoptons sont en lien avec ce que nous pensons et ressentons, ils témoignent de ce qui est important pour nous, à un moment précis, dans un contexte donné.
Consommer une drogue est envisagé en tant que comportement humain qui exprime un sens spécifique pour la personne qui y recourt. Celle-ci cherche à obtenir ou préserver ce qu’elle juge important pour elle, à ce moment de son évolution. Si elle n’envisage aucun autre choix satisfaisant, la consommation risque de devenir systématique jusqu’à se transformer en dépendance.
Selon cette lecture, toute réflexion sur les assuétudes se porte sur le sens que peut revêtir l’usage d’un produit, pour un individu, dans un certain milieu de vie. La prévention ne consiste dès lors ni à lutter contre les drogues pour les éradiquer, ni à se focaliser sur les produits ni à essayer d’isoler l’un ou l’autre facteur de vulnérabilité.
Elle ouvre le dialogue sur la recherche de chaque être humain pour accéder au bien être , donner un sens à sa vie, au travers des relations qu’il tisse avec les autres et des multiples événements qui viennent se greffer dans son quotidien. Il ne s’agit pas de préconiser un code détaillé des bonnes ou mauvaises attitudes à adopter mais de susciter l’apprentissage de choix de vie épanouissants, de favoriser l’acquisition de ressources qui permettent à chacun de trouver son identité.
Dans cette optique, toute intervention préventive s’inscrit dans un cadre de communication.
La prévention la plus efficace se vit au quotidien. Elle s’intègre à la vie familiale dès le plus jeune âge. Et plus tard à la vie scolaire puis professionnelle. Les artisans de cette prévention «primordiale» ne sont autres que les adultes qui entourent habituellement les jeunes (parents, éducateurs, travailleurs sociaux, enseignants, responsables et animateurs de mouvements de jeunesse…).
Le travail du service prévention de l’asbl Nadja consiste principalement à accompagner les adultes dans leur rôle d’acteurs de prévention, dans leur cadre de vie, par le biais d’informations, de formations, d’aide méthodologique dans la réalisation de projets…

Les jeunes, acteurs de leur santé

L’objectif de «Mille facettes» consiste à favoriser la communication des jeunes avec les adultes qui les entourent; à les amener à découvrir les différents aspects de leur identité (polarités); à identifier leurs besoins, valeurs, motivations, émotions et sentiments; à analyser leurs comportements et attitudes; à donner sens aux conduites qu’ils adoptent; à développer une image valorisante d’eux-mêmes; à s’exprimer; à s’intégrer dans un groupe en affirmant leur individualité et en respectant la différence de chacun; à apprendre à vivre ensemble dans l’écoute de chacun; à intégrer des repères internes et à donner sens aux limites extérieures; à concevoir des projets de vie; à s’engager dans la réalisation de projets collectifs.
Bref, l’objectif consiste à développer des compétences transversales utiles dans tous les domaines de la vie en plus de connaissances et compétences directement liées à la problématique des assuétudes.
Il s’agit donc d’inciter les jeunes à être acteurs de leur santé et de leur bien-être; à participer à des projets collectifs; et de leur faire acquérir un savoir objectif et critique sur les assuétudes.

«Mille facettes» , théorie et pratique

La partie théorique aborde les connaissances nécessaires concernant:
-la problématique des assuétudes, à savoir les différents facteurs impliqués dans l’interaction P-I-E: «Produit – Individu – Environnement» .
Tous les comportements que nous adoptons (dont la consommation de Produits ) sont en lien avec ce que nous pensons et ressentons (notre Individu alité), ils témoignent de ce qui est important pour nous, à un moment précis, dans un contexte donné ( Environnement );
-la démarche préventive appliquée aux assuétudes dans une optique de promotion de la santé .
Promouvoir la santé, c’est agir sur les différents facteurs (comportementaux et environnementaux) qui la déterminent. Dans cette optique, la santé n’est pas synonyme d’absence de symptômes, de maladies mais d’un équilibre et d’une harmonie de toutes les possibilités de la personne humaine (biologiques, psychologiques, sociales). Cet équilibre exige la satisfaction des besoins fondamentaux (nourriture, toit, éducation, liens affectifs, insertion sociale…) et l’adaptation sans cesse réajustée à un environnement en perpétuelle mutation (Université Sabatier de Toulouse, 1983);
-les règles de base de l’utilisation des outils de prévention.
La partie pratique est constituée de 4 grands thèmes qui peuvent être abordés de deux manières.
Soit en partant directement des 4 grandes classifications des produits psychotropes évoquées par la documentation spécialisée (classification selon les effets psychiques, physiques qu’ils procurent; selon la dépendance psychique, physique, la tolérance qu’ils déclenchent; la classification drogues dures et douces qui débouchent sur la notion d’usage dur et doux; la classification selon le statut légal). Elle souligne les problèmes inhérents à ces classifications, pour déboucher sur les facettes de l’expérience humaine qu’elles interrogent.
Soit en partant de 4 facettes de l’expérience humaine pour y inscrire la consommation de drogues et les assuétudes (la recherche de la modification de conscience, la dépendance, la prise de risques, le rapport au groupe, aux normes, à la société).
Le guide n’impose donc pas un schéma obligatoire. Il est conçu pour permettre à l’animateur de choisir le thème à débattre en fonction de ses préoccupations et de celles des jeunes.
Chacun des thèmes est développé pour l’animateur avec les objectifs de l’animation. Plusieurs fiches-outils détaillées permettent d’aborder ces thèmes en animation.
Une feuille de route permet à l’animateur d’évaluer son animation et aux jeunes d’intégrer les acquis du dialogue.

