Articles de la catégorie : Initiatives

Une semaine pour la prévention sida-IST au PSE d’Ixelles

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Le PSE d’Ixelles est impliqué depuis de nombreuses années dans la prévention du sida. À l’initiative de cet audacieux et ambitieux projet, il s’est basé sur ses constats de terrain et sur son expérience d’Éducation à la Vie Relationnelle Affective et Sexuelle (EVRAS) pour créer un parcours interactif sur la thématique du sida et des infections sexuellement transmissibles (IST), destiné aux élèves de 5° et 6° secondaires des écoles ixelloises, tous réseaux confondus.

Plannings familiaux, Service d’aide en milieu ouvert (AMO), Cellule Locale d’Accompagnement Scolaire (CLAS)… se sont réunis autour du PSE et ont travaillé main dans la main pour construire cette expo en bénéficiant de l’expérience de Céline Danhier, coordinatrice de SIDA’Sos, partenaire incontournable afin d’aborder ces problématiques avec les jeunes de manière ludique.

Cette exposition s’est tenue à la Maison de Quartier de la Commune d’Ixelles, du 4 au 8 novembre 2013. Elle était ouverte tous les jours aux écoles et accessible au public le mercredi après-midi. L’équipe s’y est relayée pour recevoir pas moins de 800 élèves tous fort intéressés par ce sujet qui faisait la une de l’info à l’approche de la Journée mondiale de lutte contre le sida du 1er décembre.

Un sujet d’actualité pourtant méconnu des jeunes

L’actualité, peu connue de la cible principale, révélait par exemple que la chlamydia fait d’énormes ravages chez les jeunes ! Chlamydia, un mot qui ne signifiait pourtant pas grand-chose pour ces derniers avant leur passage à la Maison de Quartier !

La Plate-forme prévention sida soulignait dans sa nouvelle campagne, que «la chlamydia est la plus répandue des infections sexuellement transmissibles (IST). Le groupe le plus touché se compose de jeunes femmes entre 15 et 25 ans. On constate une augmentation forte et continue.» Un jeune sur 20 en serait porteur, l’enjeu est donc de taille et le sujet particulièrement bien choisi !

Un projet novateur issu de collaborations fructueuses

En réunissant des partenaires issus de différents secteurs et collègues de terrain, le PSE avait pour objectif de sensibiliser les jeunes aux modes de transmission du VIH (virus de l’immunodéficience humaine) et des IST. L’idée novatrice, en tout cas dans le réseau libre, était d’aller plus loin dans l’objectif de santé et de promouvoir surtout l’usage du préservatif en valorisant le comportement de protection lors des relations sexuelles. Pour ce faire, les associations ont déployé divers jeux, ateliers ludiques et informatifs.

Un parcours aux objectifs complémentaires

La CLAS et Prospective Jeunesse entre autres, avaient élargi le sujet en invitant les jeunes à se questionner sur l’image qu’ils donnent d’eux-mêmes sur les réseaux sociaux, leurs ‘addictions’ quotidiennes… La question du sida était donc abordée dans une vision globale de la santé et de la vie affective et sexuelle.

La ‘Black Box’, jeu pratico-pratique animé par l’équipe de SIDA’Sos a remporté beaucoup de succès auprès des jeunes. Ils ont appris grâce à elle à placer correctement un préservatif dans le noir. Ils ont pu en manipuler afin d’identifier les dates de péremption, vérifier l’intégrité de l’emballage, le sens dans lequel il doit être déroulé… Ce n’est en effet pas tout de prôner l’usage, encore faut-il apprendre à l’employer correctement !

Le stand ‘Risky or not Risky’, plus théorique et très explicite détaillait les comportements à risque. Le poste ‘Massacre des IST’, plus médical et scientifique, visait quant à lui à élargir le champ de connaissance des jeunes en matière d’IST.

Plusieurs ateliers, tels que le ‘Sexual Pursuit’ et ‘Info – Intox’, visaient à ouvrir le débat dans le groupe (5-6 participants), à répondre à des questions sur les pratiques sexuelles, les comportements à risque, la grossesse, la contraception… à corriger les idées reçues et à augmenter le niveau de connaissances.

L’AMO ‘Quartier Libre’, chargée de l’accueil des groupes à l’expo et de l’évaluation du projet, proposait aussi une cartographie ayant pour objectif d’aider les élèves à se repérer dans leur commune et à se rendre dans le service adéquat en cas de problème, de questionnement, de situation nécessitant une aide urgente (rapport non protégé, grossesse non désirée…).

Évaluation

En fin d’activité, une panoplie de ‘smileys’ était proposée aux jeunes pour qu’ils fassent connaître aux organisateurs leur ressenti par rapport à l’expo. De façon générale, les jeunes se disaient ‘contents’, ‘confiants’, ‘enchantés’, ‘complices’, mais parfois aussi ‘mal à l’aise’.

De plus, sur des post-it ‘j’aime ’, ‘j’aime pas’ (à la façon de Facebook), les participants ont exprimé leur satisfaction d’avoir appris à placer correctement un préservatif ! Ils se disaient aussi très satisfaits de l’accueil, du côté ludique et de l’ambiance générale. Ils se disaient mieux informés sur la contraception, les IST et surtout la prévention des risques.

Influencés par leur milieu social, culturel, religieux, leur entourage familial, le niveau scolaire… les participants envisageaient les sujets de façon très différentes et variées. Indéniablement ce thème amène des remises en question tant chez les jeunes que chez les adultes qui les entourent. Le PSE d’Ixelles avait pour objectif cette année de rassembler théorie et pratique dans une approche globale de la vie sexuelle et affective des jeunes : mission accomplie, le défi ayant été brillamment relevé grâce à la solidarité et au dynamisme d’une équipe pluridisciplinaire.

Adresse de l’auteure : Centre de Santé libre d’Ixelles, rue de la Crèche 6, 1050 Bruxelles. Tél. : 02 515 79 71. Fax : 02 515 79 68. Courriel : annelaure.berhin@ixelles.be.

Le Plan national de lutte contre le VIH 2014-2019

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

La prévention au coeur d’une stratégie intégrée

Attendu de longue date par l’ensemble des acteurs de terrain, les professionnels de santé et les patients, le nouveau Plan national de lutte contre le sida (1) inscrit la prévention primaire, le dépistage et la prise en charge des personnes séropositives au coeur d’une stratégie intégrée. Il vise aussi à encourager davantage la transversalité et les collaborations entre toutes les entités et tous les secteurs.

La Vice-première ministre et Ministre fédérale des Affaires sociales et de la Santé publique, Laurette Onkelinx, en avait fait la promesse, il y a un an : un Plan national de lutte contre le VIH verrait le jour dans notre pays.

Preuve de la capacité toujours intacte d’unir les forces autour de combats importants, ce nouveau Plan rassemble pour la première fois francophones, néerlandophones et germanophones, l’ensemble des ministres de la Santé aux différents niveaux de pouvoir (fédéraux, régionaux et communautaires), leurs collègues en charge de l’Égalité des chances, de l’Enseignement, de la Culture, de la Jeunesse, de l’Intégration sociale, l’Immigration et l’Asile. S’appuyant sur 58 actions (2), ce Plan offre ainsi un cadre général pour déterminer les priorités d’action et stratégies à mettre en œuvre, dans le respect des compétences de chacun. Il vise surtout à susciter davantage de transversalité et de collaboration avec toutes les entités et entre tous les secteurs, a souligné Fadila Laanan, Ministre de la Santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

L’objectif est bien d’améliorer la concertation entre les actions de sensibilisation, de dépistage et de traitement du VIH/sida, et ainsi d’organiser une politique de lutte contre le sida efficace, notamment en matière de dépistage, alors que trois nouvelles contaminations sont enregistrées chaque jour dans notre pays. Outre la prévention – premier pilier du Plan – l’accent va être mis sur le dépistage, encore tardif dans près de la moitié des cas, la prise en charge des personnes vivant avec le VIH et leur qualité de vie (lutte contre les discriminations notamment).

Sur le plan budgétaire, la ministre Onkelinx s’est personnellement engagée à apporter un million d’euros supplémentaires, dès la première année, aux 13 millions déjà investis chaque année, au niveau fédéral, dans la lutte contre le VIH/sida.

Des acteurs de terrain entendus ?

Du côté des associations francophones de lutte contre le sida, la satisfaction est perceptible car, pour la première fois, tous les acteurs concernés par le sida – associatifs, médicaux, du nord, du sud et du centre – se sont mis autour de la table.

Thierry Martin, directeur de la Plate-forme prévention sida, se félicite de cette concertation maximale entre les différents acteurs concernés qu’il considère tout à fait essentielle. Celle-ci était déjà effective du côté francophone, rappelle-t-il, via des stratégies concertées pour les aspects prévention, mais au niveau national il n’y avait pas de lieu où tous les acteurs pouvaient discuter. Autant dire que l’initiative de Laurette Onkelinx est appréciée car elle répond enfin à une demande des acteurs de terrain, depuis de nombreuses années, dans un contexte de fédéralisation qui a pu parfois freiner le développement de certains projets.

Même réaction positive de Myriam Dieleman, directrice de l’Observatoire du Sida et des Sexualités aux Facultés universitaires Saint-Louis à Bruxelles, qui s’exprime au nom des stratégies concertées que son institution coordonne. Ce regroupement des acteurs de terrain dans le champ de la prévention du VIH et des autres infections sexuellement transmissibles (IST) en Fédération Wallonie-Bruxelles va permettre de partager des analyses communes et de définir ensemble des cadres d’action en matière de prévention.

«Nous sommes très contents d’avoir un Plan national, cela fait longtemps qu’on en avait besoin. Aujourd’hui, on dispose d’un cadre de référence et d’action qui concerne tous les niveaux de pouvoir, intersectoriel et transversal, pour une certaine durée (2014-2019). C’est fondamental pour pouvoir mener une politique de prévention du sida à la fois cohérente et durable».

Le responsable de la Plate-forme prévention sida, qui existe depuis 1999 et fêtera en mai de cette année ses 15 ans d’existence, souligne pour sa part l’importance confirmée de la prévention combinée (3) et de l’utilisation du préservatif pour se protéger contre les IST et le VIH.

«Cette reconnaissance du concept de prévention combinée est un des points essentiels de ce nouveau Plan. Même s’il est toujours essentiel, le préservatif n’est plus le seul moyen de lutter contre le virus du sida. De nouvelles stratégies et outils de prévention ont vu le jour». Et Thierry Martin de citer les différents traitements comme moyens de prévention, par exemple le traitement précoce comme prévention (ou TASP pour ‘treatment as prevention’), le traitement pré-exposition (PrEP), le traitement post-exposition (TPE), sans oublier le dépistage, qui est essentiel et constitue un enjeu majeur dans la lutte contre le VIH, et plus précisément le ‘test & treat’, c’est-à-dire le dépistage suivi de la mise sous traitement.

Dépistage démédicalisé et ‘hors les murs’

Autre élément clé du Plan, la reconnaissance du dépistage décentralisé et démédicalisé, qui constitue le deuxième pilier de prévention. Des dépistages rapides pourront désormais être pratiqués en dehors du circuit traditionnel de soins, dans des lieux aisément accessibles. Cette mesure vise à atteindre de nouveaux publics cibles, en dehors des groupes prioritaires que restent les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) ainsi que les migrants. Il s’agit notamment des personnes qui sont les plus réfractaires à consulter un médecin généraliste ou à se rendre à l’hôpital.

«C’est une très bonne chose car cela nous permet de mettre en place des actions de proximité vers les publics les plus vulnérables, quels qu’ils soient», commente Maureen Louhenapessy, coordinatrice santé de SidAids-Migrants au sein du Sireas, en charge de la recherche-évaluation, de l’expertise et de la concertation des projets Migrants et VIH/sida dans la Fédération Wallonie-Bruxelles. Une asbl également active dans le travail de rue et de proximité, proposant des outils d’information et de prévention des IST/sida adaptés aux populations migrantes, et qui organise des animations de prévention dans des associations de migrants, maisons de jeunes, centres d’accueil pour réfugiés.

«Le nouveau Plan VIH multiplie les stratégies et les points d’entrée, avec des outils de dépistage adéquats qui s’adaptent aux différents publics visés», relève encore Myriam Dieleman.

De son côté, l’asbl Ex æquo se trouve confortée dans son expérience de projet Test-Out. «On ne nous impose plus la présence d’un médecin pour pratiquer un TROD (Test Rapide à Orientation de Diagnostic), il sera possible de multiplier des dépistages au plus près des lieux de vie des groupes cibles. C’est un levier important pour réduire le taux de dépistage tardif. Encore faut-il assez vite changer le cadre légal pour que tout soit clair».

Le Plan prévoit également d’organiser le principe du test à domicile (auto-test). Pour Ex æquo, ouvrir cette possibilité est une bonne chose car chacun pourra choisir son test, selon ses aspirations et besoins. Cependant, l’asbl de promotion de la santé auprès d’un public gay et bisexuel attend de voir quelles seront les balises et les garanties en termes de suivi et d’accompagnement. En outre, il faudra éviter que la personne ne se retrouve seule en cas de résultat réactif, souligne-t-elle.

Rejet des stigmatisations

La lutte contre les discriminations à l’encontre des personnes vivant avec le VIH, comme les groupes exposés à l’épidémie, fait également partie intégrante des nouvelles stratégies de prévention. La Plate-forme prévention sida relève qu’elle n’a pas attendu l’annonce de ce nouveau Plan pour lancer des campagnes contre les discriminations et stigmatisations. Elle vient d’ailleurs de relancer une campagne suite aux résultats interpellants d’une enquête sur la qualité de vie des personnes séropositives en Fédération Wallonie-Bruxelles. Menée entre 2010 et 2012, cette enquête a montré que 13 % des répondants ont déjà connu des refus de soins du fait de leur séropositivité. La Plate-forme souhaite par conséquent agir sur le terrain, médical et du travail, pour faire reculer les discriminations et lutter contre ces situations intolérables. «Cette lutte est prioritaire pour lever les freins à la prévention et au dépistage liés à la crainte de la stigmatisation et la discrimination», observe Thierry Martin.

Un autre concept important mis en avant dans le nouveau Plan VIH est le principe de responsabilité partagée, soutenu par les acteurs de santé publique et né du constat que la prévention ne doit pas reposer sur les seules personnes infectées mais que tout le monde est concerné. Une notion jugée particulièrement importante suite à la diversification des stratégies de prévention qui pourrait avoir un effet de pression sur les personnes séropositives en les rendant seules responsables du comportement préventif. «C’est très important de remettre en avant ce concept de responsabilité partagée pour éviter de mettre tout le poids de la prévention sur la personne séropositive. Dans une relation, les deux personnes sont responsables de la prévention, d’autant plus que beaucoup de séropositifs ignorent leur séropositivité», ajoute Thierry Martin.

Le nouveau paradigme de prévention

Les nouvelles stratégies de prévention proposées aujourd’hui, comme les nouveaux moyens de protection, définissent encore un véritable nouveau paradigme de la prévention. Ceci soulève un tas de questions qui vont devoir être débattues, réfléchies, concertées.

La Plate-forme prévention sida insiste, pour sa part, sur l’importance d’utiliser toujours un préservatif, associé à un lubrifiant, lors de chaque rapport sexuel. L’émergence de nouvelles stratégies de prévention, qui sont au coeur du débat quand on aborde la question du sida, ne doit pas écarter d’emblée les anciennes stratégies qui ont fait leur preuve et démontré leur efficacité. Ainsi le préservatif reste l’outil de prévention privilégié pour se protéger des infections sexuellement transmissibles et du sida, les autres techniques se combinent avec lui. À l’Observatoire du Sida et des Sexualités, on espère que cette volonté politique de garantir l’accessibilité au préservatif par sa gratuité s’inscrira dans la durée, sur le long terme. «Il nous paraît important de mettre en avant le concept central de la prévention combinée. En ce qui nous concerne, nous sommes assez contents car le Plan fédéral a pris en compte à la fois les acquis du travail de prévention comportementale mis en place et qui diffuse la norme de prévention reposant sur le préservatif et l’usage du lubrifiant, et en même temps il intègre la nouvelle donne sanitaire en matière de traitement comme de prévention», analyse Myriam Dieleman.

À l’écoute des patients

La création d’un Conseil des personnes vivant avec le VIH est une autre mesure phare du Plan bien accueillie, même si à ce stade plusieurs questions restent sans réponse. Ainsi, quelles seront les modalités du fonctionnement de ce Conseil ? Quelle y sera la représentativité des personnes vivant avec le VIH ? Sur quels aspects concrets du Plan ce Conseil pourra-t-il se prononcer ? Sera-t-il consulté pour des questions qui ne touchent pas au Plan ? Aura-t-il un avis consultatif ou contraignant ?

Les interrogations, on le voit, ne manquent pas. Autant de points que la Plate-forme prévention sida considère néanmoins essentiels pour déterminer le pouvoir réel du Conseil et des personnes vivant avec le VIH, lors des choix relatifs à l’implantation concrète du Plan.

«Pour l’instant, il s’agit encore de voeux pieux, il faudra voir ce qu’il va en advenir», ajoute Myriam Dieleman. Et d’observer que si des actions sont déjà menées par divers organismes avec les personnes vivant avec le VIH, le sentiment prévaut largement qu’il s’agit d’un grand pas en avant. «Reste à voir concrètement comment tout cela va s’organiser, comment cela va être institutionnalisé, qui va représenter qui, les enjeux de légitimité… Représenter les séropositifs n’est pas un enjeu facile car c’est un public hétérogène, il y a plusieurs voix à l’intérieur de ce public».

Les moyens suivront-ils ?

Pour sa part, Maureen Louhenapessy se félicite que ce nouveau Plan VIH souligne l’importance d’une prévention ciblée vers les deux groupes de population les plus concernés, à savoir les hommes ayant des relations sexuelles avec d’autres hommes (HSH) et les personnes migrantes. «En soi, ce n’est pas nouveau, cela fait 27 ans que l’on poursuit cette politique de prévention à travers des programmes adaptés pour les migrants. Reconnaître la spécificité des migrants et leurs besoins particuliers en termes de prévention et d’accompagnement est cependant fondamental. Il faut toutefois faire attention de ne pas stigmatiser cette population, aussi être très clair sur les objectifs, ce que l’on considère comme prioritaire et sur les moyens que l’on est prêt à y allouer».

Les acteurs de la prévention se montrent donc satisfaits des mesures proposées dans le Plan, les grandes lignes de travail et priorités. Ce Plan leur donne la possibilité d’avancer dans leurs objectifs, de communiquer de manière cohérente, concertée et en même temps de façon efficace et précise. Mais tous attendent de voir concrètement quel impact budgétaire aura la régionalisation des compétences en matière de promotion de la santé dans la mise en oeuvre de la 6e réforme de l’État. Certains redoutent un problème de moyens. «Les organisations dévouées à ces missions auraient besoin d’une sérieuse augmentation de leurs moyens, la tâche est grande mais les budgets sont faibles», constatent-ils. Ils s’interrogent sur les financements qui seront alloués aux associations pour mettre en place le Plan. Par ailleurs, comment les Régions et Communautés vont-elles prendre cela en charge, dans le cadre actuel de régionalisation de compétences qui relevaient jusqu’à présent du Fédéral, se demandent-ils.

Ex Aequo entend rappeler que ‘regarder la maladie en face’, c’est non seulement définir des axes stratégiques et faire des propositions, mais c’est aussi assurer un financement adéquat pour que les acteurs de terrain puissent intégrer ces nouvelles missions. «Les associations communautaires ont joué le jeu en contribuant, aux côtés des acteurs psycho-médico-sociaux, à l’élaboration de ce Plan. Plusieurs de nos revendications sont rencontrées et des associations telles que la nôtre vont se voir confier de nouvelles missions. Il faudra que toutes les entités du pays ne l’oublient pas lorsqu’il faudra attribuer des budgets…».

(1) On aurait voulu dire la même du projet de Plan Alcool 2014-2018, mais il a été efficacement contré par les relais politiques du lobby du secteur des boissons alcoolisées (ndlr)…
(2) Vous pouvez consulter le Plan à l’adresse suivante: https://www.laurette-onkelinx.be/articles_docs/Plan_VIH_FR.pdf
(3) L’objectif de la prévention combinée est de construire des synergies entre stratégies comportementales, structurelles et biomédicales. Cette articulation, et c’est assez nouveau, tend à faire converger prévention, dépistage et maintenant traitement dans une approche globale, ce que les progrès récents en matière d’antirétroviraux rendent possible.

La promotion de la santé et le web 2.0, parlons-en !

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Forte de son expertise en communication et de son expérience en gestion de sites Internet, pages Facebook et autres medias numériques, l’asbl Question Santé organise à Bruxelles le 18 mars 2014 une journée de réflexion et d’échanges concrets sur la place de la prévention et de la promotion de la santé sur le web.

Le secteur non-marchand et plus particulièrement celui de la promotion de la santé se met à l’ère numérique : pages Facebook, sites Internet, lettres d’information, e-permanences et autres se multiplient. Dans une volonté de rester proches de leur public et/ou des nouvelles technologies, les intervenants réinventent leurs techniques de communication et innovent. Le phénomène du web social séduit, non sans amener son lot de questions…

Le moment est venu de prendre un peu de recul et de se pencher sur les questions que cela soulève.

Le programme de la journée, en cours de finalisation au bouclage de ce numéro d’ Éducation Santé, s’appuie sur les interrogations et besoins formulés lors d’un ‘petit-déjeuner des risques’ organisé en octobre 2013 par Modus Vivendi et Question Santé avec quelques acteurs de terrain.

Au menu de la journée, Question Santé vous proposera :
– des ateliers d’échanges. Ils aborderont les questions suivantes : le web au sens large permet-il de rencontrer les objectifs spécifiques de la promotion de la santé ? Quelles stratégies pour une communication web ? Les forums et autres espaces de discussion en ligne permettent-ils un soutien social ? Quel temps et quel budget investir dans ces nouvelles formes de communication ? Comment les évaluer ?
– des interventions d’experts internationaux se pencheront avec nous sur quelques questions clés : en quoi les outils web peuvent-ils contribuer à l’implantation des stratégies de promotion de la santé ? Ces outils permettent-ils de diminuer la fracture sociale en matière de santé ou, au contraire, renforcent-ils les inégalités ? Quelle éthique en matière de santé sur le web ?
– des présentations de réalisations concrètes, dont les promoteurs partageront leurs réussites, leurs motifs de satisfaction, mais aussi leurs doutes et leurs questions.

