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Aborder les souffrances et les peurs du tout-petit

Le 30 Déc 20

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Certaines histoires de vie, ainsi que certains livres ne se terminent pas toujours par «Ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants». Pour de nombreux enfants malheureusement, cette phrase semble appartenir au passé. Quand la maladie ou la mort frappe une famille, une nouvelle page de vie s’ouvre, et ce qui s’écrira sur cette page ne sera plus jamais comme avant. Martine Hennuy, Nathalie Slosse et Sophie Buyse ont choisi d’en parler aux jeunes enfants, au travers de livres illustrés.

Quand l’enfant rencontre… la maladie

Les enfants veulent savoir, comprendre et connaître la vérité. Quand on leur cache des choses, pensant les préserver, ils pressentent un climat de danger au travers de phrases chuchotées, de conversations étouffées, de visages angoissés; cela contribue à alimenter leurs peurs, leurs fantasmes et la création de réponses imaginaires plus terrifiantes encore que les secrets eux-mêmes.
Si l’enfant doit savoir, il a besoin de réponses adaptées à son âge, à sa sensibilité, à sa maturité. Le mettre en position d’adulte en lui donnant des explications trop médicales serait lui faire violence et le figer du côté du réel, alors que bien souvent il puise ses ressources dans l’imaginaire, où un monde fantastique peuplé de héros, de princes et de princesses, cohabite à côté de la réalité, en parfaite symbiose avec celle-ci.
L’enfant ne reproduit jamais à l’identique, il réinvente, il crée, il écrit une autre histoire. S’il multiplie les scénarios, c’est pour se confronter émotionnellement à toutes sortes de dénouements, des histoires qui finissent bien et d’autres qui finissent mal. L’enfant n’est pas dupe de son récit, il sait bien qu’il fait semblant, qu’il joue, que «c’est pour du faux». Il a plaisir à entrer et sortir de ses histoires, il n’est ni victime, ni prisonnier de ce qu’il raconte car face à ce qu’il ne peut décider et contrôler dans la réalité, à savoir la maladie du parent, il a l’illusion de maîtriser l’histoire qu’il vient d’inventer. Il devient maître de la destinée de ses personnages et ce pouvoir sur eux le soulage quand il n’a plus prise sur les événements douloureux de sa vie.
Là où certains enfants vont fuir dans le monde imaginaire, d’autres au contraire se réfugieront dans le connu. Quand la maladie et l’hospitalisation entraînent un surcroît de réel dans la vie de l’enfant, tout son quotidien est bouleversé, il perd ses repères, mais aussi un peu de sa capacité de rêverie. Il peut avoir l’impression que les monstres des histoires sont sortis des livres ou de la télévision pour passer dans le monde réel et attaquer son parent. Découvrir que les fées, Saint-Nicolas et le monde enchanté n’existent pas est très décevant. C’est comme si on lui enlevait ses rêves, ses illusions et son insouciance. S’il n’y a pas de baguette magique pour sauver papa ou maman, que va-t-il devenir?
L’enfant peut, en réaction, développer des conduites névrotiques; il va s’accrocher de façon obsessionnelle à la réalité, contrôler la place des objets, nettoyer, ranger, se figer dans des rituels répétitifs, craindre les imprévus, la nouveauté, etc. Un enfant «adultifié» par la maladie de son parent peut se fixer du côté du réel: il ne joue plus, il prend tout en charge dans la maison, s’occupe des petits frères, prépare le repas, comme si l’enfance avait brutalement disparu de sa vie. Voir un enfant devenu si sage, si obéissant, si studieux à l’école, ce qui du point de vue des parents peut sembler rassurant, peut en réalité être le comportement d’un enfant qui a évacué ses désirs, ses frustrations, par un comportement hyper adapté à la réalité. Toutes les émotions négatives sont refoulées, et risquent de réapparaître de façon beaucoup plus violente plus tard. C’est pourquoi il est essentiel pour l’enfant de pouvoir extérioriser ses sentiments par des actes libératoires.

…la mort

En matière de mort, nous n’avons aucune certitude, juste des croyances qui vont elles-mêmes évoluer en fonction de nos expériences de vie et de nos propres confrontations à la mort. C’est sans doute pourquoi il est si difficile de l’aborder avec les enfants.
Pourtant, très tôt, l’enfant va s’interroger sur la mort. Tant qu’il n’y a pas été confronté, elle reste pour lui un mystère, une réalité lointaine. Avant 6 ans, il acquiert d’abord la notion de «séparation», il va plutôt considérer la mort comme un «sommeil prolongé». Il va jouer la mort et mettre en scène sa conception, comme un phénomène passager et provisoire. Il va ensuite acquérir les notions de perte des fonctions vitales, d’irréversibilité, vers l’âge de 8 ans: « La mort , c’est quand on ne respire plus », « On a mis papa dans une boîte et on l’a brûlé ».
Les attitudes des parents vont influencer l’élaboration du concept pour l’enfant, qui posera des questions uniquement s’il sent qu’il peut obtenir des réponses sans blesser ses proches.
La manière dont l’enfant va vivre ses premières expériences de confrontation à la mort va également en influencer sa perception et sa compréhension. L’enfant confronté très tôt à la perte d’un proche comprendra d’autant plus vite la notion de «plus jamais» et ses questionnements seront plus précoces. Ainsi, ce que pense l’enfant de la mort, ce qu’elle suscite en lui, va sans cesse évoluer au fil de son vécu.
Ce que l’enfant imagine de la mort dépend enfin de ses croyances et des conceptions philosophiques du groupe auquel il appartient. Suivant sa culture, la société dans laquelle il vit et ses besoins, il faudra réinventer des rituels (pas forcément religieux) qui constituent un geste ou un ensemble de gestes permettant d’apaiser l’intensité des sentiments qu’il ressent. Ainsi, il est important de poser des actes concrets pour apaiser son chagrin, de fixer un cadre sécurisant (créer une boîte à chagrin, lâcher un ballon…).
Puisque très vite, l’enfant perçoit que la mort inquiète les adultes, quel que soit son âge, il est important de le laisser «dire» sa vérité, son ressenti, sans lui apporter de réponse toute faite.

Le livre, support d’expression entre réalité et imaginaire

Dans les deux livres «Alice au pays du cancer» et «On va où quand on est mort?», les auteurs ont souhaité tenir compte du vécu de l’enfant dans la réalité mais aussi dans son univers imaginaire et symbolique. La lecture des livres avec l’enfant l’emmène en voyage dans son monde intime, il parcourt, à la suite d’Alice ou de Diego, les trois registres du réel, de l’imaginaire et du symbolique.
L’arbre de la connaissance dans Alice, qui répond aux questions, apporte une dimension à la fois symbolique et sacrée. L’enfant s’adresse à l’inconnu, au mystère, à ce qui le dépasse. Cet arbre de la connaissance entretien le lien de l’enfant avec son monde irrationnel. Quand les éléments de la réalité deviennent trop effrayants, il peut être bénéfique pour l’enfant de se créer sa propre fiction.
Diego, dans «On va où quand on est mort?» trouve aussi un réconfort grâce à son animal totem, le lièvre, apparu dans ses rêves et qui lui suggère de construire son temple du souvenir. L’animal de pouvoir, comme l’appellent les chamanes ou les scouts, est l’animal auquel l’enfant peut à la fois s’identifier, se projeter, poser ses questions et confier ses craintes. Les plus petits s’entretiennent avec leur peluche. Pendant ce dialogue intime, ils n’hésitent pas à soigner l’ours malade, le consoler, le punir ou se fâcher contre lui.
Pour les enfants plus petits, le livre «Grand arbre est malade» déplace la maladie sur un arbre attaqué par les vers ou dans un jardin envahi de mauvaises graines. Les tout-petits comprennent et acceptent plus facilement un récit qui transforme la réalité, par exemple une histoire qui parle d’un arbre, d’un jardin, ou d’un animal, plutôt que la confrontation directe avec un personnage humain. Ce déplacement permet d’atténuer la peur, d’amener progressivement des éléments du vécu émotionnel de l’enfant sans qu’il ne se sente menacé par des propos trop directs, trop proches de son monde intérieur.
Le livre est un support (parmi d’autres) qui propose aux enfants un espace d’expression. Il permet de les aider à élaborer leurs propres réponses à leurs questions et observations, par la discussion et le partage. Il permet d’accompagner l’enfant. Il lui propose d’extérioriser ses émotions de colère, de tristesse, de peurs, par identification à Alice qui jette son ours contre le mur ou qui tape sur la pierre qui parle quand elle lui dit de sortir toute sa rage, ou au petit Diego qui a perdu son papa et qui souffle tout son désespoir dans de gros ballons rouges qui s’envolent avec un peu de son chagrin.
Ces images, véhiculées par les livres, en font un véritable outil thérapeutique car ces passages d’expression des émotions et d’évacuation de la détresse sont ceux que les enfants préfèrent. Ils comprennent le sens et la charge symbolique de ces actions.
Le livre est une «passerelle sur les épreuves de la vie». Il permet une vision à distance, un recul sur le problème. Il aide l’enfant à ne pas être absorbé par la maladie ou la mort de son parent, il l’aide à franchir l’obstacle en sachant qu’il n’est pas seul, qu’il a ses propres ressources. Le livre est un outil de création parmi d’autres pour lutter contre la destruction, la dépression. Il met des couleurs sur les images tristes, des mots sur les douleurs, de la poésie et des métaphores, là où les termes médicaux sont très réducteurs. Il facilite l’échange avec le parent sur les thèmes effrayants et inquiétants comme les mots «cancer», «chimio», «tumeur», «mort». C’est d’ailleurs volontairement, que les auteurs ont inséré les mots «cancer» et «mort» dans les titres des ouvrages, pour ne pas se cacher du sujet qui va désormais occuper la première place dans le psychisme du parent souffrant et de son enfant.
Les enfants sont immédiatement attirés par ces livres car ils perçoivent qu’ils abordent des sujets de «grands» et ils sont très intéressés par ces sujets, même ceux qui n’ont jamais été confrontés au cancer ou à la mort d’un proche.
Par le détour des livres, sans l’étalage brutal du réel qui lui ferait violence, l’enfant intègre, avec douceur et chaleur, le parcours éprouvant de la traversée du cancer ou du deuil. Le livre illustré ne minimise pas les épreuves, il permet même d’aborder la culpabilité de l’enfant, mais en tenant compte de ses rythmes, de son univers psychique. Il vit au fur et à mesure de ses lectures, à partir des commentaires que l’enfant amène, de ses ajouts, ses oublis et ses inventions. Il demande souvent plusieurs lectures, pour intérioriser, retrouver, mémoriser les phrases, les images et se préparer aux pages les plus douloureuses. La lecture accompagnée avec le parent amène une ouverture, elle permet un dialogue sur ce qui préoccupe, inquiète. Elle laisse libre cours à l’imagination de l’enfant et lui propose des pistes, sans l’enfermer dans des convictions figées. (1)
Ces trois beaux livres semblent avoir de véritables vertus thérapeutiques tant pour l’enfant que pour ses parents. Ce sont de précieux outils pour les professionnels de l’enfance, les enseignants et le personnel soignant. À découvrir absolument…

« Alice au pays du cancer », rencontre avec Sophie Buyse

Lorsqu’Alice quitte brutalement le pays des merveilles et découvre le pays du cancer, elle se trouve face à un monde menaçant qui lui est complètement étranger. Elle entend parler les infirmières et les médecins et ces mots incompréhensibles et inconnus lui paraissent une langue étrangère. La maladie et les traitements ont également transformé sa maman, elle qui était si forte, si protectrice, paraît soudain si faible, si fragile.
Sophie Buyse est psychothérapeute d’orientation psychanalytique et licenciée en sexologie de l’UCL. Elle consulte en privé et reçoit des enfants, des adultes et des couples.
Depuis 20 ans, elle travaille en collaboration avec l’asbl Cancer et Psychologie, à l’accompagnement des malades cancéreux et de leurs proches. Depuis à peu près 10 ans, elle a créé avec ses collègues des «Espaces Enfants» à l’hôpital dans les services de cancérologie qui accueillent des enfants confrontés à la maladie d’un parent, et des «Espaces Papillons», destinés aux enfants confrontés au décès d’un proche.
Sophie Buyse est par ailleurs présidente et fondatrice de l’asbl «Relais Enfants parents» (2), chargée du maintien des liens entre l’enfant et son parent incarcéré. Elle est aussi auteur de romans et de nouvelles.
Éducation Santé: Qu’est-ce qui vous a poussée à réaliser Alice au pays du cancer ?
Sophie Buyse : Ce sont des patients cancéreux qui se demandaient comment parler de la maladie à leur enfant qui m’ont incitée à mettre quelque chose sur pied, de même que mon expérience avec les enfants des Espaces Enfants à l’hôpital.
ES: Quels sont les objectifs de ce beau livre?
SB : Il s’agit de mettre des mots sur les émotions, d’expliquer la maladie grâce à un récit imagé et expressif qui permet à l’enfant de s’identifier.
ES: Mais pourquoi le cancer?
SB : Il y avait beaucoup de livres sur le divorce des parents, la mort, la séparation, mais peu de livres qui osaient parler du cancer sans voies détournées. Or, pendant la maladie, les enfants connaissent des phases de tristesse, de peur, de révolte, de colère, de culpabilité. Certains traversent cette épreuve en étant trop sages, trop bons élèves, ils veulent préserver leur parent, mais il ne faut pas oublier qu’ils restent des enfants et doivent encore avoir des moments d’insouciance, de bêtise et de vulnérabilité!
ES: Est-ce que le livre peut être utilisé dans d’autres cas que le cancer d’après vous?
SB : Je crois que le livre est aussi lu par des enfants qui ne sont pas confrontés au cancer d’un proche mais qui ont souvent entendu parler de la maladie et désirent être informés. Nous animons d’ailleurs des ateliers dans des classes confrontées à la maladie d’un enfant/parent/professeur, et nous constatons que le livre est un bon outil de communication et d’échange dans un groupe, quelle que soit la maladie.
ES: Comment avez-vous conçu le livre? Avez-vous rencontré des familles confrontées au cancer lors de la conception?
SB : Martine Hennuy et moi-même sommes deux psychothérapeutes de l’asbl Cancer et Psychologie. En fait, nous sommes sans cesse confrontées à cette problématique. Même dans nos proches il y a des personnes malades. Le cancer est malheureusement trop présent dans notre vie et dans notre entourage. Il ne se limite pas au contexte professionnel. Ainsi, nous avons mis en commun notre expérience avec les enfants et les malades. La rédaction du texte s’inspire aussi de témoignages ou de réactions d’enfants. L’illustratrice a été très touchée par ce thème et ses dessins répondaient bien à ce que nous cherchions…
ES: Pourquoi un livre?
SB : Il faut prendre du temps pour lire, et donc pour penser, pour ressentir. Le livre doit être lu de préférence avec un adulte pour permettre un dialogue, un questionnement, donner à l’enfant l’occasion de dire ce qu’il pense, ce qu’il vit. Le livre permet par ailleurs de se projeter tout en restant à distance de ce qui est représenté. Il est à la fois proche et lointain.
ES: Ici, l’histoire se termine bien mais malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. N’est-ce pas une vision trop positive de la maladie? Qu’en est-il pour les enfants pour qui ça ne se termine pas comme ça ?
SB : Il existe maintenant un deuxième livre «On va où quand on est mort?» (voir plus loin dans cet article) qui permet d’aborder avec les enfants la mort, la perte, le chagrin… Ceci dit, Alice se termine avec l’espoir de «ne plus jamais retourner au pays du cancer» mais on ne parle pas de guérison non plus.
ES: Existe-t-il un livret pédagogique pour savoir comment aborder ce livre avec les enfants ?
SB : Non, les personnes qui le souhaitent peuvent s’informer auprès de l’asbl et des auteurs du livre.
ES: Quel usage préconisez-vous?
SB : La lecture peut s’effectuer dans le cadre familial, scolaire, hospitalier… avec ou sans conteur/ lecteur, avec animation dans les écoles, à la maison avec les parents mais de préférence dans la journée pour ne pas ouvrir de questions trop douloureuses et émotionnelles au moment du coucher.
ES: Selon votre expérience, le livre est-il bien reçu par les enfants? Qu’en disent-ils? Et les parents et les animateurs ?
SB : Depuis la parution du livre, nous avons eu des commentaires à propos de son titre, volontairement très explicite qui pouvait heurter. Mais nous voulions appeler un chat un chat, et oser nommer le cancer. Les enfants, justement, sont curieux d’un livre qui porte un tel titre car il s’adresse à eux comme à des «grands».
Le personnel des hôpitaux est très demandeur, depuis les médecins jusqu’aux infirmières. Grâce au Plan Cancer, nous avons pu diffuser un certain nombre d’exemplaires dans les services où nous travaillons. Plusieurs écoles et des professeurs possèdent aussi le livre, après notre intervention dans plus d’une petite dizaine d’établissements scolaires de Bruxelles. Nous espérons que cet outil permettra aux professeurs, à l’avenir, d’intervenir dans leurs classes lorsqu’un élève est confronté à la maladie.
ES: Comment et où le livre est-il diffusé?
SB : Les éditions Alice ont une diffusion dans tous les pays francophones, nous sommes traduits en allemand, en coréen et bientôt en portugais.
ES: D’autres ouvrages pour compléter cette histoire ?
SB : À l’asbl Cancer et Psychologie, il existe également un livre qui aborde le suicide d’un parent, «Comment papa est mort?». Puis, il y a «On va où quand on est mort?». De son côté, la Fondation contre le cancer a édité «Le jardin d’Aurélien» qui traite du cancer d’un parent. Intéressant.
ES: D’autres projets du même type en cours?
SB : Oui, un projet de livre pour enfants qui parle de la réincarnation…
Pour vous procurer «Alice au pays du cancer» de Martine Hennuy et Sophie Buyse, rendez-vous en librairie, sur Internet, ou encore à l’asbl Cancer et Psychologie, avenue de Tervueren 215 à 1150 Bruxelles. Tél./fax: 02 735 16 97, courriel: canceretpsy@skynet.be, site: https://www.canceretpsy.be . Prix: 12,90 euros .

