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Douleurs et désillusions quotidiennes des familles

Le 30 Déc 20

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Douleurs et désillusions quotidiennes des familles

Depuis plus de cinquante ans, Télé-Accueil Bruxelles propose une écoute à toute personne en difficulté sur le plan moral, social ou psychologique et qui souhaite en parler dans l’anonymat et la confidentialité. Une centaine de bénévoles formés à l’écoute se relaient au téléphone – le 107, un numéro gratuit – 7j/7, 24h/24. Le site www.chat-accueil.org est également ouvert chaque soir aux chatteurs.

Des milliers d’appels arrivent chaque année sur ces lignes, plaçant de facto l’association dans une position de témoin de la société. Sans dévoiler le contenu de ces appels, l’Observatoire social de Télé-Accueil rend régulièrement une analyse de certains thèmes. Sa dernière recherche vient de sortir: elle porte sur les familles.

«J’ai l’impression ce matin que ça ne parle que de ça, des familles déglinguées et des conflits», résume un écoutant. Qu’est-ce qui ne tourne plus rond dans ces familles, dans ces couples? C’est quoi la famille aujourd’hui? Cette recherche n’a pas pour but d’en donner une nouvelle définition mais de se pencher sur les difficultés qu’elle abrite à partir de ce qui s’en dit à Télé-Accueil Bruxelles. Elle est basée sur une centaine de récits d’appels reçus en 2014 et relatés par les écoutants.

La souffrance des mères

Une première forte impression: ce qui semble faire famille, c’est la mère. La mère qui gère, qui élève, qui lutte, qui souffre et, derrière elle, la femme: son statut, son rôle, sa personne. Qui sont ces mères d’aujourd’hui à Bruxelles qui appellent Télé-Accueil et que nous apprennent-elles de ce qu’elles vivent? Quelles sont ces douleurs et ces désillusions dont elles nous font part? Qui sont aussi leurs proches et comment interagissent-ils?

Les appelants livrent ce qu’ils vivent aujourd’hui, parfois à l’instant. D’autres ressassent des faits passés qui continuent d’influer sur leur quotidien. «Famille je vous hais, famille je vous aime»… cette recherche n’a rien inventé! Elle nous a emmenés cependant dans des zones intimes: celles que l’on confie rarement aux autres, aux proches, à ceux qui pourraient juger, critiquer, conseiller; celles que l’on tait par peur, par honte, par manque de courage; celles que l’on ignore parfois de soi-même et à laquelle la mise en mots avec un anonyme aide à donner corps.

Malgré les différentes positions qu’occupent les appelants dans leur famille, nous avons donc zoomé sur les mères. D’une part parce qu’une majorité de femmes d’âge moyen appellent Télé-Accueil, d’autre part car c’est autour de cette figure maternelle que se situent les nombreux enjeux dont celles-ci font part.

C’est autour de leur position sociale, individuelle et sexuée que nous avons choisi d’analyser leurs récits. Où se situe le point d’équilibre pour ces femmes entre ce qu’elles sont, ce qu’elles vivent et ce qu’elles donnent à voir? Le trouvent-elles? Non. Et sans doute est-ce une des raisons pour lesquelles elles composent le 107. Entre le mari présent ou absent, sa figure ineffaçable même après une séparation, entre l’éducation des enfants et les difficultés financières, ces femmes ont un besoin de réalisation, de reconnaissance qui manifestement ne vient pas.

Elles ont souvent beaucoup sacrifié: études, vie professionnelle; la conjugalité et la maternité ne les comblent pas ou plus. Ou alors à l’excès, et l’on assiste à des scènes de fusion variable au fil des âges: collage mère/enfant, projection des jeunes dans une réussite scolaire réparatrice, jusqu’au curieux binôme parent senior/enfant adulte vivant sous le même toit.

Des ressources

Trahison, abandon, solitude finalement et déception: elles se sentent trahies quand leur mari les trompe, abandonnées quand les enfants du divorce choisissent d’aller vivre chez leur père, seules quand âgées leur descendance s’est éloignée, déçues de la place qu’elles occupent, celle qu’elles se sont taillée ou celle qu’on leur a attribuée. Incompréhension finalement d’avoir tant donné et si peu reçu ou si peu gardé. C’est sans doute ce manque qu’elles expriment principalement à Télé-Accueil, outre leurs peines et leurs doutes.

Nombreuses sont ces femmes qui disent au travers de leurs actes la ‘bonne mère’ qu’elles sont ou qu’elles voudraient être tandis que filtre entre leurs mots toutes leurs difficultés à faire face et à s’accorder une place désirable pour elles-mêmes, en adéquation avec leurs valeurs et leurs aspirations. Car la famille n’est pas pour chacun ce laboratoire de développement personnel qu’elle est censée représenter aujourd’hui, ce vivier où l’on naît et où l’on vient se ressourcer pour mieux avancer. Les appels reçus à Télé-Accueil reflètent davantage un microcosme familial qui oscille entre différenciation et reproduction, entre dépendance affective et soif d’indépendance, entre conformisme et provocations. Mais plus que tout il semble qu’il manque de bienveillance, de soins. Ces femmes en manquent autant qu’elles nous disent cependant en prodiguer.

Si à titre personnel les différentes composantes de l’individu ne sont pas en consonance, si la famille ne fonctionne pas comme support de réalisation propre, qu’est-ce qui fait ressource? Parler? À un inconnu au téléphone? Les appelantes se plaignent, pleurent parfois. Pourtant ce sont des battantes, même si elles ne sont pas toujours gagnantes.

Peut-être est-ce durant ces jours de défaite qu’elles appellent, pour raconter leur combat, recomposer leurs forces, leur image de forteresse tout en révélant des fondations d’argile… En calquant sur ces appels la triade transactionnelle, on leur donnerait volontiers l’étiquette de victime, alors que dans leur récit tout porte à croire qu’elles sont des sauveurs: contraintes d’élever leurs enfants seules, beaucoup y arrivent. En racontant leur histoire, elles donnent corps à leur personnage d’épouse ou de mère ou simplement de femme quand leur entourage tel un bourreau ne le fait plus, ou le fait mal. Cette narration les aide à prendre distance (parfois au prix d’appels répétés), à ne plus se fixer sur des faits ou des rancoeurs mais à transmettre des émotions. Et à construire une image de soi, à la tester peut-être.

Le dossier complet ‘Douleurs et désillusions quotidiennes des familles’ (mars 2015) peut être téléchargé sur www.tele-accueil-bruxelles.be.

Johan Mackenbach, docteur honoris causa de l’UCL

Le 30 Déc 20

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Johan Mackenbach, docteur honoris causa de l’UCL

La Faculté de Santé publique de l’UCL a pour la première fois remis le titre de docteur Honoris Causa le vendredi 20 mars 2015. Elle a choisi Johan Mackenbach, Professeur de Santé publique à l’Erasmus Medical Center de l’Université de Rotterdam.

Comme l’a souligné le Prof. Vincent Lorant, ses travaux ont permis d’élargir les frontières et les ambitions de la Santé publique en les plaçant à mi-chemin entre les sciences sociales et les sciences de la santé. De plus, en regroupant des équipes de chercheurs internationaux, le Prof. Mackenbach a contribué à faire des inégalités sociales de santé un sujet majeur et d’imposer l’équité comme un critère d’évaluation des politiques publiques, au côté de celui de l’efficacité et de l’efficience.

À cette occasion la faculté a organisé sur la journée deux moments enrichissants pour des étudiants, des chercheurs, des académiques de la santé publique ainsi que des cliniciens.

Dans la matinée le professeur a présenté ses travaux sur les ‘succès et faiblesses des politiques de santé en Europe au cours des dernières décennies’. Il a montré de grandes différences en matière de santé à cause de dimensions économiques, culturelles mais aussi de choix politiques.

La Belgique se situe dans la moyenne européenne, malgré son système de sécurité sociale généreux. En tenant compte de son haut niveau de revenu, elle est clairement sous-performante dans ce domaine. Il recommande pour réduire ces disparités de se concentrer sur une implémentation efficace de ce qui fonctionne déjà dans d’autres pays, notamment dans les pays nordiques. Exemples: par une réglementation plus stricte dans le domaine de la consommation d’alcool et du tabac.

Dans l’après-midi, en marge de la cérémonie, un débat a été organisé avec le Professeur François Maniquet (économiste à l’UCL, Prix Francqui 2010) et Brieuc Van Damme (Chef de cabinet adjoint de la Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique Maggie De Block).

L’échange était centré autour de trois questions, une importante, une concrète et une d’actualité.

Les écarts se creusent

La première question visait à comprendre le paradoxe selon lequel en Belgique et dans d’autres pays disposant d’une sécurité sociale généreuse, les inégalités de revenus diminuent mais pas les inégalités sociales de santé.

Le professeur Mackenbach commença en rappelant qu’aucun des systèmes de sécurité sociale n’a réussi à réduire les inégalités sociales de santé. Au contraire, leur développement s’est accompagné d’une augmentation de la mobilité sociale, réduisant ainsi l’homogénéité entre les groupes sociaux en laissant les groupes en bas de l’échelle encore plus bas. De plus, ces systèmes n’ont pas su apporter de réponses adaptées à la transition épidémiologique, en particulier l’augmentation des maladies liée à l’opulence.

Dans la continuité, M. Van Damme est revenu sur le succès du système belge en matière d’accès aux soins passant d’un tiers de la population qui reportait des soins en 1997 à un quart aujourd’hui. Il souligna le rôle limité des compétences fédérales en matière de soins préventifs, au cœur du processus de lutte des inégalités sociales de santé et proposa aussi de s’attarder sur l’aspect éducationnel de cette problématique.

Le professeur Maniquet a rappelé que les inégalités sociales de santé ne doivent pas être isolées des inégalités sociales en général. Il insista sur le fait que les inégalités de revenus concernent les revenus après les taxes et impôts et proposa de comparer les inégalités sociales de santé avant et après ces impositions.

En réponse à M. Van Damme à propos du rôle limité du niveau fédéral en matière de réduction des inégalités sociales de santé, le professeur Mackenbach rappella qu’il peut avoir un rôle dans l’accès équitable pour tous à des soins efficaces et que sur ce point-là, la Belgique peut mieux faire.

Inégalités absolues ou relatives?

La deuxième question, plus concrète, propose de voir sur quelles inégalités les décideurs doivent se concentrer. Les inégalités absolues ou relatives?

La lutte contre le tabagisme a été prise à titre d’illustration: si en 1997, on constatait que 36% des individus les moins scolarisés fumaient quotidiennement contre 21% dans le groupe le plus scolarisé, une décennie plus tard, ces chiffres devenaient respectivement 35% et 13%. Dans ce cas particulier, les inégalités absolues et les inégalités relatives ont augmenté; les premières sont passées de 15% (36-21) à 22% (35-13), les deuxièmes sont passées de 1.7 (36/21) à 2.7 (35/13). Quel objectif doit viser une politique équitable? Peut-on se contenter d’une réduction moyenne du tabagisme dans l’ensemble de la population? Alternativement, doit-on réduire les inégalités absolues? Ou faut-il être plus ambitieux et réduire les différences absolues et relatives?

M. Van Damme souligne que dans un contexte où les soins sont de plus en plus coûteux et le budget de plus en plus réduit, l’objectif des décideurs est d’évaluer de façon éthique combien les choix coûtent à la collectivité. Pour le Pr Mackenbach, en fonction du type d’inégalité, on peut se demander quelle politique mettre en œuvre. L’option pragmatique a minima serait de réduire les inégalités absolues car cela améliore la vie de tous les groupes mais si l’on souhaite un pur égalitarisme, il faut agir sur les inégalités relatives.

Agir sur les bonnes cibles

La troisième question, celle qui est d’actualité en Belgique, se base sur la dernière déclaration gouvernementale. Elle questionne la priorité du gouvernement de s’attarder sur un déterminant ayant une portée limité (les soins de santé) pour prévenir les inégalités sociales de santé plutôt qu’agir sur les comportements ou, mieux encore, sur les déterminants structurels.

La déclaration du gouvernement fédéral d’octobre 2014 stipule qu’il «prendra les initiatives nécessaires pour remédier à ce phénomène, et développera des actions concrètes pour prévenir l’augmentation des différences socio-économiques en matière de santé et pour œuvrer à une réduction substantielle des inégalités en soins de santé dans différents domaines».

Or la littérature scientifique s’accorde pour estimer que les soins de santé sont un facteur modeste de production de la santé. Une politique de réduction des inégalités de santé doit-elle d’abord viser une réduction des inégalités dans les soins ou agir sur les comportements de santé (par exemple, en taxant plus la consommation de tabac), ou modifier les déterminants structurels de la santé (scolarité, revenu, emploi, etc.)?

M. Van Damme propose de concentrer les efforts sur l’accès à l’information au sujet des centres de santé d’excellence afin de donner un plus grand pouvoir au patient. Il a aussi rappelé que des mesures comme le Maximum à facturer ou le Tiers payant généralisé sont des moyens de favoriser un meilleur accès aux soins. Le professeur Mackenbach souligne que cette question présuppose que les gouvernements ont «le luxe de choisir» entre l’une ou l’autre politique. Au regard de leur portée limitée, il conseille d’agir de manière globale sur tous les déterminants, soins et hors-soins.

Pour finir le Prof. Maniquet rappelle que réduire les inégalités sociales de santé est un moyen pour augmenter le bien-être de tous. Mais ce bien-être a des dimensions multiples qu’il faut comprendre et analyser pour allouer les ressources au bon endroit. Réduire les inégalités de santé suppose que les individus mettent les préférences de santé au-dessus des autres et qu’il n’y a pas de choix possible entre ces inégalités-là et d’autres. C’est une position très dogmatique.

La journée s’est clôturée par un discours du Pr Mackenbach au cours duquel il a mentionné que «la politique est une médecine à grande échelle et la médecine une politique auprès d’un individu» et a insisté sur l’importance de l’implication de la recherche en santé publique dans les politiques publiques.

Bilan des connaissances des Belges en matière de santé

Le 30 Déc 20

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Bilan des connaissances des Belges en matière de santé

D’après un article de Sigrid Vancorenland, Hervé Avalosse, Rebekka Verniest, Michiel Callens, Recherche et Développement Mutualités Chrétiennes (MC), Stephan Van den Broucke, Audrey Renwart, Université Catholique de Louvain (UCL), Griet Rummens (Gezondheidspromotie CM), France Gerard (Infor Santé MC)

Chaque individu est confronté, à un moment donné, à des questions et des décisions en matière de santé. Vais-je faire vacciner mon enfant? À quel médecin vais-je m’adresser? Comment puis-je manger plus sainement? Quel traitement est-il préférable de suivre?

Introduction

De plus en plus de patients prennent part activement aux décisions liées à leur santé et deviennent des ‘patients éclairés’. Pour assumer ce rôle actif, différentes compétences sont nécessaires. Ces compétences sont l’essence même du concept de ‘littératie en santé’Note bas de page. Ce concept est défini comme «la connaissance, la motivation et les compétences des individus à accéder, comprendre, évaluer et utiliser l’information de santé en vue de porter des jugements et prendre des décisions dans la vie de tous les jours en ce qui concerne la santé, la prévention des maladies et la promotion de la santé, de manière à maintenir ou améliorer la qualité de vie.» (SØRENSEN K. et al., 2012).Le concept présente 4 dimensions :

Dimensions de la «littératie en santé»
Accéder Capacité de rechercher des informations en matière de santé
Comprendre Capacité de comprendre les informations disponibles en matière de santé
Évaluer Capacité d’interpréter, de filtrer, de juger et d’évaluer les informations disponibles
Appliquer Capacité d’utiliser ces informations afin de prendre une décision en matière de soins de santé, de prévention des maladies, de promotion de la santé de manière à maintenir ou améliorer la santé

Source: SØRENSEN K. et al., 2012.Ce concept s’applique à différents domaines d’information :

Domaines d’information de la littératie en santé Type d’informations Exemples de compétences
Soins de santé et gestion de la maladie Formulaires concernant les antécédents médicaux, notices explicatives, brochures informatives Reconnaître les symptômes, Suivre les prescriptions, les notices, calculer le dosage de médicament prescrit
Fonctionnement dans le système de soins Informations concernant le système de soinsFormulaires d’assurance, descriptions des droits et des responsabilités Choix d’un médecin ou d’un spécialiste, prendre un rendez-vous, poser des questions aux prestataires de soins, compléter des formulaires pour la mutualité, souscrire une assurance complémentaire
Prévention des maladies et protection de la santé Informations concernant les risques pour la santéActualité (TV, radio, journaux), avis concernant le dépistage et la santé, lettres concernant les résultats de tests, chiffres et graphiques, avertissements en matière de sécurité Évaluer son propre risque, choisir de participer à un dépistage, des tests diagnostiques ou des vaccinations, choisir entre des produits, utilisation de produits
Promotion de la santé Informations sur les déterminants de la santéArticles dans les journaux et revues, fascicules, brochures, Internet, étiquettes sur les denrées alimentaires et produits… Acheter et préparer des aliments sains, prévoir une activité physique suffisante, suivre un programme anti-tabac, prendre des mesures de protection contre les accidents

Source: SØRENSEN K. et al., 2012.

Pour une personne qui veut manger plus sainement, il est important de savoir, par exemple, où trouver des informations sur l’alimentation saine. Cela peut être sur un site fiable, dans un article de journal ou d’une revue, un livre sur l’alimentation saine, ou les conseils du médecin généraliste.

Lorsqu’elle a trouvé des informations sur l’alimentation saine, la personne doit ensuite être en mesure de les comprendre. Comprend-elle ce qui est écrit sur un site web, dans un article ou dans un livre sur l’alimentation saine? Comprend-elle les conseils d’un médecin?

Elle doit ensuite être capable d’interpréter ces informations et d’en évaluer la valeur. Les informations sur l’alimentation saine peuvent en effet être contradictoires. Une étude démontrera par exemple que boire du vin peut être bon pour la santé, tandis qu’une autre affirmera précisément le contraire. Ce que dit un grand-parent peut diverger des conclusions d’une étude récente. Il faut donc être en mesure d’identifier les sources fiables et les études dignes de confiance.

Enfin, lorsque les informations ont été évaluées, la personne doit également être capable de les mettre en pratique. Parvient-elle à mettre les conseils sur l’alimentation saine en pratique dans sa vie quotidienne afin de créer de saines habitudes alimentaires et par exemple manger chaque jour des fruits et des légumes, limiter l’apport en graisses, sucre et sel et prendre un petit-déjeuner?

L’Organisation Mondiale de la Santé reconnaît la littératie en santé comme un facteur déterminant important de la santé (OMS, 2008).

En effet, développer de bonnes compétences en matière de santé présente des avantages non négligeables: ces compétences conduisent à des choix plus éclairés, à une plus grande confiance en ses propres choix, à des attitudes plus positives en matière de santé et des habitudes de vie plus saines, à une prévention accrue, à une meilleure santé et à une baisse des coûts des soins de santé. Par conséquent, l’amélioration des compétences en matière de santé profite à la santé publique. Inversement, de faibles compétences en matière de santé sont associées à une grande variété d’effets néfastes, comme des habitudes de vie malsaines (tabagisme, consommation d’alcool, mode de vie sédentaire), une mauvaise santé perçue, une utilisation accrue des soins de santé, moins de recours aux services préventifs, des frais d’hospitalisation plus élevés, des coûts plus élevés pour les maladies chroniques et une hausse de la mortalité.

Différents facteurs expliquent une faible littératie en santé, notamment un faible niveau d’éducation, une situation socioéconomique défavorisée et l’appartenance à une minorité ethnique.Par ailleurs, on note également une forte association à l’âge et au sexe. À cet égard, les compétences en matière de santé peuvent être considérées comme un facteur qui contribue aux inégalités en matière de santé.

Une étude européenne, l’European Health Literacy Survey (HLS-EU), s’est penchée sur la question en 2011. Cette étude a mesuré le niveau de littératie en santé dans 8 pays européens (Autriche, Bulgarie, Allemagne, Grèce, Irlande, Pays-Bas, Pologne et Espagne). Les résultats ont montré qu’environ 12 % des répondants disposaient de compétences insuffisantes en matière de santé et que 35 % présentaient des compétences limitées. Seuls 53 % disposaient d’un niveau suffisant.

Méthode

Jusqu’il y a peu la Belgique ne disposait encore d’aucune information sur les compétences en matière de santé. Pour remédier à cette lacune, l’étude réalisée conjointement par les MC, l’UCL et la KUL sur les compétences émotionnelleNote bas de page a repris des questions liées aux compétences en matière de santé.

L’étude avait pour but de dresser un bilan du niveau de compétences en matière de santé de la population belge et de vérifier si ces compétences jouent un rôle médiateur dans la relation entre le niveau de formation et le comportement de santé.

Le questionnaire en ligne de l’étude de la compétence émotionnelle reprenait 16 questions destinées à mesurer la littératie en santé. À cet effet, nous avons utilisé la version courte du questionnaire qui a servi à l’étude européenne HLS-EUNote bas de page. Le questionnaire sondait également le niveau de formation et les différents comportements liés à la santé comme le tabagisme, la consommation d’alcool, l’alimentation saine, l’activité physique, la consommation de médicaments non-remboursés et des traitements alternatifs.

Le questionnaire en ligne a été envoyé à 200.000 membres adultes des MC. 16.999 personnes ont répondu à l’ensemble du questionnaire et ont donné leur consentement pour coupler les résultats du questionnaire aux informations extraites des bases de données des MC, comme l’utilisation de soins de santé remboursés. L’échantillon final se composait de 9.616 personnes, toutes membres des MC durant la période 2001-2012Note bas de page.

Résultats

Quatre Belges sur dix en savent trop peu en matière de santé

Six Belges sur dix (58,7%) disposent d’un niveau de compétence suffisant en matière de santé. La littératie en santé est limitée pour trois Belges sur dix (29,7 %) et elle est même insuffisante pour un sur dix (11,6%). Au total, quatre Belges sur dix en savent trop peu en matière de santé pour mener une vie saine. La Belgique affiche ainsi des scores comparables à ceux de la majorité des autres pays européens, mais se trouve loin en-dessous de la performance des Pays-Bas, par exemple.

Les compétences en matière de santé diffèrent considérablement en fonction des régions (voir figure 1). La Flandre a le plus haut pourcentage de littératie en santé suffisante (61,9%), suivie de Bruxelles (52,5%) et de la Wallonie (48,7%).ImageLe sexe et l’âge influent également sur les compétences en matière de santé. Le pourcentage de littératie suffisante est nettement plus élevé chez les femmes (60,9%) que chez les hommes (56,2%).

Le pourcentage de littératie en santé suffisante dans les groupes d’âge de 25 à 74 ans oscille autour de 60% (de 57 à 61%). Ce pourcentage est nettement inférieur pour le groupe d’âge le plus jeune (18-24 ans) avec 45,5% et le groupe d’âge le plus élevé (75 +) avec 49,2%.