Deux formations permettent de s’approprier l’outil

Les sensibilisations «Mille facettes» à destination des intervenants (qui vont utiliser directement l’outil avec des jeunes) et des centres documentaires .
Il s’agit d’une sensibilisation aux principes théoriques et à la manipulation de «Mille facettes». Elle s’effectue en 2 séances de 3 heures.
Première séance
– Aborder les connaissances théoriques en matière d’assuétudes;
– Aborder une démarche de promotion de la santé appliquée aux assuétudes;
– Aborder les règles de base de l’utilisation des outils de prévention.
Deuxième séance
Initiation à l’utilisation du guide «Mille facettes» (découverte des fiches-outils, mise en situation…).
La formation accompagnateur «Mille facettes» pour les intermédiaires (qui eux-mêmes vont former des intervenants de première ligne).
Cette formation est dispensée par Nadja et comprend le cycle de base «Communication et Assuétudes» ainsi que les principes théoriques et la manipulation de «Mille facettes». Elle s’étale sur cinq journées.

Un outil demandé et évolutif

Dès sa sortie de presse, «Mille facettes» a suscité l’intérêt de différents acteurs de première comme de seconde ligne. Des demandes de formations mais aussi d’échanges de pratiques autour de l’outil ont émergé de ces deux types d’acteurs.
Ce sont les raisons pour lesquelles un réseau d’acteurs de deuxième ligne, formés à l’utilisation de l’outil, diffuse aujourd’hui localement ce dernier et assure des formations régionales.
A côté de ce réseau d’échange, les futurs utilisateurs auront également, en plus de la possibilité de se former localement à l’utilisation de l’outil, celle de participer à des journées de rencontre et d’échange entre utilisateurs de terrain.
Cet outil est évidemment appelé à évoluer sur base des commentaires et évaluations de ses utilisateurs ainsi que des partenaires du réseau «Mille facettes». Des rencontres régionales permettront aux utilisateurs qui le souhaitent de rencontrer d’autres utilisateurs, d’échanger leurs pratiques et expériences.

Concrètement

«Mille facettes» n’est pas un traité, c’est un guide d’animation. On l’obtient au terme d’une sensibilisation de 6h, effectuée auprès d’un des partenaires du réseau «Mille facettes». Il est en vente au prix de 50€.
Pour connaître les coordonnées des partenaires du réseau «Mille facettes» sur votre territoire et/ou vous former à l’utilisation de cet outil, ou pour en savoir plus sur le projet, contactez Dominique Humblet, Nicole Sténuit, ou Anne-France Hubaux à l’asbl Nadja, rue Souverain Pont 56, 4000 Liège.
Tél.: 04 223 01 19. Ou visitez le site internet https://www.nadja-asbl.be

Sida: plus que jamais la prévention

Le 30 Déc 20

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Les chiffres sur la progression de la pandémie, publiés à l’occasion de la journée mondiale du sida, sont affolants: 22 millions de décès, 36 millions de personnes infectées aujourd’hui, dont les deux tiers en Afrique, plus de 5 millions de personnes contaminées en 2000.
En Europe de l’Est, les nouvelles ne sont guère meilleures, avec une véritable explosion en Russie, qui a connu davantage de nouvelles infections l’an passé que pendant toutes les années précédentes.
Notre pays n’échappe pas à cette tendance préoccupante, même si les chiffres sont moins dramatiques qu’ailleurs. Alors que l’évolution était stable entre 1992 et 1997, on remarque une augmentation de 10 à 15%, ce qui nous mène aux environs de 800 nouvelles infections. La majorité des patients résident dans les grandes villes de la Communauté française.

Un plan actualisé de prévention

Suite aux tables rondes organisées fin octobre, la Ministre Maréchal a présenté les grandes lignes de la future politique de la Communauté française en la matière, qui seront précisées et opérationalisées dans les prochains mois.

Détricotage: info ou intox?

On entend parler d’un important recul de la prévention dans notre Communauté ces derniers temps, certains allant même jusqu’à formuler l’hypothèse de l’existence d’un lien entre le ‘détricotage de la prévention’ et la recrudescence du sida.
Cette affirmation doit être nuancée.
S’il est exact que l’Agence de prévention du sida a été dissoute, qui accordait une priorité absolue aux grandes campagnes médiatiques, cela ne signifie pas pour autant que tout s’est arrêté du jour au lendemain. Les équipes qui avaient eu l’occasion de développer leur expertise par rapport à un aspect particulier de la problématique (populations migrantes, milieu de la prostitution, toxicomanes par voie intraveineuse, etc.) ont pu continuer leur travail, plusieurs campagnes médiatiques ont encore eu lieu, le sida bénéficie de deux Conseils d’avis qui ont la possibilité d’influencer la politique suivie, et bien entendu, la majeure partie des moyens financiers destinés aux programmes de promotion de la santé sont aujourd’hui comme hier dépensés dans ce secteur.
Si on peut comprendre les cris d’alarme actuels (il n’y aura jamais assez d’argent pour une prévention efficace et éthiquement acceptable), que doivent dire les équipes actives dans le domaine de la prévention routière ou du tabagisme, dont les victimes sont incomparablement plus nombreuses que celles du sida dans notre Communauté?