«On va où quand on est mort?», rencontre avec Martine Hennuy

Diego vient de perdre son papa… Au travers de son chagrin, il y a aussi beaucoup d’interrogations et d’incompréhension. Où vont les gens quand ils sont morts? Est-ce qu’ils changent de forme? Que de questions sans réponse! Et lorsque sa maîtresse aborde en classe le sujet de la mort, Diego est surpris par le nombre d’interprétations qui existent de ce sujet dont on parle si peu. Il découvre aussi que chacun vit son deuil à sa façon et que parler de la mort aide à en avoir moins peur…
Le parcours professionnel de Martine Hennuy est très diversifié. D’abord, sa formation de base en logopédie l’a amenée à travailler avec des adolescents en enseignement spécialisé. Elle a ensuite repris une licence en psychologie clinique tout en travaillant en tant qu’éducatrice dans des maisons d’hébergement pour enfants. Au terme de ses études, elle a poursuivi ce travail en tant que psychologue. Martine Hennuy a aussi travaillé pendant 7 ans dans l’enseignement en tant que psychopédagogue en école normale, pour former des institutrices préscolaires.
Depuis 10 ans maintenant, elle a choisi de revenir à un travail plus clinique puisqu’elle propose des consultations psychologiques en maison médicale et en planning familial. Voilà également 10 ans qu’elle travaille pour l’association Cancer et Psychologie. Elle a animé pour l’asbl un Espace enfants parents (Institut Bordet), y a assuré une permanence téléphonique et y est maintenant formatrice dans le domaine de l’accompagnement du deuil.
Au milieu de ces problématiques lourdes, Martine ressent le besoin de se ressourcer. Ainsi, elle organise des voyages en collaboration avec une agence d’écotourisme et est accompagnatrice dans le désert du Sinaï en Égypte!
Éducation Santé : Qu’est ce qui vous a poussée à réaliser « On va où quand on est mort
Martine Hennuy : Le succès d’ « Alice au Pays du Cancer » nous a donné envie de poursuivre l’aventure en nous basant sur des problématiques que nous connaissons bien, dans lesquelles nous évoluons au quotidien. L’idée d’aborder le thème de l’après-vie nous est apparue comme une évidence. Nous sommes donc parties des interventions spontanées d’enfants endeuillés lors d’un Espace Papillon (3) car celles-ci étaient très riches. Nous avons dès lors élaboré le scénario de l’histoire autour de ces interventions.
ES : Pourquoi parler de la mort ? Cela vient il d’une demande ?
MH : La mort reste encore trop souvent un sujet tabou qu’il est important de dédramatiser. Après avoir évoqué le thème de la maladie grave, il semblait important de proposer un support permettant de soutenir et d’accompagner l’enfant sur le thème de la mort et surtout de l’après-vie, peu abordé par la littérature enfantine. Le livre semble répondre à une demande puisqu’il vient déjà d’être réédité…
ES : Quels objectifs poursuiviez vous ?
MH : L’objectif principal est de proposer aux enfants et aux familles des outils pour parler de la mort, pour élaborer ensemble les questions autour de ce thème encore trop souvent tabou. Il est également de légitimer le vécu de l’enfant en faisant passer le message qu’il est normal d’être triste, en colère lorsqu’on a perdu une personne proche, que ces émotions doivent être traversées.
ES : On va où quand on est mort ? N’est il pas ambitieux de vouloir répondre à cette question ?
MH : Effectivement, c’est pourquoi nous n’avons pas l’ambition d’y répondre!
Nous avons simplement souhaité aborder la question, sans y apporter de réponses toutes faites, en proposant à l’enfant des balises, des pistes pour y trouver ses propres réponses, car en matière de mort et d’après-vie, nous n’avons aucune certitude.
ES : Comment avez vous conçu le livre ?
MH : Tout simplement en partant de notre pratique professionnelle, ce qui nous a fourni un matériel très riche. Nous nous sommes également basées sur nos propres recherches et conceptions philosophiques autour de la mort, sans toutefois les imposer à l’enfant, mais en proposant différents points de vue, dans lesquels l’enfant pourra se forger ses propres croyances.
ES : Avez vous rencontré des familles endeuillées lors de la réalisation ?
MH : Non seulement au cours de la réalisation du livre, mais tout au long de notre pratique depuis 10 ans!
ES : Pourquoi un livre ? Pensez vous que cette forme convient particulièrement bien pour aborder la mort avec les enfants ?
MH : Un livre reste, on peut le consulter, le laisser de côté et le reprendre plus tard. Il constitue un support non seulement pour l’enfant, mais aussi pour l’adulte, qu’il soit parent ou enseignant (car nous avons aussi beaucoup de demandes d’interventions au sein des écoles).
ES : Existe t il un livret pédagogique pour savoir comment aborder ce livre avec les enfants ?
MH : Non, car nous n’avons pas voulu rentrer dans une démarche trop pédagogique, ni trop figée. Nous avons préféré laisser chacun utiliser le livre selon ses besoins, selon l’âge de l’enfant aussi.
ES : Quel usage préconisez vous ?
MH : C’est un livre à lire avec l’enfant, que ce soit en famille, à l’école ou à l’hôpital. Il ne concerne pas seulement les enfants endeuillés, mais tous les enfants car la mort est un sujet qui nous concerne tous.
ES : Selon vote expérience , le livre est il bien reçu par les enfants ? Qu’en disent ils ? Et les parents ?
MH : Nous l’avons bien sûr utilisé lors des ateliers ou lors d’animations dans les classes et en avons eu de très bons retours.
ES : Comment et où le livre est il diffusé ?
MH : Il est édité chez Alice Édition et est diffusé en Belgique, en France, en Suisse et au Canada.
On le trouve dans toutes les librairies et il est également possible de le commander à l’association Cancer et Psychologie.
Pour commander « On va où quand on est mort de Martine Hennuy et Sophie Buyse , rendez vous en librairie , sur Internet , ou encore à l’asbl Cancer et Psychologie , avenue de Tervueren 215 à 1150 Bruxelles , Tél ./ fax : 02 735 16 97 , courriel : canceretpsy @ skynet . be , site : www . canceretpsy . be . Prix : 12 , 90 euros .

« Grand arbre est malade», rencontre avec Nathalie Slosse

Frimousse le petit hérisson aime beaucoup Grand Arbre . Quand le docteur des arbres découvre des petits vers sous l’écorce de Grand Arbre , l’univers de Frimousse est complètement bouleversé . Il va pourtant jouer un grand rôle dans sa guérison
Éducation Santé : Pourquoi avoir réalisé ce livre ?
Nathalie Slosse : Quand j’ai été confrontée au cancer du sein en 2007, mon fils n’avait pas encore 2 ans. J’ai cherché ce qui existait pour communiquer sur la maladie grave avec les tout-petits, mais j’ai trouvé très peu de matériel. C’est pourquoi une fois la période la plus pénible du traitement passée, j’ai décidé de créer un outil pour aider d’autres parents et accompagner les jeunes enfants.
ES : Quels sont les objectifs de votre livre ?
NS : En premier lieu, je voulais encourager les adultes à parler de ce qui se passe quand une maladie grave frappe un proche, car je pense qu’il ne faut pas cacher les moments difficiles sous prétexte qu’il ou elle «est encore tellement jeune». Les enfants sentent qu’il y a des gros changements autour d’eux, il est mieux de mettre des mots là-dessous.
J’ai voulu écrire une histoire métaphorique (la maladie étant bien entendu l’attaque des vers) qui laisse beaucoup d’espace pour l’interprétation de l’enfant. Ainsi, l’histoire peut s’adapter à un grand nombre de situations.
ES : Quels sont les thèmes abordés ?
NS : Les effets secondaires (fatigue, perte des cheveux), les amputations, la durée du traitement, la chimiothérapie et la radiothérapie, les émotions de l’enfant (triste, heureux, fâché, inquiet) et le lien illogique entre «rendre malade» (effets secondaires de la chimio) et guérir.
ES : Comment avez vous conçu le livre ?
NS : Pour moi la partie la plus importante est celle avec les idées pratiques de jeux et de bricolages adaptés aux plus jeunes. C’est ça que j’ai pensé à réaliser en premier lieu. Il ne s’agissait pas pour moi, comme dans beaucoup d’ouvrages, de proposer uniquement à l’enfant de dessiner. Parce qu’à 2 ans, un enfant ne sait pas encore s’exprimer par un dessin! Bien sûr, j’avais mon cobaye chez moi à la maison… mon fils. Certaines choses, comme le monstre cancer , je les avais testées avec lui pendant ma maladie. L’idée d’ajouter à ces activités l’histoire de Grand Arbre et Frimousse m’est seulement venue après… Il m’a semblé intéressant de collaborer avec des associations qui ont une expertise dans le domaine de l’enfance et de la santé. C’est pourquoi je me suis adressée à la division jeunesse des Mutualités socialistes et aux psychologues de Cancer et Psychologie. Ils étaient bien placés pour me guider et me dire si un tel outil existait déjà pour la partie francophone du pays…
ES : Comment avez vous « inventé » les animations proposées dans le livret pédagogique ? Vous avez été aidée par un pédagogue ?
NS : Comme expliqué avant, ma rencontre avec des personnes de Cancer et Psychologie m’a beaucoup aidée. Puis, j’aime être créative et bricoler avec les enfants. Donc, quand je regardais des livres avec des idées de bricolages (par exemple pour la fête des mères), j’essayais de les «traduire» dans un contexte de maladie grave. J’ai aussi consulté un livre sur l’aide aux victimes (la gestion des émotions après un choc est très semblable dans beaucoup de cas).
ES : Pourquoi avoir choisi le livre comme support ?
NS : Les enfants aiment écouter les histoires et regarder des images. J’ai pensé que c’était la porte d’entrée la plus facile pour ouvrir un dialogue avec eux sur un sujet si délicat.
ES : Avez vous rencontré d’autres familles confrontées au cancer ?
NS : Oui, mais surtout depuis l’édition du livre, pas tellement avant. Avant, j’ai essayé d’en discuter avec d’autres jeunes mamans via un forum sur Internet notamment.
ES : Pourquoi un arbre et un hérisson ? Est ce que vous pensez que les enfants s’identifient ?
NS : Pour de jeunes enfants, situer une histoire dans un autre milieu que le leur, en l’occurrence celui des animaux, est moins menaçant.
ES : Ici , l’histoire se termine bien mais malheureusement , ce n’est pas toujours le cas
NS : Les contes se terminent toujours bien… Les enfants ont besoin d’un «happy end» même s’ils savent bien que, dans la réalité, tout ne se passe pas comme dans un conte de fée. Ceci dit, j’ai quand même voulu y ajouter une fin ouverte avec Petit Arbre qui commence à pousser… Il signifie que, même si Grand Arbre disparaissait, il nous resterait toujours des souvenirs… Mais je pense qu’il ne faut pas pousser l’enfant à cette conclusion. D’habitude, ils ont assez d’imagination pour y trouver ce qui leur convient le mieux à ce moment-là.
ES : D’après vous , est ce que le livre peut être utilisé dans le cadre d’autres maladies que le cancer ?
NS : Oui, j’ai déjà eu des réactions en ce sens. Dans un journal, j’ai lu un article sur une maman qui l’avait lu à ses enfants après l’amputation d’une jambe et de quelques doigts suite à une attaque de bactérie. Le mot «cancer» n’est pas spécifié, mais le traitement ressemble très fort à la chimiothérapie et radiothérapie, habituellement administrées en cas de cancer.
ES : Quel usage préconisez vous pour le livre ?
NS : Pour favoriser l’usage en famille, j’ai insisté auprès de l’éditeur pour inclure quelques idées dans le livre même, dans la partie «trousse à trucs de Frimousse». Mais dans le manuel plus complet (téléchargeable gratuitement), il y aussi des choses qui sont plus adaptées à une utilisation en classe, par exemple des suggestions pour la discussion en groupe. Enfin, pour l’utilisation par des personnes comme les instituteurs qui ne sont pas familiarisés avec un traitement contre le cancer, des photos de l’hôpital et un glossaire se trouvent également dans le manuel.
ES : Selon votre expérience , le livre est il bien reçu par son public ?
NS : Le livre est très bien reçu par le public, petit et grand. Je n’ai jamais eu la chance de voir la réaction des tout-petits en direct mais j’apprends via les parents qu’ils ont aimé car ceux-ci doivent relire plusieurs fois l’histoire! Il y en a même qui veulent garder le livre avec eux dans leur lit.
Les parents qui ne sont pas confrontés à la situation mais qui ont quand même le courage de lire l’histoire à leurs enfants, l’apprécient également, pour les leçons de vie qu’on peut en tirer.
On me dit même que des enfants de 10-11 ans en profitent. Les animateurs de Cancer et Psychologie, de leur côté, ont tout de suite lu le livre aux enfants de 3 et 4 ans. Ils disent qu’il fonctionne super bien et bien sûr, cela me rend très heureuse!
ES : Comment et où le livre est il diffusé ?
NS : Le livre est en vente au prix de 12,95 euros dans les librairies ou chez le distributeur Weyrich Éditions. On peut aussi le commander chez Latitude Junior ou Cancer et Psychologie.
ES : D’autres projets en cours de votre côté ?
NS : En tout cas, les réactions positives sur ce premier livre m’encouragent à continuer. J’aimerais bien pouvoir éditer encore d’autres livres pour enfants délivrant un message pour les aider sur un sujet difficile… J’aime ce défi et j’ai déjà pas mal d’idées. En ce qui concerne le petit Frimousse, j’ai déjà écrit une suite intitulée «Gouttes magiques», dans laquelle il en apprend davantage sur le chagrin et les façons de consoler quelqu’un. Mais il reste difficile de trouver un éditeur pour des livres pour enfants avec des thématiques lourdes, donc je ne sais pas encore si cette histoire trouvera son chemin vers le grand public…
Pour l’instant, je prépare aussi un projet avec des sacs à jeux composés de plusieurs choses amusantes autour du livre «Grand Arbre est malade», par exemple une petite poupée Frimousse: il est certainement plus agréable pour les enfants d’aller se coucher avec un doudou qu’avec un livre à la couverture dure! Ces sacs seront mis à disposition via les hôpitaux. Mais cette année je vais d’abord lancer le projet en phase expérimentale du côté néerlandophone. Pour suivre tous ces développements, les lecteurs peuvent consulter le site https://www.talismanneke.be .
Pour découvrir l’histoire de Grand arbre et Frimousse : https://grandarbre.over-blog.com .
Pour commander le livre , rendez vous en librairie , sur le site de Weyrich Éditions https://www.weyrich-edition.be/fr/detail-produit/grand-arbre-est-malade.htm , de Latitude Junior https://www.latitudejunior.be/spip.php?article80&var;_mode=calcul ou via Cancer et Psychologie , avenue de Tervueren 215 à 1150 Bruxelles , tél ./ fax : 02 / 735 16 97 , courriel : canceretpsy@skynet.be , site : https://www.canceretpsy.be .

Éducation Santé a aussi rencontré Lisbeth Renardy, illustratrice de «On va où quand on est mort?» et «Alice au pays du cancer»

Éducation Santé : Parlez nous un peu de vous , votre formation , votre parcours , votre métier
Lisbeth Renardy : Je vis et travaille à Liège. J’ai effectué mes études à St-Luc, en illustration. En 2002, fraîchement diplômée, j’ai pris contact avec la maison d’édition Alice Jeunesse et là a commencé une collaboration en tant qu’illustratrice de livres pour enfants. J’ai publié 7 albums entre 2003 et aujourd’hui chez Alice Jeunesse dont « La princesse du jour et le prince de la nuit », « Samuel a peur du noir », et un aux éditions Asteline « Western Bolognaise ». De nouveaux albums sont en cours, dont un chez Alice.
À côté de cela, j’anime des ateliers d’arts plastiques avec un public composé d’enfants principalement. Je suis également conférencière en atelier d’illustration à l’Académie supérieure des Arts. Je n’ai pas encore de site Internet mais on peut voir mes différentes parutions sur le site des éditions Alice ( https://www.alice-editions.be ) et sur celui d’Asteline ( https://www.asteline.be/biolisbeth.html ).
ES : Comment avez vous vécu l’expérience d’ « Alice au pays du cancer » et de « On va où quand on est mort
LR : Je les ai plutôt vécues comme un défi. Illustrer des sujets aussi sensibles n’était pas simple pour moi au départ. Pourtant, j’y ai retrouvé la poésie et l’imaginaire que j’ai l’habitude d’évoquer dans mes illustrations, c’est ce qui m’a spontanément incitée à illustrer ces deux textes.
De plus, comme la plupart d’entre nous, je me retrouvais dans ces histoires car je vivais à cette même période une série de décès dans ma famille, c’était un cauchemar… J’ai alors vu ces livres un peu comme le prolongement du deuil pour moi, je m’y suis donc investie doublement.
Aujourd’hui, je ne regrette pas d’avoir fait le choix d’illustrer ces deux textes, malgré les réticences de nombreux éditeurs, lecteurs et non-lecteurs. Je perçois ces livres comme des outils plutôt que comme des livres d’illustrations qu’on lit aux enfants le soir avant de s’endormir.
Par contre, je sais que je n’en ferai pas d’autres de ce genre. Je ne veux pas être cataloguée comme illustratrice «médicale» ou dépressive! Même si personnellement je trouve qu’ils ne sont en rien déprimants.
ES : Comment « dessiner le cancer / la mort »… Comment choisir les bonnes illustrations pour parler aux enfants difficile comme thèmes , non ? Aviez vous déjà travaillé sur des thématiques similaires ?
LR : Non, c’était une première pour moi. Ce sont effectivement des thèmes difficiles, sensibles et délicats à la base; abordés avec des enfants, ils le deviennent d’autant plus. Le plus important pour moi était surtout de ne pas effrayer l’enfant, en essayant d’y apporter de la douceur et de la couleur. J’ai toujours travaillé avec beaucoup de couleurs, il allait de soi que je continue dans cette voie.
Il n’y a pas une façon de dessiner le cancer/la mort, je n’ai fait que transposer ma propre imagination (issue aussi de l’imagination collective), avec ma sensibilité, mes émotions, la façon dont moi, avec mes yeux d’enfants, je ressentais les choses. Sans perdre de vue qu’il s’agissait avant tout d’un outil, je voulais m’éloigner de l’aspect médical pour accompagner au mieux la poésie du texte et garder une certaine «légèreté» malgré tout.
Propos recueillis par Carole Feulien
Lisbeth Renardy , illustratrice , Rue Fond des Tawes 279 4000 Liège , courriel : lisbeth_renardy@hotmail.com.

(1) Extraits des interventions de Sophie Buyse et Martine Hennuy lors du colloque du 24-02-2010 « Des livres pour le dire », organisé par Cancer et Psychologie, Latitude Junior et Le Wolf.
(2) https://www.relaisenfantsparents.be
(3) Ateliers destinés à des enfants ou à des adolescents confrontés à un deuil. Nous reviendrons en détail sur les activités de Cancer et Psychologie dans un prochain numéro.

Explosion du nombre d’examens de la prostate. La Mutualité chrétienne appelle à une meilleure information des patients

Le 30 Déc 20

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Entre 2000 et 2009, le nombre de tests PSA réalisés en vue de dépister le cancer de la prostate est passé de 850.000 à 1,5 million, avec un coût de 4 millions d’euros à charge de la sécurité sociale, sans compter les coûts de biopsies parfois inutiles ainsi que les traitements et leurs complications éventuelles. Pour la Mutualité chrétienne (MC), le dépistage à grande échelle du cancer de la prostate ne se justifie pas, car des taux élevés de PSA ne prouvent pas l’existence d’un cancer et, inversement, des taux bas de PSA n’offrent pas la garantie qu’il n’y ait pas de cancer. Un dépistage ‘organisé’ risquerait d’entraîner des traitements inutiles ou trop lourds. Par ailleurs, la MC demande aux médecins généralistes de mieux informer les patients qui font la demande d’un test PSA dans le cadre d’un diagnostic précoce, de ses avantages et inconvénients.
En moins de dix ans, le nombre de tests PSA (Prostate Specific Antigen) a augmenté de 76%. Parmi les patients ayant subi un tel examen, un quart ont plus de 50 ans et un tiers ont plus de 70 ans. Plus de la moitié des patients de plus de 50 ans ont subi le test au moins tous les deux ans. Cette pratique vaut pour l’ensemble de la Belgique (un peu moins à Bruxelles qu’en Flandre et en Wallonie).
Ce test a été prescrit dans 80% des cas par un généraliste et semble désormais faire partie des examens de routine. Malgré la forte augmentation du nombre de tests PSA, la Fondation Registre du Cancer enregistre pourtant, chaque année, environ 9000 nouveaux cas de cancer de la prostate et ce de manière stable, depuis 2004.

