Articles de la catégorie : Initiatives

La contraception, business utile et rentable

Le 30 Déc 20

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À l’occasion de la Journée mondiale de la contraception du 26 septembre dernier, la Fédération laïque des centres de planning familial (FLCPF) a organisé à Bruxelles un colloque d’une demi-journée sur la thématique. Professeurs d’université, médecins, gynécologues, journalistes et surtout, praticiens en centres de planning étaient de la partie. Éducation Santé en était également et vous en propose deux moments intéressants.

L’étude européenne «CHOICE» ou l’impact du counselling dans le choix d’une méthode contraceptive

En Belgique, environ 70% des femmes utilisant un moyen contraceptif ont choisi la pilule classique, 20% le stérilet et 10%, d’autres moyens tels que le patch, l’implant ou l’anneau vaginal. Mais parmi elles, lesquelles ont réellement choisi leur moyen de contraception ? Ont-elles reçu toutes les informations utiles pour faire leur choix ? Et parmi celles qui les ont reçues, combien ont choisi le moyen qui convient le mieux à leur situation personnelle ?

«En Belgique, une femme sur six connaissant une grossesse non désirée avorte. Or, 50% d’entre elles n’utilisaient pas de contraceptif (ou un contraceptif peu fiable) et 15% utilisaient des préservatifs», a souligné lors du colloque le Dr Merckx, gynécologue participant à l’étude et co-présidente de la VVOG (Vlaamse Vereniging voor Obstetrie en Gynaecologie). Face à ce constat, l’étude CHOICE (1) (The Contraceptive Health Research Of Informed Choice Experience), menée dans 11 pays européens dont la Belgique, avait pour objectif principal de mesurer l’impact d’un modèle structuré de conseils appliqué par les gynécologues durant leur entretien avec les femmes, au sujet des méthodes contraceptives hormonales combinées (pilule combinée, anneau vaginal et patch transdermique).

Concrètement, les gynécologues ont reçu un schéma à suivre durant les entretiens avec leurs patientes. Ce guide de counselling contenait les informations utiles sur ces 3 méthodes de contraception. Il décrivait leur efficacité, leur mode d’action, leurs risques, leur fréquence d’administration et les aspects pratiques de leur utilisation. Avec ce support, les 121 gynécologues participant ont évoqué avec leurs patientes leur style de vie et cherché, avec elles, le dispositif correspondant à leurs habitudes de vie. Les quelque 1800 femmes du panel ont été interrogées quant à la méthode contraceptive à laquelle elles envisageaient d’avoir recours avant l’entretien. À la fin de celui-ci, on leur a demandé quelle méthode elles avaient finalement choisie et dans quelle mesure celle-ci différait de leur choix initial.

Les résultats sont surprenants : 39% d’entre elles ont modifié leurs intentions de base ! De 66,7% envisageant la pilule avant l’entretien, elles n’étaient plus que 52,6% après celui-ci. En ce qui concerne le patch transdermique, le pourcentage est passé de 2,6 à 5,3%; et pour l’anneau vaginal, la proportion est passée de 9,1 à 27% (2). Le principal transfert s’est fait d’une méthode quotidienne à une méthode hebdomadaire (le patch) ou mensuelle (l’anneau), ce qui tombe plutôt bien puisque l’oubli de la pilule contraceptive explique le pourcentage élevé d’échecs de contraception, entraînant de fréquentes grossesses non désirées.

Quant aux indécises avant l’entretien (11,1%), elles étaient moins nombreuses après avoir discuté avec leur gynécologue (6,3%). Enfin, celles qui n’avaient pas de préférence spécifique ont finalement suivi l’avis de leur gynécologue dans 80% des cas !

Côté professionnels, le counselling aurait également du bon, témoigne le Dr Merckx, «(…) la participation à cette étude fut pour moi une expérience particulière (…). Au fil des années, on a le sentiment de connaître le sujet et on se permet de passer certains éléments en revue plus rapidement. Ici, nous devions évoquer de la même manière structurée tous les moyens contraceptifs. Cela permet de travailler en tenant davantage compte de la patiente.»

Évidemment, prodiguer ce genre de conseils leur prend bien plus de temps. «Je n’ai jamais eu autant de retard dans mon cabinet qu’au moment de cette étude», témoigne-t-elle encore. Mais cela permet aussi, dit-elle, d’atteindre un plus grand niveau de satisfaction, et une meilleure compliance des femmes.

Reste donc aux professionnels à adapter le nombre et la durée de leurs consultations pour pouvoir conseiller utilement leur patientes et leur permettre de faire un choix contraceptif éclairé. Qui sait…

Les enjeux économiques de la contraception

Henri Houben, chercheur (3) au GRESEA (Groupe de recherche pour une stratégie économique alternative) est venu nous parler du marché du contraceptif, car oui, c’est un business, et un business qui se porte plutôt bien, alors que la crise touche la plupart des autres secteurs de l’industrie. Comme pour les poudres à lessiver, malgré une apparente concurrence, le marché belge de la contraception, qui compte plus de 100 marques, ne concerne que quatre firmes pharmaceutiques (4), qui détiennent le plus souvent un monopole sur un segment particulier. À titre d’exemple, Bayer détient la moitié du marché belge !

Ces grandes sociétés se sont développées massivement dans les années ’70 et leur chiffre d’affaires n’a fait qu’augmenter ces vingt dernières années (plus précisément, il a triplé). Le prix des médicaments/produits qu’elles commercialisent augmente sans cesse du fait de leur position de monopole. Ces profits engrangés sur le dos des patients ou de la sécurité sociale couvrent les frais de recherche mais bien au-delà, comme chacun sait. Ces bénéfices approvisionnent en réalité surtout les actionnaires en dividendes.

Le but de ces firmes, explique donc l’économiste, n’est pas de ‘sauver l’humanité’, mais bien d’engranger un maximum de profits. Et elles y parviennent très bien grâce à l’un ou l’autre produit phare protégé pendant 20 ans par un brevet et pour lequel elles tenteront de prolonger cette période par la modification (parfois subtile !) de la composition du médicament. D’autres vont jusqu’à produire eux-mêmes le générique de leur propre médicament ou attaquent systématiquement en justice les sociétés qui auraient l’audace de vouloir produire la même molécule. Même si ces grandes firmes sont parfaitement conscientes de l’issue défavorable du procès, elles choisissent de dissuader par la peur leurs potentiels concurrents.

Ces constats, même s’ils ne nous révèlent pas un phénomène déjà largement connu, soulignent une fois de plus le fait singulier que la santé est un marché d’un genre particulier, n’obéissant pas aux règles habituelles. Le ‘malade’ ne choisit pas de l’être, il est en quelque sorte un client obligé. Même pas besoin de le convaincre : le corps médical s’en charge le plus souvent ! Le chercheur conclut un peu désabusé que, pour ces raisons, la santé devrait rester du domaine public…

La Fédération laïque de centres de planning familial (FLCPF)

Née en 1972 du regroupement des premiers centres de planning familial en Belgique, la Fédération Laïque de Centres de Planning Familial est la première fédération de centres de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Elle rassemble aujourd’hui une quarantaine de centres à Bruxelles et en Wallonie. La moitié de ces centres pratiquent l’avortement.
En Belgique, le mouvement du Planning familial a contribué à l’émergence de changements sociaux et politiques notables: libre accès à la contraception, dépénalisation de l’interruption volontaire de grossesse, développement de l’éducation sexuelle et affective.

L’action de la FLCPF a pour objectif global de protéger ces acquis, d’étendre leur champ d’application et de promouvoir la qualité et la spécificité du travail en centre de planning familial. Elle se donne comme ligne conductrice la reconnaissance des droits sexuels et reproductifs comme des droits humains fondamentaux.

La FLCPF défend ses valeurs et se bat pour ses objectifs dans des actions politiques et publiques. Elle prend régulièrement position dans des conférences et des débats et propose des formations professionnelles en promotion de la santé sexuelle (voir https://www.planningfamilial.net/index.php/formations/presentation) et met à la disposition du public un centre de documentation spécialisé qui publie brochures et dossiers d’information (le CEDIF – voir plus bas).

La FLCPF coordonne également le projet Sex&Co de promotion de la santé sexuelle et affective en milieu festif ( https://www.sexandco.info/Sex-Co, ou sur Facebook) et dispose d’un centre de ressources sur le handicap et la sexualité.

La FLCPF est agréée comme organisme général d’éducation permanente par la Fédération Wallonie-Bruxelles et est agréée comme organisme représentatif de ses membres par la Commission communautaire française de la Région de Bruxelles-Capitale. La FLCPF bénéficie également de subsides en promotion de la santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles et est soutenue par Actiris.

Fédération Laïque de Centres de Planning Familial, rue de la Tulipe 34, 1050 Bruxelles. Tél.: 02 502 82 03, fax: 02 503 30 93,courriel: flcpf@planningfamilial.net.

Le CEDIF – Centre de documentation et d’information sur la vie affective et sexuelle

Le CEDIF est le seul centre de documentation de la Fédération Wallonie-Bruxelles spécialisé dans les questions liées au planning familial et, plus largement, à la vie affective et sexuelle. Il fut créé en 1980 afin d’assurer aux centres de planning familial et au grand public un service d’accès à la documentation et à l’information de qualité.
Le CEDIF c’est:
une bibliothèque de plus de 600 ouvrages;
plus de 20 revues spécialisées dépouillées;
près de 30 dossiers de presse thématiques;
de nombreux travaux, mémoires, rapports et enquêtes;
une vidéothèque et des outils pédagogiques.

Une base de données informatisée reprend plusieurs centaines de références d’articles, livres et documents et permet une exploitation maximale du fonds documentaire.

Dans le cadre de sa mission d’éducation permanente, le CEDIF assure également la réalisation et la diffusion de publications et d’une revue de presse mensuelle. Ces réalisations ont pour objectif de proposer aux citoyens une information pertinente et fiable leur permettant d’exercer leur libre choix responsable en matière de droits sexuels et reproductifs.

Le CEDIF collabore à différents réseaux documentaires ce qui permet de partager pleinement l’information et d’échanger la documentation pour une meilleure prise en charge des demandes du public.

Pour découvrir et commander en ligne les brochures d’informations de la FLCPF: https://www.planningfamilial.net/index.php/documentation/publications/brochures-d-information
Pour les dossiers thématiques de la FLCPF: https://www.planningfamilial.net/index.php/documentation/publications/dossiers-thematiques
Pour les outils pédagogiques:
https://www.planningfamilial.net/index.php/documentation/publications/outils-pedagogiques

Pour tout autre information, le centre de documentation est accessible à tous gratuitement, du lundi au vendredi de 9h à 12h, le mercredi de 14h à 17h.

CEDIF, rue de la Tulipe 34, 1050 Bruxelles. Tél.: 02 502 68 00, fax: 02 503 30 93, courriel: cedif@planningfamilial.net.

(1) Lire à ce propos Merckx M., Donders Gilbert G., Grandjean P., Van De Sande T., Weyers S., Does structured counselling influence combined hormonal contraceptive choice?, The European Journal of Contraception and Reproductive Health Care, December 2011 (16), pp.418–429.
(2) Il est toutefois curieux que l’anneau, grand ‘gagnant’ de l’étude, soit justement le moyen de contraception commercialisé par la firme sponsor de l’étude…
(3) Dans le secteur de l’automobile! Mais, a-t-il confié à l’auditoire, ce qui est applicable au secteur automobile l’est également à l’industrie pharmaceutique. À la bonne heure…
(4) Johnson & Johnson, Merck, Pfizer et Bayer (et 2 ou 3 producteurs de génériques, tout de même). À plus grande échelle, ce sont 12 firmes seulement qui contrôlent le marché mondial du médicament. Leur taux de rentabilité est nettement supérieur à la moyenne industrielle.

Icaps: le grand bond en avant

Le 30 Déc 20

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Pour promouvoir l’activité physique des enfants et des jeunes, l’Inpes (Institut national de prévention et d’éducation pour la santé – France) mise depuis 2010 sur la stratégie Icaps (intervention auprès des collégiens centrée sur l’activité physique et la sédentarité). Et les projets fleurissent… comme par enchantement ?

Un premier appel à projets fut lancé en 2011, suivi d’un autre en 2012. À ce jour, 15 projets ont été retenus par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (Inpes), qui leur accorde une subvention pour promouvoir l’activité physique des jeunes. Tous portent les couleurs d’Icaps et ont pour ancêtre commun une expérience scientifique débutée en 2002 dans l’Est de la France. Pendant 6 ans, le Prof. Chantal Simon, médecin et enseignant-chercheur en nutrition et son équipe ont passé au crible les pratiques d’activités physiques d’une cohorte de 954 élèves de 6e dans des collèges du Bas-Rhin, traquant les changements de comportement et d’éventuels effets bénéfiques sur la santé, en particulier l’indice de masse corporelle et le risque cardiovasculaire.

Ainsi ancrée en milieu scolaire, l’étude ciblait des enfants aux profils sociaux variés. Plusieurs questions préoccupaient les chercheurs. Ils voulaient notamment savoir s’il est possible de modifier le niveau d’activité physique des adolescents alors qu’il existe déjà une offre d’activités importante à l’école comme en dehors. Et si oui, comment maintenir dans le temps cette modification ?

Deux groupes d’élèves ont été constitués : le premier bénéficiait d’interventions spécifiques permettant aux jeunes d’augmenter leur niveau d’activité physique et de participer à une réflexion sur ses bienfaits; le second groupe suivait le programme scolaire habituel et servait de groupe de référence.

Les résultats de l’étude montrent une augmentation de l’activité physique hebdomadaire des enfants (+54 minutes en moyenne), une diminution du temps passé devant la télévision (-20 minutes par jour) et une limitation significative de la prise de poids à l’issue de l’intervention, qui a duré 4 ans. Des effets toujours observables deux ans plus tard et qui s’avèrent plus marqués chez les jeunes des milieux les moins favorisés, notent les auteurs. Une conclusion qui n’est pas sans rappeler les principaux enseignements de la campagne américaine VERB mise en place à la même période (voir Éducation Santé n°279 de juin 2012). Ainsi démontrée, l’efficacité de la méthode a eu tôt fait d’arriver aux oreilles de l’OMS qui l’a approuvée en 2009. Deux ans plus tard, c’est au tour de l’Inpes d’inciter les opérateurs de terrain à s’engager dans la démarche.

Un modèle d’approche écologique

Les actions Icaps qui se déploient actuellement entendent donc participer à la lutte contre l’obésité et le risque vasculaire chez les jeunes Français. Plus largement, il s’agit de favoriser une pratique de l’activité physique régulière et source de plaisir dans l’enfance et l’adolescence. Une sorte de pari sur l’avenir puisqu’il est établi que cette habitude comme ses bienfaits se prolongent à l’âge adulte.

Pour ce faire, l’approche Icaps prône une intervention à trois niveaux, dite socio-écologique ou systémique. D’autres encore la nomment ‘outil de catégorisation des résultats’. Elle consiste à cibler l’individu au travers de ses connaissances, sa motivation, ses attitudes et ses compétences; son entourage afin qu’il valorise l’activité physique, relaie l’information et soutienne les changements de comportements; et enfin l’environnement en impliquant les partenaires, pour fournir les conditions matérielles et institutionnelles de pratique et assurer la promotion auprès des intéressés. Pas de label Icaps sans cette triple mobilisation qui est sa signature et lui confère sa légitimité parmi les actions d’éducation pour la santé conçues dans l’esprit de la charte d’Ottawa. Pour ceux qui sont rompus à l’exercice du montage de projets en promotion de la santé, la recette n’est pas nouvelle. Mais couchée noir sur blanc dans un guide (1) édité par l’Inpes, elle prend une allure officielle et gagne en visibilité auprès des professionnels de l’éducation, associations sportives, parents d’élèves, animateurs de centres de loisirs ou collectivités locales ciblés qui voudraient initier de telles actions.

Essai transformé sur le terrain

Au-delà de l’objectif principal partagé et valorisé auprès de l’Inpes, les ambitions poursuivies par les uns et les autres divergent. Pour une association comme Hérault Sport spécialisée dans l’éducation par le sport, l’étiquette Icaps et son corollaire, celle d’un projet soutenu par l’Inpes, ont eu pour effet de rassembler les partenaires autour d’un objectif commun: développer la pratique du judo dans un club sportif pour des jeunes d’un quartier en difficulté. “Le projet a permis de mettre un coup d’accélérateur auprès d’un public dont on s’occupait déjà”, explique Véronique Brunet, chef du secteur société/solidarité à Hérault Sport. Faire découvrir une activité “porteuse de valeurs de respect qui nous sont chères”, en pérenniser la pratique, développer les liens avec les familles et les enseignants du quartier… “Aujourd’hui 50% des licenciés sont des filles. Cela n’a pas été facile mais la mixité est enfin installée.”

Le centre socio-culturel Beaudésert à Mérignac (Gironde) a lui aussi reçu l’aide de l’Inpes pour développer son offre sportive. “Faire de l’éducation physique et sportive auprès des jeunes n’est pas notre vocation première, nous y avons recours ponctuellement”, précise son directeur François Castex. Qu’importe : la fin justifie les moyens. La subvention allouée a permis d’une part de négocier l’accès à une salle de sport privée du quartier essentiellement fréquentée jusqu’alors par les salariés des entreprises alentour, d’autre part de monter un atelier de boxe éducative. “Depuis, on a vu arriver des jeunes qui ne fréquentaient pas le centre avant.