Cinq axes seront développés, dans le respect des principes d’équité, de solidarité et de lutte contre les discriminations qui inspirent depuis le début l’action de la Communauté française:

  • maintien de campagnes d’information et d’actions de prévention vers la population générale et des publics plus vulnérables;
  • implication des personnes atteintes par le VIH dans la prévention: la concrétisation de cette démarche doit faire l’objet d’une attention particulière au plan de l’éthique et impliquer une complémentarité des compétences communautaires et fédérales;
  • poursuite d’un travail d’amélioration de la compréhension de la maladie dans toutes ses dimensions;
  • prise en considération de la spécificité de la problématique (transmission sexuelle, résistance du public et des professionnels) dans le cadre plus général des MST et de la vie affective;
  • renforcement de l’accessibilité du dépistage en partenariat avec les autorités fédérales pour ce qui concerne le financement de l’acte médical de dépistage.

Séropositif ou malade?

La proportion de malades découvrant leur séropositivité au moment de l’apparition des signes de la maladie était de 21% en 1995 et de 41% en 1999 (48% chez les hétérosexuels). Cela ne laisse pas d’être préoccupant pour la prévention et peut être mis en rapport avec la diminution de nombre de dépistages pratiqués (de 600.000 à 500.000).
Point positif: depuis l’utilisation de nouvelles associations d’antiviraux, le nombre de décès liés au sida est en nette diminution en Belgique.

Nouvelle asbl, nouvelle campagne

En mai 2000, plusieurs acteurs travaillant dans le champ de la prévention du sida ont décidé de créer une nouvelle asbl, la Plate-forme prévention sida, dont la mission est de soutenir la concertation autour des axes à développer dans les campagnes de prévention et de mettre en œuvre ces campagnes.
La première réalisation s’adresse aux personnes séropositives et s’intéresse aux difficultés quotidiennes que ces personnes peuvent rencontrer sur les plans médical, social, juridique, psychologique. La brochure Vivre avec le VIH aide à mieux connaître la maladie, fournit des informations précises sur les traitements (qui sont comme chacun sait très contraignants), et des réponses pratiques aux questions que les patients et leur entourage se posent. Le tout est complété par des témoignages de personnes séropositives sur leurs expériences au quotidien.
La plate-forme rappelle aussi aux professionnels confrontés à la maladie les formations qui leur sont destinées.
Plate-forme prévention sida, rue de Tervaete 89, 1040 Bruxelles. Tél./fax: 02-733 72 99. Mél: plateforme@chello.be.

Promotion du don d’organes: bilan de campagne

Le 30 Déc 20

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Dans le texte introduisant notre nouvelle rubrique ‘Communication’ (1), Thierry Poucet nous expliquait le projet de prendre un peu de recul par rapport au traitement médiatique des questions de santé. Bien entendu, le traitement journalistique de la santé est très présent et peut-être de plus en plus dans les médias. Thierry Poucet s’y intéressera de façon prioritaire dans les mois qui viennent. Mais la santé se lit aussi et de manière tout aussi prégnante dans la publicité, sur internet, dans les fictions télévisuelles, etc. Il est tout aussi pertinent de se pencher sur ces vecteurs de communication.
Notre Communauté française a la particularité d’offrir aux organismes actifs en promotion de la santé l’accès aux écrans publicitaires des chaînes radio et TV à des conditions très favorables (les espaces sont offerts, la production des messages étant à charge des annonceurs).
Il est évidemment intéressant d’étudier l’impact de ces initiatives, qui abordent des sujets comme la vaccination, la sécurité routière, le tabagisme,…
Ce premier texte porte sur une campagne concernant un sujet un peu à la marge, le don d’organes.

‘Et si vous en parliez avant?’

Vous avez certainement eu l’occasion de voir ou d’entendre la campagne sur le don d’organes lancée par l ‘Association nationale des greffés cardiaques et pulmonaires (ANGCP) en octobre 1998 et poursuivie en 1999 et 2000.
Depuis quelques années, on a constaté dans le domaine de la transplantation, une augmentation du nombre de demandeurs d’organes et une stagnation voire une régression du nombre de donneurs.
Sujet pour le moins difficile, le don d’organes véhicule de nombreuses idées reçues qui sont heureusement bien loin de la réalité. Il suffit de se rappeler les rumeurs accréditant l’existence d’un trafic d’organes qui circulaient dans les années 90.
De plus, le don d’organes fait référence à la maladie, à la mort ce qui le rend encore plus délicat à traiter.
Ayant entendu parler de la possibilité de disposer d’espaces gratuits sur les chaînes de radio-TV en Communauté française, l’ANGCP a contacté Question Santé – Service communautaire de promotion de la santé chargé de la communication, pour l’aider à mettre en place une vaste campagne de sensibilisation dont l’utilité ne faisait guère de doute. Encore fallait-il trouver le message adéquat et le ton juste.
Au cours d’un groupe focalisé organisé sur ce thème, il est apparu que les personnes présentes avaient encore beaucoup de craintes ou de réticences face au don d’organes:

  • peur que tout n’ait pas été fait pour sauver la personne décédée;
  • difficulté à accepter le décès face à un corps qui semble encore vivre;
  • peur d’un manque de respect du corps lors du prélèvement;
  • crainte de coûts hospitaliers supplémentaires;