Lenteur du cancer de la prostate et recours au test PSA comme outil de suivi

Le cancer de la prostate survient surtout chez les hommes de plus de 60 ans et évolue en général très lentement. Cette lenteur est telle que la plupart des hommes atteints d’un cancer de la prostate ne subiront aucun inconvénient de leur maladie et ne décéderont pas de cette cause. Les problèmes urinaires parfois rencontrés chez des patients sont généralement causés par une hypertrophie de la prostate et ne sont que rarement la conséquence d’un cancer. Dans ce contexte, on comprendra aisément l’inutilité d’un test de diagnostic précoce pour un patient de plus de 75 ans.
Le taux de PSA est mesuré par un test sanguin. Une valeur élevée peut être le signe d’une affection de la prostate: une hypertrophie bénigne de la prostate, une inflammation et, parfois, un cancer. Des taux élevés de PSA ne prouvent donc pas l’existence d’un cancer. Inversement, des taux bas de PSA n’offrent pas la garantie qu’il n’y ait pas de cancer de la prostate.
En cas de PSA élevé, le médecin propose généralement à son patient une biopsie. Il faut cependant savoir que cette biopsie peut entraîner des complications (hémorragies ou infections). La biopsie permet de déceler la présence de cellules cancéreuses et indique si l’on se trouve face à un cancer à faible ou à haut risque en termes d’évolution. Seuls les cancers à haut risque doivent être traités. Ces traitements (opération ou radiothérapie) peuvent engendrer des effets secondaires importants tels qu’impuissance ou incontinence. En cas de cancers de la prostate à faible risque, un simple suivi suffira. Le test PSA est alors l’outil de suivi indiqué. Ce test peut également être envisagé dans le cadre d’un diagnostic précoce mais à la demande du patient et après que ce dernier ait été correctement informé de ses avantages et inconvénients.
Alors qu’il est de plus en plus prescrit, le test PSA n’est pas repris dans la liste des examens préventifs recommandés par les deux principales organisations de médecins généralistes, la Société scientifique de médecine générale (SSMG) et Domus Medica. Dans l’état actuel des connaissances scientifiques, la Mutualité chrétienne estime que le test PSA à des fins de diagnostic précoce, chez des hommes ne présentant pas de plaintes et sans une information préalable, n’est pas indiqué.
La MC demande aux organisations de médecins et aux pouvoirs publics de rédiger des directives claires à destination des médecins ainsi que des brochures d’information neutres pour les patients. Par ailleurs, elle invite le Centre fédéral d’expertise des soins de santé à procéder à une mise à jour de son étude de 2006 sur le test PSA.
D’après un communiqué de presse de la Mutualité chrétienne

Les Belges sont conscients des dangers du tabagisme passif

Le 30 Déc 20

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Depuis le 1er juillet 2011, la Belgique est le 20e pays européen (1) à généraliser l’interdiction de fumer dans le secteur Horeca. La Fondation contre le Cancer a souhaité connaître l’opinion des Belges face à cette nouvelle réglementation, et les résultats de son enquête sont éloquents: ils sont 91 % à être conscients des dangers du tabagisme passif, et majoritairement favorables aux cafés sans fumée.
Le tabagisme passif est non seulement inconfortable, mais il peut également mener à de réels problèmes de santé. C’est l’amère expérience vécue notamment par Jean-Pierre Verbeeke , non-fumeur, ancien tenancier de café et aujourd’hui atteint d’un cancer: «Comme ancien tenancier de café, j’ai été pendant longtemps opposé à l’interdiction de fumer. Depuis que mon cancer a été diagnostiqué, bien que je n’aie jamais fumé, je comprends mieux. Je suis maintenant totalement convaincu de l’importance d’une interdiction généralisée de fumer dans l’Horeca. Il ne faut plus me raconter que le tabagisme passif n’est pas si grave» .
Suite à l’introduction de la nouvelle législation sur l’interdiction de fumer dans le secteur Horeca, la Fondation contre le Cancer a souhaité savoir si le public était conscient des dangers du tabagisme passif et de ses conséquences: cancers, maladies cardio-pulmonaires et affections respiratoires. En effet, la fumée secondaire, libérée par la cigarette en train de se consumer entre chaque bouffée, est particulièrement toxique du fait de sa température moindre de combustion. La recherche a démontré (2) que le tabagisme passif est une cause de cancer du poumon chez les non-fumeurs, et qu’il est responsable d’un décès toutes les 17 minutes, rien que dans l’Union européenne.
Une enquête, commanditée par la Fondation contre le Cancer et financée par le Fond anti-tabac, a été réalisée par l’institut de sondages Dedicated Research. Deux mois avant l’introduction de la nouvelle législation, un échantillon représentatif de la population belge a été interrogé (3).
L’enquête a montré que la population belge est particulièrement favorable aux cafés sans fumée:
-73% des personnes interrogées sont favorables à des cafés sans fumée. Ils étaient 65% en 2010, 61% en 2007, et 49% en 2004. Cela montre une nette évolution des mentalités;
-les jeunes sont majoritairement favorables à l’interdiction de fumer dans les cafés: 78% des 15-24 ans sont partisans de la nouvelle réglementation. La jeune génération est donc particulièrement sensible à l’impact du tabagisme dans les lieux publics;
-presque la moitié des fumeurs (46%) et la majorité des non-fumeurs (80%) sont favorables aux cafés sans fumée.
Les dangers du tabagisme passif et les avantages de cafés non-fumeurs sont aujourd’hui connus:
-91% des personnes interrogées déclarent être d’accord sur le fait que «le tabagisme passif dans les cafés peut provoquer un cancer du poumon chez ceux qui y travaillent»;
-61% déclarent être d’accord sur le fait que «l’interdiction de fumer dans tous les endroits publics (y compris les cafés) permet de réduire le nombre d’attaques cardiaques».
Depuis 2007, les restaurants sont non-fumeurs en Belgique et cette réglementation est très appréciée: 96% des personnes interrogées considèrent qu’il est plus agréable de se rendre dans un restaurant où il est interdit de fumer (ils étaient 84% à répondre favorablement à cette question en 2007).
Par ailleurs, les pays européens qui appliquent l’interdiction de fumer dans le secteur Horeca depuis quelques années constatent que les mentalités continuent à évoluer favorablement: les gens apprécient de plus en plus l’absence de fumée de tabac dans les lieux publics. Ainsi, en 2008 – et selon les chiffres de l’Eurobaromètre – la proportion de personnes en faveur de cafés non-fumeurs variait ainsi entre 80% et 94% en Irlande, en Italie et en Suède.
Christian De Bock , d’après le communiqué de la Fondation contre le cancer
(1) Angleterre, Chypre, Croatie, Écosse, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Irlande, Islande, Italie, Lettonie, Lituanie, Malte, Norvège, Slovénie, Suède, Turquie.
(2) Selon le Centre International de Recherche contre le Cancer.
(3) Soit 4000 personnes, dont 30,4 % ont accepté de répondre aux questions. La sélection a été faite dans les annuaires téléphoniques, et 20% des enquêtes ont été réalisées sur des numéros de portables sur base de random digital dialing.

La prévention, une question de principe?

Le 30 Déc 20

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Les trois grands maux de la prévention – stigmatisation des conduites à risque, alliance avec le conservatisme moral, cristallisation d’enjeux commerciaux considérables – apparaissent comme des contraintes structurelles dont il serait fort difficile de se débarrasser (Le principe de prévention, page 52).
Les jeudi 22 septembre et vendredi 23 septembre 2011, l’asbl Question Santé ( https://www.questionsante.org ) (1), le FARES et Éducation Santé ( https://www.educationsante.be ) accueillent Patrick Peretti Watel , auteur récemment avec Jean Paul Moatti du remarquable livre «Le principe de prévention, le culte de la santé et ses dérives».
Patrick Peretti-Watel est sociologue à l’INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale), membre de l’unité 912 ‘SE4S’, Sciences économiques et sociales, systèmes de santé et sociétés et à l’Observatoire régional de la santé Provence-Alpes-Côte d’Azur (ORS PACA). Il a beaucoup travaillé sur la question du risque et de sa gestion (2), ainsi que sur les assuétudes (drogues légales et illégales).

Conférence «La prévention sanitaire et ses excès»

Le jeudi 22 septembre 2001 de 15 à 18h ( accueil à 14h30 ) en la salle de conférence du FARES , rue de la Concorde 56 , 1050 Bruxelles .
La santé est devenue notre bien le plus précieux. Les recommandations qui saturent l’espace public viennent nous le rappeler quotidiennement: «fumer tue», «évitez de grignoter entre les repas», «mangez cinq portions de fruits et légumes par jour», «lavez-vous les mains fréquemment», etc.
Car pour faire reculer le plus possible la maladie et la mort, il faut traquer le risque partout où il existe. La prévention des excès alimentaires, du tabagisme, de la consommation d’alcool et de drogues s’efforce d’atteindre cet idéal de sécurité totale.
Mais la «mise en risque» du monde ne va pas sans dysfonctionnements. Le culte de la santé disqualifie ceux qui transgressent les conseils des experts. Il enserre les individus dans de nouveaux carcans moraux. Enfin, il est l’allié des industries agroalimentaires et pharmaceutiques à qui il ouvre des marchés particulièrement lucratifs.
Dans leur bref essai d’une centaine de pages, Patrick Peretti-Watel et Jean-Paul Moatti dénoncent à juste titre les excès d’une politique de santé qui tend au risque zéro de manière de plus en plus obsessionnelle, stigmatisant au passage les ‘déviants’ dans un discours moralisateur digne du plus bel obscurantisme religieux.
Le propos des auteurs n’est pas pour autant libertaire sans nuance, ils ne nient pas la nécessité d’une prévention. Mais ils la souhaitent plus éthique, plus légitime, plus efficace, et moins médicale…
En résumé, « conçue pour protéger les citoyens , les enfants , les personnes vulnérables , la prévention doit aujourd’hui être réinventée , sous peine de perdre son âme ».
La conférence de Patrick Peretti-Watel explorera quelques dimensions de la problématique, telles que la médicalisation de la prévention, son caractère parfois réactionnaire, les grandeurs et misères de l’homo medicus que nous sommes tous peu ou prou, ce bon petit soldat essayant vaille que vaille d’intégrer les prescriptions préventives, pour autant qu’il appartienne aux classes sociales favorisées bien sûr.
Il appuiera son exposé notamment sur des exemples issus de la lutte anti-tabac, ce qui tombe bien au FARES… (3)
La conférence démarrera par un bref survol historique de 30 années de pratiques de prévention, à l’occasion du 30e anniversaire de Question Santé. L’intervention du conférencier sera suivie d’un débat avec la salle, et l’après-midi se terminera par un verre de clôture, anniversaire oblige !
L’inscription est gratuite et obligatoire.
Si cette conférence vous intéresse, vous pouvez d’ores et déjà vous inscrire exclusivement par courriel adressé à info@questionsante.org. Ne tardez pas, car le nombre de places est limité. Une confirmation de votre inscription vous sera demandée vers la mi-septembre.

Séminaire «La prévention, entre normes, développement des aptitudes et émancipation»

Le vendredi 23 septembre 2011 de 10 à 13h ( accueil à 9h30 ) en la salle de conférence du FARES , rue de la Concorde 56 , 1050 Bruxelles .
La prévention semble souvent, aujourd’hui, dans une impasse biomédicale peu féconde. Comment revisiter notre position professionnelle dans ce contexte ? Les réflexions croisées des champs de la promotion de la santé, de l’insertion sociale et de l’éducation permanente peuvent-elles éclairer ce questionnement ? Quelles perspectives pouvons-nous ouvrir ?
Au départ de l’analyse brève de deux projets, le séminaire s’articulera autour des enjeux, obstacles, leviers rencontrés par les participants, afin de tracer ensemble des pistes de travail.
Patrick Peretti-Watel éclairera la discussion à la fois par sa vision de sociologue engagé et par un regard décalé toujours stimulant sur nos réalités.
L’inscription est gratuite et indispensable. Une réflexion préalable sera demandée aux participants.
Si ce séminaire vous intéresse , vous pouvez d’ores et déjà vous inscrire par courriel adressé à info@questionsante.org. Ne tardez pas car le nombre de places est limité à 20 personnes ( une personne par institution ).
Patrick Trefois et Christian De Bock

(1) Question Santé co-organise ces deux moments de réflexion dans le cadre de ses activités ‘santé’ et ‘éducation permanente’ pour la Communauté française et de ses activités ‘santé’ pour la COCOF de la Région de Bruxelles-Capitale.
(2) Les Éditions La Découverte ont réédité récemment sa ‘Société du risque’ dans leur collection de poche ‘Repères’.
(3) À ce propos, nous vous invitons à (re)lire ‘La cigarette peut être considérée comme un anxiolytique sans ordonnance’, un entretien de Patrick Peretti-Watel avec Denis Dangaix, publié en 2009 dans ‘La Santé de l’Homme’, et que nous avions eu le plaisir de pouvoir reproduire l’an dernier dans Éducation Santé.

Politique anti-tabac: la Belgique passe de la 8e à la 10e place européenne

Le 30 Déc 20

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Comment juger de la cohérence et de la pertinence des politiques européennes dans la lutte anti-tabac? C’est le but du Tobacco Control Scale (TCS), une méthode permettant d’évaluer l’efficacité des mesures anti-tabac prises par les gouvernements en Europe.
Les résultats de la dernière enquête TCS – qui se base sur les mesures en place au 1er janvier 2011, sont mitigés pour la Belgique, qui perd deux places. La cause? Notre pays fait du surplace, alors que d’autres progressent constamment. Même si la Cour constitutionnelle a annulé, la semaine dernière, les exceptions à l’interdiction totale de fumer dans l’Horeca, la Belgique n’avance pas assez vite dans sa politique anti-tabac. C’est une des conclusions des résultats du TCS.
Le Tobacco Control Scale a été créé en 2005 par Luk Joossens , expert en prévention du tabagisme à la Fondation contre le Cancer, et Martin Raw , spécialiste anglais en santé publique. Cette échelle évalue les mesures concrètes, prises dans 6 domaines essentiels de la lutte anti-tabac, et prônées par la Banque Mondiale et l’Organisation Mondiale de la Santé: le prix, l’interdiction de fumer dans certains lieux, le budget consacré à la lutte anti-tabac, la législation relative à la publicité, les avertissements de santé repris sur les paquets et, enfin, les mesures disponibles d’aide à l’arrêt.
En 2007, l’enquête avait été menée dans 30 pays européens (y compris hors Union européenne). La Belgique s’était alors classée en 8e position. En 2011, la Turquie a été incluse dans l’enquête, portant le nombre de pays concernés à 31. Une entrée remarquée, directement à la 4e place, alors que la Belgique perd deux places et se retrouve à une décevante 10e position.

Qui n’avance pas recule

La Belgique aurait dû être en tête de peloton dans la lutte contre le tabac. Après tout, elle a été le premier pays européen à utiliser des photos en couleur jointes aux avertissements de santé sur les paquets de cigarettes. Mais le classement est sans appel: la Belgique est à la traîne. C’est le résultat d’un immobilisme dans certains domaines de la lutte contre le tabagisme.
Ainsi, la frilosité belge concernant l’interdiction totale de fumer dans l’Horeca a coûté des points à notre pays dans le récent classement, puisqu’il était encore possible de fumer dans les cafés, discothèques et casinos début 2011. Heureusement, les exceptions à la loi concernant l’interdiction totale de fumer dans l’Horeca ont enfin été annulées, et les cafés, discothèques et casinos seront totalement sans fumée à partir du 1er juillet 2011. La Belgique rejoindra donc – enfin! – les 18 pays européens ayant déjà pris cette mesure.

La Belgique doit redevenir pionnière de la lutte anti-tabac

Tout n’est pas négatif dans notre pays. Comme déjà dit, il a été le premier pays européen à placer des photos d’avertissement sanitaire en couleur sur les paquets de cigarettes. Autre première européenne, la mention désormais obligatoire du numéro de Tabacstop sur les paquets depuis le 1er janvier 2011. Rappelons que Tabacstop est le service d’aide à l’arrêt tabagique de la Fondation contre le Cancer, joignable gratuitement par téléphone au 0800 111 00 et également présent sur Internet à https://www.tabacstop.be . Enfin, le remboursement de l’accompagnement à l’arrêt chez un médecin ou un tabacologue permet à la Belgique de grappiller quelques points dans le Tobacco Control Scale.
La Belgique n’en est pas moins à la traîne si l’on compare sa situation avec ce qui se passe à l’étranger. Pour remonter dans le classement, il serait nécessaire de prendre exemple sur d’autres pays, ayant eu le courage de mener leur politique anti-tabac à terme. C’est, par exemple, le cas de la Turquie, qui décroche la 4e place du TCS. Un résultat obtenu, entre autres, en doublant le prix des cigarettes en 5 ans, en consacrant 65 % de la face avant des paquets aux photos d’avertissement sanitaire et en interdisant totalement le tabac dans l’Horeca, y compris dans des pièces réservées à cet effet (fumoirs).

La Fondation contre le Cancer propose des solutions

La Fondation continue son travail d’information auprès des autorités, afin que des mesures essentielles soient prises dans notre pays. Elle avance des propositions concrètes et efficaces pour réduire la consommation de tabac:
1. Les photos illustrant les effets nocifs du tabac devraient être rendues obligatoires sur la face avant et arrière de tous les paquets de cigarettes et de tabac à rouler. Elles devraient couvrir 80 % de la surface disponible. La Fondation recommande également que les paquets de cigarettes deviennent neutres, c’est-à-dire sans logo ou autre élément graphique propre à la marque. Ce point doit justement être discuté lors de la révision de la directive européenne en la matière, qui aura lieu en 2011.
2. Encourager l’accompagnement à l’arrêt tabagique, grâce à une baisse des prix des produits de substitution nicotinique (au moins pour les personnes à faible revenu), un enregistrement des informations relatives au statut d’arrêt tabagique des patients et la possibilité de transférer ces informations (par exemple la participation à Tabacstop ) dans le Dossier Médical Informatisé des médecins généralistes.
3. Augmenter chaque année les taxes sur les produits du tabac, et réduire la différence de taxation entre les cigarettes et le tabac à rouler. L’augmentation annuelle minimum des accises devrait être de 8 % pour les cigarettes et 10 % pour le tabac à rouler.
4. L’interdiction totale de publicité et des étalages de présentation dans les points de vente, et la limitation du nombre de ces derniers.
5. Le budget consacré à la lutte anti tabac devrait s’élever au minimum à 20 millions d’euros, notamment dans le cadre de campagnes d’information. Les différentes autorités devraient également établir clairement la destination de cet argent.
6. Restreindre l’influence de l’industrie du tabac sur la politique de santé publique, notamment en traduisant en loi les directives de l’article 5.3 de la Convention cadre de l’OMS pour la Lutte anti-tabac ( Protection of public health policies with respect to tobacco control from commercial and other vested interets of the tobacco industry ).
D’après un communiqué de la Fondation contre le Cancer

Communication nutritionnelle, n’avalons pas n’importe quoi

Le 30 Déc 20

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Les 27 et 28 mai derniers, la première édition des Journées de nutrition critique avait lieu à l’université de Paris 8 (Saint-Denis), sur le thème ‘Nutrition, intérêts économiques et pouvoir politique: quelle éducation critique?’
Le pari était audacieux pour l’organisateur de ces deux journées, Paul Scheffer , Président de l’ADNC, l’Association de diététique et nutrition critiques. Son ambition n’était pas mince: contribuer à développer dans le domaine de la nutrition une réelle critique de l’influence du secteur agroalimentaire sur les discours et les connaissances, comme cela existe depuis pas mal de temps déjà dans le domaine de la santé et de l’influence de l’industrie pharmaceutique sur les pratiques médicales.
«Il n’existe pas encore à proprement parler de réflexion critique élaborée équivalente pour ce qui touche au rôle de l’industrie agroalimentaire et des dysfonctionnements des institutions régulatrices en matière de nutrition» , affirmait-il d’entrée de jeu avant de céder la parole à un joli panel d’experts ayant fait la preuve de leur indépendance depuis de longues années, en résistant courageusement aux pressions des intérêts économiques, et ce au péril de leur carrière parfois.
Il plaida aussi avec conviction pour une démarche collective de critique du modèle économique dominant, pour l’émergence de l’expertise citoyenne dans les comités d’experts, pour un bon usage de l’arme de la dénormalisation (qui a obtenu d’incontestables succès sur le front antitabac), sans pour autant diaboliser l’industrie, mais en étant quand même le poil à gratter l’empêchant de coloniser trop facilement la santé publique.
Bref, un projet remarquable, défendu au long des deux journées par des intervenants souvent de qualité (mais ne cultivant pas spécialement le consensus entre eux !) qui aurait assurément mérité une audience moins confidentielle de quelques dizaines de personnes. Les absents ont eu tort, comme souvent !

