C’est au début du siècle que l’initiative One Health a émergé. Cela veut dire une seule santé.
Au cours du temps, l’hyperspécialisation en tout genre, y compris médicale, a généré petit à petit une fragmentation des concepts, une séparation des disciplines de santé que ce soit humaine ou animale. Pourtant plus de la moitié des maladies humaines infectieuses connues ont une origine animale. Les zoonoses se transmettent des animaux à l’homme, et vice versa. Les pathogènes en cause peuvent être des bactéries, des virus ou des parasites. La transmission de ces maladies se fait soit directement, lors d’un contact entre un animal et un être humain, soit indirectement par voie alimentaire ou par l’intermédiaire d’un vecteur, un insecte par exemple. Ce genre de maladie peut être favorisé par des déséquilibres écologiques et/ou climatiques qui vont favoriser la multiplication d’un vecteur ou une résistance accrue du germe dans certaines conditions.
Rien de plus illustratif que la crise du Covid-19 que nous traversons, un virus qui s’est répandu rapidement sur toute la surface du globe et dont on soupçonne l’évolution passée par le règne animal.
De nombreuses études soulignent l’impact majeur de l’environnement sur la santé humaine. Selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS), 20% de tous les décès humains seraient attribuables aux facteurs environnementaux. Vu l’extrême complexité et diversité de ces facteurs et de leurs effets, les organisations sanitaires internationales et fédérales insistent sur l’importance de former les professionnels impliqués dans les secteurs de la santé publique, santé animale, santé végétale et de l’environnement. Ces différents secteurs sont en effet intimement liés et restent trop souvent gérés distinctement. L’appel à une intégration des disciplines scientifiques et à une collaboration intersectorielle dans la santé, alors comprise au sens large, constitue le cœur des approches promues sous les concepts One Health et EcoHealth, ou approches écosystémiques de la santé. Selon ces concepts, une aptitude à la pensée systémique doit être acquise par différents professionnels de la santé pour tenir compte des effets de feedbacks : effets de l’homme sur son environnement et effets de cet environnement sur la santé humaine.
L’objectif de cette formation est l’acquisition de compétences permettant d’identifier, évaluer, prévenir et répondre adéquatement aux risques pour la santé d’origine environnementale, reliés à des menaces, des contaminants et des nuisances de nature biologique, chimique ou physique. S’adressant à une diversité de professionnels de la santé, cet objectif s’intègre parfaitement dans l’approche One Health et EcoHealth, actuellement prônée par l’OMS, l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO), l’Organisation mondiale de la santé animale (OIE), la Convention pour la Diversité Biologique (CBD) et le Programme des Nations unies pour l’Environnement (PNUE).
Cette approche est soutenue par la co-organisation de cette formation avec la Haute Ecole Robert Schuman de Libramont, la Faculté de Médecine Vétérinaire et la Faculté de Médecine de l’Université de Liège.
A l’issue de ce certificat, l’apprenant doit être capable de mobiliser un corpus de savoirs lui permettant d’identifier les atteintes de santé dues aux expositions environnementales et d’appréhender la santé dans une approche écosystémique, de mettre en œuvre des actions appropriées pour prévenir et/ou résoudre un problème de santé environnementale.
L’apprentissage vise aussi les stratégies de communication pour permettre de sensibiliser efficacement sur les risques lors d’un colloque singulier, dans des relations interpersonnelles, mais aussi lors d’échanges d’informations avec des collègues, d’autres praticiens, décideurs, groupes d’intérêt, publics, etc. notamment par l’intermédiaire des médias (radio, télévision, Internet, presse) et conférences.
Une autre compétence amenée par le certificat est la capacité d’articuler les concepts de base de la santé publique, animale et environnementale afin d’assurer la compréhension de leur valeur et de leur importance lors d’un colloque singulier ou lors d’échange collectif, d’éduquer efficacement l’individu/groupes d’individus sur les questions de santé environnementale et à l’approche écosystémique de la santé. Cela passe aussi par la création de partenariats et d’alliances avec d’autres personnes et organisations afin d’apporter une plus-value en matière de santé environnementale, et donc développer des réseaux interdisciplinaires.
L’approche écosystémique est une méthode de gestion globale du sol, de l’eau et des ressources vivantes qui sont intégrées pour favoriser la conservation et l’utilisation durable et soutenable des ressources naturelles, afin de respecter les interactions dans les écosystèmes dont l’être humain dépend. En résumé, toutes les parties d’un écosystème sont liées, il faut donc tenir compte de chacune d’entre elles. Cela prend en compte l’impact des activités humaines ou des transformations naturelles de l’environnement sur leur écosystème et les répercussions qui s’ensuivent sur leur santé.
C’est justement cette approche globale qui est mise en avant et promue par le certificat en « Santé environnementale – approche écosystémique » organisé par l’Université de Liège. Les professeurs intervenants sont des médecins, des vétérinaires, toxicologues, climatologues et océanologues… La crise du Covid-19 a forcé l’adaptation de certains enseignements à distance et nous espérons pouvoir conserver l’expérience acquise en distanciel pour une partie des enseignements à dispenser.
Nous clôturons actuellement la troisième édition, le nombre de participants augmente d’année en année. Comme évoqué, la situation sanitaire actuelle ne fait que nous rappeler l’importance à redonner à la protection de l’environnement et à la vision globale.
On a beaucoup entendu parler « des jeunes » durant la crise sanitaire qui a frappé notre pays. Pendant que d’aucuns les accusaient de négliger les précautions sanitaires et de participer à la propagation du virus, de nombreux professionnels travaillant avec ces publics n’ont pas tardé à pointer le manque de communication adaptée à leur égard et se sont alarmés des conséquences désastreuses de la réduction drastique de leur vie sociale et académique sur leur santé mentale. Marie-Marie van der Rest, chargée de communication chez Univers santé, a accepté de revenir avec nous sur la campagne Kot’Vid Friendly, à destination du public étudiant, née dans cette période si particulière.
Genèse du projet : se réinventer en temps de Covid
Lorsque le premier confinement a été annoncé au printemps 2020, face à la soudaineté de la situation, l’association a dans un premier temps relayé les recommandations officielles des autorités. En parallèle, elle a continué à travailler ses thématiques d’actions habituelles, mais sous l’angle de la Covid-19 et du confinement. Par exemple, en abordant des questions telles que « comment maintenir une activité physique», «comment maintenir ses relations malgré la distance » ou encore, en faisant de la prévention en matière d’assuétudes. Si, à la faveur du déconfinement, les étudiant·e·s ont pu se retrouver à la rentrée, le spectre de la seconde vague s’est rapidement fait sentir.
À cette époque, le Service d’aide aux étudiant·e·s de l’UCLouvain recevait de nombreuses interrogations concernant la mise en quarantaine. L’équipe professionnelle constatait que, si beaucoup d’étudiant·e·s cherchaient à se faire tester pour continuer à assister aux cours et maintenir – autant que faire se peut – une vie sociale, de nombreux malentendus subsistaient quant à la quarantaine, d’autant que les règles évoluaient sans cesse en fonction de la situation sanitaire.
En octobre, en collaboration avec l’UCLouvain, Univers santé a donc imaginé un arbre décisionnel. L’objectif était de rassembler les informations et recommandations officielles, dans un même support de communication visuel, accessible et adapté aux jeunes. Edité sous forme de flyer, le verso répondait à des questions fréquemment abordées telles que « qu’est-ce qu’une bonne mise en quarantaine ? » mais également à des situations plus spécifiques telles que « que dois-je faire si mon co-koteur est malade ? », « cela signifie-t-il que je suis ‘cas contact’ ? »… Les retours sur cet arbre décisionnel se sont montrés très positifs et ont appuyé la nécessité de travailler sur une communication adaptée aux étudiant·e·s dans le cadre de la crise sanitaire. Ainsi a émergé l’idée de créer une campagne collaborative spécifique à ce public : la campagne Kot’Vid Friendly1 .
La campagne Kot’Vid Friendly
Les étudiant·e·s, un public spécifique
Du fait de leur mode de vie, entre cocon familial et premières envolées, les étudiant·e·s rencontrent des problématiques qui leur sont propres. Une partie d’entre eux notamment vit dans des logements communautaires ou kots. Or, comme le rappelle Marie-Marie van der Rest : « nous ne nous rendions pas compte qu’être à 6, 7, 8 dans un logement pouvait donner lieu à des perspectives totalement différentes sur la crise sanitaire, le respect des règles… En colocation aussi, pour les jeunes travailleurs, cela pose sans doute problème. C’est d’autant plus prégnant pour les étudiant·e·s car pour certains, c’est la première fois qu’ils n’habitent plus chez leurs parents. Il y a aussi la situation des étudiant.e.s qui rentrent dans leurs familles le week-end et qui sont soumis à leurs règles. Et puis un kot, c’est parfois moins confortable pour le wifi, pour la cuisine… ». Ces aspects spécifiques à la vie étudiante étaient à prendre en compte.
Outre la question des logements, d’autres éléments liés au public des jeunes entre 18 et 25 ans sont aussi à considérer et à aborder avec eux : le besoin de vie sociale, d’émancipation, de créer un réseau, le stress qui peut être lié au déroulement de l’année et des examens, etc.
Des besoins identifiés en amont par les étudiants
Outre le Service d’aide aux étudiant·e·s, en contact permanent avec leur public, Univers santé a donc fait appel aux étudiant·e·s avec lesquels l’association avait l’habitude de travailler ses thématiques. « Ce sont des étudiant·e·s qui généralement sont identifiées comme référent·e·s en santé dans leur comité ou collectif respectif. Par exemple, dans un kot-à-projet, un cercle ou une régionale, ils ont souvent dans leur comité une personne qui a la casquette de « sport-santé » ou de « vie saine » ». Finalement, ce sont 3 étudiant·e·s issus de différentes entités (kot-à-projet, régionale et cercle) qui se sont portés volontaires.
La volonté était de partir des problématiques que rencontraient concrètement les étudiant·e·s et de leur vécu pour rappeler les règles d’or en matière sanitaire en adoptant un ton un peu plus décalé et davantage adapté à ce public. « Par exemple, un des étudiants avec lequel nous avons construit la campagne a porté à notre attention un message que nous n’avions pas identifié de prime abord : l’importance de choisir son mode/lieu de vie (dans le contexte du second confinement, ndlr). Il nous a relayé que cela créait beaucoup de difficultés dans les kots parce que certains faisaient la fête la semaine et rentraient chez leurs parents le weekend, créant des tensions avec les étudiant·e·s qui avaient choisi de rester là tout le temps ». De ce constat est né le premier visuel travaillé dans le cadre de la campagne Kot’Vid Friendly : « Choisis ton camp ».
Une communication adaptée dans une approche de réduction des risques
Pandémie oblige, une grande partie de la communication de la communication été relayée principalement via les réseaux sociaux. La campagne dispose d’ailleurs de pages Facebook et Instagram dédiées.
En parallèle des messages de prévention qui y étaient diffusés, il a semblé important, dès le départ, de dépasser les seules recommandations sanitaires pour proposer des idées que l’on pourrait qualifier de « kot’vid friendly ». « Par exemple, nous avons proposé une liste de promenades à Louvain-la-Neuve et à Bruxelles qui changeaient des lieux très fréquentés, avec toujours l’idée de ne jamais encourager à se voir à plus de 4 (selon les règles en vigueur à l’époque – ndlr) mais sans être dans le ton négatif ».
À un discours moralisateur, l’association a préféré adopter une approche de réduction des risques afin d’accompagner et de limiter les dommages sanitaires. « Même quand il y a eu, en mars-avril 2021, de plus gros rassemblements, nous n’étions pas dans la condamnation. En revanche, nous étions présents pour rappeler qu’il y avait une possibilité de se faire tester, qu’il y avait des procédures de mise en quarantaine, qu’il fallait faire attention… mais en essayant de ne pas stigmatiser » ajoute notre interlocutrice. Et de compléter, « l’idée n’est pas de cautionner mais bien d’admettre que c’est une réalité bien présente ».
Une attention particulière a donc été portée au ton des messages adressés aux étudiant·e·s en prenant le parti de ne pas dramatiser, tout en rappelant les règles régulièrement. Ainsi, plutôt que d’intimer « évitez les rassemblements », l’association a préféré le message : « compte (sur) tes potes » pour rappeler le concept de « bulle sociale ». Le groupe de travail a également choisi de s’exprimer à la première personne dans ses supports. « Nous avons créé des visuels mettant en scène une personne qui parle en « je », l’idée était de pouvoir s’identifier au message en se disant « ah bon, je ne suis peut-être pas la seule personne à penser ça… » » précise Marie-Marie van der Rest.
Changer de prisme et renforcer la capacité d’agir des étudiant·e·s
Comme le souligne Marie-Marie van der Rest, « nous souhaitions aussi montrer que les étudiant·e·s prennent leurs responsabilités puisqu’on a travaillé avec eux sur la campagne. Ils remontaient les messages qu’ils souhaitaient voir passer pour montrer que tous les étudiant·e·s ne négligent pas les règles sanitaires, que tous ne se retrouvent pas dans des kots à 45 mais, qu’au contraire, la plupart essaient de sensibiliser leurs pairs à cette problématique ».
Favoriser le dialogue entre les étudiant·e·s, en dédramatisant certains comportements mais en expliquant aussi pourquoi ils sont dangereux est l’un des objectifs de cette campagne. Les compétences des étudiant·e·s et leur capacité d’agir s’en trouvent ainsi renforcées.
Des relais par les pairs…
Cela permet aussi une meilleure adhésion aux messages de la part des étudiant·e·s eux-mêmes, qui à leur tour seront plus prompts à relayer les messages. La plupart des cercles, régionales ou kots-à-projet ayant également un compte Instagram, « nous avons eu beaucoup de relais des étudiant·e·s qui n’hésitaient pas à diffuser auprès de la population étudiante que nous avons parfois plus de mal à toucher, d’autant que nous sommes souvent associés à l’université » rajoute notre interlocutrice.
Et par le réseau..
En outre, Univers santé a mobilisé son réseau institutionnel pour relayer ses messages. L’UCLouvain a ainsi relayé la campagne auprès de ses étudiant·e·s à plusieurs reprises. De même certains acteurs locaux, telle que la zone de police de Louvain-la-Neuve, ont fait montre d’un intérêt pour cette approche adaptée.
Défis & perspectives
Faut-il le rappeler, cette campagne est née dans un contexte très spécifique : la pandémie, son évolution et les diverses mesures sanitaires qui l’ont accompagnée, souvent dans l’urgence, parfois dans une certaine confusion. Par son caractère soudain et le nombre d’inconnues qu’elle a généré, la pandémie a été le théâtre d’une production d’informations frénétique et continue, dont une partie s’est avérée erronée, incomplète, voire orientée. Née dans l’urgence de faire face à cette pandémie, la campagne Kot’Vid Friendly, caractérisée par sa réactivité à l’évolution sanitaire, n’a donc pas vocation à être permanente.
Cependant, force est de constater que la situation reste fragile et traversée de nouveaux enjeux, tels que la couverture vaccinale de la population.
Dans une perspective plus positive, nous pouvons bien sûr espérer que les activités « en présentiel » reprendront bientôt, ce qui donnera aussi une autre possible dimension à la campagne. « S’il y a de nouveau un retour des animations sur les sites, on pourrait aussi mettre en place ce fameux label : l’activité en question est « kot’vid friendly », pour attester qu’elle respecte les règles sanitaires». Tout cela n’est cependant pas encore à l’ordre du jour.
Un autre défi sera aussi de reconstituer une équipe pour continuer le processus de co-construction de la campagne. En effet, chaque année, la composition des comités change. Et par conséquent, les étudiant·e·s avec lesquel·le·s travaille Univers santé. Un défi, car c’est toute une dynamique à (re)construire, mais également une opportunité comme le souligne Marie-Marie van der Rest : « c’est dommage de ne plus travailler avec eux mais on va découvrir de nouvelles personnes qui auront sans doute d’autres manières de travailler ou de nouveaux messages à identifier ». D’autres étudiant·e·s qui à leur tour, représenteront leurs pairs, car ils partagent leur(s) réalité(s) : « (…)peut être vont-ils avoir de nouvelles choses à nous apporter ou, au contraire, nous diront-ils qu’il faut vraiment qu’on parte sur autre chose parce que la lassitude s’installe, ou qu’il faudra changer l’identité visuelle ou autre pour donner un coup de neuf et que le message soit de nouveau lu et vécu ». Car c’est bien dans cette démarche collaborative, en écho avec les besoins de son public, que réside le succès de cette campagne.
Univers santé
Sur les campus de l’Université Catholique de Louvain (UCLouvain), Univers santé développe depuis 2000 des actions de promotion de la santé en milieu jeune et étudiant, et travaille en partenariat direct avec ses publics cibles, des acteurs et des associations de terrains, des enseignants, des professionnels de la santé, etc. L’association aborde tous les sujets qui concernent les publics jeunes et étudiants : alimentation, assuétudes, vie affective et sexuelle, santé mentale, stress, blocus, santé sociale, etc. Pour en savoir plus, rendez-vous sur : univers-sante.be
[1] Pensé d’abord comme un label qui attesterait des lieux ou activités qui respectent les recommandations sanitaires, le projet a dû rapidement se ré-orienter en raison du second confinement.
L’Union internationale de Promotion de la santé et d’Education pour la santé (UIPES) a publié un document de positionnement afin de plaider en faveur d’une approche populationnelle de la santé mentale et de la promotion de la santé mentale.
L’UIPES appelle à l’action et la mise en place de projets, regroupés notamment via 8 domaines prioritaires pour des interventions :
Promouvoir la santé maternelle et infantile
Cultiver la santé mentale et le bien-être des enfants et adolescents
Mettre en place des programmes de renforcement du rôle parental et de la famille
Soutenir des lieux de travail favorables à la santé mentale
Lancer des programmes qui favorisent le pouvoir d’agir des collectivités
Intégrer la promotion de la santé mentale dans les services de santé
Accroître la sensibilisation du public aux moyens de promouvoir une santé mentale positive et de réduire la stigmatisation associée aux troubles mentaux
Adopter une approche axée sur « la santé mentale dans toutes les politiques »
Trois appels à l’action sont jugés prioritaires par l’UIPES :
Tirer parti du contexte de la pandémie pour investir davantage dans une approche globale de la population en matière de santé mentale, en priorisant les stratégies de promotion de la santé mentale les plus efficaces pour protéger et promouvoir la santé mentale et réduire les inégalités croissantes.
Investir dans le renforcement des capacités des ressources humaines et des institutions pour mettre en œuvre la promotion de la santé mentale considérée comme une composante essentielle de l’agenda de la santé mondiale et du développement durable.
Accroître la base des données probantes sur les mesures efficaces à prendre pour promouvoir la santé mentale des personnes, des familles, des collectivités et des populations et les diffuser activement dans divers contextes socioculturels et économiques.
Retrouvez la note de positionnement « Mesures Essentielles pour la Promotion de la Santé Mentale » de l’UIPES (2021) ici
Pour le Groupe CAPS, Timothée DELESCLUSE, Promotion Santé Normandie / Fédération National d’Education et de Promotion de la Santé et Benjamin SOUDIER, Société Française de Santé Publique.
La prise de décision et la pratique en prévention et promotion de la santé s’appuient sur une combinaison des connaissances issues de sources multiples. Les données issues de la littérature manquent de lisibilité sur les modalités d’intervention. Ces connaissances, rédigées sous forme d’articles ou de rapports, pour être utilisées et intégrées en pratique, nécessitent des activités d’adaptation et d’appropriation1.
De plus, le paradigme prédominant de la recherche clinique fait que les productions fournissent des données insuffisamment mobilisables, car concentrées sur les effets des interventions. Il y a un manque de données probantes sur les solutions : le « comment faire ? »2,3 .
La démarche de capitalisation d’expériences en promotion de la santé, en complément de la recherche interventionnelle, est une perspective prometteuse. Encore émergente dans notre secteur, elle valorise les connaissances issues de l’expérience et illustre les formes d’interventions possibles pour résoudre les problèmes de santé des populations.
Depuis 2016, le groupe de travail « CAPS »4 piloté par la Fédération Nationale d’Education et de promotion de la Santé (FNES) et la Société Française de Santé Publique (SFSP), réunit acteurs, chercheurs et décideurs dans la perspective de structurer et valoriser la capitalisation d’expériences en promotion de la santé et d’en partager les productions. Nous souhaitons ici en présenter les bases pour une appropriation dans le champ des acteurs de la promotion de la santé en Belgique.
La capitalisation d’expériences en promotion de la santé : de quoi parle-t-on ?
La capitalisation d’expériences, c’est « transformer le savoir en connaissances partageables »5 . Elle produit des connaissances dont les acteurs pensent qu’elles sont utiles à partager à d’autres. Grâce à un procédé qui s’inspire de méthodes de recherche en sciences sociales, la structuration synthétique du récit du porteur de projet éclaire et illustre une pratique. Elle ne débouche pas sur des recommandations mais tire des enseignements pour comprendre comment se déroulent les interventions et les rend tangibles et accessibles pour d’autres.
Très concrètement, une démarche de capitalisation se divise en cinq grandes étapes :
Le cadrage de la démarche pour préciser les objectifs, l’ampleur, la thématique de la capitalisation. Il conviendra de préciser les canaux de diffusion et d’appel à contributions à la démarche. En fonction du nombre de projets à capitaliser, plusieurs critères permettent de déterminer de la pertinence de choisir parmi les projets. Plusieurs niveaux de capitalisation peuvent être mis en place selon l’importance du projet ou le degré de finesse et de compréhension qu’on souhaite avoir du projet. Cela implique alors d’adapter la méthode de recueil d’informations.
Le recueil d’information est fait par un professionnel qui n’est pas impliqué dans le projet « capitalisé ». Cet accompagnateur va questionner, à partir d’une grille d’entretien, les professionnels qui pilotent le projet : ce sont les contributeurs. L’objectif de la rencontre est d’identifier les « nœuds »6 des projets qui ont amené les acteurs à modifier ou innover dans leurs pratiques. Selon le niveau de capitalisation souhaité, on peut se limiter à interroger une personne qui a mené le projet mais cela peut aussi être complété par un focus groupe avec des partenaires voire les bénéficiaires.