Les différences de littératie en santé sont les plus marquées suivant le niveau de formation (figure 2): le pourcentage de littératie suffisante est de 46% chez les personnes diplômées de l’enseignement primaire, contre 75% chez les personnes qui ont une formation post-universitaire. Chaque niveau de formation supérieur correspond à une hausse de la littératie en santé.Image

La littératie en santé atténue l’effet négatif du niveau d’études sur le comportement en matière de santé

La littérature décrit à maintes reprises la corrélation entre un faible niveau d’études et un mode de vie malsain, comme de mauvaises habitudes alimentaires ou le tabagisme. Mais comme mentionné ci-dessus, la littératie en santé exerce un effet positif sur la santé. La question se pose dès lors de savoir si une maîtrise suffisante peut atténuer l’effet négatif du faible niveau d’études sur le comportement en matière de santé. Pour répondre à cette question, des ‘analyses de médiation’ ont été effectuées. Une analyse de médiation se compose d’une série d’analyses de régression successives, qui vérifient si une variable exerce un impact sur une autre variable.

Des analyses de régression ont été effectuées entre:

  • le niveau d’études et un comportement de santé;
  • le niveau d’études et la littératie en santé;
  • la littératie en santé et un comportement de santé;
  • le niveau d’études, la littératie en santé et un comportement de santé.

Si on constate un impact du niveau d’études sur le comportement de santé ainsi qu’un impact du niveau d’études sur la littératie en santé et de la littératie en santé sur le comportement de santé, les trois conditions sont remplies pour effectuer une méta-analyse permettant de comparer les relations entre elles. Si l’effet des études sur le comportement de santé diminue par l’intervention de l’effet de la littératie en santé sur le comportement de santé, il est question de médiation partielle de la relation entre le niveau d’études et le comportement de santé par la littératie en santé. Si l’effet des études sur le comportement de santé disparaît, il y a une médiation complète.

L’étude a fait apparaître un impact significatif du niveau d’études sur le tabagisme, une alimentation saine, l’activité physique, les traitements alternatifs et la consommation de médicaments (analgésiques et somnifères). Aucune influence du niveau d’études n’a été constatée sur la consommation d’alcool. Pour cette variable, cela n’avait donc aucun sens d’analyser l’effet médiateur de la littératie en santé.

En ce qui concerne l’alimentation saine, l’activité physique et la consommation de médicaments, un effet médiateur considérable de la littératie en santé a été constaté. Autrement dit, une bonne littératie en santé peut atténuer l’effet négatif d’un faible niveau d’études en matière d’alimentation saine, d’activité physique et de consommation des médicaments. L’utilité d’une bonne éducation en matière de santé et d’informations claires est ainsi démontrée.

Promotion de la santé des Mutualités chrétiennes

La présente étude sur la littératie en santé confirme l’importance du travail effectué par les MC dans le domaine de la promotion de la santé: proposer aux gens des informations compréhensibles en matière de santé et les accompagner vers un mode de vie sain. Mais les résultats montrent également que nous n’y parvenons pas toujours. En effet, quatre Belges sur dix présentent toujours des compétences insuffisantes en matière de santé pour pouvoir effectuer les bons choix. Il reste donc encore des efforts à faire pour continuer d’améliorer notre travail.

Les MC proposent des informations accessibles et objectives sur un grand nombre de thèmes comme l’alimentation, l’activité physique, les problèmes de santé et la santé mentale et accompagnent même individuellement les personnes si nécessaire.

Vous trouverez ci-après un bref résumé de l’offre actuelle du côté francophone.

Le site web mc.be regorge d’informations relatives à la santé, tant dans les rubriques ‘Maladies et traitements’, que dans celle ‘Votre santé’, consacrée à la prévention. Ces informations sont validées par des experts et régulièrement actualisées.

Toutes les deux semaines, le journal En Marche fait le point sur des thématiques santé et fournit une information complète, critique et neutre sur les sujets abordés.

Dans les centres mutualistes de santé (CMS), des sessions d’information/formation sont régulièrement organisées sur des thème de santé (diabète, santé mentale…).

Au sein des agences de la MC, des brochures couvrant une large variété de thèmes santé (alimentation, activité physique, stress, allergies…) sont disponibles.

Enfin, Infor Santé, le service de promotion de la santé de la MC met à disposition du public différentes publications et informations.Il organise régulièrement des campagnes de sensibilisation du grand public. La précédente s’intéressait à la santé dentaire des enfants. L’actuelle se penche sur les défis de la santé mentale.Le service est également à disposition de tous les professionnels de l’éducation et de la promotion de la santé. Il met à leur disposition des outils d’animation spécifique et de la documentation. La MC édite aussi à leur attention le mensuel Éducation Santé avec l’appui de la Wallonie et de la Cocof.

Bibliographie

  • SØrensen K., Van Den Broucke S., Fullam J., Doyle G., Pelikan J., Slonska Z., Brand H., for (HLS-EU) Consortium Health Literacy Project European. Health literacy and public health: A systematic review and integration of definitions and models. BMC Public Health 2012; 12:80.
  • Commission on Social Determinants of Health. Closing the gap in one generation: health equity through action on the social determinants of health. Final report of the Commission on Social Determinants of Health. Genève: World Health Organization, 2008.
  • Sun X., Shi Y., Zeng Q., Wang Y., Du W., Wei N., Xie R., Chun Chang C. Determinants of health literacy and health behavior regarding infectious respiratory diseases: a pathway model. BMC Public Health 2013; 13:261.
  • Mitic W., Rootman I. Une approche intersectorielle pour améliorer la littératie en santé des Canadiens et Canadiennes. Public Health Association of BC, 2012.
  • Conseil canadien sur l’apprentissage. Littératie en santé au Canada: Résultats initiaux de l’Enquête internationale sur l’alphabétisation et les compétences des adultes. Ottawa: Conseil Canadien sur l’apprentissage, 2007.
  • Berkman N.D., Sheridan S.L., Donahue K.E., Halpern D.J., Crotty K. Low Health Literacy and Health Outcomes: An Updated Systematic Review. Annals of Internal Medicine 2011; 155:97-107.
  • Lee S.-Y. D., Tsai T.-I, Tsai Y.-W., Kuo K. N. Health literacy, health status, and healthcare utilization of Taiwanese adults: results from a national survey. BMC Public Health 2010; 10:614.
  • SØrensen K, Pelikan JM, Röthlin F, Ganahl K, Slonska Z, Doyle G, Fullam J, Kondilis B, Agrafiotis D, Uiters E, Falcon M, Mensing M, Tchamov K, Van Den Broucke S, Brand H. Health literacy in Europe: comparative results of the European health literacy survey (HLS-EU). Eur J Public Health, in press

La version intégrale de cet article a été publiée dans MC-Informations n° 258, décembre 2014, pages 48 à 55.

Voir aussi l’article de Pascale Dupuis, ‘La littératie en santé: comprendre l’incompréhension’, Éducation Santé n° 309, mars 2015.

Voir l’article ‘Les compétences émotionnelles et la santé – Un facteur à prendre en compte pour la prévention’, Vancoreland S., Avalosse H., Verniest R., Callens M., Mikolajczak, Vanbroek N., Rummens G., Kapala F., Éducation Santé n° 311, p. 2 à 6.

Un score de 1 ou 0 a été attribué à la réponse aux différentes questions. Un score de 1 a été attribué aux catégories de réponses ‘très facile’ et ‘assez facile’, et un score de 0 aux catégories ‘très difficile’ et ‘assez difficile’. Le score final représentait la somme des 16 questions, à savoir un score de 0 à 16. Sur la base de ce score total, 3 groupes de littératie en santé ont été constitués: ‘insuffisant’ pour un score de 0 à 8, ‘limité’ pour un score de 9 à 12 et ‘suffisant’ pour un score de 12 et plus.

Sur les 16.999 répondants, 9.616 ont été retenus, car il était important pour l’étude sur les compétences émotionnelles que tous les répondants soient membres des MC durant la période étudiée.

L’histoire de Hassan Jarfi

Le 30 Déc 20

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L’histoire de Hassan Jarfi

Comme les jeunes volontaires impliqués dans le projet GrIS Wallonie, groupe d’intervention scolaire qui lutte contre l’homophobie, j’ai eu l’occasion de travailler avec un témoin exceptionnel, un adulte, un père de famille. Je vais vous raconter l’histoire d’une rencontre. Une histoire belle et sensible. Une histoire peu banale, une histoire qui touche. Voulez-vous la découvrir? Voulez-vous vous plonger dans mon quotidien professionnel, le temps d’une lecture?

Tout commence avec Agnès, dite Mamawè, ma chère collègue. La voici qui déboule dans mon bureau par un matin de mai.

«Vinciane, j’ai absolument besoin de toi!»

J’adore quand ma journée commence de la sorte.

«Je te suis toute dévouée» lui réponds-je.

Il me faut vous dire avant d’aller plus loin que Mamawè travaille avec des migrants, des étrangers qui sont dans des centres de réfugiés Croix-Rouge et Fedasil. Quant à moi, je travaille avec des gays, des lesbiennes, des bisexuel-le-s. Et c’est la lutte contre le sida qui nous réunit tous. Toute dévouée donc, j’ouvre grand mes pavillons, mes écoutilles.

«Je vais organiser une après-midi rencontre en juin avec des personnes étrangères et le thème qu’ils veulent aborder est l’homosexualité. Mais je te préviens, ils sont très très homophobes! Ils pensent que les homosexuels devraient être en prison, que c’est contre l’Islam, que c’est contre-nature!» poursuit-elle.

Croyez-vous que je vais me laisser impressionner par si peu? Eh bien oui! Homosexualité et religion ne font guère bon ménage…

«Tu peux compter sur moi» dis-je prestement tout en imaginant mes cheveux gris pousser sous l’effet de l’angoisse.

Comment vais-je faire? Ils vont me massacrer! Je ne me sens pas suffisamment outillée pour confronter leur homophobie à mes arguments généralement utilisés face à des élèves ou des adultes belges. Aurai-je les bons mots? Je ne connais rien à l’Islam et les quelques Marocains, Algériens ou Congolais que je connais sont tous… gays!

Cette nuit-là, la solution arrive d’elle-même, en une image claire, celle d’Hassan Jarfi. Je venais justement de l’écouter lors d’une conférence au Centre Gay et Lesbien de Namur, le vendredi précédant notre si belle journée des Fiertés namuroises. Hassan, mon sauveur! Hassan, papa d’Ihsane, ce jeune homme marocain, musulman, gay, assassiné par la haine des hommes, par leur peur de l’homosexualité, par leur rejet de la différence. Hassan qui, depuis le décès de son enfant, parcourt la Belgique pour témoigner, pour raconter son jeune fils, pour dire combien il l’aimait et combien sa douleur est grande face à tant de haine. Hassan, professeur de religion islamique, vivant en Belgique depuis 30 ans. Il connaît d’autres cultures, celles où l’homosexualité est taboue, mal vue, rejetée.

Je le contacte via Facebook, nous sommes amis, c’est facile. Bien sûr il accepte et ce n’est pas cher puisqu’il intervient gratuitement. Il faut juste lui payer ses déplacements. À l’heure actuelle, c’est assez rare, faut-il le dire!

Le jour de la rencontre arrive et les participants sont accueillis par Mamawè. Ils arrivent en bus de Centres de la Croix-Rouge et de Centres Fedasil. Des femmes et un homme, tous africains. L’une d’entre elles est si grande, si belle, quelques-unes sont accompagnées de leur bébé, d’autres encore de leur compagnon. L’endroit est convivial, une salle dans une maison pour jeunes, sans plus. Les chaises sont disposées en cercle et tout le monde prend place.

«J’ai un quart d’heure de retard» m’annonce un sms d’Hassan.

Alors Mamawè et moi faisons un petit tour de table pour savoir ce qu’ils pensent vraiment des personnes homosexuelles. Les clichés sont inchangés, l’incompréhension reste de mise, pareil pour le rejet. Puis Hassan arrive, avec son projecteur et son ordinateur portable.

Le public se demande qui est cet homme, quel genre de film il va projeter. Pour maintenir l’attention, Hassan ne se présente pas tout de suite, il dit juste qu’il va leur montrer un film sur la vie de son fils Ihsane, assassiné à cause de son homosexualité. Ai-je besoin de vous décrire les visages des personnes présentes? Étonnement allié à la curiosité.

La projection commence: 20 minutes de vidéo amateur où on voit Ihsane bébé qui joue avec le micro, Ihsane enfant qui s’amuse avec d’autres enfants, au Maroc, à Liège, avec ses frères, ses sœurs, sa famille, Ihsane jeune qui fait un peu de cinéma… Il est joyeux, mignon, tendre, heureux de vivre, un fond musical achève de nous attendrir.

Et puis on voit une affiche avec la tête d’Ihsane, un avis de disparition plus exactement avec écrit: ‘Qui a vu Ihsane?’ Cette affiche, je l’avais partagée en son temps, sur Facebook, tout comme la communauté homosexuelle. Un texte suit expliquant qu’Ihsane a disparu en sortant d’une boîte de nuit pour gays et lesbiennes. Les images suivantes montrent des articles de presse signalant qu’on l’a retrouvé mort, assassiné par quatre hommes (trois Belges et un Turc), abandonné dans un pré, non loin de là. Et le film s’achève sur des images d’Ihsane, du cimetière où il est enterré, des textes d’espoir, d’amour et de prières.

Hassan laisse quelques minutes aux personnes présentes pour intégrer ce qu’ils viennent de voir. L’émotion est palpable. Moi-même j’ai les larmes aux yeux. Je suis maman, je suis citoyenne, je suis concernée, je suis touchée. Et je ne suis pas la seule. Le public est ému, cela se sent.

«Voilà, c’est l’histoire de mon fils tant aimé, mon garçon un peu différent, il était homosexuel et on n’en parlait pas. Aujourd’hui je regrette de ne pas lui avoir dit qu’il pouvait compter sur moi, que je l’aimais de façon inconditionnelle. C’est trop tard il est mort».

Toujours pas de réactions. Une dame plus tard me dira que c’est l’émotion qui l’a empêchée de prendre la parole.

Alors Hassan continue son témoignage, il parle de sa condition de Marocain musulman, des difficultés à avoir un fils homosexuel quand on est musulman pratiquant, des jugements, du regard des autres, des non-dits, des souffrances et de la douleur actuelle face à la perte d’un enfant: «Ma famille est détruite.»

La dame, si grande, si belle, demande: «Qu’avez-vous fait pour avoir un fils homosexuel? Croyez-vous que vous êtes responsable, vous ou votre femme?»

«C’est ainsi, dit Hassan, personne n’y est pour rien. Il n’y a pas de cause, la seule chose à faire c’est d’aimer ses enfants comme ils sont, avec leurs différences. Tout existe dans la nature et cette diversité est belle, respectons-la.»

Le seul homme du groupe intervient à son tour: «Je pensais qu’il valait mieux mettre en prison les homosexuels mais avec votre témoignage, je me rends compte que j’avais tort».

Quoi de mieux que l’intervention de Hassan? Mes arguments auraient-ils pu faire mouche aussi justement? Ce public serait-il reparti en réfléchissant différemment sans son témoignage? Plus j’y repense et plus je me dis que non. C’est l’histoire d’Hassan et son fils qui a convaincu, c’est cette douleur transformée en espoir qui a fait que, aujourd’hui, plusieurs personnes sont beaucoup moins homophobes qu’avant cette rencontre.

Vinciane Fastré est assistante sociale au Service de Santé Affective et de Réduction des risques
rue Dr Haibe 4 à 5002 Saint Servais
Courriel: vinciane.fastre@province.namur.be

Médecine générale et précarité

Le 30 Déc 20

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Médecine générale et précarité

‘La relation de confiance avec les patients qui vivent dans des conditions précaires’, une session de sensibilisation proposée aux médecins généralistes

Promo Santé & Médecine Générale (PSMG) est une asbl composée pour moitié de personnes de la Société Scientifique de Médecine Générale (SSMG) et pour moitié, de la Fédération des maisons médicales (FMM). Cette asbl a pour mission de diffuser la prévention en médecine générale dans une approche de promotion de la santé, c’est-à-dire une prévention centrée sur la personne, respectant son choix éclairé, avançant à son rythme, prenant en compte son environnement, intégrant éventuellement d’autres acteurs du réseau psycho-médico-social. L’asbl promeut les thématiques de prévention reprises dans le DMG+, le volet préventif du dossier médical global (DMG+) [1].

Introduction et problématique

Préoccupée par les questions spécifiques de prévention et de promotion de la santé que posent les patients qui vivent en milieu précaire, PSMG organise depuis 2009 des sessions de formation continue pour aider les généralistes à aborder ces thématiques avec eux. On s’est rendu compte que derrière la demande des médecins pour des réponses pratiques (adresses d’équipes sociales, de santé mentale, recours pour le logement, connaissance du fonctionnement d’un CPAS…) il y a beaucoup de bonne volonté et de désir d’aider mais aussi pas mal d’improvisation dans la gestion de la relation de la part de médecins mis en présence de personnes qui vivent dans la précarité. On se rend compte que les médecins ont peu l’occasion de prendre distance par rapport à ces patients en difficultés sociales, que le sentiment d’impuissance est très présent et qu’il met à mal la bienveillance. Parfois, après quelques années, certains médecins se sont enfermés dans des raisonnements auto-construits sur les pauvres, la pauvreté ou les manques de la société. Parfois, des préjugés se construisent et ont la vie dure.

Nous nous sommes rendu compte qu’une approche instrumentale ne faisait pas vraiment changer les choses. Nous risquions de cantonner le médecin généraliste dans une sorte de gestion de la pauvreté, alors qu’il a un rôle singulier, unique auprès de ses patients qui, à la différence du personnel mis à disposition par les services sociaux, le choisissent. Le généraliste est extra-institutionnel.Il nous fallait donc élargir notre champ au-delà du ‘pratico-pratique’ demandé (cela existe-t-il en matière de précarité?) sans nous limiter à une moralisation des préjugés [2].

Contexte

Dans les GLEM (groupes locaux d’évaluation médicale relevant de l’INAMI) et les Dodécagroupes (groupes de formation continue de la SSMG) on est proche du terrain des généralistes, cliniciens de première ligne formés à trouver rapidement des solutions, qui voient beaucoup de patients, en consultation ou en visite à domicile.

Ces groupes de formation continue sont relativement petits (10 à 15 médecins). Ils sont conduits par un participant-animateur, se réunissent au domicile de l’un d’entre eux, ou dans une salle de réunion locale (hôpital, maison médicale, home…). Les groupes peuvent être très homogènes et on y partage vraiment sa pratique, mais ce n’est pas toujours le cas. Le choix des sujets est en général fait collectivement. Il s’agit le plus souvent de thèmes cliniques. Il peut arriver que le thème ne soit choisi que par quelques-uns, et la majorité suit.Les sessions ont lieu en soirée, en fin de journée, après les consultations ou les visites à domicile.

Objectif

Nous organisons une sensibilisation. Nous cherchons à interpeller, à ‘rendre sensible’, amener les généralistes qui le désirent sur un terrain qui ouvre des perspectives, à leur montrer qu’ils peuvent sortir de l’improvisation et du sentiment d’impuissance. Pour ce faire, nous abordons les choses sous l’angle de la relation de confiance avec les personnes. Ainsi nous nous centrons sur ce que le généraliste fait et construit, là où il est, dans les instants durant lesquels il bâtit le lien sur lequel peut prendre place un soin ou la proposition d’une démarche préventive.

La sensibilisation a pour but de construire la relation de confiance avec les personnes qui vivent en milieu précaire.Nous avons estimé qu’un travail au niveau de la relation de confiance est très concret et rassemble bon nombre de préoccupations [3]. C’est un objectif assez clair, concis et qu’on peut aborder durant le temps court dont on dispose dans ces sessions de formation continue. Pour cela nous proposons de partager avec les participants des éléments qui permettent de se mettre un peu à distance de l’émotionnel, pour être mieux au service des gens, pour être plus efficace à long terme, se situer dans le projet personnel des gens, même si celui-ci semble enfoui sous la misère du quotidienNote bas de page.

Approche

Dans les GLEM et les Dodécagroupes, on part toujours de la pratique des participants, c’est comme cela qu’on arrive à capter leur attention. On cherche à créer des ouvertures, à proposer une première étape vers un questionnement plus approfondi, une prise de conscience sociétale.

C’est en cherchant du côté de l’ethnographie [4] que nous avons trouvé des démarches applicables aux cliniciens de première ligne. Il s’agit d’apprendre à se décentrer, de poser sur les gens et sur les choses un regard qui permet d’anticiper les impasses, un peu décalé du face à face, de voir la réalité un peu autrement, d’entrer en relation en prenant conscience qu’à lui seul, le regard induit une tension qui lui est propre.

Pour les praticiens de terrain, il est aussi important de prendre conscience de la différence. Mais jusqu’à quel point? Il est vrai que différencier permet de sortir de la tentation de l’assimilation, de l’universalité à tout crin. Mais la question est de savoir qui différencie et qui universalise. C’est la question du positionnement, de la posture que se construit le praticien.

Comment, en moins de deux heures, travailler le décentrement et la posture avec des professionnels de première ligne, sur leur terrain, en face à face?

Comment aborder ces questions essentielles de manière participative, sur base de pratiques cliniques avec un groupe qui n’a bien souvent jamais parlé de cela de manière structurée, qui attend des ‘solutions’, dont parfois une bonne partie des participants n’ont rien demandé ou quelques-uns ‘attaquent dur’ avec des clichés ou des préjugés bien ancrés?Note bas de page

Se mettre en position de questionnement

On commence par donner la parole à chacun des participants pour exprimer leur vécu et leur ressenti par rapport aux personnes qui les consultent ou qui les appellent à domicile et qui vivent en situation précaire. On fait un tour de table, chacun a droit à la parole, mais à tour de rôle. Personne n’intervient en dehors de son tour de parole.

Comme c’est un sujet rarement abordé, les médecins ‘se lâchent’ et ça peut partir dans tous les sens. Il suffit qu’un participant lance une opinion toute faite ou un préjugé tenace pour que toute l’approche se bloque. On donne donc la consigne de s’exprimer sous forme de questions.

Cette consigne est en général difficile à suivre. Les premiers participants sont d’emblée dans les constats (négatifs) ou les difficultés de faire, de trouver des solutions. Il faut reprendre plusieurs fois la proposition de réfléchir à une ou des question(s) que chacun se pose sur le vécu de ces patients et de leur familleNote bas de page. Les questions amenées peuvent être, par exemple, quelles sont leurs priorités? Quelles sont leurs aspirations? Dans leurs besoins, quelle est la position des besoins médicaux? Derrière l’urgence, quelle est la demande? Comment ‘ça’ (la vie, la survie) fonctionne? Dans l’errance, que cherchent-ils? Quelles sont leurs valeurs? Qu’est-ce que, pour eux, la précarité? Quel est l’avenir? Le long terme?