Conflits d’intérêts

Il faut dire que ces journées ne pouvaient sans doute pas mieux tomber. La France, encore toute secouée par l’affaire du Mediator, tente de mettre de l’ordre dans ses comités d’experts trop complaisants vis-à-vis de l’industrie pharmaceutique, et révise leur composition. Dans la queue de cette tornade, un autre fait est passé relativement inaperçu du grand public: le retrait précipité, en mai, par la Haute autorité de santé (HAS) française, de deux de ses recommandations relatives au traitement médicamenteux du diabète et de la maladie d’Alzheimer qui étaient clairement entachées de conflits d’intérêts.
Ce retrait est dû au Formindep (mouvement ‘pour une formation et une information médicales indépendantes de tout autre intérêt que celui de la santé des personnes’) qui a obtenu là un succès exceptionnel récompensant un incessant travail de fond mené depuis des années avec des moyens dérisoires. Le Dr Philippe Foucras , président du Formindep, a d’ailleurs eu l’honneur (mérité) d’intervenir en dernier avant la clôture du colloque.
Comme évoqué plus haut, l’ADNC s’est donc créée sur l’exemple du Formindep. Et, de fait, quel que soit le bout par lequel on le tirait, le fil rouge du programme ramenait toujours à cette notion – encore si peu admise dans nos mœurs ‘latines’ – de conflit d’intérêt.
Les exemples ont été légion. Pourquoi l’affichage des contenus en sel des aliments n’est-il toujours pas mieux codifié? Pourquoi certains additifs alimentaires, même reconnus cancérigènes, sont-ils toujours autorisés? Pourquoi l’EFSA (European Food Safety Authority) refuse-t-elle de reprendre l’examen du dossier de l’aspartame malgré les nouvelles données qui jettent sur cette molécule de nouveaux soupçons (1)? Pourquoi les risques sanitaires liés au Bisphénol-A ont-ils mis tant de temps à être pris en considération, et pourquoi s’est-on contenté d’interdire les biberons alors que tant d’emballages en relarguent allègrement dans nos denrées alimentaires usuelles? Etc, etc.
Mais on a aussi compris que les choses ne sont pas si simples. Où débute un conflit d’intérêt? Bien sûr, répondre à une question technique, tenir une conférence, voire accepter une invitation à un congrès, ne sont pas nécessairement le signe d’une soumission aveugle aux stratégies de l’industrie. Par contre, siéger au conseil scientifique d’une multinationale ou participer à un think tank financé par l’industrie pour développer des concepts et des standards «industry-friendly» (que les agences de régulation adopteront par la suite), c’est déjà nettement plus compromettant!
Mais les conflits d’intérêts ne sont pas seulement financiers, et l’expertise n’est pas seulement l’absence de compromission. Être confit de certitudes, dans un monde où la science évolue à la vitesse où elle évolue aujourd’hui, ne peut plus être considéré comme une attitude scientifique. Or, remettre en cause ses choix, ses croyances ou ses combats exige autant d’humilité que d’ouverture d’esprit. C’est donc un très difficile équilibre que celui qui maintient l’expert sur ses convictions (car il faut un minimum de stabilité) tout en le laissant perméable aux nouvelles idées. Sans pour autant le transformer en girouette: que dirions-nous si nos éminents experts tournaient casaque au moindre souffle de doute?
La tâche n’est donc pas facile. Pour les experts, mais pas davantage pour les journalistes santé… Car dans le camp d’en face, chez les lanceurs d’alertes, il y a aussi un sérieux tri à faire. Face à ces experts qui invoquent sans doute trop facilement une certaine science toute-puissante pour justifier leur inacceptable immobilisme, se dressent des francs-tireurs impertinents, pourfendeurs de lobbies, souvent eux aussi de formation scientifique et dotés d’un redoutable esprit critique… mais également, hélas, des activistes nettement moins crédibles, voire dangereux. Lanceur d’alerte, ce n’est pas une profession protégée!
Et en particulier en matière de nutrition, la cacophonie est volontiers amplifiée par les médias, qui suivent assez servilement tous ceux qui savent les séduire. Or, semer le doute, c’est une des stratégies les plus payantes de l’industrie…
Bref, entre la vieille garde inflexible des scientifiques expérimentés mais dépassés, les esprits critiques précurseurs mais pas toujours prudents, les originaux de tout poil qui récupèrent ce qui leur convient, et les journalistes déboussolés qui ne savent plus qui croire… À qui profite tout ce bazar?
Karin Rondia et Christian De Bock , avec l’aide de David Leloup
(1) Elle vient quand même d’être priée par la Commission européenne de revoir le dossier aspartame pour 2012 (au lieu de 2020), suite aux pressions d’eurodéputés français.

La souffrance morale des aînés… Quel place lui donner?

Le 30 Déc 20

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«Je ne suis plus bonne à rien» «Ma vie ne vaut plus la peine» «J’attends la fin» … Comment rester de marbre, ne pas se sentir interpellé par le poids de ces mots au travers desquels certaines personnes âgées nous communiquent leur souffrance et leur lassitude de vivre? Que penser? Que dire ou encore que faire?
Pour beaucoup, la dépression et le suicide sont des phénomènes touchant principalement les jeunes… Et pourtant! Ces vécus sont plus fréquents qu’on ne le pense chez les seniors. Ils sont encore trop négligés à l’heure actuelle en raison d’une banalisation notable de ces symptômes, par peur ou manque de connaissance du phénomène.
Or, les études et la recherche suggèrent une tendance à la hausse des suicides des personnes âgées. À ce titre, le Centre de prévention du suicide souligne que ce sont les personnes âgées de plus de 70 ans qui présentent le taux de suicide le plus élevé. En effet, le risque suicidaire augmente avec l’âge: un premier pic se profile vers 45 ans et le deuxième apparaît à partir de 75 ans. En d’autres termes, les jeunes tentent plus fréquemment de mettre fin à leurs jours mais ce sont les aînés y arrivent le plus souvent.
Le suicide des personnes âgées perturbe, questionne car fait entrevoir des souffrances négligées voire occultées… et nous remet en question. Les causes de dépression ou d’idées suicidaires chez les personnes âgées sont complexes mais nous pouvons relever quelques facteurs-clés pouvant être associés à ces vécus: le sentiment de solitude, les pertes au sens large (conjoint, membre de la famille, emploi, changement du lieu de vie…), la détérioration des conditions de santé telles que l’incapacité permanente ou une maladie chronique, conduisant à la baisse d’estime de soi, au sentiment d’inutilité … Comme le souligne Alex Geeraerts , ancien directeur du Centre de prévention du suicide, il arrive qu’à un moment, «la souffrance face à la vie prenne le dessus» (1).

Donner la parole et écouter

Dans nos conceptions utopiques d’éternelle jeunesse, «vieillir» est largement connoté négativement. Avancer vers le grand âge est, pour beaucoup, davantage synonyme de déficit, de déclin plutôt que de bien-être, de bonheur et d’épanouissement… Notre société génère un «apartheid » de la vieillesse. Les plus fragiles sont laissés seuls, avec leurs angoisses, leurs craintes, leur détresse. En outre, on accepte plus aisément la souffrance morale ou le suicide d’une personne âgée que celle d’un jeune. Ces déformations cognitives relèvent l’urgence d’interroger nos conceptions. Travailler nos représentations permettra de favoriser la reconnaissance de ces souffrances en donnant davantage la parole aux aînés et en leur offrant une écoute adéquate, sans jugement, prémisse d’une prévention de qualité.
Aurore Devos , chargée de projet UCP
Pour éclairer le sujet et donner à la fois la parole à des professionnels de terrain et à des aînés, nous vous invitons à une journée d’étude le vendredi 30 septembre 2011 organisée par l’UCP, mouvement social des aînés, dans les locaux du Ministère de la Communauté française, Boulevard Léopold II 44, 1080 Bruxelles. Vous trouverez le programme de la journée dans l’agenda en ligne d’Éducation Santé ( https://www.educationsante.be/es/agenda.php?page=agenda&sel;=0912 ) . Pour informations complémentaires et inscriptions, contactez le secrétariat fédéral UCP au 02 246 46 73, courriel: ucpmc.be
(1) «Tenter de partir plus vite» , article du journal En Marche, 18 septembre 2008 ( https://www.enmarche.be ).

Dépistage du cancer colorectal: la voie flamande

Le 30 Déc 20

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Le mois dernier, nous vous présentions un premier bilan du programme généralisé de dépistage du cancer colorectal en Communauté française (1). Les hasards de l’actualité font que le rapport de l’implantation expérimentale du programme flamand dans trois communes de la Province d’Anvers vient de sortir (2).
La comparaison des deux démarches est très intéressante, tant les processus mis en place que les résultats obtenus divergent.

Pertinence d’un dépistage organisé

Sur ce point là au moins les avis convergent: au Nord du pays comme au Sud les autorités politiques et les acteurs de santé publique sont convaincus qu’un dépistage recueillant une large adhésion du public cible peut avoir un effet favorable réel en termes de diminution de la mortalité par cancers de ce type. En outre, ce dépistage offre une excellente fenêtre d’opportunité de 10 à 15 ans, qui permet des interventions efficaces vis-à-vis de lésions précancéreuses ou de cancers débutants.

Pas de généralisation d’emblée

La Communauté française a fait le choix de proposer d’emblée le dépistage à l’ensemble de la population francophone âgée de 50 à 74 ans. La Flandre, plus prudente, a préféré tester la faisabilité du programme, pour vérifier l’efficience du test proposé, valider les procédures, et, c’est bien sûr essentiel, s’assurer de la volonté de participation du public.
Les habitants concernés des communes de Schilde, Vosselaar et Borgerhout (toutes trois situées dans la Province d’Anvers) ont été invités à participer au dépistage de février à décembre 2009. Deux modalités de contact ont été retenues, le passage par le médecin généraliste et l’envoi du test à domicile directement par la poste. Un rappel a été fait 6 semaines plus tard selon l’autre modalité en cas de non-réponse (méthode dite de cross-over).

Pas le même test

Du côté francophone, c’est le gFOBT (Hemoccult II) qui a été retenu, alors que la Flandre a choisi plutôt le iFOBT, test immunologique de recherche de sang occulte dans les selles. Les raisons: ce test est simple à utiliser et à analyser, il réagit bien (sensibilité et spécificité), il ne nécessite qu’une prise d’échantillon de la part du patient (au lieu de trois pour celui utilisé en Communauté française), il peut être lu automatiquement, le résultat est donc rapidement connu (communication au médecin et au participant dans les 10 jours). Détail qui a sans doute son importance: le test gFOBT coûte nettement moins que le iFOBT. Pour le premier, il faut ajouter les frais de personnel analysant les échantillons, et pour le second les frais d’acquisition de l’appareil de lecture (3).

Pas les mêmes résultats

Sur un total d’un peu moins de 19.000 individus (après correction) environ 50% des personnes ont participé à l’expérience, avec un taux d’adhésion nettement plus favorable pour la formule ‘postale’ (64,3% contre 24,8% en passant par le médecin de famille).
Le test s’est avéré positif dans 5,3% des cas, soit pour 435 personnes, et il y a enregistrement d’un suivi pour 372 d’entre elles (85,5%), avec 318 colonoscopies. 224 polypes ou tumeurs ont été détectés, soit pour 1,2% des cas.

Évaluation

Une enquête a été réalisée auprès de 3600 personnes, avec un taux de réponse appréciable de 58% (70% parmi les participants et quand même 43% parmi les non-participants).
L’invitation par courrier a la faveur de 53% des répondants, celle par le médecin généraliste de 28%.
92% des gens estiment le test facile à réaliser, ce qui est cohérent avec le bon succès de participation de l’expérience.
L’enquête offre aussi des données précieuses quant aux motifs de non-participation, vu le nombre important de réponses parmi les non-participants. 23 raisons de ne pas faire le dépistage en émergent, les deux plus fréquentes (de loin) étant ‘je me sens bien, je n’ai pas de plainte’ et ‘personne n’a de cancer du côlon dans mon entourage’.
L’enquête a aussi permis d’écarter une fausse bonne idée, à savoir ‘profiter’ d’un patient atteint d’une tumeur pour inviter ses proches à participer au dépistage.
À noter que cette évaluation quantitative a été complétée par des groupes focalisés.

Conclusion positive

Sur base des résultats de cette expérience, les responsables du programme concluent sans surprise à sa faisabilité et à son ‘acceptabilité’. La technique du rappel par ‘cross-over’ est également jugée pertinente pour améliorer significativement la participation.
L’évaluation permet aussi d’avoir une idée assez précise du budget nécessaire, compte tenu d’une participation de 40% lorsque le programme sera lancé à grande échelle. Elle permet aussi d’estimer la charge de travail supplémentaire pour les gastro-entérologues qui seront chargés du suivi des patients positifs.
Christian De Bock
(1) Voir MATOS DA SILVA D., TAEYMANS B., TREFOIS P., «Dépistage du cancer colorectal: connaissances et perspectives» in Éducation Santé n°268, juin 2011, https://www.educationsante.be/es/article.php?id=1376
(2) Voir HOECK S., VAN ROOSBROEK S., VAN HAL G., “Pilootproject bevolkingsonderzoek naar dikkedarmkanker”, rapport de 141 pages téléchargeable sur le site https://www.dikkedarmkanker.be . Rapport publié le 04/05/2011.
(3) Dans le rapport qu’il avait consacré à cette problématique fin 2006, le KCE donnait la préférence au gFOBT. Il n’a pas assuré de veille sur ce dossier entre-temps.

La promotion de la santé: intéressante pour de futurs médecins?

Le 30 Déc 20

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Ce titre résume le défi redoutable de l’enseignement de la prévention durant les 4 dernières années de la formation initiale des étudiants en médecine à l’UCL.
Pourtant la promotion de la santé fait partie intégrante des compétences à acquérir par les médecins. Le Collège Royal des Médecins et Chirurgiens du Canada le précise d’ailleurs dans le cadre des compétences CanMeds 2005, tant pour les médecins spécialistes que pour les médecins généralistes. Ce document est une référence internationale pour la formation des médecins. De même, la WONCA (1), dans sa définition européenne de la médecine générale, précise qu’il convient de «favoriser la promotion et l’éducation pour la santé par une intervention appropriée et efficace» (WONCA Europe, 2002). Dans l’actuelle réforme des cours en médecine et le passage de 7 ans à 6 ans pour la formation de base, la promotion de la santé est toujours présente.
Depuis 2006, progressivement, les étudiants en médecine de l’UCL ont dans leur formation de base des cours obligatoires de «prévention», et ce chaque année de master 1 (4e année d’études, anciennement 1er doctorat) à master 3 pour tous les étudiants, futurs chirurgiens ou futurs psychiatres. Et un approfondissement en master 4 pour les futurs généralistes. Aux concepts de base à maîtriser concernant les vaccins, le dépistage des cancers et autres facteurs de risque cardiovasculaires, ces étudiants ont dès le master 1 la perspective d’apprendre à négocier des démarches préventives validées et pertinentes pour un patient en particulier. Et de découvrir par la même occasion que tous les patients ne sont pas égaux devant la santé, que les facteurs de risque des maladies pèsent plus lourd suivant le niveau d’éducation des patients, leur insertion sociale et autres déterminants de la santé.
Concrètement, cette sensibilisation, cet apprentissage de l’importance des déterminants de la santé sont appliqués aux facteurs de risque des maladies du cœur et des artères en master 1, et par la découverte de l’éducation thérapeutique, de la Charte d’Ottawa et du Grand Jeu de la Santé en master 2. Il y a aussi des travaux de groupe de master 1 à master 3 en allant interviewer des personnes-ressources, y compris des patients, ainsi qu’un stage d’un mois à option à la pluridisciplinarité en master 4… Et parfois des travaux de fin d’étude qui creusent davantage ces pistes découvertes précédemment.