L’analyse des données recueillies : la retranscription des entretiens permet d’aller explorer le récit du contributeur pour décortiquer les informations et l’analyser selon les critères et objectifs de capitalisation. C’est à cette étape que peut être fait le lien avec des connaissances issues d’autres sources comme des modèles théoriques, des résultats d’analyse de transférabilité, etc.
La rédaction et la validation d’une fiche de capitalisation qui correspond à la synthèse des éléments et enseignements à partager. Elles permettent d’avoir une vision d’ensemble du projet tout en illustrant les façons de faire des acteurs.
La diffusion des fiches selon différents canaux qui doivent également être combinés avec des activités d’appropriation pour faciliter l’utilisation des connaissances issues de la fiche de capitalisation.
Quels projets capitaliser ?
Quelques critères non exhaustifs pour guider vos choix :
Projet abouti ou ayant été mis en place depuis un moment (au moins un an de mise en œuvre)
Respecte les principes éthiques de la promotion de la santé
Implique plusieurs partenaires
Prend en compte les inégalités sociales de santé dans son projet
S’inscrit sur le long terme
Adapte ses messages en fonction du public
Articule interventions individuelles et collectives
S’inscrit dans un cadre politique déterminé….
S’assure d’une participation
La capitalisation d’expériences, une démarche aux finalités multiples La capitalisation d’expériences en promotion de la santé a plusieurs finalités bénéfiques à tous ceux qui exercent dans le champ.
D’abord, la capitalisation a une finalité pédagogique. Elle permet à la personne qui partage son projet d’avoir un temps de réflexivité sur sa pratique et de prise de recul. Elle a une finalité formative voire de modification de pratique.
Ensuite la démarche de capitalisation a une finalité informative sur le comment agir. Elle permet de décrire une façon de faire sur un projet donné, dans un contexte donné et à une période donnée. Elle représente, nous l’avons vu, une source de savoirs expérientiels inspirant d’autres porteurs de projet.
Dans sa finalité scientifique, la démarche de capitalisation permet la production d’un corpus de données utiles à des fins de recherches. En effet, les entretiens souvent retranscrits sont une mine de données pouvant être exploitées soit pour faire émerger de nouvelles questions de recherche, soit pour alimenter une recherche d’un savoir d’expérience. De plus, la capitalisation d’expérience peut se faire sur une thématique et regrouper plusieurs projets souhaitant résoudre le même problème mais avec des façons de faire différentes : c’est la capitalisation transversale. La matière alors produite grâce aux entretiens avec les porteurs de projet est une source de données pour des analyses croisées entre les différents projets. Ces « analyses transversales » ou « méta-capitalisations » permettent de tirer des conclusions sur les façons de faire grâce à des récurrences de leviers d’interventions.
Enfin, la capitalisation a une finalité politique en permettant de valoriser et rendre visible la déclinaison pratique des politiques nationales ou locales de santé.
Les perspectives de la capitalisation des expériences en promotion de la santé
Le groupe de travail souhaite répondre à différents enjeux pour le secteur de la promotion de la santé. Il s’agit notamment de diffuser la démarche à plusieurs échelons, de permettre de construire une mémoire et un récit commun au champ et d’alimenter une interaction et une rencontre entre acteurs, chercheurs et décideurs. CAPS a atteint une vitesse de croisière et multiplie les chantiers pour les années à venir : d’abord, dans une perspective de partage des démarches de capitalisation, un portail numérique doit voir le jour. Les démarches de capitalisation pourront y figurer. Ce portail sera l’occasion de fédérer une communauté de pratiques permettant d’avoir un espace de ressources et d’échanges sur la capitalisation, voire de production collective sur une même thématique.
D’un point de vue formatif, une première session de formation pour les accompagnateurs a été faite à l’EHESP début 2021 et d’autres sessions seront disponibles par la suite. Un guide pratique pour mener une démarche de capitalisation doit également voir le jour. Enfin, en matière de valorisation, plusieurs articles, interventions et interpellations sont prévues pour faire avancer la réflexion et l’utilisation de la démarche dans le secteur.
Pour aller plus loin…
La revue française La Santé en action publie ce mois-ci un numéro thématique :
« Santé des populations : conjuguer données scientifiques et savoirs issus de l’expérience », La Santé en action, Santé publique France, n°456, juillet 2021.
Quelques illustrations de capitalisation et pour plus d’informations
Plusieurs membres de D-CAP partagent leurs fiches de capitalisation :
Pagani Victoria, Kivits Joëlle, Minary Laetitia, Cambon Linda, Claudot Frédérique, Alla François. La complexité : concept et enjeux pour les interventions de santé publique. Santé Publique 2017 ; 29(1) : 31-9
Terral Philippe. Développer une science des solutions pour les interventions en santé en France : les RISP, un espace intermédiaire de pluralisation des expertises. Revue française des affaires sociales 2020 ; 4 : 53-72
Potvin Louise, Di Ruggiero Erica, Shoeveller Jean A. Pour une science des solutions : la recherche interventionnelle en santé des populations. La santé en action 2013 ; 425 : 13-15.
Dont les membres sont : Aides, ARS Normandie, Collège de Médecine Générale, EHESP, Fabrique Territoires Santé, France Assos Santé, FNES, Institut Renaudot, IREPS Auvergne Rhône Alpes, IREPS Bourgogne Franche Comté, Le Réverbère, Promotion Santé Normandie, Promo Santé Ile de France, Santé publique France, Société Française de Santé Publique, Universités de Lorraine et de Côte d’Azur.
Villeval P et Lavigne-Delville P, capitalisation d’expériences et expériences de capitalisation, comment passer de la volonté à l’action, Traverses N°15, handicap international et GRET, octobre 2004
De Zutter P. Des histoires, des savoirs et des hommes : l’expérience est un capital. FPH ; 1994 (35) 137 pages.
Le projet Drink, mené par l’Ecole de Santé Publique de l’ULB, lance une seconde étude d’intervention à partir de mai 2021 dans les écoles primaires francophones sur la consommation de boissons. L’équipe de recherche nous en parle.
Cet article est paru initialement dans le magazine Manger Bouger (mars 2021), publié par Question Santé. Retrouvez-le sur www.mangerbouger.org. Nous les remercions, ainsi que l’auteure, pour leur aimable autorisation de reproduction.
En Belgique francophone, la consommation quotidienne de boissons sucrées par les enfants reste très élevée. Cette habitude alimentaire est particulièrement problématique car elle est associée avec la prise de poids, l’obésité et les caries dentaires 1. De plus, vivre dans un milieu socioéconomique moins favorisé est associé à une consommation plus élevée de boissons sucrées 2,3.
Il existe un ensemble de moyens pour diminuer cette consommation : il est possible de taxer les boissons sucrées, d’interdire leur vente dans les écoles, de recourir à l’étiquetage nutritionnel (comme le Nutri-score) pour informer les consommateurs… Une approche complémentaire est de promouvoir, à l’école, la consommation de boissons plus favorables à la santé.
Par ailleurs, ces dernières années l’ont montré, les enfants et les adolescents se sentent de plus en plus concernés par les questions environnementales et les enjeux climatiques. Leur engagement collectif pourrait être un levier pertinent pour les sensibiliser ainsi que leurs familles, au gaspillage d’emballages et de bouteilles jetables et donc, indirectement, pour repenser de manière positive une consommation de boissons plus respectueuse de l’environnement et de la santé. Cette approche n’a encore jamais été évaluée alors qu’elle est susceptible de modifier les comportements d’enfants et de familles qui seraient, par ailleurs, moins sensibles à des arguments axés uniquement sur la santé.
Drink : Buvons autrement !
C’est dans ce contexte que le projet Drink a vu le jour, faisant suite à une première étude d’observation menée en 2012, auprès d’élèves du primaire et montrant que plus d’un tiers d’entre eux buvaient au moins une boisson sucrée par jour, et que plus de la moitié d’entre eux buvaient moins de deux fois par jour de l’eau4.
L’étude Drink sera conduite dans près de 50 écoles primaires francophones belges, à partir de mai 2021, et pour une durée de deux ans. Elle a pour objectifs 1) de mettre en place des interventions, simples et généralisables, axées sur la nutrition et la durabilité, et 2) d’évaluer leurs effets sur la diminution de la consommation de boissons sucrées, et l’augmentation de celle d’eau du robinet, chez les enfants scolarisés en 3e-5e primaire lors de la première année d’intervention.
En quoi consistera Drink ?
Dans chaque école participante, une intervention démarrera en début d’année scolaire. Elle consistera en une réunion d’information animée par des diététiciens et destinée aux parents et au personnel scolaire. En plus d’une documentation pédagogique, les enseignants seront encouragés à intégrer des « pauses eau » (du robinet !) durant la journée. Enfin, de manière continue pendant l’année scolaire et selon leurs besoins, les écoles seront approvisionnées en affiches, prospectus, gobelets et bouteilles réutilisables et tout autre support pédagogique nécessaire.
La particularité de l’étude est que l’intervention portera sur la nutrition pour certaines écoles, sur la durabilité pour d’autres écoles, et sur la combinaison de ces deux axes, pour un troisième groupe d’écoles. Un quatrième groupe d’écoles dans lequel il n’y aura pas d’intervention, jouera le rôle de témoin.
Afin de mesurer si ce type d’intervention est efficace pour améliorer les consommations de boissons, mais aussi pour voir si combiner nutrition et durabilité dans les messages peut en augmenter la portée, une série de mesures seront effectuées avant et après les périodes d’intervention.
Il s’agira pour les élèves, de remplir un « carnet de consommation de boissons » qu’ils emmèneront partout avec eux pendant quatre jours, pour y noter tout ce qu’ils boivent : type de boisson, saveur, sucré, light, quantité, etc. Cela permettra de comparer les boissons bues avant et après les interventions.
Il leur sera aussi demandé ainsi qu’à leurs parents, de remplir des questionnaires portant sur un ensemble d’indicateurs en lien avec l’étude : comportements autour de l’alimentation et des boissons, perception des problématiques environnementales, santé perçue et bien-être, vie à l’école, caractéristiques socioéconomiques…
Enfin, au niveau de l’école, l’accès à l’eau du robinet et aux autres boissons, ainsi que les projets de promotion de la santé et de développement durable mis en place, seront relevés au cours du temps.
En effet, nos comportements alimentaires sont le produit de multiples facteurs, qu’ils soient individuels ou environnementaux : mieux les connaître permet d’agir de manière adaptée !
Qu’espère-t-on apprendre à l’issue de cette étude ? A quoi va-t-elle servir ?
A la fin de ces deux années d’étude, l’analyse des données recueillies permettra de mesurer les effets de ces interventions, sur les niveaux de consommation de boissons par les enfants, selon le type d’intervention et par rapport aux écoles témoins. L’allocation des écoles au hasard dans les groupes d’intervention ou témoin apportera une conclusion méthodologiquement solide. Par ailleurs, les différents obstacles et leviers qui auront induit ces changements seront analysés, en incluant notamment une étude qualitative sur les relations parents/écoles dans le contexte de la promotion de la santé. Enfin, le but ultime étant la généralisation de ce type d’actions, les coûts totaux dus aux interventions seront mesurés, information qui sera utile aux autorités scolaires pour planifier leur extension dans les établissements de Belgique francophone.
La participation des écoles dans le projet Drink est donc essentielle, tant pour obtenir des informations de qualité que pour permettre d’agir à plus large échelle, pour la santé des enfants et de l’environnement.
Qui gère ce projet ?
Le projet Drink est coordonné par l’Ecole de Santé Publique de l’Université libre de Bruxelles (ULB), en collaboration avec le Club Européen des Diététiciens de l’Enfance. Il est financé par le FNRS et est soutenu par la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Desbouys L, Ridder K de, Rouche M, Castetbon K. Food Consumption in Adolescents and Young Adults: Age-Specific Socio-Economic and Cultural Disparities (Belgian Food Consumption Survey 2014). Nutrients. 2019;11(7).
En février 2021, O’YES (Organization for Youth Education & Sexuality) a lancé la première chaîne belge de vidéos et podcasts consacrée à la santé sexuelle. Entièrement créée par et pour les jeunes pour les aider à aborder les questions liées à la vie relationnelle, affective et sexuelle, de manière décomplexée et libre. Sous forme de reportages, de quiz, de tutos, de débats ou encore d’interviews, les jeunes (18 à 30 ans) aborderont notamment la contraception, le plaisir, les IST, le consentement, l’amour ou les questions LGBT. L’objectif ? Donner accès à une information de qualité et régulièrement mise à jour pour permettre aux jeunes de prendre des décisions éclairées concernant leur santé.
crédit: O’Yes
Les origines du projet
La santé sexuelle est un droit pour tout le monde. Or, suite à différentes réflexions avec les étudiant·es rencontré·es sur le terrain ainsi qu’avec les stagiaires et volontaires, l’équipe de O’YES a fait le constat que l’accès à l’information sur les thématiques de la santé sexuelle est très limité et même inégal en fonction des différents publics.
Lors de focus groups, des jeunes de 18 à 30 ans ont réfléchi à la manière la plus adéquate pour toucher leurs pairs : le besoin de développer un projet de sensibilisation autour de la vidéo a rapidement émergé. L’idée : donner la parole aux jeunes sur leur vie relationnelle, affective et sexuelle, leur permettre de s’exprimer sans tabou ni complexe, et diffuser le tout sur les réseaux sociaux afin de transmettre leurs messages à un public le plus varié possible !
Le projet a démarré en 2018 avec la conception et le tournage de vidéos Sex’Mobile. Il s’agit d’une série de capsules qui ont pour objectif de déconstruire les mythes autour de la santé sexuelle. Deux tournages ont eu lieu sur les campus de l’ULB et de l’UCL. L’engouement des participant·es autour de ce projet pilote et les réflexions qui en ressortaient nous ont encouragé à développer davantage le projet et à nous lancer dans la création d’une chaîne à part entière, dans laquelle les capsules Sex’Mobile seraient un type de format parmi tant d’autres.
Un concept novateur et nécessaire
O’YES a donc décidé de lancer la première chaîne belge en santé sexuelle par et pour les jeunes sur les réseaux sociaux.
Quelques projets similaires existent dans le monde mais ne sont pas adaptés aux spécificités belges (lois, remboursements, démarches administratives, structures existantes, etc.). Et puis, comme nous a confié Inno JP, humoriste belge du collectif “What the fun” : “Ça fait du bien d’entendre parler de sexe avec l’accent belge”.
Les jeunes qui se sont penché·es sur le projet ont tous et toutes constaté qu’il manque un espace adapté et dédié à leur prise de parole sur les thématiques de la santé sexuelle. Après analyse, une chaîne sur les réseaux sociaux appelée Moules Frites avec des vidéos et des podcasts semble être le lieu le plus approprié pour toucher notre public cible. De plus, avec l’arrivée du COVID, il est plus pertinent que jamais de faire de la prévention sur internet. La chaîne est présente sur Facebook, YouTube, Instagram, TikTok, Deezer, Spotify ou encore Google Podcast.
Les objectifs
Partant du postulat qu’il n’existe pas ou peu d’informations sur la santé sexuelle formulées par et pour les jeunes, O’YES a pour objectif général de donner la parole aux jeunes impliqué·es dans le projet en leur donnant accès à une information de qualité fiable, vérifiable et régulièrement mise à jour. Les internautes pourront ainsi prendre des décisions éclairées et partager ces informations avec leurs pairs.
Grâce à l’impulsion des volontaires et des stagiaires de O’YES, ainsi que des jeunes de Solidarcité et d’autres structures, la chaîne Youtube donnera la parole aux jeunes de manière continue et créera ainsi une communauté large qui informera ses pairs.
Ces jeunes aborderont une multitude de thématiques liées à la santé sexuelle telles que le plaisir, les relations, les émotions et la communication avec les autres, les questions LGBTQIA+, le consentement, les violences, la pornographie, le sexisme, les discriminations, la contraception ou encore les IST. Le tout traité avec sérieux ET humour !
De plus, O’YES espère à travers ce projet faire naître des vocations et permettre aux jeunes de développer leur regard critique, leur créativité et devenir acteurs et actrices de leur propre santé ainsi que de celles de leurs pairs. Nous encourageons les spectateurs et spectatrices à prendre part au projet et venir également créer des capsules sur les sujets de leur choix.
Enfin, avec la chaîne Moules Frites, le champ d’action de O’YES s’agrandit ! Grâce à ce projet, les informations qualitatives et pédagogiques sur la santé sexuelle atteindront, pour la première fois, les jeunes non scolarisé·es et les jeunes travailleurs et travailleuses qui n’ont pas forcément accès aux actions de terrain de l’association.
Les formats des capsules
Pour que les volontaires et stagiaires puissent à tout moment proposer des storyboards, réfléchir aux décors, aux accessoires, et qu’ils et elles puissent se filmer ou s’enregistrer, un studio de création a été installé dans les locaux de O’YES. Les acteurs et actrices du projet peuvent ainsi facilement prendre en main la création de contenus pédagogiques et communicationnels.
Les vidéos
Sex’Mobile : la camionnette studio Sex’Mobile se déplace sur les campus étudiants pour récolter la parole des jeunes sur des questions de vie relationnelle, affective et sexuelle.
Le coup de main : les mains de O’YES s’expriment pour parler prévention et donnent des conseils sous forme de tutoriels pédagogiques.
Open Mic : les volontaires et stagiaires de O’YES prennent la parole face caméra pour exprimer leur point de vue, ouvrir le débat et faire évoluer les mentalités sous forme de “coup de gueule” et de “coup de coeur”.
Qu’est-ce que c’est ? : à l’aide de photos, de courtes vidéos et de GIF, les jeunes définissent et décortiquent des termes clés de la santé sexuelle pour qu’ils deviennent accessibles et compréhensibles par tous·tes.
Sexpertise : les jeunes partent à la rencontre des expert·es pour leur poser toutes les questions qu’ils et elles souhaitent sur des sujets spécifiques liés de près ou de loin à la vie relationnelle, affective et/ou sexuelle.
Le podcast
La première fois : les jeunes prennent le temps de raconter leurs premières fois (1er baiser, 1er rdv médical, 1er rapport sexuel, etc.) dans un cadre intimiste pour déconstruire les stéréotypes et autres clichés.
L’évaluation
Pendant le courant de l’été 2021, nous évaluerons le projet Moules Frites de plusieurs manières:
nous proposerons aux spectateurs et spectatrices d’évaluer le projet via un questionnaire en ligne ;
nous réaliserons une soirée avec nos volontaires pour qu’ils et elles nous fassent leurs retours ;
nous analyserons les résultats d’audience sur les différentes plateformes.
Nous souhaitons faire durer ce projet dans le temps et proposer des nouvelles saisons chaque année.
O’Yes
Organization for Youth Education & Sexuality (O’YES – anciennement SIDA’SOS) est une ASBL créée en 2009 par des jeunes et pour les jeunes. Elle est active dans le domaine de l’éducation et de la promotion de la santé sexuelle. Elle a pour mission de sensibiliser les 15-30 ans, afin que ces jeunes deviennent des CRACS (Citoyen·nes Responsables, Actifs et Actives, Critiques et Solidaires), via l’éducation par les pairs, afin de changer les mentalités et d’améliorer les comportements sur le long terme.
O’YES est active tout au long de l’année dans les milieux de vie des jeunes et plus particulièrement dans les Universités et Hautes Ecoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles via un parcours de jeux de sensibilisation interactif et éducatif.
Parler de clitoris, de masturbation, de consentement ou encore d’empowerment avec des femmes originaires du monde arabe : c’est, entre autres, le challenge que s’est lancé l’asbl AWSA. Son site Sexualités Sans Tabou regorge de ressources, d’outils et de témoignages recueillis par l’asbl.
Crédit : Awsa-be asbl
Avant tout, AWSA-Be (pour Arab Women Solidarity Association dans sa version belge) se définit comme une association laïque et mixte, indépendante de toute appartenance nationale, politique ou religieuse. Elle est reconnue en éducation permanente et y intègre le féminisme dans le but de favoriser l’épanouissement et le vivre-ensemble. L’asbl milite pour la promotion des droits des femmes originaires du monde arabe, que ce soit dans leurs pays d’origine ou celui d’accueil. Son objectif est de briser les clichés sur les femmes, et de créer des ponts interculturels. En pratique, l’association organise de nombreux évènements et activités, parmi lesquels : des conférences et formations, des week-ends thématiques à destination des femmes, des échanges avec des professionnels de santé mais aussi des artistes originaires du monde arabe, un théâtre, une chorale ou encore des ateliers à destination d’un public jeune, pour ne citer que cela. Education Santé a rencontré Alicia Arbid, coordinatrice de l’asbl.
ES : Alicia, pouvez-vous nous parler de la genèse d’AWSA en quelques mots ? Pourquoi vous être porté.es sur ce public spécifique que sont les femmes issues du monde arabe ?
L’association a été créée en 2006 sous forme d’asbl, mais existait depuis 2 ans comme association de fait. A l’origine, un groupe d’amies, 3 femmes d’origine arabe, a décidé de créer des activités conviviales… Ça a commencé chez l’une puis chez l’autre, notamment avec la chorale qui est là depuis le tout début (bien avant la création d’AWSA sous forme d’asbl), avec l’idée de promouvoir les cultures du monde arabe et de faire entendre la voix des femmes, ainsi que de combler un manque qu’il y avait -et qui perdure – de structures pour ces femmes (outre celles pour l’apprentissage de la langue, ou d’aide aux primo-arrivant.es…). Ce sont des femmes qui ont la volonté de se connecter, d’être en lien et de promouvoir leurs cultures.
ES : Quels sont vos principaux chevaux de bataille ?