Cultures & Santé, Éducation Santé, les CLPS de la Fédération Wallonie-Bruxelles, Loveattitude.be, Modus Vivendi, Pipsa et la Plate-forme prévention sida sont partenaires de cette initiative. Si vous êtes intéressé(e), signalez-le à info@questionsante.org. Le programme complet de la journée vous sera communiqué prochainement.

Culture et bien-être : un projet évolutif et participatif

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

En octobre 2008, dans le numéro 238 du mensuel Éducation Santé , sous le titre ‘Des médias locaux pour la santé, parlons-en !’, nous présentions déjà cette initiative entamée dès l’automne 2007. Au travers de multiples partenariats avec les médias, le secteur culturel et le secteur de la promotion de la santé, nous avions voulu, en exploitant de nouveaux canaux de communication, mettre la santé et le bien-être au cœur des préoccupations quotidiennes de chacun. Cette initiative visait à atteindre plusieurs objectifs : renforcer l’approche intersectorielle de la santé en aidant les acteurs sociaux, éducatifs, culturels, économiques et environnementaux à mieux prendre conscience du rôle qu’ils ont à jouer dans la mise en place de démarches locales de promotion de la santé; diffuser de manière récurrente des informations scientifiquement fiables et accessibles au grand public; multiplier les lieux où il est possible de réfléchir sur les questions liées à la santé et à la qualité de la vie. Au fil des années, ce vaste projet a évolué, s’est diversifié et s’est efforcé de renforcer sa dimension participative.

La première mouture de ‘Culture et Bien-être’ comportait plusieurs volets complémentaires :
– des ciné-débats organisés au cinéma Le Parc en impliquant des partenaires spécifiques selon les thèmes abordés ;
– des présentations de vidéogrammes, à la Médiathèque de Charleroi, pour mieux faire connaître son catalogue ‘Éducation pour la Santé’, soit à destination de professionnels en les incitant à réfléchir sur la manière d’utiliser ce type de supports avec des publics ciblés, ou à destination d’un large public avec débats en présence de personnes ressources ;
– des billets hebdomadaires sur des questions de santé publiés en version longue dans le journal toutes-boîtes Belgique N° 1 (devenu Vlan ) et en version courte sur le télétexte de Télésambre. La réalisation et la diffusion d’une trentaine de clips santé ‘Les clins d’œil de Flo’, en partenariat avec Télésambre. Clips réalisés sur un ton positif permettant de faire passer des messages destinés au grand public sur des thèmes variés.

Depuis 2008, l’organisation régulière de cinés-débats au cinéma Le Parc s’est poursuivie tout comme la publication hebdomadaire d’Infos Santé sur des thèmes liés à l’actualité et aux saisons dans les colonnes de Vlan et sur le télétexte de Télésambre.

De nouvelles initiatives : deux Bourses-Carrefours pour découvrir d’autres outils culturels

Ces rencontres de la création culturelle et de la promotion de la santé ont permis de susciter la réflexion personnelle et collective auprès de différents publics: adolescents, adultes, personnes âgées, professionnels ou non, mais aussi d’encourager la créativité, la découverte de ressources utiles pour les actions de chacun visant à préserver et à améliorer la santé et le bien-être. Ce nouveau développement du lien entre la culture et le bien-être est aussi une autre manière de rencontrer nos objectifs initiaux.

Lors de la première Bourse-carrefour (2009), trois thèmes et un public ont été privilégiés : l’alimentation, la sexualité et les assuétudes chez les adolescents. Des animations ont été organisées autour de différents courts, moyens et longs métrages, de films documentaires et de fiction…

D’autres outils culturels ont montré toute leur pertinence : le théâtre, l’illustration, la bande dessinée et la chanson.

‘Bouffe la vie’, un spectacle de théâtre-action créé par l’Atelier Théâtre Croquemitaine a suscité le débat sur la malbouffe, le gaspillage, la destruction de l’environnement. ‘www contrôle sexe delete’, un spectacle de théâtre-forum animé par la Compagnie Buissonnière et Graffiti a permis à des adolescents de s’exprimer par le jeu théâtral sur la sexualité, l’homosexualité, les I.S.T et la pornographie. ‘Dépendances – Toxicomanies’, une exposition produite par l’association ‘Carrefour Santé’ – une association née d’une union entre la Ville et la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de Nancy – a pu sensibiliser le public fréquentant la Médiathèque de Charleroi sur les dangers de l’alcool, du tabac, des drogues…

Par ailleurs, grâce à la collaboration fructueuse entre le Centre Local de Promotion de la Santé de Charleroi-Thuin, l’asbl Charleroi Chansons/Wallonie-Bruxelles et les Services centraux de la Médiathèque, un CD réunissant une sélection de chansons écrites et interprétées par des artistes de la Fédération Wallonie-Bruxelles – abordant des questions liées à la santé globale, c’est-à-dire touchant l’être humain dans ses différents aspects, qu’ils soient physiques, psychologiques, sociaux ou environnementaux – a été produit sous le titre ‘Des plumes et des voix… pour réchauffer les maux (1)’. Un guide pédagogique accompagnant le CD a également été élaboré tandis qu’un groupe d’étudiants de l’Académie des Beaux-Arts de Tournai s’est investi dans la réalisation d’illustrations et de planches de bande dessinée accompagnant les textes de chacune des chansons figurant sur le CD. Leurs œuvres ont été présentées dans plusieurs lieux de Wallonie et à Bruxelles.

Grandir, c’est vieillir; vieillir c’est grandir

En 2010, la seconde Bourse-Carrefour a abordé les questions liées au vieillissement ainsi qu’aux relations intergénérationnelles. Ici aussi, des films documentaires et de fiction ont été présentés ainsi que trois spectacles de théâtre.

‘De Trop ?’ un théâtre-forum – conçu par la Compagnie Maritime et le Théâtre Le Public – qui interroge la problématique du vieillissement et ses répercussions sur les relations entre générations : que faire de nos vieux parents ? Pendant combien de temps encore seront-ils suffisamment autonomes pour vivre seuls ? Peut-on raisonnablement les laisser à la maison quand la perte d’autonomie devient manifeste ? Comment choisir une maison de retraite qui ne soit pas un ‘gagatorium’ ? Quelles sont les alternatives possibles pour accompagner les familles dans le maintien à domicile ?…

‘La vie en plus !’ un spectacle de théâtre-action réalisé par l’UCP Mouvement Social des Aînés (rebaptisé depuis lors Énéo) avec la Compagnie Alvéole Théâtre, écrit et joué par cinq actrices et acteurs de trente-cinq à quatre-vingts ans, conçu pour être un outil de sensibilisation destiné aux aînés et à leurs enfants ainsi qu’au personnel des maisons de repos. Il illustre les difficultés rencontrées par les aînés et leur famille lors de la transition du domicile vers la maison de repos : comment aborder le problème du vieillissement ? Quel logement est le mieux adapté pour la personne âgée ? Comment informer et décider dans le respect de l’autre…?

‘Minute Papillon’, une création de Stéphanie Lepage qui est un remarquable travail sur la mémoire et la transmission. Comment, en fin de parcours, raconte-t-on ce qu’on a vécu ? Que choisit-on de dire ou de taire ? Pour comprendre cette ‘mort sociale’ à laquelle conduit fréquemment l’entrée dans la vieillesse, la comédienne a voulu entendre et faire entendre la parole des personnes âgées. Trois semaines d’immersion dans un home bruxellois lui ont permis de rencontrer des femmes âgées, porteuses d’histoire et de récolter le récit de leur existence mais aussi d’observer comment elles vivent ou plutôt, comment on les fait vivre. Et de découvrir le regard qu’elles posent sur le monde d’aujourd’hui.

Une autre originalité de la seconde Bourse-Carrefour a été de présenter l’exposition ‘Les couleurs de l’oubli’ rassemblant une sélection d’œuvres peintes par des personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer, peintes parfois à la veille de leur mort. François Arnold, artiste plasticien, créateur et animateur de l’atelier de peinture de l’Arbre à Mains à l’Hôpital Georges Clémenceau de Champcueil dans l’Essonne en France a expliqué sa démarche lors d’une rencontre programmée dans le cadre de l’exposition. Nous reprenons ici un bref extrait de son intervention : «Par-delà la diversité des peintures, le message apparaît clairement : l’homme, jusqu’à la dernière heure de sa vie, est capable de s’exprimer en beauté et d’y trouver joie. Puisse ce message être saisi et donner envie d’aller au-devant des vieillards et de créer des temps et des lieux où ils laissent jaillir leurs émotions, leur rayonnement intérieur et le savoir d’une vie».

Concours-photo, exposition et photo-langage

En 2011, afin d’élargir encore le champ des outils culturels exploitables dans le domaine de la promotion de la santé, un concours-photo intitulé ‘Ma santé c’est…’ a été lancé. La prise en photos d’images ou de mises en scène représentatives de la santé par les participants de ce concours avait pour objectif de les inciter à réfléchir sur ce que représentent pour eux la santé et les facteurs qui la déterminent ou l’influencent. Ouvert à tout groupe, scolaire ou associatif, de l’arrondissement de Charleroi-Thuin (2), il a produit un ensemble hétérogène de clichés représentatifs des préoccupations de nos jeunes, nos adultes, valides et non-valides.

Dans un second temps, un jury, composé de professionnels de la promotion de la santé, du monde artistique et de représentants de la population carolorégienne (via les Conseils Consultatifs des Jeunes et des Aînés), s’est chargé de sélectionner quinze photos représentatives de l’ensemble des productions et pouvant constituer une exposition itinérante, à visée didactique, sur les déterminants de la santé.

Depuis l’été 2012, l’exposition de photos ‘Ma santé c’est…’ circule dans différents lieux, écoles et associations de l’arrondissement… Cette année, parmi les pistes d’exploitation pédagogique des photos recueillies dans le cadre du concours, l’équipe du Centre local de promotion de la santé de Charleroi-Thuin et ses partenaires ont décidé de réaliser un photo-langage sur le thème générique du bien-être, outil inexistant à ce jour pour un public d’adultes ou d’adolescents. L’ensemble des cinquante photos rassemblées dans le photo-langage offre une approche globale de la santé perçue comme ‘un état complet de bien-être physique, mental et social qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité’ (voir la célèbre définition de l’Organisation Mondiale de la Santé).

Être en bonne santé ou ‘se sentir bien’ pourra donc signifier pour certains, avoir un travail ou bénéficier de bonnes conditions de travail, pour d’autres, profiter de moments de détente en famille ou avoir une relation amoureuse harmonieuse, ou encore aller à l’école, avoir la possibilité de bouger, de voyager, etc. Le photo-langage ‘Je me sens bien quand…’ est destiné aux professionnels de la santé, du social ou de l’enseignement – animateurs, infirmières PSE, responsables de projets communaux… – familiarisés avec les animations en promotion de la santé et désireux de mener un projet autour de la santé et du bien-être, de la réduction des inégalités sociales de santé ou de la qualité de la vie des citoyens.

L’organisation de ce concours-photo nous a permis de rencontrer les différents objectifs de la démarche globale de création de liens entre le secteur culturel et la promotion de la santé. Au-delà du résultat concret de production de photos, nous avons également pu tirer plusieurs enseignements liés à la participation au projet :
– le travail en groupes rassemblés autour de la question «Qu’est-ce qui influence ma santé?» a permis de susciter des dynamiques particulières au sein de ceux-ci afin de les amener à développer leurs potentialités, aussi bien au niveau de leur capacité de réflexion qu’au niveau de leur capacité créative. Il a également permis, au sein de ces groupes, d’enrichir chaque personne à travers la confrontation d’idées, la stimulation intellectuelle et le renforcement du sentiment d’appartenance à un groupe;
– le thème choisi a permis aux groupes d’intégrer le concept de ‘santé globale’. Sans doute mieux que tous les schémas théoriques, ce travail de réflexion et de construction collective de photos a réellement plongé les participants au cœur des déterminants de la santé et de l’approche intersectorielle prônée par les acteurs de la promotion de la santé;
– l’utilisation de la photo permet aux personnes et aux groupes qui éprouvent des difficultés à s’exprimer de trouver un support d’expression où ils peuvent projeter leurs idées sans implication personnelle directe… même si nous avons pu remarquer que certains groupes n’ont pas hésité à se mettre en scène.

L’aventure continue…

Le projet ‘Culture et ‘Bien-être’ se poursuit et s’efforcera d’élaborer d’autres outils culturels encourageant l’implication active de la population sur les questions liées à la santé et à la qualité de la vie.

La Régionale de Charleroi du G.S.A.R.A. (Groupe socialiste d’action et de réflexion sur l’audiovisuel) a rejoint le groupe de pilotage du projet pour travailler avec lui à la réalisation de capsules audiovisuelles de sensibilisation sur la santé globale et le bien-être. L’objectif est qu’elles puissent être utilisées dans les associations, les maisons médicales et diffusées sur Télésambre. Pour les réaliser – en partant des groupes qui ont participé au concours-photo – l’équipe de tournage ira chercher la parole de jeunes, de personnes âgées, de mères, de femmes, de pères, d’hommes, d’handicapés, d’immigrés, de citoyens, de décideurs politiques… Montrer aux gens qu’ils sont plus acteurs de la santé, de leur santé qu’ils ne le pensent sera évidemment l’idée centrale de cette prochaine étape du projet !

Pour plus d’informations sur ce programme : Nancy Peltier ou Philippe Mouyart au 071 33 02 29.

(1) Voir l’article de S. Trappeniers et C. Feulien, ‘Santé, musique et contes, ou comment aborder des choses graves… avec légèreté’, Education Santé n° 264, février 2011, https://www.educationsante.be/es/article.php?id=1342
(2) Ce concours-photo a mobilisé les élèves de quatrième Humanité du Collège Notre-Dame de Bon Secours de Binche, ceux de sixième Humanité du Centre Scolaire Saint-Joseph – Notre-Dame de Jumet, l’Espace Citoyen de Dampremy, le Plan de Cohésion Sociale et le CPAS d’Anderlues, l’UCP Mouvement Social des Aînés (Énéo) de Gilly, ‘La Braise Culture’ asbl de Charleroi et ALTEO Mouvement Social de ‘Personnes malades, valides, handicapées’ à Charleroi. Voir l’article de Carole Feulien ‘La promotion de la santé en photos, une initiative du CLPS de Charleroi-Thuin’, n° 286, février 2013, https://www.educationsante.be/es/article.php?id=1557

Le ‘tracking’ au service de la promotion de la santé

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

En 2012, l’Inpes (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé) a mis en place un nouvel outil d’analyse le ‘tracking’. L’utilisation de cette technique d’analyse dynamique de la communication publicitaire d’une marque et de son incidence sur l’attitude et le comportement des consommateurs à son égard est innovante dans le champ sanitaire et social.

Pourquoi le ‘tracking’ ? L’Inpes souhaitait mettre en œuvre une procédure d’évaluation à la fois plus généraliste et plus régulière. D’où le choix d’une technique permettant notamment d’aborder dans un même questionnaire plusieurs thématiques de santé et de suivre dans le temps l’évolution des données recueillies.

Plusieurs objectifs à propos… des campagnes

Il s’agit de ‘post-tester’ les campagnes de communication, en mesurant tout d’abord les taux de mémorisation spontanée et de reconnaissance après visualisation. Ensuite, des questions de compréhension et de perception peuvent être posées. Enfin, les comparaisons des indicateurs de santé ‘avant/après’ et ‘exposés/non-exposés’ donnent des indications sur l’impact des campagnes. Un même dispositif de communication peut être testé plusieurs fois pour observer l’évolution de sa trace mémorielle.

… des dispositifs d’aide à distance

La plupart des campagnes de l’Inpes renvoient vers des dispositifs d’aide à distance (lignes téléphoniques ou sites internet). En plus des chiffres aujourd’hui disponibles sur l’évolution du nombre d’appels ou de clics en ligne, le ‘tracking’ permettra d’observer l’évolution de la connaissance et du recours à ces dispositifs, ainsi que d’identifier le profil des utilisateurs.

… et des indicateurs de santé

L’Inpes pourra également mesurer et suivre l’évolution des indicateurs de santé pour chaque comportement défini dans sa programmation (ex : arrêter de fumer), et identifier les déterminants psychosociaux de l’intention d’adopter ces comportements via la ‘théorie du comportement planifié’ (voir encadré).

En effet, les indicateurs de santé sont construits selon les théories et les méthodes psychosociales sur les comportements de santé, notamment celle proposée par Icek Ajzen en 1985. La mesure et le suivi de l’évolution de ces indicateurs renseignent sur l’impact des campagnes de communication au regard de plusieurs paramètres: l’intention, l’attitude, la norme et le contrôle. Par ailleurs, une analyse plus prospective de ces indicateurs permet d’orienter les stratégies de communication.

Des études bimestrielles

Après une première phase expérimentale, réalisée en juillet 2012, l’Institut a lancé deux vagues du ‘tracking’ en octobre et décembre auprès d’un échantillon représentatif de 3 000 personnes âgées de 15 ans et plus, recrutées dans le cadre d’un access panel (panel qualifié d’individus volontaires, créé à l’initiative d’une société d’étude) et interrogées sur internet. En plus des indicateurs relatifs à la connaissance et au recours aux dispositifs d’aide à distance, les indicateurs de santé de dix grandes thématiques ont été mesurés: le tabac, les risques solaires, l’alcool, la toxicomanie, les risques auditifs, la parentalité, la nutrition, l’activité physique, les accidents de la vie courante des jeunes enfants et la pollution de l’air intérieur.

En 2013, trois nouvelles thématiques ont été ajoutées – santé sexuelle, hygiène et vaccination –, portant ainsi leur nombre à treize. Afin de limiter la durée des questionnaires, elles sont désormais réparties en deux groupes distincts et explorées en alternance à un rythme mensuel auprès d’échantillons plus restreints (2 000 personnes).

La ‘théorie du comportement planifié’

La ‘théorie du comportement planifié’ (Ajzen, 1985) stipule que l’adoption d’un comportement de santé par un individu dépend directement de son intention d’adopter ce comportement, et cette intention dépend elle-même de trois déterminants psychosociaux majeurs : l’attitude (opinion de l’individu vis-à-vis du comportement), la norme sociale (opinion de l’entourage vis-à-vis du comportement) et le contrôle comportemental (facilité perçue à adopter le comportement).

Le ‘tracking’ mesure ces quatre paramètres – voire dans certains cas d’autres déterminants plus mineurs – pour chacun des comportements de santé identifiés.

Les items sont tous construits selon une logique particulière : ils ne sont pas présentés sous la forme de questions, mais d’affirmations à la première personne du singulier. Ils doivent être les plus spécifiques possibles. Quelques exemples : «Au cours des 30 prochains jours, j’ai l’intention d’arrêter de fumer» (intention). «Je pense qu’arrêter de fumer au cours des 30 prochains jours serait une bonne chose pour moi» (attitude). «Si j’arrêtais de fumer au cours des 30 prochains jours, les personnes qui comptent pour moi m’approuveraient » (norme). «Au cours des 30 prochains jours, il serait facile pour moi d’arrêter de fumer» (contrôle).

Parler santé aux ados

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Évoquer la santé avec des jeunes de 14 à 18 ans n’est pas chose aisée. Souvent, ils se montrent peu préoccupés par ce sujet et peu enclins à écouter les conseils de leurs aînés. Un nouvel outil permet de mettre en débat des problématiques comme les addictions, le stress, la mauvaise alimentation… au sein des classes ou d’autres groupes de jeunes.

Promouvoir la santé auprès des adolescents relève parfois de la gageure. Pourtant, ce public fortement concerné par des comportements à risques (tabac, alcool, drogues, alimentation peu équilibrée…) constitue une cible prioritaire dans les stratégies de promotion de la santé. Avec les adolescents, la prévention via l’information pure et simple ne semble pas être la bonne solution. En effet, le jeune, en pleine phase de construction de son identité, est par définition un être de contradictions, souvent en rébellion face à l’autorité, en recherche de nouveaux repères et de limites. Il n’hésite pas à expérimenter des conduites à risques.

Dans le domaine de la promotion de la santé, les actions ne sont pas rares autour des problématiques comme le binge drinking (consommation excessive et sur un court laps de temps d’une grande quantité d’alcool), le cannabis et son addiction mais aussi la conduite automobile — et en particulier les excès de vitesse —, les rapports sexuels non protégés, etc. L’approche se doit d’être adaptée aux jeunes pour que les messages soient réellement entendus. Par exemple, conseiller simplement à des ados de ne pas fumer risque de renforcer leur envie de braver l’interdit…

Développer l’esprit critique

Depuis la rentrée scolaire 2013, Infor Santé, le service de promotion de la santé de la Mutualité chrétienne, a mis sur la toile un outil spécifique afin de faciliter la communication ‘santé’ vers le public adolescent.

Pour Infor Santé, les adolescents ne sont pas des inconnus. Le service de promotion de la santé s’est déjà frotté à eux avec son outil pédagogique ‘Et toi, tu manges quoi ?’ . Au travers de ‘petits débats entre ados’ , il s’agissait d’aborder des thématiques relatives à l’alimentation, comme les régimes, les fast-foods, les produits light, l’alcool, les allégations santé, le développement durable, l’activité physique.

Le principe qui avait guidé l’outil est simple : pour changer les comportements des jeunes, il s’agit avant tout de leur permettre de développer leur esprit critique et leur estime de soi. C’est une animation basée sur le débat qui a été proposée aux professionnels en contact avec les jeunes: le ‘frasbee’. Contraction de ‘phrase’ et de ‘frisbee’, cette technique participative invite les jeunes à prendre position sur des affirmations et à échanger leurs arguments respectifs. Les phrases vont et viennent au sein du groupe, sans que l’animateur n’apporte lui-même d’information. Il recadrera le débat et complètera l’information si nécessaire.

Et de deux

Ce nouvel outil de la Mutualité chrétienne a obtenu un ‘coup de cœur’ du jury d’experts de l’Outilthèque PIPSA. Carton plein donc pour Infor Santé, dont le projet ’11 bouge’ avait obtenu la même distinction voici un peu plus d’un a, (1).