Le Grand Jeu de la Santé

Intéressons-nous maintenant à cet outil didactique idéal (même si un brin caricatural) pour découvrir les déterminants de la santé.
Ce jeu est proposé par nos collègues canadiens à l’adresse suivante: https://www.passeportsante.net/fr/VivreEnSante/Tests/Test_DeterminantsSante_Index.aspx
Le jeu ne dure que quelques minutes. Il consiste pour le participant, après avoir sélectionné son pays dans une liste, à répondre à 25 questions au total portant sur 12 thèmes: enfance, hérédité, instruction, travail, position sociale, discrimination, habitudes de vie, compétences d’adaptation, réseau de soutien, environnement social, environnement physique, services de santé.
Les réponses reflètent le jugement que le participant porte sur sa santé personnelle et sur les politiques mises en œuvre dans son pays. À la fin, il obtient son score personnel, et celui de son pays (le score de ce dernier est mis à jour suite à ses réponses).
Il s’agit donc d’une évaluation subjective, néanmoins relativement fiable pour les pays souvent activés par les participants (191 réponses pour la Belgique au moment de notre test). Évidemment, lorsqu’un pays (la Russie par exemple) n’est cité qu’une fois, il vaudrait mieux ne pas afficher son score, comme c’est le cas pour les pays n’ayant jamais été ‘activés’.
Donc le ‘Grand Jeu de la Santé’ a ses limites, mais c’est un outil de sensibilisation plutôt sympa et actif, complété utilement par un dossier explicatif sur les 12 déterminants mesurés par le test.
En master 2, les étudiants sont invités à participer à ce jeu. Quels sont leurs sentiments après avoir joué, après avoir évalué leur propre score ou celui d’un patient d’origine moins favorisée qu’eux? Voici des extraits du témoignage de deux étudiantes ayant «joué le jeu», complété par un exercice de plaidoyer professionnel en faveur de la promotion de la santé réalisé par la seconde.
Jean Laperche , Maître de conférence invité à la Faculté de Médecine de l’UCL, vice-président de l’asbl PromoSanté et médecine générale, avec Christian De Bock

Une approche pertinente de la ‘bonne’ ou ‘mauvaise’ santé

«À vous d’évaluer votre espérance de vie! Comparez-la à l’espérance globale de votre pays!» me crie l’écran. L’interface infographique est claire, simple et attrayante. En bas s’affichent des cartes colorées qu’accompagnent de croustillantes colonnes de chiffres et de pourcentages…
Me voilà entrée dans le récent domaine de la promotion de la santé. Je lis, je réfléchis. Je réponds, je me pose des questions. Je reste critique: le domaine est politique. Quels sont, pour ce site, les déterminants de la santé? Suis-je d’accord avec lui? Quels sont les autres déterminants que je rajouterais? Quelles sont les solutions que je proposerais pour bonifier les points qui ne me paraissent pas encore au point?…
Alliant publicité persuasive et cause honorable, ce jeu met l’accent sur l’impact de notre environnement, nos habitudes, notre vécu, notre place dans la société… sur notre espérance de vie. De quoi permettre une prise de conscience rapide et efficace des différents paramètres en relation avec notre santé, des paramètres tellement évidents qu’ils passent inaperçus, et qui pourraient faire l’objet de recherches en vue de moduler leur incidence (négative ou positive).
La promotion de la santé agit encore plus en amont que la prévention, et est destinée, à la grande surprise de certains, à augmenter notre espérance de vie! La prévention prévient l’apparition de maladies en réduisant au mieux les facteurs de risque supposés.
Important aussi, la promotion de la santé agit aussi bien à l’échelle individuelle comme collective. Pour être revendiquée, la santé doit d’abord être enseignée. Vient ensuite la mise en application des mesures optées (des exemples: mise à disposition d’une alimentation saine en milieu scolaire, création de lieux de travail conviviaux, d’espaces aérés dans les quartiers surpeuplés, de groupes de soutien pour des populations en difficulté, etc.
Cette mise en place est facilitée lorsque chaque membre du groupe apporte son aide au bénéfice de la santé commune. C’est un projet de santé publique. Elle permet la réinstauration des valeurs d’entraide et soude les groupes humains.
Ce jeu met aussi en évidence des disparités de perception de confort de vie au sein d’un même pays. On remarque cependant une certaine correspondance entre la qualité de vie perçue et l’espérance de vie réelle (en tout cas là où les échantillons sont les plus fiables) argumentant en faveur de l’impact des facteurs en jeu sur la qualité de vie réelle. Nous pourrions même poser l’hypothèse suivante: une qualité de vie meilleure serait un moteur pour le développement et par conséquent, allongerait l’espérance de vie…
Les facteurs questionnés me semblent pertinents: sommes-nous satisfaits de la façon dont nous sommes instruits puis formés à travailler? Avons-nous déjà été victime ou témoin de discrimination (non-parité? Racisme? Gérontophobie?)? Comment évaluons-nous notre cadre de vie, physique, social (amis, famille, copains, couple…) et professionnel? Nous sentons-nous suffisamment soutenus et valorisés dans notre société? Comment évaluons-nous nos systèmes de santé et leur accessibilité?
Je rajouterai un paragraphe sur le sentiment de sécurité que l’on ressent chez soi: est-il très fort, fort, moyen, faible, nul? Par ailleurs, je n’ai pas trop saisi la question de l’hérédité, qui selon moi, a comme unique avantage de tester l’estime que l’on a de soi… Mais comment peut-on juger de la qualité des gènes reçus? Quels sont les «bons gènes», sinon le reflet d’une vision eugéniste de l’être humain? Ce sont là quelques questionnements que m’a suscité cet apprentissage ludique des déterminants de la santé.
Claire Cammas

La santé au Pérou et en Belgique: pas la même chose !

J’ai joué deux fois au «Grand Jeu de la Santé». La première fois en tant que «moi» en Belgique, étudiante en médecine, vivant dans un milieu économiquement et socialement privilégié par rapport à beaucoup d’autres personnes de ce pays. La seconde fois, j’ai joué en tant qu’étudiante vivant dans une petite ville des Andes, au Pérou, où j’ai habité pendant 6 mois (je suis péruvienne). Au Pérou, il y a des gens très riches et des gens très pauvres. Le fossé entre les deux est immense. J’ai choisi de répondre aux questions en tant que personne issue de la «classe moyenne», il faut savoir qu’elle est beaucoup plus réduite au Pérou qu’en Belgique.
D’un point de vue individuel, j’ai obtenu 77/100 en Belgique et 50/100 au Pérou. En ce qui concerne le pays, j’ai attribué 68/100 à la Belgique et 41/100 au Pérou, ce qui est proche de la moyenne obtenue par ces pays sur le site du Grand Jeu de la Santé.
Étant donné mon choix de rester «moi» dans les deux situations (même héritage génétique, même niveau d’instruction, même réseau de soutien social, mêmes habitudes de vie…), la différence importante entre les résultats des deux pays est donc principalement due aux conditions de vie, aux politiques et aux possibilités qu’ils offrent à leurs citoyens.
Le principal enseignement que je retiens, c’est que pour améliorer la santé générale d’une population, il est nécessaire d’agir prioritairement dans des domaines différents de la santé: l’éducation, le travail, les conditions de vie… bien que l’accès à des soins de santé de qualité garde toute son importance.
Je ne me rendais pas compte à quel point les autres politiques jouent un rôle essentiel dans la santé de la population. La possibilité de s’instruire, d’éduquer ses enfants, de participer à des activités sociales, de choisir librement un travail nous est donnée en Belgique grâce à des choix politiques d’offrir des allocations de chômage, des congés parentaux, un enseignement (presque) gratuit… Je ne me doutais pas que tout cela avait un tel impact sur la santé.
Marisel Mendez Yepez

Un peu de pédagogie

Autre exercice demandé aux étudiants, à côté du Grand Jeu de la Santé: comment expliqueriez-vous les notions de promotion de la santé et de déterminants de la santé à votre professeur de neurochirurgie?
Je me lance.
«Monsieur,
Dans votre pratique quotidienne vous rencontrez des patients qui ont une souffrance physique et/ou morale, des questions sur l’origine de cette souffrance et sur l’avenir qu’ils peuvent espérer. En plus de tout cela, ils viennent avec leur histoire, les liens relationnels qu’ils ont tissés autour d’eux, leur situation sociale.
Vous n’êtes pas sans savoir que de nombreux facteurs influencent grandement la santé de la population générale, et donc de vos patients: l’enfance, l’hérédité, l’instruction, le travail, la position sociale, la discrimination, les habitudes de vie, les capacités d’adaptation personnelles, le réseau de soutien, l’environnement social, l’environnement physique et les services de santé.
Ces déterminants mènent à une construction, objective et subjective, de l’image que le patient a de sa santé. Lors de vos consultations, des explications que vous donnez aux patients, des traitements proposés, il est important d’en tenir compte. Le patient ne voit peut-être pas sa santé de la même manière que vous, il importe de le laisser s’exprimer pour trouver ensemble un chemin négocié pour la suite du processus thérapeutique.
En regardant les déterminants de la santé, vous vous dites peut-être que vous avez peu de marge de manoeuvre pour agir sur eux. Vous pensez peut-être que la seule chose que vous pouvez faire est d’éduquer le patient à avoir de «meilleures» habitudes de vie. Il semblerait pourtant que ce ne soit pas une solution efficace: changer les habitudes est un processus difficile, il ne peut pas être imposé ainsi de l’extérieur. Il faudrait, au contraire, après une discussion «d’égal à égal» (mais en gardant vos spécificités de médecin) et en posant la question de la santé dans sa complexité (pas simplement en disant au patient: si vous faites ça, vous allez de nouveau devoir être opéré ) arriver à une solution négociée avec le patient.
La promotion de la santé , via la Charte d’Ottawa, propose des pistes pour agir en tant que soignant sur les déterminants de la santé. Il est possible d’agir sur beaucoup de facteurs (enfance, instruction, travail, discrimination, environnement social et physique, services de santé) en commençant par interpeller le politique par rapport aux problèmes de santé que cela amène et pourquoi pas en intervenant directement sur l’environnement concret pour le rendre plus favorable à la santé .
Vous pourriez également agir sur le réseau de soutien, l’environnement social, et peut-être grâce à cela sur les capacités d’adaptation personnelles en renforçant l’action communautaire : créer des groupes de soutien entre personnes opérées et personnes qui vont subir l’opération, ou bien pour les familles des patients atteints de pathologies neurologiques.
Par rapport au déterminant travail, vous pourriez, dans le même sens, veiller à ce qu’il y ait des réunions d’équipe dans votre service pour parler des situations difficiles vécues sur le lieu de travail.
En tant que neurologue, vous avez certainement des connaissances en manière de développement d’aptitudes personnelles : vous pourriez les partager avec de futurs parents, dans des écoles, des maisons de jeunes, des maisons de repos.
Enfin, la création de liens entre les services hospitaliers ayant suivi les patients, mais également avec les institutions extérieures à l’hôpital (centres de revalidation, maisons de repos pour les patients plus âgés, services d’accompagnement psychologique ou social…) serait bénéfique pour les patients.
Bien sûr, vous ne pourrez pas tout faire. Seul, vous ne pourrez pas réduire la pauvreté, les inégalités qui ont un impact négatif sur la santé de vos patients. Ce que vous pouvez néanmoins faire, c’est donner les outils aux patients pour qu’ils deviennent acteurs de leur propre santé. Cela demande d’abord d’écouter, sans imposer le point de vue biomédical comme l’ultime vérité. C’est une démarche difficile, mais la complexité des facteurs qui déterminent la santé la rend totalement indispensable.»
M M Y
(1) WONCA: acronyme de World Organization of National Colleges, Academies and Academic Associations of General Practitioners/Family Physicians, association mondiale de la médecine générale pour faire court!

La première réunion du Collectif des acteurs de la promotion de la santé: joli succès

Le 30 Déc 20

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Il faisait beau à Namur le 7 juillet dernier (mais oui, juillet n’a pas été ‘pourri’ tous les jours !) pour accueillir les participants à une matinée de travail ‘promotion santé’ d’un genre particulier. En effet, les acteurs (1) du secteur étaient invités à une rencontre pour discuter de l’intérêt et de la pertinence d’une forme d’organisation collective de cette profession quelque peu atypique, au carrefour de la santé, du social, de l’éducation, de la communication (2)…
L’initiative avait été prise tardivement, courant juin, dans la foulée de la présentation de ‘L’évaluation des dispositifs de politique de santé’ de la Communauté française (3), qui n’est pas passée inaperçue dans le secteur… Malgré les vacances, soixante-quatre personnes ont participé à cette rencontre, ce qui est très encourageant. À peu près autant ont manifesté de l’intérêt pour la démarche, ce qui fait plus de 120 personnes au moins intéressées par le projet d’une représentation professionnelle en promotion de la santé. Plutôt pas mal pour un démarrage à l’initiative de quelques ‘bénévoles’.
La rencontre, qui a duré deux heures trente, a pris la forme d’un ‘World café’ (4). Il s’agit d’un processus créatif qui vise à faciliter le dialogue, le partage de connaissances et d’idées en vue de créer un réseau d’échanges et d’actions. Ce processus reproduit l’ambiance d’un café (mais sans les boissons alcoolisées, restons sérieux !) dans lequel les participants débattent d’une question en petits groupes de 4 ou 5 personnes autour de tables dressées (plus ou moins !) comme dans un vrai bistrot.
Les participants changent de table à intervalles réguliers, sauf un, l’hôte, qui reste en place et anime la conversation des personnes qui se succèdent à sa table. Les conversations en cours peuvent ainsi être enrichies des discussions précédentes. En fin de parcours, lorsque les questions à débattre l’ont été par tout le monde, les idées principales ayant émergé du processus sont résumées en plénière et les possibilités de suivi sont évoquées.
À Namur, cette méthode conviviale et dynamique a remarquablement fonctionné, et les 14 tables de conversation ont permis non seulement de dégager des pistes fécondes par rapport à l’objet de l’invitation, et de prendre déjà deux initiatives concrètes, mais aussi pour chacun de faire des rencontres intéressantes avec des collègues inconnus, connus seulement par des échanges électroniques, ou perdus de vue depuis quelques années. Un ‘bénéfice secondaire’ non négligeable !

Trois questions, deux ébauches de réponses

Cette première réunion a permis d’explorer les trois questions suivantes:
Quelles seront les conditions du succès d’une association professionnelle en promotion de la santé ?
Quel sera l’objet de l’association? Que devra-t-elle faire tout de suite et à moyen terme ?
Quelles seront les conditions d’adhésion à l’association. Qui sera ou ne sera pas membre ?
Les principales idées issues des deux premiers débats ont été synthétisées sur place (5) et il a été demandé aux participants de se positionner sur l’importance relative de celles-ci. Voici les résultats les plus significatifs de ces ‘votes’:
Pour réussir l’association , il faut (options ayant recueilli le plus de suffrages):
-assurer la transversalité, la pluridisciplinarité, la diversité des professionnels et des structures y participant;
-assurer la visibilité et la légitimité de celle-ci, et pouvoir établir un rapport de force par rapport au monde politique;
-définir un socle commun, une philosophie et des bases tout en garantissant le respect des spécificités;
-se positionner par rapport à une ouverture, notamment au-delà du secteur subsidié de la promotion de la santé;
-poser la question du sens d’une telle association. Est-elle utile? Comment tenir compte de l’existant?
-mettre en place un fonctionnement démocratique, participatif, collectif, peu hiérarchisé.
L’ objet de l’association pourrait être (options les plus populaires):
-porter une parole vers le monde politique, avoir du poids, susciter la réflexion politique;
-assurer un plaidoyer sociétal sur base des expériences, faire comprendre la promotion de la santé à l’extérieur du secteur;
-définir une charte, des objectifs, des statuts;
-créer de la cohésion dans le secteur, développer la formation, la qualité des pratiques, organiser des échanges de pratiques;
-visibiliser l’existant, tenir compte des réseaux existants, éviter les concurrence.
Lors du débat de clôture en plénière, il est apparu que la constitution d’une association , qui rassemblerait des personnes et des associations (6), était souhaitée à l’automne 2011 , mais nécessitait d’approfondir la réflexion et d’examiner des propositions plus précises lors d’une seconde assemblée plénière. Il faudrait en outre être attentif à intégrer une représentation des usagers/citoyens dans cette association: même si elle a une vocation professionnelle, elle ne devrait pas oublier ce ‘fondamental’ de la promotion santé qu’est la construction avec les usagers…
En outre, un grand nombre de participants ont estimé qu’il fallait entamer, parallèlement et sans attendre, une réflexion sur l’évaluation des dispositifs de santé et le projet de réforme décrétale afin de pouvoir, le cas échéant, communiquer cette réflexion vers l’extérieur (parlementaires francophones, cabinets ministériels, presse, décideurs institutionnels, etc.). Les participants étaient d’avis que cette réaction pouvait se faire au besoin en tant que Collectif du secteur, sans attendre la mise en place effective de l’association.
Enfin, certains participants n’avaient pas encore eu connaissance du rapport d’évaluation. Il est disponible depuis le 5 juillet 2011 sur le site de la DG Santé de la Communauté française, à l’adresse suivante: https://www.sante.cfwb.be/index.php?id=dgs_detail&tx;_ttnews[tt_news]=367&tx;_ttnews[backPid]=250&cHash;=d42fc6bb30

Quel suivi ?

Au terme de cette première séance très positive, il a été décidé d’organiser une deuxième réunion plénière le 19 septembre 2011 , pendant une journée entière (les informations pratiques seront disponibles très prochainement sur notre site https://www.educationsante.be , l’adresse de contact pour les personnes intéressées est collectifpromosante@gmail.com).
Deux groupes de travail se réuniront entre temps pour faire l’état de leurs réflexions, faire des propositions concrètes, soumettre des questions à l’ensemble du groupe.
Un premier groupe aura pour tâche de faire des propositions sur la forme, l’objet, les conditions d’adhésion à une association professionnelle. Il sera animé par Cécile Plas et Emmanuelle Caspers .
Un second groupe travaillera à une réaction éventuelle du ‘Collectif des acteurs et associations de promotion de la santé’ au projet de réforme des politiques de santé en Fédération Wallonie Bruxelles. L’initiative d’organiser la première réunion de ce groupe a été prise par
Sabine Dewilde , Charlotte Pezeril et Myriam Deleman .
Il va de soi que la dynamique qui vient d’être lancée n’est pas réservée seulement à la bonne centaine de personnes qui ont déjà marqué formellement ou symboliquement leur intérêt pour cette démarche. Qu’on se le dise !
Christian De Bock , avec l’aide précieuse de Flavia Massa , Yves Gosselain et Chantal Vandoorne
(1) Nous préférons ce terme à ‘travailleurs’, pour bien marquer le fait que cette initiative ne s’adresse pas uniquement aux travailleurs dont les activités et salaires sont financés en tout ou en partie par le budget ‘santé’ de la Communauté française. Elle vise toute personne qui adhère à la philosophie de la démarche de promotion de la santé.
(2) Nous invitons les lecteurs souhaitant un rappel de l’origine de cette démarche à consulter l’article ‘Vers une représentation professionnelle en promotion de la santé’ (texte collectif) dans Éducation Santé 269 ( https://www.educationsante.be/es/article.php?id=1389 ).
(3) Voir dans Éducation Santé 269 l’article ‘Évaluation des dispositifs de santé en Communauté française: constats et recommandations’, de Colette Barbier ( https://www.educationsante.be/es/article.php?id=1392 ).
(4) Pour en savoir plus, voir la publication ‘Méthodes participatives. Un guide pour l’utilisateur’, coédition de la Fondation Roi Baudouin et du Vlaams Instituut voor Wetenschapelijk en Technologisch Aspectenonderzoek (viWTA), téléchargeable gratuitement sur https://www.kbs-frb.be et https://www.viwta.be
(5) Il était sans doute prématuré d’avancer beaucoup sur la question des conditions d’affiliation à une association toujours hypothétique.
(6) Une opinion que ne partage pas l’auteur de cet article, partisan d’une association de personnes exclusivement, mieux à même selon lui de garantir la liberté de parole et d’action des membres.