Le fait de ‘cadrer’ le tour de table autour du questionnement sur le vécu permet de revenir sur les impasses possibles que sont les constats, les interprétations, les jugements, la question que faire (dans l’immédiat)?, la critique du système social ou l’une ou l’autre forme de compassion.

On laisse aussi la place pour que chaque médecin puisse parler de ce qu’il fait, de ses initiatives: par exemple, une généraliste de Bruxelles ouvre discrètement une consultation gratuite une après-midi par semaine, un généraliste à la retraite continue ses visites à domicile… Avec sa trousse à outils pour réparer plafond et tuyaux, un autre parle de la coordination qu’il a mise en place dans des familles avec l’assistante sociale du CPAS…

Pour des raisons didactiques/pédagogiques on concentre les discussions sur les familles dites du Quart Monde, pour ne pas ajouter à la complexité du thème le traitement de problématiques très spécifiques comme la toxicomanie, différentes situations d’immigration, la clandestinité…

Il s’agit de travailler la relation de confiance, donc de se concentrer sur l’interface relationnelle entre le médecin et la personne, lors d’une consultation ou d’une visite. On essaye d’éviter que les débats ne portent sur une autre complexité qui mettrait à distance celle de la relation à construire. Nous n’avons que deux petites heures…

Au terme de cette première activité, on évoque 10 à 15 situations. Chacune d’entre elles se prête à passer du constat ou de l’opinion au questionnement sur le vécu. Après cela, plusieurs participants se rendent compte que nous n’avons pas de réponses à ces questions pourtant vitales. Nous ne savons pas comment les gens vivent ou survivent dans les conditions dans lesquelles ils sont. On est un peu plus dans l’ouverture, humblement, plus prêt au dialogue, à la relation.

La relation au monde

On passe ensuite au travail sur la relation au monde, également issu de l’ethnographie. Ce travail est entendu en premier lieu comme une prise de conscience de la part du médecin de sa propre relation au monde, puis dans un deuxième temps, de la relation au monde de son patient en situation précaire. L’idée est ici que la prise de conscience de sa propre relation au temps, à l’espace, au corps, à l’argent, au travail… permet de se rendre compte qu’on parle à des personnes qui vivent de manière tout à fait différente dans le même monde que le nôtre [5 ]. Nous n’allons pas changer notre relation au monde ni la leur, mais nous rendre compte d’où nous parlons à un patient précarisé et d’où nous le regardons nous permet de nous rendre compte que nous parlons ‘poisson’ dans le monde des ‘oiseaux’…

On aborde la relation au temps. Nous sommes des gens qui vivons dans un temps long, prospectif, nous faisons des plans à long terme pour notre vie professionnelle et familiale. Et nous parlons avec des personnes qui vivent au jour le jour, qui ne font des plans que pour la semaine ou pour le mois.On aborde la relation à l’espace qui est pour nous large, le monde est un village, nous partons en vacances en Espagne ou bien plus loin encore, nous avons un neveu ou une nièce en Erasmus bien loin de chez nous, alors que nous parlons à des personnes qui vivent dans un carré de quelques centaines de mètres de côté, délimité par la maison, le magasin hard discount, le CPAS et le cabinet médical.

On peut aussi aborder la relation que nous avons avec notre corps, les soins que nous lui prodiguons, tandis que les personnes avec lesquelles nous parlons…

Il est très important de garder à l’esprit que dans la relation qu’entretiennent les personnes précarisées avec le monde, il y a bien souvent un dénominateur commun qui est celui de la honte, sournoise, cachée… [6]

Témoignages

En troisième partie de ces sessions de sensibilisation nous abordons des témoignages de personnes du Quart Monde et de médecins généralistes. Nous utilisons pour cela un film que nous avons tourné avec le cinéaste Philippe Jadot: ‘Parole donnée, les patients, la précarité, la relation de confiance’. Sept personnes et six généralistes de Wallonie et de Bruxelles y parlent de la confiance qu’ils ont construite ensemble. Ils parlent de la précarité et de la pauvreté, bien sûr, puis de la santé, des soins de santé, de la relation bâtie sur le long terme, de l’indispensable non-jugement.

Le film dure 25 minutes. Les médecins et les patients apparaissent sur un fond neutre, le même pour chacune des personnes.

C’est un documentaire qui a été très resserré au montage. Il est dense, il touche et met les opinions les plus carrées à l’épreuve de l’humain. Après la projection, on lance un débat sur les thématiques qui y sont abordées: la honte et le jugement, la précarité, la maladie, créer l’alliance, les conditions de vie, l’importance des visites à domicile, se laisser toucher par les patients, les enfants, la relation de confiance et les limites à poser, la prévention, le paiement des soins et pour finir, un message aux jeunes médecins.

Retours et évaluation en fin de session

En fin de session, on fait un dernier tout de table en posant aux participants la question: «Avec quoi repartez-vous»?

Parmi les retours que nous avons eus, il y a ceux qui concernent le film documentaire que les médecins trouvent très vrai, très touchant, respectueux des gens et de la réalité professionnelle des généralistes. Il y a aussi des appréciations sur les différents rapports au monde qu’on a évoqués (le temps, l’espace), une découverte bien souvent, une perception plus concrète des différences qui sous-tendent la relation en consultation ou en visite à domicile.

Perspectives

L’animation a eu lieu dans 14 GLEM et Dodécagroupes ainsi que dans 6 maisons médicales en 2014.

Le film est aussi demandé pour animer des séminaires de formation de jeunes généralistes, en lien avec les Départements de médecine générale, un cours de philosophie en BAC1 de médecine, une soirée de rhétoriciens… Nous accompagnons la projection d’un tour de table pour susciter le questionnement (versus des constats négatifs ou des préjugés) et d’un exposé sur les différentes relations au monde. Nous préparons un cédérom additionnel qui reprend ces deux démarches de décentrement et dont la projection sera proposée en prélude du documentaire lorsque celui-ci sera demandé.

Nous nous rendons compte que les médecins généralistes vivent un très grand isolement sur ces questions de précarité et en parlent peu entre eux. Comme le ‘Social’ est très peu abordé durant leur formation initiale, ils sont souvent dans la construction de solutions ad hoc et peuvent jouer à l’apprenti-sorcier.

L’étape suivante serait alors de proposer aux médecins qui le veulent des supervisions cliniques [ 7], un accompagnement pour pouvoir ‘poser son sac’ après avoir rencontré ces situations difficiles. Cela se fait pour les pratiques cliniques en lien avec les patients chroniques (groupes Balint), pour les généralistes qui s’occupent de questions de toxicomanie (réseau d’aide aux toxicomanes, RAT), pourquoi pas sur les thématiques qui touchent la précarité?

Bibliographie

[1] https://www.ssmg.be/prevention/notre-vision-de-la-prevention, https://www.inami.fgov.be/fr/professionnels/sante/medecins/qualite/Pages/dossier-medical-global.aspx#Module_de_pr%C3%A9vention_%28num%C3%A9ro_de_code_de_nomenclature_102395%29

[2] E. Marc Lipianski, La formation interculturelle consiste-t-elle à combattre les stéréotypes et les préjugés?, document de travail, Université Paris X, Nanterre, 2012

[3] ATD Quart Monde Wallonie-Bruxelles asbl, Professionnels de la santé, vous avez un rôle important dans la réalisation de nos projets: une interpellation du Quart Monde, Collection Nous d’un Peuple, 2008 et Santé Conjuguée, N°49, juillet 2009, pp 24 -31. https://www.atd-quartmonde.be/IMG/pdf/Projets_sante2.pdf et https://www.maisonmedicale.org/Professionnels-de-la-sante-vous.html

[4] Jean-Pierre Olivier de Sardan, La rigueur du qualitatif, les contraintes empiriques de l’interprétation socio-anthropologique, Academia, 2008

[5] Anne Piquard, Ghislaine Capiomont, Odile Oberlin, À la rencontre de l’enfant de milieu très défavorisé ou ambigüité du regard psychiatrique sur «ces gens-là», Psychiatrie de l’Enfant, 1987, p. 167 à 207

[6] Boris Cyrulnik, La honte, Mourir de dire, Odile Jacob, 2010

[7] Paul Lodewick et Gérard Pirotton, La supervision: espace de réflexivité et d’enjeux, Politiques Sociales, 1 & 2, 2007

On parle ici des médecins généralistes. On pourrait aussi très bien aborder ces questions avec des enseignants, des travailleurs sociaux, des personnels d’une administration communale, des personnes qui travaillent dans le secteur de la justice…

Un classique étant les télévisions à écran plat dernier cri ou les smartphones de dernière génération que se paient les personnes en difficulté.

Si ça bloque on suggère de partir d’un incipit tel que «Au fond, après toute mes années de pratique, avec mon expérience de la vie et mon expérience médicale, je me demande si… pourquoi… comment…?»

Développement durable et promotion de la santé: vers une sainte alliance

Le 30 Déc 20

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Développement durable et promotion de la santé: vers une sainte alliance

Pascale Dupuis, correspondante Éducation Santé au Québec, a publié un très intéressant article dans le numéro 295 de décembre 2013. Sous le titre ‘Développement durable et promotion de la santé: une alliance tumultueuse’Note bas de page, l’auteure nous y livre un tableau de l’impressionnante réflexion faite outre Atlantique sur les rapports entre les deux concepts, portés chacun par des chercheurs, des études qui donnent à voir un va-et-vient intellectuel riche, fécond et qui laisse rêveur…

Cela nous a donné envie de reprendre le débat soulevé, de le confronter à une production didactique – les ‘Cahiers du Développement Durable’ – qui a vu le jour en Fédération Wallonie-Bruxelles et de poser quelques jalons supplémentaires sur le chemin d’une approche systémique des questions de santé et d’avenir de l’humanité dans ses rapports avec la planète.

Le grand mérite de l’article de Pascale Dupuis est d’avoir brossé largement l’essentiel des enseignements de ces parcours, tant pour le concept de promotion de la santé depuis la charte d’Ottawa en 1986 que pour le développement durable, tel qu’il a émergé du rapport Brundtland dès 1989.

Je m’inscris dans ce même cadre de référence et propose une réflexion en trois temps:

  • peut-on tenter une approche systémique de problématiques humaines actuelles et tirer de cette approche une stratégie pédagogique en vue d’un concept d’éducation global et généralisable?
  • qu’avons-nous voulu faire en rédigeant les ‘Cahiers du Développement Durable (CDD)’ et en quoi l’outil peut-il rencontrer les attentes des acteurs de l’éducation pour la santé?
  • à quelles conditions rassembler les acteurs des différents champs éducatifs impliqués dans le changement paradigmatique de l’éducation et de la formation qui se profile? Car il s’agit, ni plus ni moins, de développer des comportements individuels et collectifs inédits dans un monde globalisé comptant 9 milliards et demi d’individus dans un contexte de rareté croissante des ressources.

Approche systémique et stratégie pédagogique

Vraiment pour tous

Il est de plus en plus difficile d’admettre que des enfants et des jeunes passent à côté d’une véritable éducation (voire formation) au développement durable et à ses composantes essentielles que sont la santé, la citoyenneté, l’environnement et la solidarité intra et intergénérationnelle. Avec quelques établissements scolaires convaincus de cette approche globale nous plaidons pour cette généralisation.

Il est tout simplement inacceptable qu’en fonction du choix de l’école le jeune ait ou non la possibilité d’être mis en situation d’appréhender la complexité du monde et d’en penser de manière critique les choix et les orientations politiques, technologiques, scientifiques, culturelles et éthiques.

Apprendre à penser le global et à appréhender le complexe, autrement dit: réfléchir et agir (dans) le monde

Les Nations Unies à travers leur agence chargée des questions d’éducation (UNESCO) ont opté pour placer l’éducation au développement durable tout en haut des priorités pour l’humanité. Décennie de l’éducation au développement durable (2005-2014), objectifs du Millénaire, éducation tout au long de la vie pour tous et inclusive et, plus récemment, le ‘Programme d’action global pour l’éducation en vue du développement durable’ pour l’après 2014, la Déclaration de Nagoya ainsi que la Déclaration ministérielle de Lima sur l’éducation et la sensibilisation de décembre 2014, en sont les principaux signaux.

Toutes ces questions ne sont pas assez présentes dans les structures éducatives. Celles-ci restent très instrumentalisées par un modèle économique tourné vers la compétition, la croissance et la consommation, qui ignore largement les limites de la biosphère et les conditions du vivre-ensemble. Modèle de plus en plus lourdement en panne qui se décline en crises sociales, environnementales, politiques et économiques.

Ces crises contemporaines ont des effets multiples sur la santé et le bien-être physique et psychique tant dans les pays à haut pouvoir d’achat que dans les pays émergents ou laissés pour compte: problèmes de santé mentale (peurs, craintes, replis, stress…) et physique (alimentation déséquilibrée, consommation malsaine en particulier chez les jeunes), souffrances liées aux conflits, aux guerres autour des ressources, réfugiés climatiques et environnementaux, mise à mal de la biodiversité et pollution des écosystèmes, etc.

Seule une éducation globale qui peut aider les jeunes à comprendre (prendre avec soi) et appréhender (prendre en main) la complexité du monde nous paraît à même de relever ce défi.

Les ‘Cahiers du Développement Durable’ (CDD)

Les CDD se présentent comme un outil didactique de 700 pages disponibles pour le premier volume en format papier et pour l’ensemble des quatre volumes sur le site internet www.cahiers-dd.be. La création de cet outil a été rendue possible grâce à un financement du ministre de l’environnement de la Wallonie depuis 8 ans.

De nombreuses questions de santé y sont traitées. Le volume 1, ‘Vivre’, est destiné au grand public et aux enseignants des cours généraux. Il aborde notamment les questions de répartition des richesses entre les humains et de réflexion sur les besoins fondamentaux, la croissance démographique et ses impacts écologiques et sociaux ainsi que les notions d’espérance de vie, d’accès à l’eau et aux soins de santé.

En deuxième partie, le volume 1 examine 10 thèmes à caractères environnementaux: les matières premières, les substances dangereuses, l’énergie, l’eau, l’air, le sol, la biodiversité, le climat, les déchets, la santé et l’environnement. Chacun aborde plusieurs aspects de la santé personnelle et collective et invite le lecteur à se pencher sur ses capacités d’action.

Le 2e volume ‘Entreprendre de manière durable’ se penche sur l’entreprise et le monde économique. Il développe pour les 10 mêmes thématiques que le volume 1 l’ensemble des liens existants entre les dimensions économiques, sociales, humaines et environnementales. Législations, bonnes pratiques, art de se poser les bonnes questions pour réduire les impacts négatifs de l’entreprise sur la santé de l’homme et de son environnement y sont abordés.

Le 3e volume ‘Travailler de manière durable’ propose une véritable démarche d’intégration de l’ensemble de ces thématiques dans la pédagogie des enseignants, avec un accent tout particulier sur les cours techniques et de pratique professionnelle. En effet, nous savons tous en quoi nos adolescents de l’enseignement professionnel et technique sont en situation de risques multiples en matière de santé et de prévention des accidents et comportements dangereux.

Rendre le futur travailleur, quel que soit son métier, totalement actif dans la préservation de sa santé, de celle de ses condisciples et de notre environnement planétaire: tel est le propos de ce volume 3. La méthodologie met sans cesse l’accent sur la participation et le développement des compétences sociales tellement essentielles pour un grand nombre de jeunes déjà fragilisés dans leur parcours scolaire et d’intégration. En ces temps où l’on s’interroge sur les questions de citoyenneté, n’est-il pas l’heure de prendre au sérieux la participation des jeunes à la construction de leur école et de la société?

Le 4e volume ‘Des points-clés sous la loupe’ comporte 40 fiches didactiques qui permettent d’approfondir les thèmes. Parmi ceux-ci les conditions de travail, le commerce équitable, la grille d’achat durable pour produits alimentaires et non-alimentaires, l’étiquetage de produits dangereux, la signalisation de sécurité et santé, etc.

En résumé, sans être un outil conçu dans le cadre de la promotion de la santé, les CDD proposent pourtant une multitude d’occasions de croiser les champs éducatifs que sont l’éducation à la citoyenneté, la promotion de la santé, l’éducation à l’environnement et l’éducation à la solidarité mondiale.

À l’échelle d’un établissement scolaire, poursuivre une approche parcellisée des savoirs et compétences, c’est ne pas vouloir s’apercevoir que cela ne fonctionne pas ou de plus en plus mal.

Partir d’un champ éducatif et prétendre à partir de celui-ci, pouvoir phagocyter tous les autres est tout aussi dommageable.

Nous plaidons donc pour une éducation globale, qui fédère toutes les approches, toutes les compétences, tous les acteurs publics et associatifs dans une démarche enfin décloisonnée.

Quelques conditions pour réussir

J’en pointe cinq principales.

Une indispensable meilleure connaissance des approches spécifiques, des originalités, des contenus et priorités de chaque champ éducatif… par les autres. Je n’arrête pas d’être surpris depuis 30 ans par la grande ignorance que les uns et les autres ont de ce que font leurs voisins pourtant tout aussi généreusement impliqués dans l’éducation et l’émancipation des jeunes.

La reconnaissance par chaque champ éducatif (et donc par les acteurs qui y sont engagés) que l’efficacité de chaque approche n’est possible qu’en synergie avec les autres. Non pas séparée des autres, non pas superposée aux autres mais bien menée concomitamment avec les autres dans des approches méthodologiques concertées, co-construites qui placent en outre les apprenants en situation de recherche et de construction de savoirs. S’il y a encore bien sûr place pour de l’enseignement frontal, la part de celui-ci se réduit et cela se justifie d’autant plus que la part belle est laissée à des priorités d’auto-socio-construction des savoirs, des comportements et des compétences.

Une mise à plat de chaque secteur sous l’autorité du service public qui vise à instaurer des critères de qualité sur les contenus comme sur les démarches pédagogiques, en évitant le fonctionnement par campagne, par appels à projets toujours limités à des périodes données et des thématiques circonscrites. Ce mode de fonctionnement laisse entendre ou fait en sorte que l’actualité l’emporte sur le long terme, sur les processus réellement éducatifs et formatifs qui eux sont toujours nécessairement inscrits dans la durée.

En environnement, il y a le jour de…, la semaine du … et l’année des …, comme si chacun de ces thèmes n’était pas une question permanente. En éducation pour la santé également on fonctionne souvent par campagnes et journée de ceci ou cela. Il en va de même au fond de chaque champ éducatif. Les établissements scolaires ont des missions permanentes avec un public partiellement renouvelé chaque année. Une approche intégrée dans les disciplines et développée régulièrement dans des démarches pédagogiques par projets, inter disciplinaires si possible, est porteuse de réussite.

Il y a sans doute lieu aussi d’affronter de face et en toute lucidité la question des financements. Réduire et éviter le financement de campagnes ponctuelles mais aussi assurer un financement récurrent aux missions retenues de manière à éviter les formes de concurrence, les doublons. Il est, par exemple, complètement improductif et irrationnel de devoir se battre sans cesse pour subsister comme acteur associatif alors que les missions reconnues sont réellement d’utilité publique.

Des avancées sont cependant à noter ces dernières années:

  • la multiplication des approches croisées entre acteurs de champs éducatifs différents. Je salue ici le travail du Réseau Idée qui ouvre sa démarche aux acteurs de l’action sociale ou de la santé;
  • le récent décret wallon garantissant le financement de l’associatif;
  • les Assises de l’Éducation Relative à l’Environnement et au Développement Durable pilotées conjointement par la Fédération Wallonie-Bruxelles, les Régions et le Réseau Idée;
  • la création des Cellules bien-être, autant d’occasions pour développer une approche globale;
  • la volonté récente de la Fédération Wallonie-Bruxelles de développer une approche d’éducation à la citoyenneté qui déploierait sous un chapeau commun l’ensemble des champs éducatifs considérés comme essentiels pour l’avenir de nos sociétés.

Pour être actif dans une école depuis 30 ans, il me faut insister enfin sur l’urgence de transformer l’école. Impossible ici d’évoquer ce chantier, sauf à rappeler que les contraintes et les rigidités des structures représentent un frein important à la mise en place de pédagogies dont j’ai effleuré ici quelques aspects. Un frein, mais pire, bien trop souvent une cause de mortalité de projets éducatifs de qualité entraînant encore trop souvent le départ d’enseignants généreux et compétents vers d’autres cieux.

Les CDD souhaitent contribuer à ce travail qui voudrait dans l’école montrer une voie possible, en ouvrant quelques portes entre les disciplines, entre les cours généraux, techniques et de pratique professionnelle, entre les préoccupations de former et d’éduquer, ces deux grands domaines qui devront inspirer davantage de clairvoyance aux générations futures.

Au fond, la question ultime qui reste quand nous mettons en regard l’état de la planète et le sort futur de l’humanité reste bien: «Quels enfants laisserons-nous à notre terre?»


Adresse de l’auteur: Institut Robert Schuman, Route de Verviers 89-93, 4700 Eupen. Courriel: jean-michel.lex@rsi-eupen.be.
Adresse de contact pour les Cahiers du développement durable: Jasmin Jalajel et Ingrid Collins, tél.: 0493 19 40 25. Courriel: info@cahiers-dd.be

Dupuis P., Développement durable et promotion de la santé: une alliance tumultueuse, Éducation Santé n° 295, décembre 2013.

Ne tournons pas autour du pot

Le 30 Déc 20

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«Ne tournons pas autour du pot»

Sanitaires à l’école, levons le tabou!

Le 12 mars dernier, c’est dans le superbe cadre des Moulins de Beez à Namur que le Fonds BYX et l’asbl Question Santé nous ont reçus pour une demi-journée de séminaire sur le thème… des toilettes à l’école. Un sujet peu commun s’il en est mais non moins intéressant.

Le Fonds BYX, géré par la Fondation Roi Baudouin, qui soutient des projets de promotion de la santé en milieu scolaire, a choisi de prendre ce sujet à bras le corps, en lançant un appel à projets à destination des écoles du fondamental de la Fédération Wallonie-Bruxelles souhaitant mener un projet concret autour de l’amélioration de leurs sanitaires.

Une journée de réflexion et d’échanges enrichissante

Après une chouette introduction du comédien Philippe Vauchel et une brève allocution de Michel Devriese, Président du Fonds BYX, Sophie Liebman, enseignante diplômée en sciences de l’éducation qui a réalisé un mémoire sur le sujetNote bas de page, nous a entretenus avec conviction de verrous cassés, de planches absentes, de manque de papier toilette ou encore de cuvettes sales. Autant d’explications selon elle au mal-être des enfants, dont les toilettes sont le reflet.

C’est ensuite un invité de marque qui s’est exprimé, avec toute l’éloquence qu’on lui connaît. Bernard De Vos, Délégué général aux droits de l’enfant, non sans une note d’humour, a commencé son exposé en affirmant que les écoles avaient encore bien du mal à s’inscrire dans notre siècle, les toilettes par exemple n’ayant pas vraiment évolué depuis le 19e

Si l’on agrandit les écoles à coups de containers, on n’en augmente pas pour autant la taille des cours de récréation, des réfectoires et… le nombre de toilettes! Avec force et conviction, il nous rappela que l’un de ses rôles était de s’assurer que les droits des enfants soient toujours respectés et que, pour lui, tous les droits étaient importants, y compris celui de pouvoir aller aux toilettes dans de bonnes conditions.