Nous nous situons dans du plaidoyer féministe avec une approche positive pour promouvoir l’égalité, le vivre-ensemble et la justice. Ce qui est transversal dans toutes nos actions, c’est la volonté de valoriser les femmes originaires du monde arabe. Pour elles-mêmes, pour la société en général, et pour les communautés qui véhiculent aussi parfois des clichés. Dans toutes nos activités, nous voulons garder cette approche positive et valorisante des femmes originaires du monde arabe, en cassant les clichés sur elles ; mais nous souhaitons aussi créer des ponts entre les cultures et travailler sur les méconnaissances mutuelles. On insiste sur la diversité des parcours et des profils de ces femmes, mais aussi la diversité des pays et des cultures du monde arabe.
Le féminisme dans lequel nous nous inscrivons est un féminisme qui n’hiérarchise pas les discriminations et qui porte un intérêt particulier au contexte dans lequel les femmes vivent. Ce contexte politique, économique, social, religieux et culturel façonne les vies des femmes et toute atteinte aux femmes est une atteinte aux droits humains.
Dans cette optique, bien que nos outils mettent en avant des femmes issues du monde arabe, nous allons toujours faire un lien avec la Belgique ou avec d’autres féministes du monde. Notre plaidoyer s’inscrit tant dans une grille de lecture intersectionnelle que dans une approche globale de tous les enjeux de société
ES : Quels sont vos lieux d’action ? Bruxelles essentiellement ?
Nous sommes déjà sorti.e.s de Bruxelles et avons fait des activités ou des pièces de théâtre au Liban et au Maroc, par exemple. Nous essayons de créer des ponts avec les pays du monde arabe, et ce, notamment en faisant venir des artistes, des auteures et des professionnels de la santé, (sexologue, médecin, etc.). Dans le cadre de la santé par exemple, nous avions invité encore la fondatrice et présidente de la première organisation de patients séropositifs au Maroc vivant elle-même avec le VIH.
Sinon, en plus de Bruxelles, nous travaillons parfois avec des partenaires à Liège, Verviers ou, par exemple Grenoble où nous allons organiser une exposition… Cela dépend un peu des projets.
ES : Vous avez développé un site qui s’appelle « Sexualités Sans Tabous » et qui traite beaucoup d’EVRAS1. Dans quel but et d’où est partie cette idée ?
Le site est né de la volonté de rendre plus accessibles des thèmes que nous abordons fréquemment pendant des ateliers de terrain avec les femmes et les jeunes. A l’origine, avant d’envisager ce site, nous avons organisé des week-ends “sexualités sans tabous” avec une quinzaine de femmes et… c’était génial ! Nous sommes allées à la mer dans un centre de bien-être, on a parlé, on s’est retrouvées entre nous, on a fait des ateliers pour déconstruire, libérer la parole. Le but était de faire à la fois du collectif et de l’individuel, le temps d’un week-end. Des intervenantes externes sont venues, comme Zina Hamzaoui, sexologue féministe et musulmane. Pour les femmes présentes, pouvoir juste s’offrir un moment à elles, le temps d’un week-end et dans ce cadre-là était déjà très fort. Nous avions aussi une diversité de femmes très intéressante : des femmes jeunes ou plus âgées, mariées ou pas, très pratiquantes religieusement ou pas du tout … Cela a créé une bonne ambiance et de très beaux moments d’échanges. Suite à cette première expérience, les demandes pour la réitérer ont afflué
crédit photo: AWSA-be asbl
Le site est né d’une volonté de prolongation, de garder une trace de ces week-ends, parce que malheureusement ça a un coût et qu’on ne peut pas en faire à volonté. Les thématiques, les paroles de femmes, ou par exemple, les podcasts : cela vient des intervenantes qui ont participé aux week-ends. Ce site est à la fois un outil et le résultat de tout un projet, tout en étant pensé pour rester dynamique et être mis à jour. Il ne s’agit pas de quelque chose de figé.
ES : Vous travaillez et développez des actions sur le terrain. Pour quels types de structure ?
Chaque année, nous avons des partenariats EVRAS où l’on travaille avec des jeunes du secondaire (à partir de la 3ème). Cela fait longtemps qu’on y participe et le cadre est bien précis : nous tenons un stand dans un parcours itinérant où les jeunes passent de stand en stand. Nous intervenons aussi ponctuellement dans des hautes écoles, par exemple. Nous nous adressons donc à un public d’adolescents à jeunes adultes, femmes, mais aussi auprès d’animateurs qui n’arrivent pas à parler des questions de sexualité avec leurs jeunes, par exemple. C’est au cœur de nos actions.
En parallèle, on travaille le même type de questions avec des femmes sur différents projets. Par exemple, dans le cadre d’un projet “mariage et migration” où nous avons beaucoup abordé les questions de sexualité et de tabous en termes de relation affective. Selon le type de projet, nous sensibilisons différents groupes.
Il nous arrive aussi, dans le cadre de nos visites aux cafés2 notamment, de traiter des questions de sexualité et de violence liées à l’honneur. Entre autres quand on a joué des extraits de notre pièce de théâtre “Quand Fatima se fait appeler Sophie”, qui touche aux questions de sexualité et de réappropriation du corps. Cela a mené à des échanges très intenses avec les hommes. Nous avons aussi fait venir une troupe de théâtre marocaine qui parlait de violences et discriminations envers les mères célibataires et de la question des enfants nés hors mariage, et là c’est un public complètement différent de celui des jeunes de nos partenariats. Donc finalement on brasse assez large en termes de publics et de structures, même si nos premières bénéficiaires restent les femmes
ES : Justement, lors de vos actions auprès des femmes pour parler de sexualité, quelles principales difficultés rencontrez-vous ?
Il y a des questions qui reviennent souvent chez nos publics de femmes et jeunes femmes, – d’où l’importance de notre approche féministe interculturelle – comme : la pression autour de la virginité, la chasteté, le consentement, le choix de partenaire ou même celui d’avoir une sexualité ou pas, ou encore les questions de vaginisme, qui touche quand même assez fort les publics du monde arabe d’après les professionnels de santé avec qui nous échangeons. Par exemple, Amal Chabach, sexologue marocaine au Maroc, nous expliquait que c’est un pays très touché, notamment à cause de toutes ces craintes liées au contrôle du corps des jeunes filles, des questions d’honneur, etc.
Pour parler de sexualité, il faut aussi pouvoir mettre à l’aise nos publics dans un cadre convivial et sécurisant. Il faut pouvoir libérer la parole et…notre agenda. Nos difficultés sont aussi liées au fait que nous sommes une petite équipe avec plusieurs demandes d’interventions et d’ateliers. Il nous est difficile parfois de ne pas pouvoir accompagner les femmes et jeunes femmes dans la durée.
ES : Y’a-t-il des sujets dont il vous est plus difficile de parler ?
Les violences restent un sujet complexe. Nous ne sommes pas toutes psychologues et on est parfois sur le terrain en animation quand on se rend compte qu’on passe du rire (on utilise souvent l’humour pour aider à briser les tabous) aux larmes face à la prise de conscience des violences vécues. Parfois, certaines jeunes femmes s’en rendent compte à ce moment-là en pleine discussion collective, comme par exemple, cette jeune fille que sa mère emmenait se faire contrôler l’hymen chez le gynéco tous les trois mois…Pour elle, il était évident que c’était normal. Mais ça la dérangeait, et c’est aussi pour ça qu’elle nous en a parlé si facilement. Cependant, elle a pris conscience à ce moment-là que toutes n’avaient pas la même expérience.
Ou encore, par exemple lorsque des femmes enceintes vivent des situations de violence. D’où notre approche globale qui met en évidence le fait que ce ne sont pas des marques traditionnelles qui vont créer de la violence mais qu’il y a un environnement familial malsain parfois.
ES : Qu’en est-il de la question du plaisir féminin ?
Elle est primordiale et l’enjeux se trouve dans l’éducation à la sexualité féminine. Le plaisir féminin était au centre de nos weekends sexualités sans tabou avec les femmes. Pourtant, ça reste tabou, comme si c’était gênant pour une femme de vouloir avoir du plaisir, de ressentir du désir, d’en parler… Nous avions, par exemple, une dame de plus de 40 ans qui ne s’était jamais masturbée. Lorsqu’elle a vu les autres femmes en être étonnées, elle a été gênée et en même temps très curieuse. Heureusement il y a eu beaucoup de bienveillance et de rire. C’est encore souvent très tabou alors qu’on parle de la masturbation des garçons tout le temps. Il est très intéressant de constater que quand on parle de sexualité avec les femmes, systématiquement elles ont tendance à vouloir parler d’éducation sexuelle pour leur garçon ou leur fille. Donc, lors de l’un de nos week-ends, une consigne était de ne pas parler d’éducation sexuelle des enfants mais de parler de leurs sexualités, de plaisir féminin et de leurs besoins et expériences à elles.
ES : Quelle.s difficulté.s rencontrez-vous en travaillant avec vos partenaires ?
Eviter de tomber dans le relativisme culturel et d’entendre dire “Non non, ils et elles ne sont pas prêt.es pour parler de ces choses-là”. Ce n’est pas du tout notre approche. Par exemple, lorsque nous avons invité Amal Chabach (sexologue marocaine), nous avions contacté des associations partenaires avec qui nous avions déjà fait des ateliers sur d’autres thèmes ; mais parce qu’il s’agissait de parler de sexualité dans ce cas-là, certaines animatrices nous ont répondu que cela n’irait pas, sans même en parler avec leur public au préalable. Finalement, nous avions réussi à persuader une des associations de faire l’animation et cela s’est super bien passé. Les femmes sont même restées près d’une heure de plus et elles étaient très heureuses d’avoir une sexologue à qui parler. Heureusement les choses évoluent, cet exemple date d’il y a quand même quelques années, mais cela permet de montrer qu’il y a parfois aussi des craintes et des représentations des animateur.trice.s ou personnes de terrain eux.elles-mêmes.
De plus, ce que l’on va trouver délicat à aborder peut venir du fait que nous-mêmes ne soyons pas à l’aise parfois avec certains sujets. Pour animer nous devons nous aussi nous mettre dans une posture d’ouverture et d’apprentissage et dépasser/questionner les à priori et éventuelles fausses croyances sur notre public aussi.
ES : Vous vous heurtez parfois à la barrière de la langue ? L’arabe est-il utilisé ?
Sur le parcours EVRAS, nous n’avons pas ce problème car ce sont souvent des jeunes qui parlent français. Mais avec les femmes, certaines ne parlent pas bien français. Cela dit, en termes de sexualité, il y a beaucoup de mots dans la langue arabe qui ne sont pas dits, donc on va utiliser des métaphores, l’anglais ou le français… C’est très intéressant à voir, il n’est donc pas toujours évident de parler de sa sexualité en arabe. On essaie quand même toujours d’avoir une collègue arabophone pendant les animations.
ES : Dans la même idée, la culture et/ou la religion posent-t-elles parfois problème ?
La frontière entre le culturel et le religieux est souvent très floue, en particulier dans le contexte migratoire. Souvent l’argument religieux est utilisé comme étant un argument d’autorité mais qui a besoin d’être questionné, qui ne peut pas juste être évité que ce soit par racisme ou relativisme culturel.
On cherche à éviter la posture de mise à l’écart. D’ailleurs si l’animatrice est musulmane, il peut être parfois plus difficile pour elle de parler avec une femme musulmane sur les questions de sexualité et de féminisme, par peur d’être jugé.e ou de se sentir jugé.e
Ensuite, il y’a les clichés entre femmes du monde arabe elles-mêmes. Quelques fois, des femmes m’ont dit “Oui, mais tu es Libanaise, ce n’est pas la même-chose qu’au Maroc…”. Il y a effectivement des différences mais il y a aussi beaucoup de points communs entre toutes les femmes, peu importe leurs origines, liés notamment aux discriminations et violences du patriarcat… Je pense qu’il faut mettre de côté nos clichés, parce qu’à partir du moment où l’on s’intéresse à l’autre et où l’on va poser des questions, c’est pour nouer une relation de confiance. On va essayer de comprendre les codes culturels parce qu’on y donne du sens, c’est une forme de reconnaissance. Cela peut parfois améliorer significativement la relation “animateur/animé” ou “soignant.e/soigné.e”, et ça peut faciliter la communication. Je pense qu’il est faux de penser que l’on ne peut pas se parler si on n’est pas de la même culture. Mais il faut bien sûr d’abord être à l’aise, s’informer, développer ses connaissances et sa curiosité, travailler sur sa posture et ses fausses croyances. D’où notre travail en éducation permanente où nous développons des outils et des supports pour les animateurs.trices et qu’il est possible de retrouver sur notre site, avec les fiches ludiques et pédagogiques
ES : Alicia, qu’est-ce qui vous fait ressentir un sentiment de petite victoire ?
J’avoue adorer ces moments de terrain, d’animation, pendant ces week-ends. J’ai l’impression d’apprendre à chaque fois. Ça me fait plaisir de voir ces femmes avec cette volonté d’aller de l’avant et de prendre soin d’elles. On voit que des choses se mettent en place, même si tout le monde n’est pas forcément prêt à changer tout de suite ses comportements. Ce qui est chouette c’est aussi cette envie de transmission, lorsqu’une femme dit “J’ai envie que mon enfant voie ça, ou que mon amie voie ça… ». Ou encore pendant les cafés, lorsqu’un homme prend notre brochure en nous disant qu’il en parlera à sa sœur ou à sa femme en rentrant, par exemple.
Et quand on parle d’animations autour de la sexualité, ce qui fait vraiment plaisir est de pouvoir mettre réellement les femmes au centre de la discussion, de prendre le temps et de leur permettre de prendre ce temps, mais aussi de sentir qu’un lien s’est créé même si ce n’est que pour 1h ou 1h30. Le fait de sentir qu’il y a eu un échange riche et de la bienveillance de la part de ces femmes. Et même si elles ne sont parfois pas du tout d’accord entre elles, d’ailleurs !
ES : Quels sont les projets d’avenir d’AWSA ?
Avec la situation sanitaire, il nous faut nous adapter mais cela fait plusieurs années qu’on travaille sur des questions d’insertion socio-professionnelle et de travail sur l’intériorisation des discriminations dans le cadre de la recherche d’emploi. Nous continuons en partenariat avec Pour La Solidarité , même en confinement, à faire des coachings individuels et collectifs avec des jeunes qui sont hors circuit, c’est à-dire ni dans un parcours scolaire, ni dans un circuit de formation, ni enregistré chez Actiris (les NEETT3). Suite à nos ateliers/interventions dans des partenariats en insertion socioprofessionnelle, nous avons eu envie de lancer le projet “Ambition”. Il consiste à faire de l’accompagnement à l’emploi de manière alternative. Concrètement, il s’agit, le temps d’un week-end, de proposer à ces jeunes demandeuses d’emploi d’effectuer un travail de coaching individuel ainsi que sur leurs projets professionnels.
À côté de ça et toujours en lien avec cette thématique d’insertion professionnelle, nous allons mener une campagne de promotion de la diversité des mentors4. Souvent, les mentors sont des personnes issues du même milieu culturel, plus âgées, souvent des hommes… Il serait important dans ce travail de mentorat d’avoir aussi des femmes, originaires du monde arabe ainsi que d’autres cultures, pour pouvoir travailler à l’amélioration de la relation entre mentor et mentee.
Parallèlement, pour 2021, nous avons le projet de créer une exposition photo sur base d’un concours photos destiné aux Libanais et Libanaises du Liban, avec le soutien de la Ville de Bruxelles, Solidarité Internationale. L’idée est de représenter la diversité du pays et des femmes tout en montrant ce qui rassemble malgré cette diversité. Nous voulons également faire un appel aux jeunes du pays du Cèdre pour qu’ils/elles produisent des textes (en français, anglais ou arabe) afin de s’exprimer sur la laïcité. Le but est que ce soit, à Bruxelles, d’abord une opportunité d’en savoir plus sur le pays, et ensuite qu’il s’agisse d’un “cas d’école” pour parler de l’importance de la laïcité dans un contexte communautaire difficile.
Enfin, il y a nos animations, formations et interventions externes mais aussi des partenariats, entres autres, sur le thème « Femmes, vêtements et société » (avec la Maison des Femmes de Molenbeek) ou un projet de dessins avec l’artiste Hanane Khaldouni pour dénoncer les différentes formes de violences faites aux femmes avec le European Network of Migrant Women.
Cette programmation ne constitue qu’une partie de ce qui est à l’agenda d’AWSA pour 2021. Nous vous invitons à retrouver l’ensemble de leurs projets sur www.awsa.be.
(1) Education à la Vie Relationnelle Affective et Sexuelle
(2) AWSA organise des sorties dans certains cafés bruxellois dits «arabes». Certains sont uniquement fréquentés par des hommes. L’idée est donc de s’y rendre afin de créer un espace de mixité (genre, origine,… ) et d’échanges. Elles y organisent aussi ponctuellement divers évènements.
(3) Not in Education, Employment or Training (« ni étudiant, ni employé, ni stagiaire »).
(4) “Le mentorat est une forme de coaching dispensé par une personne expérimentée, le mentor, à un partenaire inexpérimenté, le mentee. L’idée est de former un binôme pour partager, échanger et progresser ensemble. Le mentor ne va pas trouver du travail à votre place mais il va donner de son temps pour vous écouter, vous conseiller et vos aider à progresser pas à pas dans votre recherche d’emploi, votre reconversion ou votre lancement d’entreprise.” Définition fournie par Actiris
La crise du coronavirus aura quand même du bon ! Elle aura permis de mettre un coup de projecteur sur la question des sanitaires à l’école, une question sur laquelle se penchent depuis 5 ans le Fonds BYX (géré par la Fondation Roi Baudouin) et l’asbl Question Santé, à travers le projet « Ne tournons pas autour du pot ! ». Car ce n’est pas nouveau : bien avant la crise sanitaire, la thématique des toilettes à l’école rencontrait déjà des besoins énormes. Depuis 2015, 317 écoles ont participé et participent encore au projet. Elles ont œuvré, pour et avec leurs élèves, pour améliorer leurs infrastructures sanitaires et faire des toilettes un vrai sujet à l’école avec à la clef, plus de bien-être pour tous.
C’est un fait : rares sont les écoles pouvant se targuer d’avoir des toilettes accueillantes. Matériel défectueux ou inadapté, ratio insuffisant, vétusté, manque d’hygiène ou d’intimité… si le tableau n’est pas toujours aussi noir, il est loin d’être rose. Au mieux, les sanitaires ont besoin d’un bon coup de rafraîchissement ; au pire, c’est l’entièreté du local qui est à repenser. A cela, s’ajoutent les dégradations récurrentes et autres incivilités (malveillance, harcèlement, jeux…). Rien d’étonnant donc à ce que ces lieux soient souvent redoutés comme la peste voire évités par de trop nombreux élèves, avec des conséquences loin d’être anodines pour eux : infections urinaires à répétition, constipation chronique, baisse de la concentration ou même mal-être général à l’école.Avec cette situation, l’école joue, quant à elle, sa crédibilité sur cette question des sanitaires. Comment en effet parler de respect de soi et des autres quand les établissement obligent les enfants à aller dans des lieux où aucun adulte ne voudrait mettre les pieds ?Cette situation n’est, pour autant, pas une fatalité. Les écoles qui ont pris le taureau par les cornes, notamment en prenant part au programme « Ne tournons pas autour du pot ! » en témoignent : « Les élèves ont eu l’impression de créer quelque chose d’utile et de durable qui laissera une trace. » (Un enseignant) – «C’est un projet très concret dont les résultats seront visibles de tous. » (Un directeur).Et l’évaluation du programme que le Fonds BYX a menée fin 2019 confirme, elle aussi, la pertinence d’un tel projet pour les écoles et les élèves.
Une étincelle de départ
Depuis 2015, un appel à projets récurrent offre aux écoles la possibilité d’améliorer l’état, l’accès et la gestion de leurs sanitaires par le biais d’aménagements matériels et d’actions de sensibilisation. Les établissements scolaires peuvent ainsi bénéficier d’un subside allant jusqu’à 5000 euros (accordé par le Fonds BYX avec le soutien de la FWB à travers le Pacte d’excellence) et d’un accompagnement méthodologique fourni par l’asbl Question Santé.Fin 2019, le Fonds BYX a commandité une évaluation du programme auprès des 100 premières écoles participantes. Cette évaluation, basée sur une enquête en ligne, des entretiens et des visites de terrain interrogeait les résultats et l’impact du programme et soulevait la question de la pérennité des projets. Le projet a-t-il porté ses fruits ? Dans quel état se trouvent les sanitaires 2 ou 4 ans après la finalisation du projet ? Les changements engrangés (infrastructures, comportements) sont-ils maintenus et dans quelle mesure? Si la réalité de chaque école est différente (niveau d’enseignement, réseau, filière…), l’évaluation a permis de dégager quelques tendances intéressantes.Il est tout d’abord ressorti que plus encore que le « mauvais état des sanitaires » (14%), c’est le fait que les toilettes soient une préoccupation au sein de l’établissement (notamment par les élèves) » (27%) qui a motivé les écoles à se lancer dans le projet. Les demandes récurrentes des élèves ont donc bien été entendues dans les écoles et ont même servi de levier à la prise de décision.L’aide financière accordée par le Fonds BYX a toutefois aussi été un fameux incitant puisque pour 88% des écoles, le projet n’aurait pas vu le jour sans le subside. Un subside qui n’a pas forcément pu couvrir tous les besoins (il a, en moyenne, couvert 53% du budget consacré à l’amélioration des sanitaires) mais qui a servi d’impulsion financière permettant d’engranger des financements ou aides supplémentaires (PO, bénévolat, ventes diverses, aide des parents, fonds propres de l’école…). A noter que plus d’un tiers des écoles s’en sont sorties avec des budgets totaux inférieurs à 6700 euros, preuve s’il en est qu’il n’est pas nécessaire de se lancer dans des projets pharaoniques pour améliorer la situation.Ce coup de pouce financier additionné à la motivation initiale aura donc permis à de nombreuses écoles de placer cette question des toilettes en haut de la pile des dossiers à traiter et de donner in fine toute son importance à un sujet tabou, source de débats récurrents.