La santé, un droit pour tous

Le 30 Déc 20

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Solidarité Mondiale, l’ONG du Mouvement Ouvrier Chrétien, a lancé voici peu sa nouvelle campagne «La santé, un droit pour TOUS !» en collaboration avec l’Alliance nationale des mutualités chrétiennes (ANMC) et le CIEP (Centre d’Information et d’Éducation Populaire). Un terrible défi.
Dans le monde, 2,5 milliards de personnes n’ont pas accès aux soins de santé de base. Et d’innombrables et inutiles pertes humaines en découlent. Chaque jour, 30.000 enfants meurent de maladies qui auraient pu être évitées et soignées. Chaque année, ce sont 500.000 mères qui décèdent pendant leur grossesse ou lors de l’accouchement.
Ces chiffres alarmants s’expliquent par le fait que 4 personnes sur 5 de par le monde ne peuvent pas se payer l’accès à un centre de santé ou des médicaments. Ces centres sont trop éloignés, et, quand il en existe, le personnel médical ou le matériel nécessaire manquent à l’appel. Ces problèmes trouvent leurs racines dans l’insuffisance des investissements des autorités dans le secteur public, qui prive une grande partie des populations de la planète de soins de santé accessibles.
Contre pareille injustice, Solidarité Mondiale propose des solutions structurelles en partenariat avec les organisations du Sud. Sa précédente campagne et la nouvelle privilégient deux axes. D’abord, un travail décent pour un revenu décent car le revenu rend l’individu maître de son développement. C’est pourquoi la Coalition belge pour un travail décent a lancé en 2008 sa campagne «Les travailleurs ne sont pas des outils» avec un slogan clair «Mondialisons le travail décent!»(1).
Ensuite, une protection sociale suffisante pour sécuriser les populations. Jean Hermesse (ANMC) est venu rappeler à la journée de lancement de la nouvelle campagne qu’après la crise de 2008 on se rend encore mieux compte de l’importance d’un système public de santé, le seul apte à rencontrer les droits universels de tous les humains. Le marché n’y arrive pas, au contraire il ne fait que creuser les inégalités. Là où des acteurs sociaux organisent la solidarité il y a plus de cohésion sociale. Organiser la protection sociale c’est viser le développement humain et donc la santé. Les inégalités sociales et de santé ne sont dès lors pas une fatalité mais une question de choix politique.
Face aux problèmes socio-sanitaires, les populations peuvent se mobiliser à travers les mouvements sociaux et les mutualités. Elles mettent ainsi sur pied, comme cela s’est passé en Belgique, un fond commun qui servira de base à un système d’assurance maladie permettant de rendre les soins médicaux accessibles au plus grand nombre.
Avec leur service de coopération internationale(2), les Mutualités chrétiennes jouent depuis plusieurs années déjà un rôle pionnier dans la mise en place de mutuelles de santé en Afrique et en Europe de l’Est. Il ne s’agit pas seulement d’aider à couvrir les soins de première nécessité mais aussi de collaborer avec d’autres organisations pour soutenir des programmes de santé susceptibles de faire reculer la pauvreté. Alda Greoli (ANMC) est venue rappeler la chance que nous avons d’avoir pu construire en Belgique un système de santé de qualité via un pacte social.
Aujourd’hui l’enjeu pour le mouvement mutuelliste est de passer les frontières en soutenant là-bas des structures qui constituent un socle de base pour une couverture universelle. On prend donc un engagement sur une longueur de temps importante mais déjà en 2011 certaines mutuelles de santé connaissent un taux d’affiliation significatif qui leur permet de peser sur le dialogue avec les prestataires et les autorités pour qu’elles prennent leurs responsabilités.

Un invité du Bangladesh : GK, la santé pour le peuple

Le Docteur Kadir Manzur est venu témoigner de l’action de ce centre de santé qui touche près d’un million deux cent mille personnes. Gonoshasthaya Kendra (GK) signifie en bengali ‘la santé pour le peuple’. GK est une belle combinaison de mutualités, de formation d’agents médicaux et de soins de santé pour les populations et les plus pauvres. Avec près de 2.200 agents de santé qui sont majoritairement des femmes, GK couvre les villages les plus reculés du Bangladesh. Pour bénéficier des services de soins de santé de GK, le patient paie en fonction de ses revenus. Mais GK assure aussi un suivi des enfants dans les zones où il n’y a pas d’écoles et des femmes via ses programmes d’éducation et de formation, ce qui permet de soutenir l’emploi dans les zones rurales. Le soutien aux micro-crédits permet aux femmes de sortir de leur isolement et de développer des activités qui bénéficient à toute la famille. GK est également attentif à la santé des seniors et dispose de sa propre usine de médicaments génériques, nettement moins chers que les médicaments venant de l’étranger. Ainsi GK garantit l’accès aux soins à tous. GK est une organisation partenaire de Solidarité Mondiale.

Mobilisons-nous pour le changement social !

L’objectif de la campagne ‘La santé pour tous’ nécessite un combat quotidien, ici et partout dans le monde. Il repose sur une vision transversale de la société et du monde, où santé publique et protection sociale sont étroitement liées. Nous devons dépasser la vision marchande de la santé qui prime aujourd’hui et construire un monde où les conditions essentielles à une bonne santé soient enfin réunies. Il faut donc se mobiliser pour le changement social. Cela passe par la sensibilisation des membres des organisations sociales et par des interpellations des décideurs politiques. Dans cet esprit, la pétition de la campagne propose aux signataires trois revendications:
-faire des soins de santé une priorité dans la politique belge d’aide au développement ;
-demander au niveau international de développer en coopération avec les mutualités de leur pays une politique grâce à laquelle chaque personne a accès aux soins de santé ;
-rendre les médicaments génériques accessibles et disponibles pour l’ensemble des populations.
Cette campagne nationale s’étend sur 2 ans et s’organise au sein d’une large coalition qui unit Solidarité Mondiale aux Mutualités chrétiennes et les associations proches : Jeunesse et Santé, Altéo (mouvement social de personnes malades valides et handicapées), et UCP (mouvement social des aînés). Sans oublier le CIEP, service d’éducation permanente du MOC. Les associations sœurs néerlandophones Kazou, Ziekenzorg et Okra sont également associées à cette vaste mobilisation.

Outils de campagne

La boîte à outils bien costaude: outre la pétition disponible en format électronique sur https://www.solmond.be , un site internet est consacré à l’ensemble des supports proposés, https://www.protectionsociale.be . Vous y trouverez des infos sur l’expo itinérante ‘La solidarité tisse la santé’, des témoignages de militants de retour du Bangladesh, des fiches pédagogiques, un cahier politique, des affiches, brochures et dépliants, un dvd reprenant les actions soutenues par Solidarité Mondiale.
Le bracelet d’hôpital symbolise l’accès aux soins . Il sera également le symbole de l’engagement du public , de son soutien à la campagne . Il sera utilisé durant toute la campagne pour inciter les gens à signer la pétition .

En somme, une campagne prometteuse qui met l’égalité de l’accès aux soins de santé à l’ordre du jour et donne une place prépondérante à l’initiative citoyenne et collective dans le combat pour la santé.
Bernard Van Tichelen , ANMC
(1) Les résultats concrets de la campagne sont diffusés sur https://www.solmond.be , rubrique ‘Campagnes’
(2) Voir le site https://www.cooperationinternationale.mc.be

Des cellules bien-être à l’école

Le 30 Déc 20

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L’école ne peut à elle seule prendre en charge tous les problèmes que rencontrent les jeunes. Elle doit premièrement veiller à limiter son rôle éducatif à ce qui se vit dans le temps et l’espace scolaire. Elle doit aussi pouvoir s’appuyer sur les compétences et le savoir-faire de services spécialisés, sans pour autant fuir ses responsabilités par rapport aux problèmes vécus à l’école. Elle doit, enfin, autant que possible, s’articuler sur d’autres milieux de vie qui sont confrontés au même public, et parfois aux mêmes situations.
En promotion de la santé et dans l’éducation au bien-être en milieu scolaire, les intervenants sont nombreux. La multiplication et la variété des thématiques ‘envahissent’ l’école, qui n’a pas toujours le temps ni les ressources pour les aborder toutes, malgré la pertinence de chacune d’entre elles prise individuellement. Cela entraîne un morcellement des actions, et empêche de considérer le jeune dans son identité, sa richesse, sa complexité : un élève ‘difficile’ n’est jamais seulement un ‘drogué’, un ‘décrocheur’, un ‘violent’ ; il ne peut être réduit à ses seules dérives, il présente aussi des qualités, des compétences qui méritent d’être exploitées.

Prévention globale, durable, centrée sur l’élève

Les cellules bien-être qui vont faire l’objet d’une expérimentation à la prochaine rentrée scolaire, ont pour ambition de développer une stratégie de prévention globale et durable, et centrée sur la personne de l’élève.
Si une approche thématique classique peut constituer une bonne porte d’entrée, pour être réellement pertinente elle doit être reliée à d’autres thèmes et à ce qui se passe au quotidien en classe et dans la vie de l’école. Par exemple, la promotion d’une alimentation saine gagne à s’accompagner d’une réflexion sur l’organisation de la cantine scolaire, la présence ou non de distributeurs de sodas et snacks sucrés, mais aussi sur l’objectivation de connaissances dans le cadre du cours de sciences, l’organisation de rencontres avec les parents d’élèves, etc. Seul l’ensemble des activités constitue une réelle approche de promotion de la santé.
Ce travail doit se faire au quotidien, dans la durée, et pas uniquement en réponse à une crise qui mobilise les acteurs pendant un temps très court. L’intervention en urgence sera d’ailleurs d’autant plus efficace qu’elle prend en compte le travail de prévention qui la précède, et qu’elle s’inscrit d’emblée dans la perspective de ce qui sera mis en place une fois la crise passée.
Les personnes, et la façon dont elles perçoivent la réalité seront au cœur du travail des cellules. L’objectif ne sera ni d’informer sur les risques, ni de diaboliser ceux-ci (avec le danger bien connu d’effets contre-productifs), mais au contraire de construire un dialogue, d’inviter élèves et adultes à la rencontre. Les projets favoriseront l’estime de soi, la capacité à agir, la valorisation des compétences, l’accès à de meilleures ressources.
Les acteurs de l’école seront ainsi encouragés non seulement à transmettre des savoirs, mais aussi à donner aux jeunes les meilleures chances d’être davantage autonomes, critiques et responsables, en somme de s’inscrire au mieux dans les missions de l’institution scolaire.

Projet pilote

Il consiste à accompagner la mise en place de cellules bien-être dans l’enseignement fondamental et secondaire de tous les réseaux, tant de l’enseignement ordinaire que spécialisé.
Une phase expérimentale sera proposée pendant deux ans (années scolaires 2011-2012 et 2012-2013), qui associera acteurs locaux (directions, équipes éducatives, équipes PMS et PSE), administrations de l’enseignement obligatoire et de la santé, services communautaires de promotion de la santé.
L’objectif est de permettre la mise en place d’une soixantaine de cellules au départ des demandes d’établissements motivés mais qui éprouvent des difficultés à dynamiser une équipe reconnue au sein de l’école. Complémentairement, une quarantaine d’équipes (peut-être un peu plus) déjà en action pourront également bénéficier d’un appui plus léger.

Structuration

Le projet pilote sera suivi par deux instances.
Le comité opérationnel élaborera, suivra et évaluera les appels à projet et appels à soutien (rédaction du cahier des charges, sélection des projets). Il sera constitué des cabinets et administrations concernés, avec l’aide de l’APES-ULg.
Le comité stratégique (dans un deuxième temps) sera constitué du comité opérationnel rejoint par des représentants des acteurs concernés (établissements scolaires, centres PMS, services PSE, centres de planning, centres de prévention des assuétudes, centres de prévention du suicide, médiateurs, centres locaux de promotion de la santé…).

Le projet s’enracinera dans les réalités locales pour s’élargir progressivement au niveau provincial et in fine à l’ensemble de la Communauté française. Des groupes de travail réuniront les personnes engagées dans les projets pilotes pour faire émerger non pas des recommandations ou des injonctions quant à la ‘bonne approche’, ni même des ‘bonnes pratiques’ (elles ne manquent pas en la matière), mais des points de repère et des dispositifs concrets facilitant la construction, la mise en œuvre et l’évaluation d’une politique de promotion du bien-être à l’école.
Le projet pilote prévoit un accompagnement des cellules, tant au niveau local qu’à celui de la Communauté (ce dernier s’adressera aux services de seconde ligne et aux ‘politiques’). L’articulation entre les deux est jugée essentielle, le dispositif combinera un double mouvement: au départ des réalités locales, favoriser l’émergence de points de repères communs et construire progressivement une dynamique cohérente de promotion du bien-être à l’école; favoriser l’appropriation par les acteurs locaux du projet politique de la Communauté.

Marque d’intérêt

Une première information a été donnée aux écoles par circulaire fin janvier. Elle a suscité plus de 500 réponses de 350 établissements, ce qui témoigne d’une forte attente plutôt encourageante pour ce projet qui entend introduire un ‘nouveau paradigme’ dans un milieu parfois résistant au changement, celui de la construction des normes avec les élèves eux-mêmes, et ce dès l’enseignement fondamental.
Lors de la présentation officielle des cellules bien-être, les deux ministres concernées Marie-Dominique Simonet (Enseignement obligatoire et promotion sociale) et Fadila Laanan (Culture, Audiovisuel, Santé et Égalité des chances) témoignaient d’un bel enthousiasme. Elles ont précisé aussi que cette démarche expérimentale bénéficiera d’un budget de 550.000 euros à charge de leurs deux départements, qui permettra notamment à l’APES-ULg de jouer un rôle important dans l’encadrement méthodologique de l’ensemble du processus.
Les prochains mois seront mis à profit pour sélectionner les projets qui démarreront à la rentrée de septembre.
L’évaluation formera aussi un point d’attention crucial, car il s’agira au terme des deux ans de phase pilote d’estimer la pertinence des cellules bien-être et les moyens nécessaires à leur développement futur le cas échéant. Avec peut-être à un horizon plus éloigné un dispositif décrétal qui donnera aux cellules sécurité juridique et assise financière.
Christian De Bock
D’après le canevas des séances d’information organisées en mars 2011 dans toutes les provinces de la Communauté française

Les infirmières de rue: du côté de la vie

Le 30 Déc 20

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Du Tiers Monde aux pavés bruxellois

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maturation d’un projet

Retour d’Afrique en 2005, le choc: Émilie et Sara sont atterrées de voir à quel point certaines personnes démunies, vivant essentiellement dans la rue, n’arrivent plus à prendre soin de leur corps ni, plus globalement, de leur santé. Une telle misère dans la capitale de l’Europe, où fleurissent tant d’associations…
Alors, ces deux jeunes infirmières, qui ont étudié la médecine tropicale et la santé communautaire, vont à la rencontre des travailleurs de la santé et du social: font-ils le même constat qu’elles? Oui! Et cette situation les interpelle, mais ils se sentent démunis: beaucoup de personnes sans abri ne perçoivent pas, ou dénient, l’influence de l’hygiène sur la qualité de vie et les rapports sociaux; ou encore, elles ont honte de leur état et n’osent pas en parler. Par ailleurs, elles ont tendance à reporter ou refuser des soins: honte à s’exposer, crainte d’un regard, d’un accueil réticent… Elles finissent souvent par souffrir de maladies très graves, avec des risques élevés d’invalidité ou de décès prématuré.
Les rencontres avec divers intervenants permettent de préciser le problème, d’imaginer des pistes. Des collaborations se tissent, l’idée de créer de nouveaux liens se développe: ainsi va naître l’asbl des infirmiers de rue.
Émilie et Sara font leur première sortie en rue en janvier 2006; aujourd’hui, l’équipe fête son 5e anniversaire, et l’association compte sept personnes: 4 infirmières qui vont sur le terrain, une infirmière coordinatrice de l’asbl, une assistante sociale et un médecin qui les aident à organiser le suivi avec des intervenants sociaux et médicaux.
Leur rayon d’action, c’est surtout le centre ville; parfois aussi d’autres communes, lorsqu’une association fait appel à leurs services, ou des agents, des voisins… En route alors, sur des vélos offerts par le Rotary. Le privé (concours, fondations…) fournit 50% des ressources de l’association, le public 45%, et 5% proviennent de la vente de services (des formations, surtout).

Cycle infernal et triangle d’or

L’association s’adresse essentiellement aux personnes qui vivent en rue depuis longtemps, ainsi qu’à des personnes précarisées qui, bien qu’ayant un logement, ont un mode de vie similaire à celui des sans-abri: elles passent beaucoup de temps dans la rue, fréquentent des associations d’accueil, de restauration sociale, font la manche… Elles vivent au bord de la rue, et sont menacées de perdre leur logement – souvent insalubre – faute d’hygiène. La plupart sont belges, certaines viennent des pays de l’est. Parcours variés: chute récente dans la précarité, quart monde, exil… Dans tous les cas, les ressources sont maigres: allocation de chômage, du CPAS… avec souvent des pensions à payer. En moyenne, il reste 3 euros par jour pour vivre.
Et c’est le cycle infernal: bien sûr, il existe des services, mais les professionnels de santé sont souvent découragés face à la multitude de problèmes que présentent ces patients, et ils ont parfois des réactions de rejet: « Les personnes qui sont dans un état de négligence avancée présentent un aspect repoussant’ : cheveux et corps sales , odeur forte , vêtements souillés , éventuellement présence de parasites sur le corps . Cette apparence , souvent aggravée d’une difficulté de communication , peut perturber le déroulement de la consultation . Le résultat final peut être soit la fuite du patient , par exemple suite à une réaction ou à un commentaire inapproprié du soignant , soit une prise en charge incomplète , notamment parce que l’intervenant n’a plus la patience , le temps ou la motivation nécessaires . La personne peut être ainsi reçue dans un service de garde , recevoir des soins pour une plaie mais pas un traitement pour les poux ou la gale , alors qu’elle en aurait besoin . Comme les services de santé , les associations qui s’occupent de ce public peuvent aussi , malgré une certaine habitude , éprouver ces réticences » ( 1 ).
Le risque majeur, c’est alors d’entrer dans le processus d’« auto-exclusion» dont parle Jean Furtos à propos des personnes «désaffiliées»; celles pour qui tout ou presque tout est perdu, même le narcissisme (dans le sens de ce qui soutient l’estime de soi). « À partir d’une situation de précarité exacerbée , il est possible d’entrer dans l’exclusion , avec perte du sentiment d’être un humain reconnu , ce qui entraîne souvent des ruptures familiales . La personne ne se sent plus incluse dans la chaîne des générations ; elle peut être terrorisée et se couper de sa peur , quelque chose en elle a décidé de ne plus souffrir , ‘ tout est perdu’ . Le problème , pour ne plus sentir certaines souffrances extrêmes ( terreur , désespoir , effondrement , agonie psychique ), c’est que l’on est obligé de s’exclure de soi même , de ne plus sentir , de ne plus ressentir , et d’utiliser des mécanismes de désubjectivation extrêmement coûteux du type clivage , déni , projection . À ce stade , l’exclusion sociale se double d’une auto exclusion …»( 2 )
Pour contrer ce processus, l’association des infirmières de rue a vite compris qu’il convenait d’agir à trois niveaux: le public, les intervenants et les infrastructures à même de faciliter la vie en rue. C’est en agissant de manière cohérente sur les trois pointes de ce triangle qu’elles arrivent à démontrer qu’on peut sortir de la rue des gens qui y vivaient depuis très longtemps.

Avant tout: retrouver l’estime de soi

Le credo de l’association: tout le monde peut retrouver l’estime de soi, et c’est sur cet aspect qu’il convient d’agir en priorité. Le plus souvent, l’estime de soi est profondément atteinte, voire brisée, après des années de vie en rue. La personne ne semble plus en mesure de reprendre sa vie en main. Elle survit à la marge, son corps devient objet: prendre soin de soi, c’est une idée perdue dans un monde oublié.
Le projet, c’est d’ouvrir un chemin qui permettra à la personne de se retrouver avec, au bout du chemin, la capacité d’habiter dans un logement, première étape pour se réinsérer dans la société.
Dans ce parcours, l’hygiène personnelle est un point de départ. Essentiel: parce que son abandon est un signe qui ne trompe pas, qui ferme les portes et renforce l’isolement. La question de l’hygiène permet de proposer un changement graduel et faisable: la personne peut avancer par petites étapes, obtenir de petits succès.
Un impératif: créer le contact en douceur, sans jugement. Bien loin d’une vision hygiéniste ou normative, les infirmières de rue aident la personne à réapprivoiser un corps déshabité, mal aimé. Elles soutiennent la reconstruction d’un lien à soi-même – un lien bienveillant, qui puisse faire resurgir un désir de vie, un désir de prendre soin de soi, dans une dignité retrouvée.