Le projet de l’Office d’hygiène sociale (OHS) de Nancy, déjà investi dans la thématique du surpoids et de l’obésité, cible quant à lui les jeunes de 13 à 21 ans pris en charge au sein de l’OHS. Mini-conférences sur la nutrition et ateliers d’activités physiques en composent le motif. Certaines ont lieu dans l’enceinte du centre social de l’OHS, d’autres à la Maison des adolescents, avec le concours de la Ville de Nancy. «Nous avions conscience que pour faire évoluer les comportements des enfants, impliquer les parents est indispensable», raconte Vanessa Balthazard, coordinatrice du projet. «La surprise est venue d’ailleurs car nous n’avions pas anticipé que les parents ne transmettent pas toujours à leurs enfants ce qu’ils ont appris et s’appliquent à eux-mêmes, comme les règles d’hygiène de vie.» D’où l’idée, pour la seconde phase du projet en cours d’élaboration, de mettre l’accent sur le lien parent-enfant en travaillant sur un soutien à la parentalité. «Après la phase de découverte, l’appropriation des habitudes est l’un des enjeux pour la suite.»

(1) Document téléchargeable en version intégrale sur le site de l’Inpes: https://www.inpes.sante.fr/icaps/

10 ans d’existence de l’Agence Intermutualiste

Le 30 Déc 20

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L’Agence Intermutualiste (AIM) existe depuis un peu plus de dix ans. Lors du séminaire organisé le 18 décembre dernier au Palais des Académies à l’occasion de cet anniversaire, les mutualités ont dressé un bilan et un état des lieux, tout en se projetant aussi dans le futur. En effet, l’AIM veut continuer à assister les autorités dans leur recherche de l’équilibre entre qualité, accessibilité et maîtrise des coûts dans le secteur des soins de santé.

Rôle de l’AIM

L’implication des mutualités dans l’exécution de l’assurance maladie fait en sorte qu’elles disposent de toute une série de données, comme le profil de maladie des Belges et des profils des institutions et prestataires de soins. Par le biais de l’AIM, les mutualités peuvent rassembler ces données et les mettre à disposition de manière codée (anonyme).
Sur base de ces données, les mutualités, les autorités publiques et les institutions fédérales peuvent effectuer des analyses permettant la préparation et l’évaluation de mesures prises dans la politique de santé et la réalisation d’études scientifiques. Ainsi, ces données contribuent à l’orientation de la politique de soins de santé et peuvent aider à améliorer l’accessibilité et la qualité des soins de santé.

Réalisations

Au cours de ces 10 ans un certain nombre de réalisations ont vu le jour grâce au travail de l’AIM. Ces projets sont souvent effectués à la demande de ou en collaboration avec des partenaires, à savoir l’INAMI, le Centre fédéral d’expertise des soins de santé (KCE), le SPF Santé publique, les Communautés et Régions.

Quelques exemples.
Le feedback individuel vers les médecins généralistes et spécialistes relatif à leur comportement de prescription d’antibiotiques et d’autres médicaments. L’AIM a fourni les données et produit les fichiers de résultats de cette campagne.
Le feedback individuel de l’état des lieux des campagnes de dépistage cancer du sein envoyé aux médecins généralistes et gynécologues, ainsi que les différents rapports relatifs à ces campagnes de dépistage ont été réalisés sur base des analyses de l’AIM (Éducation Santé évoque régulièrement ces rapports dans ses colonnes).
L’AIM met à disposition de manière permanente des données codées détaillées et longitudinales relatives à 1 assuré social sur 40, soit plus de 250.000 personnes, connues sous le nom ‘d’échantillon permanent’. Un outil d’aide à la décision sans doute unique au monde! Sur demande, les chercheurs peuvent également recevoir accès à ces données.

Projets futurs

L’AIM a l’intention de continuer à réaliser de tels projets, mais elle veut également faire face à de nouveaux défis.
Les données nécessaires pour effectuer les bons choix dans la recherche d’un équilibre entre qualité, accessibilité et maîtrise des coûts seront mises à disposition des autorités publiques et des partenaires dans la gestion des soins de santé. Avec l’aide de l’AIM et des mutualités, cela permettra aux autorités publiques de concevoir des mesures socialement justifiées.

L’AIM a par conséquent l’ambition de rester un point de référence pour les autorités publiques, grâce au rôle des mutualités comme intermédiaires à tous les niveaux de décision et de mettre à profit son expertise dans le débat actuel de la communautarisation partielle des soins de santé.

Enfin, l’AIM souhaite participer activement au développement d’indicateurs de qualité des soins, tant au niveau fédéral que communautaire. Elle collabore déjà activement au projet d’indicateurs de qualité développés pour les hôpitaux flamands.

Dans cet environnement futur, l’AIM s’interroge sur le fait de trouver un meilleur équilibre entre le droit au respect de la vie privée du prestataire et les intérêts de la santé publique. Suite à son étude récente montrant de grands écarts des taux d’accouchements par césarienne entre hôpitaux, l’AIM a ainsi publié des comparaisons entre institutions hospitalières qui ont fait grincer quelques dents…

Agence Intermutualiste, avenue de Tervuren 188A, 1150 Bruxelles (nouvelle adresse depuis la mi-janvier). Internet : https://www.cin-aim.be

Encore une histoire d’oignons ? C’est quoi cette salade ?

Le 30 Déc 20

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L’asbl Cordes a diffusé en 2010 dans toutes les écoles et auprès des acteurs éducatifs et de santé du secteur non marchand une affiche intitulée «Une année… aux petits oignons». Elle vient de sortir un guide d’accompagnement pour faciliter l’exploitation pédagogique et éducative des 26 questions qui la composent. Une belle occasion pour démarrer l’année… avec des propositions pour intéresser les élèves… aux petits oignons !

Genèse d’un nouvel outil

Tout d’abord un mot sur le processus de création de cet outil «Une année… aux petits oignons» pour aborder le sujet des fruits et des légumes : l’idée de l’affiche didactique illustrée sur cette page nous est venue, à force d’entendre de temps en temps, des réflexions à propos de l’affiche «En rang d’oignons» telles que: «On ne reconnait pas les fruits et les légumes», «Les dessins sont trop enfantins pour nos élèves», même si le kit pédagogique est parfois utilisé dans des cours d’alphabétisation ou dans des salles d’attente de maison médicale pour susciter la parole des adultes et des enfants sur le sujet des fruits et des légumes et des pratiques alimentaires.

Nous avons donc imaginé une proposition équivalente mais avec des illustrations réalistes, un esprit plus «documentaire» pour une approche du sujet plus «sérieuse», à destination des plus grands. Ce sont les dessins d’ Anna Simon (la même illustratrice que pour «En rang d’oignons») qui nous ont servi de point de départ pour construire cet outil. À chaque dessin correspond une question qui ouvre à chaque fois sur un aspect différent des fruits et des légumes. Nous étions persuadées que celles-ci stimuleraient la curiosité des élèves et justifieraient la mise en route de recherches, d’observations, d’explorations, voire de projets…

Les techniques variées utilisées pour représenter les fruits et les légumes et le style de dessins, au trait, à l’aquarelle, des croquis réalistes ou pas, nous semblaient aussi une porte intéressante pour inspirer des activités «artistiques»… En faisant entrer des aliments dans la classe pour les observer et les dessiner, il y a fort à parier que ce soit aussi l’occasion pour les élèves de les sentir, les toucher, les goûter, les découvrir et s’y intéresser.
Les questions de l’affiche abordent chacune une dimension différente: la biodiversité, les modes de production, les modes de conservation ou de cuisson, l’intergénérationnel, la proximité, les apparences, les goûts et dégoûts, les habitudes, le vocabulaire, les expressions, les usages, les coutumes, les normes, le jardinage, l’agriculture, les couleurs, les formes, les déchets, le gaspillage, les cycles, les traditions, l’économie, le coût de la vie, la santé, la solidarité, les rapports Nord-Sud, l’exotisme, la publicité… Une multitude de notions à aborder de mille façons, à relier entre elles, autant de prétextes pour se documenter, se forger une opinion, échanger et s’exprimer.

Mais les retours que nous avons eus suite à une première diffusion de l’affiche en 2010 nous ont donné à penser que celle-ci, telle quelle, avec ses images et ses questions, ne suffisait pas à ouvrir l’imaginaire pédagogique des enseignants. «Toutes ces questions sans réponses…».
L’affiche suscitait l’intérêt, on la trouvait belle et attrayante mais on ne voyait pas bien comment l’exploiter…

Un livret pour se jeter à l’eau

C’est alors que nous avons rectifié le tir ou – pour être moins «militaires», que nous avons cherché à répondre à ce besoin des enseignants. Nous nous sommes donc attelées à l’élaboration d’un guide d’accompagnement. L’idée de ce livret n’est pas de donner des réponses aux questions de l’affiche, mais chaque question est développée avec des propositions pour soutenir les démarches éducatives dans un objectif de promotion de la santé et de développement de compétences :
– des pistes pédagogiques à sélectionner selon les objectifs éducatifs et à adapter selon les âges,
– des références commentées de livres issus de la littérature de jeunesse ou à usage des adultes,
– des ressources et des sites web pour explorer le sujet, construire des séquences pédagogiques ou mener un projet,
– et des pavés «matière à réflexion» pour aller plus loin et interroger nos habitudes de vie et de consommation de manière critique.

Bref 56 pages pour aborder le sujet des fruits et des légumes de mille et une manière et en créant au travers des questions des liens entre les thématiques abordées.

Ce cheminement a mis en évidence les passerelles entre la promotion de la santé et les missions de l’école (telles que définies dans le Décret missions de l’enseignement de 1997) et plus particulièrement la nécessité de développer l’esprit critique pour rendre les élèves acteurs et citoyens dans la société.

Au cœur de nos réflexions et de nos intentions au travers de cet outil, on retrouvera aussi le souci de faire participer les élèves et d’impliquer les acteurs concernés. De même qu’une manière délibérée d’aborder la santé et ses déterminants, de façon ludique, globale et complexe plutôt que sous l’angle prescripteur pour modifier les comportements alimentaires et créer des habitudes favorables à la santé.

Interactivité dès le début

Pour obtenir l’outil, nous demandons aux enseignants de nous raconter leurs expériences d’activités ou de projets autour de la thématique de l’alimentation. Quels sont les sujets qu’ils abordent, comment s’y prennent-ils ? Qu’observent-ils, comment réagissent leurs élèves ? Quelles idées d’activités ont-ils ? Comment collaborent-ils avec leurs collègues, avec les parents ? Quels partenariats ont-ils tenté ? Avec quel résultat ? Enfin, ce qu’ils ont envie de partager à propos de leurs pratiques dans le domaine et ce que nous aimerions savoir pour élaborer des outils au plus près de leurs besoins.

Nous espérons, grâce à ces échanges avec les utilisateurs de nos outils, continuer à explorer de nouvelles questions, de nouvelles pistes d’exploitations pédagogiques, publications, ressources et continuer à partager toutes ces informations et bonnes idées.

Démarches pertinentes

Nous avons reçu depuis septembre une trentaine de récits. À travers ceux-ci, nous avons pu identifier les thématiques ou les démarches que ce guide et l’affiche «Une année aux petits oignons» allaient soutenir. En voici quelques-unes :
– en accompagnement de la distribution hebdomadaire de fruits ou de légumes organisée dans certaines écoles dans le cadre de la campagne «Fruits et légumes à l’école» avec le soutien financier de l’Union européenne, de la Région wallonne et de la Région bruxelloise. De fait, nos outils diffusés aux écoles participantes concrétisent une mesure pédagogique de la Fédération Wallonie-Bruxelles en soutien de ce programme tout en contribuant à le faire connaître;
– pour développer des activités en lien avec la mise sur pied d’un potager dans l’école ou aux abords de celle-ci, ou encore l’installation d’un compost;
– pour accompagner des expériences de germination, de plantations;
– pour étoffer des activités de cuisine (ateliers, concours…) ou encore l’ouverture d’un petit magasin de collations;
– pour sensibiliser les résidents dans des lieux de vie pour personnes handicapées mentales;
– pour accompagner l’organisation de petits déjeuners ou de repas thématiques à l’école;
– en renforcement de démarches éducatives pour aborder l’équilibre alimentaire, la visite d’une ferme, d’une exploitation bio, d’un potager, d’un magasin;
– pour susciter l’intérêt pour les fruits et les légumes de saison, locaux ou anciens, des élèves et des enseignants des formations techniques aux métiers de l’horeca.

Les projets et actions des enseignants cités ci-dessus illustrent à merveille le foisonnement d’activités sur la question des fruits et légumes et plus généralement de l’alimentation qui se déroulent depuis belle lurette à l’école. Cela peut venir d’initiatives personnelles des enseignants qui font les liens avec le programme scolaire et les matières d’éveil scientifique, de morale, d’expression orale et écrite, etc.; cela peut être suite à l’intervention d’animateurs associatifs sur la question de l’environnement ou de la santé par exemple; ou encore suite à la réception d’outils pédagogiques et de propositions pédagogiques qui leur arrivent tous azimuts, parmi lesquelles les nôtres subsidiés par la Fédération Wallonie-Bruxelles dans le cadre de notre programme de promotion de la santé.

La distinction avec les outils produits par l’industrie agro-alimentaire n’est pas toujours évidente à faire par les directions d’école souvent saturées par le flot de courriers et de sollicitations. Mais les enjeux éducatifs et de santé ne peuvent cependant pas être confondus avec les enjeux commerciaux tout aussi défendables qu’ils soient, mais alors sur les marchés, ce que l’école n’est point !

Bien évidemment, l’intérêt pour le sujet de l’alimentation à l’école – et dans notre société de manière générale – s’est encore accru depuis l’émergence du concept de développement durable et d’alimentation durable avec tout le questionnement que cela implique sur nos modes de consommation et de production; ou pour le voir sous l’angle négatif, les préoccupations alimentaires se sont accrues dans les milieux éducatifs et de santé depuis la diffusion de données mettant en évidence les désordres alimentaires affectant la santé : obésité, anorexie, surpoids, alimentation déséquilibrée, excès de sucre, ajoutés au manque d’exercice physique.

Vu sous l’angle de la promotion de la santé et de l’analyse critique, on pourrait affirmer qu’ils sont davantage conséquences et reflets des désordres relationnels, sociaux et économiques qui découlent de notre société au libéralisme exacerbé. Ne serait-ce qu’une hypothèse ? Le tout est de voir comment et par où commencer pour y remédier…

En tout cas, la diffusion d’un nouveau cahier spécial des charges pour des cantines santé couplé à des formations gratuites pour les cuisiniers (voir l’article de Christian De Bock dans ce numéro) est un autre pas dans la bonne direction. Voilà sans doute de quoi mieux démarrer une nouvelle année… aux petits oignons!

Contact : Claire Berthet et Cristine Deliens , asbl Cordes (cordes@cordes-asbl.be)

Des communes en mouvement pour la santé de leurs habitants

Le 30 Déc 20

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Les périodes électorales voient fleurir les mémorandums en tous genres. C’est d’autant plus vrai dans notre pays qui doit gérer un grand nombre de scrutins à tous les niveaux, vu sa complexité institutionnelle. Le secteur socio-sanitaire est rompu à ce type d’exercice, étant donné le morcellement des compétences ayant trait à la santé en Belgique.

On s’attend moins sans doute à ce que les élections communales inspirent à leur tour un travail de sensibilisation des politiciens à l’échelon local sur des enjeux qui semblent se régler à un tout autre niveau, fédéral, régional ou communautaire.

Ce n’est pas l’opinion de la Plate-forme d’action santé et solidarité (voir encadré), qui a profité des élections d’octobre 2012 pour rédiger à l’intention des candidats un mémorandum très ‘engagé’.
Ce document de 16 pages (téléchargeable sur le site https://www.sante-solidarite.be ) propose trois pistes aux décideurs locaux (extrait) :

Une politique de santé transversale et intersectorielle

Certains pays ont une politique plus développée qui fait systématiquement concorder différents champs de compétences politiques à la politique de santé et vice versa. En Belgique il est donc également important que la politique de santé des communes soit transversale et intersectorielle. Elle peut agir via la promotion de la santé, la prévention et l’éducation pour la santé, notamment en agissant sur les déterminants sociaux de la santé par un travail en collaboration avec tous les acteurs locaux concernés. La répartition des revenus, le marché de l’emploi, l’habitat, l’aide sociale, l’enseignement, les activités socioculturelles, l’égalité des chances, l’environnement et l’aménagement du territoire doivent faire l’objet d’une politique locale intégrée et holistique afin d’assurer une bonne santé à tous les citoyens.

Le lien entre la politique socio – économique et la santé devrait être intégré dans l’organisation des politiques communales. L’échevin de la santé, le cas échéant, devrait travailler en étroite collaboration non seulement avec le président du CPAS de la commune mais aussi en synergie avec l’ensemble des autres échevins au bénéfice de la santé. Toute mesure prise par les pouvoirs publics devrait être évaluée au regard de son impact sur la santé de tous ses habitants, à l’instar de ce qui existe au Québec par exemple.

Des initiatives locales au service de la population

La prévention et la promotion de la santé doivent aller à la rencontre de toutes les personnes concernées, dans leur milieu de vie, par le biais d’actions locales. L’universalité des services et des initiatives est une condition pour conserver et consolider une base forte pour la protection sociale. L’universalité de la santé s’appuie sur une accessibilité (financière, culturelle, géographique, etc.) pour tous.

Le principe de l’universalité ce n’est pas, «faire la même chose pour toutes et tous». Il faut une approche diversifiée selon les publics pour offrir les mêmes services pour toutes et tous.