Laisser la main aux élèves
L’évaluation a également fait ressortir que la mobilisation des élèves, par ailleurs un des critères de sélection de l’appel à projets, était primordiale dans la réussite du projet. Elle permet de trouver des solutions plus adaptées et de responsabiliser les élèves.Même si cela ne saute pas aux yeux de prime abord, les sanitaires sont un support idéal pour expérimenter l’implication des élèves. Il s’agit pour les enfants et les ados d’une réalité très concrète qui les concerne directement. Quoi de plus motivant et de plus valorisant alors que de s’investir dans un tel projet ?Toutes les écoles n’étaient pas forcément habituées à cette participation mais la grande majorité a joué le jeu. Ainsi les élèves ont pris part à la sensibilisation des pairs, à l’état des lieux, aux travaux de peinture, aux commandes et à la gestion des stocks (papier, savon, etc.), à la remontée d’informations sur les dégradations ou dysfonctionnements, etc. Les enseignants sont parfois les premiers surpris de ce dont les élèves sont capables comme l’exprime une enseignante :
« Ils ont mené ce projet sans rien lâcher, avec maturité et persévérance. Ils ont appris qu’un projet prenait du temps, ils en sont sortis grandis. »
Autre effet inattendu : cette dynamique a aussi parfois donné envie à l’école et aux élèves de s’engager dans d’autres travaux et d’autres projets participatifs. C’est un mouvement plus large qui s’est parfois amorcé à partir des toilettes. Quoi qu’il en soit, le succès de l’implication des élèves dans un tel projet se joue aussi sur le long terme par la mise en place d’une relation de confiance au sein de l’établissement.
Des résultats visibles
Un résultat très encourageant concerne l’impact du projet. Plus de 8 établissements sur 10 constatent que le projet a eu des effets susceptibles d’améliorer le bien-être des élèves. Cela se traduit notamment par une amélioration de l’hygiène collective, une baisse des dégradations, une augmentation de la fréquentation des toilettes, la satisfaction et fierté des élèves d’avoir contribué au projet et d’avoir été entendus, une diminution des pathologies…Et la quasi-totalité des établissements (96%) confirme qu’au moins une partie de ces impacts sont encore observés au moment de l’évaluation, soit entre 2 à 4 ans après la mise en œuvre du projet.Enfin, les écoles ont souvent fait part de leur impression que les sanitaires étaient devenus plus propres qu’avant, qu’un cercle vertueux avait été engagé (« Le propre appelle le propre ») et que les élèves avaient tendance à davantage respecter les lieux (« Les toilettes n’ont pas été bouchées de l’année », « il n’y a plus de boulettes au plafond »). La sensibilisation à l’hygiène via le projet Toilettes a également porté ses fruits (« Le lavage des mains devient automatique, aujourd’hui ! ») et ce, alors que l’évaluation a été menée avant la crise sanitaire.
Penser à long terme
Qu’en est-il de la pérennisation ? Comment faire en sorte que les résultats obtenus tiennent sur la durée ?L’évaluation confirme qu’il est essentiel de poursuivre les efforts à l’issue du projet et de réactiver sans cessece qui a été mené. Poursuivre le travail de sensibilisation auprès des élèves et nouveaux élèves, faire des toilettes une priorité, d’année en année, assurer un passage de relais lorsque l’école est soumise à des changements de direction ou d’équipes pédagogiques font partie des démarches essentielles pour maintenir les acquis. Le rapport pointe d’ailleurs que la sensibilisation des élèves s’est poursuivie au-delà de l’année de mise en œuvre du projet dans 81% des écoles interrogées.Pourtant, malgré ces résultats encourageants, 55% des établissements ont exprimé « quelques difficultés » à maintenir les résultats obtenus. Cela illustre bien que rien n’est jamais acquis dans un projet d’école et que s’attaquer uniquement à l’aspect matériel (rénovation, peinture…) ne suffit pas à garantir une utilisation respectueuse des lieux. Aborder l’épineuse question des toilettes à l’école, c’est donc aussi penser plus largement tout ce qui fait la vie dans une école année après année, comme le disait si justement un directeur d’école : « Le projet s’est inscrit dans un travail de fond, un travail permanent, de responsabilisation des enfants. L’idée n’est pas d’en faire des ‘supers responsables’ – ça reste des enfants, avec leurs essais et erreurs – dans leurs relations avec les autres, dans leur contribution à un projet commun. On est bien dans une perspective d’éducation et de développement et pas dans une perspective de résultats, à obtenir dès maintenant. »
Vers une nouvelle donne
Depuis le début de la crise sanitaire, en plus du travail de fond mené par le Fonds BYX, s’ajoute désormais une attention nouvelle sur cet enjeu scolaire des sanitaires à l’école. Et si finalement, c’était un virus qui avait raison d’un des maux scolaires les plus anciens ? Force est en tout cas de constater que la pandémie de Covid-19 a fait de l’hygiène à l’école un sujet essentiel. Aujourd’hui de grosses sommes d’argent sont débloquées en parallèle du programme « Ne tournons pas autour du pot ! » pour des travaux d’infrastructure dans les toilettes de nos écoles. On ne peut que s’en réjouir mais il est bien entendu trop tôt pour savoir quel sera l’impact à plus long terme sur la réalité des élèves.Car si les ajustements se font pour l’instant dans l’urgence, nous sommes convaincus (et l’évaluation le confirme) de l’importance et la richesse de l’implication des élèves dans le succès durable des projets mis en place. Nous espérons donc que ce regain d’intérêt ne se fasse pas au détriment du travail de concertation et de créativité avec les enfants et les jeunes. En effet, ce que cette évaluation ne fait pas ressortir mais que nous ressentons au quotidien lors des rencontres et contacts avec les écoles, c’est le formidable enthousiasme qui habite les élèves comme les équipes pédagogiques. A suivre donc…
Retrouvez la présentation des résultats de l’évaluation sur le site internet www.netournonspasautourdupot.be (rubrique « Nos Outils »)
Des outils pour vous soutenir
« Ne tournons pas autour pot ! » propose une série d’outils qui s’adressent à vous, adultes des écoles fondamentales et secondaires (directions, enseignants, éducateurs, parents, infirmier/ère PSE). Ils vous aideront à construire, pas à pas et avec vos élèves, un projet d’école pour des toilettes accueillantes et adaptées. Concrètement, vous trouverez :
3 publications : état des lieux, actes du séminaire, pistes pour l’aménagement des sanitaires
Des fiches pour avancer pas à pas dans le projet avec la démarche que nous vous proposons, des activités concrètes à chaque étape du projet, des expériences d’écoles inspirantes
deux dépliants du projet
une bibliographie
Ces outils sont disponibles en version papier dans une valisette disponible à l’emprunt, notamment dans les Services PSE et CLPS.
Les animaux domestiques nous font rire, craquer, pleurer, nous rassurent, mais quels sont leurs véritables effets sur notre santé physique et mentale ? Le Centre Verviétois de Promotion de la Santé (CVPS) s’est intéressé à cette question au travers d’une conférence organisée fin 2019. Le but : faire découvrir à des professionnels de la promotion de la santé une démarche encore peu connue en Belgique, apporter un éclairage théorique sur ses bénéfices et sur les conditions de sa mise en œuvre, mais aussi expliquer les différentes interventions « animalement assistées » possibles, et présenter des projets existants en Wallonie (via les asbl Os’mose et Hippopassion). Véronique Servais, psychologue et professeure d’anthropologie de la Communication à l’université de Liège, dresse un bilan des thérapies assistées par les animaux, d’hier à aujourd’hui.
Les débuts de la thérapie assistée par les animaux
Les thérapies assistées ou encadrées par des animaux sont loin d’être une nouveauté. Véronique Servais explique que par le passé on avait déjà conscience que s’occuper d’un animal pouvait être positif en psychiatrie. Elle en expose l’un des premiers cas : « Début des années 60, Boris Levinson, un psychiatre américain publie des ouvrages sur ce qu’il appelle alors la « pet-oriented child psychoterapy », à la suite d’une observation qui était en fait anecdotique. Il raconte qu’il est dans son bureau quand il reçoit l’appel des parents d’un enfant autiste et qui demandent à le rencontrer le plus rapidement possible. Il décide donc de les voir sur son temps de midi, oubliant qu’à cette période, son chien était dans son bureau. L’enfant arrive, entre, et passe tout son temps à jouer avec le chien. C’était un enfant très retiré, difficile d’accès, et pourtant il est spontanément allé vers le chien et a joué avec lui – ignorant d’ailleurs totalement le thérapeute. Par la suite, l’enfant acceptera de revenir pour jouer avec le chien. Ainsi, d’une séance à l’autre, le thérapeute va être progressivement inclus dans l’échange. L’enfant aura entamé sa thérapie grâce à la présence du chien.» Dans cet exemple, le chien aura facilité et accéléré la prise de contact. Levinson publie alors le livre « Dog as a co-therapist » (le chien comme co-thérapeute).Mais à cette époque, son ouvrage n’attirera que peu l’attention, et sera même parfois raillé, tant les animaux ont peu de place dans un contexte thérapeutique.
Lorsqu’elle a fait son mémoire sur ce sujet, dans les années 80, Véronique Servais se heurte à l’idée selon laquelle utiliser des animaux est saugrenu. L’argument opposé est : « le but de la thérapie est d’être dans le langage, et le chien va vous ramener en-deça du langage, donc c’est anti-thérapeutique. »
Les études pilotes
Plus tard, une autre étude marquera l’histoire des pratiques de soins incluant les animaux. Les époux Corson, tous deux psychiatres, ainsi qu’un de leur collaborateur, vont introduire des chiens dans un hôpital psychiatrique. « C’est une histoire intéressante, relate Véronique Servais, puisqu’il y a un refuge qui se trouve à côté de l’hôpital.Les patients entendaient les chiens aboyer et faisaient des commentaires. Certains demandaient à leurs soignant.es et aux infirmier.es « Tiens, c’est quoi ces chiens ? Est-ce qu’on pourrait les voir ? ». » Les époux Corson choisissent alors 28 patients qui auront chacun la possibilité de s’occuper d’un chien pendant la journée (le nourrir, le brosser, etc.) et le soir les chiens retournent au refuge. « Ces patients avaient été choisi parce qu’ils répondaient mal aux thérapies qui leur étaient proposées, et étaient récalcitrants, voire résistants face à leurs soignant.es., détaille la psychologue. » Les psychiatres postulent que les chiens faciliteraient les comportements sociaux des patients, et c’est ce qu’ils démontreront. Le patient parle plus, s’ouvre, adhère davantage à la thérapie, et c’est le cas pour tous les patients impliqués dans l’étude. Ils sont moins récalcitrants et plus coopératifs vis-à-vis de leur traitement. Mais Véronique Servais souligne aussi un effet systémique : « Le personnel, en voyant les patients s’occuper des chiens, se dit qu’ils ne sont pas aussi bizarres/retirés que ce qu’ils pensaient. La glace est rompue, un cercle vertueux s’instaure. Pour tous, on observe une amélioration, mais pour 5 d’entre eux, celle-ci sera même spectaculaire et ils quitteront l’hôpital quelques semaines plus tard ».
Véronique Servais présente ensuite une étude, qui consiste à introduire des oiseaux chez des personnes âgées. « On met en place 4 situations chez les personnes âgées : soit on leur met juste des oiseaux, soit des oiseaux et une plante, soit des oiseaux et une télévision, soit rien de particulier (les patients “contrôles”). Chaque jour, ces patients sont visités par une aide à domicile qui va les questionner et les noter en fonction de toute une série de critères, notamment s’il/elle voit des changements négatifs ou positifs chez la personne. Il s’agit d’un questionnaire avec 22 items (entre autres, s’ils se sentent seuls, les visites qu’ils reçoivent, leurs sujets de conversation…) et on observe si les changements sont favorables ou défavorables sur une période de 5 mois. » Bilan : la présence d’oiseaux entraine une amélioration significative chez ces patients, tandis que l’état des patients contrôles se dégrade.
« Ces études pilotes, même si elles ne sont pas magnifiquement bien contrôlées, indiquent l’incidence positive de l’introduction d’animaux dans une thérapie, un hôpital psy ou même à la maison, conclut la chercheuse. » Suite à ces premiers travaux, bien d’autres seront menés (encore actuellement). Le but : établir scientifiquement la réalité des effets positifs des animaux. « Est-ce que ces études ont été bien contrôlées ? Est-ce que ce sont vraiment les animaux qui ont un effet et pas autre chose ? Peut-on préciser la nature de ces effets, c’est-à-dire sur quels types de problème est-ce que ça a une incidence (dépression, anxiété, sentiment d’isolement…) ? Mais les questions portent aussi sur le type de personnes susceptibles d’en bénéficier : enfants, ados délinquants, personnes avec trouble alimentaire, enfants autistes, enfants avec un handicap mental, personnes âgées, dépressives, personnes qui ont le sida, divorcées, endeuillées, etc. On va essayer de préciser la nature exacte des effets de l’animal et de les rapporter à des théories psychologiques. »
Les bienfaits du compagnonnage animal sur la santé physique
Les effets sur les problèmes de santé physique sont les plus faciles à mesurer. Plusieurs études ont démontré que la possession d’animal de compagnie est associée à une meilleure santé.
« La première de ces études date de 1980, indique la psychologue. On a pris une série de patients qui sortaient de l’hôpital après une attaque cardiaque et on a mesuré leur taux de survie un an après, en notant s’ils possédaient ou non un animal de compagnie. ». Les résultats sont clairs : les propriétaires d’animaux ont un taux de survie nettement plus élevé que ceux qui n’en possèdent pas. 5,7% de patients qui possèdent un animal de compagnie décèdent, contre 28,2% pour ceux qui n’en possèdent pas. Et ce indépendamment du support social. On voit donc que l’animal de compagnie est le prédicteur le plus puissant de la survie un an après la sortie. « Cette étude a eu un grand retentissement parce qu’elle permet de voir clairement les effets sur la santé physique, précise Véronique Servais. Elle a aussi été répliquée et étendue par la suite. »
Et si cette étude concerne les personnes qui possèdent déjà un animal, une autre, réalisée par James Serpell en 1991 ciblent les gens qui n’avaient pas d’animal et en adoptent un dans un refuge. Soit un chien, soit un chat. Le chercheur leur demande alors de remplir un questionnaire dans lequel ils mentionnent leurs problèmes de santé – plutôt mineurs ici, il ne s’agit pas d’infarctus – et il mesure deux fois. D’abord, un mois après l’adoption. Ensuite, dix mois après l’adoption. Au bout d’un mois il observe une réduction significative des problèmes de santé mineurs par rapport au moment de l’adoption, et cet effet se maintient dix mois plus tard, mais uniquement chez les propriétaires de chiens. Chez les propriétaires de chats, on ne voit plus la différence au bout des 10 mois. Ce genre d’études suppose donc que le fait de posséder un animal de compagnie à la maison améliore la santé.
Les effets physiologiques provoqués par nos compagnons poilus
Parmi les effets physiologiques que produisent chez nous les animaux, les chercheurs Freeman et Tatchers ont fait une expérience. Véronique Servais l’explique. « Ils demandent à des enfants de lire un texte en présence de personnes adultes inconnues (une situation génératrice de stress). On mesure la pression sanguine des enfants et on observe qu’en présence d’un chien (sans nécessité de contact) elle est diminuée. Le stress est moins important quand les enfants doivent lire le texte en présence d’un chien qu’en son absence ».
En 2012, cette étude est répétée de façon un peu différente par Beets (et al.). Ils proposent aussi à des enfants de lire un texte devant des adultes inconnus, mais cette fois ils mesurent le taux de cortisol salivaire (un indice très fort du stress). On constate encore qu’il est moins élevé quand les enfants sont accompagnés d’un chien de thérapie amical. Même expérience en remplaçant le chien par une peluche, puis par un adulte amical : c’est toujours le chien qui reste le plus efficace pour réduire le stress de ces enfants.
Regard médical
La médecine tente donc d’identifier les facteurs et les molécules qui sont responsables de ces effets. La sécrétion de l’ocytocine va être mise en avant. Il s’agit d’une hormone de l’attachement qui est très présente, par exemple, dans le cerveau d’une mère à la naissance de son bébé. « Cette hormone est liée au sentiment de sécurité ainsi qu’à la confiance en soi et en l’autre.Cependant, il faut se pencher sur ce qui permet d’expliquer sa sécrétion. Car l’ocytocine n’est que l’indice de quelque chose qui est en train de se passer, ce n’est pas le fin mot de l’histoire !, relève la chercheuse ».
La théorie du support social
Actuellement, la théorie du support (ou soutien) social est la plus utilisée pour expliquer les bienfaits que les animaux ont sur notre santé.
Un support ou soutien social se définit ici comme « Ce qui va amener un sujet à penser qu’on prend soin de lui, qu’il est aimé, estimé et qu’il est reconnu comme membre d’un réseau d’obligations mutuelles. »
Depuis les années 90, la littérature médicale a établi l’existence d’une corrélation entre le support social dont bénéficie un patient, l’amélioration de sa santé et sa survie. Plus le support social est grand, plus sa santé est bonne. Cependant, les mécanismes précis qui régissent ces effets ne sont pas identifiés. « Mais on se rend compte que, d’une certaine manière, des relations sociales positives vont diminuer les effets du stress sur la santé. Et c’est ici que l’animal de compagnie intervient puisqu’il a le même effet. On part donc du principe qu’il va avoir un effet sur la santé via le lien et le support social qu’il apporte, donc réduire les effets psychologiques de l’isolement social, détaille Véronique Servais ».
Cette théorie s’applique-t-elle complètement aux animaux de compagnie ?
Pas de manière absolue. Une série d’études a tenté de le prouver. La psychologue en expose quelques-unes, comme celle menée sur des femmes âgées possédant un chien. Sans surprise, les effets négatifs du sentiment d’isolement sont moins fortement perçus par les propriétaires de chien que par celles qui n’en possèdent pas. Le chien agirait comme un tampon qui atténue les effets du stress, de la solitude et apporte un soutien au niveau de la santé. « Dans ce cas-là, l’apport des animaux de compagnie est comparable à celui des figures humaines dans la théorie du support social ». Une théorie qu’elle juge intéressante mais néanmoins critiquable, entre autres, en ce qu’elle fait de l’animal un des moyens de support social parmi d’autres. La chercheuse ajoute aussi que « cette théorie n’explique pas les premiers résultats avec l’étude sur les gens qui sortent de l’hôpital et survivent mieux quand ils ont un chien. Or dans ce cas-là, la mesure avait été faite indépendamment du support social. Donc il semble que l’animal apporte quelque chose de plus… Est-ce que l’animal est simplement un substitut de l’humain dans son rôle de support ? Ma réponse est qu’il est plus que ça. »
Les effets du compagnonnage sur la santé psychologique
« C’est un sujet qui a été énormément traité, à tel point qu’aujourd’hui on fait même des méta-analyses de toutes ces études (c’est-à-dire des études sur les études), souligne Véronique Servais. » Ces méta-analyses attestent que les animaux de compagnie (le chien étant l’animal le plus souvent évalué) peuvent améliorer le bien-être psychologique en atténuant les effets stressants de la vie, en diminuant le niveau d’anxiété et de dépression, et en améliorant le sentiment d’autonomie, de compétence et d’estime de soi. Ceci dit, des résultats contradictoires existent aussi et les chercheurs ont dû explorer d’autres pistes comme l’importance du type de relation qui existe entre la personne et son chien.
« En effet, si j’ai un animal dans la maison, que c’est celui de mon frère, que je déteste mon frère, et que je déteste encore plus son chien … le fait d’avoir un animal à la maison ne va pas forcément jouer sur mon niveau d’anxiété et de dépression ! »
La théorie de la figure d’attachement
Il faut donc aussi mesurer le lien avec l’animal, et ce au moyen d’ « échelles d’attachement ». Les scientifiques essaieront ainsi de lier ça à une autre théorie : celle de la figure d’attachement. « Il s’agit du fait que lorsqu’on est en présence de notre figure d’attachement, qui peut être un parent, un amoureux, un animal, etc., on se sent en sécurité, explique la psychologue. On aura aussi tendance à avoir une proximité émotionnelle avec cette figure d’attachement, l’utiliser pour explorer notre environnement, comme l’enfant qui va explorer le monde en présence de sa mère mais ne le fera pas en son absence car il ne se sent pas sécurité, par exemple. » De plus, les propriétaires d’animaux de compagnie se sentent émotionnellement proches d’eux, retirent du plaisir de cette proximité, ressentent que leurs animaux leur apportent un havre de paix, une source de réconfort et d’apaisement. En opposition, la perte d’un animal de compagnie déclenche un processus de deuil dont le déroulement est comparable à celui qui survient lors de la perte d’une personne proche.
Le sentiment de sécurité lié au fait de posséder un animal de compagnie à la maison. Il a été démontré que la simple présence d’un animal dans la maison provoquait un sentiment de sécurité à ses occupants. Cela fonctionne pour les chiens qui peuvent garder la maison, mais aussi pour les chats ! La maison paraît être un lieu plus bienveillant dès lors qu’un animal s’y trouve.
Une autre étude a sollicité des propriétaires de chats et de chiens pour réaliser des tâches qui mobilisaient leur cognition en présence ou en l’absence de leur animal. Ils devaient imaginer un objectif qu’ils aimeraient réaliser dans leur vie future ainsi qu’évaluer leur capacité à atteindre cet objectif, et ce, dans 3 conditions :
En présence de leur animal
En l’absence de leur animal
En imaginant la présence de leur animal
Observations : la présence de l’animal rend les gens plus efficaces dans la réalisation de leurs tâches, ils ont plus confiance en leur capacité d’atteindre leurs objectifs dans la vie, et ça se manifeste en présence de l’animal mais aussi quand ils pensent à leur animal. Donc même quand il est simplement dans la pièce d’à côté et qu’ils pensent à lui. Même l’évocation du lien avec l’animal a donc un impact aussi. Les auteurs de cette étude concluent que les animaux fonctionnent donc bien comme une figure d’attachement et que le lien peut être qualifié de cette manière.