Créer un climat de confiance

À pied : approche douce, visuelle d’abord, permet un rappel par la personne lorsqu’on s’éloigne.
Sans uniforme : pour ne pas impressionner et pour maintenir une relation d’égal à égal.
À deux : donne une plus grande chance d’établir une accroche avec la personne.
Travail dans la langue du patient si possible.
Installer une distance par une attitude professionnelle: pas de tutoiement, pas de bise, ce qui réserve la possibilité de parler d’un point de vue médical des questions délicates.
Pas de questions inutiles comme l’identité, ou l’origine d’une plaie, ou pourquoi la personne est à la rue.
Laisser la personne maître du soin : elle peut se soigner ou non.
Pas de promesses non tenues : ne pas s’engager à faire des choses impossibles ou aléatoires.
Respect du secret professionnel même si le contexte de travail n’y incite pas toujours.
Rester prudent avec la presse : ne pas aller trop souvent avec la presse en rue pour risquer d’intimider le patient. Si la personne ne désire pas être interviewée, respecter son choix.
Extrait du document «Mode d’action d’infirmiers de rue», https://www.infirmiersderue.be

Le trajet ainsi entamé est lent, délicat. Impossible pour certains de prendre une simple douche: la vision brutale d’un corps nu, délabré, c’est insoutenable et angoissant. Ne rien forcer: laisser la personne, le temps qu’il faut, se protéger à sa manière… « Ce monsieur , SDF depuis longtemps , n’était pas prêt à aller à une douche : on lui a d’abord donné une lingette pour se laver les mains , quelques jours plus tard une lingette pour le visage ; puis , on lui a apporté un bassin et un savon . Maintenant , on organise le contact avec une maison médicale , pour qu’il puisse prendre une douche ; on devra l’accompagner quand il sera prêt , on essaiera aussi d’élargir le réseau autour de lui Souvent , ça avance comme ça , doucement , et puis il y a comme un déclic , la personne reprend confiance en elle , elle commence à se mettre en projet : la réinsertion dans un logement devient possible .»( 3 )
Prendre le bon bout: « Pour beaucoup de gens il y a un problème d’alcool , mais on ne travaille pas sur cela tant qu’il ne sont pas prêts . On travaille d’abord sur l’hygiène , sur l’estime de soi . Quand un gars a bougé de ce côté , il diminue progressivement la taille de ses canettes , puis le nombre , puis , il prend des bières moins fortes Quand il est en chemin pour trouver un logement , le travail sur l’alcool est beaucoup plus facile ».

Tisser des liens

Les sans-abri vont d’un lieu à l’autre, de manière erratique – resto social, abri de nuit, maison médicale, hôpital, gare, métro, parc… Ils rencontrent divers acteurs, qui, le plus souvent, ne se concertent pas, ne savent même pas si quelqu’un d’autre connaît cette personne qui atterrit chez eux, plus ou moins régulièrement, sans trop se raconter.
Or, il est impossible de construire un projet avec une personne dans une relation duelle, tant les problèmes sont complexes et les parcours aléatoires. Les infirmières de rue doivent pouvoir s’appuyer sur un large réseau d’acteurs.
Leur premier travail est dès lors d’identifier le circuit qui existe de fait, de le renforcer, d’organiser un contact suivi: pour s’assurer que chaque semaine, quelque chose avance, que la personne n’est pas abandonnée. « Pour ce monsieur qui avait des difficultés à prendre ses médicaments régulièrement , on a contacté le médecin pour lui expliquer que ça n’irait pas s’il donnait une boîte d’un coup . Puis on a demandé au resto social de garder les médicaments et de les donner chaque fois que la personne venait ; ils n’ont pas voulu , alors on a fait appel à une pharmacie qui est sur son trajet On cherche toujours le circuit le plus adapté au cas particulier ».
De quoi se sentir cerné pour les patients? Apparemment non: les personnes sans abri sont touchées qu’on vienne à leur rencontre, qu’on ne les oublie pas. « Mais le réseau qu’on tisse comme ça avec une personne , pour l’histoire des médicaments par exemple , on veille à ce que ça ne devienne pas le circuit normal’ : ça doit rester une solution provisoire . L’horizon , c’est toujours le retour à domicile et le recours aux services classiques ».
Le réseau qui se tisse ainsi est très varié. Outre les professionnels de la santé et du social, on y trouve les agents de prévention des gares, des métros, des parcs publics, mais aussi des commerçants, des voisins, des policiers, l’entourage… Ce réseau s’agrandit de proche en proche: parfois, un commerçant signale qu’une personne va souvent bavarder avec le gars du fritkot, et ce gars devient membre du réseau. « Une autre fois , c’est marrant , un monsieur nous a appelé pour un SDF qui dormait tout près de son immeuble : ça le dérangeait , il voulait plutôt qu’on l’en débarrasse Finalement , on lui a demandé de garder l’œil sur cette personne , de nous contacter s’il y avait un problème ; au fond , il est rentré dans le réseau ». Tout l’art de transformer une intolérance en souci pour l’autre…
Mais peu d’intervenants ont l’habitude travailler en réseau et les acteurs non professionnels s’étonnent parfois d’être contactés; ce tissage de liens demande donc une grande patience et beaucoup de finesse. Lorsque les personnes ont retrouvé un logement, le suivi va s’accentuer auprès des personnes qui s’occupent du patient en logement. « Nous allons garder des contacts avec les patients’ de temps en temps pour être sûres qu’ils vont bien , mais nous allons surtout encourager les professionnels qui travaillent à domicile , leur dire de nous prévenir en cas de problème , de ne pas attendre une rechute’ ».

Dépasser fatalisme et impuissance

Pour tisser des liens entre acteurs, encore faut-il que ceux-ci puissent croire au projet, et ce n’est pas donné d’avance. « Oui , on va s’en occuper , mais il est déjà venu hier à l’hôpital et de toutes façons , il reviendra dans deux jours ». Pas facile, bien sûr, de mettre des rustines jour après jour… Chacun se sent impuissant: la plupart des soignants ignorent comment donner des soins adaptés à la vie en rue ou à la grande précarité; les travailleurs sociaux ne voient pas comment aborder la question de l’hygiène sans briser la relation de confiance. Pour certains, c’est une question tabou; d’autres finissent par ne plus même voir le problème, par le banaliser. Chacun se protège à sa manière, faute d’entrevoir une solution.
Les agents de prévention travaillant dans les lieux publics ont des difficultés spécifiques: ils accueillent les plaintes des usagers, mais ils ne sont pas outillés pour réagir face aux comportements des personnes précaires. Ils ne savent pas comment réagir pour maintenir l’ordre public et l’hygiène des locaux sans exclure les sans-abri: tiraillés entre le règlement de travail et le désir d’humanité. Or, ce sont des relais essentiels: ils rencontrent certains sans-abri tous les jours, les voient vivre, tissent parfois des liens de confiance.
L’enjeu, pour les infirmières de rue, c’est de montrer à tous ces intervenants que quelque chose est possible, qu’en se concertant ils peuvent aider les errants à briser ces cercles vicieux qui les épuisent.
Il est aussi nécessaire d’apporter de nouveaux savoir-faire à certains professionnels. Par exemple, aux professionnels de santé, parce que l’impact de la vie en rue sur le soin est très important: en rue, le temps n’est pas le même, les médicaments sont pris de manière très aléatoire, les plaies s’infectent sous les pansements, sans que cela alerte la personne, tant son corps lui est devenu étranger… « Ca peut être dangereux de mettre un bandage : du coup la personne ne pense plus du tout à sa blessure , ou bien le bandage glisse et fait un effet garrot ».
Il y a quelques années, certaines associations ont demandé à l’asbl d’intervenir sur leur terrain: un resto social, pour donner des soins; une maison médicale, pour parler des patients difficiles, ingérables. Mais il est impossible, et finalement peu opérant, de multiplier ce genre d’intervention: mieux vaut apprendre à pêcher que donner un poisson! L’association propose dès lors des formations répondant aux besoins spécifiques des différents acteurs concernés.
Une belle réussite parmi d’autres: « En 2009 , on avait formé 6 personnes à la gare centrale ; la direction a constaté que l’agressivité avait beaucoup diminué après cette formation , et nous a demandé de la refaire pour d’autres agents . En 2009 on a formé 110 personnes en tout , à Bruxelles , Liège , Charleroi , Namur . En 2011 , on entame un gros partenariat avec la STIB et la SNCB ».

Les infrastructures: méconnues ou lacunaires

Une préoccupation essentielle pour les personnes sans abri ou en habitat précaire, c’est de satisfaire leurs besoins corporels de base – alimentation, hygiène, sommeil… C’est très difficile, ce qui est sans doute une des raisons pour lesquelles le souci de prendre soin de soi finit par disparaître. Se laver? Pas de douche dans les logements insalubres, pas assez de douches publiques accessibles – certains se lavent avec la chasse d’eau des toilettes.
Il existe cependant certaines infrastructures, et l’asbl a conçu des affiches indiquant les lieux où se trouvent des fontaines, des urinoirs, des douches, affiches placées dans les métros, les gares, les associations. « On a un peu une double perspective : le message positif , c’est bravo aux services publics’ , c’est bien qu’il existe des choses mais c’est aussi l’occasion de pointer les manques : il y a un an , c’est en faisant la liste des douches qu’on a vu qu’il y en avait beaucoup trop peu . Le comble , c’est que les associations croyaient que les gens n’avaient pas envie de se laver alors que le problème , c’était le manque de douches : il fallait aller à l’autre bout de la ville , attendre des heures , il n’y avait pas de place ». C’est bien là un malentendu classique: heurtés par la négligence – bien réelle – de la personne, certains intervenants oublient qu’elle est renforcée, voire suscitée, par un environnement inadapté aux conditions de vie des sans-abri. « Les autorités n’imaginent pas que des personnes n’ont pas accès chez eux à des douches ou des toilettes . En comparaison , les restaurants sociaux sont nés quand il est apparu que beaucoup de gens ne mangeaient pas bien chez eux …»( 4 )
Autre type d’outil: deux affiches indiquant les précautions à prendre pour se protéger au mieux pendant les grandes chaleurs, ou, avec l’aide d’Alain Hubert et de Dixie Dansercoer , pendant les grands froids.

Le goût de la vie

Retrouver le goût de prendre soin de soi, c’est retrouver le goût de vivre, et dès qu’un désir surgit, les infirmières de rue le soutiennent: « On travaille beaucoup sur ce que les gens aiment : par exemple , cette dame , elle adorait chanter mais elle n’avait plus le goût , ni la possibilité de chanter depuis qu’elle vivait en rue . Elle en a parlé , elle dit que chanter , c’est génial : alors on essaie de la motiver à reprendre le chant ».
Il y aussi le monsieur qui aimait faire du vélo. Comme l’association voulait participer aux 20 km de Bruxelles, l’équipe a invité ce monsieur à venir aux entraînements, dès qu’il a eu un logement.
« Et puis un autre , qui aime le dessin : maintenant qu’il vit en appartement , nous cherchons un bénévole pour aller chez lui une fois par semaine , pour dessiner avec lui . Et Bruno , qui joue de l’harmonica et du ping pong , on l’a mis en contact avec des bénévoles , des associations ».
Il y a parfois une famille, plus ou moins loin; l’équipe tente alors de voir s’il est possible de recréer du lien, surtout lorsque la famille semble importante pour la personne.
« Je me souviens de ce monsieur qui ne voulait pas de logement . On a remarqué qu’il était moins bien à certains moments , à Noël par exemple , parce qu’il ne pouvait pas acheter de cadeaux pour son fils de 11 ans . Alors on a repris le contact avec ce fils , on a soutenu un projet de rencontre et on a préparé le père , pour qu’il se présente bien . On l’a accompagné , il était super content , il voulait y retourner avec nous . Mais notre but est toujours d’ouvrir de nouvelles portes , de mettre les gens en contact avec d’autres , d’élargir leur réseau ; alors on a trouvé une association qui fait ça , ‘ Accompagner’ ( https://www.accompagner.be ). Progressivement il a repris confiance en lui , il a retrouvé un logement , et maintenant il continue à voir son fils ».
Et cette dame polonaise, très déprimée, gravement malade et qui buvait beaucoup: « On lui a parlé de la Pologne , elle ne pensait pas pouvoir retourner chez elle ( la famille aurait honte ). Avec son accord un bénévole a pris contact avec cette famille via l’ambassade : ils étaient très contents , ils la croyaient morte ! Du coup , elle a bien voulu aller à l’hôpital pour se soigner , et l’hôpital a accepté de la garder jusqu’à ce qu’elle soit prête à retourner dans sa famille . Elle y est allée , elle a vécu 10 jours merveilleux avant de mourir . On garde des contacts écrits avec la famille ».
C’est cela qu’elles aiment dans leur travail, les infirmières de rue: ce moment magique où un déclic surgit, ouvrant le champ des possibles, alors que plus personne n’y croyait. Ce déclic qui surgit parce que quelqu’un y a cru. C’est parfois une toute petite chose – un alcoolique qui boit de l’eau avant un rendez-vous au CPAS – mais elles savent que pour la personne c’est énorme, et que c’est peut-être le début d’une belle histoire. À condition d’être là, du côté de la vie.
Et elles ont raison: depuis 2009, 30 personnes qui vivaient depuis 10-15 ans dans la rue ont retrouvé un logement après avoir été suivies pendant quelques mois par l’association.

On lui a dit qu’il est beau

Décès, disparitions, remarque d’un travailleur fatigué…: ce travail n’est pas rose tous les jours. Il y une supervision, une fois par mois, et une très bonne entente dans l’équipe; chacun veille à parler très vite des problèmes rencontrés, pour qu’ils pèsent moins lourd. À côté de ça, un tableau des bonnes nouvelles, affiché dans la salle de réunion, vient regonfler le moral:
Albert a pris sa douche cette semaine . Il dit que les gens le regardent autrement , on lui a dit qu’il est beau .
Monsieur Hector , qu’on avait amené dans un home qu’il n’aimait pas : on en a trouvé un autre , il aime bien , il y reste .
Un agent de gare nous a appelés pour une personne qu’on suit , ça fait une nouvelle collaboration .
Chantal a fait des demandes plus poussées pour faire ses démarches : ça veut dire qu’elle se met en projet .
Le monsieur qui veut faire sa prothèse dentaire , pour lui c’est un début pour trouver un logement , du travail : on a fait des démarches pour qu’il ne doive pas payer , et il va bien à ses rendez vous .
On a une nouvelle infirmière dans l’équipe !
Julien , qui ne voulait pas aller chez le médecin tant qu’il n’a pas de logement , a quand même fait une demande pour aller chez l’ophtalmo .
La pharmacie avait accepté d’avancer les médocs pour un monsieur qui ne savait pas payer : eh bien , il a remboursé , tout le monde est vraiment content .
On a conduit Maxime à l’hôpital : il y reste , il a repris contact avec sa mère , elle lui téléphone régulièrement .

Longue vie

Aujourd’hui bien implantée et reconnue sur le terrain bruxellois, l’association des Infirmiers de rue répond parfois à des demandes ponctuelles. En 2008, l’IBGE (Bruxelles Environnement) l’a contactée dans le cadre d’une problématique particulière: l’arrivée en masse, dans le parc de la Porte de Hal, d’un grand groupe de gens (suite au démantèlement d’une filière de transit, ou à l’expulsion d’un squat). L’IBGE souhaitait tout particulièrement aider les gardiens-animateurs du parc à mieux guider ces gens vers les associations et les structures disponibles, pour diminuer les risques de problèmes d’hygiène et les tensions avec les riverains. Allant plus loin que cette situation spécifique, l’association a élaboré un plan qui peut être facilement reproduit dans d’autres communes confrontées à la même situation.(5)
L’association cherche aussi à élargir son horizon: en 2008, elle gagnait un concours d’entreprenariat social à Paris. Grâce à cela, un consultant l’a aidée pendant plusieurs mois à affiner son approche et à voir comment la renforcer sans beaucoup de moyens. Suite à cette expérience, elle fait actuellement partie d’un réseau international d’entreprenariat social, Ashoka ( https://www.ashoka.org ).
On ne peut que souhaiter longue vie à cette association, qui illustre si bien ce que dit Jean Furtos(6): « Les personnes ont toujours un désir qui permet d’animer un projet , soit par l’ambition de s’en sortir’ et de repasser dans une zone d’insertion moins précaire , soit par l’espoir de s’organiser convenablement et durablement dans une zone d’assistance ( avec ou sans système D ) qui permet de vivre Il suffit que la personne honteuse ou découragée entre dans une relation de respect et d’aide pour qu’elle retrouve courage et fierté . Nous sommes dans une pathologie qui réagit aussi bien à ce qui va mal qu’à ce qui va bien , donc assez proche de la santé ».
Le mot de la fin, laissons-le à Marcel:
« Chers enfants
C’est avec grand plaisir et empressement que je vous envoie mes vœux les plus sincères pour Noël et Nouvel an. Ne reculez devant aucune bêtise en ces jours de fête. Recevez de gros baisers de ma part».

Marianne Prévost
Adresse de l’asbl : rue d’Artois 46, 1000 Bruxelles. Tél. : 0477 48 31 50. Courriel : infos@infirmiersderue.be
(1) «Constats de terrain. En route vers le problème», sur https://www.infirmiersderue.be
(2) Furtos Jean, «Contexte de précarité et souffrance psychique: quelques particularités de la clinique psychosociale», Soins Psychiatrie n°204, sept-oct 1999
(3) Toutes les citations non référencées proviennent de communications orales.
(4) «Constats de terrain. En route vers le problème». https://www.infirmiersderue.be
(5) «Plan pour une situation d’urgence temporaire de personnes en transit», https://www.infirmiersderue.be
(6) Furtos Jean, ibid.