En une heure d’animation, les jeunes consommateurs peuvent ainsi envisager tout ce qui les pousse à faire des choix au quotidien, en prendre conscience et s’interroger sur leurs comportements. Ils posent un premier pas vers un esprit critique plus affûté… Intéressant, par exemple, de découvrir que les composants des boissons énergisantes sont détaillés sur les canettes et que la taurine ne provient pas des testicules des taureaux, mais est un acide aminé.

Des réseaux sociaux aux produits light

Voilà quatre ans que tourne ‘Et toi, tu manges quoi’ , auprès des professionnels de l’éducation, du social et de la santé. Infor Santé constate que l’outil fonctionne plutôt bien. Les jeunes apprécient de s’exprimer librement, de partager leurs connaissances. Et leurs professeurs se disent séduits par ces nouvelles techniques d’apprentissage et de partage des savoirs. Alors pourquoi s’arrêter à l’alimentation et ne pas aborder d’autres thèmes liés à la santé via cette technique ?

Infor Santé a choisi d’élargir l’objet des débats. Il crée aujourd’hui ‘Et toi, t’en penses quoi ? Débats entre ados’ , une version 2.0 du premier outil pédagogique. Au menu, pas moins de quatorze thématiques à aborder avec les jeunes de 14 à 18 ans: alcool, boissons énergétiques, consommation durable, drogues et addictions, eau et soda, fastfood, vie relationnelle et affective, produits light, régimes, réseaux sociaux, activité physique, stress, tabac, habitudes alimentaires.

Chacune des thématiques a été travaillée avec des experts en la matière (psychologues, médecins, spécialistes des nouvelles technologies…) et testée auprès de classes et groupes de jeunes, de manière à les rendre les plus adaptées possible à leurs réalités.

Un site complet et pratique

Essentiellement conçu pour les éducateurs, les enseignants, les animateurs… l’outil se présente sous la forme d’un site internet : https://www.et-toi.be. On peut y trouver toutes les informations pratiques sur la philosophie de l’outil (basée sur le développement et le renforcement de l’estime de soi notamment), le principe et les données techniques de l’animation, ainsi que de la théorie et des fiches d’animation spécifiques par thématique. ‘Mon dossier’ permet même de constituer un support d’animation sur mesure. En trois clics, l’animation est charpentée et documentée, prête à l’emploi. De quoi satisfaire tout animateur en herbe ou confirmé ! Bien entendu, le site est accessible à tout un chacun, du parent qui s’interroge sur l’une ou l’autre des thématiques abordées, à l’ado qui se montre curieux d’avoir une première information validée.

Une formation complémentaire

Tous les professionnels ne sont pas des gestionnaires de débats aguerris. Pour ceux qui le souhaitent, une formation complémentaire gratuite accompagne l’outil. Des sessions ouvertes à tous sont organisées sur l’ensemble de la Fédération Wallonie-Bruxelles. L’occasion d’approfondir la technique du ‘frasbee’, les fonctionnalités du site mais aussi et surtout de développer ses compétences en gestion de débat.

Pour de plus amples informations sur l’outil et sur les formations: https://www.et-toi.be

Le débat comme outil

“Et toi, t’en penses quoi ?“ s’appuie sur la technique du ‘frasbee’. Des phrases sont lancées comme des frisbees pour susciter le débat; elles vont et viennent entre les participants.

Exemples des phrases de débat préparées pour 14 thématiques sur https://www.et-toi.be :
“Passer quatre heures par jour devant un écran, c’est acceptable.“
“Si on fait du sport, on peut manger plus.“
“Tant que tu gères ta consommation, tout va bien!“
“Le light, c’est pour les filles.“
“Des fraises à Noël, pourquoi pas?“
“Fumer, ça donne un genre.“

Et la discussion est lancée…

Cet article est paru dans En Marche le 19 septembre 2013. Nous le reproduisons avec son aimable autorisation.

(1) Voir l’article ’11 bouge avec la Mutualité chrétienne’ de Maryse Van Audenhaege et Carole Feulien, Éducation Santé n° 285, janvier 2013, https://www.educationsante.be/es/article.php?id=1543

Inégalités sociales de santé à Bruxelles : pas seulement une question de soins

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Le 14 novembre dernier, la Fédération des institutions médico-sociales (FIMS) organisait au Parlement francophone bruxellois une rencontre autour des réalités en matière d’inégalités sociales de santé en Région bruxelloise. Différents acteurs ont mis en lumière les problèmes et besoins propres à une ville-région telle que Bruxelles – lieu de croisement, de proximité, de diversité culturelle, de fortes différences sociales – et ont tenté d’apporter des pistes de solution aux problèmes rencontrés.

D’emblée, le sociologue de la santé Vincent Lorant (1) a mis les pieds dans le plat en affirmant que, si les inégalités de santé constituent un problème important et complexe, celui-ci ne figure pourtant pas encore à l’agenda politique.

«Le paradoxe, c’est que nos économies développées, non seulement celle de la Belgique, mais aussi des pays disposant d’une protection sociale encore plus forte que la nôtre (les pays scandinaves, par exemple), n’ont pas éliminé les inégalités de santé, même si l’espérance de vie, elle, s’est effectivement améliorée» , explique Vincent Lorant. «Autrement dit, les espoirs que l’on aurait pu placer dans la protection sociale pour réduire les inégalités de santé n’ont pas encore été rencontrés jusqu’ici. Et nous ne possédons actuellement aucune indication au niveau international qui démontre que les systèmes de protection sociale conduiront à une élimination des inégalités sociales de santé.»

Approche des inégalités par le gradient social

Alors, pourquoi les inégalités de santé ne diminuent-elles pas ? L’approche ‘pauvre’ versus ‘non pauvre ‘ n’est pas la bonne, observe le sociologue. «Il faut s’intéresser aux inégalités qui existent au niveau de l’ensemble de la population. Elles suivent en effet une distribution socialement stratifiée au sein de la population.» Cela signifie que chaque catégorie sociale présente un niveau de mortalité et de morbidité plus élevé que la classe immédiatement supérieure.

C’est pourquoi on parle de ‘gradient social’ des inégalités de santé. «L’approche par le gradient social, évidemment plus complexe que celle qui s’intéresse à l’opposition de populations pauvres et non pauvres, explique peut-être pourquoi il est si difficile de mettre les inégalités sociales de santé à l’agenda» , avance Vincent Lorant.

Nouvelles formes de stratification sociale

Les inégalités sociales de santé sont appréhendées et étudiées à partir de sources de stratification sociale telles que le revenu, la scolarité, l’emploi, la richesse, etc. «Á Bruxelles, on voit apparaître de nouvelles formes de stratification sociale. L’une d’elles, très importante, est l’ethnicité. Un sujet difficile à aborder en Belgique. Ainsi, à Bruxelles, on compte 6 % de chômeurs parmi les personnes de nationalité belge contre 22 % chez celles qui ont la nationalité turque ou marocaine.»

Le milieu de vie, le quartier constituent une autre forme importante de stratification sociale.

Pour illustrer le fait que cette dernière entraîne des inégalités sociales de santé, le sociologue fait référence à ‘l’effet Titanic’ , un modèle utilisé en santé publique qui montre que nous ne sommes pas tous égaux face à un événement aléatoire, comme ce fut le cas lorsque chavira le Titanic. «Les groupes sociaux les plus précaires, confrontés à un événement aléatoire qui ne relève pas de leur responsabilité – on peut donc mettre de côté les comportements de santé – présentent en effet un diagnostic vital moins bon que les groupes sociaux favorisés.»

Niveau d’instruction et tabagisme

Le niveau d’instruction est une autre forme de stratification et non des moindres: «Si l’espérance de vie à 25 ans augmente dans toute la population, l’accroissement de celle-ci est légèrement plus fort dans les groupes où le niveau d’éducation est supérieur» , constate le sociologue.

Par ailleurs, lorsqu’on s’intéresse aux inégalités liées aux comportements de santé, le tabagisme doit être pris en compte étant donné, non seulement et évidemment, le fléau qu’il représente pour la santé, mais aussi parce qu’il est plus important dans les groupes peu scolarisés.

«Les inégalités liées au tabagisme augmentent en Belgique, tant chez les hommes que chez les femmes. Dans la littérature, il apparaît qu’un quart à un tiers des inégalités de santé sont dues au tabac. Quand on sait que le tabagisme est un comportement qui s’acquiert entre 12 et 18 ans, on possède là une voie importante pour prévenir et agir.»

Nouvelles approches

Pour Vincent Lorant, les comportements de santé ne relèvent pas de la décision individuelle. Ils sont appris et maintenus au sein de groupes. «Il faut donc les appréhender au départ des groupes et cesser de les aborder dans une perspective purement individuelle. Les acteurs en santé peuvent, par exemple, utiliser les effets des réseaux sociaux pour améliorer et modifier les comportements de santé.»

L’approche par le ‘nudging’ , d’origine anglo-saxonne, constitue une autre piste pour lutter contre les inégalités sociales de santé. «Elle consiste à aider les individus à faire les bons choix de santé. Nous sommes en démocratie, on ne peut pas les forcer à opter pour des comportements sains. Mais on peut faire en sorte que les choix les plus faciles à faire soient aussi les meilleurs pour la santé. Á Chicago, une très belle expérience a ainsi montré qu’en modifiant la disposition des aliments dans les cantines scolaires, la consommation d’aliments sains a augmenté de 30 %.»

Enfin, Vincent Lorant insiste sur la nécessité d’inclure les malades chroniques dans la vie sociale. «Notre système de protection sociale a ceci de très problématique pour les malades chroniques, notamment dans le domaine de la santé mentale, qu’il les met très vite hors du marché de l’emploi. Ces malades vivent alors avec des indemnités d’incapacité ou d’invalidité. Mais au final, ce mode de fonctionnement n’est pas favorable à leur état de santé ni à leur réseau social. Évitons donc que les malades chroniques quittent les différents milieux sociaux desquels ils tirent des bénéfices et des utilités sociales.»

Des échos de terrain

Écoles favorisées, écoles défavorisées

Le Service de promotion de la santé à l’école de Bruxelles-Capitale veille sur la santé de quelque 50 000 élèves répartis dans 40 établissements bruxellois. «Ces écoles concentrent des populations socio-économiques et culturelles très différentes», explique Mina Loukili , infirmière responsable à l’antenne du Service PSE de Bruxelles-Capitale. «Si quelques écoles accueillent des jeunes issus d’un milieu socio-économique et culturel aisé, la majorité d’entre elles sont des écoles dites défavorisées, avec notamment une population immigrée, venant d’horizons très variés. Elles comptent, par ailleurs, un nombre important d’enfants primo-arrivants.»

Jana Leban , médecin scolaire au Service PSE, observe, quant à elle, des différences criantes entre les écoles favorisées et les autres. «Dans une école favorisée où les classes comptent 20 à 25 élèves, il est habituel de dépister, par classe, cinq élèves porteurs d’une pathologie. Par contre, dans une école défavorisée avec des classes d’enfants de même nombre et d’âge identique, si cinq enfants ne présentent aucune pathologie dans une classe, on trouve cela très bien ! Certains enfants cumulent plusieurs pathologies. Les enfants ne nous arrivent donc pas avec un ‘capital de départ égal’ en santé. »

Dans une école favorisée, les parents anticipent généralement les problèmes. Il y a donc peu de pathologies. «Lorsque nous demandons des résultats ou des documents, nous les obtenons» , explique le Dr Leban. Quand une pathologie est dépistée, les parents réagissent dans les heures ou les jours qui suivent. Il y a un suivi de notre travail. Dans nos écoles défavorisées, nous avons le sentiment que notre charge de travail peut facilement être multipliée par trois, voire par cinq.»

Le Service PSE met en place des permanences dans les écoles afin d’aider les parents à comprendre et à compléter les documents, les questionnaires médicaux, ainsi que les autorisations de vaccination. Les Services PSE, qui ont aussi pour mission de collecter les données vaccinales, constatent trop souvent que ces données n’existent pas dans les écoles défavorisées. «Le carnet de vaccination est incomplet, voire perdu.»

Lorsqu’une pathologie est détectée, un document la décrivant brièvement est remis à l’enfant, à l’attention de ses parents. «Aussi simples soient-ils, ces documents ne sont pas compris. Nous devons faire des rappels aux parents, avoir un contact personnel avec eux pour leur expliquer de quoi il s’agit, quelles sont nos motivations. Si nous n’agissons pas de la sorte, il n’y a pas de réaction de leur part.»

Le docteur Jana Leban met en évidence le grand décalage entre le souci de dépistage des centres PSE et les préoccupations des familles qui, elles, sont totalement prises par leur quotidien, tant leur vie est difficile.

«Nous faisons notre travail au mieux de nos possibilités et je pense que nous le faisons bien» , analyse Jana Leban. «Nous dépistons un maximum de pathologies, mais il y a un réel manque au niveau de l’éducation pour la santé – qu’il s’agisse de l’hygiène, de la prévention des maladies, des addictions – que l’on pourrait apporter aux enfants, aux familles et aux éducateurs en général. L’éducation pour la santé apporterait un ‘plus qualitatif’ à notre travail. Dans le domaine de la santé scolaire, il est fondamental d’atteindre les enfants dans leur milieu scolaire, de faire des animations, de la prévention. Il est important de pouvoir également atteindre les parents ainsi que les enseignants pour qu’ils soient un relais dans l’éducation des enfants. Nous manquons malheureusement de temps et d’effectif pour faire ce travail à fond» , déplore le médecin scolaire.

Santé mentale: agir dans les milieux de vie

Manu Gonçalves , assistant social et co-directeur au Service de santé mentale Le Méridien affirme, lui aussi, que les inégalités sociales de santé sont moins le fait d’une inégalité face aux soins de santé que la conséquence d’un ensemble d’inégalités: économiques, sociales, structurelles…

Aussi estime-t-il que toute politique de santé publique visant la réduction des inégalités sociales de santé ne saurait se limiter à des dispositifs de facilitation de l’accès à la santé.

«Agir sur les inégalités passe aussi par une politique publique qui vise les déterminants de la santé, et par des actions de promotion de la santé et de prévention qui donnent aux individus et aux groupes sociaux les moyens de mieux s’approprier ce capital santé. Les manettes du changement ne sont pas entre les seules mains des services ambulatoires, en amont de la pratique. Il est indispensable qu’une action politique de lutte contre la pauvreté se dote des moyens nécessaires.»

Il identifie plusieurs pistes de solutions tirées des pratiques. «Une offre en santé mentale trouve son public si elle habite son lieu d’implantation, si elle est ouverte sur son environnement immédiat. Il est donc nécessaire de travailler au plus près du lieu de vie des gens. Il est d’abord important de poser un diagnostic des ressources et des besoins sur base d’un territoire, en tenant compte du fait que les populations changent dans les territoires. Il faut ensuite privilégier une approche basée sur la connaissance des institutions qui nous entourent et sur les partenariats.»

Il est également important que les dispositifs d’aide et de soins, de culture, de formation, d’alphabétisation, de sport restent différenciés afin de laisser aux personnes le choix d’aller et de se déposer là où elles le souhaitent. «En santé mentale, les usagers doivent pouvoir bricoler ce qui leur est utile et nécessaire pour trouver un équilibre.»

Manu Gonçalves encourage aussi à cibler les publics défavorisés et à mettre en place des approches qui tiennent compte de leurs réalités. Il considère en outre qu’il est utile d’avoir une vue d’ensemble du système sur lequel on se propose d’intervenir. «Pour cela, on n’a encore rien trouvé de mieux que de se concerter avec les personnes pour les aider à développer les ressources sur lesquelles elles peuvent s’appuyer. Il faut donc soutenir le capital social des personnes. Ce sont les relations sociales, tout autant que les interventions des professionnels, qui fournissent aux individus les ressources pour leur santé.»

Enfin, briser le cercle vicieux et remettre les gens au travail. «Si le travail n’est pas possible, il faut alors impliquer les personnes dans des projets variés qui touchent au ‘vivre ensemble’ et au ‘vivre bien’. Ces projets ne doivent pas nécessairement être en lien avec la santé mentale pour produire des effets sur la santé mentale. L’approche de santé mentale communautaire, les divers projets de cohésion sociale sont, à ce titre, de bons exemples.»

Première ligne : accessibilité financière

Pierre-Yves Van Gils , médecin généraliste à la Maison médicale du Maelbeek à Etterbeek, estime de son côté que la réduction des inégalités de santé passe par une accessibilité aux soins, en particulier pour les personnes précarisées. «Cette accessibilité a été un pilier fondateur de la Maison médicale du Maelbeek lorsqu’elle fut créée en 1976.»

Le tiers-payant y était très souvent pratiqué avant d’être remplacé, il y a deux ans, par le mode de paiement forfaitaire qui permet l’accès sans paiement aux soins de première ligne. «Étant donné que nous avons atteint le nombre maximum de patients affiliés à notre structure, nous ne pouvons plus prendre de nouvelles inscriptions, mais nous restons ouverts à l’inscription des personnes référées par les CPAS ou les services sociaux, comme des personnes bénéficiant de l’aide médicale urgente (AMU) ou des patients psychologiquement fragiles qui hésitent parfois à signer un contrat» , explique le Dr Van Gils.

Ceci dit, à la Maison médicale du Malbeek, il n’y a pas que l’aspect financier qui permette l’accès aux soins de santé. D’autres facteurs y contribuent : «Notre équipe est sensibilisée à l’accueil des personnes fragilisées, d’une part. D’autre part, nous travaillons de manière transdisciplinaire, ce qui offre une porte d’entrée vers tous les secteurs de la Maison médicale : la consultation de la psychologue, de l’assistante sociale, les activités pour les enfants, les activités intergénérationnelles, celles centrées sur la prévention. De plus, nous travaillons également en réseau et collaborons avec les éducateurs de rue, la maison de quartier Chambéry, le service social de la commune et du CPAS, le CIRÉ (Centre d’initiation pour réfugiés et étrangers), etc.

Nous avons créé il y a plus de dix ans un réseau d’entraide où les gens proposaient leurs services et leurs savoirs. Notre réseau a évolué avec l’âge de nos seniors. Nous avons redynamisé et réorienté le réseau en invitant les seniors peu ancrés dans des liens sociaux à participer comme experts à des activités : ateliers créatifs avec les enfants et les mamans de l’espace parents-enfants, tricot, réunions à thème, exposition d’œuvres à la semaine des seniors actifs de la commune, animations par les livres, les histoires… Car appartenir à un groupe social, avoir un lien notamment intergénérationnel, pouvoir donner son avis, retrouver l’estime de soi, avoir une activité, une responsabilité, une capacité à solliciter l’aide de l’entourage, sont autant de facteurs qui améliorent la vie et la santé.»

Le personnel de la Maison médicale prête, par ailleurs, une grande attention à la problématique, très importante, du logement. «Dès la création de l’agence immobilière sociale d’Ixelles, nous avons participé activement, avec d’autres partenaires sociaux, à la mise en place du projet ‘Transit Toit’. Il s’agit de logements de transit qui permettent aux personnes sans domicile fixe de pouvoir sortir de la rue et de rétablir, à partir de ce nouveau domicile, leurs différents droits sociaux (aide sociale, chômage…). Un accompagnement soutenu de notre part leur permet de retrouver un logement plus définitif. Nous aidons également toutes les personnes en recherche de logements sociaux à introduire leur dossier auprès de l’agence immobilière et leur assurons, dès leur entrée dans un logement, une guidance sociale durant la première année afin de garantir la réussite de leur projet. Depuis quelques mois, nous participons à la mise en place d’un groupe d’épargne collective et solidaire afin de permettre à des familles à revenus modestes d’accéder à la propriété.»

Autant d’initiatives qui, espérons-le de tout cœur, permettront de contrer les effets de la stratification sociale et ce faisant, de réduire les inégalités sociales de santé à Bruxelles.

Quelques chiffres révélateurs des inégalités à Bruxelles

• Le taux de femmes vivant seules et de familles monoparentales n’a cessé d’augmenter au cours des dernières décennies. Ainsi, en 2007, 25 % des femmes vivaient seules et 34,7 % des ménages avec enfants étaient des familles monoparentales.

• Un peu plus d’un quart des bébés bruxellois naissent dans un ménage sans revenu du travail (25,5 %), et près d’un quart des enfants de moins de 18 ans (22,7 %) grandissent dans ces conditions.

• Un adolescent sur quatre et une jeune fille sur six ont quitté l’école sans avoir obtenu le diplôme de l’enseignement secondaire supérieur. Ces jeunes Bruxellois ont beaucoup de difficultés à s’insérer sur le marché du travail: moins d’un tiers (31,9 %) ont un emploi.

• Si 17,7 % des élèves bruxellois en première année de l’enseignement secondaire ont déjà accumulé au moins deux ans de retard, cette proportion dépasse les 20 % dans les communes les plus pauvres, la plus haute étant observée parmi les élèves résidant à Saint-Gilles (26,7 %). Parmi les élèves résidant dans les communes à statut socio-économique élevé, cette proportion est nettement plus basse, comme à Woluwe-Saint-Pierre où elle est de 5,5 % à peine.

• En septembre 2013, le pourcentage de Bruxellois au chômage était de 17,4 %. Le taux de jeunes Bruxellois au chômage s’élevait quant à lui à 32,3 % !

• Le taux de chômage en Région bruxelloise varie fortement d’une commune à l’autre: le plus faible est observé à Woluwe-Saint-Pierre (9,8 %) et le plus élevé à Saint-Josse-ten-Noode (29,5 %). Cela représente un facteur qui influence évidemment le niveau de revenu annuel des habitants, qui diffère également de façon importante selon les communes bruxelloises : il varie de 13 289 € à Saint-Josse à près du double (22 773 €) à Woluwe-Saint-Pierre.

• Approximativement un tiers des Bruxellois (33,7 %) doit vivre avec un revenu inférieur au seuil de risque de pauvreté (2013).

• Un cinquième de la population active bruxelloise dépend d’un revenu de remplacement ou de l’aide sociale.

• 25,8 % de la population bénéficie de l’intervention majorée soins de santé ou du statut OMNIO.

• Le coût élevé du logement, qui continue d’augmenter, pèse de plus en plus lourdement dans le budget des ménages bruxellois. En outre, le nombre croissant de familles sur liste d’attente pour un logement social témoigne de l’augmentation continue du déficit en logements sociaux: moins de la moitié des demandes (47,7 %) sont satisfaites.