Stratégie de communication

Vu le côté encore très tabou et le nombre d’idées reçues autour du don d’organes, le but de la campagne devenait assez évident: tenter de sortir le sujet de l’ombre. Pour l’ANGCP, promoteur de la campagne, le sujet n’était pas encore suffisamment mûr pour lancer une campagne de promotion en faveur du don d’organes. Au vu de la situation en Belgique, il était préférable de commencer une campagne de sensibilisation pour que le public ait l’occasion d’en parler.
L’objectif de la campagne était triple:
– à court terme, inciter le public à demander des renseignements, notamment en appelant le numéro vert 0800-25 600, pour recevoir, gratuitement, un dépliant d’information;
– à moyen terme, faire en sorte qu’un maximum de personnes prennent position avant que la demande de prélèvement d’organes, lors du décès, ne soit présentée à la famille;
– à long terme, faire du don d’organes et de tissus un réflexe normal et pratiquement général et, de ce fait, augmenter l’offre par rapport à une demande qui ne cesse de croître.
Le public visé par cette campagne est, bien entendu, le grand public. Si l’on veut être plus précis, on pourrait dire que le cœur de cible est constitué des personnes qui n’ont jamais réfléchi à la possibilité qu’un jour, elles pourraient se retrouver dans la situation de donneur ou de receveur d’organes. Car, à part les personnes ayant, dans leur entourage, un greffé ou un donneur, le sujet est rarement abordé avant que la situation ne se présente.
Outre le grand public, il semblait extrêmement important de toucher des publics spécifiques qui jouent un rôle crucial à certains moments : médecins, pharmaciens, agents de mutuelles, employés communaux,…
Le promoteur a choisi, bien entendu, la télévision et la radio, comme supports principaux à sa campagne de sensibilisation puisqu’il pouvait disposer d’espaces gratuits sur les chaînes francophones de la Communauté française. Il a néanmoins complété ces supports grand public par des dépliants, un numéro vert , un site internet, ainsi qu’un mailing adressé aux médecins, pharmaciens, hôpitaux, mutuelles, communes et écoles.
Le spot télévisé, correspondant à la partie la plus visible de la campagne, a été divisé en deux parties: l’accrochage est basé sur la situation réelle que vivent les familles lorsqu’elles sont confrontées à une prise de décision urgente quant à un éventuel don d’organes de leur proche décédé. On entend ainsi, en voix off, les questions incessantes que se posent les parents du défunt.
La deuxième partie du spot est plus informative et se termine classiquement par le numéro de téléphone auquel les gens peuvent appeler pour recevoir gratuitement un dépliant sur le don d’organes.

Interprétation des résultats

Au départ, l’objectif était d’inviter les gens à aborder la question du don d’organes sans délai, c’est-à-dire sans attendre que le problème se pose en pratique.
Il apparaît que la campagne a dépassé son objectif initial de simple sensibilisation, puisqu’un nombre accru de personnes ont été jusqu’à effectuer une démarche active auprès de leur commune pour faire enregistrer leur décision au Registre national.
Cela est frappant en comparant les statistiques d’inscriptions avant, pendant et après la campagne.
Trois chiffres demandent une explication. Pour les deux premiers, on ne peut avancer qu’une hypothèse basée sur la préparation de la campagne; pour le troisième, l’explication est plus aisée.

  • L’augmentation du nombre des démarches, en septembre 98, c’est-à-dire avant le lancement de la campagne, est probablement due au nombre important de personnes sensibilisées au cours des diverses réunions préparatoires et à des démarches spécifiques de l’ANGCP.
  • Pour ce qui concerne octobre 98, cette hypothèse joue également, combinée au démarrage de la diffusion sur les ondes (la première vague avait lieu du 16 au 31/10/1998).
  • Le nombre d’acceptation pour la Wallonie-Bruxelles de juin 99 a été volontairement supprimé du tableau, car il crève tous les plafonds et atteint le chiffre record de 5.951 inscriptions. Mais cela était dû à l’opération « Bourgmestres en Cœur » à l’initiative des quatre partis démocratiques de la Communauté française, qui permettait la déclaration de décision (acceptation ou refus) sur place au moment du vote lors des élections législatives de juin 99.

Pour le reste, tant la progression du nombre d’inscriptions en 99 par rapport à 98 que la différence spectaculaire du nombre des acceptations en Communauté française par rapport à la Flandre (qui n’a pas bénéficié de la campagne) en 99 se passent de commentaire. L’effet campagne est très puissant.
Il faut noter aussi que le nombre de refus est aussi plus important dans le sud du pays, ce qui est normal vu la mise en avant du sujet en Communauté française. Cette augmentation des refus témoigne en toute hypothèse d’une sensibilisation au sujet, qui est en soi positive.
De toute façon, et c’est heureux, les démarches positives l’emportent et largement sur les déclarations de refus!(1) Lire Journaliste de santé publique, une espèce en voie d’apparition?, par Thierry Poucet, Education Santé n° 153, novembre 2000.

Boire sans déboires?

Le 30 Déc 20

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Louvain-la-Neuve, le jour, Louvain-la-Neuve la nuit, un monde de différences!
Dans les rues, à partir de 22 heures, cartables, crayons bien taillés, chemises à carreaux laissent leur place aux calottes et aux tablards…
Louvain-la-Neuve, son université, son lac, son architecture parfois douteuse, son Aula Magna, mais aussi ses étudiants, ses baptêmes, ses guindailles, sa bière, ses soirées jusqu’au bout de la nuit, ses soirées à boire et à déboires.
L’animation étudiante a des centaines d’années derrière elle, empreintes de folklore, de chants et de traditions. En perpétuelle évolution, elle a toutes les chances de vivre d’autres jours tout aussi mémorables.
Hier encore, l’animation était presque clandestine, limitée à certains endroits sombres de la ville. Aujourd’hui, elle vit au coeur de celle-ci, en pleine lumière, au milieu des étudiants, des commerçants, des habitants. Reconnue de tous, elle fait l’objet d’un véritable partenariat entre les étudiants et les autorités académiques et communales.
Les exemples relatifs à cette collaboration sont légions: tantôt ponctuels, tantôt inscrits dans la durée…