La précarité économique est un déterminant prépondérant sur la maladie. Agir contre la précarité via une approche par quartier est une responsabilité de l’ensemble des politiques communales et pas seulement des CPAS. Dans une approche par quartier, une politique de santé locale et globale doit concerner tous les domaines d’activité. C’est-à-dire viser à améliorer l’environnement et les espaces collectifs, encourager le développement de services (crèches, haltes garderies, politique de mobilité, accès à la culture et au sport…). Mais aussi, concrétiser le développement des compétences (formation, apprentissage, insertion professionnelle) et revaloriser les quartiers et l’habitat au moyen de projets locaux d’économie sociale au sein desquels les habitants peuvent trouver un emploi.

Plus encore qu’une collaboration entre les divers échevinats et les acteurs locaux, la création d’un contexte dans lequel les habitants peuvent participer pleinement à la vie politique et sociale de leur commune est fondamentale. La participation à la politique, via les conseils consultatifs par exemple, et le développement d’une vie sociale locale ont de façon indirecte une influence sur la santé : celui qui sent qu’il a son mot à dire dans la société est en meilleure santé.

Une gouvernance locale au service de la santé des habitants

La gouvernance, la collaboration entre les représentants et l’implication citoyenne dans l’élaboration et la mise en oeuvre de stratégies politiques, est un élément fondamental. Ce principe présente de nombreuses facettes. Nous en retiendrons deux qui peuvent avoir un impact sur l’amélioration de la santé des habitants de la commune.

Transparence et participation citoyenne

Les mécanismes de transparence et de participation citoyenne sont fondamentaux, à savoir l’implication dans l’élaboration et la mise en oeuvre des politiques communales des forces vives, telles que les associations locales, de fait ou de droit, les mutualités, les entreprises et les personnes ou groupes de personnes qui ont des activités sur le territoire de la commune. Dans cette optique, la commune est appelée à développer et renforcer le rôle des techniques de participation citoyenne, notamment la généralisation du droit d’interpellation directe lors des conseils communaux, la facilitation de la mise en oeuvre des consultations populaires communales, le développement de la technique des budgets participatifs.

Rôle d’exemple en matière de conditions de travail de ses travailleurs et de concertation sociale

À l’heure de la dégradation continue des conditions de travail, notamment par le biais du développement de contrats de travail atypiques et la mise à mal de la concertation sociale, l’administration communale a plus que jamais un rôle d’exemple à jouer pour promouvoir des emplois durables, des conditions de travail dignes et la promotion d’emplois de qualité, ainsi qu’une politique de concertation sociale large et ouverte. Elle sera d’autant plus crédible à promouvoir de telles politiques sur son territoire, qu’elle les appliquera elle-même.

Des porte-paroles éloquents

Lors de la présentation de cette initiative citoyenne, nous avons été frappé par la forte conviction des trois intervenants de la plate-forme.

Jean Hermesse (Mutualités chrétiennes) rappela toute l’importance du niveau communal dans une approche globale de la santé, importance souvent sous-estimée par les élus locaux. Il souligna aussi que les inégalités sociales de santé se marquent fortement à l’échelon local, un exemple bruxellois très frappant à l’appui. En citant quelques leviers de l’action communale en la matière, il montra aussi que des choix judicieux en termes d’impact sur la santé des habitants ne nécessitent pas des moyens hors de portée des finances communales, mais plutôt l’intégration d’un ‘nouveau’ paradigme valorisant les déterminants non biomédicaux de la santé.

Isabelle Heymans (Fédération des maisons médicales) plaida avec beaucoup de vigueur et quelques exemples séduisants pour l’implantation d’un véritable axe de la santé au niveau local, et pas seulement pour la mise en place d’échevinats de la santé cantonnés à une stricte politique sanitaire.
Elle mit aussi en évidence le rôle intermédiaire des provinces (le scrutin d’octobre se jouait aussi à ce niveau dont l’utilité est régulièrement contestée depuis quelques années), défendant le travail de certains observatoires non seulement en matière de récolte et d’analyse des données épidémiologiques, mais aussi d’interventions de promotion de la santé.

Pour sa part, Jean-Marie Léonard (ancien du SETCa) mit en évidence l’impact délétère des ‘rationalisations’ en cours dans les services locaux à la population (fermeture de bureaux de poste, de mutuelle…), car si la richesse des contacts sociaux contribue à la santé, la raréfaction de ceux-ci renforce évidemment l’isolement, en particulier des moins mobiles, des plus fragiles. Il déplora aussi l’‘angle mort’ entre le monde du travail et celui de la santé, quand la première ligne est amenée à gérer autant que faire se peut les conséquences de la souffrance au travail.

Plate-forme d’action santé et solidarité

La Plate-forme est née de la rencontre de personnalités issues des mutualités, des syndicats, d’associations, d’ONG et de personnalités du monde académique. Elle considère que la santé est un droit pour tous, et plaide en faveur d’une politique de santé progressiste et égalitaire en Belgique, en Europe et dans le monde.

Concrètement, l’objectif principal de ces acteurs est d’unir leurs travaux et leurs forces sur trois plans principaux. D’une part, analyser d’un oeil critique les soins de santé en Belgique, en Europe et dans le monde, mais également les facteurs sociaux qui déterminent la santé et la maladie. D’autre part, informer et sensibiliser les professionnels et la population sur les conséquences des attaques des politiques néolibérales sur la protection sociale et le service public des soins de santé. Enfin, proposer, encourager et défendre des politiques de santé et de promotion du bien-être solidaires.

Dans cette perspective, la Plate-forme stimule la rencontre et l’échange, le travail de lobby et l’action, avec une attention particulière au grand public.

Plate-forme d’action santé et solidarité, chaussée de Haecht 53, 1210 Bruxelles. Tél.: 02 209 23 64. Courriel: info@sante-solidarite.be. Internet: https://www.sante-solidarite.be.

Comme le soulignait aussi Jacques Morel (Écolo), les valeurs défendues par la Plate-forme impliquent un nouveau mode de gouvernance au niveau local (et pas que local d’ailleurs ndlr), pour rompre avec le compartimentage des compétences au sein des majorités. Elles nécessitent aussi un gros travail auprès des élus locaux, dont la perception de la responsabilité communale en santé est encore très faible aujourd’hui.

Le mémorandum n’en est donc que plus pertinent. Il sera intéressant d’observer son impact concret en cours de législature…

‘0-5-30 Combinaison prévention’

Le 30 Déc 20

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Déclinaison belge d’une formule québécoise

Les élections communales et provinciales du 14 octobre dernier ont inspiré une campagne de sensibilisation des candidats et élus locaux aux bienfaits du ‘0-5-30 Combinaison prévention’. Une manière de plus d’affirmer que le niveau local est décidément incontournable pour promouvoir la santé des populations.

Extraits

En tant qu’organisations ayant comme objectif d’améliorer le bien-être et la santé de toute la population, il nous semble primordial d’attirer votre attention sur l’impact positif que peuvent avoir vos décisions sur le capital santé de vos concitoyens. (…)

En effet, trois habitudes de vie – tabagisme, alimentation déséquilibrée et sédentarité – ont un impact non négligeable sur l’apparition de nombreuses maladies chroniques dans la population belge, et dans nos sociétés modernes en général. De multiples études scientifiques et rapports, émanant notamment de la Commission européenne ou de l’OCDE, mettent en avant ces mauvaises habitudes de vie comme facteurs de risques majeurs de problèmes de santé fréquents, tels que l’hypertension artérielle, le diabète, l’obésité, de nombreuses affections respiratoires, le cancer, etc. Les conséquences sont très graves et se marquent, non seulement dans les années de vie perdues, mais également dans la perte de qualité de vie, altérée par la maladie.
Actuellement, selon l’Enquête de santé nationale 2008, 48% de la population belge est en surcharge pondérale… Mais ces chiffres ne sont pas des fatalités ! Ils peuvent et doivent diminuer, avec votre appui.

Le saviez-vous ?

La recherche montre que pour chaque euro investi en promotion de la santé, le ratio coût/avantages obtenus dans les 5 années qui suivent le lancement des campagnes varie entre 3 et 8 !
Dans les trois habitudes de vie citées plus haut, il y a bien sûr les choix que pose chaque individu. «Je préfère boire de l’eau plutôt qu’un soda sucré; je choisis de conduire mon enfant à l’école à pied plutôt qu’en voiture; j’essaie d’arrêter de fumer, mais ce n’est pas facile… »

Mais ces choix sont très largement influencés par l’environnement dans lequel nous évoluons. En tant que décideurs, vous avez le pouvoir d’améliorer les conditions dans lesquelles vos administrés vivent !
Par exemple : «Mon école met de l’eau à notre disposition, c’est fun et c’est gratuit: pourquoi dépenser mes sous dans un distributeur ? Mon enfant se rend à l’école à pied ou à vélo : les chemins sont sécurisés; il peut même faire les trajets en groupe et accompagné, il le demande car il y rencontre déjà ses copains ! Depuis que la circulation des voitures a été modifiée dans ma ville, j’aime m’y promener, c’est calme et l’air que l’on respire est meilleur. J’ai 65 ans, la commune organise dans mon quartier des séances de tai chi. Cela me fait un bien fou. Et puis c’est une occasion de voir les copines …»

Concrètement, que pouvez-vous faire? (…)

0 comme 0 fumée de tabac, 5 comme 5 portions de fruits et de légumes par jour, 30 comme 30 minutes d’activité physique par jour

Le concept ‘0 5 30’ est utilisé avec succès par nos amis Québécois et diffusé largement par certains acteurs de la santé en Belgique. Simple et tellement efficace pour la santé !

Le 0 vise l’accès à un air exempt de fumée de tabac et l’arrêt du tabagisme; les lois interdisant de fumer dans les lieux publics et au travail permettent de faire reculer le tabagisme et de protéger les non-fumeurs. Décidez d’aller plus loin ! Oeuvrez dans votre commune ou votre province pour une qualité de l’air optimale ! Une loi n’est efficace que si, en pratique, elle est contrôlée !

Le 5 vise non seulement l’augmentation de la consommation des végétaux (fruits et légumes) mais également à promouvoir une alimentation saine, savoureuse et variée. Et si vous tentiez d’optimiser la qualité de toute la restauration collective dont vous avez la responsabilité : celle des écoles, des homes de personnes âgées, des repas servis par le CPAS, des hôpitaux, de votre personnel communal ou provincial, etc.

Le 30 vise l’activité physique minimale recommandée à chacun, par jour. Qu’avez-vous comme infrastructures sportives dans votre commune ? N’y a-t-il pas moyen de les ouvrir à plus d’utilisateurs ? D’autres initiatives de promotion de l’activité physique sont-elles possibles ? Y a-t-il des circuits pédestres organisés ? Des séances de gymnastique douce pour les ainés dans les écoles de quartier ? Les cages d’escaliers de vos bâtiments publics sont-elles agréables ? A-t-on envie de les emprunter ? Et les moyens de déplacements actifs – à vélo, à pied –, sont-ils favorisés ? Sont-ils sécurisés ? Faut-il les développer ? C’est bon pour la santé des utilisateurs, ça améliore la qualité de l’air et favorise le contact social.
Dans votre commune, vous pouvez aussi susciter la collaboration de nombreux partenaires locaux : écoles, pouvoirs organisateurs des écoles, services de promotion de la santé à l’école, clubs sportifs…

Nous sommes persuadés qu’oeuvrer à la qualité de vie de vos concitoyens est le moteur de votre engagement politique. La santé étant notre bien le plus précieux, vous ne pouvez qu’être concerné par celle de vos concitoyens. Faites en sorte que les conseils donnés par les professionnels de la santé deviennent accessibles. Intégrez le concept ‘0-5-30 Combinaison prévention’ dans vos projets et déclinez-le de telle sorte que, dans votre commune, votre province, les familles évoluent dans un cadre agréable, favorable à leur bien-être et à leur santé.

Fondation Happy Body (1) et les cosignataires de ce mémorandum : Observatoire de la Santé du Hainaut, Union Professionnelle des Diplômés en Diététique de Langue Française, Belgian Association for the Study of Obesity, Société Belge des Médecins Nutritionnistes, Panathlon, Département de la Santé mentale et Prévention-Santé de la Province de Luxembourg, Fondation Contre le Cancer, Société Belge de Nutrition Clinique, Société Scientifique de Médecine Générale, Ligue Cardiologique Belge

(1) « La Fondation d’utilité publique ‘ Happy Body ‘, avec la campagne du même nom , est un appel au rassemblement des forces dans la lutte contre l’obésité . Initiée par la Fédération de l’industrie alimentaire ( FEVIA ), le Comité Olympique et Interfédéral Belge ( COIB ) et l’asbl NUBEL , cette campagne vise à promouvoir un changement d’attitude et d’environnement en faveur d’un style de vie équilibré .»

10 ans de pratique médicale basée sur les preuves

Le 30 Déc 20

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Très beau succès pour la journée d’études organisée par le Centre belge pour l’Evidence-Based Medicine (CEBAM) pour fêter ses 10 ans : plus de trois cents personnes réunies un samedi au Square, le palais des congrès de Bruxelles. Un lieu accueillant, situé à côté d’une gare et en plein centre de Bruxelles, une organisation sans faille (1), un respect scrupuleux des horaires, des intervenants de qualité, on aurait eu tort de bouder son plaisir… Ce qui nous a frappé d’emblée, c’est l’absence de toute présence de l’industrie pharmaceutique, ce qui est appréciable lors d’une réunion de professionnels de santé. On n’attendait pas autre chose, bien sûr, mais cela fait quand même plaisir (2). Un peu comme quand on arrive dans une salle de cinéma après l’écran publicitaire, juste avant le début du film…

De la matinée plénière, composée de quatre conférences, nous retiendrons la première, particulièrement passionnante. Richard Smith, ancien ‘editor in chief’ du British Medical Journal, nous a expliqué d’une façon percutante ‘Ce qui cloche avec les revues médicales’ (3) (comprenez, les revues médicales de référence comme le BMJ, pas les éponges à publicités pharma). Au cours de son exposé corrosif, l’absence d’éthique de ces titres prestigieux apparut de façon criante, et forcément très documentée de la part de quelqu’un qui était dedans voici quelques années à peine.

Il énuméra et détailla une série d’écueils. Par exemple, on a du mal à savoir à quoi ces revues servent, car elles ont une influence modeste sur la pratique des médecins. Mais cela n’est peut-être pas si grave, vu la faible qualité de ce qu’elles publient, voire le caractère dangereux de leurs contenus, dixit Smith (4) !
Il souligna aussi la pauvreté de la validation par les pairs (peer review), considérée à tort comme une vertu cardinale. Il stigmatisa également la mode des auteurs multiples, dont la moitié ne répondent pourtant pas aux critères qualifiant une contribution significative à un article, et dont 20% n’ont même strictement rien écrit de ce qu’ils cosignent…

Vous en voulez encore ? Il y a évidemment la question des conflits d’intérêt minant le travail de la plupart des auteurs, qui ‘oublient’ quasi systématiquement de les signaler. Authentique : il cita le cas (pas du tout isolé) de la réimpression d’un article du Lancet à la demande d’une firme pharmaceutique, qui rapporta 1.300.000 £ à la revue. Pour un seul article ! À ce prix-là, le texte concluait sûrement à l’absence de démonstration de l’efficacité d’un médicament de la firme…

Pour l’anecdote, il cita aussi des cas célèbres de tricheries caractérisées pourtant publiées dans ces revues, ou de comportements éditoriaux indécents (5), pour terminer par accuser un ‘business model’ qui s’enrichit en rationnant l’accès aux idées nouvelles et aux recherches.

Rassurez-vous, il termina cet exposé terrible sur une note résolument optimiste, en pariant sur le caractère inévitable dans un futur proche de l’accès public à toutes les sources et données, qu’il est de plus en plus difficile d’empêcher en ces temps de triomphe de l’immédiateté électronique (6).

Après ce feu d’artifice, les exposés de Wolfgang Gaissmaier, ‘Aider médecins et patients à comprendre les statistiques de santé’, d’ Isabelle Boutron, ‘L’évaluation des risques de biais’, et de Hans Maanen ‘Comment tromper la presse’ (ce dernier au titre pourtant engageant), pour intéressants qu’ils fussent, manquaient un peu de sel…

L’ensemble brossait un tableau peut-être trop sévère de la situation, mais ne signifiait nullement que la pratique peut se passer de références robustes, au contraire. Le remarquable travail du CEBAM depuis 10 ans en est précisément la preuve vivante !
Merci à Xavier de Béthune et à Stéphanie.

Le CEBAM, Centre belge pour l’Evidence-Based Medicine

Le CEBAM a pour but premier de former les soignants et les patients à la démarche de l’EBM (la médecine basée sur les preuves): consulter et analyser les informations médicales scientifiques, pertinentes, validées et les intégrer dans les décisions qui concernent les soins de santé.
En tant que branche belge de la Cochrane Collaboration , le CEBAM est responsable de
diffuser les revues systématiques existantes (il en existe plus de 2.000), et de contribuer à en créer de nouvelles.
Le centre propose également de valider de nouvelles recommandations de pratique clinique en soins de santé .
Il veille aussi à donner une aide méthodologique aux personnes intéressées pour augmenter la qualité de leurs travaux dans les trois domaines ci-dessus. En outre, sa Digital Library of Health (DLH) permet aux soignants d’accéder en ligne à des sources d’information de grande qualité, qui couvrent la littérature médicale et paramédicale. Cette bibliothèque se veut une interface d’excellence, à un prix très abordable.