Source : ‘Rapport bruxellois sur l’état de la pauvreté 2013’ par l’Observatoire de la santé et du social Bruxelles-Capitale. Consultable à l’adresse : https://www.observatbru.be/documents/graphics/rapport-pauvrete/barometre-social-2013.pdf

(1) Vincent Lorant est professeur à la Faculté de Santé publique et à l’Institut de recherche santé et société (IRSS) de l’Université catholique de Louvain.

‘e-vax’, le nouveau système électronique de commande de vaccins

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

D’après un communiqué de la Ministre de la Santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles

La Ministre Fadila Laanan concrétise le projet ‘e-vax’, système de commande de vaccins mis à disposition des vaccinateurs pour les enfants et adolescents.

‘e-vax’, c’est tout d’abord un outil qui permet de passer d’un système papier à un système électronique de commande de vaccins.

Chaque vaccinateur, qu’il exerce dans le cadre d’une pratique isolée, d’une pratique de groupe, d’une institution hospitalière ou d’une organisation préventive tel l’ONE ou la Promotion de la santé à l’École (PSE), pourra, à terme, commander les vaccins via ce nouveau système. Il disposera, en fonction de sa pratique, d’une certaine quantité de vaccins, dont l’application tiendra compte pour un suivi de l’évolution des stocks. Lorsque la quantité minimale sera atteinte, le vaccinateur pourra introduire une nouvelle commande de vaccins. Cette commande sera automatiquement envoyée aux divers fournisseurs et livrée à l’adresse et au moment choisis par le vaccinateur lui-même.

La plateforme web est sécurisée et n’est accessible qu’aux vaccinateurs via une authentification personnelle garantie par FEDICT, le Service public fédéral des technologies de l’information et de la communication.

Faciliter les commandes et constituer une banque de données

Outre l’objectif d’améliorer le système de commande de vaccins, l’ambition d’ ‘e-vax’ est de constituer progressivement une banque de données vaccinales conservant l’historique vaccinal de chaque individu. Cet historique vaccinal d’un individu ne sera accessible qu’aux vaccinateurs inscrits à ‘e-vax’ et qui ont une relation de soins préventifs ou thérapeutiques avec ce patient.

Garder une trace centralisée des dates de vaccination du bénéficiaire lui permettra d’éviter les soucis induits par la perte de sa carte de vaccination ‘papier’.

L’intérêt de la banque de données ira croissant au fur et à mesure de la généralisation du système à tous les vaccinateurs, pour autant que le plus grand nombre de patients acceptent de voir leurs données vaccinales reprises dans ce registre.

Comment va se déployer l’utilisation d’ ‘e-vax’ ?

Les vaccinateurs seront progressivement invités à utiliser ce nouveau système au cours de cette année 2014. Ils recevront toute l’information nécessaire en temps utile.

Pour utiliser la plateforme, il suffit de disposer d’un ordinateur, d’un lecteur de carte d’identité électronique ou d’un token, d’une connexion à Internet et d’une adresse électronique. Toute nouvelle inscription sera validée et confirmée par l’envoi d’un courriel avant que l’utilisation d’‘e-vax’ soit permise.

Dès à présent, les Services de Promotion de la Santé à l’École sont appelés à l’utiliser. À partir du mois d’avril, les médecins généralistes et pédiatres seront invités à s’inscrire sur la plateforme. En fin d’année, les consultations de l’ONE seront à leur tour invitées à participer.

Cette nouvelle application sera accessible via le lien suivant : https://www.e-vax.be.

Trop de proximité entre les firmes et les personnes chargées de les réguler

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Communiqué par la Revue Prescrire N° 364, février 2014

Les firmes ont imposé leurs intérêts et leurs valeurs au détriment des politiques pharmaceutiques et des pratiques médicales.

Le Centre d’éthique de l’université Harvard (États-Unis d’Amérique) a publié ‘Corruption institutionnelle et politique pharmaceutique’.

Seize auteurs y décrivent différents aspects de la corruption institutionnelle des politiques pharmaceutiques et des pratiques médicales dans le monde, au sens où celles-ci sont détournées de leurs objectifs et de leurs valeurs d’intérêt général par l’intérêt particulier des firmes pharmaceutiques.

«En conséquence, les soignants peuvent penser qu’ils utilisent une information fiable pour appuyer des pratiques solides, alors qu’en fait ils s’appuient sur une information biaisée pour prescrire des médicaments qui ne sont pas nécessaires ou qui sont dangereux, ou plus chers que des médicaments équivalents».

Une autre analyse universitaire étatsunienne a montré qu’au fil des années s’est développée une culture commune entre les personnes travaillant pour les firmes et celles travaillant pour l’agence du médicament, la FDA. Ces dernières sont devenues ‘pro-industrie’, partageant les conceptions des firmes (ce qui est dénommé ‘capture de régulation’), notamment en admettant qu’ «il faut faire un compromis entre innovation et sécurité». Au total, «les organisations politiques de l’industrie pharmaceutique mondiale sont arrivées à fixer les termes de la discussion sur la façon dont les firmes doivent être régulées».

‘Corruption institutionnelle’, ‘capture de régulation’, les mots sont forts, à la hauteur des dégâts causés par la situation qu’ils décrivent. Plus que jamais, penser et agir dans l’intérêt premier des patients est l’antidote indispensable au détournement des politiques d’intérêt public dans le domaine de la santé.

Trois jours à Bordeaux, entre soleil et prévention… Retour sur le Congrès de l’ADELF et de la SFSP

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

En octobre dernier a eu lieu le Congrès de santé publique co-organisé par l’Association des Épidémiologistes de langue française (ADELF) et la Société Française de Santé Publique (SFSP).

À peine arrivée en Aquitaine, il ne m’a pas fallu longtemps pour faire des rencontres intéressantes puisque dans le tram, j’ai rencontré fortuitement une professeure d’université libanaise et une collègue luxembourgeoise, toutes deux à la recherche comme moi de l’Université Victor Segalen de Bordeaux 2 où se tenait le congrès. Le repérage des lieux était plutôt difficile, surtout sous un soleil de plomb, chargées comme nous étions de nos posters, mallettes, ordinateurs et autres objets encombrants. Nous avons dû marcher longuement avant de trouver l’Institut de Santé Publique, d’Épidémiologie et de Développement, où l’accueil charmant de l’équipe organisatrice nous fit rapidement oublier ce démarrage un peu compliqué.

Première mission pour Éducation Santé, monter son petit stand : un poster, une table, quelques dizaines de numéros de la revue parus cette année (1). En moins de deux heures, elles avaient toutes disparu ! Tant mieux…

Nous avons eu la chance ensuite de pouvoir exposer notre affiche dans l’espace réservé aux posters (scientifiques pour la plupart), répartis par thématiques tout le long de l’allée menant aux salles de travail : éducation pour la santé, santé au travail, inégalités… plus de 200 présentations imprimées au total, impressionnant !

La séance plénière d’ouverture a ensuite accueilli Alain Poirier, ancien Directeur national de santé publique du Québec, qui s’est penché sur la question essentielle de la ‘production de santé’ par les politiques. Ces derniers sont souvent débordés par la production de soins et services, alors que la santé est partout : aménagement urbain, éducation, logement, famille, transport, travail… Autant de lieux de décision à influencer pour améliorer la santé et prévenir la maladie.

Les sessions parallèles ont ensuite abordé des thèmes aussi intéressants que variés : dépistage des cancers chez la femme, prévention et réduction des risques, santé publique à l’hôpital, vaccination, réduction des inégalités de santé, prévention nutritionnelle, prévention des risques environnementaux, etc.

De quoi occuper nos longues journées, de 8h30 à 19h ! Éducation Santé a assisté pour vous à quelques ateliers, comme vous le lirez plus loin.

Le midi, nous pouvions profiter du superbe soleil bordelais (quelques jours «au-dessus des moyennes saisonnières» annonçaient les radios locales) en dégustant le ‘pack’ dîner que l’on nous concoctait chaque midi, généreusement rempli de petits pains garnis, de pain d’épice au foie gras et autres produits locaux, agrémentés d’un sympathique verre de Bordeaux. Le tout sur les pelouses verdoyantes de l’université, on ne va pas s’en plaindre.

Les sessions et ateliers d’échange

La session ‘évaluation des interventions complexes’ portait bien son nom… Complexe d’abord parce que la salle, trop petite, ne permettait pas d’asseoir tout le monde. Les orateurs étaient peu audibles du fond, énervant les uns, rendant les autres agressifs et ruinant finalement l’ambiance attendue de partage et d’échanges… Par ailleurs, les interventions étaient très orientées ‘recherche’, nous imposant des discours fort techniques.

Toutefois, on notera l’intervention communiquée avec humour et un accent québécois délicieux d’ Éric Breton, sur l’approche réaliste en évaluation de programmes. Celui-ci, pour illustrer cette approche, nous a parlé d’une intervention pour le moins inhabituelle sur deux porte-avions où l’on a sensibilisé et formé le personnel de cuisine afin de changer les pratiques de préparation des repas pour les marins.

Philippe Lorenzo , IREPS Picardie, a quant à lui mis en évidence le projet École 21, un dispositif pilote franco-belge innovant qui s’appuie sur le croisement des approches de promotion de la santé (Charte d’Ottawa et Écoles en santé) et du développement durable (Agenda 21). En effet, le plan d’actions des écoles participantes, accompagnées par des professionnels du secteur, doit promouvoir le bien‐être, la santé et la citoyenneté en leur sein, en s’appuyant sur une vision durable, environnementale, sociale et économique.

Ces deux initiatives de terrain ont heureusement agrémenté la session en lui conférant un caractère concret bienvenu.

Au contraire de la précédente, la session ‘éducation pour la santé’ était beaucoup plus axée sur des projets pratiques, de terrain. Avant de débuter une présentation passionnante sur une action de soutien à l’accessibilité des fruits et légumes pour les bénéficiaires de l’aide alimentaire, Geneviève Le Bihan , responsable de l’IREPS Languedoc-Roussillon, a quelque peu choqué l’assemblée en annonçant le dépôt de bilan de son institution l’avant-veille du congrès. «À l’heure où l’on parle de nouvelle politique de santé, il est temps de se poser des questions pour le personnel encore en place dans le secteur aujourd’hui…» a-t-elle dit.

Les autres présentations étaient également très intéressantes, un véritable partage d’expériences plus qu’un étalage de connaissances scientifiques ou de communications doctorales. Par exemple, Cécilia Sallé, IREPS Pays de la Loire, nous a parlé de ses ateliers santé auprès de personnes en difficultés sociales, espaces de réflexion où l’on peut élargir ses représentations, favoriser la création de lien et créer de ‘petits déclics’ pour entreprendre une démarche sociale.

Lors de la session ‘prévention, communication, information’ , différentes initiatives ont été mises en évidence comme une semaine d’information sur la santé mentale, des actions d’éducation et de prévention des comportements à risque à destination des étudiants, ou encore un service de rédaction de revues critiques de littérature pour faciliter le travail des acteurs de terrain par nos collègues de l’UCL-RESO. Les présentations ont soulevé beaucoup de questions, les participants avaient un intérêt réel pour les projets et semblent avoir appris pas mal de leurs pairs.

Il est à noter que d’autres intervenants belges étaient aussi de la partie parmi lesquels Axelle Vermeeren, Béatrice Swennen et Marie-Christine Miermans pour un exposé sur l’évaluation de l’implantation de la vaccination contre le papillomavirus dans les pratiques des services de santé scolaire en Fédération Wallonie-Bruxelles et un autre sur les résultats des mesures de couverture vaccinale en deuxième secondaire.

À la session intitulée ‘la publication scientifique par les acteurs de promotion de la santé : enjeux, besoins, initiatives’ , nous avons pu assister aux exposés de fervents défenseurs des enjeux de la publication en promotion de la santé parmi lesquels notre invité 15 jours plus tard, Alain Douiller, directeur du Codes Vaucluse (voir l’article de Christian De Bock dans ce numéro).

Il nous a entretenus des difficultés à faire écrire et publier par les acteurs de terrain de l’éducation pour la santé et ainsi de valoriser leur savoir-faire et leurs compétences. C’est avec feu l’IREPS Languedoc-Roussillon que le Codes 84 a co-organisé pour le secteur des modules de formation à l’écriture gratuits, alternant exercices pratiques et jeux d’écriture, apports didactiques et suivi personnalisé des projets d’écriture de chaque participant.

Le bonheur humain

Pour la plénière du dernier jour, le congrès a accueilli Michel Grignon, Directeur du CHEPA (Centre for health economics and policy analysis) de l’Université MacMaster d’Ontario (Canada) et Directeur de recherche associé à l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé (France).

Celui-ci a tenté de détricoter les idées fausses que la santé publique se fait de l’économie, parmi lesquelles celle qu’elle s’intéresse seulement à l’argent, oubliant la vraie valeur des choses, ce qui expliquerait pourquoi la prévention a l’impression d’être mal lotie par rapport au curatif. Sur un ton tantôt humoristique, tantôt provocateur, il a essayé de convaincre l’assemblée que l’économie partageait pourtant avec la santé publique le même souci du ‘bonheur humain’, mais avec des conceptions différentes qu’il convient d’essayer de faire se rejoindre pour pouvoir réaliser des projets de santé publique soutenus par les économistes… Il va sans dire que son exposé a suscité pas mal de réactions dans le public, loin d’être totalement conquis par cet orateur aux avis bien tranchés mais laissant place au débat.

Enfin, en discours de clôture, Pierre Lombrail, Président de la SFSP, nous a rappelé les grands principes de l’éducation pour la santé réaffirmés à l’occasion de ces trois jours de réflexion, ce qui est plus utile que jamais, tant en France qu’en Fédération Wallonie-Bruxelles d’ailleurs.

Ensuite, après l’attribution de deux ‘prix du poster’ par un jury représenté par Patrick Peretti-Watel, sociologue à l’INSERM dont notre revue est très ‘fan’ et Corinne Le Goaster, du Haut Conseil de la Santé Publique, tous deux co-présidents du comité scientifique, c’est Michèle Delaunay, Ministre déléguée aux Personnes âgées et à l’Autonomie qui a clôturé l’événement avec légèreté mais de manière très claire, en interpellant ses confrères «responsables de la mauvaise santé»…

Pour conclure, disons que ce congrès nous a permis de découvrir des personnes intéressantes, des actions innovantes et de nous inspirer de riches échanges entre professionnels de terrain très motivés. Même si, comme l’a souligné Pierre Lombrail, «le ‘bien suprême’, pour nous, la santé, ne l’est pas forcément pour tous», cet événement et les forces vives que nous y avons rencontrées doivent nous encourager dans la démarche que nous nous efforçons de soutenir et redonner sens à ce que nous faisons chaque jour.

Congrès ADELF-SFSP – Santé publique et Prévention – 17-19 octobre 2013 – Bordeaux.
Un numéro spécial de la revue Santé publique sera consacré aux actes de ce congrès. En attendant, son site propose des vidéos des séances plénières. À voir sur: https://adelf-sfsp-2013.sciencesconf.org.

(1) Parmi lesquels le numéro de mars, qui consacrait sa couverture aux réflexions d’ Eric Le Grand sur ‘Spiritualité et santé’. L’intéressé, présent à Bordeaux, a apprécié !

La formation des usagers de la voie publique

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Contrairement à ce que ces mesures laissent penser ou espérer, les dispositifs d’éducation ont toujours échoué à améliorer la sécurité routière. Ce constat est attesté par les revues de questions internationales portant sur la deuxième moitié du XXe siècle. Plus qu’échouer, ces dispositifs ont même parfois été suivis d’une augmentation du risque routier par habitant !

Le phénomène des accidents de la circulation est reconnu depuis bien longtemps par l’Organisation Mondiale de la Santé en tant que question de santé publique même s’il a surtout été traité dernièrement d’un point de vue répressif et sécuritaire. Les nombreuses publications statistiques internationales montrent qu’il est possible et important d’en présenter un traitement épidémiologique.

Le nombre de morts sur la route est bien en baisse constante en Europe depuis la fin des trente glorieuses mais cette baisse ne permet de tirer aucune conclusion quant à l’efficacité des mesures prises. Pour en faire une évaluation rigoureuse, chaque mesure éducative doit être isolée et il faudrait comparer un groupe test à un groupe témoin. Gérald S. Wilde présente dans sa théorie de l’homéostasie du risque un grand nombre de ces études (voir encadré). Cet ouvrage comporte un chapitre spécifiquement consacré à la question de l’éducation à la santé.

Le risque cible

Ces évaluations spécifiques et épidémiologiques montrent que les formations à la conduite et à la sécurité routière n’ont jamais permis de réduire le taux de mortalité par tête. Son concept du ‘risque cible’ permet d’éclairer ces résultats.

Nous acceptons un certain niveau de risque que nous sommes prêts à prendre en échange de gains attendus. Rappelons au passage qu’il est simplement impossible de conduire sans prendre de risque. La sécurité n’est au fond qu’un sentiment et le moindre de nos actes comme la moindre de nos décisions comportent toujours une part d’aléas. Lorsqu’un élément extérieur vient modifier un paramètre de la situation en rapport à sa dangerosité, le sujet adapte son comportement de façon à conserver un niveau de risque stable. Personne ne conduit une moto de la même façon selon qu’il porte un casque ou non. Avec le casque, le conducteur se sent protégé et peut donc prendre plus de risques et en attendre plus d’avantages en retour.

Une formation à la sécurité ou à la santé devrait avoir comme résultat que les apprenants soient mieux capables de se protéger face à un danger à l’issue de la formation. Dans les cas probablement très fréquents où une telle formation serait efficace, les participants peuvent légitimement penser être mieux en mesure de faire face aux risques liés aux accidents de la circulation. Mais comme chacun, de façon très rationnelle, se doit d’optimiser les risques qu’il prend (pour en attendre un gain maximum en retour) et non minimiser ces risques, un effet secondaire de ces formations sera de s’autoriser à prendre plus de risques. On imagine bien l’ennui que doit représenter, pour un pilote de Formule 1, le strict respect des limitations de vitesse sur route.

Une théorie de la santé et de la sécurité

Système de freinage ABS, airbags, obligation de boucler sa ceinture, feux rouges, formations du conducteur, limites de vitesse… Tant d’efforts pour réduire la mortalité routière !

Ces mesures produisent-elles réellement l’effet attendu ? Et pourquoi diable est-il écrit que ‘fumer tue’ sur mon paquet de cigarettes ? Le préservatif est-il un moyen de prévention efficace ? Peut-on vraiment maîtriser les risques professionnels ? Voilà quelques-unes des questions que peut susciter la lecture de la théorie de l’homéostasie du risque.

Le ‘risque cible’ est le concept clé de cette théorie. La sécurité n’est au fond qu’un sentiment. Le risque fait bien partie de notre quotidien. Il est présent dans la moindre de nos actions. Des accidents surviennent alors même que toutes les précautions établies avaient été prises.

Dès lors, qu’est-ce que prendre ‘assez’ de risques ? Jusqu’où aller trop loin ? Chacun d’entre nous y répond en acceptant un niveau de risque cible. Il s’agit largement d’habitudes, pas vraiment conscientes, mais qui n’engagent pas moins notre responsabilité.

Wilde, G. (2012) Le risque cible, une théorie de la santé et de la sécurité, prises de risques au volant, au travail et ailleurs… (traduit de l’anglais par Marc Camiolo), Fernelmont, EME & Intercommunications, 264 pages, 28 euros. Courriel: edition@intercommunications.be.

À la lecture de ces résultats plutôt ‘déroutants’, il ne nous semble pas pertinent de simplement proscrire toute formation à la mobilité mais bien plutôt de soulever la question du lieu de la santé et de la sécurité. Il semblerait que la définition des niveaux de risques acceptés individuellement et collectivement exprimée quantitativement en taux d’accidents par habitant et par heure de conduite ne dépende pas de ce qu’un «Autre» voudrait en faire mais uniquement de ce qu’un sujet ou un groupe veulent bien en faire. On peut bien interdire les automobiles mais non pas empêcher des hommes de se battre dans une soirée trop arrosée. On peut bien supprimer l’alcool mais non pas contraindre une population à se coucher tôt pour respecter ses besoins en sommeil, etc.

Le bien ou le désir

Il se pourrait alors que l’éducation à la santé et à la sécurité ne soit un bienfait que jusqu’à un certain point à partir duquel l’épée de Damoclès se retournerait contre celui qui la brandit. Ivan Illich (1) parle du «seuil naturel de contre-productivité des institutions modernes» . En œuvrant pour le ‘bien’ d’une population ou d’un homme sans en passer par sa demande explicite, on empêcherait la production du ‘désir’ de se protéger, de prendre soi-même ou nous-mêmes en main notre santé et notre sécurité. Finalement, passé ce seuil, les dispositifs d’éducation pourraient déresponsabiliser plutôt que protéger. Agir pour l’éducation de quelqu’un ou de quelques-uns, c’est nécessairement postuler qu’ils ne sont pas éduqués et qu’ils ne sont pas capables de s’éduquer eux-mêmes.

Ce qui est ici remis en cause par ces résultats et les hypothèses que nous formulons, c’est l’injonction de soin et l’obligation de formation à la sécurité, telle qu’elle est d’ailleurs à l’œuvre bien plus en France qu’en Belgique. Pour se préserver des effets contre-productifs des dispositifs d’éducation à la santé, il se pourrait que la demande des participants soit un déterminant essentiel de la qualité des interventions. Un autre de ces déterminants pourrait être la lucidité des éducateurs quant aux limites de leurs interventions…

(1) Illich, I. (1975) La convivialité , Paris, Seuil.

ICAPROS, prévenir les maladies cardiovasculaires en zone transfrontalière

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Les maladies cardiovasculaires sont, avec les cancers, l’une des principales causes de décès en France et en Belgique. Infarctus, AVC, autres maladies de l’appareil circulatoire… les patients sont malheureusement nombreux à être hospitalisés ou à décéder prématurément des suites d’une maladie cardiovasculaire. En zone ICAPROS, zone transfrontalière franco-belge regroupant des communes des Provinces de Namur et Luxembourg en Belgique et le département des Ardennes en France (1), les chiffres sont encore plus alarmants, d’après une étude menée par Paul Majérus, démographe et chargé de projets au Centre d’Éducation du Patient (2) à Godinne.