La charte AUNE

(1)
Elle encadre l’ensemble de l’animation sur les deux sites de l’UCL. A l’instar d’une constitution, elle est régulièrement amendée, remaniée, elle fait l’objet des plus âpres négociations afin de coller avec son temps, avec l’avenir de l’animation étudiante de l’UCL et de la ville.
Autour de la table, les acteurs discutent de modalités techniques et pratiques et tentent d’instaurer des mesures touchant à la sécurité, à la santé, à l’hygiène, à l’environnement.
On détermine ainsi de manière contractuelle les zones de nettoyage, les heures de fermeture des différentes surfaces d’animation, les limites sonores à ne pas dépasser, les boissons qui peuvent être vendues et consommées.
L’objectif de la charte est très clair: permettre à l’activité étudiante de se développer tout en évitant les débordements et désagréments qui mettraient en péril le devenir du vivre ensemble sur notre site universitaire.
En début d’année, tous les responsables d’animation signent la charte et s’engagent à l’observer le plus attentivement possible.
Ainsi, de présidents de collectifs en présidents de cercles, de régionales et de KAP (pour ‘kot à projet’), ce sont quelques centaines d’étudiants qui s’engagent à en encadrer des milliers d’autres, nuits après nuits.
Certes, la charte AUNE n’a pas tout résolu et il reste des sujets de frictions entre les étudiants, les autorités académiques, les commerçants et les habitants. Mais «la» charte de l’UCL peut s’enorgueillir d’être à l’origine d’une diminution significative des plaintes pour insalubrité ou pour tapage nocturne, et aussi des interventions des forces de l’ordre et des services de premiers secours.
La «Grande» charte a même donné naissance à des rejetons.
Ainsi, et aussi incroyable que cela puisse paraître, même les baptêmes et autre bleusailles font l’objet d’un accord entre étudiants et autorités universitaires.
Ainsi, avant même que quelqu’un ait pu entendre le gong de la rentrée quelques règles essentielles sont fixées:
-le nombre d’activités de bleusailles par semaine;
-minuit comme heure limite à laquelle devront être clôturées les activités;
-l’accompagnement des participants à leur domicile tous les soirs;
-la date limite que les activités de baptême ne pourront dépasser, celle des 24 heures vélo;
-la réglementation de la consommation d’alcool durant l’activité que ce soit pour les organisateurs ou pour les participants.

Effets probants

Le résultat de ce contrat «UCL-étudiant» est encore une fois facile à évaluer… Pas de plainte, d’incidents graves, pas même une petite hypoglycémie ou un petit étourdissement, c’est dire!
De part et d’autre, on se félicite de ce changement. Il a permis de maintenir l’existence d’une tradition étudiante dans des limites raisonnables et acceptables pour chacune des parties.
C’est bien cette même pratique initiatique, qui, il y a quelques années encore, un peu partout en Belgique signifiait un aller simple pour l’hôpital pour quelques dizaines de «petits bleus».
Passons maintenant à d’autres initiatives, issues du monde étudiant.
Si le monde étudiant dans son ensemble a adopté depuis plusieurs années une réflexion et une attitude proactive en la matière, il ne faut pas le rendre trop angélique pour autant. L’animation reste essentiellement financée par les débits de boisson dont elle dispose et comme partout, du conseil d’administration de l’UCL au petit bar de cercles ou de régionales, on grappille après le moindre centime.
C’est pourquoi les responsables de l’animation étudiante sont particulièrement attentifs aux discours qu’ils tiennent, aux actions qu’ils mènent: il s’agit d’étudiants qui s’adressent à d’autres étudiants.
En aucun cas il ne s’agit de faire passer un message radical, accusateur et moralisateur à nos pairs. Notre but est de conscientiser et de responsabiliser l’étudiant par rapport à sa propre consommation d’alcool, de lui faire comprendre que l’on peut boire autrement qu’excessivement.

Numéro spécial des Cahiers de Prospective Jeunesse

Le comportement des jeunes face à l’alcool se modifie, il se rajeunit, il se féminise. Les stratégies commerciales mises en œuvre pour toucher cette cible essentielle deviennent de plus en plus variées et pointues. Comment faut-il réagir? En observant, en dénonçant, en éduquant?
Plusieurs associations des secteurs de la prévention et de la jeunesse ont organisé, le 18 mai 2004, un colloque consacré à cette question. Il s’agissait de faire un état des lieux :
-des données épidémiologiques de la consommation d’alcool par les jeunes;
-des stratégies commerciales et communicationnelles des producteurs et distributeurs d’alcool, ainsi que des messages véhiculés par les médias;
-des actions de prévention ou de promotion de la santé liées à la problématique;
– des aspects juridiques et législatifs de la question.
Le texte de Virginie Verton est extrait de ce numéro de grande qualité.
Le 32e Cahier de Prospective Jeunesse contenant les actes de ce colloque est disponible. Pour le commander (10 €) ou recevoir la liste des autres numéros parus, contactez Claire Haesaerts, Secrétaire de rédaction, tél.: 02 512 17 66, fax: 02 513 24 02, courriel : claire.haesaerts@prospective-jeunesse.be. Site internet : https://www.prospective-jeunesse.be
Pour en savoir plus sur la constitution du Réseau Jeunes et Alcool en Communauté française, contactez Florence Vanderstichelen ou Martin de Duve, à l’asbl Univers Santé, place Galilée 6, 1348 Louvain-la-Neuve. Tél.: 010 47 28 28, fax : 010 47 26 00, courriel:
jeunes-alcool@univers-sante.ucl.ac.be

Pour atteindre ces objectifs, les organisateurs de soirées utilisent des stratégies diversifiées.
Certains utilisent le média de la presse étudiante, à disposition d’un très large public, pour faire passer des messages de prévention à la fois sérieux et ludiques. D’autres s’adressent à la population qu’ils connaissent le mieux: les individus qui participent de manière régulière à leurs propres activités.