CEBAM, Kapucijnenvoer 33 Blok J Bte 7001, 3000 Leuven. Tél.: 016 33 26 97. Fax: 016 33 74 80. Courriel: info@cebam.be. Site: https://www.cebam.be

(1) À un détail près, l’usage de l’anglais pour la séance plénière. C’est toujours un peu pénible d’entendre des gens dont ce n’est pas la langue maternelle le martyriser sous prétexte de faciliter la communication. Si les deux premiers conférenciers étaient très à leur aise, les deux suivants l’étaient beaucoup moins, et les questions des participants étaient à ce point incompréhensibles qu’ils ont dû toutes les répéter! De grâce, alstublieft, utilisez plutôt nos langues officielles!
(2) Les sponsors principaux étaient le Service public fédéral santé publique et l’INAMI. Parmi les autres, on notera la présence de Bodytalk , le mensuel santé grand public de Roularta. On a donc échappé au Journal du médecin …
(3) Richard Smith, ‘The Trouble with Medical Journals’, London. Royal Society of Medicine Press, 292 p., 2006.
(4) Il ne résista pas au plaisir de citer ce jugement de Drummond Rennie ( JAMA ): « On dirait qu’il n’existe pas d’étude trop mal ficelée , ni d’hypothèse trop futile , de littérature trop partiale ou trop égocentrique , de conception trop tordue , de méthodologie trop bâclée , de présentation de résultats trop inexacte , trop vague et trop contradictoire , d’analyse trop intéressée , d’argument trop circulaire , de conclusions trop insignifiantes ou injustifiées , ni de grammaire et de syntaxe trop révoltantes pour empêcher qu’un article ne finisse par être imprimé .»
(5) Très jolie performance de cet auteur qui publia 63 de ses textes dans sa revue, modifia la prose de collègues sans leur demander leur avis, publia une lettre qu’il s’envoya lui-même sous pseudonyme, et répondit aussi sous pseudonyme pour discréditer un collègue. Un vrai sans faute!
(6) Comme pour lui donner raison, quelques jours plus tard, une journée d’études sur l’accès libre aux publications scientifiques était organisée au Palais des Académies, avec la signature par les diverses autorités politiques de tutelle de la Déclaration de Bruxelles engageant résolument la Belgique sur les voies de l’accès libre aux publications scientifiques et de la ‘science ouverte’.

Votre avis sur Éducation Santé

Le 30 Déc 20

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À intervalles réguliers, nous vous demandons votre avis sur notre publication mensuelle. Il est important pour nous de bien connaître nos lecteurs: qui ils sont, ce qu’ils lisent dans Éducation Santé, leurs rubriques préférées, leurs attentes à notre égard, leur intérêt pour le site Internet de la revue et ses autres aspects électroniques.
Ces informations nous sont précieuses pour améliorer la revue et lui donner des impulsions nouvelles. Plus prosaïquement, si les résultats sont positifs, cela nous aide également à argumenter toute nouvelle demande de subsides !

Que voulions-nous savoir ?

En 2010, nous avions focalisé nos questions sur les déclinaisons électroniques de la publication. Cette année, nous avons voulu avoir une image plus complète de la perception d’Éducation Santé par ses abonnés.
Qui lit la revue (âge, sexe, formation, activité, lieu principal d’activité, nombre de lecteurs par exemplaire diffusé) ? Est-ce que la revue permet aux lecteurs de mieux appréhender la promotion de la santé? Comment la revue et ses rubriques sont-elles appréciées ?

Parmi les rubriques paraissant sporadiquement, souhaitent-ils en retrouver certaines plus souvent ? Combien les abonnés seraient-ils prêts à payer pour Éducation Santé si nous étions contraints de faire appel à eux pour financer la publication ? Accepteraient-ils que la revue contienne de la publicité ?
Connaissent-ils et visitent-ils le site https://www.educationsante.be, apprécient-ils ses divers aspects (page d’accueil, module de recherche, régularité des mises à jour, téléchargement PDF…) ? Sont-ils intéressés par la page Facebook que nous venons de lancer en septembre ?

Pratiquement

Nous avons adressé courant mai 2012 une enquête d’une vingtaine de questions à nos abonnés résidant ou travaillant en Belgique, 1832 personnes après soustraction des ‘retours’ de la poste. À la date de clôture de l’enquête (30 juin 2012), nous avions reçu 514 réponses, 102 en ligne et 412 par courrier. Cela représente un taux de réponse très appréciable de 28 % (1).

Évolution par rapport à nos enquêtes précédentes, nous offrions cette fois-ci aux abonnés la possibilité de répondre directement en ligne (voir encadré), sans devoir passer par un formulaire papier et un envoi postal. Cette alternative nous arrangeait plutôt, puisqu’elle nous dispensait de saisir les réponses d’une partie de nos lecteurs! Espoir quelque peu déçu: 20% seulement de réponses en ligne !

Google Documents, un outil simple et performant

L’application gratuite Google Documents permet de réaliser très facilement un questionnaire (qui s’appelle ‘formulaire’), et ce même si on n’est pas spécialiste des enquêtes.
De plus, dès qu’un questionnaire complété est envoyé par un répondant, la base de données des réponses est automatiquement mise à jour, et un résumé des réponses avec graphiques est instantanément généré. Le tout avec un degré de précision acceptable quand l’enquête n’a pas vocation scientifique.
Même si on n’est pas obsédé par le goût d’aujourd’hui pour l’immédiateté en toutes choses, il est intéressant de connaître à peu de choses près l’opinion des abonnés alors que l’enquête est toujours en cours!

Quelques résultats

Profil des abonnés

Les lectrices sont toujours très majoritaires, plus de 76%, comme il y a 5 ans.
Les hommes âgés de 55 ans et plus sont proportionnellement nettement plus nombreux que les femmes âgées de 55 ans et plus. Ils forment près de la moitié de cette tranche d’âge alors qu’ils ne représentent qu’un quart du lectorat.

La revue imprimée

Chaque numéro est lu par 2,5 personnes en moyenne, ce qui représente 5000 lecteurs tous les mois pour 2000 abonnés. Explication : la revue se trouve dans de nombreuses bibliothèques d’écoles, avec de fréquentes consultations par les étudiants.

Certains répondants signalent d’ailleurs qu’ils utilisent la revue pour donner leurs cours : «Les élèves de Techniques Sociales y trouvent un outil appréciable à leurs recherches et peuvent ainsi alimenter leurs TFE», «J’emploie votre revue pour expliquer la promotion de la santé à mes étudiants», «Je me sers d’Éducation Santé pour mes cours de français destinés à des étudiantes néerlandophones en secrétariat médical» …

À noter aussi que la revue peut appuyer des démarches plus collectives à côté de l’information-formation individuelle, comme par exemple pour la mobilisation du collectif des acteurs francophones de la promotion de la santé à l’occasion de l’annonce de la réforme du secteur en 2011.

Rares sont les répondants qui lisent entièrement la publication (19%). La plupart des gens lisent certains articles (71,5%) ou la feuillettent (9,5%). Une majorité des abonnés conserve tous les numéros.

Appréciation générale

Globalement, Éducation Santé est appréciée par une très large majorité des ses lecteurs, quelle que soit leur tranche d’âge.

Qu’apporte concrètement le mensuel à ses abonnés ?

96,2% des répondants estiment que la revue leur permet (au moins partiellement) de prendre connaissance d’initiatives locales et à l’échelle de la Communauté française.
97,4% des répondants estiment que la revue leur permet (au moins partiellement) de mieux approcher les concepts et méthodes liés à la promotion de la santé.
92,8% des répondants estiment que la revue leur permet (au moins partiellement) de mieux comprendre les stratégies d’action mises en place en Communauté française.
90,5% des répondants estiment que la revue leur permet (au moins partiellement) de faire le lien entre leur pratique quotidienne et une perspective globale de la santé.

Comment sont perçues les différentes rubriques ?

Tableau 1 – Appréciation des rubriques de la revue imprimée

Rubrique – Excellent – Bon – Moyen – Faible
Initiatives (n=489) – 79 (16,2%) – 361 (73,8%) – 46 (9,4%) – 3 (0,6%)
Essentiel (n=488) – 87 (17,8%) – 344 (70,5%) – 54 (11,1%) – 3 (0,6%)
Outil (n=490) – 122 (24,9%) – 303 (61,8%) – 61 (12,4%) – 4 (0,9%)
Réflexions (n=487) – 114 (23,4%) – 329 (67,6%) – 40 (8,2%) – 4 (0,8%)
Stratégie (n=481) – 73 (15,2%) – 333 (69,3%) – 70 (14,6%) – 5 (0,9%)
Lu pour vous (n=485) – 101 (20,8%) – 317 (65,4%) – 63 (13%) – 4 (0,8%)
Matériel (n=487) – 111 (22,8%) – 301 (61,8%) – 72 (14,8%) – 3 (0,6%)
Vu pour vous (n=483) – 90 (18,7%) – 325 (67,3%) – 64 (13,3%) – 4 (0,7%)

Quelles sont les rubriques moins fréquentes à publier plus souvent d’après les abonnés ?

La ‘documentation’ pour 45,1% d’entre eux, la ‘locale’ (22%), les ‘données’ (17,3%). Voilà un véritable plébiscite pour la documentation, auquel nous ne nous attendions pas, en tout cas pas dans de telles proportions. Il est vrai qu’Éducation Santé compte un grand nombre de bibliothécaires et de documentalistes parmi ses abonnés. Nous allons relancer cette rubrique en 2013 avec la collaboration de RESOdoc UCL.
La nouvelle maquette (2) est jugée excellente par 19% des lecteurs et bonne par 74,2%.

Le site Internet

En 2012, rares (5,5%) sont les abonnés qui n’ont pas de connexion Internet, et 60% d’entre eux connaissent le site de la revue. L’évolution au fil des ans est nette.

Tableau 2 – Connaissance du site https://www.educationsante.beAnnée

Connaissance du site de la revue (en %)
2003 – 26,5
2007 – 41
2012 – 58,4

Tableau 3 – Appréciation du site https://www.educationsante.be

Item – Excellent – Bon – Moyen – Faible
Page d’accueil (n=229) – 14 (6,1%) – 146 (63,8%) – 53 (23,1%) – 16 (7%)
Module recherche (n=229) – 28 (12,2%) – 145 (63,9%) – 50 (21,8%) – 6 (2,1%)
Présentation articles (n=229) – 24 (10,5%) – 159 (69,5%) – 36 (15,7%) – 10 (4,3%)
Impression articles (n=221) – 25 (11,3%) – 156 (70,6%) – 31 (14%) – 9 (4,1%)
Rythme mise à jour (n=222) – 26 (11,7%) – 167 (75, 2%) – 27 (13%) – 2 (0,1%)
Agenda (n=224) – 29 (12,9%) – 163 (72,8%) – 29 (12,9%) – 3 (1,4%)
Brèves (n=227) – 21 (9,3%) – 166 (73,1%) – 34 (15%) – 6 (2, 6%)

Certains commentaires font état du caractère austère et statique de la page d’accueil, qui explique en partie le plus faible indice de satisfaction sur ce point. C’était une volonté de notre part au début, mais ce n’est sans doute plus tenable aujourd’hui… Le design commence à dater pour plusieurs personnes; un abonné (sans doute paléontologue) parle même «d’un graphisme datant du premier envol de l’archéoptérix» !
Pour nuancer, précisons que d’autres personnes apprécient précisément la neutralité et la sobriété de l’apparence du site, qui favorisent selon elles l’appréhension de ses contenus.

D’autres réponses soulignent l’avantage du module de recherche par rapport à la version papier, «qui justifie à lui seul le recours au site» selon une répondante.

Le rythme de mise à jour, une fois par mois pour les articles, une fois par semaine pour les infos ponctuelles, convient à une large majorité des lecteurs/surfeurs.
Cela dit, la mesure mensuelle du trafic sur le site donne des résultats stables après une progression forte et régulière les premières années. Elle tourne autour de 200.000 visiteurs par an (soit 600 par jour) et un demi-million de pages vues.

Réseaux sociaux

Au moment de faire cette évaluation, nous préparions l’entrée du magazine dans les réseaux sociaux. Nous en avons donc profité pour sonder l’intérêt de nos abonnés à ce sujet. 12% ont promis de s’inscrire à notre nouvelle page Facebook, et 20% ont assuré qu’ils iraient ‘voir ce que c’est’.
Après 4 mois de fonctionnement, nous avons publié plus de 400 informations sur les réseaux sociaux et nous sommes suivis par environ 300 personnes sur Facebook et sur Twitter.

Éléments complémentaires d’évaluation

Enregistrement des contacts

Nous gardons une trace des contacts utiles générés par la revue au fil des mois. Nous pouvons estimer ainsi le pourcentage qui débouche sur une information concrète partagée avec nos lecteurs, dans la revue papier, sur le site ou, depuis peu, sur notre page Facebook .
Pour les huit premiers mois de 2012, nous avons pu exploiter ainsi 219 infos sur 339 reçues, c’est beaucoup plus qu’à l’époque où notre seul outil de communication était la revue imprimée.

Sujets traités et articles les plus populaires

Depuis que le contenu de la revue est archivé sur le site, nous disposons d’une base de données en constante progression (plus de 1500 articles à ce jour). Il est relativement aisé d’y suivre certaines problématiques par mot-clé, au départ des statistiques de consultation. Les cinq mots-clés les plus demandés sont: alimentation – alcool – tabac – obésité – diabète. Ce n’est pas d’une originalité bouleversante !
Il est aussi possible d’établir un palmarès des articles les plus consultés sur une période donnée. Le plus populaire à ce jour a été ouvert plus de 7500 fois. Son sujet étant ‘Les jeunes et le porno’, il y a peut-être un léger biais…

(1) Il est sensiblement plus élevé par exemple que celui obtenu pour l’évaluation de ‘Santé pour tous’, le semestriel de la Fédération Wallonie-Bruxelles (5%).
(2) Depuis janvier 2012.

ROSALIE – Un réseau d’échanges, de partage d’expériences et de savoir-faire pour faire face aux inégalités sociales de santé

Le 30 Déc 20

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En Belgique, comme dans toute l’Europe de l’Ouest, l’accès à la santé est très inégal et ce, malgré les progrès thérapeutiques et technologiques et malgré le renforcement de l’accès aux soins. Même lorsque les services sont financièrement accessibles, les personnes socialement défavorisées sont en moins bonne santé et meurent plus jeunes. Le réseau liégeois ROSALIE a été mis sur pied pour tenter de répondre aux besoins de ces populations et des professionnels qui les accompagnent.

«Monsieur, porteur du sida, raconte que ce sont les gens de son village qui lui ont jeté un sort. La nuit, dans sa chambre, il les entend parler et rire.», «Comment cette dame qui a subi des mutilations génitales peut-elle être soignée alors qu’elle est sans-papiers?», «Voilà plusieurs fois que Monsieur et Madame n’amènent pas leur enfant à un rendez-vous médical important. On m’a dit qu’ils étaient candidats réfugiés politiques et qu’ils venaient de recevoir une décision négative. Mais je ne sais pas exactement ce que cela signifie…».

Les professionnels qui développent des projets à l’attention des publics précarisés sont souvent confrontés à des situations pour le moins délicates, et doivent réagir dans l’urgence la plupart du temps. Comment intervenir avec ces personnes ? Comment interpréter leurs paroles et leurs actes ? Comment communiquer dans le respect des différences ?

ROSALIE est le Réseau d’observation des réalités sociales et de promotion de la santé sur l’arrondissement de Liège. Il est composé de nombreux professionnels de l’arrondissement de Liège (1) qui ont souhaité renforcer le travail en réseau pour construire une vision partagée des liens entre santé des populations précarisées et réalités sociales de terrain.

Ses finalités sont à la fois de soutenir le lien entre professionnels, d’adapter au mieux leur travail aux besoins et aux attentes des populations précarisées, et de faire prendre en compte ces réalités (et l’impact de toute nouvelle mesure les concernant) aux institutions et représentants politiques.

Plus précisément, il s’agit :
– d’élaborer une connaissance partagée des liens entre la santé des populations précarisées et les réalités sociales de l’arrondissement de Liège (sur base des observations et de l’expérience des acteurs de terrain, mais aussi sur de données chiffrées fournies par les membres du réseau);
– de relayer ces connaissances aux structures et institutions d’observation existantes;
– de créer du lien entre professionnels et représentants politiques et de relayer ces connaissances à ces derniers;
– de créer du lien entre professionnels (sur base de valeurs partagées);
– de créer du lien entre les réseaux.

Concrètement, ROSALIE est l’occasion pour les représentants de différents réseaux, les acteurs de seconde ligne et les responsables institutionnels de se rencontrer et d’échanger afin d’identifier les publics précarisés (sur base d’indicateurs de précarité partagés), les besoins exprimés et les données disponibles, les acteurs et leurs pratiques, les atouts et difficultés (dans les pratiques), les enjeux éthiques, les spécificités liégeoises et le type de lien à développer avec les décideurs politiques.

Le processus est basé sur l’échange de savoirs et de pratiques. L’ensemble des partenaires a exprimé son intérêt pour une approche systémique et intersectorielle des inégalités sociales de santé, qui tienne compte des spécificités locales. Chacun a souligné l’intérêt d’un décloisonnement afin de mettre en place des actions concertées et pertinentes.

Afin d’officialiser leur appartenance à ROSALIE et de s’accorder sur des valeurs communes, ses membres ont rédigé collectivement et signé une Charte d’engagement reprenant la philosophie du projet et ses objectifs, ainsi que les attentes vis-à-vis des membres. En 2011, il s’agissait d’abord d’élaborer une définition commune de la précarité à partir de la vision qu’en a chacun. Il s’agissait ensuite, sur base d’une grille construite collectivement, d’inviter chaque membre à présenter ses données quantitatives et qualitatives utiles au réseau (afin d’identifier ce qui se fait, ne se fait pas et ce qu’il faudrait faire). Il a également fallu définir des actions et recommandations opérationnelles (2). Enfin, le réseau a poursuivi la diffusion du cahier de recommandations auprès des représentants politiques.