En effet, l’espérance de vie à la naissance est plus faible dans ce territoire transfrontalier qu’en Belgique et en France (3), pays sur lesquels s’étend le projet. Les maladies cardiovasculaires y sont l’une des principales causes de décès: 28% des décès totaux chez les hommes et 31 % des décès chez les femmes, ce qui en fait la principale cause de décès pour la population féminine.

La maladie cardiovasculaire, fatale ou non, y est aussi plus précoce: hommes et femmes décèdent plus jeunes pour cause d’infarctus en zone ICAPROS qu’en France ou en Belgique. La différence pour les hommes est de 1,74 ans entre la zone ICAPROS et les deux pays (France et Belgique). Chez les femmes, cette différence est de 2 ans avec la France mais notons que les femmes meurent au même âge en zone ICAPROS qu’en Belgique.

Des données qui obligent à l’action. C’est pourquoi le projet ICAPROS, mené sur une période de 5 ans (2009-2014), dans le cadre du programme européen Interreg IV France-Wallonie-Vlaanderen (4), a pour but ‘d’éclairer’ cet état de santé des populations préoccupant et ‘d’agir pour une meilleure santé cardiovasculaire des populations en ce territoire’ par des actions de prévention et d’éducation.

Éclairer un état de santé problématique des populations…

Le tableau de bord de la santé cardiovasculaire en zone ICAPROS apporte divers éclairages du problème pour une meilleure compréhension de son importance, de l’évolution durant ces vingt dernières années de la santé cardiovasculaire en cette zone transfrontalière, des publics les plus vulnérables, des moyens à mettre en œuvre, etc. Il représente une aide à la décision pour les professionnels de la santé et du social ainsi que pour les décideurs. On peut le consulter et le télécharger sur le site https://www.preventionsante.eu .

… et ‘agir pour une meilleure santé cardiovasculaire des populations’

Sont cités parmi les objectifs (5) du projet ICAPROS: «(…) de mutualiser les bonnes pratiques professionnelles et de créer une dynamique collective des acteurs de la zone frontalière, de former des relais dans le secteur socio-éducatif de la zone frontalière porteurs d’une dynamique de prévention auprès des adolescents et enfin de permettre au plus grand nombre de personnes présentant des facteurs de risques ou ayant développé une pathologie cardiovasculaire d’accéder à un programme coordonné d’éducation du patient.»

Mutualiser les moyens et créer des dynamiques entre les acteurs transfrontaliers

En donnant plus de visibilité aux réalisations concrètes par le biais d’ un répertoire des organismes actifs et des actions menées en promotion pour la santé cardiovasculaire, prévention et éducation du patient, consultable lui aussi sur le site https://www.preventionsante.eu/, les partenaires du projet souhaitent motiver les acteurs du terrain à mettre en place des initiatives structurées d’éducation pour la santé accordant une place prépondérante à la personne en tant qu’acteur de sa santé.

Prévenir les maladies cardiovasculaires dans les écoles et en entreprises

Notre mode de vie actuel, plutôt sédentaire et stressant, génère des comportements de compensation tels qu’une alimentation excessive ou déséquilibrée, la consommation de tabac ou d’alcool. Ces comportements constituent comme chacun sait, des facteurs de risques majeurs des maladies cardiovasculaires. Chacun passant à peu près un tiers de sa vie au travail, l’entreprise semblait donc un lieu idéal pour développer des actions de prévention santé à destination des adultes.

Les jeunes sont quant à eux sans cesse à la découverte de nouvelles expériences et en recherche de repères pour construire leur identité, c’est pourquoi l’adolescence s’avère être un moment propice pour les sensibiliser à des comportements de santé sains.

En entreprise , cette sensibilisation se fait dans le cadre d’animations. Elles représentent une occasion pour aborder, de manière souriante et ludique, la santé cardiovasculaire et les facteurs de risque. Elles sont surtout une invitation donnée à chaque travailleur de se pencher sur ses habitudes au quotidien et peut-être de remettre en question quelques-uns de ses comportements.

Les caractéristiques de chaque animation sont étudiées avec les responsables des entreprises auxquels s’associent souvent des représentants de la médecine du travail. Ce programme ‘à la carte’ permet de s’adapter au mieux au fonctionnement de l’entreprise et de répondre le plus adéquatement possible aux demandes des employeurs. Ainsi, ces sensibilisations peuvent prendre place dans le cadre d’une journée découverte entreprise, d’une journée sécurité, d’un temps d’information particulier pendant ou en dehors des heures de travail, etc.

Les animateurs utilisent des supports de base et adaptent les contenus en fonction des caractéristiques de leur public, des réactions ou de demandes particulières. Ainsi, certaines thématiques comme le tabagisme ou l’alimentation peuvent être développées si on sait qu’elles posent problème.

Les animations sont gratuites et habituellement suivies d’un dépistage, au sein même de la structure.
Après les premières expériences, plusieurs outils d’animation ont été ‘adaptés’ pour des publics particuliers comme des personnes ne sachant pas lire le français ou travaillant en entreprises de travail adapté.

À l’école cette action vise une approche dynamique de la promotion santé commune à un bassin de vie séparé par une frontière mais présentant des caractéristiques similaires. De manière générale, les outils développés se basent sur une approche positive de la santé en valorisant l’estime de soi et les connaissances, en favorisant l’esprit critique et l’acquisition d’habitudes ‘saines’ chez les jeunes adolescents.

Ces sujets de prévention des risques cardiovasculaires, auparavant abordés de manière autonome des deux côtés de la frontière franco-belge, sont traités actuellement de façon homogène avec la collaboration des spécialistes de terrain des deux versants. Ce travail aboutira à une approche transfrontalière enrichie des expériences nationales.

Concrètement, le projet prévoit de sensibiliser les adolescents français et belges aux facteurs de risques cardiovasculaires et à l’adoption de comportements responsables en matière de santé pour prévenir ces facteurs de risques. Six animations sont au programme, chacune abordant par une porte d’entrée différente trois des facteurs de risque modifiables par le jeune: alimentation équilibrée, consommation de tabac, pratique d’une activité physique.

Pour compléter leur information, une animation sur l’influence des médias et une autre concernant la gestion du stress sont programmées. En effet, l’influence de ces deux paramètres sur les comportements des jeunes est prépondérante. À l’issue de chaque animation, les jeunes reçoivent une brochure sur la thématique abordée.

Les partenaires du projet

Différents opérateurs belges et français se sont unis pour mener ce projet: la Caisse primaire d’assurance maladie des Ardennes, l’hôpital de Sedan et l’hôpital de Charleville-Mézières du côté français; le CHU Mont-Godinne – Dinant, le Centre d’Éducation du Patient de Godinne et la Mutualité chrétienne de la Province de Luxembourg, pour la Belgique. Se sont associés à eux: le Département Prévention Santé de la Province de Luxembourg, la Mutualité chrétienne de la Province de Namur, l’Observatoire franco-belge de la Santé, la CPAM de la Marne, le Centre marnais de promotion de la santé, l’Agence régionale de santé Champagne-Ardenne et l’Observatoire transfrontalier de la santé Wallonie-Lorraine-Luxembourg G.E.I.E.

L’axe central de la démarche d’animation repose sur la formation de personnes relais dans la sphère scolaire des deux versants frontaliers (infirmières chargées de la promotion de la santé, infirmières de l’Éducation nationale, enseignants, professeurs, éducateurs…). Cette formation à l’utilisation des outils précités, à la maîtrise des connaissances théoriques et surtout à la méthodologie permettra une utilisation optimale des outils.

Au cours des contacts répétés entre animateurs et adolescents, lors des animations, une orientation vers un service spécialisé dans une des problématiques concernées par l’action sera proposée aux jeunes si le besoin émerge.
Un site Internet interactif accessible aux personnes relais formées dans le cadre du projet sera développé. Ce site proposera des supports didactiques, des conseils, des adresses utiles et diverses informations en matière d’animations et ceci conjointement pour les deux versants français et belge. La valorisation du projet se fera via les médias et canaux d’information scolaires.

Accompagner par l’éducation les personnes présentant des facteurs de risque

Les dépistages en entreprise ont mis en évidence un nombre important de personnes présentant un ou plusieurs facteurs de risque: tension artérielle trop élevée, problème de glycémie, embonpoint ou obésité…
Dans les premiers temps, nous ne pouvions qu’inviter ces personnes à prendre contact avec leur médecin généraliste en leur donnant un récapitulatif des données de santé observées. Cette ‘faiblesse’ dans le suivi a motivé les opérateurs à s’investir dans la sensibilisation de professionnels.

Le projet prévoit, aujourd’hui, une large information des professionnels de la santé et du social de la zone. Par un descriptif du projet, une explication de la démarche éducative et de l’éducation thérapeutique du patient, une information sur les possibilités d’éducation thérapeutique offertes par différentes structures et outils éducatifs disponibles, l’accent est mis sur la manière dont chaque professionnel peut collaborer à la prévention et à l’éducation pour la santé du patient.

Richesse dans la confrontation des savoirs et des expériences

La promotion à la santé, la prévention et l’éducation du patient ne reposent pas sur les mêmes structures et ne disposent pas des mêmes moyens en France et en Belgique. Il est d’autant plus intéressant de pouvoir enrichir chaque projet particulier de ce qui se fait de part et d’autre de la frontière et d’en tirer des enseignements ou de nouvelles pratiques. Pensons, par exemple, à l’intérêt pour les organismes belges de s’intéresser à l’accompagnement proposé par les Unités transversales d’éducation thérapeutique en France (UTEP) ou les centres d’examens de santé et d’en tirer des enseignements quant à l’accompagnement éducatif.

À terme, la mise en œuvre du projet ICAPROS et la coopération transfrontalière franco-belge doivent permettre de développer des synergies entre les différents acteurs des programmes de prévention des maladies cardiovasculaires, de même qu’un saut quantitatif et qualitatif important dans leur élaboration. Gageons que les actions entreprises jusqu’à présent et la satisfaction partagée des partenaires du projet en sont un signe annonciateur.

Pour en savoir plus sur le projet ICAPROS, n’hésitez pas à consulter le site du projet sur https://www.preventionsante.eu .

Pour plus d’informations sur l’étude de la santé cardiovasculaire en zone ICAPROS : https://www.santetransfrontaliere.eu ou Centre d’Éducation du Patient asbl, rue Fond de la Biche 4, 5530 Godinne, tél.: 082 61 46 11, courriel: cep_godinne@skynet.be.

Le rapport intégral de cette étude est téléchargeable à l’adresse https://www.preventionsante.eu/pages/publication/publication.html

ICAPROS et les animations en entreprise

Une journée pour aborder le stress

Septembre 2013. Les partenaires belges et français du projet ICAPROS se trouvent pour la deuxième fois aux Ateliers du Saupont , entreprise de travail adapté (ETA) spécialisée dans l’emballage, la logistique et le bois, à Bertrix. Nous y sommes dans le cadre des animations en entreprises. L’objectif de la journée est d’aborder avec les 160 membres du personnel ce facteur aggravant des maladies cardiovasculaires, le stress.

Les compétences des partenaires en soins, en communication, en graphisme… ont été rassemblées pour mettre en place cette approche du stress et de ses facteurs de risque à la fois décontractée et porteuse de conseils de santé.
‘Information générale’, ‘relaxation’, ‘Qi Gong’, ‘découverte des huiles essentielles’, ‘formes et couleurs’, autant de portes d’entrée pour approcher celui qui peut être notre allié mais qui est souvent pointé comme notre ennemi. Les animations représentent une opportunité pour, en petits groupes, parler des différentes sources de stress, pour communiquer autour de ce que chacun a pu mettre en place pour gérer les moments difficiles, pour découvrir une technique permettant de se recentrer ou de prendre distance…

Le sujet du stress interpelle. Chacun en est un spécialiste, à sa manière. Les commentaires sont nombreux lorsque l’on aborde ses sources: le bruit, le changement, les finances, les enfants, le conjoint, le travail et le quotidien… L’argent ou plutôt le manque d’argent revient souvent. Au-delà de l’anecdote, certains témoignages révèlent de réelles souffrances. Et la gestion du stress dans tout cela? «Je marche»; «Je vais en forêt»; «Je mange»; «Je regarde la télévision»; «Je prends des médicaments»… Quelques participants font du yoga, du sport ou du Taiji. À chacun son truc et les solutions partagées peuvent apporter de nouvelles idées.

Cette deuxième journée passée avec les membres du personnel des Ateliers du Saupont est aussi l’occasion de faire un bref bilan des informations retenues suite à notre premier passage, l’an dernier. Aux quelques questions, les réponses s’enchaînent. Il ne faut pas en douter les facteurs de risque et les conseils de prévention sont connus. Mais les conseils sont-ils suivis ?

Toute entreprise de la zone du projet peut accueillir l’équipe ICAPROS pour des animations ciblées sur la prévention des facteurs de risque des maladies cardiovasculaires ou une thématique plus précise.

En 2013 et 2014, l’influence du stress sur notre santé cardiovasculaire sera particulièrement traitée ainsi que l’importance des délais d’attente face aux premiers signes d’un événement cardiovasculaire.

Renseignements

Pour la Belgique
Sandrine Walhin, chargée du projet Interreg, Mutualité chrétienne de la Province de Luxembourg, Belgique 0032 496 59 07 76. Courriel: sandrine.walhin@mc.be
Marie-Madeleine Leurquin, chargée de projets, Centre d’Éducation du Patient asbl, Godinne, Belgique 0032 496 13 44 57. Courriel: mariemadeleine.leurquin@educationdupatient.be

Pour la France
Cindy Boinel, chargée de projet Interreg, Centre d’Examens de Santé CPAM des Ardennes, 0033 (0) 310 43 90 54. Courriel: cindy.boinel-ext@cpam-charleville.cnamts.fr

Cycle de conférences

Les maladies cardiovasculaires, causes d’un décès sur trois !

– Au CHU de Mont-Godinne le 29 novembre 2013, pour les professionnels de la santé et du social: quelle place pour l’éducation et la prise en charge des maladies cardiovasculaires? Modérateur: Henri Lewalle , coordinateur de projets transfrontaliers OFBS-Luxorsan, Belgique.
– Au CHU de Mont-Godinne le 30 novembre 2013, pour les médecins: L’importance du délai de réaction dans la prise en charge cardiaque et cérébrovasculaire. Modérateur: Prof. Victor Legrand , cardiologue, CHU de Liège, Belgique et Dr Daniel Simon , généraliste, président de l’UOAD, Belgique.
Ces deux événements auront aussi lieu à Libramont les 21 février (professionnels de la santé et du social) et 22 février 2014 (médecins).

Ce cycle de conférences est destiné aux médecins ainsi qu’aux professionnels de la santé et du social dans le cadre du projet transfrontalier ICAPROS en vue de :

– faire le point sur l’importance du problème des maladies cardiovasculaires en Belgique, en France et en zone ICAPROS;
– mettre en évidence l’importance des délais de réaction face aux premiers signes d’un événement cardiaque ou cérébrovasculaire;
– montrer comment agir par la prévention et l’éducation sur les facteurs de risque ou sur les facteurs aggravants comme le tabagisme, l’alimentation, la sédentarité, le stress…
– informer sur les différentes dimensions du projet ICAPROS: les données démographiques, socioéconomiques mais aussi de morbidité et mortalité de l’appareil circulatoire; les actions déployées; les outils réalisés et disponibles…
– montrer comment se fait la prise en charge éducative cardiaque en France dans le cadre d’un centre d’examen de santé et d’une Unité transversale d’éducation pour la santé par une équipe pluridisciplinaire;
– montrer comment chaque professionnel peut contribuer à la santé cardiovasculaire des populations par l’éducation;
– …

Avec des intervenants belges et français :

Corinne Cardoso , cadre de santé, Unité transversale d’éducation du patient, Centre hospitalier de Charleville-Mézières, France
Prof. Laurence Galanti , tabacologue, Unité de tabacologie, CHU UCL Mont-Godinne – Dinant, Belgique
Dr Gérard Hourier , médecin responsable Centre d’examens de santé, CPAM des Ardennes, Charleville-Mézières, France
Prof. Pascal Janne , psychologue à la Faculté de Psychologie et des Sciences de l’Éducation de l’Université Catholique de Louvain et au CHU UCL Mont-Godinne – Dinant, Belgique
Prof. Patrice Laloux , neurologue, CHU UCL Mont-Godinne – Dinant, Belgique
Paul Majérus , démographe au Centre d’Éducation du Patient, Godinne, Belgique
Sylvier Saint-Dizier , infirmière au Centre d’examens de santé, CPAM des Ardennes, Charleville-Mézières, France
Prof. Erwin Schroeder , cardiologue au CHU UCL Mont-Godinne – Dinant, Belgique
Avec aussi des représentants de la Mutualité chrétienne de la Province de Luxembourg (Belgique), du Centre d’éducation du patient asbl (Belgique), de l’Hôpital de Sedan (France), de l’Unité transversale d’éducation du patient à Charleville-Mézières (France) et du Centre d’examens de santé, CPAM des Ardennes (France).

Plus d’informations et programme https://www.preventionsante.eu/

(1) Arrondissements de Charleville-Mézières, Rethel, Sedan et Vouziers pour les Ardennes françaises; arrondissements de Dinant et Philippeville (Province de Namur) et Neufchâteau et Virton (Province de Luxembourg), en Belgique.
(2) Le Centre d’Éducation du Patient a pour but de promouvoir l’information et l’éducation des patients, en milieu hospitalier et extrahospitalier, de procurer un soutien méthodologique et technique à l’élaboration et à la mise en oeuvre de programmes d’information et d’éducation des patients. Et il est chargé de sensibiliser la communauté hospitalière et extrahospitalière, médicale et médico-sociale à l’intérêt et à la nécessité d’assurer une information adéquate et une éducation appropriée des patients. Pour plus d’informations: CEP asbl, rue Fond de la Biche 4, 5530 Godinne. Tél.: 082 61 46 11, Courriel: cep_godinne@skynet.be.
(3) Respectivement 77,2 en Belgique et 78 ans en France, contre seulement 75,6 ans au maximum, en zone ICAPROS (période 2005-2009) pour la population totale.
(4) Programme européen de coopération transfrontalière visant à renforcer les échanges économiques et sociaux entre les régions Nord-Pas de Calais/Champagne-Ardenne/Picardie en France et Wallonie/Flandre en Belgique. Pour plus d’infos: https://www.interreg-fwvl.eu .
(5) Extrait du site Internet d’ICAPROS, consulté le 17 juillet 2013, https://www.preventionsante.eu

Les journées de la prévention de l’INPES

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Au début du mois de juin, j’ai eu l’opportunité de participer aux 8es journées de la prévention organisées par l’Institut national français de prévention et d’éducation pour la santé (INPES). Trois jours à Paris, qui plus est à Saint-Germain-des-Prés, cela ne se refuse pas! Je n’étais pas la seule à le penser, puisque pas moins de 1200 personnes ont assisté aux 123 présentations, 7 sessions et 5 ateliers qui ont rythmé ces journées…

Cette année, la santé publique et l’économie de la prévention ont été largement abordées au cours de cet événement important pour les acteurs de la promotion de la santé. Ces notions prennent d’ailleurs une teinte particulière en ces temps de crise économique. Elles soulèvent également l’enjeu majeur de préserver le fondement éthique de toute action de prévention en respectant la singularité de l’individu.

Le copieux programme nous proposait le premier jour la prévention et promotion de la santé chez les jeunes, ensuite différentes thématiques (prévention de la consommation d’alcool pendant la grossesse, bienfaits de l’activité physique, actions favorisant le bien vieillir ou encore hôpitaux promoteurs de santé) et pour terminer en beauté un colloque scientifique international sur l’économie de la prévention.

Ouverture : penser complexe

Than Le Luong, directrice générale de l’INPES, a introduit l’événement en insistant sur le besoin d’inscrire la prévention dans une vision qui considère l’être humain dans toutes ses dimensions et laisse place à la complexité.
Construire des environnements et des politiques publiques favorables à la santé, améliorer l’offre de prévention là où vivent les gens, permettre aux personnes de faire leurs propres choix au quotidien pour leur santé et, enfin, réduire les inégalités sociales de santé, doivent être les lignes conductrices de nos actions. Pour ce faire, il nous faut innover et nous remobiliser en permanence, les journées de la prévention étant là pour nous y aider.

Marisol Touraine, Ministre française des Affaires sociales et de la Santé, a ensuite pris la parole pour évoquer la nécessité de faire une place plus grande à la prévention. Mais aussi celle de reconnaître les limites des campagnes d’information qui, si elles permettent d’éveiller les consciences, ne suffisent pas toujours à diminuer les comportements à risque. Il faut donc mettre en place de nouvelles stratégies qui soient adaptées aux publics et inscrites dans la durée pour que les messages soient intériorisés et modifier le cas échéant les comportements et habitudes néfastes à la santé. La Ministre a clôturé son discours en soulignant sa volonté de développer une approche économique de la prévention afin de lutter contre les inégalités sociales de santé et de renforcer le transfert des connaissances entre les acteurs de terrain et les décideurs pour que ces derniers puissent disposer de données les aidant à la prise de décisions.

C’est enfin Riel Miller, Chef de la Prospective à l’Unesco, qui acheva l’introduction en plénière. Selon lui, la santé implique une réflexion sur le futur. Il nous faut l’imaginer autrement et aller au-delà de nos pensées traditionnelles et parfois simplistes. Que ce soit la façon de voir le monde présent ou la façon de cadrer le futur, il est nécessaire de dépasser une vision déterministe en faisant preuve d’imagination, de créativité mais aussi d’anticipation. En effet, c’est en osant penser le futur que nous pouvons changer notre présent.

Prévention et promotion de la santé des jeunes

Adolescence : état des connaissances

Plusieurs sessions et ateliers étaient ensuite possibles. Parmi la variété des thèmes proposés (prévention des risques auditifs, climat scolaire, pratiques préventives en médecine générale, aide alimentaire, etc.), j’ai choisi celui-ci : «Quelles stratégies de communication pour sensibiliser les adolescents à la prévention ?», dont l’intitulé m’a interpellée : doit-on sensibiliser les adolescents à la prévention ou doit-on, comme action de prévention, les sensibiliser ? Est-ce l’objectif visé ? Peut-on parler de stratégie ? Les réflexions sont ouvertes !