Quatre réussites

La Quinzaine de la bière

A l’origine de cette initiative, des étudiants issus du cercle de la Maison des Sciences.
La bière est de loin la première boisson alcoolisée consommée sur le site. Le nombre d’hectolitres bus chaque année ferait frissonner toutes les mamans!
La bière est la boisson de prédilection des soirées étudiantes pour diverses raisons. Il s’agit d’une boisson désaltérante dans les ambiances les plus chaudes, d’une boisson extrêmement démocratique pour le portefeuille de l’étudiant, et pour finir d’une boisson également pratique; servie en gobelet en plastique, elle s’emporte partout et ne peut devenir un projectile dangereux…
La Quinzaine de la bière est diamétralement en opposition avec ce type de consommation de notre breuvage national. La Maison des Sciences s’engage à redonner à la bière ses lettres de noblesse et à donner raison à ceux qui prétendent que la bière fait tout autant partie du patrimoine économique que culturel de la Belgique.
A deux reprises au cours de l’année, le consommateur peut se rendre dans ce cercle étudiant pour apprécier une ambiance plus feutrée et intimiste que les soirées surpeuplées auxquelles il a l’habitude de se rendre. Il appréciera le fait qu’il peut s’asseoir tranquillement à une table avec ses amis, bavarder ou jouer aux cartes… Tout cela, l’étudiant pourra le faire, s’il a réussi à choisir la bière qu’il souhaite boire. Car c’est en proposant près de cinq cents sortes de bières à son public que la Quinzaine de la bière a forgé sa réputation. Les bières spéciales sont alors servies dans les verres qui leur sont spécifiques et elles sont agrémentées des fromages qui y correspondent quand cela est possible.
Lors de cette activité, l’étudiant consommateur boit donc différemment. Il boit généralement moins car les tarifs sont plus élevés que dans les soirées habituelles et il apprend surtout à apprécier ce qu’il boit, à ne pas simplement boire pour boire, bref il apprend à boire autrement.
Le succès populaire de cette activité ne s’est jamais démenti au cours des dernières années. La Quinzaine a encore de beaux jours devant elle.

Les stages de prévention routière

Dans le courant du mois d’octobre 2003, le groupement des cercles louvanistes proposait à tous les étudiants du site de participer à des cours et des stages de conduite préventive. Bien sûr, il n’y a pas de voiture dans les rues de Louvain-la-Neuve, bien sûr… Mais tous les soirs, beaucoup d’étudiants qui ne kottent pas rejoignent leurs pénates en voiture.
Par ailleurs, le guindailleur piéton en semaine devient régulièrement un guindailleur motorisé en période de vacances ou de week-end. Aussi est-il apparu essentiel de pouvoir proposer aux étudiants une activité au cours de laquelle les gestes et les attitudes à adopter pour devenir un bon conducteur leur seraient rappelés.
Une large partie des cours est consacrée à démontrer les effets que peut avoir l’alcool sur le physique du conducteur, sur ses perceptions des distances, des contours, des vitesses. Un éthylotest permet également à l’étudiant de se rendre compte de ce que représente en grammes dans le sang la consommation de quelques petites bières…
Un stage pratique de maîtrise routière est également proposé afin que chacun puisse se rendre compte à quel point, même en étant sobre, il peut parfois être difficile de garder le contrôle de son véhicule.
Cette activité connaît un succès croissant et encourageant pour ses organisateurs. Les résultats restent cependant difficiles à évaluer.

La campagne MST

La campagne de prévention des maladies sexuellement transmissibles s’est déroulée au cours du mois d’octobre 2003. Son but était clair: sensibiliser les étudiants et les étudiantes sur leurs comportements sexuels. Les derniers sondages enregistrés en Belgique mettaient en évidence une augmentation des maladies sexuellement transmissibles et des pratiques à risque chez les plus jeunes.
Les grands collectifs étudiants de l’UCL se sont donc engagés à réagir. Les journaux étudiants ont par exemple fait paraître différents articles de prévention. Avec l’aide et le soutien d’Univers Santé, une distribution de brochures explicatives rappelant tous les moyens de contraception et de protection a été effectuée de manière large. Lors de certaines soirées thématiques, des préservatifs ont également été distribués aux filles comme aux garçons.
Bien sûr, ces actions étudiantes visaient en premier lieu la prévention… Mais elles voulaient également rappeler les effets que l’alcool peut avoir sur le comportement des individus et mettre en garde contre toutes ces choses qui sont toujours arrivées trop vite, sans trop savoir, parce qu’on avait trop bu, parce qu’on était trop saoul.
Les organisateurs de cette campagne ont souhaité évaluer l’impact de leur action. Un sondage a été organisé et démontre tout l’intérêt qu’il y a à organiser pareille action sur les sites de l’UCL et l’intérêt qu’il y a à réitérer l’initiative au cours des années à venir.