L’animal, plus qu’un substitut de l’humain
Les diverses expériences menées tendent à montrer qu’être avec un chien, ce n’est pas comme être avec un humain, souligne Véronique Servais. Les animaux ne sont pas des substituts, ils apportent quelque chose de différent. Cela paraît une évidence mais dans les théories du support social, ce n’est pas ce qui était proposé. Beaucoup des théories qui essaient d’analyser les effets des animaux de compagnie échouent à tenir compte de la spécificité des animaux du fait que la communication avec eux n’est pas la communication avec un être humain. »
Les programmes thérapeutiques utilisant les animaux.
Il existe de nombreux programmes thérapeutiques qui recourent à des animaux domestiques. Cependant, la psychologue rappelle que les pratiques sont extrêmement diversifiées car elles s’appliquent à des populations cibles très différentes en termes d’âge, de trouble, de handicap, etc., mais aussi de lieux variés : manège, maison de repos, hôpital… En outre, les pratiques sont, elles aussi, multiples : tout seul, en groupe, avec un chien visiteur, etc.Les résultats des programmes thérapeutiques utilisant des animaux sont globalement positifs (diminution de l’agitation, amélioration de la communication, etc.) mais on observe aussi beaucoup de résultats contradictoires. Leur efficacité est difficile à démontrer de façon rigoureusement scientifique.
Pourquoi les effets sont-ils difficiles à démontrer ?
Au moment de réaliser sa thèse de doctorat, Véronique Servais a fait l’expérience de la difficulté de démontrer rigoureusement les effets de l’animal sur la santé humaine. Elle travaillait alors sur l’impact thérapeutique de dauphins sur des enfants atteints d’autisme. « Nous avions mis en place un protocole expérimental assez stricte qui visait à démontrer que c’étaient bien les dauphins qui avaient un effet sur les enfants. Et puis, pour résumer, il s’est avéré qu’en essayant de montrer que les dauphins avaient un effet sur les enfants … on a montré tout l’inverse. Ce n’étaient pas les dauphins seuls, hors contexte, qui avaient un effet sur les enfants. On se rend compte qu’essayer d’isoler l’effet de l’animal tend à le faire disparaître parce qu’on a une démarche très standardisée, répétitive, avec des mesures précises, etc. Cette démarche-même fait que les effets positifs ont tendance à disparaître.”
Cela explique en partie la tension entre les praticiens qui rapportent et voient des résultats, et les chercheurs qui mettent en place des démarches très rigoureuses et standardisées dans lesquelles les résultats tendent à disparaitre – en raison même de cette démarche inappropriée.
Elle ajoute que de nombreux travaux se fondent sur l’Evidence based médecine (médecine basée sur les preuves). Soit le fait de travailler avec de grands groupes, d’isoler l’effet précis de l’animal, mais surtout de postuler l’existence d’un effet qui serait identique pour chaque individu. « Ce que je trouve un peu absurde car ça a tendance à faire de l’animal une sorte de médicament ou à placer en lui une sorte d’effet thérapeutique similaire pour tous, déplore la chercheuse. De plus, cette façon de percevoir les choses fait qu’on ne regarde plus autour des animaux, les processus d’interaction et de communication, comme si l’animal isolé était magique. »
Médiation animale et pistes de fonctionnement.
Plutôt que de parler d’effets thérapeutiques des animaux, Véronique Servais préfère parler d’un dispositif de médiation, qui consiste à aménager un environnement au sein duquel une rencontre entre un animal et un être humain va pouvoir se faire. Elle pourra prendre de multiples formes et sera forcément singulière, comme toute rencontre l’est. L’idée est d’aménager un environnement sécurisant mais aussi suffisamment ouvert, pour laisser place à la surprise, l’imprévu et la spontanéité de l’animal.
« Je vois la médiation, non pas comme une sorte d’usage de l’animal pour obtenir tel ou tel effet, mais vraiment comme un espace de rencontre dans lequel l’animal, du fait de sa présence, va venir modifier la donne, changer la façon dont patient et thérapeute interagissent, multiplier les zones de contact entre eux, et apporter du nouveau. La communication va se faire sur une base non-verbale, dans le ressenti, sur le sensible, le corps et l’émotion. Il y a une mise en relation de deux systèmes. »
L’accordage kinésique : de l’importance du corps dans le rapport à l’animal
Beaucoup de théories ne font pas place aux spécificités de l’animal dans leurs explications, or la psychologue estime que ce qu’il y a de spécifique dans le rapport à l’animal (le contact de la fourrure, par exemple) est fondamental. Notamment, en son rôle d’accordage kinésique. Le fait de s’accorder corporellement avec autrui. « C’est quelque chose qui est présent dans les relations mère-bébé, à la base du rapport avec autrui, de l’intersubjectivité, et de l’entrée en relation. Le fait de créer cet accordage avec un animal, peut permettre à des personnes dont la capacité à entrer en relation est très affaiblie, de surmonter cette barrière. Et donc d’exister un peu plus parce que sans cet accordage kinésique, le soi ne peut pas exister. C’est pour moi quelque chose qui a à voir avec la capacité d’existence et la façon dont on s’expérimente en tant qu’être vivant. »Un accordage qu’il est évidemment bien plus difficile de réaliser avec un être humain en raison du nombre d’obstacles qui interviennent. Ce sera donc plus simple et direct avec un animal. De plus, le contact avec la fourrure et le regard de l’animal diminue notre niveau de stress via la libération, entre autres, d’ocytocine.
Bilan sur les pratiques thérapeutiques impliquant des animaux
A ce stade, les pratiques thérapeutiques incluant des animaux sont donc très diversifiées, reposent sur la compétence des intervenants et l’équipe qu’ils forment avec leurs animaux, et consistent pour l’essentiel à aménager un environnement dans lequel la rencontre avec l’animal va venir faire « évènement ». Elle ne peut être ni tout à fait planifiée, ni standardisée.L’importance de la relation d’attachement va bien sûr augmenter le sentiment de sécurité et l’impression d’être « bienveillé ». A côté de ça, nos compagnons à poils ou à plumes nous apportent aussi de la gaieté et souvent de nombreux fous rires. Véronique Servais ira d’ailleurs jusqu’à dire : « La présence d’un animal reconfigure notre rapport au monde ! »
L’objectif de cette publication est de rendre accessible aux promoteurs de la santé dans le monde francophone un ouvrage les aidant à développer un programme efficace de promotion de la santé à l’aide du modèle PRECEDE/PROCEDE.
De façon générale, les modèles de planification doivent être utilisés comme des guides, des outils qui, d’une manière systématique et rigoureuse, permettent de comprendre le contexte dans lequel se déroulera le programme, de cerner adéquatement un problème de santé d’une population cible, d’en comprendre les causes, d’identifier les priorités d’action ainsi que les éléments susceptibles de rendre un programme pertinent et adapté aux besoins de la communauté, bref, de ne rien oublier dans la démarche de planification.
Cette période de crise sanitaire, plus que jamais, nous a démontré à quel point la solidarité était une valeur essentielle à notre société. Il est pourtant des associations qui n’ont pas attendu qu’elle soit sur le devant de la scène pour l’adopter. Le Petit Vélo Jaune, lancé en 2013 par Vinciane Gautier et Isabelle Laurent, en a fait sa ligne directrice. L’association propose un soutien bénévole aux familles en difficultés à Bruxelles. Le principe : offrir une assistance aux parents d’un enfant de moins de 3 ans afin de leur redonner une confiance parentale, parfois perdue sous des monceaux de difficultés ou cachée derrière des situations de vie diverses. Ce faisant, Le Petit Vélo Jaune peut prévenir certaines situations problématiques telles que l’épuisement parental qui dans les cas les plus extrêmes peut mener à de la négligence, voire de la maltraitance.
Education Santé a rencontré Pascale Staquet qui a rejoint l’équipe en 2017. « C’est une initiative qui promeut la santé à double titre, estime-t-elle, parce que ça a un effet positif sur les familles accompagnées par des bénévoles (aussi appelés coéquipiers), mais ça fait aussi du bien aux bénévoles eux-mêmes. Beaucoup reconnaissent que ça leur apporte vraiment du plaisir, notamment à certains moments de leur vie où ils rencontrent des passes difficiles. »
Le Petit Vélo Jaune : en pratique
Il s’agit d’offrir une aide très concrète. Les bénévoles (appelés coéquipiers) arrivent dans une famille où il y a soit une grossesse, soit un enfant de moins de trois ans, et vont aider le ou les parents dans la gestion des petites urgences quotidiennes (aller au CPAS avec la maman, chez le médecin, faire un gâteau, …) une fois par semaine durant un an (dans certains cas, cela peut être prolongé si nécessaire).En général, les familles qui en ont besoin sont dirigées vers Le Petit Vélo Jaune par l’intermédiaire de professionnels. « A l’ONE ils nous connaissent bien. Mais ça peut être aussi une maternité, un pédiatre, des psychologues, des coachs en santé mentale, des plannings familiaux… 5 à 10% des familles viennent car elles ont trouvé le site et fait la démarche de recherche. Et de plus en plus, nous voyons des familles qui viennent sur conseil d’une autre famille, d’un ou une ami.e.» Le bouche à oreille commence à faire son effet.Et pour les bénévoles, tout commence par des entretiens assez rigoureux. « Il y a deux entretiens avant de commencer. Les bénévoles nous contactent, on leur renvoie un questionnaire (assez court) pour mieux les connaître et une fois qu’ils nous le retournent, on leur propose un premier rendez-vous pour les recevoir. Là, on explique le projet, on entend à quel moment de leur vie ils sont, quelles sont leurs motivations. On évalue si on les voit bien dans la position de coéquipier, s’ils sont dans le non-jugement, si on les sent chaleureux, etc. Ensuite, si tout va bien et qu’ils sont partants pour le projet, on va alors leur donner un second rendez-vous pour tout ce qui concerne les conventions, chartes, document de confidentialité… ».L’équipe du Petit Vélo Jaune organise le “matching” qu’elle juge le plus idéal en prenant compte des besoins des parents ainsi que des préférences du ou de la bénévole. Par exemple, les communes dans lesquelles il ou elle préfère se rendre mais aussi par rapport à ses affinités, ce qu’il ou elle préfère éviter, ses centres d’intérêt, etc. Les coéquipiers reçoivent alors un petit document anonyme qui les informe des caractéristiques principales de la famille qu’on leur propose d’accompagner et ils ont alors le choix de refuser ou non. « S’ils acceptent, ils sont présentés à la famille, encadrés par ce que l’on appelle leur référent duo, détaille Pascale Staquet. »
Le référent duo
Le Petit Vélo Jaune travaille à l’image des poupées russes : les parents s’occupent de leurs enfants, les bénévoles s’occupent des parents, et les référents duo s’occupent des bénévoles. Il s’agit de personnes diplômées en psychologie, travailleuses sociales, assistantes sociales, infirmières… souvent d’anciens professionnels du secteur. Le but est d’apporter un soutien professionnel solide à l’accompagnement des bénévoles. Le référent duo offre environ 7 heures de son temps par semaine au Petit Vélo Jaune et encadre en moyenne 5 ou 6 bénévoles. C’est la personne qui présente le ou la bénévole aux parents.
Pour aider les coéquipiers, « Le Petit Vélo Jaune fournit un document reprenant une dizaine de bulles sur ce qui peut être fait en tant que bénévole dans une famille. Ce sont des idées qu’on a présenté à la famille en leur demandant sur quoi elle souhaite que le coéquipier l’accompagne. Par exemple, si elle souhaite être soutenue pour faire des démarches administratives, si l’important est l’ écoute, de jouer avec les enfants… C’est une sorte de « photo de départ. »Les coéquipiers font parfois plusieurs accompagnements. Mais Pascale Staquet précise qu’« une bonne moitié des bénévoles fait 2 ou 3 accompagnements. Souvent, ils restent en contact avec des familles, donc ils en accompagnent rarement plus de 3.»
Lorsque le Petit vélo jaune fut créé, en 2013, le poste de référent-duo n’existait pas. Les deux fondatrices se chargeaient de chapeauter les coéquipiers. Début 2016, débordées par le nombre croissant d’accompagnements, les coordinatrices décident de déléguer cette responsabilité et initient le rôle de référent-duo. Claudine Joye en sera la pionnière, elle qui connait parfaitement le secteur. Jusqu’il y a peu, elle œuvrait dans le domaine de l’aide à la jeunesse et plus spécifiquement dans un service de placement familial. Elle sait toute la pertinence du Petit vélo jaune : « Je suis persuadée que lorsque la décision est prise de placer un enfant en famille d’accueil, c’est souvent parce que l’on arrive trop tard. Si certains parents avaient reçu de l’aide plus tôt, s’ils avaient été accompagnés plus tôt dans leur vie de parents, par exemple depuis la grossesse, certains placements auraient peut-être pu être évités. »
Fin 2018, Claudine compte 6 accompagnements clôturés. « Ma mission est de pouvoir être disponible pour écouter et conseiller le coéquipier, et ce avec le recul nécessaire. Mais je ne dois pas non plus chercher à être trop présente, à m’imposer. Je suis là en soutien pour le coéquipier, mais je n’agis pas à sa place, un peu de la même manière que le coéquipier avec les parents. Il s’agit donc de sans cesse trouver le juste équilibre ». Bien entendu un coéquipier n’est pas l’autre. Certains sont eux-mêmes parents quand d’autres sont plus démunis en présence de nourrissons ou d’enfants en bas âge. « Je me dois de communiquer davantage avec certains quand je peux en laisser d’autres plus en roue libre. Mais de façon générale, je les appelle assez fréquemment dans les premières semaines de l’accompagnement, lorsque les questions d’ordre pratique sont nombreuses. Des coéquipiers sont moins à l’aise lors des premiers contacts, sont plus timides, ou nécessitent que je “valide” la relation qui s’installe avec la famille. Une coéquipière confrontée à de longs moments de silence me demandait récemment comment réagir… Bien sûr, je prendrai aussi souvent des nouvelles d’un coéquipier qui accompagne une famille dont je sais la situation très lourde. »
Lors de la mise en place de l’accompagnement, référent-duo, coéquipier et parent(s) se rencontrent pour définir les besoins prioritaires de l’accompagnement. Une relation conflictuelle avec un enfant difficile, de multiples factures impayées introuvables, le besoin de « vider son sac » régulièrement avec un autre adulte, les réalités sont nombreuses. Le référent-duo ne reverra la famille, en présence du coéquipier, qu’après une première période de 3 mois, sauf en cas de demande précise. « Ce bilan de trois mois est essentiel. Il est le moment de clarifier certaines choses, de mesurer si les premiers objectifs de l’accompagnement ont été atteints et quels sont les écueils éventuels, de réévaluer ces besoins et de définir de nouvelles priorités pour le reste de l’année. Je précise qu’avant toute réunion avec la famille je rencontre toujours le coéquipier seul, pour connaitre son ressenti sur l’accompagnement et sur la demande du parent. Je contacte également la famille pour connaitre son propre vécu dans la relation avec son coéquipier. »
Une troisième et dernière réunion référent-duo, parent(s) et coéquipier se fait à la clôture de l’accompagnement, après un an. Si le besoin s’en fait ressentir, une réunion préliminaire peut se tenir plus tôt, après 9 mois. « Pour ma part, j’apprécie un bilan à 9 mois car c’est l’occasion d’évoquer déjà la fin de l’accompagnement. Car oui, certains parents sont un peu paniqués de savoir que l’accompagnement va se terminer, de peur de se retrouver à nouveau seuls ou démunis. J’encourage par exemple toujours les bénévoles à laisser une trace une fois l’accompagnement terminé, que ce soit un dessin, un objet, une photo. Pour le parent, mais surtout pour les enfants. Une rupture trop brusque pour un enfant est habituellement plus difficile, surtout s’il a déjà vécu des ruptures de liens familiaux. »
Les référents-duo participent aussi à diverses réunions de coéquipiers, telles que les soirées “partage de vécus”. « Cela me permet de connaître d’autres réalités, d’autres situations, et de façon préventive à m’y préparer si je dois y être confrontée avec le binôme que je soutiens. »
La monoparentalité et l’isolement, récurrents chez les familles accompagnées
En ce qui concerne les familles, environ 70% d’entre elles sont monoparentales. Pascale Staquet explique que les profils sont variés. « Les nationalités sont variées, et nous avons aussi bien des mamans de 20 que de 48 ans. »« Nous rencontrons beaucoup de personnes d’origine étrangère à Bruxelles, évidemment, avec une partie d’entre elles issue de l’immigration récente. Et notamment beaucoup de femmes guinéennes qui se retrouvent seules en Belgique et sont dans leur premier logement après être passées par un centre d’hébergement. Souvent, c’est la première fois qu’elles ont un logement pour elles seules et elles arrivent dans un quartier un peu par hasard mais ne connaissent rien du lieu, donc à ce moment-là le bénévole va les aider à comprendre les codes, découvrir ce qu’il y a autour d’elles dans le quartier, les assister au niveau administratif, etc. D’ailleurs, la plupart du temps, ces femmes se débrouillent extrêmement bien avec leurs bébés, elles ont tous les gestes, savent comment faire, et c’est souvent très beau de voir la manière dont elles s’occupent de leurs enfants, donc la question, la difficulté, n’est pas là. Le but sera plutôt de les aider dans leur processus d’intégration sociale. »« Ensuite, on voit des parents en difficulté parce que leur enfant a des besoins intenses, demande énormément d’attention, est très exigeant, jamais content… et peut donc épuiser complètement ses parents. » On retrouve aussi des familles avec un enfant présentant un handicap, pour qui de nombreux soins sont nécessaires, ou encore qui génère de l’inquiétude, de la peur, chez ses parents. Les difficultés viennent parfois de situations de vie des parents : séparation durant la grossesse, coup du sort tel que le décès de proches qui auraient pu aider, etc. Un facteur est néanmoins récurrent : l’isolement.
Le bénévole : un soutien pour apprendre à rouler seul.es
Bien qu’ils soient une soixantaine actuellement, le nombres de bénévoles reste inférieur à la demande de familles. C’est la raison pour laquelle l’association est constamment à la recherche de nouveaux bénévoles. Pour ce faire, l’association déploie un travail de communication important pour faire parler d’elle et pouvoir ainsi aider plus de familles. Actuellement, une grande partie des bénévoles arrivent via le bouche à oreille.Un autre volet important du projet consiste en des temps de rencontres avec les coéquipiers autour de ce qu’ils et elles vivent dans les familles. Le Petit Vélo Jaune organise des soirées durant lesquelles ils peuvent évoquer – de manière anonyme – les aspects les plus compliqués, les bons moments, comment trouver sa place au sein de la famille, mais aussi comment la quitter progressivement. Pascale Staquet précise :Mise en évidence : « A un moment, Le Petit Vélo Jaune se retire, mais souvent les liens restent. Les gens restent en contact, même si ce n’est plus tout à fait de la même façon. L’idée est que les parents puissent reprendre leur vie en main, soient autonomes et ne dépendent pas du bénévole. » Fin de mise en évidence
Faire face aux cas particuliers
La diversité des profils des familles peut amener le bénévole à se retrouver face à des parents en situation d’épuisement, de mal être physique ou mental. “Dans ce cas, nous réfléchissons avec le parent sur les difficultés qu’il rencontre et nous le soutenons pour rouvrir son réseau familial ou amical, trouver le moyen de rencontrer d’autres parents… Si nécessaire, nous cherchons avec eux les aides professionnelles qui pourraient le mieux les soutenir et elles sont nombreuses à Bruxelles”.Parfois, les parents sont déjà aidés par plusieurs services et Le Petit Vélo Jaune fait alors sa part d’aide en respectant une position bien définie. « On ne fait pas d’évaluation de ce qu’il se passe dans les familles. Si un jour on se rend compte qu’il y a une très grosse difficulté et qu’il n’y a pas d’autre service présent, alors, comme des voisins s’ils entendent un bébé qui pleure à côté, on va essayer d’intervenir. Mais vraiment de la même façon qu’un voisin, et on préviendrait le parent. ».
2020 pour Le Petit Vélo Jaune, du printemps de la pandémie à l’été du déconfinement
Quand il est question de parentalité et d’isolement, difficile d’ignorer la période de confinement que nous venons tous de traverser, et qui frappe durement la tranche de la population à laquelle Le Petit Vélo Jaune vient en aide. A cette période, les bénévoles ont cessé de se rendre dans les familles, mais sont néanmoins restés en contact avec les parents et les enfants, souvent via Whats’app ou par téléphone. Pascale Staquet souligne la grande créativité dont les bénévoles ont fait preuve : « ils ont lu des histoires et les ont enregistrées puis envoyées aux enfants, certains sont allés amener du matériel de bricolage, d’autres ont apporté des crêpes, il y en a qui sont allés chercher des colis alimentaires parce qu’il y avait une détresse à ce niveau-là, d’autres encore allaient promener avec une maman seule avec son bébé (en tenant leurs distances, bien sûr)… ». Même si le contact à distance ne remplace pas la présence physique, il aura peut-être permis d’adoucir un peu le quotidien de ces parents.Le confinement a été suivi d’une autre période particulière pour l’association : l’été. Les organisatrices ont mis en place une aide supplémentaire et un peu différente pour la période estivale. Il s’agissait de travailler avec de jeunes bénévoles (entre 18 et 30 ans) qui n’auraient pas le temps de s’engager dans un accompagnement à l’année mais qui pourraient le faire à certains moments précis et qui auraient un rôle plutôt tourné vers l’animation, pour (r)amener le plaisir du jeu. « Tous les jeunes qui ont rempli ce rôle cet été étaient très contents en tout cas, se réjouit Pascale Staquet. »
En route vers demain !
Si pour Bruxelles, la volonté d’extension du Petit Vélo Jaune s’arrêterait autour de la centaine de familles afin de garder un projet à taille humaine, les retours et résultats positifs obtenus ont apporté aux organisatrices du projet la volonté d’essaimer. C’est-à-dire de donner envie à d’autres personnes de mettre en place des projets similaires, ailleurs en Belgique. L’idée est de collaborer avec ces futures structures, notamment en partageant leur expérience. Elles espèrent, dans un avenir proche, voir d’autres asbl indépendantes ouvrir à Gembloux, Ottignies et Nivelles.