Est-il réellement normal de contraindre quelqu’un qui a des besoins physiques naturels à se restreindre? Il affirma avoir déjà reçu de nombreuses plaintes au sujet des toilettes à l’école, dont il juge l’état responsable de véritables problèmes de santé chez les enfants. Il termina en affirmant que l’on refuse trop souvent d’associer les enfants à la réflexion de fond sur des sujets qui les concernent alors même que leur regard dénué de toute censure peut nous aider à comprendre comment les aider.

Après la pause, Jasmine Charles, directrice de l’école Jean Rolland à St-Ghislain nous a présenté l’expérience-pilote menée dans son établissement en matière d’aménagement des sanitaires, avec le soutien de l’asbl Jeune Et CitoyenNote bas de page, représentée ce jour-là par Fatima Amkouy, animatrice. Le projet a commencé en octobre 2013 et s’est clôturé en avril 2015 par l’inauguration des nouveaux sanitaires. Dans cette école, les élèves ont été impliqués à chaque étape du projet, de l’état des lieux à l’évaluation, en ‘interdisciplinarité’ avec les enseignants, le personnel d’entretien, les délégués de classe… C’est avec beaucoup d’émotion que Madame Charles a terminé son exposé en remerciant le Fonds BYX et ses partenaires pour l’opportunité qu’il a offerte aux enfants d’être acteurs de leurs apprentissages.

Enfin, une douzaine de personnes présentes dans la salle, directeur d’école fondamentale ou d’athénée, personnel d’entretien aussi, ont témoigné des conditions sanitaires dans leur établissement. Certains nous ont fait part des difficultés qu’ils rencontraient à améliorer l’état général des toilettes, que ce soit en matière de budget ou d’infrastructures (souvent vétustes et largement inadaptées); d’autres ont témoigné de leur volonté de faire bouger les choses et des espoirs qu’ils plaçaient dans l’appel à projets.

Une belle demi-journée et des interventions, ni trop courtes ni trop longues, ponctuées par les speechs distrayants d’un comédien qui n’a pas la langue en poche et nous a rappelé que si l’«humus universel» est tabou, les toilettes ne doivent pas l’être.

Une appétissante mise en bouche pour les futurs porteurs de projet en somme!

Une situation préoccupante

Dans le cadre de cet appel à projets, le Fonds BYX a produit un document d’une septantaine de pages reprenant les constats et pistes pour une politique de l’eau à l’écoleNote bas de page.

Celui-ci détaille le contexte de santé lié à l’accès à l’eau, à travers différents points: la consommation d’eau à l’école, le lavage des mains et les toilettes. Concernant ces dernières, il révèle que «De nombreuses études témoignent de la faible fréquentation des toilettes par les enfants et par les jeunes à l’école.»

D’après une étude française notamment, sur près de 25 000 enfants interrogés par questionnaire, 43% utilisent les sanitaires de l’école régulièrement tandis que 48,5% le font seulement occasionnellement, quand ils ne peuvent faire autrement. En outre, 7,2% disent même ne jamais les utiliser!

Dix clés pour réussir

  1. Avoir le soutien de la direction
  2. Constituer une équipe porteuse
  3. Choisir des personnes ressources
  4. S’assurer dès le départ que le projet mobilise
  5. Se fixer des objectifs raisonnables
  6. Aller sans tarder dans le concret
  7. Tenir un calendrier réaliste
  8. Vérifier au long du projet que la motivation est toujours présente
  9. Prévoir des conditions matérielles adaptées
  10. Communiquer!

Extrait du site www.netournonspasautourdupot.be

Ces chiffres sont corroborés par l’étude d’Anne-Françoise Meurisse, infirmière-ressource en urologie, qui nous apprend que «11% (des élèves interrogés dans 5 écoles, ndlr) ne vont jamais uriner dans l’établissement. Ils disent apprécier le fait d’aller uriner chez eux (59,6%) plutôt qu’à l’école (17,4%) ou ailleurs (21,5%).» Autres chiffres troublants recueillis dans cette étude: «57% des élèves se retiennent parfois d’uriner et 14% toujours…».

Sur le terrain comme dans la littérature, le constat est le même: de nombreux jeunes préfèrent se retenir que d’aller aux toilettes dans leur école. Certains évitent même de boire afin de ne pas devoir y aller. On sait pourtant que se retenir peut être dommageable pour la santé (dilatation de la vessie, trouble du fonctionnement pouvant mener à des infections à répétition ou même à l’incontinence urinaire).

L’étude française précitée rapporte ainsi qu’ «une proportion non négligeable de jeunes paraît connaître des pathologies en rapport avec la non-fréquentation des toilettes de l’école: 15,1% présentent une constipation aiguë ou chronique, 21,6% une infection urinaire. Enfin, 18,8% disent avoir été chez le médecin pour des problèmes urinaires ou de constipation.»

Plus qu’une problématique sanitaire, un enjeu de santé publique

Au-delà des problèmes médicaux à proprement parler, c’est aussi le bien-être des enfants qui est ici mis en cause: «Selon l’Unicef, la situation liée aux difficultés ou aux réticences à se rendre aux toilettes durant l’école a de lourdes conséquences sur le sentiment de bien-être des enfants. L’accumulation d’éléments négatifs crée une xième égratignure sur la personnalité blessée d’enfants et de jeunes socialement vulnérables. Il est ici question d’hygiène, mais aussi de bien-être en classe, de concentration, parce qu’un enfant qui se retient toute la journée est moins performant», affirme Sophie Liebman. Selon elle, nombre d’élèves répondraient à la violence symbolique ressentie par des dégradations diverses: «s’ils se sentent mal en classe, s’ils subissent des humiliations, ils viennent se soulager aux toilettes, exprimer leur colère, à l’abri de tout contrôle social». Elle ajoute que «le problème de miction des élèves n’est pas reconnu à l’école».

D’après le rapport du Fonds BYX, «ce point de vue a été corroboré par les différents acteurs interrogés qui dénoncent des conditions d’hygiène défavorables et un sujet sensible non pris en charge. Cette attitude se traduit bien souvent par des conditions problématiques qui perdurent aussi bien au niveau de l’hygiène que de la propreté ou des conditions d’accès aux toilettes. Avec des répercussions sur l’ambiance générale.»

Un appel à projets qui vient à point

Un appel à projets a été lancé par le Fonds BYX, géré par la Fondation Roi Baudouin, qui visait donc à soutenir les écoles du fondamental de la Fédération Wallonie-Bruxelles souhaitant mener à bien un projet d’amélioration de leurs sanitaires. Celui-ci doit viser une amélioration de l’état, l’accès et la gestion des sanitaires, via une combinaison d’aménagements matériels et d’actions pédagogiques de sensibilisation. Le soutien pouvait aller jusqu’à 5.000 euros par école.

Caractéristiques des projets soutenus

Les projets devaient rencontrer un large éventail de préoccupations:

  • sensibilisation à l’importance de l’eau au sein de l’école, et au respect des sanitaires;
  • réaménagement des installations (quantité, accessibilité, praticité);
  • stimulation d’un encadrement et d’une surveillance appropriés avec prise en compte des rôles de chacun (éducateurs, délégués, etc.);
  • amélioration du cadre de vie scolaire.

Critères de sélection

Il y en a six:

  • implication active des élèves dans la prise de décision et les réalisations concrètes;
  • participation active de l’ensemble des acteurs de l’école (pouvoir organisateur, direction, parents, personnel technique, etc.);
  • réalisme et faisabilité (objectifs clairement définis, partenariats adéquats, etc.);
  • globalité et cohérence (avec le projet d’établissement, le projet éducatif, etc.);
  • articulation entre les aménagements matériels et les actions pédagogiques de sensibilisation;
  • durabilité du projet (choix du matériel, entretien…).

La liste des 36 projets retenus est en ligne depuis quelques semaines. Plus d’infos sur cette initiative et sur les écoles retenues.

Nous ne manquerons pas d’y revenir prochainement.

Des outils de communication et de soutien pour les porteurs de projets

Côté accompagnement, l’asbl Question Santé a réalisé, pour le Fonds BYX, le site internet Ne tournons pas autour du pot (www.netournonspasautourdupot.be) destiné à motiver les écoles à se lancer dans un projet sur les sanitaires et à les accompagner dans sa mise en place.

Le site propose d’ores et déjà des fiches détaillant la démarche pour le mener à bien (implication des élèves, participation active des acteurs de l’école…) et fournira des fiches d’accompagnement à télécharger tout au long de l’année, chaque fiche correspondant à une étape-clé du projet (mobilisation des élèves, état des lieux, recherche d’idées, plan d’actions, réalisation, évaluation…).

Bientôt une série d’outils et d’expériences concrètes seront mis en ligne pour soutenir et inspirer les écoles dans leur projet.

Un dépliant a également été réalisé et peut servir à la diffusion au sein des établissements. Il est disponible sur simple demande à Question Santé, rue du Viaduc 72, 1050 Bruxelles. Tél.: 02 512 41 74. Courriel: info@netournonspasautourdupot.be. Internet: www.questionsante.org.

Fondation Roi Baudouin, rue Brederode 21, 1000 Bruxelles. Tél.: 02 511 18 40 – Fax: 02 511 52 21. Courriel: info@kbs-frb.be – Internet: www.kbs-frb.be.
Découvrir le Fonds BYX: https://www.kbs-frb.be/fund.aspx?id=301156&langtype=2060
En savoir plus sur l’appel à projets: https://www.kbs-frb.be/call.aspx?id=315462&langtype=2060

Analyse socio-pédagogique de la place du corps à l’école primaire: le cas particulier des toilettes’, ULB, Faculté des Sciences Psychologiques et de l’Éducation, 2008-2009.

L’asbl Jeune Et Citoyen a pour missions principales d’éduquer à la citoyenneté les jeunes de la Fédération Wallonie-Bruxelles (principalement les élèves), d’éduquer ces jeunes à la participation dans leur milieu de vie et dans l’école en priorité, et de les soutenir dans leur développement personnel en lien avec le groupe et ses valeurs. Pour en savoir plus: www.jeuneetcitoyen.be.

‘L’école et ses “fondament’eaux. Constats et pistes pour une politique de l’eau à l’école’, une édition de la Fondation Roi Baudouin, mars 2015. Consultable en ligne.

Évaluation de ‘Se mettre à table’

Le 30 Déc 20

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Évaluation de ‘Se mettre à table’

Un outil, ça peut toujours servir…?

Entre septembre 2013 et mars 2015, 17 ateliers/formationsNote bas de page ont été menés par l’équipe de l’asbl CordesNote bas de page en collaboration avec les centres locaux de promotion de la santé en Wallonie et à Bruxelles pour expérimenter la méthode proposée dans l’outil ‘Se mettre à table’.

Avec la méthode proposée et les différents éléments qui le composent, cet outil vise à soutenir les acteurs éducatifs et de santé dans la prise de décision collective et la construction de projets pour améliorer l’alimentation à l’écoleNote bas de page. Suite à ces formations (hormis celles de 2015), l’équipe Cordes a interviewé par téléphone et/ou par mail 41 participants (soit 32%) qui ont bien voulu répondre à quelques questions pour mesurer l’utilité et la pertinence de l’outil dans son objectif de soutenir des changements dans les pratiques, dans les situations concernant l’alimentation.

Définitions des concepts et analyse des résultats

Les changements pouvant être très divers, nous avons traité les informations recueillies en les reliant à des concepts larges tels que ‘diffusion’, ‘mobilisation’, ‘appropriation’ et ‘percolation’ pour construire des idéals-types, sortes de portraits, de clichés dont se rapprochent plus ou moins les résultats obtenus. L’analyse qui suit la définition de chaque concept permet de nuancer ce cliché et de mettre en évidence les écarts par rapport à cet idéal-type. Dans le texte qui suit, nous désignerons l’atelier/formation et l’outil ‘Se mettre à table’ par ‘SMAT’.

Diffusion

La personne qui a participé à l’atelier SMAT en parle à ses collègues et présente l’outil. On peut y déceler une envie de convaincre, d’expliquer l’intérêt de la démarche présentée par SMAT à son entourage professionnel et/ou vers des personnes ciblées, identifiées comme potentiellement intéressées. La personne témoigne de son intérêt pour l’outil dans le cadre de son travail et veut en faire part à ses collègues et/ou son public.Effet indirect: parfois, un collègue reprendra l’outil à son compte…

Analyse des résultats à travers le prisme de la diffusion

L’enquête montre que plus de la moitié des participants (24/41) ont, suite à la découverte de SMAT, décidé d’en parler autour d’eux. La manière d’en parler et le public à qui on s’adresse vont donner des résultats bien différents. Parler de l’outil à son supérieur hiérarchique, sous forme de compte rendu obligatoire ou en discuter passionnément entre collègues autour d’un sandwich à midi ou encore présenter l’outil aux personnes intéressées en fonction des usages possibles… n’entraînent pas le même effet: seulement trois fois la présentation de l’outil à une/des personnes tierces a mené à une mobilisation de l’interlocuteur et d’un groupe plus large. Parler d’un outil ne le fait pas nécessairement vivre et être informé de son existence ne pousse pas nécessairement à son utilisation/sa valorisation. Bien sûr, il faudrait sonder à nouveau les personnes interrogées dans quelques mois et voir si l’outil a pu servir à quelque chose au sein de leur environnement professionnel car le facteur temps est ici très important.

Quand on s’attarde à retrouver les ingrédients d’une diffusion ‘réussie’ c’est-à-dire qui a produit une mobilisation, on remarque vite que c’est rarement le compte rendu fait en interne qui porte ses fruits. Pour que la diffusion soit efficace, cela demande de la part du participant une attitude plus proactive, qui passe souvent par un ciblage des personnes potentiellement intéressées dans son environnement.

Mobilisation

Suite à l’atelier SMAT, le participant désire mettre à profit l’outil pour améliorer la situation qu’il connaît au sein de son établissement ou soutenir des démarches émanant de son public cible. Que cela s’inscrive ou non dans une logique de projet antérieure à la formation, le participant tente d’adapter l’outil à la situation réellement vécue et désire constituer un groupe ou l’utiliser dans un groupe existant. Il s’empare de l’outil et en est le porte-parole. Le participant est proactif, il veut être performant et changer une situation connue ou vécue comme problématique. Volonté de mise en place d’une dynamique telle que proposée par l’outil SMAT. Il s’adresse à tous ceux potentiellement concernés par l’outil, essaie de convaincre, de motiver une concertation sur le mode SMAT. La mobilisation d’acteurs se fait à différents niveaux, que ce soit dans la communication entre acteurs, sur les modes de décision ou pour des changements de type structurel.

Analyse des résultats à travers le prisme de la mobilisation

À l’issue de l’atelier, le participant a trouvé l’opportunité de mettre à profit l’outil SMAT, il a dépassé le fait d’en diffuser simplement l’existence. Sur 41 réponses et situations analysées, 9 personnes ont pu être réellement proactives et mobiliser un groupe, soit existant, soit créé pour la circonstance.Certains ont marqué leur volonté de travailler sur la méthodologie, cherchant à mobiliser sur la démarche pour un changement, soucieux d’agir sur la participation. Un des participants a dit se rendre compte de la difficulté d’engager le processus et de rassembler un nombre de personnes aux fonctions différentes comme le propose la méthode. Il a donc utilisé un groupe d’élèves comme levier pour ultérieurement mobiliser d’autres acteurs et ‘se mettre autour de la table’. D’autres participants ont décidé de lancer la mobilisation sur la thématique de l’alimentation.

Comme dans la diffusion, on peut faire le lien entre la fonction de la personne mobilisatrice et les personnes ou le groupe mobilisés. Un parent a mobilisé une association de parents, un professeur de morale a mobilisé un groupe d’élèves, une coordinatrice Accueil Temps Libre (ATL) a mobilisé une association de quartier… Trois cuisiniers de cantine scolaire ont mobilisé leur direction d’école et l’association de parents.

Appropriation

Elle témoigne de la capacité d’adaptation, de détournement de l’outil en faveur des besoins réellement perçus par le participant dans son milieu de vie. Elle nécessite de faire preuve de souplesse. Le participant manie l’outil de manière aisée et fluide, voit ce qu’il peut en tirer et s’appuie sur les éléments de l’outil au service de ses objectifs. Souvent, le participant démontre une capacité à endosser le rôle de passeur de parole. Il initie la démarche, c’est lui la cheville ouvrière du processus.

Analyse des résultats à travers le prisme de l’appropriation

Font partie de ce groupe, les participants qui sont allés plus loin que la diffusion et mobilisation. Ils ont appréhendé la manière dont ils pouvaient utiliser l’outil entièrement ou partiellement, en l’adaptant ou non dans un contexte à chaque fois spécifique et en lien avec leur fonction. Le plus souvent, le participant a endossé le rôle de passeur de parole comme défini dans l’outil pour guider la démarche, être le moteur du processus.

À part un exemple où la méthodologie a été suivie de manière complète dans une école à l’initiative du responsable de la cantine, tous les autres cas d’appropriation portent sur une utilisation partielle de l’outil, essentiellement les fiches ‘situation’ particulièrement visuelles qui permettent d’amorcer une discussion autour de l’alimentation par des slogans volontairement caricaturaux, stéréotypésNote bas de page.

D’autres participants ont plutôt utilisé l’outil en le détournant, en transformant les fiches pédagogiques, en ajoutant une fiche situation, en faisant un mix avec d’autres outils pédagogiques existants comme par exemple ‘frasbee’Note bas de page. Et cela dans un groupe existant d’adultes, d’élèves, de classes… ou dans un groupe créé par le participant pour pouvoir mettre à profit la démarche.

La percolation, une sous-catégorie de l’appropriation

L’appropriation est un phénomène complexe et difficile à standardiser. Chacun s’approprie un outil selon les perspectives d’utilisation, selon ses propres usages et méthodes pédagogiques. Lors de l’enquête, nombre de personnes interrogées ont dit garder l’outil en tête et souligner la nécessité de prendre en compte la dimension temporelle: les choses ne changent pas si vite! Souvent, un délai de latence est nécessaire aux participants des ateliers pour mettre en œuvre la méthodologie prônée par l’outil ou simplement pour constituer un groupe de réflexion autour du thème de l’alimentation. La percolation est un processus d’appropriation: la personne qui ‘percole’ a besoin de temps pour s’approprier l’outil et en faire quelque chose.

Pour plus de finesse, la catégorie percolation a été subdivisée en trois sous-groupes:

  • ceux qui découvrent via l’atelier et l’outil de nouvelles valeurs et qui ont besoin de temps pour modifier leurs pratiques ;
  • ceux qui désirent adapter la méthode à leurs conditions de vie/de travail ;
  • ceux qui connaissent des problèmes structurels qui rendent difficile la mise en œuvre d’un projet tel que proposé par l’outil.

La catégorie la mieux représentée est la seconde, avec 6 ‘percolants’ sur 13. Au vu de la complexité de l’outil et de la richesse du matériel qu’il propose, il n’est pas surprenant qu’une partie des acteurs intéressés à le mettre en œuvre ait besoin de temps. Certains l’ont découvert il y a quelques mois.

L’outil étant conçu pour être flexible et s’adapter à un maximum de réalités différentes, il va de soi qu’il nécessite aussi un effort d’adaptation. Il n’est pas ‘clé sur porte’. Probablement qu’au fil des mois une bonne partie de cette catégorie va migrer dans la catégorie ‘mobilisation’, seul l’avenir nous le dira!

‘Se mettre à table’ a-t-il été utilisé?

L’analyse ci-dessus montre différents degrés d’utilisation par les participants interviewés.

Plusieurs participants n’ont pas du tout utilisé l’outil. Ils laissent le temps et l’occasion se présenter pour aborder le thème de l’alimentation ou du changement de pratiques. D’autres ont pointé la maturation nécessaire pour une démarche de participation collective aboutissant à un changement. Certains ont bien intégré le sens et l’empreinte que l’outil SMAT peut apporter pour amorcer une démarche de ce type.

Quant aux participants qui se sont approprié l’outil, ils en ont utilisé différentes parties en fonction de leur situation propre. Ce sont les fiches ‘situation’ qui sont mentionnées le plus souvent. Par exemple, la fiche «Ils ne mangent que des crasses…» a été utilisée dans un groupe de jeunes à l’occasion d’une retraite. La fiche «C’est le bordel à midi» a été utilisée par un cuisinier dans la gestion de la cantine scolaire. La fiche «Madame a dit que» a été utilisée par un coordinateur du service de prévention de la santé d’un CPAS dans un atelier d’adultes à propos des collations des enfants.Les autres ont utilisé les fiches pédagogiques impliquant les élèves et/ou les fiches ‘focus’ de l’outil pour informer et alimenter la réflexion, entre autres sur les déchets alimentaires, la collation à l’école et le potager à l’école . Certains, comme entrée en matière, ont utilisé comme support l’affiche ‘Nappe à carreaux’ que l’on dépose sur une table en vue précisément de ‘se mettre à table’ et d’entamer la démarche.

Pour quels changements et pour quel public?

On peut constater que l’utilisation de l’outil SMAT n’a pas abouti pour beaucoup à la réalisation immédiate et directe d’une action ou d’un changement. Il s’agit plutôt d’accompagner un groupe en réflexion, de faire émerger la parole de chacun, la concertation du plus grand nombre, de faire se rencontrer des acteurs au sein d’une collectivité, qui ne s’étaient jamais croisés (par exemple, cuisinier et professeurs).

La finalité, à savoir la mise en œuvre d’un changement, ne s’opérera que plus tard ou ne s’opérera peut-être pas d’ailleurs mais l’outil a amorcé une démarche participative.

Certains ont tiré de l’utilisation de l’outil non seulement une participation d’acteurs autour d’une table mais la décision de changements ou une action concrète. Exemples: dans une école provinciale, un groupe d’élèves a dégagé des propositions de révision des menus, de création de bacs de plantation d’herbes aromatiques, de plantation de champignons sur marc de café et ce avec le soutien d’un professeur et l’accord de la direction. Une maison de jeunes a utilisé l’outil en soutien de son projet.

Dans une autre école, parents, gestionnaire de la cantine, direction et personnel de la cantine, ont décidé de disposer autrement le mobilier de la cantine (la fiche «C’est le bordel à midi» avait été retenue). Ils poursuivent la réflexion sur le gaspillage à la cantine.

Quels freins et quels leviers d’un tel outil?

Un élément intrinsèque à l’outil relevé à plusieurs reprises par les participants interviewés est sa complexité, qui a contrario le rend riche et ambitieux, mais peut sans doute être considérée comme un frein à son appropriation et à son utilisation. SMAT est ressenti par certains comme un outil qui demande du temps pour se l’approprier et du temps pour entreprendre la démarche: elle exige plus d’une réunion et de réunir plusieurs acteurs concernés.