Les premiers constats se dégageant des présentations et des échanges ont mis en évidence que :
– une part de plus en plus grande de la population de l’arrondissement de Liège se retrouve dans une situation de précarité;
– parmi ces personnes, on trouve une proportion croissante d’étrangers sans statut ni droits sur le territoire belge;
les professionnels qui accompagnent les populations précaires sont de plus en plus souvent confrontées à des situations inextricables;
– les personnes vivant dans la grande précarité sont souvent désocialisées, en rupture avec la norme sociale, au point de ne plus pouvoir exprimer leurs besoins. Ainsi, leurs besoins primaires ne sont même pas couverts;
l’accès aux soins pour tous n’est plus assuré, même au sein d’organismes pour lesquels c’est une priorité;
– les questions de santé mentale liées à la grande précarité et aux situations de migration interpellent les intervenants. La fragilité mentale qui s’ajoute aux autres difficultés maintient les personnes dans la précarité.

Dans un avenir proche, ROSALIE envisage de:
– préciser la définition de la précarité à l’aide d’un modèle théorique;
– poursuivre les présentations des organismes participant au réseau;
– définir des dimensions prioritaires sur lesquelles travailler à partir des indicateurs de précarité identifiés;
– identifier les représentations des personnes précarisées concernant leur santé;
– porter cette réflexion auprès des professionnels de première ligne et des réseaux, par le biais d’un événement;
– porter le résultat de la réflexion auprès des représentants politiques;
– développer des actions collectives et concrètes telles que, par exemple, le projet de formation «santé et diversité culturelle» (voir encadré);
– élargir le réseau;
– améliorer la communication et renforcer la visibilité de ROSALIE;
– renforcer le lien avec les Plans de cohésion sociale des autres communes de l’arrondissement.

Un projet de formation sur base des constats de ROSALIE

Le 2 mars 2012 a eu lieu une matinée de réflexion, d’échanges et d’analyse des besoins de formation des travailleurs psycho-médico-sociaux sur le thème des «enjeux de santé dans un contexte interculturel».

Cette matinée poursuivait un triple objectif : identifier les difficultés des professionnels à analyser les demandes; prendre en charge ou orienter leur public étranger; mettre en lumière certaines ressources existantes et envisager la création d’une formation permettant d’outiller les travailleurs psycho-médico-sociaux confrontés à un décalage culturel avec leur public étranger et souhaitant élargir leurs compétences en matière de prise en charge.

Les principales difficultés relevées par les participants, quel que soit leur contexte de travail, sont :
– le décalage culturel avec le public;
– la complexité de la législation liée aux procédures de demande d’asile;
– la complexité des liens entre santé mentale et problématique sociale;
– le manque de clarté quant à la manière et au moment de relayer certaines demandes du public.

Il est évident que chaque partenaire du réseau pourrait amener des éléments de réflexion utiles pour gérer ces difficultés mais les démarches de formation proposées par certains organismes rencontrent un intérêt limité, sans doute parce qu’elles sont trop spécifiques et que les acteurs qu’elles visent ne se sentent pas concernés. Il s’avère donc opportun de coordonner les offres/ démarches de formation, de les adapter aux besoins des intervenants, afin de proposer une formation plus globale, plus transversale, s’adressant à un public large (à savoir tous les professionnels confrontés à un décalage culturel avec leur public étranger).

Pour ce faire, il était nécessaire d’identifier les besoins en formation et les modalités convenant aux professionnels. Les thématiques et enjeux émergents sont :
– l’importance de la décentration face aux décalages culturels;
– la prise de recul par rapport aux représentations et référents culturels;
– la place de l’interprète (collaboration, secret partagé, professionnalisme, confiance);
– la question du genre (rapports hommes/ femmes);
– le travail sur la relation, la rencontre et la communication interculturelle;
– le parcours d’accueil et les procédures de demande d’asile;
– le système de représentations de la santé et du bien-être des personnes d’origine étrangère.

Prochaine étape pour ROSALIE : la co-construction de la formation à proprement parler (sur base de l’analyse des besoins) et l’élaboration du programme.
Éducation Santé suivra cela de près et vous tiendra volontiers informés de la suite des activités du réseau liégeois.

Le CLPS de Liège, genèse d’un processus de concertation

Le Centre liégeois de promotion de la santé est une asbl agréée et subsidiée par la Communauté française dans le cadre du Décret du 14 juillet 1997 portant organisation de la promotion de la santé. Pour assurer ses missions et adapter ses actions aux réalités locales, le CLPS a mis en place un processus de concertation dès 1998. Son premier défi a été de se positionner par rapport aux nombreux réseaux existant sur la province, d’être accepté et de gagner de la légitimité sur le territoire liégeois. Ce travail a impliqué, dans un premier temps, d’identifier les organismes et les actions développées sur le terrain.

La Première journée liégeoise de promotion de la santé (2002) a ensuite permis de récolter les attentes des professionnels, pour pouvoir instaurer une dynamique sur le long terme. En réponse à ces attentes, des rencontres ont été organisées, des formations, des plateformes et des groupes de travail ont été mis en place.

Cette dynamique a abouti à l’organisation de la Deuxième journée liégeoise de promotion de la santé (2008), qui avait pour objectif de faire le point sur le chemin parcouru et d’envisager de nouvelles perspectives. Ainsi, 16 recommandations (3) ont été rédigées par les professionnels, interpellés par les inégalités sociales de santé et soucieux de faire part de leurs préoccupations aux responsables politiques et institutionnels.

ROSALIE est la concrétisation d’une des recommandations nées des acteurs locaux lors de cette seconde journée liégeoise. Le rôle du CLPS est de co-construire ce projet afin de poursuivre la dynamique et de susciter davantage d’échanges entre secteurs et acteurs.

Pour en savoir plus sur ROSALIE ou pour en faire partie : Centre liégeois de promotion de la santé, Place de la République française 1 (4e étage) – 4000 Liège. Tél.: 04 349 51 44, fax 04 349 51 30, courriel: promotion.sante@clps.be. Internet: https://www.clps.be.

(1) Centre de référence sida, CLPS, Centre Régional pour l’Intégration des Personnes Étrangères, Département des sciences de la santé publique de l’ULg, Intergroupe liégeois des maisons médicales, Mutualité chrétienne, Mutualité socialiste – Solidaris, Département Santé et Qualité de vie de la Province de Liège, Département Égalité des chances de la Province de Liège, Plan de Cohésion sociale de Liège, Relais social du Pays de Liège, Relais Santé du CPAS, Service de Promotion de la Santé à l’École de la Ville de Liège, Observatoire de la pauvreté et de la santé, Réseau liégeois d’aide et de soins en assuétudes, Seraing Ville Santé et SIDASOL.
(2) Ces recommandations ont fait l’objet d’une publication disponible sur https://www.clps.be.
(3) Ces recommandations ont fait l’objet d’une publication «Promotion de la santé et inégalités sociales de santé. Constats et recommandations à l’intention des responsables politiques» , disponible sur https://www.clps.be.

www.chat-accueil.org : un outil jeune pour un public jeune

Le 30 Déc 20

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Le site https://www.chat-accueil.org est une plateforme de Chat ouverte chaque soir de la semaine de 19 à 23 heures. Elle est le fruit d’une étroite collaboration entre Télé-Accueil Bruxelles (1) et SOS Amitié France (2). Depuis octobre 2005, toute personne qui éprouve des difficultés, qui souhaite s’adresser à quelqu’un dans l’anonymat et la confidentialité, peut se connecter sur ce site sécurisé et entrer en communication avec un écoutant bénévole spécialement formé.

Le Chat vise un public jeune, il permet aussi à des gens en grande difficulté d’expression orale ou d’audition d’échanger avec quelqu’un instantanément par écrit.
Ces six années d’expérience nous posent en témoin des difficultés des jeunes dans la société actuelle. Elles nous ont donné aussi à réfléchir sur cette rencontre particulière sans le support de la voix, sans la présence perceptible de l’autre.

De (très) jeunes appelants

En 2011, le site https://www.chat-accueil.org a enregistré 32.504 visiteurs dont la plupart viennent de France et de Belgique mais aussi de 102 autres pays dont les principaux sont le Maroc, l’Algérie, le Canada, les États-Unis, la Tunisie et la Suisse.
Plus de la moitié des appelants ont moins de trente ans. Un appelant sur six est âgé de moins de vingt ans.

De quoi parlent-ils ?

Ce qu’ils disent au Chat-Accueil ressort essentiellement de quatre grands types de problématiques : la dépression, les difficultés relationnelles, la solitude et le suicide.
Souvent, c’est grandir qui pose problème, devenir adulte, faire sa place dans la société, dans le groupe, dans la famille. L’amitié et ses trahisons, l’amour et ses complications, les parents, les études, le premier boulot… Le jeune est au coeur d’une tourmente sans fin.

Ce mal-être, les adolescents et les jeunes adultes l’expriment de façon variable : repli sur soi, tentation suicidaire (seul ou à plusieurs), automutilation. Les causes de leur malaise ne sont pas toujours explicites mais les écoutants remarquent qu’elles sont souvent les séquelles d’abus ou de maltraitance.

Ces appelants sont en rupture de communication. Le Chat-Accueil et son univers familier leur permet de renouer un dialogue avec un adulte: un adulte qu’ils viennent sciemment chercher, en lieu et place de leur parent ? En tout cas un tiers, un témoin de leurs questionnements. Le Chat-accueil est un lieu où ils peuvent raconter leur vécu, faire part de leurs erreurs, de leurs doutes sans faire souffrir leurs proches, sans les confronter, mais peut-être en s’y exerçant. Le Chat-Accueil est en effet un lieu où ils peuvent s’essayer, développer leur point de vue sans entrer en conflit avec une autorité, se livrer sans risquer un retour de manivelle. Un lieu de construction de leur identité.

Il est interpellant que des ados en rupture parentale viennent s’adresser à un autre adulte, à un «père», plutôt qu’à des camarades, à des pairs. Ces jeunes seraient sans doute moins en rupture qu’on ne le pense et le regard de l’adulte – fût-il un «étranger», un lointain anonyme, reste, quoi qu’ils en pensent, important pour eux.

Cette ouverture, cet espace pour parler de soi, est rendue possible par l’outil lui-même. La familiarité des jeunes générations avec l’informatique est un adjuvant mais ce n’est pas le seul. L’écrit, par la secondarisation de la pensée, permet à l’appelant d’avancer, même sans être lu. Quelle que soit la réponse que l’écoutant apporte, un travail personnel est en route grâce à la mise en mots, grâce à la construction des représentations mentales. Nous pouvons établir un parallèle entre le Chat-Accueil et le journal intime, ce confident souvent cher à la jeunesse. À la différence près qu’ici, il lui répond…

Écrire plutôt que parler

Bien qu’écrire laisse des traces indélébiles, des traces fixées qui peuvent aussi bloquer le fait de se raconter, bien qu’écrire trahisse parfois les limites de la pensée ou de son expression, il semble qu’une communication passant par l’écrit aide au développement de ces sujets particulièrement durs « parce qu’il est plus facile de se lire que de s’entendre ». Au Chat, cette communication est aussi plus morcelée. À plusieurs reprises, les appelants s’expriment par bribes, cette avancée progressive de paragraphe en paragraphe permettant peut-être d’accoucher de problématiques si difficiles à exprimer d’emblée.

Le Chat est un outil anonyme et neutre. L’anonymat permet de se préserver du jugement et des émotions. Sans voix, on dit encore moins qui on est. Curieusement cette distance rapproche, en ce sens qu’elle protège. Paradoxalement elle offre aussi à l’appelant une grande maîtrise du déroulé de la conversation. C’est lui qui l’alimente essentiellement, qui peut s’en retirer à tout moment, qui choisit de dire, de ne pas dire, de ne pas tout dire. Par analogie à la problématique de l’automutilation par exemple, il permet de reproduire cette relation complexe entre exposer son problème tout en ne le montrant pas complètement.

Appeler le Chat-Accueil, un premier pas vers une thérapie ? Il semble qu’écrire convienne particulièrement à ces appelants, qu’ils disposent ou non de facilités littéraires.
Osons donc dire que si parler peut faire du bien, écrire également. Consulter un thérapeute peut par ailleurs effrayer. Au Chat , l’appelant expérimente une expression de soi qui le met moins à nu que par la parole et les émotions qu’elle véhicule. Peut-être en trouve-t-il des bénéfices immédiats, par le simple fait de réfléchir à la formulation de son message, par sa relecture possible tout au long de l’échange.

Le Chat-Accueil met en branle un premier travail personnel, même inconscient. Il pallie aussi l’échec d’une tentative thérapeutique: quand ça n’a pas marché avec un professionnel, l’appelant reste avec sa demande d’écoute qu’il peut exprimer en ligne, parfois même dans l’immédiat de la crise.

Télé-Accueil

(1) Télé-Accueil Bruxelles. Numéro de téléphone national gratuit: 107. Site: https://www.tele-accueil-bruxelles.be
(2) SOS Amitié France. La liste des numéros régionaux est disponible sur https://www.sos-amitie.org. Ce site fournit aussi un accès au service de messagerie.

Les inégalités sociales de santé dans le Brabant wallon

Le 30 Déc 20

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La Mutualité chrétienne du Brabant Wallon souhaite mettre son grain de sel dans les projets qui visent la réduction des inégalités sociales de santé

Le 22 mars dernier, le centre mutuelliste de santé (CMS) de la zone Ottignies Louvain-la-Neuve a proposé à l’ensemble des professionnels de la santé de la zone et de la province de découvrir des données chiffrées sur les inégalités sociales de santé mais aussi des initiatives locales qui visent à les réduire.
Nous avons pu accueillir différents professionnels qui ont cette même vision que la Mutualité chrétienne, la défense du plus faible et dénoncer les injustices.

La journée a vu différentes interventions telles que :
– Inégalités de santé, indicateurs géographiques et socio-sanitaires par Hervé Avalosse, Service Recherche et Développement ANMC (voir l’ article dans ce numéro);
– Que peut mettre en place une AMO pour réduire les inégalités ? Approche communautaire avec l’exemple des jeunes face au cannabis par Luc Descamps, Directeur de la Chaloupe et thérapeute;
– Approche des soins et précarités: quelles réponses développer quand les inégalités en santé viennent submerger la filière de soins ? par le Dr Thierry Wathelet, Maison Médicale d’Ottignies
– Expériences en promotions de la santé pour réduire les inégalités sociales et de santé: pistes, réflexion et soutien par Maryline Nicolet, CLPS Brabant wallon (voir l’ article de Carole Feulien dans ce numéro).

Tous avaient ce même message : réduire les clivages sociaux persistants n’est pas une utopie. Les acteurs de l’action sociale et de la santé peuvent unir leurs efforts et se coordonner pour un meilleur accès aux soins et à la santé.
Grâce à notre Service de Recherche et Développement, nous avons pu mettre en avant des catégories de la population pour lesquelles nous devons avoir une attention particulière en tant que professionnel de la santé ou d’autres domaines.

Pour relever ce défi, la Mutualité chrétienne a réalisé un outil pédagogique «Santé et inégalités» qui a pour objectif de faire prendre conscience de l’existence des inégalités et qui elles touchent. Il aborde les sujets suivants :
-synthèse de l’étude réalisée par la Mutualité chrétienne : «Les inégalités de santé, ou pourquoi pauvreté ne rime pas avec santé»
-initiatives pour favoriser l’accès aux soins de santé
-santé et travail
-santé et femmes
-santé et jeunes
-logement
-relations avec les prestataires
-la consommation de médicaments
-isolement social: précarité sociale et financière
-santé mentale
-invalidité
-pour une promotion de la santé émancipatrice.
Cet outil a rencontré un énorme succès auprès des professionnels présents à notre colloque.

Ainsi, le CMS a pu leur proposer des partenariats. Dans un premier temps, les services Infor Santé du Brabant Wallon et de Hainaut Picardie ont proposé une formation de deux demi-journées sur cet outil pédagogique. Cette formation visait à exploiter au mieux l’outil pédagogique avec son équipe professionnelle ou son public.

Nous espérons que ce colloque sera une porte d’entrée pour d’autres projets avec la maison médicale d’Ottignies mais aussi d’autres partenaires : les Plans de cohésion sociale des différentes communes brabançonnes, les CPAS, les régies de quartier…

Le CMS a en tout cas réussi son pari : rassembler des professionnels autour des inégalités sociales de santé et susciter le partenariat avec la Mutualité chrétienne du Brabant Wallon.
Suite au prochain épisode…

Pierre Squifflet, Infor Santé (le service de promotion de la santé de la Mutualité chrétienne)

Des recherches en consommation

Le 30 Déc 20

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Dis-moi dans quoi tu manges…

Les travaux d’ Olivier Corneille portent sur l’influence psychologique. Récemment, ce chercheur a étendu ses intérêts de recherche aux comportements alimentaires, en particulier à l’influence de l’environnement quotidien sur ces comportements, soit l’impact du packaging, de la taille de la vaisselle, des quantités de nourriture servie, etc. sur la consommation des gens.

Deux questions sont au centre de ses recherches : quel est l’impact de la quantité de nourriture servie sur la consommation ? Qu’est-ce qui pousse les gens à augmenter leur consommation : le volume de nourriture, le packaging ou la conjonction des deux ?

Premier constat : les gens alignent leur consommation sur la quantité de nourriture qui leur est servie. L’attention n’est plus portée sur ce que l’on mange ni sur la faim que l’on éprouve. Résultat, les gens consomment plus que nécessaire. Or, lorsque l’on prend en compte le fait que la taille des assiettes a augmenté ces dernières années, que les quantités proposées par l’industrie alimentaire ne cessent aussi de gonfler, on peut aisément faire le lien entre la surconsommation et l’obésité grandissante de la population.