Le Petit Vélo Jaune est constamment à la recherche de bénévoles ! Si vous souhaitez vous lancer dans l’aventure : https://www.petitvelojaune.be/benevoleEt si vous aimeriez soutenir le projet mais n’avez pas le temps ou l’énergie nécessaire, vous pouvez aussi faire un don à l’association : https://www.petitvelojaune.be/nous-aider
Retrouvez les bienfaits que procure le volontariat dans notre article «Le volontariat, c’est bon pour la santé », par Avalosse H., Delvaux J., Morton J., Rimé B., Vankorenland S., Verniest R. , à l’adresse : https://educationsante.be/article/le-volontariat-cest-bon-pour-la-sante/
Voilà maintenant plusieurs semaines que nous sommes confinés chez nous en réponse à l’épidémie du COVID 19. Ce nouveau mode de vie a chamboulé nos repères et nous oblige à revoir nos façons de faire. Si cela est vrai pour notre vie privée, ça l’est autant dans notre vie professionnelle. Comment continuer à être proche de nos publics en ces temps de distanciation physique ? Comment continuer de faire de la lutte contre le VIH une priorité quand les esprits sont concentrés sur une autre épidémie ? Comment continuer à atteindre nos objectifs quand certaines de nos activités ne sont plus possibles ?
Nouvelles stratégies mises en place à la Plateforme Prévention sida pour maintenir la réalisation des objectifs de son programme.
A la Plateforme Prévention Sida, il a fallu réfléchir, se concerter, prioriser les besoins et s’adapter afin de proposer rapidement des solutions pour répondre à toutes ces questions. Dans un premier temps, il nous est apparu nécessaire de rassurer nos publics sur le maintien de notre présence à leur côté. Par la suite, nous avons dû mettre en place de nouvelles actions ou modifier nos actions habituelles pour continuer de répondre aux besoins de nos publics. Et pour finir, nous avons également engagé une réflexion sur nos priorités pour l’après confinement. Dans cette recherche de nouvelles stratégies, les nouvelles technologies se sont vite imposées comme une solution. En effet, nous avons dès le début cherché à renforcer notre présence sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram… outils inévitables en cette période de distanciation physique) pour rappeler à nos publics notre présence, les rassurer et les encourager à rester en contact avec nous.
Il nous a également semblé important de mettre en ligne des informations sur la COVID 19 et les liens avec le VIH, en reprenant toutes les informations dont pourraient avoir besoin nos publics. Dans cette démarche, nous avons également réfléchi aux publics fragilisés en fournissant une information compréhensible et lisible, ainsi que des renseignements sur le maintien de la prise en charge de la santé dans les conditions actuelles. En effet, il nous a semblé primordial de lutter contre l’augmentation de l’écart de santé que pourrait induire cette nouvelle épidémie. Pour revenir aux réseaux sociaux plus spécifiquement, nous avons notamment mis en place cinq nouvelles rubriques de post Facebook et Instagram pour alimenter chaque jour nos comptes : Covid 19 et VIH, Safe Sex Quiz, le chiffre de la semaine, saviez-vous que ? et flashback (rappel sur nos anciennes campagnes). Cette stratégie de communication, nous permet de maintenir la lutte contre le VIH et les autres IST au centre des débats et de poursuivre le dialogue autour de ces questions de santé sexuelle.
D’autres projets ont dû également modifier leur fonctionnement. Par exemple, le soutien collectif apporté par le Groupe Mandela de la Plateforme Prévention Sida a été maintenu grâce à la création d’un groupe WhatsApp et le travail des Relais PrEP s’est poursuivi par l’intermédiaire des réunions en ligne et de la production de vidéos informatives à partager sur les réseaux sociaux.
Si dans un premier temps il a fallu assurer notre présence et la continuité de l’information, nous avons aussi dû réfléchir à des stratégies alternatives pour continuer de favoriser l’accès des publics aux outils de prévention du VIH et des autres IST. Notamment l’accès aux préservatifs grâce à un envoi hebdomadaire de préservatifs gratuits par la poste aux personnes qui en font la demande. Mais également en insistant sur l’importance de les rendre disponibles dans un contexte de potentielle pénurie à la suite des fermetures des usines en Malaisie.
L’accès au dépistage du VIH a également retenu notre attention. En effet, les demandes continuent d’arriver. Il fallait donc envisager une solution pour que les publics continuent à y avoir accès, tout en respectant les règles en mesure de distanciation physique. Nous avons donc réfléchi à un système d’envoi d’autotests pour les tests urgents en cas de prise de risque avérée, et après un counseling en ligne ou par téléphone pour s’assurer que la personne ait reçu toute l’aide nécessaire et saura quoi faire en cas de résultat positif.
Confinés individuellement chacun dans nos maisons, nous restons une équipe motivée et déterminée à poursuivre les objectifs de notre programme : lutter contre l’épidémie du VIH en renforçant les publics par rapport à la prise en charge de leur santé sexuelle, maintenir la lutte contre le VIH et les autres IST dans les priorités de nos décideurs, favoriser l’accès à l’information et au matériel de prévention pour tous, avec une attention particulière pour les plus fragilisés, continuer de travailler avec et pour nos publics, favoriser le travail de proximité, même si cela nous demande de revoir nos actions.
Vers une réouverture progressive…
Depuis l’écriture de l’article, le Plateforme Prévention Sida a réouvert progressivement ses bureaux au public. Notamment des permanences deux fois par semaine pour réaliser sur rendez-vous des tests de dépistage du VIH à résultat rapide, des distributions de matériel de prévention sur rendez-vous et une permanence une fois par semaine pour les personnes vivant avec le VIH qui souffrent de l’isolement. Nous adaptons toutes ces activités aux consignes de sécurité pour éviter la transmission du Coronavirus (hygiène des surfaces, nettoyage fréquent des mains, distanciation physique et port du masque). Nos activités continueront de s’adapter à l’évolution de la situation.
Même si nos esprits sont préoccupés par la situation que nous vivons, même si les priorités sont à la lutte contre le coronavirus, et bien que nous vivions confinés, les questions sur la vie sexuelle et affective, et les prises de risque par rapport à la transmission du VIH et des autres IST n’ont pas disparu. Même si le confinement nous impose d’éviter les contacts physiques, il est naïf de penser que les gens n’ont plus de rapports sexuels. La vie continue et les gens continuent de faire des rencontres sur internet, à se rencontrer et à avoir des rapports sexuels. A nous de leur apporter des messages sans porter de jugement pour leur permettre de continuer à le faire en se protégeant contre le VIH et les autres IST. La lutte contre le VIH et les autres IST reste une priorité et nous espérons que cela le reste également pour nos politiques afin d’éviter une augmentation des chiffres relatifs au VIH et autres IST dans les années à venir.
Pour en savoir plus sur la Plateforme Prévention Sida : Plate-Forme Prévention Sida Asbl Place de la Vieille halle aux blé 28-29 1000 Bruxelles Tél. : 02/733 72 99 www.preventionsida.org
Aborder les déterminants environnementaux de la santé avec ceux qui en sont les plus impactés en Belgique, aller à la rencontre et travailler de manière participative avec un public en situation de précarité, agir à un niveau individuel et collectif, favoriser la cohésion sociale… C’est ce dont il est question avec le projet Eco Watchers. Stéphanie de Tiège, chargée de projet chez Empreintes asbl, nous en parle. Coup de projecteur sur un projet coup de cœur !
Qu’entendez-vous par “précarité environnementale”?
SdT : L’environnement est le cadre de vie des personnes. Il fait référence à la nature, au climat, à la planète Terre, mais aussi au logement, au quartier, à l’école…La précarité environnementale désigne le lien entre ce que vivent au quotidien les personnes en situation de précarité sociale, et les enjeux environnementaux qui impactent leurs vies, leurs lieux de vie et l’ensemble de la société. On parle ainsi de précarité énergétique, de mobilité, de questions liées à la santé (comme les pollutions intérieures, l’humidité…), ou encore de précarité hydrique. L’énergie, par exemple, est à la fois un levier financier pour les personnes et un levier pour améliorer le cadre de vie dans un logement.
Qu’est-ce qui vous a amené à vous emparer de cette thématique ?
SdT : Chez Empreintes, nous avons conscience que la plupart des actions et animations en éducation relative à l’environnement (ERE) touchent un public déjà « averti » et plutôt favorisé. Pourtant, notre association a la volonté de s’adresser à tous types de publics et de rendre accessibles les informations.
En 2007, suite à notre reconnaissance comme Centre régional d’Initiation à l’Environnement (CRIE), nous avons développé le projet Eco Watchers. Nous avons démarré en ayant très peu de connaissances sur la précarité environnementale et sur le public en question. A cette époque, le secteur de l’ERE et le secteur social partageaient peu de liens et de regards croisés sur les pratiques, les objectifs et les missions de chacun.
Au départ, un CPAS nous a interpellé car ils voulaient aborder la thématique de l’énergie avec un groupe. Mais c’est ensuite avec la cellule énergie du CPAS de Namur, dont la personne en charge était Isabelle Goyens, que nous avons co-créé et co-construit le projet tel qu’il est actuellement, testé les animations, etc.
Force est de constater que le projet répond à un réel besoin aujourd’hui. D’une animatrice, l’équipe s’est étoffée aujourd’hui de 3 animateur.trice.s.
Quel est l’objectif du projet Eco Watchers ? Quels sont les principes qui le sous-tendent ?
SdT : Le point de départ pour toute animation est toujours un besoin ou une problématique qu’une personne énonce comme difficulté, qu’elle ne comprend pas, qui l’impacte ou sur laquelle elle n’a pas de prise. L’objectif est de renforcer le pouvoir d’agir des personnes, au départ des préoccupations environnementales du quotidien.
Au travers d’un atelier et d’échanges avec le groupe, chaque participant est amené à se questionner, tester, expérimenter et trouver ensemble les réponses à leurs questions. Notre posture, nourrie de l’éducation populaire et de l’éducation permanente, est de considérer chacun comme expert de sa vie et de son lieu de vie.
D’ailleurs, en tant qu’animateur, nous n’avons bien souvent même pas de réponse toute faite ! Démarrer en tant que novice m’a aidée à adopter cette posture. Bien sûr, avec une dizaine d’années de travail sur cette thématique, je me suis progressivement co-construit des connaissances et des savoirs. Arriver à ne pas biaiser les échanges et les relations en tant qu’animatrice, s’effacer pour que chacun puisse prendre sa place, est un réel exercice. En plus, leurs réalités sont des mines d’or de réponses à leurs questions.
Dès le départ, il nous a semblé essentiel également de travailler tant sur l’individuel que sur le collectif. Notre association a une expertise pédagogique d’animation d’un collectif, tandis que nos partenaires, acteurs de l’aide sociale, ont une réelle plus-value dans l’accompagnement individuel des personnes et de leur réalité sociale. Notre partenariat est un renforcement par chacun des niveaux d’action.
Comment rencontrez-vous le public en situation de précarité ?
SdT : Les acteurs de l’aide sociale qui font appel à nous sont très variés : des CPAS, des Plans de cohésion sociale, des sociétés de logements sociaux, des régies de quartier, des Plans d’Habitat permanent, des associations d’éducation permanente, etc. Ils constatent une forte précarité énergétique sur leur territoire, souhaitent agir mais rencontrent des difficultés pour mobiliser les gens. Nous leur donnons des outils de mobilisation et les soutenons dans cette démarche, mais nous ne sommes pas en première ligne.
Dans un premier temps, on encourage nos partenaires à ne pas diffuser largement les invitations mais à cibler des personnes qu’ils connaissent déjà, plus facilement atteignables, qu’ils sentent plus réceptifs pour participer au projet.
On a développé une série d’outils, par exemple une boîte-à-ampoule pour inviter les personnes à une séance d’information collective. Cette boîte fait office de flyer : elle « dénote » par rapport aux affiches plus traditionnelles, est un objet manipulable, sans trop de texte mais surtout, elle est personnalisable. Elle permet ainsi aux travailleurs sociaux d’avoir un réel contact avec les personnes qu’elles invitent. Suite à leur participation à la séance d’information, les personnes reçoivent une ampoule économique. Je ne suis pas forcément très à l’aise avec cet aspect-là (ndlr « la carotte » pour participer). Pourtant, force est de reconnaître que cet incitant semble fonctionner pour faire le premier pas. Le message reste toutefois qu’il n’y a pas d’obligation, pas de contrôle, et que venir à cette séance ne fait pas office d’engagement dans le projet.
Lors de cette première rencontre, des anciens participants viennent témoigner et parler du projet avec leurs propres mots. Cette séance est en fait déjà construite dans une dynamique interactive et collective, avec des moments de partage en sous-groupe, etc. Les personnes se rencontrent et créent déjà du lien. Procéder ainsi a pour résultat que presque tous poursuivent l’aventure.
Enfin, à la fin du projet, les participants sont invités à parrainer une personne de leur entourage pour participer à la prochaine session. Par cet effet « boule de neige », on parvient à atteindre des publics que les acteurs sociaux ne parviennent pas nécessairement à atteindre.
Comment se déroule ensuite le projet ?
SdT : Les groupes sont constitués de 6 à 12 personnes, chaque rencontre dure 2h30 et nous en organisons entre 10 et 14 au total. En concertation avec les participants, on définit le lieu et le moment le plus opportun pour elles. Que ce soit le matin, en soirée… Mais on laisse un minimum de 15 jours entre chaque rencontre afin d’avoir le temps de préparer.La première séance est consacrée à poser un cadre de bienveillance qui permet à chacun de se sentir en sécurité.
Ensuite, le déroulé de chaque séance est important à respecter : avoir un réel temps d’accueil, utiliser des outils adaptés pour permettre à tous de suivre et de participer… On utilise par exemple de séance en séance, un « arbre à engagement » qui invite chacun à tester chez lui une piste élaborée par le groupe. Cela permet aussi d’amener des changements progressifs et de faire le lien entre le projet et son propre chez soi. On va aussi demander à chacun de faire son relevé de compteurs (une séance est systématiquement consacrée à ce sujet).
Les thématiques sont listées et priorisées par le groupe. En amont, nous préparons un atelier interactif, un outil, une expérience sur le sujet de la séance, on expérimente, on observe, on cherche, partage ensemble des solutions. Notre association favorise ce genre de démarche car nous sommes convaincus de la pertinence d’apprendre de manière interactive et en étant « acteur » de ses apprentissages, sans prof qui vient partager « La vérité ». C’est d’autant plus vrai avec un public précarisé : les personnes ont souvent été abîmées par le système scolaire, ne maîtrisent pas forcément la langue française…
Quand vous travaillez sur des thèmes tels que l’humidité ou l’isolation des logements, s’en rendre compte et le comprendre est une chose, mais on perçoit aussi les limites d’action pour les participants. Comment agissez-vous alors ?
SdT : En parallèle du projet collectif, un budget entre 200 et 500€ par ménage est prévu pour mettre en place des aménagements dans le logement, dans l’objectif d’améliorer leur confort de vie et améliorer la performance énergétique du logement. Celui-ci est libéré si les personnes souhaitent avoir une visite du logement par le partenaire ou une structure extérieure. Les aménagements ou les équipements sont pensés pour être transposables à un autre logement : installer de bonnes tentures, mettre en place un bon éclairage ou des réflecteurs de lumière, isoler certaines parois ou des pas-de-porte avec des boudins…
Il est évident que bien souvent, on vient poser des bouts de sparadrap, même s’ils apportent une petite plus-value au bien-être de la personne et au logement. Si l’unique objectif du projet était d’améliorer la performance énergétique des logements, ça n’aurait presque pas de sens de procéder ainsi. Ces logements sont souvent de vraies passoires énergétiques.
On travaille en fait sur l’humain, celui qui vit dans le logement. L’énergie est presque devenue un prétexte pour rassembler les gens, créer du lien social, de la solidarité, leurs redonner confiance en eux, les rendre maîtres de leur vie afin qu’ils posent des actes qui auront un effet important dans leurs vies et dans leurs droits. Je n’ai pas le sentiment qu’on réduise la précarité énergétique, souvent liée à l’aspect financier, mais on leur permet de ne pas s’enliser dans des problèmes, d’être « maitre à bord » de leur vie et de pouvoir gérer de manière plus optimale leur logement.
Avez-vous observé d’autres impacts, auprès des partenaires, des propriétaires ?
SdT : Parfois, de belles situations se produisent : les propriétaires sont rassurés de voir que leurs locataires ne s’en fichent pas, qu’ils essayent de faire de leur mieux… une relation de confiance émerge et peut mener à des aménagements plus importants du logement. Quand un groupe est constitué au départ d’une même société de logement, des rencontres peuvent s’organiser avec les gestionnaires, la dynamique d’influence, de lien, se trouve ainsi modifiée par rapport à une situation de confrontation face-à-face. Les témoignages des personnes sont considérés comme plus légitimes du fait qu’elles sont inscrites dans ce projet, encadrées par des professionnels. On se dit d’un côté que c’est regrettable de devoir en arriver là, mais nous nous réjouissons aussi des impacts positifs que cela a engendré.
Parfois aussi, les locataires décident de déménager. Ils réalisent que l’état de leur logement est inacceptable. Les participants sortent renforcés du projet, ils sont alors plus à même d’aller chercher des solutions.
Mais le projet sensibilise également nos partenaires de l’aide sociale, le regard qu’ils portent peut être bousculé et ils appréhendent différemment la complexe réalité des gens et la façon d’exercer leur métier.
Et auprès des décideurs politiques ?
SdT : En 2017, nous avons mené un projet d’information et de sensibilisation à destination des politiques, avec le Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté, le Réseau Wallon de l’Accès durable à l’Energie et les équipes populaires. Des témoins du vécu sont allés à leur rencontre pour témoigner et tenter de réduire le fossé entre eux et les décideurs, afin qu’ils puissent mieux appréhender la situation de vie des personnes. Ce fut très riche. A l’avenir, on continuera d’appuyer les acteurs qui mènent ce genre d’initiatives.
Que ce soit envers les politiques, les partenaires, le grand public… il y a un énorme travail de déconstruction des préjugés à faire. Les personnes en situation de précarité font extrêmement attention à leurs consommations, elles y sont bien obligées ! Ainsi, elles développent des systèmes hyper ingénieux pour réduire leurs consommations, « les personnes en situation de précarité »] elles n’ont en fait pratiquement aucun impact environnemental avec leur façon de vivre. Ce sont donc elles qui devraient délivrer un message fort, auprès du grand public, des décideurs, de toutes celles et ceux qui veulent être dans la transition et agir face à l’urgence climatique. Ca nous placerait tous dans une situation d’humilité salutaire!
Fabrique Territoires Santé (2019) Précarité et santé-environnement: Lutter localement contre les inégalités environnementales de santé (Dossier ressources et Inspiration actions). Paris: Fabrique Territoires Santé, 85p.: disponible en ligne sur www.frabrique-territoires-sante.org
Fourmeaux, A. (2019) Logement et Santé: des droits indissociables. Les Echos du Logement, n°125, 72p.: disponible en ligne sur www.lampspw.wallonie.be
Dubois, F. (2019) Bien se loger, mettre sa santé à l’abri. Santé conjuguée, n°47, 48p.: disponible sur www.maisonmedicale.org
Domergue, M., Taoussi, L. (2016) Le mal-logement, déterminant sous-estimé de la santé. Santé en action, n°437, pp. 18-21: disponible en ligne sur www.santepubliquefrance.fr
Pourquoi faire le lien entre alimentation durable et aide alimentaire ? Pour la Fédération des Services Sociaux (FDSS), le rapprochement de ces deux univers offre une nouvelle manière de penser le droit à l’alimentation. Et interroge les enjeux de la participation – des usagers, des chercheurs, des travailleurs sociaux – à la co-construction d’un accès à une alimentation de qualité pour tous.
Visiter le site Solidarité en primeur(s) : « vers de nouveaux rapprochements entre le secteur de l’aide alimentaire et les systèmes d’alimentation durable à Bruxelles ».
Focus sur les exclus du système alimentaire
Tout a débuté par un appel Innoviris, Institut bruxellois pour la recherche et l’innovation, sur le ‘développement d’un système d’alimentation durable à l’échelle de la Région bruxelloise‘. « Avec une telle question de départ, ce n’était pas du tout une évidence de s’embarquer dans l’aventure », se souvient Alexia Serré, sociologue à la cellule « recherch’action » de la FdSS : quel sens, pour une organisation qui s’intéresse aux problématiques d’aide alimentaire, de s’intéresser au développement de projets en alimentation durable ? … Au final, l’équipe décide de se lancer. Mais avec le souci d’inclure les publics plus éloignés du droit à l’alimentation dans la réflexion. « Dans l’appel, on nous demandait la plus-value de notre projet et nous avons stipulé qu’elle était avant tout sociale. Nous avons assumé la dimension ‘lutte contre la précarité’ comme priorité de notre recherche ! ».
De là, est né le projet de recherche-action participative Solenprim, abréviation de Solidarité en primeur(s) : « vers de nouveaux rapprochements entre le secteur de l’aide alimentaire et les systèmes d’alimentation durable à Bruxelles ». Mené suivant un principe de « co-création » [1], il rassemble différents partenaires dont la FdSS, le Centre Social Protestant (CSP), La Porte Verte/ Snijboontje, l’épicerie sociale du CPAS d’Ixelles, l’épicerie sociale du CPAS de Berchem Sainte-Agathe.
Le projet Solenprim s’est élaboré autour de divers objectifs : créer, développer et évaluer des dispositifs qui permettraient aux publics les plus précaires d’accéder durablement à une alimentation de qualité, saine, diversifiée. Eviter, de cette manière, que l’approvisionnement des colis d’aide alimentaire ne reste majoritairement dépendant du système agroindustriel dominant. [2] Etre connectés à des systèmes alimentaires alternatifs qui promeuvent de nouvelles formes de solidarités, de coopérations et d’échanges. Il s’agissait aussi d’élaborer des dispositifs qui permettent aux organismes d’aide alimentaire de s’associer davantage à cette transition vers des systèmes d’alimentation durable.