La semaine de «prévention alcool»

La semaine prévention alcool est une activité organisée par les cercles étudiants qui s’est déroulée en novembre.
Le but était d’organiser une activité inter-facultaire s’adressant à l’ensemble du site. L’objectif était de faire de la sensibilisation par rapport à l’alcool en général en suscitant un intérêt lié aux études que suit l’étudiant.
Les étudiants du cercle d’agronomie ont organisé une visite de brasserie et de distillerie mettant ainsi en évidence tout un département de leur faculté.
Les étudiants issus du cercle de médecine, d’éducation physique, de sciences et de pharmacologie ont organisé une conférence et une exposition sur les effets de l’alcool sur le physique des individus et des athlètes de haut niveau ainsi que sur les interactions que la consommation d’alcool peut avoir avec les médicaments.
Le cercle des étudiants en sciences économiques sociales et politiques en collaboration avec le cercle de psychologie a mis en évidence les campagnes et les stratégies de vente qu’utilisent les brasseurs et autres producteurs d’alcool pour écouler leurs produits sur nos marchés. Au cours d’un débat, ils ont eu l’occasion d’interpeller différents dirigeants et négociants d’alcool ainsi que des spécialistes qui ont évoqué les problèmes d’assuétudes liés à l’alcool.
Ces activités ont eu lieu au cours de la même semaine. Elles ont permis à l’étudiant d’être sensibilisé à l’alcool et à sa consommation d’une manière toute particulière et finalement très éloignée des campagnes de prévention de masse. L’objectif est de toucher l’étudiant dans ce qu’il a de particulier.
Le second objectif est de susciter un intérêt général lié au programme de cette semaine prévention alcool dans sa globalité. Une participation à chacune de ces activités a permis aux étudiants de faire l’historique du contenu d’un verre, depuis sa fabrication et son achat jusqu’à son ingestion et de voir quelles sont les étapes de la consommation, l’évolution comportementale de chacun.

Voilà donc quatre exemples d’activités et d’initiatives étudiantes liées de près ou de loin à la jeunesse et à la consommation de boissons alcoolisées. Elles ne cherchent pas à nier la réalité ‘alcoolique’ du monde où nous étudions, mais, lucidement et modestement, à accompagner notre consommation avec respect et bon sens.
Virginie Verton , Présidente du Groupement des cercles étudiants de l’UCL 2003-2004
Ce texte reprend l’intervention de l’auteur lors du colloque ‘Jeunes et alcool’, qui s’est tenu à Louvain-la-Neuve le 18 mai 2004.Il apparaît aussi dans les actes du colloque, disponibles àUnivers Santé .
Adresse de l’auteur: Virginie Verton, c/o Univers Santé, Place Galilée 6, 1348 Louvain-la-Neuve
(1) Signifie animation universitaire. Cela fait référence à une charte entre le vice-rectorat de l’UCL et les collectifs étudiants portant sur la limitation dans le temps des activités de guindaille au profit d’activités de qualité.

Les Mauriciens creusent leur tombe avec leurs dents

Le 30 Déc 20

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Quarante pour cent des Mauriciens de plus de 30 ans sont obèses et un sur cinq souffre du diabète. Les maladies non transmissibles, les MNT, sont devenues un problème majeur de santé publique à Maurice. En cause: une mauvaise alimentation et le manque d’exercice, revers du miracle économique.
Balram Beeharry, la cinquantaine, avance péniblement, aidé de son petit-fils, dans la salle d’attente d’une clinique privée à Port-Louis. Amputé d’une jambe, il fait une dizaine de pas et finit par se laisser tomber sur une chaise. ‘ C’est le diabète qui est la cause de mes problèmes de santé . Ma deuxième jambe est également affectée . Je ne sais si on va l’amputer aussi . Comment vais je continuer à vivre ?’, dit-il, les larmes aux yeux.
Des cas semblables, on en compte des milliers à Maurice. Les chiffres officiels sont alarmants: au moins 200.000 diabétiques pour 1,2 million d’habitants, sans compter les 60.000 cas probables non encore formellement diagnostiqués. Les caravanes de santé qui sillonnent villes et villages depuis deux ans ont fait un constat effarant: 40 % des adultes de plus de 30 ans sont obèses, 30 % sont hypertendus et 20 % diabétiques. À Maurice, un décès sur deux est lié à ces ‘maladies non-transmissibles’.
Même des enfants souffrent à présent du diabète. Officiellement, 300 cas ont été recensés. Bradley Fleury, cinq ans, est insulino-dépendant depuis quelques mois déjà. Jordan Babet, sept ans, est décédé le 10 février dernier de complications liées au diabète. Une semaine plus tard, sa mère emmenait ses trois autres enfants, âgés de 13, 10 et 4 ans, à l’hôpital pour y subir un test de glycémie.

Résistance au dépistage

La réalité serait encore pire que ce qu’indiquent les chiffres car les Mauriciens ne se soumettent pas volontiers au dépistage volontaire, pourtant gratuit, même si les caravanes de santé se présentent à leur porte. Ils ne réagissent pas non plus aux premiers symptômes et attendent l’apparition de complications sérieuses pour se soigner. Et même dans ce cas, environ 80 % des diabétiques diagnostiqués ne suivent pas correctement leur traitement malgré l’existence de remèdes et de structures d’accueil adéquates.
Au centre de chirurgie cardiaque, le Dr Sunil Gunness voit arriver aux urgences des patients de plus en plus jeunes, obèses ou avec des taux de cholestérol vertigineux sans compter les fumeurs malades des artères. ‘ Nous les voyons au bout de la chaîne à un stade avancé de leur maladie , de plus en plus jeunes , à partir de 35 40 ans . 75 % des patients opérés du cœur sont diabétiques ‘, précise-t-il. Ici, 150 angiographies (radio des vaisseaux) sont effectuées tous les mois mais 12.000 personnes se trouvent sur la liste d’attente.
Trop de sucre, d’huile, de fast-food, d’amuse-gueule et de boissons gazeuses ont détérioré la santé des Mauriciens. ‘ Les Mauriciens mangent de plus en plus mal ‘, affirme la nutritionniste Rosida Dookun . La grande majorité mange dans la rue ou des petits restaurants. Le repas de midi se compose de dholl puris , des rouleaux de pâte épicés, des nouilles grasses, de la viande, préparés dans des conditions d’hygiène douteuse. Ces mauvaises habitudes se sont généralisées dans les années 95/96, cinq à six ans après le début du miracle économique mauricien. Traditionnellement, on mangeait beaucoup de légumes et très peu de viande à Maurice: ce n’est plus le cas. La ‘mal-bouffe’ n’épargne personne: citadins et ruraux de toutes communautés sont frappés.