C’est Patrice Huerre, pédopsychiatre, qui a commencé la session avec un exposé riche de sens sur les comportements des jeunes.

Il a d’abord mis en garde quant aux représentations souvent erronées que l’on peut avoir à propos des jeunes. Pour 75% des adultes, les ados sont insouciants, ne se préoccupent pas de l’avenir et s’ennuient alors que 75% des ados se sentent responsables, se préoccupent de l’avenir et s’amusent. Un fameux écart !

Avoir des à priori négatifs envers les jeunes n’est pas nouveau alors que les jeunes d’aujourd’hui vont globalement mieux que ceux de la génération précédente. Par contre, l’écart qui se creuse entre ceux qui vont bien et ceux qui vont moins bien est plus récent.

Dans une époque où l’on cherche à tout prix des réponses mais où l’on évite pourtant souvent les questions, quels sont les constantes et changements chez les jeunes d’aujourd’hui ?

Parmi les constantes : le corps qui change, le besoin d’appartenance, les relations privilégiées avec les pairs, les attentes vis-à-vis des adultes, le besoin de transmission (s’inscrire dans une histoire, une filiation) et enfin, le besoin d’exploration (qui peut amener à des prises de risque).

Parmi les nouveautés : le nombre accru de sollicitations et ce dès le plus jeune âge. Cette hyperstimulation précoce tend à effacer la période de latence (de 6 à 11-12 ans), ce qui amène les enfants à se comporter très vite comme des pré-ados et à rechercher alors des stimulations ou pour certains, à se retirer socialement. Une autre grande nouveauté est l’arrivée du numérique dont l’usage modéré est un signe de bonne santé. À contrario, un usage faible ou excessif est un indicateur de moins bonne santé chez le jeune.

In fine, si les adolescents cherchent toujours les adultes pour avoir des repères et se construire, il est important de tenir compte des évolutions et de réhabiliter l’enfance en créant des espaces de jeux et de créativité. Pour imaginer l’avenir, il nous faut donc éviter de rejeter la nouveauté mais bien accueillir la surprise et penser comme des artistes plutôt que comme des prévisionnistes.

Yaëlle Amsellem-Mainguy, sociologue, chargée de recherche à l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep) a quant à elle dressé un portrait plus sociologique des 15-30 ans (1).

Les jeunes quittent aujourd’hui leurs parents plus tardivement (en moyenne à 23 ans) alors qu’ils ne peuvent pas souvent être tout de suite indépendants financièrement (ex. besoin des parents pour un crédit).

Ici encore est évoqué le hiatus qui existe entre les représentations qu’ont les adultes des jeunes et ce que les jeunes disent d’eux-mêmes. Ainsi, les amis, le travail et la famille sont les domaines prioritaires cités par les 18-29 ans, qui cherchent également en premier lieu à se réaliser et à s’épanouir alors que certains adultes pensent qu’ils sont d’abord attirés par les biens matériels.

Dernier constat évoqué, peu surprenant : les jeunes montrent un intérêt important pour Internet et les réseaux sociaux et lisent beaucoup plus que les adultes ne croient (voir l’énorme succès des mangas ces dernières années).

La session s’est ensuite orientée vers le marketing marchand avec Adrien Taquet, conseiller en communication, qui préconise de s’inspirer des techniques marchandes pour mieux faire coïncider l’offre et la demande en matière de prévention.

Selon lui, trois spécificités au secteur social sont à prendre en compte : celles liées à l’émetteur (utilisation de médias plus ciblés ainsi que des mass médias pour toucher un large public et jouer sur les politiques); celles liées aux objectifs poursuivis (information sur les risques et accompagnement des changements de comportement) et enfin, celles liées à la cible (les jeunes).

Il estime que l’intérêt d’emprunter aux techniques de la communication commerciale est double : d’abord ne pas laisser le terrain aux marques et ensuite utiliser l’expertise de ces marques pour s’adresser aux jeunes.

Il s’agit par là de s’adapter à la cible en adoptant ses codes et ses modes de consommation des médias pour être ainsi en phase avec sa réalité de vie et les moments où ont lieu les comportements à risque. Et l’intervenant de préciser que cela nécessite d’être en contact avec les acteurs de terrain.

Ouf, à ceux qui craignaient que la doctrine marchande ne remplace la connaissance et la compréhension du public in situ, les voilà rassurés (ou pas, l’intervenant ne cachant pas l’orientation commerciale de sa pratique professionnelle).

Faire passer le message : partage d’expériences

L’après-midi fut l’occasion de présenter cinq expériences innovantes de communication auprès de jeunes.

• ‘Alcool ? Connaissez vos limites’, une campagne allemande avec un plan de communication conséquent pour diminuer les excès d’alcool.
• Une série de mangas pour dénormaliser la consommation de tabac auprès des mineurs.
• Auvernight, un projet intégrant l’envoi de SMS de réduction de risques aux moments festifs avec tirage au sort des numéros mobiles inscrits, voyage à Miami à la clé.
• «Sexe et loi», une brochure en ligne d’information et de prévention sur la sexualité pour les ados et leurs parents.
• Le site https://www.onsexprime.fr avec une websérie «PuceauX !», créé par l’INPES pour encourager les jeunes à poser ouvertement leurs questions sur la sexualité.

Avec plus ou moins de moyens, tous ces projets ont en commun d’avoir développé une communication puissante, virale essentiellement. Pourtant, ce type d’approche de la prévention a aussi ses limites. Au-delà des moyens financiers considérables pour la mettre en œuvre, l’utilisation du web ne peut pas faire fi des relations interpersonnelles et doit donc être complémentaire aux actions de terrain.

Cela dit, la promotion de la santé étant indissociable de la participation des publics, l’utilisation des nouvelles technologies apparaît comme un levier intéressant et sans doute déjà inéluctable pour rencontrer les jeunes et cerner au mieux leurs besoins.

Résister à la tentation…

Rechercher des informations en prévention et promotion de la santé

Parmi la diversité des thématiques proposées le deuxième jour, un choix s’imposait. Bien que travaillant en santé dans une logique collective, j’ai pourtant choisi (de manière éclairée) de faire passer mon intérêt privé avant de me soucier de l’intérêt public, c’est-à-dire celui du lecteur d’Éducation Santé !

L’atelier «Rechercher des informations en promotion de la santé» m’a ainsi permis de me familiariser avec les bases de données spécialisées en prévention et promotion de la santé disponibles en ligne. Chaque participant disposait d’un ordinateur pour mettre en pratique les quelques balises données par les responsables de la documentation de l’INPES.

Sport et activité physique

Contrairement à ce qui avait été compris par la plupart des participants, l’atelier du jour ne durait que… la matinée. Malgré une envie irrésistible de prolonger ma sieste digestive dans les Jardins du Luxembourg, j’ai décidé d’aller voir ce qui se disait dans la session sur le sport et l’activité physique.

Les deux premières tables rondes étaient consacrées aux personnes en situation de handicap ainsi qu’aux personnes incarcérées, ce qui, sans contester leur intérêt évident, s’éloignait un peu trop de ma pratique professionnelle. La dernière table ronde, «Rôle, responsabilité, compétences des éducateurs/entraîneurs sportifs pour une pratique promotrice de santé» a permis de présenter trois expériences françaises. Mais rien de transcendant n’en est ressorti si ce n’est un rappel des bases de la promotion de la santé (développer les compétences psychosociales et la résistance face à la pression sociale, renforcer l’éducation à la santé et le recours aux pairs, etc.).

À l’issue de cette session, je l’avoue, cette pensée m’est revenue : j’aurais dû prolonger ma sieste dans les Jardins du Luxembourg…

L’économie de la prévention

Nous y voilà enfin au colloque scientifique international annoncé fièrement par la directrice de l’INPES lors de l’ouverture des journées.

Pour commencer, Théo Vos, chercheur à l’ Institute for Health Metrics and Evaluation (Université de Washington), présenta une recherche menée en Australie pour évaluer le rapport coût-efficacité de la prévention (Assessing Cost-Effectiveness Approach).

En effet, les dépenses de santé ne cessent d’y augmenter comme chez nous, une simulation estime même que le coût évalué en 2003 à 28 milliards pourrait croître jusqu’à 178 milliards en 2033. Les deux maladies pour lesquelles l’incidence est la plus élevée sont le diabète (celui lié à l’obésité étant le plus dispendieux) et les troubles neurologiques. Mais le scientifique rappelle que ces prévisions sont à prendre avec précaution et qu’elles doivent être vues davantage comme des occasions d’améliorer la trajectoire actuelle.

À partir de modèles théoriques et de méthodes standardisées dont les résultats sont mesurés en DALY (2), la recherche a évalué une série de mesures pour différentes problématiques de santé (alcool, inactivité physique, cholestérol, alimentation déséquilibrée, etc.), le tout grâce à un budget qui fait envie de 2,5 millions de dollars australiens, soit environ 1,7 million d’euros.

Les conclusions rapportent que les mesures les plus rentables et les plus efficaces en termes d’impact sur la santé sont, notamment, l’augmentation de la taxe sur les produits (alcool, tabac, nourriture malsaine) et la réglementation (ex. limitation du taux de sel dans les céréales et le beurre) mais aussi le traitement médicamenteux pour prévenir certaines maladies. Par contre, le rapport coût-efficacité des interventions ciblées sur les changements de comportement est faible et leur impact semble limité.

Une autre analyse, internationale cette fois, a ciblé le rapport coût-efficacité dans le domaine de l’obésité plus spécifiquement. Celle-ci a été rapportée par Michele Cecchini, travaillant pour l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Au total, huit interventions de trois types (éducation/promotion de la santé; réglementation/fiscalité; système de soins primaires) ont été évaluées. Il en ressort que la prévention est un moyen efficace et rentable pour améliorer la santé de la population, qu’elle peut faire baisser les dépenses de santé et améliorer les inégalités sociales de santé, mais pas à un degré élevé.

Ce sont les stratégies combinant les approches populationnelle et individuelle qui fournissent les meilleurs résultats.
Le projet européen Data Prev a ensuite été présenté par David McDaid, de la London School of Economics and Political Sciences . Cette revue de la littérature démontre l’impact de la prévention sur la santé mentale, à travers la synthèse d’une série de programmes de promotion de la santé mentale et de prévention des troubles mentaux (evidence-based).

La dernière intervention de la matinée, consacrée à la prévention du VIH en Afrique subsaharienne, a notamment pointé le fait que les coûts sociétaux occasionnés par le VIH y étaient sous-estimés. En outre, que ce soit dans les pays à faible ou à haut revenu, les actions telles que cibler les groupes à risque, promouvoir le préservatif, et faciliter l’accès au traitement sont à poursuivre.

N’ayant pas pu assister aux interventions de l’après-midi (non pas pour une sieste mais pour reprendre mon TGV), je m’en tiendrai à conclure par ce qui est ressorti principalement de cette dernière journée.

En dépit des spécificités propres au contexte (pays, région, projet), plusieurs points semblaient se dessiner à travers les différents exposés sur l’économie de la prévention.

Tout d’abord, l’impact positif de la taxation et de la réglementation sur les comportements de santé, mesures qui pour de nombreux acteurs du secteur de la promotion de la santé sont à manier avec précaution, car elles entravent la liberté individuelle et la capacité de choix de chacun.

Ensuite, la pertinence d’une approche multidisciplinaire et de la combinaison de différentes stratégies, ce qui, sur ce point, rejoint la logique de la Charte d’Ottawa. Dans la même lignée, la nécessité que tous les acteurs concernés s’engagent et s’impliquent pour potentialiser les effets des actions entreprises.

En définitive, la prévention est un enjeu majeur pour contribuer au bien-être et à la santé des individus, et devrait donc être considérée comme tel par les pouvoirs publics pour orienter les actions et décisions. Nous le savions déjà, mais il est toujours utile de le répéter !

Quant au concept très en vogue d’économie de la prévention, à travers tous ces chiffres qui attestent de son intéressant rapport coût-efficacité, il nous ramène finalement à l’adage déjà bien connu «mieux vaut prévenir que guérir»…

Pour le détail des interventions (lien vérifié le 4/11): https://journees-prevention.inpes.fr

(1) Anne Le Pennec y reviendra prochainement dans nos colonnes.
(2) Le DALY ou Disability-adjusted life year est un outil destiné à mesurer la santé et le handicap.

Du bon usage des stéréoptypes

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Le 23 mai dernier, les Femmes Prévoyantes Socialistes organisaient une conférence ‘Changer les stéréotypes : tout un travail !’ au cours de laquelle une réflexion fut menée sur ce sujet qui est et restera probablement toujours d’actualité ! À cette occasion, nous avons rencontré Jacques-Philippe Leyens, Professeur émérite de psychologie sociale à l’UCL et auteur l’an dernier du livre ‘Sommes-nous tous racistes? ’.(1)

Peu importe où nous travaillons et la fonction que nous occupons, nous sommes sans cesse confrontés à des préjugés et à des stéréotypes, pour la plupart du temps aliénants pour ceux qui en sont les cibles.

Sans doute l’usage des stéréotypes fait-il partie de notre nature, au même titre que d’autres penchants qui ne donnent pas de nous une image très glorieuse. Que du contraire ! Mais ne dit-on pas que faute avouée est à moitié pardonnée et que le changement passe par la prise de conscience ? D’autant plus que l’usage des stéréotypes n’est pas toujours dégradant et négatif. Certains stéréotypes sont non seulement valorisants, mais ils font aussi la part belle à l’humour, à la créativité, et peuvent favoriser la naissance de nouveaux liens. Raison de plus pour veiller à l’usage que l’on en fait…

Partant de cela, la prudence est évidemment de mise partout, et peut-être plus encore lorsque nous travaillons dans l’éducation, l’enseignement, en centre de santé, en planning familial, dans la lutte contre le racisme, le sexisme, l’homophobie…

Éducation Santé : À quoi les stéréotypes nous servent-ils ?

Jean-Philippe Leyens : Parce que notre environnement est extrêmement complexe, nous devons le catégoriser et donner du contenu à ces catégories. Mais ce contenu sera toujours approximatif. Dans le cas des stéréotypes, il s’agit de généralisations abusives. Par exemple, «les Hollandais sont avares» est un stéréotype qui leur colle à la peau.
Si les stéréotypes ont mauvaise réputation, c’est notamment parce que les gens croient que ce sont des jugements individualisés, alors qu’ils sont, par définition, des généralisations. La fonction principale du stéréotype est donc la simplification qui nous sert de théorie naïve pour fonctionner.

E.S. : Comment les stéréotypes évoluent-ils au fil des ans, des générations, des siècles ?

J.-P. L. : Les stéréotypes peuvent changer, notamment selon les circonstances. Ainsi, dans les années 30, il était de bon ton, aux États-Unis, d’émettre des stéréotypes négatifs à l’encontre des Noirs, même si on n’était pas d’accord. Ce n’est manifestement plus le cas aujourd’hui. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les stéréotypes autour des Allemands et des Japonais sont soudainement devenus hostiles, hostilité qu’ils ont perdue depuis.

Les stéréotypes peuvent également varier selon le contexte. Si les Français et les Portugais devaient stéréotyper les Américains, ils diraient probablement d’eux qu’ils ne sont pas cultivés, qu’ils sont mégalomanes et superficiels. Par contre, les Pakistanais et les Syriens diraient sans doute que les Américains sont démocrates, pacifiques et respectent la liberté d’expression.

Mais il est vrai que les stéréotypes sont résistants au changement. Cela est dû au fait qu’ils constituent une théorie, comme une théorie scientifique. Si nous devions en changer constamment, notre univers serait ingérable.

E.S. : De quelle manière les stéréotypes interviennent-ils dans le racisme ?

J.-P. L. : Comme dans tout processus efficace, les stéréotypes sont utilisés pour bien des objectifs. Un de ceux-ci est le racisme qui peut comprendre le sexisme, l’islamophobie, l’antisémitisme, etc. Dans ce cas, l’usage qui est fait des stéréotypes est dégradant. Par exemple, on dit des Noirs et des Juifs qu’ils sentent mauvais; des femmes qu’elles sont émotives (plutôt qu’intelligentes).

E.S. : Pourquoi est-on raciste ?

J.-P. L. : Tout le monde est raciste, car nous avons tous un besoin vital d’avoir autour de nous un entourage de gens aimés et aimants. Le problème serait simple s’il n’y avait qu’un seul groupe, mais il y en a des infinités et ce que certains possèdent échappera toujours à d’autres. Avec des conflits à la clé.

Étant donné que nous sommes immergés dans une multitude de groupes, il y a beaucoup de chances que l’on soit raciste envers un ou plusieurs de ces groupes. Ce racisme peut se produire chez des gens qui, honnêtement, sincèrement, ne veulent pas être racistes et qui malgré cette volonté se comportent de manière raciste. Beaucoup de recherches montrent ce racisme qui s’ignore.

E.S. : Pour en revenir au mauvais usage qui est fait des stéréotypes, à qui profite le crime sur le plan sociétal ?

J.-P. L. : Aux dominants, c’est-à-dire, dans notre société, aux hommes blancs hétérosexuels qui ont un statut dans la société. Curieusement, ces privilégiés sont également ceux qui se montrent les plus racistes. Ils tiennent à leur position dominante et ils ont les moyens de contrer les efforts des moins dominants.

E.S. : Quels sont les moyens d’action pour lutter contre le racisme, le sexisme, les discriminations ?

J.-P. L. : À part la socialisation, je n’ai pas de recette pour lutter contre le racisme. C’est un combat d’une vie.

Emprunté à l’imprimerie

À l’origine, le ‘stéréotype’ est un terme qui provient de l’imprimerie et qui désigne un caractère solide servant à (ré)imprimer. En 1922, l’écrivain et journaliste américain Walter Lippmann détournait ce terme et lui donnait pour la première fois un sens sociologique. Pour lui, les stéréotypes sont des ‘Pictures in our heads (Des images dans nos têtes’). Il y voit la trace du caractère rigide ‘imprimé’ dans notre perception du monde qui nous entoure. Ces images sont intercalées entre la réalité du monde et sa perception et, en particulier, dans l’image que nous nous faisons des groupes sociaux.

(1) Sommes-nous tous racistes? Psychologie des racismes ordinaires , Jean-Philippe Leyens, Éd. Mardaga, 2012.

Un peu d’animation en Fédération Wallonie-Bruxelles

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Le mardi 29 octobre dernier, nous avions le plaisir de recevoir à Bruxelles Alain Douiller, auteur l’an dernier de l’excellent ouvrage ’25 techniques d’animation pour promouvoir la santé’.

Le public a répondu présent en masse à l’invitation du FARES, de l’asbl Question Santé et d’ Éducation Santé, qui ont pris depuis quelques années la bonne habitude d’inviter en Belgique les auteurs d’ouvrages francophones récents de référence en matière de promotion de la santé et de santé publique (1).

Animer, pour quoi faire ?

Le matin, un atelier de 2h30 a réuni une vingtaine de personnes autour de la place des actions de proximité et des animations dans le contexte actuel de travail des associations. La modératrice, discrète et efficace comme toujours, Bernadette Taeymans, avait invité auparavant les participants à se poser quelques questions existentielles : des actions de proximité, des animations en promotion de la santé, pour quoi faire ? Pour quels objectifs ? Entre éducation, changements de comportements, transferts de savoirs, participation active, émancipation citoyenne, qu’en est-il de nos discours et de nos pratiques ? Quel écart observons-nous entre nos attentes de professionnels et la réalité du terrain ? Y a-t-il encore un public pour des démarches d’éducation permanente ? L’animation ne serait-elle pas l’outil dévalorisé des pauvres et des enfants ? À l’heure du triomphe de Facebook et Twitter, des applis pour téléphones portables, n’est-ce pas la fin des animations ? (2) Ne sont-elles pas ringardes, ne sentent-elles pas la naphtaline ?

La plupart des participants pouvaient encore témoigner de la pertinence des démarches d’animation aujourd’hui, soulignant l’importance des outils collectifs d’’empowerment’ dans un environnement dominé par l’individualisme et l’isolement.

Commentant ces témoignages, notre invité, Alain Douiller releva que le concept de promotion de la santé semble mieux intégré en Fédération Wallonie-Bruxelles qu’en France. Les mots n’étant pas anodins, ce n’est sans doute pas un hasard si le décret ‘promotion santé’ belge de 1997 s’inscrit résolument dans la continuité de la charte d’Ottawa et si a contrario lorsqu’il s’est agi de modifier les statuts du Comité français d’éducation pour la santé en 2002, l’appellation Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES) fut choisie, sans référence explicite à la promotion de la santé.

Mais ne nous réjouissons pas trop vite, il ajouta que nous rencontrons sans doute la même difficulté en Belgique et en France à faire coïncider nos actions et les valeurs qui les sous-tendent.

S’il était possible de tirer un enseignement de ces échanges matinaux, ce serait de mettre en évidence les vertus de l’ ‘intelligence collective’, source d’un certain art de vivre et de travailler dans un contexte pourtant compliqué.

Du maréchal à Marisol

Salle comble l’après-midi, avec un public encore plus féminin si possible que le matin, pour une conférence en trois temps.

Alain Douiller nous retraça rapidement son parcours professionnel de sociologue atteint très tôt par le démon de l’écriture, qu’il met au service de la promotion de la santé depuis de nombreuses années. Les lecteurs belges de ‘La Santé de l’homme’ (aujourd’hui ‘Santé en action’ ) ne peuvent l’ignorer. Il en fut d’ailleurs le rédacteur en chef de 1998 à 2001. Depuis quelques mois, il est rédacteur associé de la revue ‘Santé publique’ , qui a pour ambition d’embrasser à l’avenir un champ plus large que la seule épidémiologie mâtinée d’un peu d’éducation pour la santé. Une recrue de choix pour la Société française de santé publique, donc.

Nous faisant un bref historique de la promotion de la santé en France, il nous rappela que la revue phare du secteur démarra en… 1942, en pleine occupation donc. La volonté d’inculquer de bonnes habitudes sanitaires était sans doute en phase avec l’idéologie du temps, à laquelle nous devons aussi la fête des mères…

Je vous passe les détails de l’historique français pour partager le regard qu’Alain Douiller porte aujourd’hui sur le secteur.