Deuxième constat : la taille du contenant a clairement un impact sur le volume de nourriture ingérée par le consommateur.
Pour arriver à ce constat, Olivier Corneille a mené récemment une expérience sur trois groupes pilotes d’étudiants à qui l’on a donné un bol de M&M;’s à manger devant la TV : le premier groupe a reçu une quantité moyenne de M&M;’s dans un bol moyen; le deuxième groupe a reçu la même quantité moyenne de M&M;’s dans un grand bol; le troisième groupe a reçu une grande quantité de M&M;’s dans un grand bol. La question était évidemment de savoir quel groupe allait ingurgiter le plus de nourriture. L’expérience indique que, sur une même durée, le deuxième groupe a consommé deux fois plus de M&M;’s que le premier et autant que le troisième. Pourquoi ? Lorsque l’on verse une quantité X dans un grand contenant, cette quantité paraît moindre que si elle était contenue dans un petit récipient. Du coup, les gens consomment davantage.

Parmi les bons gestes à adopter, pour faire face à cette surconsommation spontanée, Olivier Corneille préconise de ne pas agir sur la volonté des gens, qui peut être faillible, mais plutôt sur l’environnement : utiliser des contenants plus petits, que ce soit des assiettes pour le repas ou des bols pour les apéros ou le grignotage; remplir le contenant plus petit au maximum afin d’inciter à consommer moins; se concentrer sur son comportement alimentaire et éviter de manger dans des contextes inappropriés, dans lesquels l’attention est détournée (télévision, cinéma, travail).

Droit des consommateurs : le client d’abord

Durant les années ‘80, le slogan «le client d’abord» a été affiché sur les supports publicitaires utilisés par une grande enseigne belge de distribution. Pour cause : il n’allait pas de soi, à l’époque, que les entreprises et de façon générale les acteurs économiques et sociaux se soucient avant tout des consommateurs.
La Belgique vivait alors dans une économie de «planification» et de «cohésion».

Planification d’une part, vu qu’une grande partie de l’économie était prise en charge par l’État. Celui-ci organisait les activités en fonction d’objectifs qu’il jugeait essentiels. Le rôle du consommateur était réduit. Il devait accepter ce qui lui était proposé. Cohésion d’autre part, étant donné que les bonnes relations étaient essentielles au sein de la société. À cet effet, on régulait la concurrence qui aurait autrement opposé les acteurs. Par exemple, il n’était pas question de comparer ses prestations, dans une publicité, à celles du voisin.

Ce modèle est mis à mal depuis une vingtaine d’années. En cause, principalement, la construction de l’Union européenne. Pour créer l’Europe, nous avons dû renoncer aux règles qui avaient été négociées au fil des siècles dans la société belge. Les marchés se sont ouverts. Il a fallu produire davantage, vendre, consommer.

Dans ses recherches, Paul Nihoul, responsable du Centre de droit de la consommation de l’UCL, étudie ces développements du point de vue du consommateur :
– dans le nouveau modèle de l’UE, le consommateur se voit confier un rôle essentiel, celui de choisir les produits et les services répondant à ses besoins et, à travers eux, les groupes humains qui les fournissent (entreprises mais aussi États où sont situées ces dernières);
– les règles liées à la consommation changent. On privilégie aujourd’hui une approche fondée sur l’information: les firmes doivent informer le consommateur pour lui permettre de réaliser ses choix. On s’écarte des attitudes de protection où des comportements étaient interdits;
– l’État doit se désinvestir d’une série de secteurs qu’il avait massivement investis. De nombreux secteurs sont affectés par cette transformation: télécommunications, services postaux, énergie.

Dans ce nouveau contexte, un concept a reçu la mission de concilier l’intérêt public, la liberté à reconnaître aux acteurs et le choix à donner au consommateur. Il s’agit du «service universel». Ce concept désigne des prestations reconnues comme étant essentielles dans une société et, pour cette raison, devant être rendues accessibles à tous sur l’ensemble du territoire à des conditions raisonnables.
Les enfants et ados, cibles du marketing

Claude Pecheux, professeure de marketing à l’UCL, étudie le comportement des enfants (principalement entre 8 et 12 ans) en tant que consommateurs. Dans la mesure où les jeunes publics disposent de capacités cognitives et sociales différentes des publics adultes, leur compréhension de certaines «techniques» marketing ou de l’utilisation de symboles, trucages ou métaphores est forcément parcellaire et en fait des cibles plus vulnérables, favorisant la consommation de certains produits.

Les travaux de recherche de Claude Pecheux visent à identifier les pratiques marketing néfastes pour les enfants afin de mettre en place une réglementation ou un contrôle ad hoc, histoire de protéger ces enfants. Les débats concernant la réglementation de la publicité sont légion et les arguments avancés pas toujours soutenus scientifiquement. Il est donc important d’argumenter ces débats à l’aide de résultats probants issus d’études scientifiques rigoureuses.
Une pratique qui semble désormais acquise, c’est le fait d’intervenir sur le contenu de certaines annonces publicitaires susceptibles d’influencer le comportement de l’enfant, plutôt que d’interdire purement et simplement la publicité à destination des enfants. Le but des travaux de Claude Pecheux est d’étudier ces contenus potentiellement problématiques et de trouver des alternatives convenables n’ayant pas d’impact néfaste sur le comportement de l’enfant.

Claude Pecheux cherche aussi à comprendre la réaction des enfants à divers stimuli afin de pouvoir développer et mettre en place des programmes de marketing social (promotion de l’alimentation équilibrée; sensibilisation à la culture, etc.) dans le non-marchand.

L’application des concepts et techniques de marketing s’est élargie aux sphères non-marchandes (ONG par exemple), permettant d’éduquer et de mieux protéger certains publics vulnérables. En outre, il existe aujourd’hui de plus en plus de programmes de marketing social, à savoir l’utilisation des outils de marketing pour promouvoir des comportements socialement acceptables. Les exemples sont nombreux : campagnes de l’IBSR pour la sécurité routière; campagnes de sensibilisation aux dangers de la cigarette ou de l’alcool; promotion de l’alimentation équilibrée afin de prévenir l’obésité; sensibilisation au tri des déchets et à l’adoption de comportements respectueux de l’environnement; etc.

Ces programmes prennent encore plus de sens chez les enfants dans la mesure où ces derniers peuvent être des «ambassadeurs» à l’origine des changements de comportements dans la famille. Certaines recherches ont d’ailleurs montré qu’en matière de prévention de comportements «addictifs», les 8-12 ans constituaient une cible idéale, susceptible d’influencer leurs parents. Ainsi, une des recherches UCL récentes s’est intéressée à la promotion de l’alimentation équilibrée auprès des enfants via des messages persuasifs et à la communication qui s’en suit dans la famille. Conclusion: conscientiser les enfants pour éventuellement éduquer ou corriger certains mauvaises habitudes chez les parents, ça fonctionne !

Communiqué par l’UCL

Drogues : inverser le système pénal, une idée fumeuse !

Le 30 Déc 20

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Le gouvernement belge a décidé cette année de changer fondamentalement le système pénal mis en place en 1921 par la loi «anti-stupéfiants». En effet, la Conférence interministérielle Drogues a annoncé son projet (1) de passer du ‘tout autorisé sauf exception’, au ‘tout interdit sauf exception’. Pour Infor-Drogues cette nouvelle stratégie va impliquer des changements majeurs pour les citoyens. Par ailleurs, l’asbl se demande ce que cela va apporter comme efficacité en terme de santé publique, objectif pourtant prioritaire des politiques drogues.

En matière de drogues, depuis 1921, la Belgique pratique une stratégie d’interdiction qu’on pourrait appeler spécifique et ce comme nombre d’autres pays. En effet l’interdiction est limitée à certaines substances bien particulières, la structure moléculaire de chaque substance stupéfiante devant être décrite et mentionnée en tant que telle dans un arrêté royal. Dès lors, pour contourner la loi, les trafiquants fabriquent des substances ayant des molécules quasi similaires à celles qui sont interdites, ces nouvelles molécules présentant des propriétés très proches tout en étant légales. On retrouve le même type de course poursuite entre États et trafiquants dans le dopage. Un produit stupéfiant et/ou dopant n’est donc repéré, analysé, et finalement interdit que lorsqu’il est déjà utilisé depuis un certain temps. Comme pour le dopage, le gendarme est donc toujours en retard sur le trafiquant.

Face au nombre de plus en plus important de nouvelles substances stupéfiantes (2), le gouvernement belge veut changer radicalement de stratégie afin d’arrêter cette course contre les trafiquants. D’une politique du ‘tout est autorisé sauf exception mentionnée explicitement’, la loi interdirait d’office toutes les substances psychoactives (exception faite des boissons alcoolisées, du tabac, de certaines denrées alimentaires et des médicaments) (3). Le principe serait donc d’interdire toute substance dès lors qu’elle est susceptible de produire des effets psychoactifs. Ainsi, les trafiquants auraient beau mettre sur le marché de nouvelles molécules, elles seraient interdites d’office au nom de leurs effets psychoactifs.

Le citoyen sera dès lors confronté à un interdit pénal très large puisqu’il vise de très nombreux produits, y compris des produits inconnus à l’heure actuelle. Cela amènera deux difficultés majeures. D’une part, l’effet n’est perçu qu’après la consommation du produit, donc après l’infraction (La Palice en aurait dit autant), ce qui constitue une insécurité juridique contraire au principe de légalité (4). D’autre part, comment reconnaître un effet psychotrope ? Chaque produit ayant un effet différent, comment les regrouper ? Ainsi par exemple, toutes les tisanes calmantes devront-elles faire l’objet d’une autorisation explicite ? Faudra-t-il atteindre un «seuil» d’effet psychoactif pour être autorisé et/ou pénalisé ? Si oui, comment le déterminer ?

Face à de telles questions et de telles incertitudes, Infor-Drogues plaide pour une grande prudence vis-à-vis d’un tel renversement pénal. Le principe du ‘tout est interdit sauf ce qui est explicitement autorisé’ n’a-t-il pas été abondamment utilisé par les dictatures du monde entier ? Imaginons ce type de réglementation qui régenterait notre vie en société : nous serions dans une société totalitaire.

De plus, au nom de quoi regroupe-t-on ces substances pour les interdire ? Si la raison invoquée est la santé publique, on se demandera très vite pourquoi le tabac et l’alcool ne sont pas interdits étant donné le nombre de décès qui leur est imputable, nombre incomparablement supérieur à toutes les drogues actuellement illégales réunies !

Par ailleurs, l’objectif explicite du gouvernement étant de lutter contre les futures nouvelles drogues, il s’agit d’interdire des produits qui ne sont pas encore sur le marché ou qui n’existent même pas encore ! C’est-à-dire des substances dont a priori rien n’indique une toxicité ou une dangerosité telle qu’un interdit soit nécessaire.

Enfin, en terme d’efficacité, quel sera le résultat de cette nouvelle stratégie ? L’interdit a-t-il, depuis plus de 90 ans qu’il existe en Belgique, prouvé son efficacité ? Au contraire, les produits illégaux sont facilement disponibles. Avec cette nouvelle stratégie, l’État belge va devoir contrôler et vérifier un nombre encore bien plus important de substances… et avec quels moyens ?

Et de toute façon, les tendances de nouvelles consommations de drogues indiquent de plus en plus l’utilisation détournée de produits industriels et ménagers vendus un peu partout tels les colles, les solvants, les éthers, les essences et autres produits pétrochimiques. Ces produits sont, presque toujours, au moins aussi toxiques que les cannabinoïdes ou que les amphétamines synthétiques à l’origine de la nouvelle stratégie gouvernementale. Cette dernière n’aura pourtant aucun effet sur ces produits qui devraient demeurer légaux, notre société de consommation ne pouvant s’en passer…

En conclusion, même si la réaction politique à un phénomène aussi complexe que la consommation de drogues est un sujet sensible et extrêmement délicat, la Belgique a déjà montré sa capacité d’aborder de telles thématiques avec courage et lucidité. Les exemples de l’euthanasie et de l’interruption volontaire de grossesse en sont de bonnes preuves. Pourquoi ne serait-ce pas possible en matière de drogues ?

Infor Drogues
Autres signataires: Modus-Vivendi asbl, Prospective Jeunesse asbl

(1) Voir le communiqué de presse du 15 mai 2012 «La Conférence interministérielle Drogues intensifie la lutte contre les nouvelles drogues» : https://www.presscenter.org/fr/pressrelease/20120515/la-conf%C3%A9rence-interminist%C3%A9rielle-drogues-intensifie-la-lutte-contre-les-nouvel
(2) La Conférence cite les chiffres de l’Eurobaromètre 2011: 41 nouvelles substances en 2010, 49 en 2011, et 27 au cours du premier trimestre 2012.
(3) Communiqué de presse du 15 mai 2012.
(4) Le principe de légalité en droit pénal indique que le droit pénal ne peut pas réprimer un comportement sans que l’interdiction n’ait été préalablement et clairement établie par la loi.

Les acteurs aux commandes

Le 30 Déc 20

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Qui réalise l’évaluation ? L’évaluation étant un jugement sur valeur d’un objet, il paraît souvent opportun de rajouter que l’on ne saurait être juge et partie. Ainsi, l’évaluation serait idéalement conduite par un observateur externe, position garante de neutralité et d’objectivité. Nous avons, en d’autres lieux, développé les limites de notions de neutralité et d’objectivité en matière d’évaluation (1). Dans ce domaine, le point de vue externe est fréquemment survalorisé.

L’évaluation externe est une possibilité de l’évaluation. Cependant dans le secteur de la promotion de la santé, très peu financé, porté par une grande diversité d’acteurs, dont de nombreux acteurs associatifs, c’est l’évaluation interne qui a connu le plus de développement au cours des trente dernières années. Cette variété est souvent identifiée à de l’autoévaluation. Pour certains, reprenant l’argument juge et partie, parler d’autoévaluation est une manière de tracer une frontière nette entre savoir scientifique, «la vraie évaluation», et savoir pratique, «l’évaluation de convenance».
Cela est bien commode, mais assez faux ! Peut-on imaginer qu’un acteur soit à ce point isolé qu’il puisse pratiquer une autoévaluation totalement autonome ? L’évaluation interne, comme tout acte d’évaluation, s’inscrit dans un contexte social, politique et pratique. Si les acteurs préfèrent tout naturellement les évaluations dont les résultats ont une utilité directe pour orienter et améliorer leurs pratiques, ils ne sont pas imperméables aux priorités des politiques du moment ou aux conditions exigées pour les financements. Et encore, ils sont soucieux de rigueur même si parfois ils manquent d’outils techniques. Et surtout, ils maîtrisent les aspects «micro» de leur projet qu’un regard externe aurait du mal à anticiper.

En effet, chaque acteur développe une connaissance fine de son projet. Une connaissance presque intime fondée sur l’expérience et l’observation. Cette connaissance est fréquemment tout en nuance et en exception, l’écheveau du projet est serré et les motifs complexes. Les réticences fréquentes à utiliser des outils ou des démarches d’évaluation standardisées ne sont pas les manifestations d’un manque de recul par rapport à la réalité de la part des professionnels, mais leur prise en compte d’une réalité qui s’accommode assez mal de subdivisions jugées triviales.

Dès les années 80, la Communauté française de Belgique a investi dans le soutien méthodologique aux démarches d’évaluation. C’est dans ce contexte que l’APES, service aux éducateurs, puis service communautaire de promotion de la santé, a développé diverses formes d’appui et d’accompagnement à l’évaluation interne. « Il s’agit d’accompagner le demandeur dans la définition et la mise en place d’un protocole d’évaluation réaliste de son projet en lui proposant une démarche rigoureuse et explicite de distanciation par la production de nouvelles informations ( nouveaux faits et nouvelles structurations ) dans le but d’améliorer la qualité du projet mené ou à mener ». (définition de l’équipe APES, 1997)

Pour les accompagnateurs, les enjeux d’une telle démarche sont nombreux. Le rôle de l’accompagnateur est tout d’abord de favoriser un décodage du projet et d’éclaircir les attentes par rapport à l’évaluation. Il participe avec les porteurs de projets à l’analyse du contexte et des enjeux de l’évaluation projetée, puis il aide à en définir les priorités et les finalités.

Cette étape passée, l’accompagnateur propose des appuis plus techniques lors du processus de construction de l’évaluation. Il peut reformuler, réorganiser les questions évaluatives, les objets, les critères et indicateurs, proposer des exemples d’outils de collecte et d’analyse des informations, aider à en construire de nouveaux, aider à synthétiser les informations disponibles dans un rapport. Il peut attirer l’attention et anticiper sur certaines difficultés techniques.
Le plus important et le plus difficile demeure de ne pas se substituer aux acteurs. Ces derniers sont aux commandes de l’évaluation, et il ne faut que la compétence de l’accompagnateur, ou sa position, l’autorise à parler à la place des acteurs. Les suggestions, les questions, les avis ne doivent pas être des impositions pour les acteurs. Sans cette précaution, l’autoévaluation dépossède les acteurs de terrain de leur expertise. Elle tendrait même à devenir stéréotypée, l’évaluateur laissé seul reproduisant ses propres schémas, utilisant ses propres conceptions.

Nous présentons ci-après les témoignages de deux associations qui ont placé l’évaluation au centre de leurs préoccupations et qui petit à petit, ont acquis une autonomie dans le traitement des questions d’évaluation. Ces articles explorent comment les acteurs s’emparent de l’évaluation et construisent, à partir de leur expérience, une formalisation de leur cadre de référence en évaluation au service de la qualité de leurs actions. Les modalités d’accompagnement sont différentes dans l’un et l’autre cas, s’adaptant à l’histoire et à la composition de l’une et l’autre équipe, aux mandats et missions qui sont les leurs, et aux compétences spécifiques de leurs membres, et enfin aux contraintes institutionnelles du moment.