Malades du temps

Il faut beaucoup de volonté pour contrôler son alimentation ‘, se défend Michel Bontemps, 35 ans, et diabétique. ‘ Je suis consciente des risques que comportent une mauvaise alimentation et le manque d’activités sportives pour ma santé . Mais comment faire dans cet environnement économique qui nous fait courir à gauche et à droite depuis dix ans ?’, déclare Anju Kheerpah, une fonctionnaire. Faute de temps, les Mauriciens achètent des produits congelés et prêts à consommer. Rançon de la modernité, personne n’a plus le temps de préparer des repas ni de pratiquer une activité sportive, ne serait-ce que la marche. 72 % de la population ne pratiquent aucune activité physique.
Pourtant, le public est averti régulièrement des conséquences de ces maladies sur la santé. Depuis 1998, les campagnes de sensibilisation se succèdent dans les médias et à travers tout le pays. Durant les dernières vacances scolaires, en novembre et décembre dernier, les membres du Groupement des diabétiques, aidés des collégiens, ont fait du porte-à-porte à travers l’île pour sensibiliser les gens et effectuer des tests de dépistage du diabète. Les autorités ont même fait venir des acteurs indiens, très populaires, pour encourager les Mauriciens à s’adonner à des activités physiques dans un but de prévention.
Fin 2003, le ministre de la Santé a appelé tous les adultes de plus de 18 ans à se soumettre à un dépistage de ces maladies de ‘civilisation’, ‘symptôme ou pas’. La présidente de l’Association mauricienne du diabète, Mme Ursule Ramdanee , réclame, elle, qu’un budget séparé soit alloué par l’État pour le traitement de cette maladie, étant donné ses conséquences sur la santé publique. Elle demande aussi que le diabète et les autres maladies non transmissibles soient expliqués aux enfants dès l’école primaire.
Nasseem Ackbarally , InfoSud – Syfia

Il faut agir contre le diabète

Le 30 Déc 20

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D’après de nouvelles estimations, le diabète serait à l’origine de 3,2 millions de décès chaque année.
C’est le chiffre avancé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et la Fédération internationale du diabète (FID) à l’occasion du coup d’envoi de leur programme commun ‘Il faut agir contre le diabète’. D’après les toutes dernières estimations, six personnes meurent directement ou indirectement du diabète chaque minute, soit le triple du chiffre estimé jusqu’à présent. (1)
Le diabète est un grave problème de santé publique qui gagne rapidement du terrain et dont les effets les plus sensibles se font sentir sur la population active des pays en développement ‘, explique le docteur Catherine Le Galès-Camus , Sous-directeur général de l’OMS pour les maladies non transmissibles et la santé mentale. ‘ Dans la plupart des pays en développement , il est à l’origine d’au moins un décès sur dix chez les adultes de 35 à 64 ans , proportion qui atteint parfois un sur cinq .’
Le diabète est devenu l’une des principales causes de morbidité et de mortalité prématurées dans la majorité des pays, essentiellement parce qu’il augmente le risque de maladie cardiovasculaire.
Le programme ‘Il faut agir contre le diabète’ est financé grâce à une subvention octroyée à la FID par la World Diabetes Foundation et par des fonds de l’OMS. Il a pour but de faire mieux prendre conscience du problème du diabète, d’encourager et de soutenir l’adoption de mesures efficaces pour la prise en charge et la prévention de cette maladie dans les pays et les communautés à revenu faible ou moyen.
Il est possible de bien soigner le diabète et de réduire considérablement le risque de complications ‘, affirme le Professeur Pierre Lefèbvre , Président de la FID. ‘ Il est prouvé que de simples ajustements du mode de vie comme une bonne alimentation et l’exercice physique , souvent complétés par un traitement médicamenteux , aident les diabétiques à mener une vie riche et saine . Souvent , il suffit d’intervenir sur le mode de vie pour prévenir le diabète de type II , qui est responsable de plus de 90 % des cas .’
Le diabète est une maladie courante dont la fréquence augmente à une vitesse alarmante partout dans le monde. En 2000, on recensait 171 millions de diabétiques dans le monde; leur nombre devrait plus que doubler d’ici 2030 et atteindre 366 millions au total. Cette montée en flèche résultera essentiellement d’une augmentation de 150% dans les pays en développement.
Pour plus d’information: International Diabetes Federation, av. E. De Mot 19, 1000 Bruxelles. Tél. 02 538 55 11. Fax 02 538 51 14. Courriel: info@idf.org. Site: https://www.idf.org (en anglais).
D’après un communiqué de presse du 5 mai 2004.
(1) Ces estimations reposent sur la différence relative du risque de décès entre diabétiques et non diabétiques. Elles incluent les décès pour lesquels le diabète serait la cause initiale ou serait mentionné comme état morbide contributif sur le certificat médical de cause de décès.