En positif, une remarquable professionnalisation depuis l’époque pas si lointaine de l’activisme militant est à mettre au crédit de la promotion de la santé. C’est d’ailleurs vrai chez nous aussi, grâce aux excellentes formations dispensées par les universités et les hautes écoles de notre Communauté.

En négatif, malheureusement, une précarisation progressive des structures associatives de la promotion de la santé, une dislocation des liens avec l’INPES, un manque total de cohérence politique, entre des discours affirmant à tout bout de champ le caractère essentiel de ce qui se passe en amont de la maladie et des budgets quasi entièrement dévorés par la médecine réparatrice.

La reconnaissance institutionnelle est faible, la promotion de la santé n’est pas inscrite dans la loi, certaines équipes ont même rencontré des difficultés financières majeures et dû déposer leur bilan récemment.

Même si le contexte institutionnel est différent, cette situation dramatique, le plus souvent ignorée chez nous, résonnait douloureusement à nos oreilles… L’actuelle ministre française des affaires sociales et de la santé, Marisol Touraine, témoigne d’une volonté politique un peu plus rassurante pour l’avenir, espérons…

CODES et CLPS

Alain Douiller est non seulement un journaliste de santé publique, mais aussi directeur du Comité départemental d’éducation pour la santé du Vaucluse, basé à Avignon. Sa description des missions, du mode de financement, du fonctionnement de cette structure décentralisée ne pouvait manquer d’intéresser les travailleurs des centres locaux de promotion de la santé présents dans la salle.

C’était l’occasion de se livrer au petit jeu des comparaisons, pas nécessairement défavorables pour nous, la dotation des CLPS par la Fédération Wallonie-Bruxelles n’ayant pas à rougir en regard des moyens alloués par les pouvoirs publics français aux comités départementaux.

Couteau suisse ou livre de recettes ?

Il était venu pour cela, Alain Douiller termina donc son exposé par une présentation de la démarche à l’origine des ’25 techniques d’animation pour promouvoir la santé’, publié en 2012 chez un petit éditeur militant, Le Coudrier, qui mérite un coup de chapeau au passage.

Ni couteau suisse, ni livre de recettes donc, car, l’auteur nous l’a bien rappelé, il est essentiel de donner un sens à l’animation, et de choisir le bon outil pour le bon contexte et le bon public. Il le rappelait par ailleurs lors d’une université d’été à Besançon, «les techniques d’animation ne sont jamais une fin en soi, elles doivent rester des moyens d’atteindre des objectifs» .

Il nous rappela aussi combien il est opportun de communiquer, d’écrire sur la promotion de la santé, car notre secteur souffre d’un déficit chronique de ‘faire savoir’ là où son ‘savoir-faire’ est incontestable. Jugement que nous partageons aussi à Éducation Santé : à côté des projets que notre mensuel peut valoriser, combien d’initiatives passionnantes restent dans l’ombre faute de temps, d’envie, de capacité technique à les populariser de la part de leurs promoteurs ?

Dans l’ouvrage, les techniques d’animation sont organisées en fonction des objectifs que s’assignent les animateurs : on n’emploiera pas les mêmes outils pour instaurer une dynamique de groupe, pour mieux connaître un groupe, ses besoins, ses attentes, ou pour construire un projet avec un groupe. Cela va sans dire, mais cela va encore mieux en le disant !

Cerise sur le gâteau, il termina son intervention par une brève description de 5 techniques qui lui tiennent à cœur : la présentation croisée, le photolangage®, le ciné santé, le jeu des enveloppes et le scénario catastrophe. Si ces mots ne vous disent rien, une seule solution : vous procurer d’urgence le livre !

Le livre n’est pas facile à trouver en Belgique. Il nous en reste encore quelques exemplaires à votre disposition au prix de 31,5 euros frais d’envoi compris. Si vous êtes intéressés, vous pouvez adresser votre commande à education.sante@mc.be.

25 techniques d’animation pour promouvoir la santé, Alain Douiller et coll., Éd. Le Coudrier, 2012. 196 pages.

(1) Sans oublier l’APES-ULg, qui nous avait permis d’apprécier la grande générosité du regretté Bernard Goudet .
(2) Sur les dérives ‘déshumanisantes’ de notre époque, lire ‘Accélération. Une critique sociale du temps’, d’ Hartmut Rosa, paru en 2011 chez La Découverte. Ce philosophe allemand déclarait récemment au Nouvel Observateur que l’omniprésence des écrans «est un appauvrissement terrible de notre relation aux autres et au monde» . À méditer…

Jeunes gens, comment vous (com)portez-vous ?

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

À la lecture du dossier spécial que la revue Agora (1) consacre aux résultats du tout nouveau Baromètre santé jeune de l’Inpes, on se réjouit de la bonne santé globale des jeunes Français métropolitains et des atouts solides dont ils disposent pour la préserver. On passe aussi en revue leurs fragilités et les inégalités sociales auxquelles la génération des 15-30 ans paie un lourd tribu.

Premier constat : les jeunes Français métropolitains affichent un bon état de santé global. Certes, ils fument, boivent de l’alcool, dorment trop peu, sautent le petit-déjeuner ou fréquentent les fast-food, mais au terme du dernier check-up, le bilan est rassurant. Les 15-30 ans auraient même quelques longueurs d’avance sur leur aînés en ce qui concerne certains comportements favorables à la santé.

Cela ne veut pas dire que tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes et pour tout un chacun. Impossible de mettre tous les jeunes dans le même sac. Bien sûr, les situations individuelles sont hétérogènes, d’autant que la tranche d’âge considérée englobe des années singulières : l’adolescence, les débuts de la vie amoureuse, l’entrée dans la vie active, l’acquisition de son propre logement, l’autonomie financière… Des disparités s’expriment également en fonction de l’âge, du sexe, des conditions de vie, de la situation sociale ou géographique, et ce quelle que soit la thématique – alimentation, tabac, alcool, sommeil, usage d’internet pour la santé, contraception, etc.

Autant de nuances qui floutent le tableau et dessinent un panorama plus contrasté qu’il n’y paraît. La revue Agora aborde la santé des 15-30 ans sous l’angle des inégalités sociales. Elle leur consacre un dossier en six chapitres bâtis à partir des données issues du Baromètre santé jeunes 2010 de l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes). Alcool, tabac, usages d’internet pour la santé, pratiques contraceptives, comportements alimentaires et conduites alimentaires perturbées : «Les jeunes qui subissent une situation sociale défavorable présentent globalement des indicateurs nettement plus dégradés que les autres», soulignent François Beck et Jean-Baptiste Richard de l’Inpes, qui signent l’introduction. Et de préciser : «Cette question est d’autant plus préoccupante dans le contexte actuel où la jeunesse se trouve exposée à des difficultés d’emploi et de logement.»

Jeune parmi les jeunes et parmi leurs aînés

Explorer les comportements de santé d’une population en s’appuyant sur ses déclarations est la méthode adoptée par l’Inpes pour tous ses baromètres santé. Celui consacré aux jeunes ne fait pas exception et exploite les réponses apportées par les jeunes eux-mêmes.

L’enquête, téléphonique, a été menée entre octobre 2009 et juillet 2010 auprès d’un échantillon représentatif global de quelque 27.653 personnes âgées de 15 à 85 ans. Parmi elles, 6.000 avaient moins de 30 ans. Telle est la plus-value de l’approche de l’Inpes : puiser les données sur la santé des jeunes au sein d’un recueil plus vaste, ce qui permet d’établir des comparaisons avec les autres âges de la vie. L’objectif est clair : comprendre en quoi le fait d’être jeune change le rapport à la santé et le regard porté sur celle-ci. L’exercice consiste donc à quantifier les pratiques des jeunes puis à distinguer celles qui reflètent des situations problématiques et celles qui relèvent naturellement de l’âge des possibles.

En matière d’usage d’internet pour la santé par exemple : quel est le profil des jeunes qui recherchent des informations santé sur internet ? Quelles thématiques les intéressent ? Quel impact a cette activité sur leurs comportements de santé ?

D’après le Baromètre, qui met dans le même sac les sites web, les blogs et les réseaux sociaux, 93% des 15-30 ans sont des internautes. Pour autant, plus de la moitié (52%) des 15-30 ans n’ont pas eu recours à Internet pour des questions de santé dans les 12 derniers mois. Parce qu’ils se sentent suffisamment informés autrement, ont préféré consulter un médecin ou se méfient des infos sur le net. Ou bien parce qu’ils n’y ont pas pensé (48%) ou que le sujet ne les intéresse pas (40%).

Du reste, la proportion d’ ‘internautes santé’ augmente avec l’âge: 39% des 15-19 ans, 50% des 20-25 ans et 55% des plus de 26 ans utilisent la toile pour rechercher des informations sur la santé. Au-delà de 30 ans, les chiffres diminuent progressivement. Dans cette catégorie d’internautes, les jeunes femmes sont plus nombreuses tandis que les employés et les ouvriers sont sous-représentés, chez les jeunes comme dans la population générale: une situation à l’image de l’attention portée aux questions de santé en général. Un état de détresse psychologique, une grossesse ou le fait d’être parent figurent également parmi les facteurs associés. Les maladies en général et la grippe en particulier arrivent en tête du classement des thèmes d’intérêt les plus cités (45% des sondés), suivis par la santé de la mère et de l’enfant (21%) et les comportements de santé (19%), les jeunes se distinguant des générations précédentes par un intérêt marqué pour ces deux dernières thématiques.

Une opportunité pour les acteurs du champ de la promotion de la santé et de la santé publique, estiment les auteurs (2). Conséquences de ces recherches santé en ligne : 15% des jeunes déclarent un changement d’attitude vis-à-vis de leur santé et 11,5% un impact sur la fréquence de leurs consultations chez le médecin, dans un sens ou dans l’autre: certains consultent plus souvent (4,9%), d’autres moins souvent (6,6%).

Enfin, l’information trouvée sur internet est jugée crédible par quatre internautes qui y ont recours sur cinq, quel que soit l’âge ou le sexe. «Ceux qui ont le moins confiance dans les informations trouvées sont aussi moins nombreux à déclarer modifier leur façon de s’occuper de leur santé à la suite de leurs recherches», soulignent logiquement les auteurs.

Les jeunes connaissent bien les repères du PNNS

Les comportements alimentaires des jeunes font eux aussi l’objet d’une analyse détaillée au prisme de ce qui fait la spécificité des jeunes par rapport à leurs aînés et avec la volonté de mettre en lumière les inégalités sociales. Cette fois-ci, l’échantillon de référence est celui du Baromètre santé nutrition 2008 qui démarre à 12 ans. L’enquête explore non seulement les consommations des diverses catégories de produits alimentaires mais aussi pour la première fois depuis que ce recueil a été mis en place, les connaissances nutritionnelles des jeunes, la distribution journalière de leurs repas et les lieux où ils les prennent.

Premier enseignement : les jeunes, toutes catégories socioprofessionnelles confondues, connaissent mieux les repères du Plan national nutrition santé (PNNS) que leurs aînés. Pour autant, la consommation de fruits et légumes, déjà faible dans la population générale, l’est encore plus chez les jeunes. «Ce paradoxe traduit notamment la difficulté à passer de l’information et de la connaissance au changement effectif de comportement (…). La réflexion sur l’environnement quotidien des jeunes apparaît ainsi cruciale», en déduisent Hélène Escalon et François Beck, co-auteurs de l’article. Toutes choses égales par ailleurs, les enfants d’ouvriers, d’employés, de chômeurs et les jeunes vivant dans des foyers à faible revenu sont ceux qui mangent le moins de fruits et légumes et de poisson. Cette catégorie est également celle qui consomme le plus de boissons sucrées, surtout entre 19 et 25 ans.

Les auteurs s’attardent par ailleurs sur le rôle du genre et les variations de comportements liées à l’âge. On apprend ainsi par exemple que les jeunes sont plus nombreux à sauter des repas avec l’avancée en âge, principalement le petit-déjeuner. Entre 16 et 25 ans, 15% font l’impasse sur lui, contre 9% entre 12 et 15 ans. Des proportions stables quelle que soit la catégorie socioprofessionnelle et au-dessus de celle établie pour les plus de 30 ans (4%).

Les jeunes filles ont par ailleurs une alimentation plus favorable à leur santé que celle des garçons et connaissent mieux qu’eux les repères nutritionnels (exception faite des féculents). En matière de comportement alimentaire en général, il apparaît que les différences de genre sont moins marquées chez les jeunes que chez leurs aînés. «La pression sociale à l’égard de la minceur, plus forte sur les femmes que sur les hommes, s’accroît probablement avec l’âge bien qu’elle soit déjà présente chez les adolescentes», avancent les auteurs en guise d’explication. «Les normes corporelles pèsent néanmoins aussi sur les garçons mais en ne mobilisant pas les mêmes registres, notamment celui de la culpabilité, très féminin. L’image d’Épinal ‘homme/énergie/sport’ perdure et pèse de façon différente sur les jeunes garçons

Où l’on reparle de l’idéal du corps mince

Le Baromètre santé jeunes 2010 s’intéresse par ailleurs aux conduites alimentaires perturbées. Ces données auraient pu faire l’objet d’un chapitre dans l’article sur les jeunes et l’alimentation; elles ont été traitées à part avec un objectif spécifique, à visée de prévention, que les auteurs expriment ainsi : «quantifier des troubles précliniques, en tant que signes annonciateurs de pathologies alimentaires avérées ou encore d’une détresse psychologique, voire d’une conduite suicidaire».

De fait, ils précisent qu’il ne s’agit pas seulement de repérer les troubles du comportement alimentaire qui font référence à un rapport à la nourriture devenu pathologique mais d’une palette de situations «allant de la préoccupation injustifiée à l’égard de son propre poids jusqu’à des affections psychiatriques majeures identifiées à l’aide de critères diagnostics précis». Leurs prévalences pourraient être élevées, notent-ils, mais les données manquent pour le vérifier et mesurer l’évolution de ces conduites.

D’où l’intérêt à l’occasion du Baromètre d’interroger les jeunes sur les épisodes de frénésie alimentaire, le fait de se faire vomir volontairement, manger en cachette ou redouter de commencer à manger par crainte de ne pas pouvoir s’arrêter. Quatre personnes sur cinq disent ne jamais avoir rencontré pareilles situations. C’était déjà le cas en 2005 lors du précédent Baromètre . Ceci étant, c’est entre 15 et 19 ans que ces conduites sont les plus fréquentes, notamment le fait de manger en cachette. Remarque des auteurs : «On peut d’ailleurs s’interroger sur le sens que revêt un tel comportement à un âge où la plupart des jeunes n’ont souvent pas la maîtrise de ce qui est dans leur assiette.» Il est en effet plus facile de manger à sa faim, ni plus ni moins, quand on décide soi-même des quantités et du contenu de son repas.

Les conduites alimentaires perturbées sont plus fréquentes chez les femmes avec un écart maximum entre les sexes à l’adolescence. La distinction est particulièrement marquée s’agissant de la peur de commencer à manger par crainte de perdre le contrôle (14,8% des femmes vs 6,5% des hommes).

«Cet indicateur montre combien la nourriture est une préoccupation importante chez les jeunes filles», soulignent les auteurs. Or la littérature rapporte qu’un décalage entre la réalité et les attentes concernant le poids, synonyme d’insatisfaction vis-à-vis de sa propre image, est susceptible d’entraîner une détresse psychologique. Qu’en est-il chez les jeunes Français ? Le Baromètre 2010 ne met pas en évidence de lien entre la corpulence déclarée et des pratiques alimentaires perturbées. Il indique en revanche que les jeunes en surpoids ou obèses sont ceux qui évoquent le plus la peur de manger trop.

Dans une moindre mesure, les facteurs sociaux se révèlent également importants dans la survenue des quatre conduites alimentaires étudiées. Les jeunes issus des milieux défavorisés déclarent ainsi plus souvent que les autres manger beaucoup sans parvenir à se contrôler, redouter de le faire ou manger en cachette. À l’inverse, se faire vomir est plus fréquent chez les enfants de cadres.

Somme toute, les auteurs voient dans le fait de redouter de manger un indicateur assez général permettant de repérer la pression sociale et psychologique qui s’exerce sur le contrôle de la nourriture et touche davantage les adolescentes, de condition modeste, urbaines et qui sont déjà en surpoids. Et insistent sur la nécessité d’encourager les actions éducatives visant à ‘désidéaliser’ la minceur.

Références

La santé des 15-30 ans / Une lecture du Baromètre santé, Agora débats/jeunesse n°63, Injep, 2013. Disponible par article via https://www.cairn.info.
Baromètre santé jeunes, Inpes, 2010.

(1) Agora débats/jeunesse, revue paraissant trois fois par an, éditée par par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep). Internet: https://www.injep.fr.
(2) François Beck (Inpes), Viêt Nguyen-Thanh (Inpes), Jean-Baptiste Richard (Inpes) et Emilie Renahy (Centre for Research on Inner City Health/Keenan Research Centre, Toronto, Canada)

À l’écoute de la folie

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

À Télé-Accueil Bruxelles, la folie s’entend chaque jour au bout du fil. La santé mentale est au coeur de quatre appels sur dix: dépression, paranoïa, mélancolie, perversité, phobies, schizophrénie, délire, etc. Les références à la psychopathologie ne sont pas rares. Nous nous sommes arrêtés plus spécifiquement sur les appels où l’on perçoit des éléments de la psychose. Que viennent chercher au 107 ces appelants en souffrance psychique et qu’y trouvent-ils ? Quelle place aussi le service d’écoute leur accorde-t-il ?

L’Observatoire social de Télé-Accueil Bruxelles vient de terminer une recherche basée sur une centaine de récits d’appels relatés par les écoutants bénévoles, sur les statistiques de l’asbl et sur des rencontres avec des spécialistes en hôpital, en institution psychiatrique et en centre de santé mentale.

Premiers constats

La répétition

Tous les jours, à chaque permanence, toutes les heures, à peine raccroché parfois, le téléphone sonne à nouveau avec, au bout du fil, toujours la même personne. Le nombre de ces appelants réguliers, voire compulsifs et que nous appelons ‘les habitués’ ne cesse d’augmenter. Ces appels ne sont pas nécessairement longs, quelques minutes à peine parfois, au cours desquelles, souvent, ces appelants déroulent un contenu tout aussi répétitif.

Le diagnostic

Les écoutants n’ont pas à établir de diagnostic… Quelques appelants s’en chargent eux-mêmes. Certains nomment d’emblée leur trouble ou leur traitement, ils entament la conversation par un lapidaire «Je suis bipolaire» ou «Je prends de l’Haldol» . Quel est le sens de se présenter de cette manière ?

«Se nommer via sa pathologie peut donner de la consistance, voire une identité. Reste aux écoutants à entendre cet appel comme une demande de reconnaissance», dit Pascal Kayaert, directeur adjoint de Télé-Accueil Bruxelles.

L’absence de dialogue

Les appelants en souffrance psychique ont besoin d’un interlocuteur qui serve d’ancrage à leur discours; ils ont besoin d’une adresse. Télé-Accueil endosse ce rôle de ‘secrétaire’. Les appels de ce type peuvent incommoder les écoutants. Ils n’ont pas toujours la possibilité de placer un mot ! «Ces appelants semblent ne pas disposer du mode d’emploi pour entrer en relation avec l’autre. Appelants et écoutants ont comme des codes différents qui désarçonnent les uns et les autres», constate Myriam Machurot , formatrice à Télé-Accueil Bruxelles.

Une présence indéfectible

Plus de 58% des appelants vivent seuls. Le lien social est au coeur de 12% des appels en général et ce chiffre grimpe à 21% dans les appels de personnes en souffrance psychique. «Télé-Accueil peut faire office de point fixe dans l’univers d’un délirant. Celui-ci délire justement parce qu’il s’est trouvé sans repères suffisamment solides à un moment clé de sa vie. Pour certains, il suffit de savoir qu’en faisant le 107 quelqu’un va décrocher pour se sentir rassurés. Ils ne recherchent pas de longues discussions mais la confirmation que Télé-Accueil est toujours là, bien à sa place», dit une psychologue.

Quel message?

Que dégager de ces appels parfois envahissants, de ces propos parfois incohérents ? Les appelants parlent de leur souffrance mais le 107 peut être aussi un endroit où déverser la rage de ce qui les dépasse. Ces appels ne sont pas toujours exempts d’agressivité, de violence ou d’insultes, la problématique amenée est une mouvance sans direction. Certaines réactions peuvent enclencher des réponses explosives, les mots étant pris au pied de la lettre.

La certitude contenue dans le discours de l’appelant fait barrage au questionnement. «L’une des caractéristiques de certains appelants aux prises avec la psychose est la certitude psychotique», explique Myriam Machurot. «Un appelant est convaincu que tout ce qui est énoncé lui est personnellement adressé. Cela peut également se jouer dans le lien appelant/écoutant.» Un indice qui renvoie à nouveau l’écoutant à son rôle de secrétaire…

«Suis-je fou ?» Cette question existentielle est posée parfois de manière lancinante, obsédante comme les éléments qui la génèrent. Certaines personnes ont le sentiment que tout s’effondre en elles et autour d’elles. C’est le moment de la décompensation psychotique, moment particulièrement douloureux où l’appelant perd tous ses repères. Le sujet psychotique cherche à comprendre ce qui lui arrive. Il va réorganiser le monde selon une autre logique, le délire tente de redonner un sens à ce qui fait défaut.

Le choix du moment et de la posture

L’appelant choisit le moment de la parole et l’endroit d’où il parle. Il va jusqu’à choisir l’état dans lequel il appelle. La consommation d’alcool, d’anxiolytiques, de neuroleptiques ponctue en effet le quotidien de nombreux appelants.

Télé-Accueil, un psy comme un autre ? Nos statistiques montrent que sept appelants en souffrance psychique sur dix sont suivis par un thérapeute. Des appelants abordent également l’internement, les séjours à l’hôpital, les cures, la fréquentation de centres de jour…

Ceci pose la question de la place de Télé-Accueil dans leur parcours de soin. Est-ce un complément ? Selon un psychiatre, «le cadre est différent d’une thérapie avec des rendez-vous. C’est une question de moment, du moment de la crise. Les appelants ne s’attendent pas non plus à une interprétation, à une suite. C’est un endroit où déposer quelque chose, se plaindre sans qu’il y ait un retour.»