Les autres freins relevés sont plus d’ordre institutionnel, de changement structurel au sein d’une équipe, parfois aussi d’un manque de communication interne entre différentes structures. Par exemple: choix politique d’une province de gestion du Plan alimentation de manière plus cadrée que le recours à une démarche participative; changement de fonction, changement de postes au niveau des écoles, transition dans des contrats de quartier, déficit de communication entre deux échevinats concernés par la santé et l’environnement…

Au niveau des associations de parents, le frein est lié parfois à la sollicitation trop grande de «toujours les mêmes», à l’épuisement de certains, à la mobilisation nécessaire. D’autres ont mentionné le statut hiérarchique… Un témoignage: «Comme chargé de cuisine , difficile de se faire entendre et de collaborer avec les professeurs… Cela ne marche pas si l’initiative vient de moi, il faut que cela vienne des professeurs ou de la direction…».

Du côté des leviers, le soutien de la direction est souvent évoqué. Mais aussi le fait de pouvoir se mobiliser avec d’autres personnes dans la même démarche et la même vision.

Un autre levier majeur réside dans la diversité de l’outil qui propose diverses portes d’entrée pour aborder l’alimentation. Outre la chronologie des étapes de concertation, axe central de l’outil, les ‘pistes pédagogiques’ et le ‘carnet d’activités’ permettent aux acteurs scolaires qui n’ont pas l’opportunité de constituer un groupe de réflexion, de mettre en œuvre diverses activités avec un public élargi (une classe, un groupe de parents, des délégués…) et en moins de temps.

Un plus pointé par les interviewés est la valorisation des différents acteurs: même si la concertation n’est pas menée jusqu’au bout (souvent faute de temps), le fait de réunir un maximum d’acteurs scolaires autour de la table est souvent bénéfique et permet de croiser les analyses et tout simplement d’échanger des informations.

Conclusions: le temps…un levier et un frein?

De ces interviews et de ces ateliers, se dégage l’intérêt de ‘penser autrement’: nouvelles manières de penser la collectivité, l’institution scolaire et le processus d’apprentissage mis en place. Que l’on soit enseignant(e), infirmièr(e) ou parent, l’atelier permet d’échanger et de réfléchir sur ses propres pratiques, sur ce que nous mettons en place au jour le jour pour favoriser la parole de tous, le respect de chacun, pour faire émerger l’action collective, la participation et la co-construction. Mais entre le fait de poser, modifier ou affiner notre regard et agir différemment, il y a un pas qui ne sera franchi que grâce au temps… pour permettre de décanter et penser autrement.

Et puis il y a l’institution.

Le participant, retourne, après la formation, à son quotidien, dans son institution avec des collègues et supérieurs qui n’ont pas tous suivi la formation. Non, il n’est pas aisé d’introduire seul des changements. Pour cela encore, la dimension temporelle est essentielle. Du temps pour y réfléchir, pour en parler à ses collègues, du temps pour convaincre, du temps pour se réunir, du temps pour construire…

Même s’il faut du temps, cela ne veut pas dire que rien ne se passe, rien ne change ou ne bouge.Les personnes interrogées, si elles n’ont pas encore pu/su lancer de projet en lien avec l’outil, disent le garder dans un coin (de leur tête, de leur bureau…) et le ressortiront le moment venu… quand les choses auront mûri. Cela peut être suite à un changement structurel (création d’une association de parents, fusion d’écoles…) ou conjoncturel (une direction plus favorable qu’avant à ce type de projet, des élèves plus sensibilisés, des parents plus à l’écoute, le lancement d’un projet communal, provincial, d’une campagne ministérielle…).

Changer le regard sur l’alimentation, sur le processus de prise de décision, sur la place de chacun dans un collectif, sur la construction d’un projet ou d’une action pour améliorer la situation: autant de travail à faire, individuellement et ensemble, pour chacun des acteurs concernés. En promotion de la santé tout comme en éducation, il ne faut pas être pressé pour amener des changements durablesNote bas de page.

Voir à ce sujet les deux articles décrivant ces ateliers/formations: ‘Les défis de se mettre à table’, V. Vandermeersch, C.Deliens et C. Berthet, Éducation Santé n° 293, octobre 2013.

Et ‘Se mettre à table:une situation à expérimenter’, C. Deliens, C. Berthet, D. T’kint, V. Vandermeersch, Éducation Santé n° 303, septembre 2014.

Voir le site www.cordesasbl.be et les articles d’Éducation Santé déjà cités.

Neuf fiches illustrées par Quentin Van Gysel caractérisent des situations se référant à l’alimentation à l’école pour lancer les échanges et proposent au verso des questions pour faire une sorte d’état des lieux.

Voir l’article ‘Et toi, tu manges quoi? L’alimentation en débats entre ados’, de C. De Bock, Éducation Santé n° 249, octobre 2009.

À conditon que le processus continue, bien évidemment !

Stratégie éducative pour contrer les méfaits du tabagisme

Le 30 Déc 20

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Stratégie éducative pour contrer les méfaits du tabagisme

Selon l’OMS, le tabac est la première cause de morts qui pourraient être évitables dans le monde, tuant chaque année 6 millions de personnes. Toujours d’après l’OMS, plus d’un milliard de personnes de 19 pays sont désormais protégées par des lois obligeant la publication d’avertissements sanitaires sur les paquets de cigarettes (OMS, 2011).

Les avertissements attachés à des images auraient plus d’impact que ceux ne comportant que du texte notamment dans les pays où le taux d’alphabétisme est bas. Une image peut faire surgir des émotions. Je me suis questionnée à savoir si des éléments reliés à l’intelligence émotionnelle pouvaient avoir un rôle dans la lutte contre le tabagisme. J’ai donc organisé, dans un centre d’éducation des adultes où j’enseignais les sciences, une activité ‘midi-santé’ dont le thème était les méfaits du tabagisme sur la santé.

L’activité de ‘midi-santé’

Cette activité était offerte à tous les étudiants d’un centre pour adultes ainsi qu’à tous les membres du personnel intéressés par la question. Voici l’annonce de cette activité faite dans le journal de l’école:

Midi-Santé

Le 27 février de 12h15 à 12h45, à la bibliothèque, vous êtes invités à venir prendre des informations concernant les méfaits du tabagisme sur la santé. Des informations concernant les produits toxiques contenus dans la fumée de tabac seront données. C’est un rendez-vous pour les fumeurs et les non-fumeurs. De plus, si vous êtes fumeur et que vous ne désirez pas cesser de fumer, venez connaître quelques aliments susceptibles de diminuer vos risques de contracter une maladie liée au tabac. Les étudiants se destinant à œuvrer dans le secteur de la santé sont particulièrement invités puisque des informations en lien avec la santé humaine seront données. Une personne diplômée en toxicologie sera présente pour répondre à vos questionsNote bas de page.

Cette activité sera reprise le 27 mars.

Linda Binette, enseignante.

Je vais tenter de démontrer comment les principes de l’intelligence émotionnelle et les savoirs au sujet des dominances cérébrales sont intervenus dans cette démarche.

L’intelligence émotionnelle, le neuromanagement, le modèle de Herrmann et de Sperry

De très nombreuses études démontrent les méfaits du tabagisme sur la santé et l’espérance de vie; l’intelligence émotionnelle tient compte du cœur et de l’empathie (Filliozat, 1997); comment rester insensibles aux problèmes respiratoires tels l’asthme, l’emphysème, la bronchite chronique, à certains cancers ainsi que d’autres types de problèmes comme les maladies cardiovasculaires et autres. Il s’agissait de transmettre ces informations aux personnes afin que celles-ci se sentent concernées et impliquées.J’ai pris comme base le modèle de Herrmann et de Sperry (Duranleau, 2005; Wikipedia, 2014), selon lequel le cerveau gauche est logique, analytique et séquentiel et le cerveau droit serait spatial, visuel et affectif.

Il y a plusieurs compétences et capacités qui sont visées dans le cadre de la formation en ‘neuromanagement’ et qui sont liées au développement de l’intelligence émotionnelle et à la manifestation des diverses dominances cérébrales (Parent, 2013). Afin de favoriser une bonne participation, il était souhaitable d’établir des relations de collaboration surtout auprès des enseignants puisque ce sont eux les premiers intervenants auprès des étudiants.

En premier lieu, il était nécessaire d’utiliser une certaine dose de persuasion pour ensuite instaurer un climat de collaboration et favoriser ainsi le partage du ‘leadership’. Les enseignants intéressés incitaient leurs étudiants à venir et à participer. Il est indéniable que lorsqu’il est question de créer un climat de partage et de collaboration, les facettes de l’intelligence émotionnelle qui tient compte des personnes et des relations entre elles sont à prioriser (Fontaine, 2013). Aussi, les dominances cérébrales du cerveau limbique droit entrent en action.

Il s’agissait lors de la mise en jeu de la stratégie éducative de faire intervenir certains facteurs cognitifs c’est-à-dire par exemple en augmentant les connaissances quant aux méfaits de l’usage du tabac afin que ces connaissances issues d’études scientifiques puissent avoir un impact sur l’affectivité, l’émotivité.

Il était souhaitable d’amorcer des processus de changements durables dans les habitudes de vie. La connaissance au sujet des produits toxiques et souvent cancérigènes de la combustion des produits de tabac n’avait pas pour but de faire peur, de juger, de culpabiliser mais plutôt de déclencher des émotions positives afin de vouloir amorcer un changement, c’est-à-dire de cesser de fumer (pour les fumeurs) et de ne pas commencer (pour les non-fumeurs). Voici les deux tableaux qui furent présentés et qui ont servi d’assises scientifiques (Santé Canada, 2011).

Tableau 1 – Classification des substances chimiques présentant un risque de cancérogénicité pour l’humain par le Centre international de recherche sur le cancer

Catégorie

Définition

Groupe 1 La substance chimique est cancérogène pour l’homme.
Groupe 2A La substance chimique est probablement cancérogène pour l’homme.
Groupe 2B La substance chimique est peut-être cancérogène pour l’homme.
Groupe 3 La substance chimique est inclassable quant à sa cancérogénicité pour l’homme.
Groupe 4 La substance chimique n’est probablement pas cancérogène pour l’homme.

Tableau 2 – Exemples d’agents cancérogènes dans la fumée du tabac avec leur classification du Centre international de recherche sur le cancer

Classification du CIRCNote bas de page

Exemples d’agents cancérogènes dans la fumée du tabac

Groupe 1 4-(N-méthylnitrosoamino)-1-(3-pyridyl)-1-butanone (NNK)

Arsenic

Benzène

Benzo(a)pyrène

Cadmium

Chrome hexavalent

Formaldéhyde

Nickel

N’-Nitrosonornicotine (NNN)

Groupe 2A Plomb (inorganique)
Groupe 3A Acétaldéhyde

Acrylonitrile

Isoprène

Styrène

Tout était dans la façon (je dirais dans l’art) de présenter les choses de façon positive, non culpabilisante. Aussi, des éléments concernant la nutrition étaient une façon de diminuer les risques pour ceux ne voulant ou ne pouvant pas cesser de fumer dans l’immédiat (Huot, 2011). Puisque la fumée de tabac réduit la quantité de vitamine C disponible dans le sang, les fumeurs devraient consommer des fruits et des légumes riches en cette vitamine (par exemple les agrumes) de même que des antioxydants pour contrer la hausse des radicaux libres. Les petits fruits, les légumes de la famille des crucifères, les tomates, carottes, les légumineuses, le thé vert qui contiennent des antioxydants de même que les fruits riches en bêta-cryptoxanthine comme les papayes, les mandarines ou les mangues sont à prioriser (Huot, 2011).

Maintenant, voyons comment des éléments issus des notions au sujet de l’intelligence émotionnelle et des dominances cérébrales ont pu s’intégrer et être des ‘objets’ de transfert.

Lors de la présentation du projet auprès de la Direction et des autres enseignants, des arguments qui peuvent être reliés à l’intelligence émotionnelle et aux dominances cérébrales peuvent être apportés. Le discours persuasif peut être empreint d’une certaine sensibilité quant aux méfaits du tabagisme dans la population. Le mode relationnel du cerveau limbique droit est alors interpellé. Dans cette démarche, il fut aussi question de l’importance de transmettre des savoirs, des connaissances quant à ces questions reliées aux habitudes de la consommation du tabac.

L’accent a été mis sur l’importance de cet ajout de connaissances particulièrement chez les étudiants suivant les cours de sciences (on sait qu’environ 70% de ces étudiants se destinent à des métiers et/ou professions dans le secteur de la santé). Par exemple, l’étude des méfaits du tabac engendrant des maladies respiratoires consistait en des notions complémentaires au programme de biologie étudié par certains étudiants à l’éducation des adultes au secondaire. Ces données prouvées (données concernant les produits toxiques etc.), ces informations factuelles formant ce contenu cognitif faisaient appel au mode analytique du cerveau cortical gauche. En résumé, l’étape préliminaire de persuasion faisait appel à l’intelligence sociale. En fait, le cortex préfrontal développé chez l’humain ouvre aussi à la conscience des émotions des autres (Filliozat,1997).

Stratégie éducative

L’élaboration de la stratégie éducative faisait aussi appel au mode pragmatique où les dominances cérébrales du cerveau limbique gauche qui sont nécessaires lors de l’organisation d’un tel projet (séquences dans le temps, horaire, choix du matériel de transmission des connaissances etc.) entrent en jeu.

L’événement fut présenté à deux reprises (27 février et 27 mars 2013). Il ne faut pas oublier que le projet était destiné à tous, autant les membres du personnel que les étudiants de divers niveaux d’études. Ainsi, des étudiants en alphabétisation sont venus ainsi que des étudiants ayant un fort contenu en sciences à leur horaire. Les niveaux de formulation des textes destinés aux participants variaient un peu. Les quatre textes choisis étaient accessibles mais deux d’entre eux étaient plus riches en contenu scientifique. Un texte très intéressant quant aux bienfaits d’une alimentation riche en anti oxydants et écrit par la nutritionniste Isabelle Huot fut donné. Un diaporama fut préparé pour divulguer aussi le contenu d’une façon plus formelle. Un écran a servi à transmettre le contenu et trois ordinateurs étaient à la disposition des étudiants qui désiraient visionner à nouveau les dias à leur rythme. Tout cela aidait le cerveau cortical gauche à ‘digérer’ l’information. Une partie de mon rôle était de transmettre cette information, ces données et à les faire comprendre, à les expliquer de façon rationnelle.

Mais mon rôle ne se limitait pas à cela. L’aspect émotivo-relationnel était à considérer afin d’avoir une période de questions et de discussion (Morin, 2011). D’où l’importance de l’intelligence émotionnelle et de considérer les dominances cérébrales associées au cerveau limbique droit. Un élément de la stratégie éducative a particulièrement sollicité les dominances cérébrales du cerveau limbique droit. Ainsi, un panier comportant des légumes et des fruits colorés avait été apporté et une dégustation de quelques morceaux de ceux-ci a eu lieu à la fin. L’émotion ainsi créée, faisant appel aux sens visuel et gustatif, favorisait un climat convivial, relationnel.

Un autre élément faisait davantage appel à l’image, à la métaphore et à une certaine vision des méfaits du tabagisme et faisait intervenir le monde imaginatif/intuitif du cerveau cortical droit. Ainsi, j’ai à un certain moment allumé une cigarette dont la fumée de combustion était aspirée par une petite pompe. Les résidus de cette fumée se déposaient ensuite sur un papier filtre. Ce papier filtre devenu tout noir suite au dépôt des résidus de combustion fut ensuite exposé à la bibliothèque sous une cloche de verre. Il n’était pas difficile d’imaginer ensuite ce que les résidus de la combustion du tabac peuvent occasionner au niveau des voies respiratoires, des bronches et des poumons.

Bien entendu, toutes ces parties de la stratégie pédagogique (diapositives, textes à lire, discussions, dégustation, démonstration) devaient essayer de solliciter les dominances cérébrales de chacun des participants. Comme je l’ai mentionné, j’essayais que cet événement soit imprégné d’un climat respectant les principes de l’intelligence émotionnelle tels l’échange convivial, le respect, l’écoute des besoins (Golemann, 1997). Il s’agissait d’éviter le jugement et la critique chez les fumeurs et de faire preuve d’empathie. J’espérais que tout ce qui était présenté soit porteur de sens. En fait, ce qui peut faire appel à l’hémisphère gauche dans la compréhension de la question peut être transféré à l’hémisphère droit et donner ainsi un sens.

Participation et réactions

Il s’agissait de donner un sens à ce projet et le plus important était que chacun puisse y trouver quelque chose à apprendre, à découvrir, à ressentir. J’espérais que les émotions orientées vers le positif puissent amorcer un ou des changement(s) au niveau cognitif (nouveaux savoirs) et aussi au niveau des attitudes et des émotions quant à ces questions (Varela, 1996). Il est important de souligner la puissance des stéréotypes. Les préjugés et les croyances ancrés depuis longtemps sont difficiles à défaire (Teneau, 2005). Des types d’apprentissage faisant appel aux dimensions émotionnelles peuvent permettre de réapprendre et d’arriver à des attitudes différentes et même à des changements notoires. J’espérais que ce projet quoique limité ait des impacts intéressants, des retombées fructueuses dans le temps chez les participants, qu’il y ait une amorce de processus de changement à moyen et à long terme.

En fait, en plus des étudiants de ma classe, sept enseignants ont participé d’emblée à ce projet. Ils sont venus accompagnés de leurs étudiants. Trois enseignants(es) du secondaire ont participé (deux enseignants de français et un en sciences) et quatre enseignants(es) en présecondaire et en alphabétisation. Au total, avec mes étudiants d’une classe de sciences, 115 étudiants de l’école sont venus assister à un ou l’autre des ‘midis-santé’. De plus, deux personnes travaillant au secrétariat et très intéressées par le sujet ont aussi participé.

Amorce d’un processus de changement

J’espérais la mise en œuvre d’un processus de changement. La motivation est inhérente aux changement(s) des perceptions, attitudes, comportements, des décisions et des actions (Teneau, 2005). Cette motivation peut prendre source et s’appuyer lors de la sollicitation des différentes dominances cérébrales qui font intervenir autant la compréhension (cerveau analytique, cortical gauche), le mode intuitif et imaginatif du cerveau cortical droit, les émotions du cerveau limbique droit et le mode pragmatique du cerveau limbique gauche. Une nouvelle manière de faire implique une nouvelle façon de penser. Au plan cognitif, les schèmes symbolisent l’expression d’une synthèse mentale définissant une structure cognitive (Teneau, 2005). Ces schèmes expliquent par la suite certains comportements et attitudes.

Comme je l’ai déjà mentionné, j’espérais que les différentes composantes de la stratégie pédagogique puissent avoir un impact sur les diverses dimensions des dominances cérébrales. Pour mon projet, je considérais aussi important de présenter une information de qualité (textes à lire, diapositives) concernant des savoirs, connaissances à s’approprier et qui servaient de base aux interactions avec les autres dimensions (émotions, affectivité etc.). Il ne faut pas oublier que souvent une réaction émotionnelle focalise l’attention sur le stimulus déclencheur (exemple: lors de la stratégie pédagogique/éducative, il y a eu dégustation de fruits, légumes et une démonstration avec un filtre qui faisait appel aux sens) et permet ensuite l’analyse par le mental. Cette évaluation modifie en retour l’émotion initiale. Cependant, le processus peut se faire dans l’autre sens, c’est-à-dire du mental (cerveau gauche) vers les émotions (cerveau droit). Le corps calleux du cerveau permet de nombreuses interconnexions.

Étant donné que mon projet était limité dans le temps, je n’ai pas suivi sur une très longue période de temps les participants afin de constater des changements durables ou pas. Néanmoins, à titre représentatif d’une amorce de changement ayant eu lieu, voici ce qu’une enseignante en alphabétisation m’a rapporté. Ses étudiants ont acquis de nouveaux savoirs quant aux méfaits du tabagisme et aussi, ils ont appris de nouveaux mots tels que ‘crucifère’, ‘fibres’, ‘agrume’ etc. Elle s’est servie de mes deux textes plus accessibles pour les gens ayant peu de connaissances en sciences pour faire apprendre de nouveaux mots dans le cadre de son enseignement en alphabétisation.

De plus, elle m’a dit que ses étudiants ont réalisé l’importance d’une bonne alimentation riche en vitamine C et en antioxydants. Cela s’est même traduit par un changement notable dans les choix de fruits et légumes chez plusieurs d’entre eux, qui mettent désormais davantage de fruits et de légumes tels les choux, oranges, kiwis, mangues, tomates etc. dans leur panier.

Nous voyons ici encore l’importance de l’acquisition des savoirs en lien avec les aspects émotivo-relationnels et pragmatiques (Gelb, 2000; Vaudoiset, 2012).

Conclusion

Par ce projet, j’ai réalisé l’importance de l’intelligence émotionnelle et des dominances cérébrales tant dans la planification d’un projet visant à faire adopter de nouvelles habitudes de vie et favoriser des processus de changement que dans les impacts sur sa mise en œuvre et ses retombées potentielles.

Une démarche de persuasion préalable a donné lieu par la suite à un partage du leadership avec d’autres enseignants qui voulaient s’impliquer et convaincre leurs étudiants d’y participer. En me basant sur les principes de l’intelligence émotionnelle, j’ai choisi ce thème qui me tenait à cœur tout en essayant d’établir des relations harmonieuses de collaboration, d’échange et d’ouverture avec tous les participants. En fait, si l’on veut amorcer des changements positifs chez les gens et en particulier chez les fumeurs, il ne faut surtout pas que ceux-ci se sentent jugés, rejetés, incompris. Il s’agissait aussi de faire preuve d’une certaine intégrité et d’un sens éthique.

Au plan cognitif, j’ai tenu compte des structures du cerveau cortical gauche afin de présenter certains contenus avec divers niveaux de formulation afin de rejoindre le plus de gens possible. J’ai aussi intégré des activités faisant appel aux émotions et aux sens (dégustation de fruits et légumes, vue d’un filtre ayant recueilli les résidus et poussières de la fumée de combustion du tabac).

Enfin, j’ose espérer que de tels projets éducatifs basés sur l’intelligence émotionnelle et pouvant avoir lieu dans divers milieux puissent amorcer des changements si minimes soient-ils au niveau des perceptions, attitudes, actions afin qu’il y ait dans le futur moins de ravages causés par le tabagisme et la mauvaise alimentation dans la population…

Bibliographie

En fait, cette personne est moi-même qui détiens aussi un diplôme dans cette discipline.

Evaluation globale du niveau de données scientifiques basées sur les évaluations chez l’humain et les animaux.