Terminons en remerciant les équipes des « Pissenlits » et de « Cultures et santé » et à travers elles tous les autres acteurs qui au fil des ans ont noué un partenariat méthodologique avec l’APES. Les expériences d’accompagnement sont le plus souvent riches de convivialité, d’occasions de nourrir nos propres réflexions et pratiques en évaluation et enfin, de partage d’un projet commun de promotion de la santé pour les populations de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Gaëtan Absil , Marie-Christine Miermans , Chantal Vandoorne , SCPS APES-ULg(1) Absil G, Vandoorne C, Coupienne V, Leva C, Anceaux P, Bastin P, et al. L’évaluation des projets de prévention des assuétudes. L’Observatoire. 2006;51-52: 139-45. https://hdl.handle.net/2268/5284

Pilule et tabac, un dangereux mélange

Le 30 Déc 20

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Le tabac, c’est mauvais pour la santé. On ne vous apprend rien! Mais, sans vouloir créer la psychose générale, certains de ses effets semblent encore largement méconnus du public. Le tabac combiné à la pilule… c’est sur ce mélange sulfureux que nous allons nous pencher. Est-il nocif? Dans quelle mesure? Avec quel(s) type(s) de contraception? À tout âge? Pour répondre à ces questions, nous aborderons la question du tabagisme féminin, celle de la contraception et enfin les risques liés au mélange tabac-pilule. En tant qu’association féministe active dans le domaine de la santé, cette analyse s’inscrit donc pleinement dans nos actions.

Le tabac et les femmes

Historiquement, le tabac s’est diffusé parmi les classes aisées et les hommes avant de s’étendre aux autres catégories de population (Robert (1)). Fumer était alors réservé à l’élite, aux privilégiés. Nous en sommes loin aujourd’hui. Fini la discrimination, la cigarette a pris ses quartiers dans toutes les catégories sociales et sexuelles, pauvres, riches, hommes, femmes, jeunes et moins jeunes confondus. La tendance se serait même inversée: les classes populaires fumeraient davantage aujourd’hui.
Les femmes ont très vite été la cible de l’industrie du tabac (Gallopel-Morvan (2)). Son message? Une femme émancipée est une femme qui fume. Dans les années 70, la marque Virginia Slim affichait ainsi : « You’ve come a long way , baby » (3). Autre argument souvent invoqué, l’impératif de minceur. La publicité a longtemps surfé sur cette vague, lançant des slogans tels que: « Reach for a Lucky instead of a sweet » (4), mais également en proposant des cigarettes ressemblant à des asperges, très longues et très fines.
Revêtant des significations différentes selon les sexes, le genre semble donc particulièrement pertinent pour appréhender le tabagisme.
La contraception et les femmes

Si la cigarette est un des symboles de l’émancipation des femmes, la pilule contraceptive en est l’emblème par excellence. Avec le contrôle de leur fécondité, les femmes acquièrent un meilleur contrôle de leur corps et donc un meilleur contrôle de leur vie. L’accès aux études et à l’emploi sera ainsi favorisé (Dujardin (5)).
Actuellement, la pilule est le principal moyen de contraception utilisé en Belgique. Selon une étude menée par la mutualité socialiste (6), 38% des 14-19 ans recourent à la pilule contraceptive, 78% des 20-29 ans, 56% des 30-39 ans et 45% des 40-55 ans.
La pilule et le tabac

Si l’idée fait débat, une enquête réalisée par le CREDES (7) en France affirme qu’il existerait « une communauté de typologie entre le fait de prendre la pilule et le fait de fumer » (8): celles qui prennent la pilule fumeraient davantage que les autres. Il s’agirait dans les deux cas, comme souligné précédemment, d’une affirmation de liberté et d’émancipation. Ainsi les fumeuses représentent (en France) 35 % des femmes qui prennent la pilule, alors qu’elles ne représentent que 25 % de la population de la même tranche d’âge et que 20 % de celles qui ont recours à un autre moyen contraceptif.
Les effets nocifs du tabac sont bien connus: risques de cancers des poumons, de la gorge, problèmes respiratoires, maladies cardio-vasculaires. Le tabac entraîne également des risques de coagulation du sang, ce qui provoque phlébites et thromboses. La pilule combinée (9), quant à elle, à cause de l’œstrogène présent, tend à élever la tension et à modifier le profil lipidique du sang : il devient plus «visqueux». L’œstrogène expose donc à la formation de caillots dans les veines. Lorsqu’un de ces caillots obstrue une veine et y reste coincé, on appelle cela une phlébite. Les phlébites les plus fréquentes se forment dans les veines profondes des mollets. Elles provoquent une douleur et un gonflement du mollet, mais ne sont pas vraiment dangereuses en soi. En revanche, si le caillot se déplace, il peut aller obstruer une artère pulmonaire – c’est ce qu’on appelle une embolie pulmonaire.
Il est établi que l’association tabac-pilule accroît la possibilité de thromboses pouvant déboucher sur une phlébite voire une embolie. Notons que ces dangers concernent principalement les femmes fumeuses de plus de 35 ans ou qui fument depuis plus de 15 ans car leurs vaisseaux sanguins ont alors eu le temps d’être abîmés par le vieillissement et la consommation de tabac. D’après Martin Winckler (10), médecin et auteur de nombreux ouvrages de vulgarisation scientifique, « la consommation de tabac est donc une contre – indication absolue à la prise d’une pilule combinée […] Mais seulement à partir de l’âge de trente – cinq ans !»
Alors que faire? Une recommandation proposée est d’utiliser une autre méthode contraceptive: pilule progestative ou DIU (11) étant donné que les problèmes proviennent de la présence d’œstrogènes. Mais ne nous méprenons pas: si l’association tabac-pilule est dangereuse à partir d’un certain âge, il ne s’agit pas de dire qu’il faille pour autant arrêter la pilule. Elle présente en effet l’énorme avantage de permettre aux femmes de gérer leur sexualité, tandis que le tabac n’en présente aucun!
Tabac-pilule: qu’en savent les jeunes ?

Une enquête menée par Nathalie Lambert (12) a montré que les jeunes filles ignorent les «dangers» liés à cette combinaison. Sur 43 filles interrogées, 32 se disent non-informées soit les trois-quarts d’entre elles. Une visite rapide sur le net suffit à démontrer le manque de connaissances des adolescentes à ce sujet. Sur un forum santé qui reprend les idées reçues à propos de la pilule, nous pouvons notamment lire: « Cigarette et pilule : ce n’est pas aussi dangereux qu’on le dit .»( 13 ) Éloquente démonstration d’une idée fausse largement répandue! Et ce n’est qu’un exemple… Plus globalement, les risques du tabac sont sous-estimés par les jeunes. Comme l’explique Laurie Chitussi (14), « le jeune adolescent présente un processus de décision suboptimal , c’est – à – dire cognitivement orienté vers le présent . Il tient peu compte des conséquences à long terme , mais plutôt des bénéfices immédiats .»
En ce sens, une meilleure information et sensibilisation est nécessaire ! Et pourquoi pas lors de cours d’éducation à la vie sexuelle et affective pour les plus jeunes ? Lors des consultations chez les gynécologues? Ou encore directement sur les paquets de cigarettes?
D’après un texte de Céline Orban , chargée d’études aux Femmes prévoyantes socialistes
(1) Robert Michaël, 2009, ‘Sociologie du tabagisme féminin’, analyse des Femmes Prévoyantes Socialistes.
(2) Gallopel-Morvan Karine, «Les femmes, cibles marketing de l’industrie du tabac».
(3) «Tu en as fait du chemin, chérie.»
(4) «Prenez une Lucky (Strike) plutôt qu’un bonbon.»
(5) Dujardin Pauline, 2010, «La contraception: quelle(s) révolution(s)?», analyse des Femmes prévoyantes socialistes.
(6) https://www.mutsoc.be/NR/rdonlyres/9DA7FA52-9599-4F74-849C-15EBA22D23E7/0/enquetecontraceptionv2low.pdf , site consulté le 09 février 2012.
(7) Le CREDES est le Centre de Recherche, d’Étude et de Documentation en Économie de la Santé
(8) https://www.lesjta.com/article.php?ar_id=847
(9) L’anneau vaginal et le patch sont également concernés dans la mesure où ils contiennent aussi des progestatifs et des œstrogènes.
(10) Voir notamment Winckler Martin, Contraceptions: mode d’emploi , J’ai Lu, 2007 ; Winckler Martin, Choisir sa contraception , Fleurus, 2007. Pour aller plus loin : VIDAL, BURKMAN RT, “Cardiovascular issues with oral contracepted evidenced-base medicine”, Int : fertil womens med 2000 45 : 166-74.
(11) DIU pour dispositif intra-utérin plus communément appelé «stérilet»
(12) Natalie Lambert, «Tabac et pilule: il n’est jamais trop tôt pour s’informer», Mémoire rédigé pour l’obtention du certificat en tabacologie, ULg, 2005-2006.
(13) Sur https://www.doctissimo.fr/html/dossiers/contraception/articles/6005-pilule-contraceptive-idees-recues-02.htm . Petit avertissement: Doctissimo est un forum santé très populaire auprès du grand public, mais ne peut être consulté pour des avis médicaux et/ou scientifiques.
(14) Laurie Chitussi, «Adolescents et tabagisme: mieux comprendre pour mieux intervenir», Mémoire réalisé dans le cadre de la formation continuée en tabacologie coordonnée par le FARES, 2005-2006.

Arrêter de fumer c’est possible

Le 30 Déc 20

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Le 23 mars dernier, les Femmes prévoyantes socialistes organisaient une matinée d’études sur le thème ‘Le tabagisme : prévenir, sensibiliser, accompagner’
Bien annoncée, bien préparée, animée par quatre intervenants aux approches intéressantes et complémentaires, cette matinée a mobilisé un public malheureusement très peu nombreux. Comme si la question du tabac était devenue secondaire après quelques années de diminution plus ou moins régulière du nombre des fumeurs et après quelques mesures législatives diminuant la visibilité de la cigarette dans les lieux publics.
Pourtant, le tabagisme reste aujourd’hui encore la cause de mortalité évitable à laquelle notre pays paie le plus lourd tribut.
Pour les absents qui ont eu tort donc, les questions suivantes ont été abordées: comment sensibiliser aux dangers du tabagisme? Qu’est-ce qu’une prévention efficace? Quel coût pour la société? Comment devient-on dépendant? Quels sont les outils mis à la disposition des patients et des médecins? Quels sont les risques propres aux femmes? Comment aider et accompagner au mieux les patients?
Les réponses nous ont été apportées par Bérengère Janssen , psychologue et tabacologue au FARES asbl, qui décrivit le programme ‘Naître et grandir sans tabac’ et par Pierre Nys , médecin généraliste et tabacologue, référent ‘tabac’ à la Société scientifique de médecine générale, qui expliqua de façon concrète l’aide que le médecin de famille peut apporter à un patient qui est mûr pour arrêter. Il souligna le fait positif que la relation au long cours avec son patient offre un contexte d’intervention favorable au médecin, mais aussi que seulement 5% des généralistes proposent spontanément à leurs patients fumeurs de tenter le sevrage.
Martial Bodo , psychologue-tabacologue à l’Institut Bordet nous montra de façon très vivante qu’arrêter est possible, improvisant sa démonstration avec beaucoup d’à propos en rebondissant sur le témoignage dans la salle d’une grosse fumeuse très bavarde qui l’interrompait plus souvent qu’à son tour. On aurait presque cru qu’il s’agissait d’une comparse dont les propos visaient à renforcer les arguments du conférencier!
Pour terminer, Régine Colot (psychologue-tabacologue, pour changer, mais à la Fondation contre le cancer cette fois), nous entretint de l’efficacité des campagnes de prévention, en faisant un détour historique par les publicités d’antan en faveur des produits du tabac. Elle présenta entre autres la ligne Tabacstop , très fréquentée lorsqu’elle peut bénéficier de spots publicitaires, en n’omettant pas de nous rappeler que l’important n’est pas le nombre des appelants mais la qualité des contacts avec les répondants de la ligne (voir aussi son article ‘La ligne Tabacstop’ , paru dans le n° 271 d’Éducation Santé en octobre 2011).
À noter enfin, dans la farde des participants, une plaquette reprenant une sélection judicieuse d’outils pédagogiques et autres références en lien avec le sujet, proposée par l’Outilthèque Santé .
Christian De Bock

‘Voyons large’ Une campagne de sensibilisation aux discriminations liées au surpoids

Le 30 Déc 20

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«Les régimes, c’est comme la cigarette : il ne faut jamais commencer.»
Caroline Franc-Desages, blogueuse
Pensées de ronde

Le rejet et la discrimination se fondent bien souvent sur des critères liés à l’apparence physique: couleur de peau, sexe, handicap, âge… Aujourd’hui, la corpulence est également devenue un important facteur de stigmatisation et d’exclusion.

La façon dont les rondeurs sont perçues et dont les personnes en surpoids se perçoivent elles-mêmes, serait révélatrice de l’intériorisation et de l’adhésion à la norme de minceur qui s’est imposée dans nos sociétés. En effet, de nombreux stéréotypes négatifs sont véhiculés sur les personnes rondes. Elles seraient paresseuses, faibles, sans volonté, sales, moins intelligentes, moins compétentes, peu séduisantes, peu féminines ou pas viriles… A contrario, dans nos sociétés occidentales, la minceur est socialement valorisée (preuve de réussite, de statut social, de volonté, etc.) et présentée comme l’idéal esthétique, la norme à laquelle se conformer.

De ces représentations individuelles et collectives des rondeurs découle un certain vécu de son poids avec des comportements souvent néfastes vis-à-vis de celui-ci (obsession du poids, indifférence, culpabilité, régimes excessifs…) et des conséquences sociales, psychologiques, économiques et de santé importantes. Ceux qui ne correspondent pas à cet idéal de minceur sont alors souvent victimes de traitements injustes: rejet, stigmatisation, exclusion, moqueries, etc., et ce, dans différents domaines de la vie (à l’école, dans le cercle familial, la vie professionnelle, le milieu médical, etc.).

Divers travaux menés notamment en France et aux États-Unis, la récolte de témoignages, tant directs que sur des forums web, ainsi que les signalements déposés auprès du Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme en Belgique, peuvent permettre d’appréhender ce phénomène.

Des discriminations au travail

Les cas le plus souvent évoqués concernent la discrimination dans le milieu du travail, ayant un impact non négligeable sur le parcours professionnel de certaines personnes en surpoids.
En France, des chercheurs ont montré que la proportion de temps passé sans emploi durant la vie active augmente significativement en fonction du poids lorsque celui-ci dépasse l’indice de masse corporelle considéré comme normal (sur base des données de l’Institut national de la statistique et des études économiques en France). Les personnes obèses ont également une moindre probabilité de retrouver un emploi (1): une personne obèse reçoit trois fois moins de réponses positives pour un poste de ‘commercial’ qu’une personne d’apparence mince. (2)

Selon des données provenant des États-Unis, les discriminations concernent aussi bien l’embauche, les salaires, les promotions, la cessation d’emploi que le quotidien en milieu de travail: près d’un travailleur sur deux signale une stigmatisation par les collègues et quatre sur dix par les employeurs et superviseurs (humour déplacé, commentaires péjoratifs, traitement différencié, etc.).

Des discriminations dans le domaine de la santé

Aux États-Unis toujours, diverses études montrent que les professionnels de la santé véhiculent des attitudes et croyances négatives à l’égard des personnes obèses, notamment qu’elles sont paresseuses, indisciplinées, maladroites, peu attrayantes, ont une volonté faible et donc une mauvaise adhésion aux traitements. (3)
Les messages de prévention sanitaire incitant à se nourrir sainement, à perdre du poids, à pratiquer une activité physique sont quotidiens dans notre société. Si certains se concentrent sur les effets nocifs pour la santé du surpoids et de l’obésité, d’autres présentent parfois les personnes trop fortes comme étant faibles, responsables et coupables de leur état, voire antisociales par leur incapacité à se conformer à la norme de poids admise.

Des relations interpersonnelles plombées

Les personnes obèses doivent parfois aussi faire face à des difficultés dans leurs relations interpersonnelles. Des études récentes montrent la réalité des perceptions négatives basées sur le poids, surtout vis-à-vis des femmes obèses, émanant des membres de la famille et des amis, ainsi que dans la vie amoureuse. (4)
Les jeunes sont eux aussi touchés dans leurs relations, ce qui n’est pas sans conséquence. Rebecca Puhl précise ainsi que «les enfants en surpoids qui font l’objet de moqueries et de brimades ont 2 à 3 fois plus de risques de développer des pensées suicidaires que ceux qui ne sont pas tourmentés.» (5)

Des médias aux lourdes allusions

Aux États-Unis, des analyses de contenu des médias et des fictions télévisées démontrent la stigmatisation des personnes en surpoids, plus particulièrement des femmes (traits de caractères plutôt négatifs, commentaires négatifs des autres personnages, etc.). On retrouve les mêmes tendances dans les fictions pour enfants.

Les publicités omniprésentes sur les régimes et méthodes miraculeuses pour perdre du poids mettent souvent l’accent sur l’idée fausse que le poids est facilement modifiable et que le succès est une simple question d’effort personnel. Elles dépeignent les personnes en surpoids comme malheureuses et sans attraits et connotent la perte de poids comme les rendant plus heureuses.

Les articles de presse consacrés à l’obésité présentent souvent l’obésité en termes de responsabilité individuelle, en focalisant sur les comportements et solutions individuels (excès alimentaires et alimentation malsaine à corriger par un changement d’habitudes alimentaires). Cette présentation omet les dimensions sociétales importantes contribuant à la progression de l’obésité dans nos sociétés; en outre, elle renforce la stigmatisation des personnes obèses (ce qu’on qualifie en promotion de la santé de «blâme de la victime»).