La peur de consulter n’est pas absente non plus. Un appel téléphonique n’est pas une confrontation, il permet une distance parfois nécessaire. Il permet aussi de s’entraîner à prendre la parole, à formuler ses pensées, à tirer des sentiments au clair. Des appelants s’en satisfont un temps, court ou long, d’autre franchiront ensuite le pas vers une confrontation physique, un face-à-face avec un thérapeute. Ils dépasseront le ‘tout, tout de suite’ en prenant un rendez-vous, qui fait déjà partie d’une autre démarche de soin.

Les effets du 107

Les appelants vont-ils mieux après un appel à Télé-Accueil ? Le contenu des propos chargés de désespoir et de difficultés diverses est parfois rude à entendre. Mais si appeler le 107 n’est pas sans effet, comme aucun suivi n’est instauré, il est difficile de l’évaluer.

«D’une certaine façon», dit un psychiatre, «le patient essaie de créer un processus de guérison qui ne passe pas par le biais du spécialiste qui sait mais par le biais de celui qui l’écoute car la parole est quelque chose que l’on adresse à soi autant qu’à l’autre: quand on parle, on s’écoute parler. En acceptant l’anonymat et le contrat de non-agir, la parole du patient est mise en valeur. Télé-Accueil n’essaie pas de soigner mais d’écouter. Il renforce d’une certaine façon le potentiel autoguérissant de la parole du patient.»

Le rapport de recherche complet est disponible sur https://www.tele-accueil-bruxelles.be/publications.php.Contact: Télé-Accueil Bruxelles. Tél.: 02 538 49 21 – Courriel: secretariat@tele-accueil-bruxelles.be

Conseil des résidents : la participation des seniors au ‘Val des Roses’

Le 30 Déc 20

Publié dans la catégorie :

Pour beaucoup de personnes âgées, les homes sont les derniers lieux de vie. Ils y partagent leur quotidien avec d’autres résidents. Lorsque les gestes se font plus lents, les paroles plus hésitantes, la mémoire parfois vacillante, comment rester acteur dans ces espaces de vie commune pris en charge par des professionnels ? Le Conseil de résidents permet-il de prendre une place active et citoyenne ? Si oui, sous quelles modalités ?

Dans le cadre d’un appel à projet lancé par le CPAS de Forest à destination du home Val des Roses, le Centre Bruxellois de Promotion de la Santé (1) en partenariat avec Forest Quartier Santé, a tenté d’éclaircir ces questions et bien d’autres encore.

Présentation in vivo de ce processus de travail

Ce mois de juillet, la chaleur est plombante. À quatorze heures, le Val des Roses se réveille d’une sieste, d’un rêve, d’une pensée enfuie ou obsédante. Les téléviseurs restés allumés retrouvent leurs spectateurs. D’un pas alerte ou plus engourdi, certains s’acheminent vers le jardin inondé de soleil. Nous les suivons. Nous nous accordons, Melissa et moi, ces quelques jours pour interviewer individuellement les résidents du Val des Roses.

Le Val des Roses compte 160 résidents. Trois étages où se côtoient des personnes valides, moins valides ou invalides parfois aussi atteintes de la maladie d’Alzheimer. Ancien professeur, chanteuse, couturière, comptable, serveuse, les destins sont multiples et les conditions financières variées, les liens familiaux présents, inexistants, sereins ou tourmentés…

Nous sommes impatientes, un brin fébriles, de pouvoir les rencontrer personnellement et prendre le temps de les écouter. Avant cela, nous avons eu des réunions avec les familles, avec les membres du personnel et avec plusieurs résidents à la fois. Cela fait maintenant deux mois que nous arpentons régulièrement les couloirs de cette maison de repos. Nous commençons à trouver nos marques, à identifier les lieux.

L’appel à projet

Revenons brièvement en arrière. En novembre 2011, nous répondions à l’appel à projet lancé par le CPAS de Forest, dont l’objet était d’évaluer le fonctionnement de l’actuel Conseil des résidents et de proposer une méthodologie et un fonctionnement plus dynamique.

Travailler la question de la participation auprès des personnes âgées, nous l’avons déjà expérimenté dans le cadre de deux projets, notamment le carnet Relais en collaboration avec le Home Van Aa du CPAS d’Ixelles. Le sujet nous mobilise. Creuser et investiguer davantage cette approche participative nous décide à répondre rapidement à l’appel à projet. Nous proposons à Forest Quartier Santé, organisme de santé communautaire bien implanté dans sa commune d’y participer.

Dans cet appel à projet, nous souhaitons réaliser un diagnostic communautaire.

Il s’agit d’intégrer la parole des résidents mais aussi celle des différents acteurs gravitant directement ou indirectement autour des résidents. Notre démarche se veut qualitative : partir de la parole des résidents et de leurs besoins, sonder leur connaissance du Conseil, la représentation qu’ils s’en font, interroger le souhait de s’y impliquer ou pas… Nous envisageons ce diagnostic communautaire en plusieurs étapes : d’abord élaborer une grille de questions et puis expérimenter ces questions avec les résidents. Il s’agit de valoriser les compétences et ressources des résidents. Forest Quartier Santé est aussi engagé dans ce travail d’expérimentation.

L’étape suivante est la phase des entretiens avec les résidents, les familles, les professionnels par groupe focus et entretiens semi-directifs. Ensuite, nous analyserons les entretiens en collaboration avec les partenaires de terrain dont Forest Quartier Santé et ceux qui le souhaitent. Et cette analyse nous permettra, in fine, de faire des recommandations.

Des théories à la réalité

Soyons franches, si les étapes de travail sont bien claires pour nous, elles rendent nos interlocuteurs, les professionnels du home, perplexes. Leur assurer avec aplomb que nous ignorons quelle forme revêtira le Conseil des résidents et son fonctionnement ne leur semble pas rassurant. C’est en tout cas ce qu’il ressort de nos deux rencontres. Est-il difficile de mettre en pratique l’expérimentation de la participation ? Peut-être notre souci de transparence est-il un poids pour ces professionnels déjà bien absorbés par leur propre travail ? Nous comprenons que notre appel à constituer un petit comité de pilotage pour travailler les questions ne les enthousiasme pas.

Néanmoins, ces professionnels insistent sur l’importance de prendre en compte tous les résidents, en particuliers les discrets, ceux qui parlent peu, qui restent dans leurs chambres, les non valides car «ce sont souvent les mêmes que vous allez entendre dans un groupe» . Leur aide sera précieuse pour nous présenter à ces résidents. Ils nous diront quelques mots du Conseil des résidents où le sujet de prédilection tournait toujours autour de la cuisine, «les plats, ce qui plait ou pas; c’est bien normal d’ailleurs, les moments des repas prennent une grande place dans leur journée». Ce qui a amené à créer une commission spéciale cuisine.

Ici au home, le bouche-à-oreille fonctionne à une vitesse foudroyante ! Le petit groupe (trois personnes) avec lequel nous avions rendez-vous pour travailler à la présentation du projet aux autres résidents et aux familles se transforme en assemblée de vingt-deux personnes. Elles sont attablées, tasses de café posées, le regard curieux. Nous voilà coincées : nous sautons les étapes. Tour de table, présentation de chacun et puis on se lance. «Qu’est-ce qu’un Conseil des résidents idéal ?» Une question avec laquelle nous espérons dégager des pistes et tenter de dépasser les plaintes.

Très vite, une petite voix s’élève, «Il faudrait une bonne harmonie entre les résidents». Quelques ricanements, haussement d’épaules mais les langues se délient. En quelques secondes, tous parlent et il nous faut rétablir l’ordre et passer au patient «chacun à son tour». Du «j’ai rien à dire» au «il faut trouver les qualités de chacun» à «les autres quand ils ont une opinion, ils font tout pour la faire triompher», nous éclaircissons ce que chacun entend par harmonie.

Cette rencontre détonante nous permet de glaner une grande diversité de points de vue. Nous expérimentons aussi sur le vif combien l’aspect interrelationnel a une incidence sur le quotidien et peut avoir un impact sur le Conseil des résidents.

Et les familles…

Beaucoup de résidents ne sont pas ‘orphelins’ de leur famille, les liens avec celle-ci apparaissent souvent complexes. Si dans nos déambulations, nous rencontrons des habitués, une sœur, un mari, un fils… qui nous saluent, combien de résidents en attente de nouvelles des leurs ? Réunir les familles des différents résidents ne coule pas de source.

Cette après-midi, nous sommes à la cafétéria, façon petit bistrot donnant aussi sur le jardin. Irène et Élise sirotent leur boisson. À notre invitation, toutes deux se sont proposées pour animer avec nous la réunion ‘familles’. Une occasion pour elles de s’interroger sur la nécessité de mélanger les résidents et les familles dans le cadre d’un Conseil des résidents : «Beaucoup de résidents épargnent à leur famille leurs soucis, questions… En général, on n’a pas les mêmes préoccupations. Quand les familles sont là, on ne parle pas de la même manière mais bon… Ils pensent à notre bien-être, et à des tas de choses auxquelles on ne pense pas». La présence de membres des familles au sein du Conseil des résidents s’avère surtout cruciale pour représenter les patients invalides ou atteints d’Alzheimer.

Avec Élise et Irène, nous décidons de nous attacher à une question concrète et générale. «En tant que famille de résident, comment améliorer le Conseil des résidents?» Élise se chargera d’accueillir les familles et de les inviter à se présenter et Irène de lancer le débat. Nous serons là en qualité de modératrices.

Ce 24 mai à 18 heures, Irène et Élise sont prêtes. Quelques membres des familles seulement sont présents. On s’attardera principalement sur la question de la communication et nous déciderons ensemble d’envoyer un courrier signé par tous pour inciter un peu plus de familles à participer. Le président du CPAS, Monsieur Roberti est aussi convié. La deuxième réunion, avec davantage de familles, s’avèrera riche de propositions. Les résidents seront très peu prolixes. Nous les retiendrons ‘texto’ en termes de recommandations, en voici quelques-unes.

– Les familles ont exprimé le désir que lors des réunions du Conseil soient également présents un représentant de la direction du home et un représentant du comité de gestion (du CPAS). Il est aussi proposé que les chefs de services puissent être invités en fonction de l’ordre du jour. Les inviter est une manière de comprendre le mode de fonctionnement de la maison dans un objectif de compréhension et non de critique. Elles ont aussi demandé que le Conseil reste ouvert.

– Le Conseil des résidents aura plusieurs objectifs. Le premier est de dégager un espace de dialogue, de concertation. Le Conseil réalisera des propositions auprès des organes décisionnels du Val des Roses. Il s’agit de créer une dynamique qui puisse mettre à jour les différents besoins, de favoriser la communication et de s’interroger ensemble sur le bien-être des résidents et des travailleurs. Par les PV et les suivis, il est important de laisser une trace et de donner force aux diverses propositions.

– Il est proposé de créer une cellule de coordination émanant du Conseil des résidents qui aurait pour mission de préparer le Conseil (les ordres du jour, les suivis, les PV…) lors de réunions préparatoires et de jouer le rôle d’interface entre le Conseil des résidents et les différents organes décisionnels du home.

Les familles présentes aux réunions étaient au courant de l’existence du Conseil. Toutes avaient un avis bien tranché… Que pouvaient penser les autres ? Les interviews individuelles allaient nous éclairer.

Paroles individuelles

Nos passages fréquents au home, les diverses réunions avec les professionnels, résidents, familles, nos rencontres avec le directeur Monsieur Devillers nous permettent une meilleure appréhension du contexte dans lequel s’inscrit le Conseil des résidents. Nous avons interviewé avec Forest Quartier Santé vingt résidents et huit familles. Aucune des familles rencontrées ne connaissait le Conseil. Lorsqu’on leur a expliqué en quoi il consistait, elles trouvaient qu’il était important d’y intégrer les familles.

Pour les résidents, nous avons été soucieux d’intégrer des personnes valides, moins valides et non valides. Pour les résidents valides, nous nous sommes rendues dans le jardin, le petit salon bleu mais nous avons aussi arpenté les couloirs pour rencontrer les ‘promeneurs plus solitaires’.

Et nous voilà donc maintenant en face de J., résidente du home depuis quatre ans. Bien enfoncée dans le fauteuil bleu, son tricot en main, elle accepte de nous consacrer un moment pour discuter du Conseil des résidents : «Bon, j’y ai été deux fois, je n’y vais plus. Les résidents répondent à côté de la plaque et moi, ils me disent de me taire».

Une bénévole s’approche de nous «Un peu de café, mesdames ?» Les trois tasses posées sur la table, J. poursuit la conversation : «Je veux bien écouter les gens mais ce qu’ils disent ne m’intéresse pas». J. s’emporte et s’étrangle avec son café. Et nous voilà en train de lui tapoter le dos, prendre des serviettes, essuyer. Vite trouver un autre sujet de discussion pour l’apaiser. J. a manifestement le verbe fort et le sang chaud. Ses journées, elle les passe beaucoup à broder, tricoter, coudre. Ses ouvrages sont vendus et rapportent de l’argent à la caisse ‘sortie’ : «J’aime bien, je me sens utile de participer pour tout le monde» . Elle nous explique : «La vie tous ensemble n’est pas toujours facile car je n’en ai pas eu l’habitude. Cela a des inconvénients mais l’avantage, c’est de ne pas être seule».

S’il est plus évident d’aborder les résidents dans les espaces communs, nous hésitons à prendre contact avec les personnes en chambre. Mariem, l’animatrice, sera celle qui nous présentera. Petit coup bref à la porte : «Je peux entrer ?» Puis, après présentation de notre demande, elle nous fera signe d’entrer si celle-ci est acceptée. Certains résidents déclineront : pas en forme, pas envie, pas aujourd’hui.

Sur la terrasse, E. est abritée par un parasol. Oui, elle connait le Conseil des résidents, elle y va de temps à autre mais les sujets sont toujours les mêmes. E. relève les différences entre les résidents qui ne favorisent pas les complicités et connivences. «On n’a pas la même instruction

Vivre ensemble les différences

Les différences d’âges marquent des différences entre les résidents. Certains nous disent «Je ne vais pas au Conseil des résidents, c’est pour les jeunes». Les plus âgés restent aussi davantage dans leur chambre, plutôt solitaires «avant je connaissais des gens, maintenant, ils sont décédés, alors…» Et le monde semble se rétrécir…

Les résidents non valides que nous avons interviewés ne se disent pas intéressés par le Conseil des résidents. «Le Conseil des résidents ? Je ne sais plus, je reste dans ma chambre bien au chaud, tranquille

Nous croisons A. dans les couloirs, yeux bleus intenses, sourire doux et frondeur : «Le Conseil des résidents, l’important, c’est de faire ce qu’on a envie alors je laisse faire le Val des Roses. Chacun est libre, moi, j’aime d’être libre.» Une aide-soignante s’approche d’elle, lui tend la main : «Vous cherchez votre chambre ?» Les personnes atteintes d’Alzheimer et/ou de démence ne connaissent pas le Conseil des résidents ou si elles le connaissent, ne savent jamais quand il se déroule. Elles oublient les dates.

Certains résidents établissent aussi des clivages en fonction de leur situation financière : «Elle est toujours bien pomponnée, elle va chez le coiffeur tout le temps et elle n’offre un verre à personne, c’est une mijaurée.» Cette disparité suscite des jalousies de la part de certains et inversement une certaine condescendance des autres qui ne facilite pas les rapports entre résidents. La méfiance des uns et des autres n’incite pas à donner son avis.

Participer au quotidien ?

D’emblée, lorsqu’on aborde la question du Conseil des résidents, de sa connaissance ou non, les propos des habitants comme ceux des familles expriment des préoccupations concernant le quotidien des résidents et l’attention qu’on leur accorde. Ce sont, il nous semble, des préalables à leur participation comme à celle des membres des familles.

En effet, ces questions interpellent la place d’acteur des résidents, celle de leur bien-être au sein de leur espace de vie. Ces préoccupations relèvent de quatre thématiques : l’accueil (dont découle l’ambiance générale), les activités, les relations interpersonnelles, la communication.  De ces thématiques, nous relevons des pistes dont certaines sont émises par les résidents et/ou les familles.

– Les familles comme les résidents constatent que ces derniers sont bien accueillis par les professionnels. Cependant beaucoup de résidents relèvent la difficulté de s’intégrer au sein de la collectivité. L’accueil est-il seulement l’affaire de professionnels ? Les résidents peuvent-ils s’approprier cette question, la travailler et faire des propositions ?

– Comment un lieu collectif rassemblant des personnes âgées peut-il inviter à plus de convivialité ?

– Quelle peut être la contribution des résidents et des familles, des professionnels, de l’institution pour améliorer cette convivialité ? Certaines familles font des propositions dont celle d’ouvrir davantage le Val des Roses au quartier pas uniquement pour les résidents et les familles. Du coup, Forest Quartier Santé ne serait-il pas un bon relais ?

Lorsqu’on aborde le thème des activités, les réactions sont très diverses car elles expriment la variété des profils des personnes âgées. Les activités joueraient pour les résidents un vrai rôle intégrateur car l’oisiveté a un impact sur les relations entre les gens : «On cancane, ça passe le temps» . Plusieurs personnes suggèrent de faire appel aux compétences et talents des résidents afin de créer une ‘animation-rencontre ‘. Il reste que pour certains, il n’y a plus d’envie ni pour les animations, ni pour le collectif. Le droit de non participer est un élément à considérer.

Quant aux relations interpersonnelles, elles constituent un sujet intarissable. Les résidents mettent en avant les difficultés qu’impliquent le collectif, la vie en commun nécessite un certain respect des différences. La question des relations interpersonnelles n’est pas sans lien avec celle de l’accueil et des animations.

Nous présentons les résultats de nos démarches lors d’une réunion où sont rassemblés les résidents et quelques familles. Et les échanges porteront sur… les relations interpersonnelles. Le nécessaire ‘dire bonjour’ facilite la vie, le sourire, qui n’est pas de la familiarité, représente une marque d’attention simple. Reste à voir comment insuffler cet état d’esprit.

De ces échanges, nous proposons de réaliser une charte. Cette dernière, que nous rédigerons comme pièce à casser, reprend dix points favorisant les échanges entre résidents. Nous suggérons qu’elle soit débattue lors du prochain nouveau Conseil. Celui-ci sera désormais composé de résidents mais aussi de membres représentants des familles. Les thématiques identifiées pourront faire l’objet d’un travail au sein du Conseil.

Quant à nous, nous nous retirons. Et nous espérons que les paroles livrées et consignées de nos aîné(e)s feront leur chemin…

Cet article est une ‘version longue’ d’un texte paru dans Bruxelles Santé n°70, en juin 2013.

Interview de la présidente du Conseil des résidents

Irène Decant m’attend à la cafétéria. Élégante dans sa robe blanche gansée de rouge, la présidente du nouveau Conseil des résidents est prête à me recevoir.

Patricia Thiebaut : Qu’en est-il de la représentation de tous dans ce Conseil ?

Irène Decant : Nous sommes 15 membres. Il y a 7 résidents et 8 représentants de résidents atteints d’Alzheimer ou de lourds handicaps (ce sont les enfants ou les conjoints de ces personnes). Lors d’une réunion pour élire les membres, les résidents intéressés ont levé la main pour faire partie de ce Conseil. Des 7 résidents, cinq sont des femmes et tous sont valides. Pour ma part, je ne me suis pas présentée. C’est un membre d’une famille qui m’a poussée, alors comme je n’étais pas opposée…

Mon rôle dans ce Conseil est de faire en sorte que tout le monde parle. Le directeur est présent et souvent on l’interpelle donc, il répond aux questions, il explique…

Nous nous réunissons tous les trois mois et force est de constater que c’est trop peu. Nous survolons les points sans rien creuser. Chacun vient avec des tas de questions et de remarques et c’est très compliqué pour partager les temps de parole. Donc, nous allons rectifier le tir: ce sera une réunion par mois avec un thème commun pour tous. Cela permettra enfin à tout le monde de s’exprimer… et sur des sujets qui nous intéressent. Ensuite, nous organiserons des générales deux ou trois fois l’année.

P.T. : Certains au sein de ce Conseil ne s’expriment pas, ou pas assez selon vous ?

I.D. : On va dire que certains, essentiellement des membres des familles, ne laissent pas la parole aux résidents. Ils parlent bien et trop ! Enfin, ils sont très pris par les problèmes de santé de leurs parents, les difficultés qu’ils éprouvent dans le home. Et je ne parviens pas à leur couper la parole, c’est délicat. Alors je suis obligée d’imposer à la fin de la réunion un tour de table afin que les résidents puissent parler. Et à partir de ce moment, ils donnent leurs avis. Parmi les résidents élus, certains ne viennent plus, sans doute parce qu’ils ne voient pas l’intérêt de ce Conseil. Certains ne se sentent finalement pas à l’aise pour expliquer leur avis.

P.T. : Qu’avez-vous imaginé pour pallier cette difficulté ?

I.D. : Il nous semble qu’il faudrait scinder le groupe. Un Conseil pour les membres des familles et un autre pour nous les résidents qui ont d’autres préoccupations. Ainsi nous pourrons prendre le temps qu’il faut pour approfondir un sujet. À chaque fois qu’un thème sera abordé, on invitera les travailleurs concernés à participer au Conseil. Les personnes plus mobiles sont désireuses de plus de variété dans les animations. Cette question des animations, beaucoup des résidents valides en parlent et je dois ramener ce problème au Conseil.

P.T. : Une présidente soucieuse de toujours relayer les préoccupations des autres ?

I.D. : Oui, c’est ma fonction d’être vigilante sur ce point. Mais, il y a des tas de choses qui se règlent en dehors du Conseil. Je suis aussi la messagère des personnes plus timides ou en difficulté dans des conflits avec des personnes, que ce soient des résidents ou des membres du personnel. C’est un peu un rôle de médiation. Parfois ce n’est pas facile, je peux parfois me mettre à dos certains résidents. Mais attention, pour les points qui ne sont pas de mon ressort, je vais trouver l’infirmière en chef, le psychologue ou le directeur pour qu’ils prennent en charge le problème…
Oui, c’est passionnant pour moi d’avoir des responsabilités qui vont pouvoir améliorer la vie ici.

(1) Il s’agit de la nouvelle identité de l’ancien Centre local de promotion de la santé de Bruxelles.