Concrètement, divers projets sont nés de cette recherche. Un exemple, au CPAS de Berchem Sainte-Agathe, l’idée de créer un Service d’Echange Local (SEL) s’est peu à peu transformée en projet de « prêterie » d’ustensiles de cuisine, de jardinage et de petit bricolage. Avec la possibilité de diversifier les activités organisées autour du local de prêt : séances d’informations, repas de type « auberge espagnole », formations, … « Avec ce projet, nous sommes à mille lieux de la mise en place de paniers de fruits et légumes avec un producteur local », fait remarquer la FdSS, « parce que, contrairement à ce qu’on pourrait croire, disposer de fruits et légumes dans les colis alimentaires n’est pas toujours un enjeu prioritaire pour les personnes bénéficiaires de ce type d’aide. Ce qui ne veut pas dire qu’elles n’en mangent pas, mais elles arrivent à se les procurer par d’autres canaux ».
Si, de l’extérieur, ce type de résultat pourrait paraître peu ambitieux, pour Catherine Rousseau, chargée de projets à la Concertation Aide Alimentaire, « mieux vaut des projets plus modestes, mais que les participants portent réellement ». Au final, l’ensemble des participants regroupés autour de cette recherche-action font des pas de côté par rapport à cet horizon de l’alimentation durable, la méthode de recherche, et en particulier l’approche participative privilégiée, impose « une réappropriation de la réflexion de départ ».
Les enjeux de la co-construction
Tout au long du processus, de 2016 à 2018, les lignes ont effectivement bougé, les exigences aussi, tant du côté des participants à la recherche, qu’ils soient usagers, chercheurs, travailleurs sociaux que du côté du pourvoyeur financier et commanditaire de la recherche, Innoviris.
A l’entame du projet, il y a d’abord eu un temps de compréhension mutuelle. Il a été question de rencontres, de partages et d’écoute pour ajuster les différentes visions du monde réunies autour de la table. « Nous avons par exemple pris le temps d’interroger les diverses représentations qui peuvent exister derrière les termes ‘alimentation de qualité’, ‘alimentation durable’ ou encore ‘alimentation saine’ en posant ce type de questions : ‘pour vous, bien se nourrir, qu’est-ce que cela signifie ?’, ‘quelles sont les difficultés que vous rencontrez pour y arriver ?’… », raconte Alexia Serré. Les diverses réponses ont permis de construire une définition, au plus près du vécu des personnes les plus éloignées du droit à l’alimentation. Une manière d’éviter de « plaquer » sur eux des préoccupations qui ne seraient finalement pas les leurs ! Malgré tout, ces craintes restent présentes : « à lier directement l’accès à une alimentation de qualité pour tous et alimentation durable, ne risque-t-on pas de perdre d’autres luttes ? : pourquoi ces gens sont dans la précarité ? Pourquoi ne peuvent-ils pas se nourrir correctement ? Pourquoi n’en ont-ils pas les moyens financiers ? », s’interroge notamment Brigitte Grisar, chargée de projet et formatrice à la Concertation Aide Alimentaire. Quand elle propose des animations auprès de publics très précarisés dont les préoccupations sont tellement éloignées de toutes ces questions d’alimentation durable, elle en vient à s’interroger sur le bien-fondé de la démarche : « n’induit-on pas une seconde violence en venant avec cette question de l’alimentation durable plutôt que d’être simplement à l’écoute de leurs réelles problématiques sociales, psychosociales, financières ? Ces personnes ont-elles vraiment l’esprit libre pour participer à un changement de société ? » …
Eviter de reproduire l’exclusion
Catherine Rousseau, sa collègue, ne doute pas une seule seconde des pistes que peut offrir la transition vers un système alimentaire juste et durable pour sortir de l’aide alimentaire. Mais elle n’aime pourtant pas parler d’alimentation durable « parce qu’automatiquement les gens voient le bout de la chaîne du système et en arrivent à de l’injonctif : ‘il faut manger local, durable, bio’. Pour elle, l’alimentation durable est un système alimentaire dans lequel l’ensemble de ses acteurs et de ses dynamiques se modifient dans une grande transparence, et surtout, dans une grande solidarité. L’accès pour tous à une alimentation de qualité en constituerait un principe fondateur, au moins autant que la préservation de l’environnement. Et le système alimentaire tel qu’il est aujourd’hui serait le reflet du système sociétal dominant qui produit des exclusions. « Pour moi, c’est un voeu pieu que de se dire qu’on va assurer un accès équitable pour tous avec le système tel qu’il existe. Parce que c’est celui-là même qui produit gaspillage et exclusion. On constate que ceux qui n’ont pas les moyens financiers s’orientent vers le ‘low cost’ industriel, achètent des produits nuisibles surtout pour eux-mêmes et participent au système qui les exclut ». Les personnes les plus touchées par ce système agroalimentaire en place devraient pouvoir bénéficier d’un accès à un autre système d’alimentation tout en prenant part à cette transition vers un système alimentaire durable. « S’ils en sont absents, c’est un système qui produira aussi de l’exclusion », affirme-t-elle.
A partir de ces constats, il était indispensable, pour les chercheuses, de se poser cette question : « s’inscrit-on dans un projet qui se permet de demander plus à des personnes en situation de précarité [ndlr. qu’aux autres catégories socio-économique] ? Dans quelle mesure a-t-on les mêmes exigences envers d’autres types de population ? ». C’est un peu le concept de « super-citoyen », comme le nomme Christine Mahy, secrétaire générale du Réseau Wallon de Lutte contre la Pauvreté. Ou, en d’autres mots, la société attendrait davantage des personnes qui disposeraient de moins de ressources.« Il est également bon de se rappeler », ajoute Lotte Damhuis, « que tout dispositif qui vise à participer, aussi noble qu’il soit dans les intentions, impose des règles du jeu, avec des écueils possibles ». (cf. Julien Charles, Matthieu Berger, ou Marion Carrel). Croire que participer va de soi est tout simplement dangereux : la participation est une interaction, avec des codes, etc. Les acteurs de l’alimentation durable sont autant susceptibles que d’autres de tomber dans le piège de la « participation déguisée » : « On demande l’avis, mais on sait exactement où l’on veut aller ! ».Pour tenter d’éviter ces nombreux écueils de la participation et des espaces de prises de parole, la FdSS a privilégié des moments de non mixité des publics, au fil du processus de la recherche : des séances de diagnostic rassemblent uniquement des personnes bénéficiant des colis alimentaires, émargeant du CPAS, … Pour ensuite réunir uniquement les professionnels du social entre eux. « Ce qui permet d’avoir des espaces de construction d’un point de vue. Que les personnes se sentent légitimes, avec un accompagnement dans la mise en forme de leurs idées. Toutes ces manières de procéder ont été réajustées au fil du projet », témoignent les chercheuses.
Travail social : changeons de posture !
Au-delà de tous ces enjeux liés à la participation, une autre inquiétude se dessine : « travaille-t-on à la bonne échelle pour transformer le système agro-alimentaire dominant ?L’aide alimentaire et ses différents dispositifs – colis alimentaires, restaurants sociaux, épiceries sociales, ne participent-ils pas à consolider une super jambe de bois qui ne remet pas le système en question ? », ‘Est-ce vraiment à partir des individus qu’il faut commencer à faire bouger les choses ?’… s’interroge la FdSS.Paradoxalement, la Concertation Aide Alimentaire travaille à la fois sur cet horizon de sortie du système de l’aide alimentaire tout en collaborant, sur le terrain, avec les acteurs du secteur pour améliorer l’offre.
Le point de départ de la Concertation étant les inquiétudes nées du succès même de l’aide alimentaire, l’ambivalence est inscrite au coeur même de son travail. Mais en attendant le grand soir – la révolution ! – la FdSS se réjouit du changement de posture qu’une recherche participative comme ‘Solenprim’ peut induire auprès des partenaires associatifs : « « comme dans beaucoup de services sociaux, les personnes qui bénéficient de l’aide ont très peu d’opportunités de s’exprimer sur les services offerts, sur le fonctionnement des services ou encore sur les projets qui sont mis en place pour elles. Si on peut faire réfléchir à des méthodes de co-création, participation, consultation du public concerné à travers ce processus de recherche, c’est déjà ça de gagné ! ».
Lire plus sur le même sujet :
‘Participer/faire participer – quelle place pour les personnes bénéficiaires de l’aide alimentaire ?’ Visiter le site Solenprim pour découvrir tous les articles et outils autour des questions d’aide alimentaire et d’alimentation durable. une mine d’informations sur le sujet !
Notes[1] ‘Cocreate’ représente une réelle volonté d’avoir une légitimité d’expression de la part de l’ensemble des acteurs du projet, se baser sur des savoirs pluriels, expérientiels et scientifiques. Lire plus ici.[2] Les produits dits « secs » fournis par le Fonds Européen d’Aide aux Démunis (FEAD) constituent la source principale d’approvisionnement d’une majorité d’organismes d’aide alimentaire.
Depuis 1980, l’APES-ULiège intervient à l’interface entre les opérateurs, les acteurs politiques et administratifs, les acteurs de la recherche dans le champ de l’éducation pour la santé et de la promotion de la santé. Sa mission prioritaire est d’appuyer ces acteurs pour développer des méthodes d’intervention et d’évaluation scientifiquement fondées, en accord avec les principes de la promotion de la santé. Aujourd’hui, l’APES-ULiège entend mettre au service de cette mission des compétences et expertises plus larges et réaffirmer son positionnement au croisement des enjeux de la promotion de la santé. L’APES-ULiège s’associe avec le Panel Démographie familiale et le CERES, pour constituer la plate-forme interfacultaire ESPRIst.
ESPRIst se caractérise par des travaux et des méthodes portant sur l’Emancipation sociale, la Santé des Populations, la Réduction des Inégalités dans des sociétés en transition. ESPRIst concrétise le rapprochement de l’APES-ULiège avec deux autres services de l’Université de Liège : le CERES (Centre d’Enseignement et de Recherche pour l’Environnement et la Santé) et le Panel Démographie familiale. Depuis le 1er octobre 2018, ces trois services historiques se rassemblent en une seule entité sous une même identité : ESPRIst est une plate-forme interfacultaire, une Cellule d’Appui à l’Enseignement et à la Recherche (CARE) et à la société.
ESPRIst, aux croisements des enjeux de la promotion de la santé
Historiquement, l’APES-ULiège se fixe pour objectif d’infléchir les pratiques professionnelles et socio-politiques vers une vision globale et positive de la santé (physique, mentale, sociale), en tenant compte de l’influence des déterminants sociaux sur les individus, leur milieu de vie et leurs ressources personnelles. L’équipe promeut des méthodes et des pratiques qui stimulent l’émancipation sociale et la co-construction des savoirs.
Emancipation sociale, Santé des populations, Réduction des inégalités dans des sociétés en transition.
Ces thématiques sont au centre des préoccupations partagées par les services fondateurs de la CARE qui unissent leurs apports, à la fois spécifiques et complémentaires pour répondre à ces enjeux.
L’enjeu sociétal qui oriente les pratiques de l’équipe ESPRIst a trait à la réduction des inégalités à toutes les étapes d’un parcours de vie (naissance, enfance, vieillesse…) peu importe où elles se cristallisent. Ainsi, toutes les formes d’exclusions sont prises en compte, qu’elles soient territoriales, culturelles, de genre, socio-économiques ou autres. En découlent des thématiques prioritaires communes : la pauvreté, la vulnérabilité, les inégalités d’accès aux services, les inégalités environnementales, l’insertion professionnelle et l’insertion sociale des plus vulnérables, l’accès de tous à la santé et à la prévention…
Les activités d’ESPRIst
ESPRIst organise ses activités autour de trois axes au travers desquels l’équipe tente de répondre aux demandes formulées par les acteurs publics et associatifs du champ socio-sanitaire : l’appui à l’innovation, les études et l’évaluation, la formation et la diffusion de connaissances. On retrouve dans ces trois axes les points forts de chacun des services fondateurs mais aussi une plus-value liée aux synergies nouvellement créées par ceux-ci.
ESPRIst développe des stratégies pour animer l’interface entre chercheur.e.s, acteurs de terrain et acteurs politiques et administratifs. A l’avenir, il existe un réel souhait d’intégrer les citoyens dans ce schéma et de favoriser les relations entre les acteurs pour développer non seulement le transfert de connaissances scientifiquement fondées mais surtout le croisement des savoirs dans le domaine des inégalités. La mutualisation des apports des différents acteurs se manifeste par la production de connaissances ancrées qui répondent à la complexité du vécu et des contextes. Différents outils sont utilisés pour agir auprès de publics diversifiés : des références scientifiques, les méthodes participatives et négociées, des cadres d’analyses systémiques… Ceux-ci sont renouvelés sans cesse en les confrontant aux contraintes rencontrées par les acteurs. Ainsi, ESPRIst se donne comme mission d’accompagner l’application de ces connaissances au sein des pratiques professionnelles et des politiques publiques.
Le service accompagne la mise en place de politiques publiques innovantes dans le champ socio-sanitaire, de manière participative et concertée à un niveau multisectoriel. Ces politiques ne visent pas directement le changement de comportements des populations, mais l’implantation de changements au sein des environnements et des milieux de vie. Les appuis réalisés vont de la construction à la mise en œuvre des politiques en passant par la gouvernance de celles-ci.
ESPRIst est une équipe spécialisée dans les stratégies de formation active. Au travers de deux programmes de formation pour demandeurs d’emploi, ECOCOM et CAPS, ESPRIst vise la réorientation professionnelle des fonctions de communication qui soutiennent la gestion durable de l’environnement (ECOCOM) et en matière de santé (CAPS). ESPRIst organise des sensibilisations ou des formations à la carte en matière de promotion de la santé et d’évaluation participative et négociée. ESPRIst collabore aussi à des programmes de formation continue pour des professionnels du champ socio-sanitaire (certificats universitaires ou formations sectorielles). Ces formations s’inscrivent dans une visée émancipatrice, les stagiaires acquièrent un regard critique sur leurs choix mais également les capacités d’agir collectivement sur les déterminants sociaux. Les participants aux formations apprennent à soutenir le développement individuel et social, mais aussi à agir sur, et au sein des dispositifs et politiques publiques.
Les chercheur.e.s réalisent des études et des enquêtes dans des domaines variés avec diverses méthodes adaptées au contexte. L’équipe cumule une expérience de l’utilisation des méthodes qualitatives avec une expertise dans l’organisation et le traitement d’enquêtes à large échelle, à distance ou au domicile des populations concernées. La santé, la pauvreté et l’exclusion, l’enfance et la famille, le non recours aux droits sociaux, les violences sexuelles, le vieillissement, sont autant d’exemples de thématiques investiguées.
Dans le champ de l’évaluation, les méthodes participatives et négociées sont devenues au fil des années le champ d’expertise privilégié de notre équipe. Intégrer l’ensemble des parties prenantes dans le processus d’évaluation, de la formulation des questionnements évaluatifs à la diffusion et l’utilisation des résultats est un critère de qualité dans lequel s’inscrivent les pratiques des chercheur.e.s.
ESPRIst, quelle plus-value ?
Ensemble, c’est une quinzaine de chercheur.e.s qui partagent le même projet : former, analyser, informer et innover, afin de favoriser l’équité d’accès aux services sociaux et de santé ainsi qu’aux initiatives citoyennes. ESPRIst met un noyau de compétences pluridisciplinaires au service de la santé et de la société, que ce soit par des études, des évaluations, des enquêtes, des formations ou encore de l’appui aux pratiques. Les disciplines d’origine et l’expertise spécifique des chercheur.e.s créent un terreau fertile pour le développement de la promotion de la santé : d’un côté, ils enrichissent la manière d’aborder la promotion de la santé ; de l’autre, ils ouvrent d’autres terrains de formation et d’études à une vision positive et globale de la santé. Ce faisant, ils renforcent le plaidoyer pour une vision de santé dans toutes les politiques. Les leviers de la promotion de la santé sont ainsi convoqués en vue de susciter un changement pour répondre aux besoins d’une société en transition.
ESPRIstUniversité de Liège, Bât. T1Quai Timmermans 14, 2ème étage, 4000 Liège.Tel. +32 4 366 28 97 Site Internet www.esprist.uliege.be
L’environnement exerce une influence considérable sur la santé physique et psychique. De plus, on observe un cumul entre les inégalités environnementales et les inégalités sociales. Partant de ce constat, Forest Quartiers Santé, asbl active dans le champ de la promotion de la santé, a développé plusieurs projets pour y répondre.
Pour agir sur les inégalités sociales de santé, Forest Quartiers Santé (FQS) organise depuis de nombreuses années une série d’actions communautaires de première ligne dans les quartiers populaires de Forest et Saint Gilles. Concrètement, FQS mène de multiples projets avec les habitants, axés sur des thématiques telles que le logement, l’alimentation saine et durable, l’exercice physique, l’emploi, l’inclusion numérique, la sécurité dans les milieux de vie, la participation citoyenne, etc.
Afin d’augmenter la pertinence et l’impact de ces actions, FQS préconise une démarche collective, intersectorielle et participative afin de favoriser l’engagement conjoint des habitants, professionnels et élus dans la définition de leurs besoins, de leurs priorités et leurs actions en vue de la co-construction de solutions concrètes. Dans cette optique, FQS agit en partenariat et en réseau avec les acteurs associatifs et institutionnels de la commune de Forest, afin d’identifier et coordonner les actions de manière optimale, et de développer des stratégies qui prennent en compte la globalité des situations. Les actions visent en priorité les habitants des quartiers les plus précarisés des communes de Forest, un public multiculturel cumulant souvent des vulnérabilités telles que faibles revenus, faible niveau de formation, non-emploi, logement dégradé, situation d’exil, isolement social, etc.
Habitat et Santé
Le premier projet, initié il y a quelques années déjà, a trait à l’habitat. La dégradation et l’insalubrité des logements relèvent d’une problématique qui a des effets dramatiques sur la santé et les inégalités sociales de santé. Le diagnostic établi sur le périmètre de Forest fait état dans certains quartiers d’une piètre qualité du bâti et de nombreux habitants vivent dans des logements exigus, vétustes, voire insalubres. On y rencontre des problèmes d’humidité, d’éclairage insuffisant, de ventilation inadéquate, d’exiguïté, d’installation électrique ou de chauffage déficients. Il était donc important de sensibiliser les citoyens à l’impact de leurs gestes quotidiens qui peuvent contribuer à dégrader, préserver ou améliorer l’état du logement et influer sur la qualité de vie. C’est sur cette base que FQS a mis en place des ateliers « logement sain » de première ligne.
Leurs objectifs étaient d’atteindre et sensibiliser le plus grand nombre de personnes possible, de développer les capacités d’agir individuelles et collectives des participants pour rendre leurs logements plus sains, ainsi que de renforcer la cohésion sociale du quartier par des activités communautaires, de sensibilisation, de médiation. Il s’agissait d’informer la population sur les ressources mises à sa disposition, sur une meilleure utilisation et une gestion plus durable du logement ainsi que de ses équipements (entretien, chauffage, aération, etc…). FQS a donc organisé des ateliers consacrés à des thématiques telles que les polluants intérieurs, les nuisibles (principalement les acariens), l’humidité, etc., ainsi que la gestion durable et écoresponsable de l’habitat.
Le projet propose entre autres des ateliers de fabrication de produits d’entretien écoresponsables, où les participants sont amenés à prendre conscience de l’impact des produits traditionnels sur leur santé et sur l’environnement.
D’autres ateliers sont consacrés aux polluants intérieurs et à l’humidité. En détecter les sources et la nature, être informé sur leurs conséquences, et expérimenter des solutions parfois toute simples, comme une aération régulière ou l’élimination de moisissures, permet souvent de limiter les nuisances.
Les ateliers abordent aussi ce qu’on appelle les « nuisibles » (organismes animaux, végétaux, bactéries…) et plus précisément les acariens, dont la présence multiplie l’occurrence d’allergies ou de troubles respiratoires, et les moyens de lutte pour les éviter.
L’accent est également mis sur le recyclage, la gestion des déchets, avec une conscientisation globale sur les questions environnementales.
Pour que l’action s’étende à un maximum de personnes et que ses effets se prolongent dans le temps, FQS a également mis en place un réseau de « citoyens-relais » qui pourront à leur tour sensibiliser leur entourage familial, leur voisinage, les associations dans lesquelles ils sont impliqués, etc.
Ateliers de cuisine « saine et durable »
Un autre axe sur lequel Forest Quartiers Santé agit est l’alimentation, tant on sait que la manière de se nourrir est un facteur de santé primordial. Le projet consiste à organiser et animer des cycles d’ateliers de cuisine saine, durable, végétarienne, et inscrits dans une optique zéro déchet. Ici, pas de cuisine gastronomique et onéreuse comme c’est souvent de mode. L’animatrice tient compte des habitudes alimentaires des participants et de leur budget ; elle propose une cuisine de qualité mais accessible.
Les ateliers permettent de sensibiliser, (in)former et autonomiser les participants sur différents aspects de l’alimentation : sensibilisation globale à l’impact de nos comportements alimentaires sur la santé et l’environnement, notions de diététique et conception de menus équilibrés, achats durables, gestion du frigo, conservation et réutilisation des aliments, compostage des déchets, etc.
Ces ateliers de « cuisine durable » permettent de réaliser des recettes originales tout en apprenant à se tourner vers le local, bio, de saison et les petits marchands plutôt que les grandes enseignes, tout en privilégiant des denrées accessibles financièrement.
L’animatrice de FQS a opté pour des recettes végétariennes (ce qui permet de réduire les coûts, d’éviter les difficultés liées aux différents prescrits culturels et religieux, et de minimiser l’impact négatif sur la santé et l’environnement). Le projet vise aussi à faire connaître les ressources disponibles et alternatives sur les territoires visés (marchés, coopératives et magasins d’alimentation bio, potagers et composts collectifs, Jardin Essentiel à Forest…).