L’Université d’été de santé publique de Besançon 2015 – Souviens-toi l’été dernier

Le 30 Déc 20

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L’Université d’été de santé publique de Besançon 2015 – Souviens-toi l’été dernier

Je suis un rendez-vous de santé publique programmé chaque année au début de l’été dans la ville française qui a vu naître Victor Hugo. Lors de ma dernière édition en 2014, j’ai réuni pendant cinq jours une centaine d’intervenants francophones et 220 participants répartis dans douze modules de formation. L’intensité et la diversité des échanges que je produis se lisent dans Le Temps de l’Université d’été, le journal papier publié sur place quotidiennement. Je suis, je suis…

Vous aurez certainement reconnu la description de l’Université d’été de santé publique de Besançon, qui depuis 2003 réunit autour d’un riche programme d’enseignement des acteurs de la santé publique et de la promotion de la santé, des élus et des usagers du système de santé.

Un rendez-vous très couru d’après les chiffres de fréquentation et les échos recueillis auprès des participants. Année après année, la formation organisée par l’Agence régionale de santé (ARS) de Franche-Comté, la Faculté de médecine et de pharmacie de Besançon et leurs partenaires s’est taillée une solide réputation dans la communauté francophone. On vient de loin pour passer la semaine à Besançon: de toutes les régions de France métropolitaine mais aussi de Guadeloupe et de Nouvelle-Calédonie, de Belgique, de Suisse, du Québec, d’Haïti, du Burkina-Faso, de Côte-d’Ivoire, etc.

Il faut dire que l’offre de formation est vaste. En 2014, elle était répartie autour de trois grands axes thématiques: politique et organisation de la santé, méthodes pour l’intervention et l’évaluation, approche par population, lieu de vie ou thématique.

L’organisation millimétrée de l’événement, orchestrée par une chargée de mission aux compétences unanimement saluées, y est aussi pour quelque chose. Les organisateurs tiennent à la diversité des profils et des institutions de rattachement des participants et décrivent ainsi leur ambition: Cette manifestation a pour but d’unir le potentiel de toutes les personnes concernées par les questions de santé publique dans le monde francophone, de favoriser la réflexion et les échanges autour d’expériences originales afin de répondre à des problématiques concrètes sur des sujets d’actualité.”

Les chargés de mission sont les plus nombreux. Ils côtoient des médecins et autres professionnels de santé, des dirigeants, des coordinateurs et des enseignants-chercheurs. Pour la plupart d’entre eux, la semaine à Besançon est une parenthèse aux allures estudiantines. On a cours le matin et l’après-midi du lundi au vendredi midi. À la pause méridienne, on fait la queue au self et on déjeune sur l’herbe ou sous la grande tente dressée pour l’occasion sur le campus de la Faculté. Le mercredi après-midi, c’est quartier libre. Certains visitent la ville ou ses alentours pendant que d’autres s’approvisionnent en fromages locaux.

Ce qui reste

Cette année encore, Besançon a lieu. Ainsi en ont décidé les organisateurs au terme d’une édition 2014 au bilan particulièrement positif. “L’évaluation conduite par questionnaires a révélé un des plus hauts niveaux de satisfaction exprimés par les participants depuis la création (8,4/10)”, peut-on lire dans le bilan de la manifestation.

Quelques mois plus tard, nous avons voulu savoir ce qu’est devenu cet enthousiame. Les effets de la formation continuent-ils de se faire sentir? Comment les participants ont-ils exploité leurs acquis? Autrement dit, que reste-t-il de Besançon et de son atmosphère une fois que la vie professionnelle a repris son cours habituel?

Quatre d’entre eux, deux femmes et deux hommes, ont accepté de replonger dans leurs souvenirs pour mesurer le chemin parcouru depuis leur passage à Besançon l’été dernier Parmi eux, il y a Alice (le prénom a été modifié à la demande de l’intéressée), chargée de projets en éducation pour la santé dans une Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM), qui mesure sa chance: “Je repense souvent aux personnes rencontrées dans mon module et à leurs diverses façons d’agir sur le terrain pour réduire les inégalités de santé”, raconte-t-elle. “Ces échanges m’ont vraiment aidée. Ils m’ont redonné confiance dans mon approche à un moment où je doutais.”

Repartir avec une valise pleine

En 2014, les participants avaient le choix entre douze modules. Élisabeth, coordinatrice d’un atelier santé ville, revenait pour la 5e fois et suivait l’an passé l’enseignement centré sur les actions probantes. “La formation est réellement de bon niveau, accessible financièrement et se déroule dans de bonnes conditions”, explique-t-elle. “J’y prends beaucoup de plaisir. Je fais des rencontres, j’élargis mon réseau. De vrais liens se tissent avec les participants et les intervenants. Ces personnes-là, je sais que je peux les interpeller si besoin. On se souvient de vous, de la manière dont vous participiez dans le module. J’ai aussi le sentiment de me maintenir à niveau intellectuellement, d’alimenter ma culture en promotion de la santé et de repartir avec une bonne valise et de la matière pour développer mon travail quotidien.”

Même constat chez Michel, bénévole investi dans une association de proches de malades psychiatriques et qui participait pour la première fois, invité par l’Agence régionale de santé de Franche-Comté: “J’ai pris énormément de notes”, confie-t-il. “Mon champ de connaissances s’est élargi et j’ai rencontré des personnes avec qui je vais pouvoir travailler dans mon association.”

Jean-Marc, la petite trentaine, remarque quant à lui que cette formation a modifié son regard sur sa propre pratique. Interne de santé publique, il avait une vue très théorique des inégalités sociales de santé (ISS) à son arrivée à Besançon. “C’est une notion présente dans les rapports, presqu’un élement de langage plus que des actions.” Aussi se réjouit-il d’avoir eu l’occasion de “baigner dans une approche de santé publique peu présente dans les politiques publiques et d’avoir eu accès à des pratiques et à du factuel plutôt qu’à des discours”.

Certes, il n’a “pas eu de déclic” et sait bien qu’il n’existe pas de solution magique pour réduire les ISS. Mais le jeune médecin se sent à présent mieux armé pour agir car plus conscient des enjeux et riche des pratiques partagées au cours de la semaine.

“Les ISS sont souvent caricaturées avec pour unique cible les populations précaires, quand c’est tout un gradient de population qu’il faudrait considérer pour être efficace. En entendant parler d’actions centrées sur l’enfance en Belgique et au Québec, je me suis aperçu que nous le faisons peu en France. Pourquoi ne pas essayer?”

Échanges à gogo

La pédagogie active chère à l’Université d’été de Besançon se traduit par toute une gamme d’invitations à l’échange: échanges d’expériences, de pratiques, d’opinions. Côté enseignement, les interventions magistrales alternent donc avec des travaux en ateliers privilégiant la présentation par les participants de leur expérience personnelle en lien avec la thématique abordée. Les intervenants se succèdent – universitaires, chercheurs, professionnels. “Dans mon module sur l’éducation thérapeutique”, raconte Michel,”il y a eu l’intervention d’un médecin lui-même atteint de la maladie de Parkinson, qui m’a beaucoup marquée. La charge émotionnelle était forte et j’ai identifié dans son discours beaucoup de points communs avec la maladie psychique. Ce sont des maladies honteuses, qui font peur aux familles.”

L’incitation au partage ne s’arrête pas aux portes des modules. Des stands de documentation tenus par des partenaires tels que l’Inpes et la Société française de santé publique (SFSP) présentent une sélection de publications en lien avec les parcours d’enseignement.

Deux fois par semaine, des controverses ont lieu à l’heure du déjeuner, histoire de mettre en débat quelques thématiques d’actualité en santé publique. “Cela permet de se faire sa propre opinion sur chacun des sujets”, apprécie Élisabeth.

Concrètement, deux invités déroulent tour à tour leur point de vue puis dialoguent avec l’assemblée, sous l’oeil avisé d’un modérateur. C’est ainsi que la française Catherine Cerisey, co-fondatrice de la société de conseil en santé Patients&Web, a donné la réplique au belge Gaëtan Absil, chercheur à l’APES (Université de Liège), dans un amphithéâtre plein à craquer. Objet du débat: la place des réseaux sociaux dans la fabrique de la démocratie en santé.

Deux jours plus tard, Agnès Bocognano, directrice déléguée santé à la Mutualité française s’opposait à Stéphane Rossini, professeur en administration publique et sciences sociales et député à l’Assemblée fédérale suisse sur la nécessité de responsabiliser l’assuré afin de mieux maîtriser les dépenses de santé.

Storytelling et autres prolongements

Et puis il y a le journal, Le Temps de l’Université d’été. “L’information au coeur de la formation”, disaient les organisateurs. La petite équipe de joyeux rédacteurs fidèles à leur mission depuis plusieurs années, publie chaque matin son A3 recto-verso, dût-elle y passer la nuit.

La gazette raconte le présent de la veille, invite au questionnement et à la réflexion sur le secteur de la promotion de la santé, dresse le portrait d’une personnalité attachante ou surprenante croisée dans les couloirs.

La rédaction a ses ‘indics’, un réseau de correspondants bénévoles issus des différents modules et agissant au vu et au su de tous. Chaque jour, tandis que leurs camarades de formation s’en vont faire la queue au self, eux dégustent leur plateau-repas dans la salle de rédaction pendant la conférence éponyme. Ils racontent une anecdote, donnent leurs impressions sur la session du matin, suggèrent des sujets, citent quelques noms. Élisabeth, qui s’est essayée à l’exercice une fois, avoue avoir aimé mais également regretté que la tâche l’empêche de déjeuner avec son groupe. Alice a quant à elle “beaucoup écouté et trouvé les échanges intéressants”.

Pour l’Université d’été de Besançon, 2014 était aussi l’année des premiers pas sur Facebook. Une expérience tentée dans l’espoir de donner une dimension nouvelle aux échanges entre participants mais aussi d’élargir la chambre d’échos de la manifestation.

Le faible nombre d’interactions sur la page laisse à penser que les participants comme les ‘extérieurs’ n’étaient pas au rendez-vous. Difficultés de connexion à Internet sur place; manque de préparation et de communication en amont; densité des échanges réels pendant la semaine qui auraient focalisé toute l’attention des participants, désintérêt voire crainte des acteurs de la promotion de la santé vis-à-vis des médias sociaux… Nombreuses sont les explications possibles, qui mériteraient d’être creusées en renouvelant l’expérience sur un temps plus long.

Pour sûr, l’Université d’été de santé publique de Besançon n’a pas fini de se couper en quatre pour susciter les échanges au sein de la communauté des intervenants francophones en promotion de la santé. À l’instar de votre mensuel préféré, soit dit en passant.

Cette année, elle a lieu du 28 juin au 3 juillet.Pour en savoir plus sur l’Université d’été de santé publique de Besançon: https://www.ars.sante.fr/Programme-2015.156653.0.html
Page Facebook 2014: https://www.facebook.com/univetebesancon

Prédiction du risque cardiovasculaire

Le 30 Déc 20

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Prédiction du risque cardiovasculaire

Quand les outils classiques ne permettent pas de trancher, le sens clinique du médecin reste essentiel

Les médecins tiennent à l’œil notre risque cardiovasculaire grâce à un outil appelé SCORE, qui leur permet de calculer, sur base notamment de la consommation de tabac, du taux de cholestérol et de la tension artérielle, notre risque de décéder dans les 10 ans d’un problème cardiovasculaire. Mais cet outil n’est pas parfait, et les chercheurs tentent de l’affiner en y ajoutant des tests pour détecter l’existence d’une athérosclérose silencieuse.

Le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) a analysé l’efficacité de six de ces tests. Même si certains d’entre eux permettent d’améliorer la ’classification’ des risques, les chercheurs du KCE n’ont pas trouvé de preuves convaincantes que leur adjonction à l’outil SCORE améliore la prise en charge effective des personnes à risque.

Par contre, on sait que quelques informations très simples à obtenir pourraient nettement améliorer le pronostic de SCORE, comme par exemple la sédentarité, le tour de taille (obésité abdominale), le statut social ou l’existence de décès cardiaques prématurés dans la famille. Le KCE recommande donc d’élaborer un nouvel outil SCORE intégrant ces indicateurs faciles à obtenir en médecine générale.

Un outil de mesure qui n’est pas parfait

Les médecins tiennent à l’œil notre risque cardiovasculaire grâce à un outil appelé SCORE (Systematic COronary Risk Evaluation) qui leur permet d’évaluer notre risque de décéder dans les 10 ans d’un problème cardiovasculaire. Cette méthode de calcul se base sur cinq paramètres : l’âge, le sexe, le tabagisme, la tension artérielle et le taux de cholestérol total dans le sang. En fonction de ces paramètres, l’algorithme SCORE classifie le risque en ‘faible’, ‘intermédiaire’ ou ‘élevé’.

Pour ceux dont le risque est faible, il n’y a rien de particulier à faire ; pour ceux dont le risque est élevé, il faut souvent – outre l’adoption d’un style de vie plus sain – envisager un traitement médicamenteux, pour faire baisser le cholestérol par exemple. Mais pour les individus dont les risques sont jugés intermédiaires, la prise en charge n’est pas toujours très claire. De plus, les prédictions ne sont pas toujours exactes. Certains individus classés à faible risque décèdent malgré tout prématurément d’une maladie cardiovasculaire ; d’autres sont erronément jugés à haut risque et doivent prendre des traitements qui sont très probablement superflus.

Des indicateurs supplémentaires pour mesurer l’athérosclérose

Les chercheurs tentent dès lors d’ajouter à SCORE des indicateurs supplémentaires qui permettraient de cerner le risque de façon plus précise. Le KCE a analysé dans la littérature scientifique la valeur prédictive ajoutée de six marqueurs de l’athérosclérose (perte d’élasticité des artères) asymptomatique. Il s’agit de la dilatation flux-dépendante (DFD) de l’artère brachiale, la mesure de la vitesse de l’onde de pouls carotido-fémorale (VOPcf), l’index de pression systolique bras-cheville (IPSC), l’épaississement intima-média des artères carotides (EIMC), la présence de plaques carotidiennes (PC) et du score de calcium coronarien (SCC). C’est ce dernier indicateur qui permet la meilleure reclassification du risque (entre 22 et 56% des individus classifiés à risque intermédiaire selon SCORE sont re-classifiés dans une catégorie plus appropriée).

Toutefois, un indicateur comme le score de calcium requiert un examen par scanner, qui comporte une irradiation. Il faut donc être certain qu’il apporte un bénéfice clinique au patient avant de recommander son usage en routine. Malheureusement, il n’existe aucune étude prouvant formellement que cet indicateur – ou l’un des cinq autres – améliore la prise en charge de manière cliniquement significative quand on l’ajoute à l’algorithme SCORE. Il est donc prématuré de recommander leur utilisation.

Retour au bon sens clinique

Lorsque l’outil SCORE signale un risque cardiovasculaire intermédiaire chez un individu, c’est donc le sens clinique du praticien qui reste l’élément central de l’appréciation du risque réel et de la gestion à privilégier. Le KCE souligne toutefois qu’un certain nombre d’autres facteurs de risque cardiovasculaires bien connus sont faciles à évaluer en consultation de médecine générale. Ainsi, une évaluation de l’obésité abdominale, du statut social, des antécédents familiaux ou de la sédentarité, permettent déjà d’affiner l’évaluation du risque cardiovasculaire établi par SCORE. Par exemple, une histoire parentale de maladie cardiovasculaire prématurée double le risque cardiovasculaire obtenu par SCORE.

Le KCE recommande donc aux sociétés cardiologiques européennes d’élaborer une nouvelle grille SCORE intégrant ces indicateurs très simples et sans risques.

À l’occasion de la publication de ce rapport, le KCE met également en ligne une page Focus reprenant toutes les études du KCE relatives à des problèmes cardiovasculaires, que ce soit sur le plan de la prévention, du diagnostic, du traitement ou de l’organisation des soins.

La toilette, naissance de l’intime

Le 30 Déc 20

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La toilette, naissance de l’intime

D’après le communiqué de presse de l’exposition

Après avoir célébré les quatre-vingts ans de son ouverture au public à travers les deux expositions temporaires ‘Les Impressionnistes en privé’ et ‘Impression, soleil levant’, le musée Marmottan Monet à Paris présente jusqu’au 5 juillet 2015 la première exposition jamais dédiée au thème de La Toilette et à La Naissance de l’Intime. L’exposition réunit des oeuvres d’artistes majeurs du quinzième siècle à aujourd’hui, concernant les rites de la propreté, leurs espaces et leurs gestuelles.

C’est la première fois qu’un tel sujet, unique et incontournable, est présenté sous forme d’exposition. Dans ces oeuvres qui reflètent des pratiques quotidiennes qu’on pourrait croire banales, le public découvrira des plaisirs et des surprises d’une profondeur peu attendue.

Des musées prestigieux et des collections internationales se sont associés à cette entreprise et ont consenti des prêts majeurs, parmi lesquels des suites de peintures qui n’avaient jamais été montrées depuis leur création.

Une centaine de tableaux, des sculptures, des estampes, des photographies et des images animées (les fameuses ‘chronophotographies’ d’Eadweard Muybridge) permettent de proposer un parcours passionnant en onze étapes, du ‘bain amoureux de la Renaissance’ au triomphe du business cosmétique en passant par la toilette sèche du XVIIe siècleNote bas de page et la clôture de l’espace des soins du corps après 1800.

L’exposition s’ouvre sur un ensemble exceptionnel de gravures de Dürer, de Primatice, de peintures de l’École de Fontainebleau, l’exceptionnelle Femme à la puce de Georges de La Tour, un ensemble unique de François Boucher, montrant l’invention de gestes et de lieux spécifiques de toilette dans l’Europe de l’Ancien Régime.

Dans la deuxième partie, le visiteur découvrira qu’avec le XIXe siècle s’affirme un renouvellement en profondeur des outils et des modes de la propreté. L’apparition du cabinet de toilette, celle d’un usage plus diversifié et abondant de l’eau inspirent à Manet, à Berthe Morisot, à Degas, à Toulouse-Lautrec et encore à d’autres artistes, et non des moindres, des scènes inédites de femmesNote bas de page se débarbouillant dans un tub ou une cuve de fortune.

Les gestuelles sont bouleversées, l’espace est définitivement clos et livré à une totale intimité, une forme d’entretien entre soi et soi se lit dans ces oeuvres, d’où se dégage une profonde impression d’intimité et de modernité.

La dernière partie de l’exposition livre au visiteur l’image à la fois familière et déconcertante de salles de bains modernes et ‘fonctionnelles’ qui sont aussi, avec Pierre Bonnard, des espaces où il est permis, à l’écart du regard des autres et du bruit de la ville, de s’abandonner et de rêver.

Une superbe exposition, dont le catalogue bilingue français-anglais complète avantageusement ‘Indiscrétion’, le beau livre que Pascal Bonafoux a consacré au même sujet en 2012 (paru au Seuil).

Musée Marmottan Monet, 2 rue Louis-Boilly, 75016 Paris. Ouvert du mardi au dimanche de 10 à 18 h, nocturne le jeudi jusqu’à 21 h. Internet: www.marmottan.fr.
Catalogue de l’exposition coédité par le Musée Marmottan Monet et les éditions Hazan, par Georges Vigarello, et Nadeije Laneyrie-Dagen, commissaires de l’exposition, 224 pages, 29 euros.

Illustration : Salomon de Bray, Jeune femme se coiffant, vers 1635, huile sur panneau sur bois (54 x 46 cm). Paris, musée du Louvre, département des peintures, don de la Société des Amis du Louvre, 1995. © RMN-Grand Palais (musée du Louvre)/Gérard Blot

Au XVIIe siècle, le bain disparaît des pratiques et des représentations. Le geste quotidien de propreté se passe de l’eau, qui est rare, de mauvaise qualité, et dont on pense qu’elle peut faciliter désordres et contagions. Jean-Baptiste de la Salle le confirme encore, au tout début du siècle suivant: «Il est de la propreté de se nettoyer tous les matins le visage avec un linge blanc pour le décrasser. Il est moins bien de se laver avec de l’eau car cela rend le visage susceptible de froid en hiver et de hâle en été.» (extrait du dossier de presse de l’exposition)

L’exposition propose quasi exclusivement des oeuvres mettant en scène des femmes… (ndlr).

Bancs solaires, machines à cancer

Le 30 Déc 20

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Bancs solaires, machines à cancer

Nouvelle campagne ‘Turbo Cancer 3000’ de la Fondation Contre le Cancer

Beaucoup de personnes ont recours au banc solaire avant l’arrivée du printemps et de l’été. De plus, les Belges sont des champions en matière d’usage des bancs solaires (source: Euromelanoma). Le public sous-estime les risques liés à leur utilisation ou ne les connaît tout simplement pas. Et beaucoup de centres de bronzage s’appuient encore sur des publicités trompeuses et exposent les consommateurs sans méfiance à des comportements à risque.

Le nombre de cancers de la peau poursuit sa spectaculaire augmentation. La Fondation Registre du Cancer le prouve à nouveau au travers des chiffres 2012 qu’elle vient de publierNote bas de page. Ce contexte a motivé la Fondation contre le Cancer à revenir sur cette problématique à la veille des beaux jours.

Les mythes du banc solaire

De nombreux mythes sont liés aux bancs solaires. Le secteur en propage lui-même certains dans ses tentatives de séduire les consommateurs. Les effets cancérigènes de ces appareils sont pourtant incontestables. L’OMS les classe dans la même catégorie que le tabac ou l’amiante, celle des cancérigènes avérés.

Voici trois mythes largement diffusés.

  • La première de ces informations inexactes est qu’un usage ‘modéré’ n’est pas nocif. C’est faux. Aucun seuil de sûreté n’existe quant à l’usage des bancs solaires. Chaque séance augmente le risque de cancer de la peau.
  • Un second mythe assez populaire est que le banc solaire est bon pour la santé, car il permet au corps de produire de la vitamine D. Mais le spectre lumineux des UV émis par les bancs solaires cause des dégâts irréparables à l’ADN. Il est donc impossible de produire de la vitamine D sous une lampe solaire sans que la peau ne subisse de dégâts. Une carence en vitamine D peut de toute manière être compensée par voie orale (alimentation enrichie en vitamine D, compléments alimentaires sur prescription médicale). Le banc solaire n’est donc pas une source appropriée de vitamine D, du moins pour la population générale.
  • Un troisième argument fallacieux est celui du ‘pré-bronzage’: le banc solaire serait une bonne manière de préparer la peau à l’été. Ici aussi, c’est totalement faux. Une peau bronzée ne donne au mieux qu’une protection largement insuffisante.

Les bancs solaires sont des machines à cancer

De grands organismes de santé publique considèrent la nature cancérigène des bancs solaires comme un fait avéré. Ils sont d’accord sur de nombreux points, notamment sur le fait qu’utiliser des bancs solaires avant 35 ans augmente le risque de cancer de la peau de 75%, et que ce risque augmente à chaque usage.

Même si les centres de bronzage suivaient la réglementation belge à la lettre – et c’est loin d’être le cas si l’on en croit le résultat des contrôles effectués par le SPF Économie – cela ne signifierait pas pour autant que les bancs solaires sont sûrs. Il n’existe pas d’usage sans danger.