Les médias ont aussi une tendance à la dramatisation (‘épidémie galopante’, ‘chiffres alarmants’, ‘fardeau pour les systèmes de sécurité sociale’, etc.). Ces nouvelles tendances de l’information s’appuient sur et renforcent les perceptions culturelles préexistantes vis-à-vis des gros. (6)

Les conséquences des discriminations sur le bien-être et l’estime de soi

À force de subir des remarques, des moqueries, des exclusions banales dans la vie quotidienne, le discours médiatique ambiant, les personnes en surpoids perdent insidieusement confiance en leurs capacités, avec pour conséquence une difficulté inconsciente de se présenter positivement, notamment lors d’un entretien d’embauche, d’un examen ou d’un rendez-vous galant par exemple. La fréquence des expériences de stigmatisation chez les personnes obèses est associée à une baisse de l’estime de soi et à une augmentation de problèmes comme la dépression, l’anxiété, la perception négative du corps et des troubles alimentaires (accès de boulimie) (7). De nombreuses études ont montré un lien entre le stress lié à une discrimination (quelle qu’elle soit) et divers troubles de santé, dont une prise de poids. (8) La stigmatisation liée à un excès de poids est donc susceptible de contribuer à une prise de poids supplémentaire !

Et chez les enfants ?

La prévention de l’obésité chez l’enfant est devenue une priorité de santé publique. Il est certain que prévenir le surpoids est une stratégie pertinente quand on connaît les difficultés rencontrées pour réduire le poids chez des personnes obèses. Cependant, des auteurs soulignent que la réduction des discriminations liées au poids est tout aussi importante que la réduction de l’indice de masse corporelle. Dans cette perspective, les enfants ont besoin d’adultes (parents, enseignants, etc.) pour défendre leurs intérêts et lutter contre les préjugés de poids. En effet, selon certains auteurs, les effets néfastes des stigmatisations de l’enfant pourraient sans doute s’avérer aussi délétères pour son bien-être que son excès de poids. (9) Malheureusement, les enseignants ont souvent des représentations négatives des élèves en surpoids et les perçoivent plutôt comme désordonnés, trop émotifs, ayant moins de chances de réussir et susceptibles d’avoir plus de problèmes familiaux que leurs pairs de poids normal. (10)

La prise de conscience des modèles esthétiques de minceur auxquels nous adhérons (sans toujours nous en rendre compte), la sensibilisation de l’opinion publique à cette injustice qui touche de plus en plus de personnes et des revendications claires de respect de l’être humain, quelle que soit sa corpulence, pourront, nous l’espérons, contribuer à une évolution du regard porté sur les personnes en surpoids, dans le but d’une plus grande tolérance.

[encadré]

Le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre les discriminations liées à l’apparence physique

Depuis 2003, le Centre pour l’égalité des chances et la lutte contre le racisme est compétent pour traiter des signalements et des dossiers qui concernent des critères protégés autres que ceux liés au racisme: handicap, état de santé, orientation sexuelle, âge, etc.

Il est donc tout à fait logique que le Centre s’associe à une campagne qui vise à sensibiliser à la stigmatisation et la discrimination dont les personnes en surpoids peuvent être victimes. En effet, le surpoids peut être rattaché à différents critères protégés par la loi du 10 mai 2007: la caractéristique physique (11), l’état de santé, le handicap ou une caractéristique génétique.

La loi trouve à s’appliquer tant sur le plan de la discrimination pure (refus d’emploi, de bien ou de service en raison du surpoids) que sur un volet plus pénal: harcèlement voire même circonstance aggravante si certains crimes ou délits (ex: coups et blessures) devaient être motivés par le surpoids.

En 2009, un colloque auquel a participé le Centre était organisé à Lille sur le thème de ‘ l’apparence physique comme motif de discrimination’. Le rapport de ce colloque note entre autres que « les difficultés rencontrées par les personnes obèses liées à leur apparence sont peu prises en compte car nombreux sont ceux qui s’imaginent qu’il est possible, avec de la volonté et une hygiène de vie correcte (…) de rentrer dans les normes de poids. De plus, les intéressés se plaignent rarement, persuadés d’être coupables de ne pas faire ce qu’il faut pour maigrir et de n’avoir que ce qu’ils méritent

Entre 2009 et 2012, le Centre a ouvert une trentaine de dossiers liés au poids. C’est peu en regard du nombre de dossiers qu’il traite par an (de 1200 à 1400) et sans doute aussi en regard de la réalité : cela veut dire que peu de personnes victimes de ce type de discrimination osent franchir le pas d’introduire un signalement.

Les dossiers traités par le Centre concernent surtout des refus d’embauche, notamment pour des chauffeurs de bus et des vendeuses. Des personnes se voient ‘officiellement’ écartées d’un poste au motif que leur poids est inadéquat à la fonction et peut présenter un danger pour elles-mêmes et donc aussi pour les autres Sans nier que le surpoids puisse parfois être un facteur d’inaptitude pour remplir certaines fonctions, le Centre constate que la plupart du temps, cette exclusion d’office s’applique sans qu’aucun examen individuel de la santé de la personne concernée et du contexte de travail ne soit entrepris, ce qu’il dénonce.

Il y a aussi quelques refus d’assurances pour couvrir des prêts hypothécaires. À noter également plusieurs plaintes à l’annonce du projet de la compagnie lowcost Ryanair d’introduire une fat tax pénalisant ses voyageurs en excès de poids.
Il faut aussi prendre en compte quelques dossiers qui relèvent du harcèlement.
Attention, dans le domaine de la discrimination, toute différence de traitement n’est pas nécessairement une discrimination interdite. Il se peut que des différences puissent être justifiées, pour des raisons de santé, de sécurité…
En résumé, la plupart des discriminations dont sont victimes les personnes en surpoids passent inaperçues, ne sont jamais dénoncées et pire, sont parfois jugées ‘acceptables’. Si la question des discriminations liées à l’apparence physique recoupe largement la question des autres discriminations sociales (liées à la couleur de peau, à l’âge, au sexe…), elle reste donc à ce jour peu reconnue et peu prise en compte.

Comment contacter le Centre ?

Par téléphone, via la ligne gratuite 0800 12 800 ou via le numéro général 02 212 30 00, le lundi de 9 à 12 h, le mardi et mercredi de 9 à 12 h et de 13 à 17 h et le vendredi de 9 à 12 h.
Par le site web. Le site https://www.diversite.be contient un formulaire pour signaler un cas de discrimination ou pour poser une question.
Par écrit. Vous pouvez contacter le Centre par courriel (epost@cntr.be), par fax (02 212 30 30) ou par lettre adressée au Centre pour l’égalité des chances, Service première ligne, rue Royale 138, 1000 Bruxelles.
Personnellement. Vous pouvez passer dans les bureaux du Centre, rue Royale 138 à 1000 Bruxelles, soit lors de la permanence le jeudi matin de 9h30 à 12h00, soit sur rendez-vous en ce compris en dehors des heures de bureau. (Gare: Bruxelles central – Métro: Parc – Tram: lignes 92 et 94).

[fin encadré]

Le projet ‘Voyons large’

‘Voyons large’ a pour objectif de mettre en évidence les divers aspects de la thématique du surpoids de façon à éclairer le sujet dans sa globalité.
En effet, la minceur est aujourd’hui socialement valorisée (preuve de réussite, de statut social, de volonté, etc.). Elle est présentée comme la norme esthétique à laquelle se conformer. C’est donc parce que cette norme de minceur existe et définit ce qui est normal ou au contraire hors norme qu’un regard stigmatisant et discriminant est porté sur les personnes jugées trop grosses qui ne correspondent pas à l’idéal.
Accepter la norme de la minceur et tenter de s’y conformer contribuent au renforcement de ce modèle esthétique et à la standardisation des corps. Prendre conscience de cette norme et de ses effets pervers peut donc être un premier pas pour prendre du recul et peut-être s’en détacher.

Pour la première étape de ce projet, l’asbl Question Santé a choisi d’aborder le thème du rejet et de la discrimination vécus par de nombreuses personnes en surpoids et les conséquences néfastes que cela peut avoir tant au niveau social, que psychologique, économique ou sur le plan du bien-être et de la santé.
Question Santé soutient l’idée qu’une perception globale des facteurs de son bien-être par chacun est susceptible de lui rendre une liberté précieuse, celle de pouvoir agir favorablement pour sa santé, en fonction de ses choix de vie. Question Santé plaide également pour une société qui soutient les citoyens dans le développement de leur bien-être (le maintien de leur santé), en créant les conditions favorables pour tous et en proposant les aides nécessaires aux personnes qui ont des besoins spécifiques.

Les outils de la campagne

Le site internet https://www.voyonslarge.be, ludique et pédagogique, interroge le regard que la société pose sur les rondeurs, fait état des diverses conséquences que cela peut engendrer pour chacun d’entre nous, informe sur les moyens pratiques pour signaler une discrimination, propose une série de références pour approfondir la thématique et invite chacun à prendre position via un sondage en ligne.
Une page Facebook ‘voyons large’ permet aux internautes d’interagir, de donner leur avis, partager des témoignages, etc.
Une carte illustrée reprend le visuel de la campagne et illustre quatre scènes courantes de discrimination envers les ‘gros’.
Des actions de sensibilisation ont aussi eu lieu début juin dans les gares de Bruxelles (Quartier Léopold), Liège, Namur et Charleroi.

Contact: Sandrine Pequet, chargée de projets à Question Santé, rue du viaduc 72, 1050 Bruxelles. Tél.: 02 511 41 74. Courriel: info@questionsante.be. Site: https://www.voyonslarge.be

Patrick Trefois (Question Santé), Patrick Charlier (Centre pour l’égalité des chances) et Sandrine Pequet (Question Santé)

(1) Alain Paraponaris, Bérengère Saliba, Bruno Ventelou. Obesity, weight status and employability: Empirical evidence from a French national survey. Economics and Human Biology 3 (2005) 241–258.
(2) J-F Amadieu, L’obèse: «l’incroyable discriminé», Observatoire des discriminations, Université Paris I, Panthéon Sorbonne, septembre 2005
(3) Idem 1
(4) Idem 1 (5) Rebecca Puhl, Stigmatisation sociale de l’obésité: causes, effets et quelques solutions pratiques, Diabetes Voice, mars 2009 (6) Idem 1 (7) Kelli E. Friedman, Jamile A. Ashmore and Katherine L. Applegate. Recent Experiences of Weight-based Stigmatization in a Weight Loss Surgery Population: Psychological and Behavioral Correlates. Obesity |volume 16 supplement 2 november 2008 (8) David Johnston and Grace Lordan. Discrimination makes me Sick! Establishing a relationship between discrimination and health. School of Economics, University of Queensland, Australia https://www.uq.edu.au/economics/abstract/421.pdf (9) Reginald L. Washington, MD. Childhood Obesity: Issues of Weight Bias. Prev Chronic Dis 2011;8(5):A94. https://www.cdc.gov/pcd/issues/2011/sep/10_0281.htm . (10) Idem 8. (11) Le Centre définit cette dernière en englobant les caractéristiques (innées ou apparues indépendamment de la volonté de la personne) stigmatisantes ou potentiellement stigmatisantes pour la personne dans un contexte social public (ne sont donc pas concernés les tatouages, piercings, etc.) La Belgique est à ce jour le seul pays européen à avoir repris ce critère en tant que tel dans son dispositif de lutte contre la discrimination.

Impact du programme Viasano

Le 30 Déc 20

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Éducation Santé vous a déjà parlé de cette initiative privée de mobilisation générale des ressources dans des communautés urbaines pour contrer la progression du surpoids et de l’obésité chez les enfants (1).
Agir au cœur des villes en motivant les acteurs entourant la famille à transmettre par de multiples canaux un message santé simple et ciblé, telle est la méthodologie de Viasano .

Premiers résultats chiffrés

Les villes de Mouscron et Marche-en-Famenne ont mis en place le programme en 2007 et 2008. Grâce à la récolte des données de poids et taille des enfants de première et troisième maternelles de ces deux entités à deux ans d’intervalle (2), une baisse de 22% du nombre des enfants en surpoids est observée, passant de 9,46% à 7,41%. Pendant la même période, la prévalence du surpoids est restée stable en Communauté française (de 9,53 à 9,58%). En termes d’obésité, aucun changement ne peut apparaître sur une si courte période, selon le Dr Corinne De Laet (HUDERF), ce que les chiffres confirment.
Ces données sont d’autant plus encourageantes qu’elles s’appuient sur des mesures objectives, et non pas sur des déclarations comme c’est souvent le cas (3). Dans son bref survol de la situation épidémiologique européenne en la matière, le Prof. Jean Nève (ULB) s’est d’ailleurs appuyé avec les réserves d’usage sur l’Enquête de santé par interview 2008 de l’Institut scientifique de santé publique (à caractère déclaratif) pour rappeler que près d’un adulte sur deux est en surpoids ou obèse dans notre pays (33% en surpoids, 14% d’obèses). La prévalence chez les enfants et adolescents de moins de 17 ans est selon la même source de 13% en surpoids et 5% obèses.
Les 7 clés du succès

Selon le Dr Nele Jacobs, coordinatrice scientifique Viasano
1.Un engagement politique local fort
2.Un comité scientifique se portant garant du programme
3.Une organisation rigoureuse multipartenariale
4.Des actions concrètes, des outils nombreux et attractifs
5.Une évaluation régulière des effets
6.Une implication financière des communes et des partenaires privés solides pour faire tourner le programme
7.Du temps (les villes s’engagent pour au moins 4 ans).
Lors de la présentation de ces résultats, les représentantes des deux villes wallonnes se sont évidemment félicitées de l’amélioration de la situation dans leurs communes, l’attribuant largement à la réussite de l’implantation locale de Viasano. Brigitte Aubert (Mouscron) et Mieke Piheyns (Marche) sont toutes deux échevines de la santé. Ce n’est sans doute pas un hasard: une condition essentielle à la réussite de pareil programme est évidemment qu’il fasse l’objet d’un engagement politique prioritaire des autorités locales (voir encadré).

Le rôle des partenaires privés

Comme à chaque fois, la contribution financière essentielle des firmes partenaires pose question, et d’autant plus quand on connaît la nature de leurs activités commerciales (4). Le Prof. émérite Vinck plaida leur cause en affirmant que leur apport n’est pas seulement financier, mais leur permet de joue un rôle sociétal essentiel dans la mesure précisément où elles ‘pèsent’ sur les habitudes alimentaires de la population. Propos renforcés par Mireille Roillet , coordinatrice nationale Viasano: ‘Nos partenaires sont souvent montrés du doigt comme faisant partie du problème, ils souhaitent aussi faire partie de la solution’ (5).
De quoi nous autoriser à grignoter un Bifi ou un Bueno (6) arrosés d’une rasade d’ Orangina en toute bonne conscience!
Viasano, rue Royale 109-111, 1000 Bruxelles. Site: https://www.viasano.be .
Christian De Bock
(1) Voir ‘Viasano, vitalité en ville. La santé et le bien-être dans la ville pour et avec la population’ , Éducation Santé n° 221, mars 2007. Voir aussi ‘3e congrès Viasano. Comment promouvoir la santé auprès des populations fragilisées?’ , C. De Bock, Éducation Santé n° 274, janvier 2012.
(2) Données récoltées par les services PSE, fournies par la DG Santé de la Fédération Wallonie-Bruxelles et traitées par le Prof. Michèle Dramaix (ESP ULB)
(3) Avec le risque de biais bien connu: surestimation de la taille et sous-estimation du poids, avec un effet sympathique sur le chiffre du BMI…
(4) Voici ce que la Ministre de la Santé francophone Fadila Laanan a dit récemment en réponse à une question d’ André du Bus en Commission Santé du Parlement de la Fédération Wallonie-Bruxelles: «J’estime qu’avant d’envisager un partenariat avec une société privée, il faut s’assurer des finalités. Ceci permet au service public de conserver ses prérogatives de défense de l’intérêt public, ce qui devient impossible si le service public est engagé dans un soutien moral à une initiative dont les effets ne sont pas sous contrôle public. C’est pour cette raison que je n’ai pas souhaité soutenir Viasano, qui est financé par des groupes agroalimentaires. Je tiens toutefois à souligner que les stratégies participatives et de travail en réseau utilisées par Viasano sont développées depuis de nombreuses années par des opérateurs de promotion de la santé que je soutiens.»
(5) Il y a une charte d’engagements réciproques entre l’agence Protein Health Communication (PHC) qui est le maître d’œuvre du programme Viasano et les partenaires privés. Aux termes de celle-ci, PHC s’engage à faire figurer leurs logos en bonne place aux côtés des logos des soutiens institutionnels, scientifiques et autres sur tous les supports de communication. De leur côté, les partenaires s’engagent à ne pas associer directement le programme à une quelconque marque de leur gamme; dans le cas d’une communication institutionnelle, à ne la faire porter que sur la démarche de leur implication dans le programme; à faire figurer le logo des autres partenaires sur les supports qu’ils seraient amenés à imprimer.
(6) Ferrero, le fabricant du Bueno est aussi celui de la célèbre pâte à tartiner Nutella . Suite à une plainte d’une consommatrice américaine, la firme paiera jusqu’à 4 dollars par pot acheté en Californie entre août 2009 et janvier 2012 ou ailleurs aux États-Unis entre janvier 2008 et début février 2012, pour un total plafonné à 3 millions de dollars. Ce n’est pas cher en regard du chiffre d’affaires du Nutella , mais cela fait quand même un peu désordre pour ce géant qui cherche à se payer une virginité nutritionnelle…