De manière générale, il s’agit aussi de prendre conscience des enjeux de l’alimentation au niveau mondial et local, tant du point de vue de la santé que de celui de l’environnement, et d’adopter de nouveaux comportements.
Le projet entend sensibiliser les participants à l’amélioration de l’environnement à différents égards : utilisation de produits de proximité, de circuit court, afin de réduire les impacts énergétiques, de produits issus de culture biologique, optique ‘zéro déchet’, utilisation de matériel de cuisine et de contenants ‘zéro plastique’, produits d’entretien écologiques…
Évoluer dans un environnement plus favorable à sa santé
En milieu urbain, il n’est pas toujours évident de garder un contact avec la nature.
Et pourtant, l’impact que la nature a sur la santé n’est plus à démontrer: baisse des troubles respiratoires, de la pression artérielle et du stress, action sur la dépression ou encore amélioration de l’immunité sont quelques-uns de ses bienfaits. Reconnecter les habitants avec l’écosystème urbain et périurbain est donc particulièrement important.
C’est pour cette raison que FQS a lancé en 2019 un nouveau programme d’action axé sur des activités en lien avec la sauvegarde de l’environnement et l’utilisation durable et rationnelle des ressources de la nature.
Ainsi, FQS organise, principalement avec des publics d’enfants d’associations partenaires sur Forest (Le Cairn, le Partenariat Marconi), des « balades nature » dont les objectifs sont de sensibiliser les enfants à l’environnement et la biodiversité, de les connecter avec la nature, tout en privilégiant des activités de plein air. Forest et ses alentours possèdent de nombreux espaces verts très peu connus et fréquentés par les habitants, particulièrement des milieux défavorisés. Balade botanique par les étangs de Pede, à Anderlecht, avec un guide nature, visites du rucher du Parc Brel ou du jardin d’abeilles du Bois du Laerbeek (en tenue d’apiculteur!), où les enfants ont également savouré des fruits et des légumes de saison cultivés dans le verger, promenades et activités en forêt de Soignes ou au Parc Bempt pour découvrir les différents écosystèmes, sont quelques-unes des activités qui ont déjà été proposées. Ces balades sont complétées par des activités en intérieur, axées sur l’alimentation saine telles que la confection d’une pyramide alimentaire, avec des reconnaissances de fruits et légumes à l’aveugle ainsi que la dégustation de produits biologiques et de saison.
Ces activités ludiques et participatives ont rencontré un grand succès auprès de ces petits citadins qui découvraient souvent pour la première fois des lieux et des ressources pourtant accessibles.
Les jardins santé
Enfin, cette année, FQS est en passe de concrétiser dans un nouveau projet en partenariat avec l’ULB : « Jardins Santé à Bruxelles ». Ce projet, rassemblant diverses associations, entend développer de véritables lieux d’expérience en Région bruxelloise, à travers un réseau de jardins collectifs en milieu urbain, qui joueront le rôle de laboratoires vivants (« living labs ») où les habitants pourront cultiver et mieux connaitre des plantes médicinales, aromatiques, et « alicaments », aidés et conseillés par des professionnels.
La Région bruxelloise recèle un grand nombre de jardins urbains et d’espaces verts. La biodiversité végétale sauvage et cultivée qu’ils hébergent représente des outils et ressources insuffisamment exploités. Considérée depuis le règne de Léopold II comme la « commune des parcs », Forest est un lieu privilégié pour un projet de co-création comme celui des « Jardins Santé à Bruxelles ». En collaboration très étroite avec le service du Développement durable de la Commune de Forest, qui a donné son soutien logistique et matériel, ont été identifiés plusieurs jardins potagers et espaces verts qui seraient susceptibles d’héberger des petits/moyens « living labs ». Plutôt que de se concentrer en un seul lieu, plusieurs petites parcelles seront exploitées, ce qui permettra d’atteindre différents publics, en créant un véritable réseau de jardins santé, chacun avec ses propres caractéristiques.Un projet riche qui, à travers l’environnement, a pour enjeu de développer l’autonomie des personnes dans la prise en charge de leur santé.
Pour en savoir plus : Forest Quartiers Santé : www.f-q-s.be
Quelques ressources pour aller plus loin:
Paquin, S., Laurin, M. (2016) Guide sur les environnements favorables aux saines habitudes de vie dans les municipalités. Montréal : Direction régionale de santé publique du CIUSSS du Centre-Sud-de-l’île-de-Montréal, Comité québécois de formationsur les saines habitudes de vie et Québec en Forme. 147p.: disponible en ligne sur le site du reso www.uclouvain.be/reso
Heritage, Z., Roué-Le Gall, A. César, C. (2015) Urbanisme et aménagements favorables à la santé. Santé en action, n° 434, 56p.: disponible en ligne sur www.santepubliquefrance.fr
Beaudoin, M., Levasseur, M-E. (2017) Verdir les villes pour la santé de la population. Québec: Institut national de santé publique du Québec (INSPQ), 111p.: disponible en ligne sur www.inspq.qc.ca
Delamaire, C., Ducrot, P. (2018) Environnements favorables à une alimentation saine: une réponse aux inégalités sociales de santé?. Santé en action, n°444, 52p. : disponible sur www.santepubliquefrance.fr
Caroline Costongs, directrice d’EuroHealthNet (partenariat européen pour l’équité et le bien-être dans le domaine de la santé), préconise d’associer l’amélioration de la santé et la réduction des inégalités avec les initiatives en matière de climat, dans le cadre d’une approche amenant un «triple gain». Elle s’appuie sur les résultats de l’initiative INHERIT financée par l’UE, qui a tenu sa conférence finale le 10 décembre 2019.
Pourquoi lier l’environnement, l’équité et la santé?
Les crises climatiques et écologiques constituent une grave menace pour la santé publique. Il est urgent de s’y attaquer et d’exiger des changements de la part des gouvernements, des entreprises, des communautés et des particuliers. Le secteur de la santé a lui aussi un rôle essentiel à jouer, non seulement en rendant les systèmes de santé plus respectueux de l’environnement, mais aussi en saisissant cette occasion de travailler ensemble pour permettre et encourager un changement de comportement sain et durable.
Nous devons également reconnaître que les personnes socialement désavantagées seront celles qui seront le plus durement touchées par le changement climatique, et celles qui profiteront le moins des mesures prises pour y remédier. Durant quatre ans, l’initiative INHERIT a analysé les liens entre la santé, l’environnement et l’équité. Elle appelle aujourd’hui à une approche intégrée amenant un «triple gain» pour relever les défis environnementaux et sociaux qui sont interconnectés: réduire les incidences sur l’environnement, améliorer la santé et renforcer l’équité en matière de santé.
Comment ces changements peuvent-ils être véritablement mis en œuvre?
Les choses ne changeront qu’avec la participation de tous. Nous devons encourager les communautés à agir, par exemple en leur fournissant des financements d’amorçage et un soutien politique.
Prenons l’exemple du Food Garden à Rotterdam, un jardin collectif qui fournit des aliments biologiques à des familles à faibles revenus. Composée de bénévoles, l’équipe utilise un modèle d’activité hybride (financé par des sources privées, collectives et publiques). Le projet joue un rôle positif à bien des égards: il offre une formation professionnelle à des personnes sans emploi et les aide à réintégrer le marché du travail, il produit des denrées alimentaires saines et durables et il reverdit une zone urbaine. Ce type d’initiatives de terrain sont vitales pour favoriser le changement. Elles devraient être encouragées et soutenues de toute urgence et très largement, depuis le niveau local jusqu’à celui de l’UE.
Le Food Garden n’est qu’une des nombreuses initiatives étudiées par le projet INHERIT. Ce dernier a analysé en profondeur 15 études de cas dans 12 pays, associant trois domaines: mode de vie sain et durable (espaces verts, efficacité énergétique), mobilité (modes de transport actifs) et consommation (production et consommation de denrées alimentaires). Les enseignements que nous en avons tirés peuvent aider les responsables politiques à adopter une approche intégrée, à lier les budgets et à harmoniser la législation afin de passer à l’action.
Peut-on agir à un niveau individuel?
Absolument! Chaque action compte. Les choix individuels peuvent nous aider à réussir la transition vers des sociétés plus durables. Mais il ne faut surtout pas blâmer les gens pour leur comportement actuel. Nous savons tous qu’il est difficile de changer: c’est une question de motivation, de capacité et de possibilité. Prendre la décision de changer ses habitudes peut être plus difficile pour les personnes défavorisées ou vulnérables, qui sont souvent «enfermées» dans leurs conditions de vie. Les responsables politiques peuvent agir, en créant des environnements physiques et sociaux qui aident les gens à adopter des changements positifs. Nous devons également rendre attrayants et abordables l’alimentation saine et durable, les espaces verts et les modes de transport actifs.
Des dirigeants locaux, nationaux et européens des chercheurs et des économistes de premier plan ont discuté de ces sujets lors de la conférence finale d’INHERIT. Il est temps à présent de passer des paroles à une action urgente, afin de créer un monde durable, dont les générations futures pourront hériter.
L’évaluation de projets, de programmes ou encore de politiques est une préoccupation récurrente, que ce soit à la demande de commanditaires ou par volonté des acteurs d’améliorer leurs pratiques. En 2019, quatre séminaires sur l’évaluation en promotion de la santé ont eu lieu sur le territoire wallon. Ces rencontres avaient pour but de susciter les échanges et les réflexions sur les questions d’évaluation. Plus particulièrement, au travers d’apports théoriques et de présentations de cas concrets, il s’agissait de permettre aux participants d’appréhender les contours d’une évaluation, d’échanger des questionnements ou des expériences, de découvrir des repères pratiques pour des évaluations réalistes et efficaces. Au vu de l’expertise de l’APES-ULiège en évaluation participative et négociée, c’est cette démarche qui a été privilégiée pour traiter les différentes questions abordées en séance.
Le premier séminaire avait pour but de mettre sur pied le programme pour l’ensemble du cycle. La technique du world café a été utilisée pour faire émerger les questionnements et représentations des participants au sujet de l’évaluation. De plus, un questionnaire de satisfaction, distribué en fin de séance, a permis de cerner leurs préférences méthodologiques et thématiques. Celles-ci ont été prises en compte pour affiner le programme de l’année. Ce premier séminaire a fait l’objet d’une synthèse disponible sur le site internet de ESPRIst-ULiège.
Lors du second séminaire, deux intervenants ont présenté l’implication des parties prenantes dans une évaluation selon deux positionnements différents. La LUSS a présenté le processus d’évaluation mis en œuvre au sein de l’ASBL et Le centre de cure et de postcure Les Hautes Fagnes a témoigné du positionnement de l’évaluation interne au sein d’un centre thérapeutique.
Le 3e séminaire avait pour objet la construction d’indicateurs. Cette question méthodologique fréquente a été abordée sous l’angle des démarches participatives et inductives. Après un bref rappel théorique, deux cas d’évaluation menés antérieurement par l’APES-ULiège ont été présentés. Plus particulièrement, l’évaluation d’un programme transfrontalier de promotion de la santé mentale (PPSM) et l’évaluation du dispositif des cellules bien-être (CBE). En petits groupes, les participants ont pu manipuler la grille d’évaluation des actions de promotion de la santé mentale et ensuite, le questionnaire d’évaluation des CBE. Ce séminaire avait pour but de stimuler les réflexions sur différentes démarches de construction des indicateurs. Les participants se sont montrés désireux d’assister à une séance d’exercices pratiques sur la construction d’indicateurs.
Le 4e séminaire était organisé en collaboration avec le CLPS du Brabant wallon. Ainsi, le CLPS et l’APES-ULiège ont lié leurs expertises et leurs expériences en évaluation et en intelligence collective. Différentes techniques d’intelligence collective ont été mises en œuvre pour approcher les questionnements des participants au sujet de l’évaluation.
2019, quelques éléments de bilan
Les séminaires ont donné lieu à des productions diverses. Le présent document de bilan reprend les éléments d’évaluation collectés lors des séances, à savoir les réponses aux questionnaires de satisfaction et les débriefings à chaud. Les données collectées lors des exercices et des clôtures de séance ont également été intégrées.
Les acteurs ont répondu présents
Les séminaires 2019 ont mobilisé 85 personnes, issues de secteurs variés, et actives en promotion de la santé à différents niveaux institutionnels. Au total, 56 organismes ont été représentés. Des acteurs de terrains étaient présents ainsi que des membres de plusieurs administrations. La variété des secteurs présents a amené une diversité dans les échanges autour des questionnements communs au sujet de l’évaluation. Cette richesse est également liée à la variété des territoires d’action et des publics-cibles. Quelques secteurs représentés : santé communautaire, promotion de la santé à l’école, santé mentale, sports, soins, prostitution, participation citoyenne, milieu carcéral, handicap, aide à la jeunesse, enseignement…Pour permettre à chacun de participer, les séminaires se sont tenus à différents lieux sur le territoire wallon. De même, les jours et les heures de déroulement des séances étaient variés. Cette diversité caractérisera également le programme de 2020.
Par ailleurs, il apparait une certaine récurrence dans la participation des acteurs, ainsi, trois personnes ont été particulièrement assidues, elles ont participé à l’ensemble du cycle 2019. Dix personnes ont participé à deux séances et dix autres à trois séances. Enfin, 62 personnes ont assisté à un des quatre séminaires.
Une formule qui suscite l’intérêt
Chaque séminaire fut l’occasion de préciser les questionnements et les attentes des participants. Le principe de base de ces séminaires est resté identique à toutes les séances : combiner des présentations de cas concrets d’évaluation avec des pistes méthodologiques et des cadrages théoriques. Ces séances se veulent participatives et indépendantes les unes des autres pour permettre au plus grand nombre d’y assister selon ses intérêts et ses disponibilités.Toutefois la formule comporte des limites, combiner des présentations de cas et de notions théoriques avec des exercices pratiques est un réel challenge sur une demi-journée. Le timing serré constitue une difficulté dans l’appropriation des cas exposés et la réalisation des exercices.
En 2020, pour répondre à cette attente, ESPRIst-ULiège consacrera certains séminaires à des questions plus précises, ils seront davantage axés sur des questions théoriques et sur la mise en pratique au travers d’exercices. De plus, le format des séminaires variera entre journée complète et demi-journée.
Les apports de séminaires selon les participants
La majorité des participants témoignent des apports des séminaires, certains éléments pourront être transposés dans leur pratique, qu’ils soient théoriques, pratiques, ou méthodologiques.
Certains participants utiliseront les apports des séminaires dans leur pratique professionnelle, au niveau personnel. Par exemple, poursuivre sa réflexion personnelle sur l’implication des parties prenantes dans l’évaluation, renforcer son positionnement lors de ses évaluations, approfondir ses connaissances théoriques, impliquer les opérateurs dans les évaluations, réfléchir à l’évaluation dès le début, mener à bien des évaluations…D’autres y voient une utilisation en interne, au sein de leur équipe. Par exemple, réorganiser un comité de pilotage existant, évaluer leurs projets plutôt que leurs actions, poursuivre la réflexion en équipe, mettre en place un système d’évaluation participative au sein de l’ASBL, préparer une évaluation avec des membres du personnel ayant différentes fonctions…Les participants étaient satisfaits d’avoir assisté à la présentation de cas d’évaluation pratiques. Ils témoignent de l’importance du concret pour pouvoir transposer des éléments de réflexion dans la pratique. Lier et confronter théorie et pratique lors des séminaires semble être apprécié de tous. Les exercices ont permis à certains de mesurer l’ampleur d’un travail d’évaluation et du temps qu’il nécessite.
Les séminaires ont amené des éclaircissements ou des pistes de réflexion sur l’évaluation participative. Effectivement, la notion d’évaluation participative n’était pas connue de tous, « les témoignages des participants et intervenants ont offert une vision pragmatique du processus évaluatif ». Certains y ont vu un « éclaircissement quant aux enjeux concrets de l’évaluation des services par rapport à la tension entre une démarche d’amélioration interne et le regard des autorités mandantes et contrôlantes sur le sujet ». D’autres se questionnent sur la façon de mener une évaluation participative sans l’associer au contrôle. Les participants ont découvert des méthodes et des outils pour impliquer les bénéficiaires, les participants, les parties prenantes dans le processus d’évaluation. Le but étant in fine d’inclure mieux les parties prenantes dans l’évaluation et de rencontrer leurs attentes respectives.
Les contenus des séminaires
Un aperçu transversal des contenus abordés en 2019
Les séminaires 2019 ont été l’occasion d’appréhender la participation des parties prenantes sous divers angles. Ainsi, la démarche d’évaluation participative et négociée présentée par la L.U.S.S. a montré de façon exhaustive les différentes étapes du processus évaluatif auxquelles les parties prenantes ont été impliquées.
La définition des questionnements évaluatifs avec les parties prenantes a été illustrée via le processus d’évaluation au sein de la L.U.S.S. et au travers des méthodes d’intelligence collective. Les questions d’enjeux de pouvoir et de légitimité dans une démarche d’évaluation peuvent trouver une réponse dans la définition d’un cadre de confiance avec l’ensemble des personnes concernées. De plus, le positionnement en tant qu’évaluateur interne illustré par le Centre des Hautes Fagnes montre la nécessité de rappeler ce cadre et le positionnement de l’évaluateur en lien avec sa mission.
L’ensemble des séminaires a pu mettre en lumière la diversité des parties prenantes qui peuvent être associées au processus évaluatif ; commanditaires, usagers, experts, évaluateurs… Les cas présentés ont montré le rôle primordial d’une instance d’évaluation constituée des acteurs concernés par l’évaluation dans la réalisation et le suivi du processus évaluatif.
Rassembler les parties prenantes autour de l’évaluation, insuffler une culture d’évaluation est un processus long qui demande du temps. Comme l’expliquait H. Henrard, le temps de l’évaluation n’est pas concomitant au temps de l’action. Les méthodes d’intelligence collective peuvent être utilisées pour créer une dynamique autour de l’évaluation.
Objectiver des données qualitatives peut sembler complexe, la grille d’évaluation PPSM donne un exemple de démarche de construction d’un outil permettant de définir des critères et des indicateurs au plus près du terrain. Pour valider les outils utilisés, comme pour valider d’autres étapes de l’évaluation comme les questions évaluatives, les méthodes de collecte, le rapport d’évaluation, etc., différentes techniques d’intelligence collective peuvent être soutenantes : consentement, consensus …L’évaluation du dispositif Cellules Bien-être a illustré les avantages d’un processus d’évaluation participatif, en privilégiant les moments de clarification et de construction commune de l’évaluation. De plus, avec la technique des récits, la collecte des données selon une trame commune se fait au rythme des acteurs qui évoluent dans des contextes variés. Ainsi, l’évaluation rend compte des expériences des acteurs constituant un matériau ancré dans le terrain.
Les quelques cas mobilisés durant les séminaires étaient caractérisés par l’utilisation de différentes méthodes et outils de collecte de données. Cela montre l’utilité de combiner ces méthodes et/ou outils en fonction du terrain et du type d’information recherché.
Les questions à approfondir
Certains participants sont en demande de contenus plus précis soulevés par un processus d’évaluation : exemples de questions évaluatives, de données collectées, de rapport d’évaluation, de réflexions, d’outils, etc. Le rapport d’évaluation pose question : Comment est-il construit ? Quel est son statut ? Qui y a accès ? Quel lien avec un processus politique ? Certains projets restent en partie confidentiels, ce qui ne permet pas une diffusion complète des matériaux.
Au-delà de l’évaluation, les participants marquent leur intérêt quant à l’utilisation des résultats et les changements auxquels cela a abouti.
La position de l’évaluateur et sa légitimé au sein des organismes évalués questionnent les participants, qu’il s’agisse d’un évaluateur interne ou externe. Avec quel type d’outils peut-on établir une relation avec les évalués ? Comment insuffler une démarche d’évaluation dans une pratique professionnelle qui n’en a pas la culture ? Comment rendre ça intéressant, attirant et motivant ? Quels sont les enjeux de pouvoir dans l’intégration de tous dans un processus d’évaluation ?Les frontières et les objets de l’évaluation sont multiples, les acteurs sont face à une diversité de projets à évaluer, allant de la satisfaction des participants à un évènement à l’évaluation d’un programme de longue durée. De plus, le temps qui est consacré à l’évaluation peut être restreint ou imposé, ce qui laisse à penser que les démarches d’évaluation participative ne seraient pas applicables dans ces cas.
Pour certains projets, les acteurs doivent fournir des évaluations à des autorités subsidiantes. La validité et la pertinence d’une évaluation participative et négociée dans ce cadre reste une interrogation.
Suite au séminaire du 10 décembre, quelques questions ont émergé quant aux différences entre les techniques d’intelligence collective et les méthodes participatives et leur utilisation en tant que méthode dans le cadre d’une évaluation. Quelle est l’influence potentielle d’une méthode sur la construction d’un projet et son processus ? L’intelligence collective comme méthode se place-t-elle systématiquement dans un cadre qui comprend des objectifs décrits et des items d’évaluation ?
En route pour 2020
En 2020, l’APES-ULiège proposera un nouveau cycle de cinq séminaires. Cette séquence sera construite sur base des questionnements évolutifs des participants, avec des partenaires et des acteurs souhaitant proposer des cas concrets d’évaluation. Au menu, une première journée de rencontre permettra aux participants d’approfondir des dimensions illustrées en 2019. Pour les autres séminaires, différents contextes et méthodes en lien avec la promotion de la santé seront travaillés en regard de l’évaluation participative et négociée. Une séance portera plus particulièrement sur la découverte d’outils d’analyse de projets ou d’actions en regard d’enjeux sociétaux et bénéficiera de l’expérience d’utilisation de personnes ressources. Les thèmes-clés en projet pour cette année 2020 : les démarches communautaires, les questions de genre, les inégalités sociales de santé, la promotion de la santé à l’école, les assuétudes, la santé des jeunes…
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