Dans le cadre de sa politique générale de prévention UV, la Fondation contre le Cancer cherche à sensibiliser les Belges vis-à-vis des effets cancérigènes des bancs solaires. Mais nous voulons aller plus loin, à commencer par un enregistrement obligatoire de chaque banc solaire. C’est une étape intermédiaire avant l’interdiction pure et simple des centres de bronzage, comme c’est le cas en Australie depuis cette année.

Internet : www.fondationcontrelecancer.be – Cancerinfo : 0800 15 801 – Tabacstop : 0800 111 00 – www.tabacstop.be – Facebook : www.facebook.com/fondationcontrelecancer – Twitter: @fcontrelecancer

Le nombre de nouveaux cas de cancer de la peau augmente chaque année de 13% dans notre pays (6,6% pour les mélanomes). En 2012, on a enregistré 2511 nouveaux diagnostics de mélanome malin (la forme la plus agressive de cancer de la peau), et 27 489 non-mélanomes (les plus fréquents et les moins mortels).

Au total, il y a donc eu 30 000 nouveaux cas de cancers de la peau, tous types confondus. Cela a un impact économique important et exerce une pression certaine sur les prestataires de soin, sans parler de la mortalité non négligeable qui s’élève à environ 400 décès par an.

Les compétences émotionnelles et la santé

Le 30 Déc 20

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Les compétences émotionnelles et la santé

Un facteur à prendre en compte pour la prévention

Que sont les compétences émotionnelles (CE) ?

Les compétences émotionnelles (ou intelligence émotionnelle) renvoient à la manière dont nous identifions, exprimons, comprenons, régulons et utilisons nos émotions ainsi que celles des autres.

Nous éprouvons tous des sentiments, des émotions, agréables ou désagréables, et la façon dont nous y faisons face est fort différente d’une personne à l’autre, selon son caractère, son tempérament, son éducation… Depuis les années 90, le concept de compétence émotionnelle (ou d’intelligence émotionnelle) a été développé pour en rendre compte. Les compétences émotionnelles recouvrent diverses dimensions (voir Tableau 1) relatives à la façon dont nous traitons nos émotions et celles des autres. Des questionnaires validés permettent de les ‘mesurer’.

Tableau 1 : Dimensions des compétences émotionnelles

Dimensions Soi Autrui
Identification Identifier (reconnaître) mes émotions Identifier (reconnaître) les émotions d’autrui
Compréhension Comprendre mes émotions Comprendre les émotions d’autrui
Utilisation Utiliser mes émotions Utiliser les émotions d’autrui
Expression Exprimer mes émotions Être à l’écoute des émotions d’autrui
Régulation Réguler mes émotions Réguler les émotions d’autrui
Score des CE intrapersonnelles Score des CE interpersonnelles Score des CE globales
Score des CE globales

Source: Petrides & Furnham, 2003

Dimensions des compétences émotionnelles : quelques exemples de la vie quotidienne

Identification des émotions. Lorsqu’elle se sent mal, une personne qui a de bonnes compétences émotionnelles arrive à identifier s’il s’agit d’agacement, de tristesse, de frustration, de stress. Une personne qui a des difficultés en matière d’identification des émotions sait si elle se sent bien ou mal (et à quel point), mais a des difficultés à identifier quelle émotion elle ressent précisément.

Compréhension des émotions. Une personne qui comprend bien ses émotions est capable de faire la différence entre le déclencheur d’une émotion et sa cause. Je rentre du travail et je me mets à préparer le repas du soir. Mon conjoint me fait une remarque sur ma manière de faire. Cela me met vraiment en colère. Clairement, la remarque est le déclencheur. Mais est-ce la cause de mon émotion ? Il se peut que la cause profonde soit que je suis simplement au bout du rouleau et qu’un rien me met de mauvaise humeur. Ou bien que je ne me sens pas reconnu(e) à mon travail et à la maison et que cette remarque me touche parce qu’elle est le reflet d’un malaise plus profond. Une personne qui comprend bien ses émotions sait faire la différence entre le déclencheur et la cause. Une personne qui ne comprend pas bien ses émotions en restera toujours au déclencheur.

Utilisation des émotions. Reprenons l’exemple ci-dessus. Si j’utilise bien mes émotions, je vais essayer de comprendre ce que cette émotion me dit : peut-être suis-je à bout et ai-je besoin de prendre des vacances ? Peut-être que je souffre d’un manque de reconnaissance et que je dois en parler à mon conjoint ? La personne qui utilise bien ses émotions va essayer de voir quels changements elle doit apporter à sa vie (ex. prendre des vacances). La personne qui n’utilise pas ses émotions ne se demande pas ce que ses émotions veulent dire et elle perd une occasion de modifier des choses importantes dans sa vie.

Expression des émotions. Une personne qui exprime bien ses émotions est capable d’expliquer calmement à son conjoint (par exemple), au moment opportun, pourquoi cette situation la met en colère et ce que l’autre peut faire pour l’apaiser. Une personne qui n’est pas compétente dans l’expression des émotions choisira mal son moment, s’exprimera en criant ou au contraire râlera ou boudera sans rien dire.

Régulation des émotions. Une personne qui gère bien ses émotions est capable de ne pas perdre ses moyens en situation de stress, de colère ou de jalousie. Elle est capable de continuer ses activités en cours sans se laisser submerger par l’émotion. Une personne qui gère mal ses émotions aura beaucoup de difficultés à poursuivre la tâche en cours en situation de stress, aura beaucoup de mal de se retenir de crier, d’insulter, voire de frapper en situation de colère, aura beaucoup de mal à se retenir de ‘piquer une crise’ en situation de jalousie.

Existe-t-il un lien entre les compétences émotionnelles et la santé ?

Certains éléments dans la littérature indiquent que les compétences émotionnelles influent également sur la santé. Toutefois, ce lien n’a jamais été étudié de manière complète et rigoureuse.

En revanche, il existe des recherches qui démontrent en suffisance la relation entre les compétences émotionnelles et les domaines psychologique, social et du travail :

  • au niveau psychologique, des compétences émotionnelles élevées entraînent un plus grand bien-être et moins de troubles psychiques;
  • au niveau social, des compétences émotionnelles élevées entraînent une plus grande satisfaction dans le cadre des relations sociales et conjugales;
  • au niveau du travail, des compétences émotionnelles élevées entraînent de meilleures performances professionnelles.

L’influence des compétences émotionnelles sur la santé n’a jamais été étudiée de manière approfondie. Certes, des études ont déjà été consacrées à l’influence des compétences émotionnelles sur la santé subjective, mais les indicateurs objectifs de santé (approchés par l’utilisation des soins de santé) ont fait l’objet de recherches insuffisantes.

C’est pourquoi, la MC, l’UCL et la KU Leuven ont décidé de s’unir pour analyser le lien entre les compétences émotionnelles et la santé par le biais d’une étude scientifique réalisée auprès des membres des Mutualités chrétiennes.

Méthodologie

La recherche comportait une enquête écrite auprès de 1.310 répondants et une enquête en ligne auprès de 9.616 répondants.

Chaque étude comportait deux phases :

  • une enquête via un questionnaire validé afin de réunir des informations sur les compétences émotionnelles des gens. De plus, un certain nombre de questions complémentaires ont été posées, permettant de se faire une meilleure idée des caractéristiques socio-économiques des répondants (niveau d’études, situation familiale, réseau social…), de leur indice de masse corporelle, de leur style de vie (tabagisme, alimentation, pratique sportive…), de leur recours à certains médicaments ou traitements ou services non remboursés par l’assurance maladie obligatoire (par exemples médecines alternatives);
  • l’enrichissement des informations récoltées grâce au questionnaire avec les données provenant des bases de données de la MC afin d’établir un lien entre les compétences émotionnelles (questionnaire) et l’utilisation des soins de santé (bases de données de la MC).

La deuxième étude a été réalisée afin de vérifier si les résultats de la première étude étaient reproductibles sur un échantillon plus important.

Résultats

Les compétences émotionnelles sont liées de manière significative à la santé

La première question de recherche de l’étude consistait à vérifier si les compétences émotionnelles constituaient un facteur déterminant de la santé. Pour répondre à cette question, des corrélations ont été établies entre les compétences émotionnelles et les différentes formes d’utilisation des soins de santé (utilisation des médicaments, nombre de consultations chez un médecin, nombre d’hospitalisations…).

Ces corrélations étaient significatives et démontrent que les compétences émotionnelles constituent un facteur déterminant de la santé. Des compétences émotionnelles plus élevées sont associées à une consommation réduite de médicaments, une baisse du nombre de consultations chez les médecins et les spécialistes et un nombre inférieur de jours d’hospitalisation. Cette constatation est une première mondiale !

Pour les autres caractéristiques des personnes interrogées, des corrélations ont été établies avec l’utilisation des soins de santé. L’âge, le sexe, le niveau de formation, l’indice de masse corporelle (IMC), les émotions positives et négatives, le soutien social, les habitudes alimentaires et les habitudes en matière d’activité physique ont également montré un lien significatif avec la consommation de médicaments et l’utilisation des soins de santé. La corrélation entre ces variables et la santé avait déjà été démontrée dans d’autres études.

Les compétences émotionnelles et l’âge sont les deux principaux facteurs prédictifs de la santé

Les résultats de l’étude montrent que de nombreux facteurs exercent une influence sur l’utilisation des soins de santé. En outre, bon nombre de ces facteurs sont corrélés entre eux.

La seconde question de recherche de l’étude consistait à définir les principaux facteurs prédictifs de chaque utilisation de soins de santé. Une analyse statistique a été effectuée à cet effet (analyse de régression pas à pas).

Le résultat de cette analyse est représenté sous la forme d’un tableau (voir ci-dessous) qui énumère les variables prédictives pour chaque utilisation de soins de santé, par ordre d’importance. La variable mentionnée en premier lieu représente le principal facteur prédictif de cette utilisation de soins de santé. Les variables suivantes ajoutent chacune une valeur prédictive supplémentaire.

Les variables suivantes ont été prises en compte dans le modèle : compétences émotionnelles, âge, sexe, formation, IMC, soutien social, habitudes alimentaires (alimentation), activité physique, consommation d’alcool et tabagisme.

Tableau 2 : Facteurs prédictifs (par ordre d’importance) de l’utilisation des soins de santé (étude 1)

Fréquence d’utilisation des services de santé non remboursés Âge Activité physique Sexe CE
Fréquence d’utilisation des médicaments non remboursés Sexe CE Âge Soutien social Activité physique
Utilisation de médicaments non remboursés en dose journalière moyenne Âge CE IMC Activité physique Formation Sexe Soutien social
Dépenses en médicaments remboursés CE Âge
Nombre de consultations chez le médecin (généraliste et spécialiste) Âge Sexe IMC CE Soutien social Formation
Dépenses en consultations chez le médecin (généraliste et spécialiste) Âge Sexe CE IMC Formation Soutien social
Nombre de consultations chez le psychiatre CE Formation Sexe
Dépenses en consultations chez le psychiatre CE Formation Alimentation
Nombre de jours d’hospitalisation (tous types) CE Âge Activité physique Sexe
Dépenses hospitalisations (tous types) Âge Activité physique CE
Nombre de jours en hôpital général CE IMC Alcool et tabac Activité physique
Dépenses hôpital général Âge Activité physique CE
Nombre de jours d’hôpital psychiatrique CE Alcool et tabac
Dépenses hôpital psychiatrique Soutien social

L’étude 1 démontre que les compétences émotionnelles et l’âge constituent les deux principaux facteurs prédictifs de l’utilisation des soins de santé. Ces deux facteurs apparaissent six fois à la première place, ce qui signifie qu’ils constituent les principaux facteurs prédictifs pour cette utilisation des soins de santé.

Les compétences émotionnelles apparaissent le plus souvent dans le tableau (13 fois), suivies par l’âge (9 fois), le sexe et l’activité physique (7 fois chacun), la formation et le soutien social (5 fois chacun).

Dans l’étude 2, il a été vérifié si l’utilisation des soins de santé était définie essentiellement par les compétences émotionnelles intrapersonnelles (relatives à ses propres émotions) ou plutôt par les compétences émotionnelles interpersonnelles (relatives aux émotions des autres).

Les résultats montrent que les compétences émotionnelles intrapersonnelles (CE intra) présentent la valeur prédictive la plus élevée en ce qui concerne l’utilisation des soins de santé.

De tous les facteurs corrélés avec la santé, les compétences émotionnelles (surtout intrapersonnelles) et l’âge présentent donc les valeurs prédictives les plus élevées.

Des compétences émotionnelles élevées réduisent l’effet des facteurs de risque connus sur la santé

La troisième question de l’étude visait à vérifier si les compétences émotionnelles pouvaient réduire l’impact négatif de certains facteurs de risque sur la santé. À cet effet, l’utilisation moyenne des soins de santé a été calculée par sous-groupe.

L’échantillon a chaque fois été subdivisé en deux sous-groupes : les personnes présentant des compétences émotionnelles élevées et faibles (supérieures ou inférieures au score moyen de CE10). Chaque sous-groupe a fait l’objet d’une subdivision supplémentaire : les personnes présentant un certain risque pour la santé (p. ex.: personne âgée) par rapport aux personnes qui ne présentaient pas ce risque (p. ex.: personne jeune).

Les personnes présentant un certain facteur de risque pour la santé (personnes âgées, IMC élevé, niveau de formation faible, sédentarité) et des compétences émotionnelles faibles ont davantage recours aux soins de santé que les personnes qui présentent le même facteur de risque mais des compétences émotionnelles élevées. Elles consomment plus de médicaments, consultent plus souvent le médecin généraliste ou spécialiste et sont plus souvent hospitalisées. Des compétences émotionnelles élevées peuvent donc réduire l’impact négatif d’un facteur de risque donné.

Figure 1: L’interaction entre l’IMC et les compétences émotionnelles en ce qui concerne les contacts avec un médecin (généraliste et spécialiste)ImageÀ titre d’exemple, la figure 1 montre que les personnes présentant un IMC élevé ont plus de contacts (consultations et/ou visites) avec un médecin que les personnes présentant un IMC faible. Mais les compétences émotionnelles jouent également un rôle majeur : plus elles sont élevées, moins les patients ont de contacts avec le médecin.

Des compétences émotionnelles élevées réduisent la fréquence de contacts pour les personnes présentant un IMC élevé. Sur une base annuelle, une personne présentant un IMC élevé et des compétences émotionnelles faibles a 1,3 contact de plus (soit 15 contacts de plus sur une période de 12 ans) avec un médecin qu’une personne présentant également un IMC élevé mais avec des compétences émotionnelles élevées. Pour les personnes présentant un IMC faible, la différence entre les compétences émotionnelles élevées et faibles s’élève à 0,8 contact (en base annuelle).

Offre des Mutualités chrétiennes en matière de compétences émotionnelles

Certaines recherches ont montré que les compétences émotionnelles pouvaient s’acquérir et s’améliorer. Il s’agit donc d’un facteur sur lequel on peut agir en vue d’influencer la santé. Depuis déjà quelques années, l’action préventive de la MC s’articule notamment autour de trois thèmes : l’alimentation, l’activité physique et le bien-être/la santé mentale.

L’étude montre clairement que la santé est influencée par différents facteurs et que l’action préventive doit donc également s’organiser à plusieurs niveaux. Si nous voulons améliorer notre santé, il est important d’agir sur le plus grand nombre possible de domaines.

Les nouvelles connaissances en matière de compétences émotionnelles ne remplaceront pas les recommandations précédentes en matière d’alimentation saine et d’activité physique suffisante. Au contraire, il s’agit d’un facteur complémentaire à prendre en compte à l’avenir, en plus des facteurs déjà connus.

Infor Santé, le service promotion de la santé de la MC, a investi la thématique de la santé mentale avec comme premier axe de travail le stress. Les enquêtes de terrain auprès des professionnels du réseau interne et externe de la MC ont permis de dégager des pistes concrètes de travail.

La première d’entre elles est relative à l’accès à l’information sur la santé mentale, par la réalisation de deux brochures d’information et de sensibilisation sur le stress («Balancez votre stress !») et sur les différents types de thérapeutes et de thérapies («Et psy j’allais consulter ? Des conseils pour bien choisir»). Plus d’infos: www.mc.be/inforsante.

Parallèlement, les mutualités régionales ont organisé des initiatives de terrain comme des ateliers d’initiation à différentes techniques corporelles (yoga, taïchi, sophrologie, auto-massage, méditation…); des modules sur l’estime de soi, la gestion du stress…; des cycles de conférence sur le stress, les émotions, le lâcher-prise, le bonheur, le sommeil, etc.

La seconde piste de travail consiste à favoriser le développement des ressources individuelles en termes de connaissance de soi, de ses besoins et de ses émotions; l’objectif global étant de rendre les gens acteurs de leur bien-être.

Certaines régions ont aussi organisé des ateliers en plusieurs séances autour des compétences émotionnelles. Ces ateliers consistaient, entre autres, à comprendre le processus émotionnel (comment ça marche ? à quoi ça sert ?), à identifier les sensations liées aux émotions, à expérimenter des techniques pour apprendre à mieux vivre avec ses émotions…

Je ne suis pas un super héros… Et alors ?

C’est l’une des petites phrases qui soutiennent la nouvelle campagne de prévention autour du bien-être de la Mutualité chrétienne (MC). Une campagne articulée autour du site web www.jepenseaussiàmoi.be qui vise à maintenir ou retrouver un bon équilibre mental et prévenir le stress excessif, source de burn-out ou de dépression, des problèmes de santé aigus dont les répercussions sont importantes pour les personnes et l’ensemble de la société.

En 2013, un peu plus de 10% de la population belge a consommé des antidépresseurs. De son côté, l’Inami rapporte en 2013 qu’«entre un tiers et la moitié des nouvelles demandes d’indemnités d’invalidité sont imputables à des troubles mentaux». Chez les jeunes adultes, cette proportion atteint les 70%. En 10 ans, une hausse de près de 58% du nombre d’invalides pour troubles mentaux a été observée.

Par ailleurs, un rapport commandé par l’Union européenne estime l’ensemble des coûts liés à la mauvaise santé mentale dans l’Union à environ 620 milliards d’euros par anNote bas de page.

«On le voit, c’est un enjeu important. C’est aussi un enjeu difficile car trop souvent entouré de tabous et de non-dits. Pour y faire face, la prévention est notre meilleure alliée» explique Jean Hermesse, Secrétaire général de la MC.

Infor Santé, le service de promotion de la santé de la MC, a lancé sa nouvelle campagne ‘Je pense aussi à moi’ à l’occasion de la journée internationale du bonheur du 20 mars dernier. Elle souligne l’importance de prendre du temps pour soi pour prévenir un stress excessif pouvant déboucher sur des problèmes de santé plus graves. Le site www.jepenseaussiàmoi.be présente des articles d’experts sur les émotions, les besoins, l’estime de soi, le sommeil… Il met également à disposition du grand public des témoignages, des solutions adaptées et des adresses utiles.

Outre ces ressources en ligne, ‘Je pense aussi à moi’ propose un cycle de conférences sur le bien-être au quotidien, données par Ilios KotsouNote bas de page en Wallonie et à Bruxelles. Par ailleurs, des ateliers, cours ou conférences sont organisés par la MC tout au long de l’année.

Remboursement des soins ‘psy’

Cette campagne est le fruit d’une large enquête de terrain menée par Infor Santé auprès d’une trentaine de structures impliquées dans la santé mentale en Fédération Wallonie-Bruxelles (centres de santé mentale, services sociaux, CPAS, ONE…).

Les organismes interrogés pointent notamment du doigt les listes d’attentes chez les spécialistes et le manque de remboursements. La MC revendique d’ailleurs depuis longtemps une amélioration de l’accès, de même que le remboursement des suivis psychologiques chez un psychologue ou un psychothérapeute.

«La MC propose déjà des interventions dans les frais de santé mentale de ses membres. Et au fédéral, les choses semblent sur le point de bouger», explique Jean Hermesse. En effet, l’accord de gouvernement prévoit la mise à l’étude d’un système de remboursement des soins de santé mentale.

Plus d’informations: www.jepenseaussiàmoi.bewww.facebook.com/jepenseaussiamoihttps://twitter.com/inforsante

Bibliographie

  • Brasseur S, Grégoire J, Bourdu R & Mikolajczak M. 2013. The Profile of Emotional Competence (PEC): Development and Validation of a Self-Reported Measure that Fits Dimensions of Emotional Competence Theory. PLoS ONE 8(5), e62635. doi: 10.1371/journal.pone.0062635
  • Kotsou, L., Nelis, D., Gregoire, J., & Mikolajczak, M. (2011). Emotional plasticity: conditions and effects of improving emotional competence in adulthood. Journal of Applied Psychology, 96(4), 827-839.
  • Mikolajczak M, Quoidbach J, Kotsou I & Nelis D. 2009. Les compétences émotionnelles. Paris: Dunod
  • Mikolajczak M, Desseiller M. 2013. Vivre mieux avec ses émotions. Paris: Odile Jacob.
  • Nelis, D., Kotsou, I., Quoidbach, J., Hansenne, M., Weytens, F., Dupuis, P., et al. (2011). Increasing Emotional Competence Improves Psychological and Physical Well-Being, Social Relationships, and Employability. Emotion, 11(2), 354-366.
  • Petrides KV, Furnham A. 2003. Trait emotional intelligence: behavioural validation in two studies of emotion recognition and reactivity to mood induction. European Journal of Personality: 17, 39-57.
  • Petrides KV, Sangareau Y, Furnham A & Frederickson N. 2006. Trait Emotional Intelligence and Children’s Peer Relations at School. Social Development: 15, 537-547.

Cette étude conjointe des Mutualités chrétiennes, de l’UCL et de la KUL a fait l’objet d’une présentation détaillée dans MC-Informations n° 258, décembre 2014, pages 34 à 47.

Ilios Kotsou est chercheur à l’ULB en psychologie des émotions, spécialiste de l’intelligence émotionnelle, du bonheur et de la pleine conscience. Il a écrit et co-écrit plusieurs ouvrages dont Eloge de la lucidité, L’intelligence émotionnelle ou encore Petit cahier d’exercices de pleine conscience.

Deuxième agora Réseau bruxellois de documentation en promotion de la santé

Le 30 Déc 20

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Deux ans après la première édition en mai 2013Note bas de page, voici la 2e Agora RBD Santé, le salon de la documentation organisé par le Réseau bruxellois de documentation en promotion de la santé.

L’objectif de cette journée est de faire connaître le réseau aux professionnels et de leur proposer ses multiples ressources. En effet, les 21 centres de documentation qui en font partie offrent différents supports tels que livres, périodiques, dossiers documentaires, mais aussi de nombreux outils pédagogiques sur des thématiques variées (promotion de la santé, assuétudes, sexualité, santé mentale, handicap…). Le thème du jour est ‘Des outils, des jeux… pour sa santé’.

Programme de la journée

Dès 9 h, accueil et ouverture des stands. Visite des stands possible tout au long de la journée et participation possible à une tombola !

De 10h00 à 11h00, atelier 1 au choix parmi
Et si la promotion de la santé était un voyage présenté par le Centre bruxellois de promotion de la santé (CBPS)
Manifestation de crises d’épilepsie présenté par la Ligue francophone belge contre l’épilepsie
Les pubs et les drogues présenté par Infor-Drogues

De 11h00 à 11h30, Pause et visite des stands

De 11h30 à 12h30, atelier 2 au choix parmi
Parlez-moi des âges… présenté par Entr’Âges asbl
Apprendre à s’exprimer, c’est bon pour la santé ! présenté par PIPSa
Parcours Sans T présenté par le FARES

De 12h30 à 14h00, pause et visite des stands

De 14h00 à 15h00, atelier 3 au choix parmi
Une boussole pour s’orienter dans le secteur social-santé présenté par le Centre de documentation et de coordination sociales CDCS-CMDC
Apprendre à s’exprimer, c’est bon pour la santé ! présenté par PIPSa
ALIM’ANIM. Une animation sur les dimensions culturelles de l’alimentation présenté par Cultures & Santé

De 15h00 à 16h30, résultats de la tombola et distribution des lots

Vers 16h30, clôture de la journée

Renseignements pratiques

Date : le lundi 4 mai 2015 de 9h à 16h30

Où : au PianoFabriek, rue du Fort, 35, 1060 Saint-Gilles

Arrêts STIB : Parvis de Saint-Gilles (tram 3, 4, et 51, bus 48) ou Guillaume Tell (tram 81)

Participation gratuite

Inscription obligatoire avant le 29 avril 2015 auprès de Claudine Cueppens, par téléphone au 02 502 68 00, par courriel à ccueppens@planningfamilial.net. Vous pouvez aussi compléter le formulaire en ligne.

Voir l’article ‘Informations sur la santé: quelles ressources’ de Christian De Bock, Éducation Santé n° 291, juillet 2013.

Un état des lieux du dépistage du cancer en 2014

Le 30 Déc 20

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Un état des lieux du dépistage du cancer en 2014

Le 15 novembre dernier, la Fondation contre le Cancer organisait une matinée d’information consacrée à la question du dépistage du cancer. Devant un auditoire de 250 personnes, des experts ont fait le point sur les campagnes d’information et les programmes de dépistage de cancers à forte prévalence, comme le cancer colorectal, le cancer du sein et celui du col de l’utérus.

Le cancer reste un sujet préoccupant pour la plupart des Belges. Bon nombre d’entre eux savent qu’il est important de découvrir un cancer le plus tôt possible, mais les programmes de dépistage organisés par les autorités sont peu ou mal connus et ne rencontrent pas toujours le succès espéré, en particulier du côté francophone. Pourtant, ils sont gratuits et sauvent des vies!

On entend régulièrement des remises en cause de la pertinence de certains dépistages. C’est pourquoi il est important de bien informer la population sur leurs avantages, mais aussi sur les inconvénients afin que chacun puisse prendre une décision éclairée.

Les dépistages systématiques en Fédération Wallonie-Bruxelles

Deux programmes de dépistage sont organisés en Fédération Wallonie-Bruxelles.

Le programme de dépistage du cancer colorectal (Hemoccult®)

Avec près de 8 000 nouveaux cas par an en Belgique, le cancer colorectal est le cancer digestif le plus fréquent. Il est la deuxième cause de mortalité par cancer chez l’homme, après celui du poumon, et également la deuxième cause de décès par cancer chez la femme, après celui du sein. Sa dangerosité, ainsi que l’existence d’un test efficace et sans danger pour le déceler justifient la mise en place d’un programme de dépistage. «Un dépistage avant l’apparition de signes cliniques est d’autant plus recommandé que le pronostic associé au cancer colorectal est étroitement lié à son stade de développement au moment du diagnostic», insiste le Docteur Anne Boucquiau, responsable du Département prévention à la Fondation contre le Cancer. L’identification des individus atteints d’une lésion précancéreuse (adénome) ou d’un cancer débutant est donc un enjeu essentiel.

En 2006, le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE) avait émis des conclusions en faveur d’un dépistage organisé, rejoignant les recommandations européennes. En Fédération Wallonie-Bruxelles, depuis 2009, un programme de santé publique organise un dépistage de masse du cancer colorectal auprès d’une population à risque moyen, asymptomatique, appartenant à la tranche d’âge 50-74 ans sans antécédent personnel de maladie inflammatoire et sans antécédent personnel ou familial d’adénome et/ou de cancer colorectal. Ce dépistage a pour but d’identifier les sujets porteurs d’une lésion, sujets qui pour la plupart ne se seraient pas présentés spontanément avant l’apparition de symptômes.

Les personnes habitant en Wallonie et en Région de Bruxelles-Capitale reçoivent tous les deux ans par la poste une invitation, par lettre personnalisée, à participer au programme de dépistage du cancer colorectal. «Pour sa première participation, la personne est invitée à se rendre chez son médecin généraliste», explique Michel Candeur, coordinateur du programme de dépistage du cancer colorectal de la Fédération Wallonie-Bruxelles. «Celui-ci interroge le patient pour déterminer la conduite à tenir en fonction du niveau de risque. Si la personne présente un risque moyen de développer un cancer colorectal, le médecin lui remet un test Hemoccult® à réaliser à la maison. En cas de risque plus élevé, il prescrit à son patient une coloscopie. En cas de résultat négatif, la personne recevra, deux ans plus tard, toujours par la poste, une nouvelle invitation, accompagnée cette fois du test, ce qui lui évite de se rendre à nouveau chez son médecin, tout en diminuant la charge de travail de ce dernier.»

Le test de recherche de sang occulte dans les selles est appelé à évoluer. «Le test Hemoccult® ne sera probablement plus utilisé dans les mois à venir», indique Michel Candeur. «Comme c’est déjà le cas en Flandre, nous nous orientons vers un test immunologique qui présente les avantages d’être plus simple à utiliser puisqu’il ne recourt qu’à un seul prélèvement au lieu de trois avec le test Hemoccult®, de déceler plus facilement des petites lésions et d’être spécifique à l’hémoglobine humaine.»

Le programme de dépistage du cancer du sein (mammotest)

La fréquence du cancer du sein augmente partout dans le monde depuis une cinquantaine d’années, principalement à cause du vieillissement de la population. Heureusement, la mortalité par cancer du sein diminue grâce aux progrès médicaux et à la mise en place du dépistage dans les pays à hauts et moyens revenus.

La Belgique détient le triste record du taux d’incidence annuel le plus élevé au monde, avec 188 cancers du sein pour 100 000 femmes. Chez nous, il provoque 20 % des décès par cancer chez la femme. C’est un des taux les plus élevés dans le monde. On ne s’en explique pas très bien les raisons.

Cependant, depuis une dizaine d’années, la fréquence de cette maladie est stable. Elle a même légèrement diminué entre 2003 et 2008, probablement grâce au déclin des substitutions hormonales à la ménopause. En dix ans, la mortalité a baissé de 20 %. Et contrairement à ce que l’on entend souvent, la fréquence du cancer du sein n’augmente pas chez les femmes de moins de 50 ans.

Quelques facteurs de risque du cancer du sein sont identifiés, comme entre autres, l’âge, des facteurs génétiques et familiaux, le surpoids, la consommation d’alcool, la sédentarité, le tabac. Certains de ces facteurs sont maîtrisables, d’autres pas. On peut néanmoins détecter précocement le cancer du sein. Au plus tôt il est diagnostiqué, meilleures seront les chances de guérison, moins lourd et plus efficace sera le traitement.

Le programme de dépistage du cancer du sein par mammographie invite tous les deux ans les femmes âgées de 50 à 69 ans à pratiquer gratuitement un mammotest.

Statistiquement, la pratique du dépistage entraîne une diminution du risque de mourir d’un cancer du sein évaluée à 20 %.

Le dépistage du cancer du sein présente toutefois certains inconvénients comme les faux positifs (une femme sur dix), les faux négatifs (25 % des cancers du sein) et le surdiagnostic (une à deux tumeurs sur dix sont détectées et traitées alors qu’elles n’auraient jamais posé de problème). «Un autre inconvénient est le cumul de radiations X qui peuvent entraîner des cancers radio-induits», souligne le Docteur Boucquiau. «C’est pour cette raison qu’en dehors de risques particuliers, le dépistage à partir de 40 ans ne se justifie pas.»

Le dépistage du cancer du col de l’utérus

Le Conseil de l’Union européenne a recommandé de mettre en place un programme organisé de dépistage du cancer du col de l’utérus. «Contrairement à la Flandre, il n’y a malheureusement pas, ou pas encore, espérons-le, de dépistage organisé du cancer du col de l’utérus en Belgique francophone», déplore Anne Boucquiau.

À l’heure actuelle, seules des campagnes d’information sont organisées, incitant les femmes de 25 à 65 ans à réaliser un frottis de col chez leur médecin, même si elles ont bénéficié d’une vaccination HPV. Le frottis est recommandé tous les trois ans et bénéficie d’une intervention de l’INAMI.

Le cancer du col de l’utérus est la sixième cause de décès par cancer. Il touche généralement les femmes après l’âge de 35 ans. S’il est considéré comme étant peu fréquent, il est cependant associé à une mortalité d’environ 50 %.

Ce type de cancer est le résultat à long terme d’une infection du col de l’utérus par des virus très contagieux, les papillomavirus. Ceux-ci sont transmis au cours des relations sexuelles.

Le cancer du col de l’utérus se développe lentement et est habituellement précédé de lésions précancéreuses (dysplasies) qui peuvent progresser et se transformer en cancer invasif du col après cinq à dix années de présence.

«Il existe deux méthodes de prévention qui doivent se combiner», précise Anne Boucquiau: «la vaccination contre le virus HPV et la réalisation d’un frottis de dépistage. L’utilisation d’un préservatif diminue le risque d’infections par HPV.»

C’est certainement le développement du frottis par dépistage qui a diminué de la façon la plus significative à ce jour le nombre de cancers du col dans les pays industrialisés. «Il est encore trop tôt pour voir les effets de la vaccination», précise le Dr Boucquiau. Voilà pourquoi il a été recommandé, au niveau européen, de réaliser un frottis tous les trois ans entre 25 et 65 ans et de parvenir à couvrir 80 % de la population cible. Cependant, dans la pratique, une étude récente montre que seulement 61 % de la population féminine bénéficie d’un dépistage individuel. La couverture est meilleure chez les jeunes patientes (de 25 à 34 ans) et devient médiocre (44 %) après 60 ans.

Une autre recommandation européenne encourage à vacciner les filles de 12 à 18 ans contre les infections à papillomavirus. Les vaccins actuels protègent contre les deux HPV les plus fréquents (16 et 18) dans le cancer du col, mais pas contre toutes les souches de ce virus (une douzaine) qui peuvent le provoquer. Ils n’assurent donc pas une protection totale. La vaccination anti-HPV représente néanmoins un réel progrès dans la prévention du développement du cancer du col de l’utérus. Actuellement, deux vaccins sont sur le marché en Belgique. Ils sont très efficaces et présentent une tolérance correcte, ainsi qu’une action de longue durée. La Fédération Wallonie-Bruxelles propose un accès gratuit au vaccin pour les jeunes filles âgées de 13-14 ans, via la médecine scolaire ou le médecin traitant. Par ailleurs, les vaccins sont partiellement remboursés pour les jeunes filles qui ont atteint l’âge de 12 ans et qui n’ont pas encore 19 ans.

Les prochaines années verront probablement se développer, d’une part, un nouveau type de dépistage qui recherchera non plus les anomalies cellulaires, mais la présence ou non d’infections virales, ce qui permettra de limiter le nombre de faux négatifs et d’autre part, le développement de vaccins couvrant plus de souches, améliorant en cela la prévention de ce cancer.

Mesurer les avantages et les inconvénients des dépistages

Pour décider de l’intérêt ou non d’un dépistage, les avantages et inconvénients qui y sont liés doivent être étudiés. Cela signifie qu’il faut évaluer la balance risques/bénéfices des différents types de dépistage, celle-ci variant d’un type de cancer à l’autre et donc d’un dépistage à l’autre. «Cette évaluation va permettre de décider si tel ou tel dépistage doit être recommandé, accompagné de quelles informations ou si au contraire, il vaut mieux le déconseiller, la décision finale appartenant cependant toujours à la personne elle-même», explique Anne Boucquiau.

Parmi les inconvénients que présentent certains tests, on trouve le risque de faux négatif, à savoir un cancer qui n’a pas pu être diagnostiqué au moyen d’un test.  À l’inverse, lorsqu’un test révèle une lésion, alors qu’il n’y en pas, on parle de faux positif. Le dépistage fait aussi courir un risque de sur-diagnostic et de sur-traitement. Certaines tumeurs peuvent rester dormantes, voire régresser, sans jamais constituer une menace. C’est le cas notamment en ce qui concerne le dépistage du cancer de la prostate. Une fois détectées, les tumeurs inoffensives sont traitées comme tous les cancers, sans bénéfice pour le patient, avec des effets secondaires parfois importants.

Au niveau des avantages, un dépistage présente une utilité lorsqu’il permet de réduire la mortalité spécifique (liée à un type de cancer) en intervenant précocement dans l’histoire naturelle de l’affection. Un diagnostic précoce améliore la qualité de vie des hommes et des femmes atteints grâce à un traitement moins lourd. Et lorsque son résultat est normal, le test de dépistage s’avère rassurant.

Pour en savoir plus

Quelques articles publiés dans Éducation Santé

Accord de libre-échange : une menace pour le système belge de soins de santé?

Le 30 Déc 20

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Accord de libre-échange : une menace pour le système belge de soins de santé?

Un accord de libre-échange entre l’Union européenne et les États-Unis menace la tradition européenne de solidarité et de protection sociale, au profit d’intérêts économiques. Il pourrait également avoir un impact majeur sur nos soins de santé en Belgique. Les mutualités belges sont inquiètes et demandent des garanties.

Début février ont eu lieu à Bruxelles des négociations concernant un accord de libre-échange entre l’Europe et les États-Unis. Par cet accord, les deux partenaires souhaitent faciliter leurs transactions commerciales réciproques. Pour y parvenir, ils veulent notamment réduire les tarifs douaniers et harmoniser leurs procédures.

Cet accord de libre-échange comporte des risques non négligeables pour nos soins de santé et notre assurance maladie. Ce qui se trouve notamment en discussion :

Un marché libre pour l’assurance maladie et les soins de santé.

Risque : le droit européen précise aujourd’hui que les règles du marché intérieur ne s’appliquent pas aux services publics et aux services sociaux d’intérêt général. En Belgique, c’est le cas pour l’assurance maladie obligatoire et les activités des mutualités. Les règles nationales, comme la programmation et la reconnaissance des services de santé, pourraient être contestées, ce qui pourrait conduire à une ‘suroffre’ inutile et à faire augmenter le coût des soins de santé.

Des monopoles d’une durée plus longue pour les nouveaux médicaments.

Risque : il faudrait plus longtemps pour que des médicaments génériques (moins chers) arrivent sur le marché. Le prix des médicaments augmenterait.

Les entreprises pourront se tourner vers un arbitrage international si elles estiment qu’une décision d’un pouvoir public porte atteinte à leurs espérances de bénéfices.

Risque : les entreprises pharmaceutiques pourraient réclamer des indemnités aux autorités publiques si ces dernières prennent des mesures visant à garder sous contrôle le coût des médicaments. Si le médicament A est remboursé, mais non le médicament B qui est similaire, le fabricant du médicament B pourrait demander des indemnités.
La politique de prévention serait également mise sous pression. Une campagne contre le tabac, l’alcool ou les aliments jugés peu sains pourrait ainsi donner lieu à des demandes de compensation par les producteurs de ces produits.

La publicité pour les médicaments soumis à prescription et la vente via internet.

Risque : la publicité pour les médicaments soumis à prescription est interdite en Belgique. La vente des médicaments sur internet est soumise à des règles strictes. Un assouplissement pourrait conduire à une surconsommation de médicaments et menacer leur sécurité d’utilisation.

Les mutualités belges sont fortement préoccupées par cet accord de libre-échange. Selon elles, il comporte des risques majeurs pour nos soins de santé. Les mutualités demandent dès lors :

  • que les négociations se déroulent dans la transparence et que les citoyens y soient associés;
  • que l’assurance maladie et les services de santé soient exclus de l’accord;
  • que la politique des médicaments reste une compétence des autorités nationales, afin de pouvoir maintenir un contrôle de la qualité et une politique tarifaire transparente;
  • que la promotion et la prévention de la santé soient exclues de l’accord;
  • que la santé et le bien-être priment sur les intérêts économiques.

Afin de défendre ces exigences, les mutualités belges unissent leurs forces à celles des mutualités d’autres États membres via l’AIM, la plate-forme de concertation internationale des mutualités.

Concernant le CIN

Le Collège intermutualiste national (CIN) est une association de mutualités composée de représentants des cinq unions nationales de mutualités (Mutualités chrétiennes, Mutualités socialistes, Mutualités libres, Mutualités libérales, Mutualités neutres), de la Caisse auxiliaire d’assurance maladie-invalidité et de la Caisse des soins de santé de la SNCB. Globalement, le CIN représente tous les assurés sociaux belges, soit plus de 11 millions de personnes.

L’utilisation du test HPV rendrait le dépistage plus efficace et permettrait d’espacer les examens de 5 ans au lieu de 3 ans

Le 30 Déc 20

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L’utilisation du test HPV rendrait le dépistage plus efficace et permettrait d’espacer les examens de 5 ans au lieu de 3 ans

On sait aujourd’hui avec certitude qu’il existe un lien de cause à effet entre le cancer du col de l’utérus et la présence du papillomavirus (HPV), transmis par voie sexuelle. Le KCE (Centre fédéral d’expertise des soins de santé) a établi, en collaboration avec l’Institut scientifique de santé publique et le Registre du cancer, qu’un dépistage basé sur la détection de la présence du virus serait plus efficace que l’actuel frottis (aussi appelé ‘Pap-test’) pour protéger les femmes de plus de 30 ans, et ceci à un coût moins élevé.

De plus, le dépistage par test HPV permettrait en toute sécurité d’espacer les examens de 5 ans au lieu de 3 ans aujourd’hui. Il est important que toutes les femmes entre 25 et 64 ans, y compris celles qui sont vaccinées contre ce virus, continuent à se faire dépister. En effet, le vaccin ne protège pas contre tous les types de virus HPV pouvant générer un cancer, et on ne connaît pas encore avec certitude la durée de la protection qu’il confère.

Le test actuel dépiste la présence de cellules cancéreuses tous les 3 ans

À l’heure actuelle, le dépistage du cancer du col de l’utérus se fait par le ‘Pap-test’. Il s’agit d’un frottis de cellules du col, prélevées au cours d’un examen gynécologique, pour être examinées au microscope à la recherche de cellules précancéreuses. De telles cellules sont présentes en moyenne 10 à 15 ans avant qu’un véritable cancer invasif ne se développe. Les lésions peuvent alors être traitées localement de façon très simple et efficace.

D’après les recommandations européennes et celles de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le ‘Pap-test’ doit être réalisé tous les 3 à 5 ans chez toutes les femmes entre 25 et 64 ans. En Belgique, le test est remboursé une fois tous les 3 ans depuis 2009, mais seules 60% des femmes se font dépister, ce qui est insuffisant. En revanche les femmes qui se font dépister le font souvent trop fréquemment.

D’après les derniers chiffres du Registre belge du cancer, il y a eu en Belgique 623 cas de cancer du col de l’utérus en 2011. L’âge moyen au moment du diagnostic est de 54 ans.

Le virus HPV responsable de ce cancer

On sait depuis une vingtaine d’années qu’il existe un lien de cause à effet entre le cancer du col de l’utérus et la présence d’un virus de type papillomavirus humain (HPV). Il s’agit d’une infection transmise par voie sexuelle, qui est extrêmement banale mais disparaît le plus souvent spontanément. Néanmoins, chez un petit nombre de femmes, le virus s’installe en permanence; ce sont ces femmes qui constituent le groupe à risque de cancer du col.

Plutôt que de détecter les lésions précancéreuses provoquées par le virus (ce que fait le ‘Pap-test’), le test HPV détecte la présence du virus lui-même. Le KCE a réalisé une étude en collaboration avec l’Institut scientifique de santé publique et le Registre du cancer pour voir dans quelle mesure il serait intéressant, sur un plan médical comme économique, de remplacer le ‘Pap-test’ par un test HPV. Actuellement, le test HPV est uniquement remboursé comme examen complémentaire chez les femmes dont le ‘Pap-test’ présente des anomalies. En pratique, le test HPV se pratique sur un frottis de col prélevé de la même façon que pour le ‘Pap-test’.

Le test HPV permet de réduire le nombre de cancers et de décès…

Il apparaît clairement que les femmes sont mieux protégées contre les cancers invasifs lorsque le test HPV est utilisé comme premier test de dépistage. Le KCE recommande donc de remplacer le ‘Pap-test’ par le test HPV. La population ciblée actuellement par ce dépistage – les femmes de 25 à 64 ans – reste identique. Ce changement de test devrait permettre d’éviter 240 cas de cancer supplémentaires et 96 décès pour 100 000 femmes dépistées.

Étant donné que le risque de développer un cancer invasif après un test HPV normal est nettement plus faible qu’après un ‘Pap-test’ normal, on pourrait, en toute sécurité, allonger le délai entre deux dépistages à 5 ans.

… pour un moindre coût, mais…

Le test HPV permettrait d’économiser presque 15 millions d’euros sur la durée de vie de 100 000 femmes, étant donné que l’on devra faire moins de dépistages et traiter moins de cancers invasifs. Le prix du test est donc un facteur important. Un appel d’offres public devrait être lancé pour faire baisser les prix actuels du test, tout en maintenant la garantie de sa qualité.

… pas pour les femmes avant 30 ans

Les études montrent cependant que le test HPV n’est pas plus efficace que le ‘Pap-test’ chez les femmes de moins de 30 ans. Chez ces jeunes femmes, les infections par HPV sont plus fréquentes mais généralement transitoires. Le test HPV pourrait donc entraîner de nombreuses angoisses inutiles et des traitements superflus. Il faut savoir que ces traitements peuvent être responsables de complications lors de la grossesse, comme une rupture prématurée de la poche des eaux, des naissances prématurées et des bébés de trop petit poids.

Chez les femmes de moins de 30 ans, il est donc conseillé de maintenir le ‘Pap-test’. Ce n’est qu’en cas de résultat anormal que le test HPV doit être pratiqué, comme cela se fait aujourd’hui. Le KCE recommande aussi qu’un système de contrôle de qualité soit mis en œuvre, tant pour les tests HPV que pour les ‘Pap-tests’.

Dépister même si on est vaccinée!

Enfin, le KCE souligne que le dépistage reste indispensable même chez les femmes vaccinées contre le virus HPV. En effet, les vaccins existants ne protègent pas contre tous les types de virus HPV susceptibles de causer un cancer du col. De plus, nous ne disposons pas encore de données scientifiques fiables sur la durée de la protection conférée par ces vaccins.