La ‘Love Week’ à Louvain-la-Neuve

Le 30 Déc 20

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Un projet collectif de promotion de la santé pour parler de la vie affective et sexuelle

L’histoire a commencé il y a quelques mois, lorsqu’un groupe, on pourrait presque parler de conglomérat, s’est constitué pour développer des actions qui suscitent le dialogue et l’échange d’informations sur le thème des relations affectives et sexuelles à Louvain-la-Neuve. Avec pour ambition de s’intéresser à cette problématique sur le long terme, et pas seulement à l’occasion d’un événement unique.
Ce groupe, coordonné par Univers santé, se compose de plusieurs services: le planning familial ‘Aimer à Louvain-la-Neuve’, Infor Santé de la Mutualité chrétienne, le CEFA – le Centre d’étude de la famille et de l’amour, le Centre de Guidance de Louvain-la-Neuve, le Service d’aide de l’UCL ainsi que le kot à projet le Kap Hot et des stagiaires.
Une semaine d’animations, la ‘Love week’, était donc la première réalisation phare de nos projets: projection du film « La domination masculine » de Patrick Jean , précédée d’une marche aux flambeaux et suivie d’un débat; deux pièces de théâtre, «Un peu de sexe, un peu d’amour» de la Compagnie Drolma et «Titre provisoire» du TUL (Théâtre universitaire de Louvain) suivies de débats; et enfin, une soirée autour de différents jeux, animée par des étudiants et des travailleurs du secteur de la santé.
Ces soirées ont abordé de multiples thèmes en jeu dans le couple: les difficultés de se comprendre et comment en parler et se parler, les problèmes d’oppression et de violence, les peurs et les émerveillements liés à la sexualité, les risques de maladies et comment s’en protéger…
Les modes d’approche étaient variés: reportages, interviews, scènes burlesques ou douces, poésies, dialogues sérieux et échanges plus intimes grâce aux jeux.
Nous avons délibérément démarré par un projet ambitieux pour marquer les esprits.
Voici le témoignage de deux étudiantes, impliquées dans la réalisation de cette semaine.
La première, Anne Herrezeel , nous fait part de ses sentiments positifs: « En tant que stagiaire assistante sociale à Univers santé , j’ai eu la chance de pouvoir m’impliquer dans l’organisation de la Love week’ . Ce projet m’a permis de découvrir la prévention en matière de relations sexuelles et affectives . Ce fut très enrichissant personnellement ainsi que sur le plan professionnel .
Ce qui m’a plu dans ce projet , c’est d’aborder le thème des relations sexuelles et affectives plutôt dans une optique de compréhension et de promotion de la santé . Je pense que les activités ont donné l’occasion aux participants de pouvoir s’exprimer plus positivement sur le thème . Les pièces de théâtre et la soirée jeux ont abordé le thème de manière ludique et humoristique , ce qui créait un climat plus serein à l’apprentissage et au débat . Je pense que les différentes activités ont permis de faire tomber les tabous et de rompre certains préjugés . Personnellement , les pièces de théâtre m’ont amenée à prendre du recul par rapport à mes propres relations et expériences
La seconde, Aurélie Wullaert , n’est pas en reste. « C’est avec beaucoup d’enthousiasme que j’ai pris part à cet évènement en tant que stagiaire assistante sociale à Univers santé , mais également en tant que jeune étudiante de vingt et un ans . Je trouve que , suite au développement de la transmission du sida et des maladies sexuellement transmissibles depuis le courant des années 80 , les politiques relatives à la vie sexuelle et affective me semblent trop souvent tournées vers la prévention dite négative et la réduction des risques . De plus , nous sommes dans une société où le phénomène de l’hyper sexualisation prend une place de plus en plus importante et où les normes’ sexuelles semblent dépasser toutes les mesures , ce qui laisse alors peu de place au dialogue et à la réflexion . En effet , quelle place prenons nous encore pour aborder et parler ensemble de ces questions pourtant si intimes ? Quels sont les moments propices pour nous aider à mettre des mots et à dialoguer au sein d’un tel contexte social ?
Cette semaine a été très enrichissante car elle était porteuse d’une ambiance et de thématiques bien distinctes au travers de ses différentes activités marquées par l’humour et la sensualité . Je considère la Love week’ comme un évènement plein de douceur et de légèreté qui a cherché à lever un peu plus le voile sur ce délicat sujet , sans nous avoir encore dit son dernier mot
Les échos reçus nous indiquent que la ‘Love week’ a eu un bon retentissement. Le soutien de l’UCL et la collaboration avec plusieurs partenaires (un défi à relever quand il faut tenir compte du «temps étudiant») ont enrichi le travail et rendu possible la réalisation du projet.
Le succès de cette belle collaboration s’explique par différents facteurs: tout d’abord, me semble-t-il, une culture commune provenant d’expériences partagées, a permis de nous accorder sur les objectifs généraux et de prendre rapidement les bonnes décisions; ensuite, un mode de fonctionnement assez horizontal mais avec une coordination claire a permis un engagement de chaque association, même si c’était à des degrés variables.
Emballés par le projet, les étudiants du Kap Hot et les différents partenaires sont prêts à s’investir pour réitérer l’expérience. En y apportant bien évidemment les éléments d’amélioration relevés lors de la réunion d’évaluation.
Nous misons sur le début de la notoriété pour relancer la ‘Love week’ à la Saint-Valentin de l’année prochaine, avec, nous l’espérons, un succès grandissant.
Danièle Hallet , Univers santé
Adresse de l’auteure: Univers santé, Place Galilée 6, 1348 Louvain-la-Neuve. Tél.: 010 47 28 28. Courriel: univers-sante@uclouvain.be. Internet: https://www.univers-sante.be

Innovation et alimentation

Le 30 Déc 20

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Bien manger c’est d’abord y prendre plaisir

Le CRIOC a analysé quelque cinq cents produits alimentaires introduits sur le marché en 2010, et a identifié les principales tendances d’innovation. Ainsi, il s’avère que le motif d’innovation le plus fréquent vise à améliorer le goût du produit. L’étude montre également que tous les pays n’innovent pas de la même manière. Ainsi, la Belgique occupe une position proche des innovations françaises ou hollandaises alors que l’Italie innove surtout dans le secteur des apéritifs et snacks et se focalise sur la recette et développe la sophistication des produits. Les innovations en provenance des USA sont focalisées sur le bénéfice santé et la technologie.
Pour commencer, le CRIOC a examiné sur quels aspects du produit alimentaire portaient les innovations. En Belgique, l’élément qui change le plus souvent est la recette ou la composition (quatre nouveaux produits sur cinq ou 79%), suivi par un repositionnement sur le marché pour mieux répondre à la demande du groupe cible (58%), une nouvelle technologie ou une adaptation du procédé de fabrication (38%), et finalement une modification de l’emballage ou de la présentation du produit (34%). Les producteurs belges suivent en grande partie la tendance internationale en la matière, avec comme différence que dans notre pays les producteurs attachent beaucoup plus d’attention à l’emballage et relativement moins au marketing et à la technologie sous-jacente.
Les producteurs appliquent une stratégie réfléchie et ont un objectif précis lorsqu’ils décident d’innover un produit. Les changements apportés à ces nouveaux produits nous permettent de déduire l’objectif recherché. Il s’agit avant tout de différencier leurs produits. Ici, nous remarquons encore une fois que la recherche d’un meilleur goût (59%) est le facteur le plus important et que les producteurs belges suivent la tendance internationale. Il est suivi par l’amélioration de la condition physique (45%), l’amélioration de l’aspect pratique (31%), les considérations éthiques (17%). ‘Meilleur pour la santé’ ferme la marche (14%).
En ce qui concerne la signification symbolique portée par une innovation et l’image qu’un producteur veut obtenir par le biais de ses innovations, c’est encore une fois le un goût agréable (plaisir sensuel) qui est primordial (59%). La recherche d’une image distinguée vient en deuxième place (31%). Les innovations qui rendent un aliment plus facile à consommer sont également importantes (28%), tout comme la recherche d’un produit d’origine naturelle (24%). L’aide à l’amaigrissement (10%) ou la ‘fonction médicale’ (3%) ne font pas… recette !
Il faut remarquer que toutes les innovations ne signifient pas nécessairement un progrès pour les consommateurs. Les producteurs de denrées alimentaires suivent en effet les lois du marché, qui leur imposent de proposer régulièrement de nouveaux produits. Il convient de bien vérifier que l’innovation apporte réellement une valeur ajoutée, ou encore que le produit tient ses promesses, ce qui est loin d’être toujours le cas.
D’après un communiqué du CRIOC

Dépistage du cancer colorectal : connaissances et perspectives,

Le 30 Déc 20

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Près de deux années après son démarrage, le temps est sans doute venu d’une réflexion globale sur le déroulement du programme de dépistage du cancer colorectal en Communauté française.
En tant que Service communautaire en promotion de la santé agréé pour la communication, Question Santé asbl a été chargé de coordonner la campagne initiale de communication de ce programme pour l’ensemble de la Communauté française. Susciter l’intérêt du public pour le dépistage du cancer colorectal, l’informer sur ce sujet largement méconnu et l’inciter au dépistage constituaient les principaux et délicats défis à relever.

Présentation de la campagne de communication

La campagne s’adresse tant au grand public qu’aux professionnels concernés par la mise en place et l’accompagnement du programme: médecins généralistes, gastro-entérologues, acteurs de promotion de la santé… Chaque outil d’information, de formation, de communication s’est inscrit en cohérence avec l’ensemble du programme. Une cohérence de contenu et de forme pour que le message soit clair et compréhensible pour tous les destinataires.
L’image choisie pour la campagne de communication est celle du logo «ruban bleu», représentation visuelle du dépistage du cancer de l’intestin, créée par le National Colorectal Cancer Roundtable (USA) et reconnue au niveau international. Le ruban bleu est utilisé notamment par nos voisins français. Cette accroche est reprise dans l’ensemble du matériel d’information et de communication, qui comprend des outils à destination du médecin comme du patient.(1)
En voici un rapide aperçu:
-une brochure explicative pour le médecin généraliste;
-un questionnaire médical;
-une enveloppe pré-adressée «port payé par le destinataire» à remettre au patient pour renvoyer le test Hemoccult® et le questionnaire;
-le dépliant d’invitation ‘Dépister le cancer de l’intestin, c’est possible!’ joint au courrier de départ; dans une version adaptée, il est aussi diffusé largement, entre autres par les mutualités;
-le dépliant informatif ‘Un test simple à faire chez soi’ pour le patient devant réaliser le test Hemoccult®;
-un dépliant spécifique ‘Pourquoi un dépistage par coloscopie?’ pour le patient référé;
-le formulaire standardisé de prescription de la coloscopie;
-les spots TV et radio;
-un site internet https://www.cancerintestin.be .
– …

Quels sont les résultats du Programme?

Le Centre de référence pour le dépistage des cancers a communiqué quelques chiffres pour la période du 1er mars 2009 au 28 février 2010 (2).
On dénombre pour cette première année 42.928 personnes qui ont participé au Programme (entre le 1er mars 2009 et le 31 janvier 2010, 535.926 invitations ont été envoyées). Notons ici une première difficulté: le taux de participation de la population est difficile à chiffrer avec précision, puisqu’une partie de la population invitée (estimée à ± 7%) réalise des coloscopies en dehors du Programme (cadre diagnostic ou curatif); pour ces patients, il n’est transitoirement pas nécessaire de pratiquer le dépistage par Hemoccult®. On peut néanmoins constater que le démarrage du programme est timide et que 15% environ de la population cible bénéficient d’une forme ou l’autre de dépistage.
Pourtant, un des acquis et points forts du Programme est l’adhésion scientifique des médecins généralistes, puisque plus de 4.600 d’entre eux (sur une population de médecins généralistes ayant une pratique effective évaluée à environ 7.000) sont actifs dans le cadre de ce dépistage, avec, en moyenne, 8,9 tests Hemoccult® par médecin.

Parmi les 40.866 tests Hemoccult® reçus, 1.280 étaient positifs, soit 3,1 %, ce qui est conforme aux valeurs attendues. Un test positif nécessite la réalisation d’une coloscopie totale. À ce jour, le Centre de référence dispose des résultats de la coloscopie pour 1089 personnes (85,1 % des Hemoccult® positifs). Ces coloscopies ont permis de détecter, en ne tenant compte que de la lésion la plus péjorative, 222 adénomes avancés (3) chez 174 personnes et 1 cancer chez 85 personnes.
Une coloscopie d’emblée a été recommandée dans 2.062 cas, dont 1.323 résultats ont été obtenus à ce jour (64,2%). Ces coloscopies ont permis de mettre en évidence, en ne tenant compte que de la lésion la plus péjorative, 97 adénomes avancés chez 87 personnes et 1 cancer chez 22 personnes.
Au total, le taux de détection des cancers est de 2,5‰ et celui des adénomes, avancés et autres, est de 16,8‰. Les résultats obtenus pour les indicateurs décrits ci-dessus sont similaires à ceux obtenus à l’étranger, et confirment la bonne performance du Programme en Communauté française.

Quelques éléments qualitatifs de perception du public

Après une année de diffusion, que pense le public de cette campagne ? Quelles sont ses connaissances sur le cancer colorectal ? Comment comprend, perçoit ou vit-il le dépistage?
Pour obtenir un premier éclairage sur ces questions, le SCPS Question Santé a réalisé deux groupes focalisés réunissant des hommes et des femmes de 50 à 74 ans. Le focus groupe est une méthode qualitative de recueil d’informations, basée sur une discussion semi structurée et modérée par un animateur, qui permet notamment de recueillir les représentations des participants. L’aspect quantitatif n’est pas pris en compte dans cette approche.
Il sera ici question des propos des participants concernant leurs connaissances sur les cancers et leur attitude face au dépistage d’une manière générale, pour ensuite épingler les différents freins et moteurs au dépistage du cancer colorectal et quelques avis et suggestions émis par les participants sur le programme.

Connaissances générales sur les cancers et attitudes face au dépistage

Selon la plupart des répondants, les cancers qu’il est possible de dépister sont le cancer du sein, le cancer du col de l’utérus et le cancer de l’intestin.
En fonction de leurs expériences personnelles, les participants expriment des avis assez divergents sur le dépistage. En effet, quelques personnes jugent qu’il est utile et efficace de faire de la prévention pour écarter, au plus tôt, tout risque de maladie et augmenter les chances de guérison. Pour eux, le dépistage est synonyme de longévité et vécu comme une chance. D’autres personnes ont un avis plus négatif: elles estiment que le dépistage, même réalisé régulièrement, ne permet pas d’écarter la maladie.
D’une manière générale, le dépistage est vécu par la plupart des répondants comme une source d’angoisse et d’anxiété, probablement liée à la peur du résultat.(4)

Les freins au dépistage du cancer colorectal

Si la majorité des participants connaît ou a déjà entendu parler du cancer de l’intestin, que ce soit à travers la lettre d’invitation, des témoignages d’amis ou suite à une visite chez le médecin, leurs expériences du dépistage restent néanmoins assez marginales.
Diverses raisons sont invoquées:
-pas de signes extérieurs ou de symptômes visibles: «j’irai le jour où j’aurai un signe», «quand c’est en interne, on ne pense pas à dépister, on ne le sent pas»;
-pas d’antécédents: «moi j’ai demandé au médecin généraliste, mais il était contre parce que je n’ai pas d’antécédents»;
-pas de motivation: «faire le dépistage, je ne me sens pas motivé, je ne sais pas pourquoi…»;
-un manque de sensibilisation: «je ne me sens pas tellement concerné par ce cancer»;
-une méconnaissance due à un manque d’informations: «on sous-estime l’importance de ce cancer car on ne le connaît pas, on manque d’informations».
Pour la plupart des participants, le dépistage du cancer colorectal nécessite une coloscopie. Rares sont ceux qui connaissent le test de recherche de sang dans les selles proposé par le Programme de dépistage en Communauté française. Par ailleurs, quand ils parlent de coloscopie, la majorité des participants manifeste une réelle appréhension à faire l’examen. Ils soulignent le côté désagréable et intrusif de l’examen ainsi que son aspect parfois douloureux: «la coloscopie a mauvaise presse, elle fait mal», « j’ai peur parce que c’est désagréable», «l’examen n’est pas évident à faire parce que ça touche quand même certaines parties du corps».

Les leviers au dépistage du cancer colorectal

Les diverses réponses des participants confirment l’importance de l’avis et du conseil du médecin traitant dans leur démarche de dépistage: «J’ai alors été voir mon médecin généraliste qui m’a dit qu’il ne fallait pas faire une coloscopie d’emblée à tout le monde. Il fallait d’abord faire le test». Une autre personne, faisant le lien avec le dépistage du cancer du sein, explique: «mon gynécologue m’a dit qu’il n’était pas en faveur du mammotest, pour des questions de qualité… Mais moi j’étais pour, alors à un moment j’ai dû choisir et j’ai pris l’avis de mon médecin».
D’autres incitants au dépistage sont également évoqués par les participants: les risques liés à l’âge, la lettre d’invitation, les diverses lectures spécialisées, les campagnes de sensibilisation, l’héritage familial.

Le programme de dépistage: avis et suggestions

La majorité des participants n’exprime pas de réticences vis-à-vis de la campagne de communication. Toutefois, certains avis sont paradoxaux. D’une part, des répondants estiment que la campagne de communication manque d’impact et est plutôt terne; les annonces télévisées seraient trop courtes et de ce fait elles dérangeraient, feraient peur et laisseraient le spectateur sans solutions. D’autre part, lorsque la possibilité de modifier la campagne leur est offerte, les répondants proposent d’introduire des données qui interpellent, qui soient frappantes, qui fassent peur. Finalement, la plupart des participants s’accordent pour dire que pour qu’un message ait un impact et qu’il soit idéalement véhiculé, il faut que l’information soit relayée par le médecin.

Perspectives

Selon les données issues des groupes focalisés, outre les réticences relevées par chacun, la caractéristique anatomique du cancer colorectal, son mode de dépistage et la gêne qu’il suscite constitueraient des freins au dépistage. Pour dépasser ces obstacles et inscrire le dépistage dans les habitudes, il semble nécessaire de travailler à la banalisation de ce comportement . Concrètement, cela consisterait notamment à rendre l’information encore plus accessible et plus diffusée, idéalement à l’aide d’un discours au vocabulaire simplifié, compréhensible par tous et proposant un message qui insisterait sur l’importance du dépistage pour favoriser la guérison. Il semble également important de redire que le dépistage du cancer colorectal peut se faire à l’aide d’un test simple à faire chez soi.
Ces groupes focalisés ont par ailleurs permis de confirmer le rôle déterminant du médecin auprès du patient en tant que conseiller en prévention. Le médecin informe, rassure et prescrit. Il est le principal moteur de l’action. Ceci conforte également le travail déjà réalisé avec les médecins généralistes et incite à le poursuivre.
Une démarche d’ approche globale de la prévention , dans le cadre du Dossier médical global plus (DMG+), pourrait être développée en collaboration avec les associations de médecins généralistes.
Lors des pré-tests d’une nouvelle version d’un dépliant de sensibilisation, le SCPS – Question Santé a été confronté à de fortes réticences de la part de patients. Une partie des personnes interpellées a en effet refusé de participer au pré-test. Il semblerait que le thème du cancer (malgré notre perspective d’information sur le dépistage) soit un sujet assez [ i ] difficile à aborder [/ i ] pour certaines personnes . En effet, pour ces patients qui à un moment donné de leur vie ont été touchés par la maladie (personnellement ou pas), aborder le sujet représentait une épreuve supplémentaire et douloureuse à laquelle ils ne voulaient plus se soumettre.
D’autres patients encore, qui avaient commencé à lire le dépliant, ont arrêté la lecture car cela évoquait trop de mauvais souvenirs . Nous avons également noté que le mot cancer fait toujours peur aujourd’hui; que le fait de voir le mot cancer sur un dépliant ne donne pas envie de le lire.
Ces quelques réticences et refus auxquels nous avons été confrontés sont fort interpellants car ils semblent représenter un frein majeur au dépistage. Aborder le thème du cancer est pour certains quelque chose de difficile à faire, et, pour d’autres, carrément non envisageable.
Il s’agit donc là d’une indication importante à tenir en compte dans les perspectives de communication sur le dépistage du cancer. Il semble qu’ un des enjeux de la communication autour du dépistage du cancer, résiderait dans l’interpellation de ceux qui refusent d’aborder le sujet : parce que le cancer fait peur, parce que la seule évocation du mot cancer les ramène dans des souvenirs d’épreuves douloureuses auxquels ils ne veulent plus être confrontés et dont ils ne veulent plus entendre parler.
Une étude en cours, menée par le RESO-UCL, devrait amener des éléments complémentaires de compréhension et des pistes d’actions pour améliorer la perception et l’adhésion aux comportements de dépistage.
Par ailleurs, il serait utile de se référer à l’expérience et aux pratiques du programme de dépistage du cancer colorectal mis en place chez nos voisins français. Les départements obtenant les meilleurs scores de participation (40 à 50% – calculés en excluant du dénominateur les personnes non concernées comme celles ayant eu une coloscopie au cours des années précédant l’invitation) mettent en œuvre des moyens de communication répétés: envoi d’une première invitation, rappel après un mois; en cas de non réponse, envoi direct de tests Hemoccult® à domicile; formations des médecins généralistes et actions médiatiques préalables aux vagues d’invitation, etc.
Delphine Matos da Silva , Bernadette Taeymans , Patrick Trefois , SCPS Question Santé asbl
(1) Pour plus de détails voir: TAEYMANS B., DE BOCK C., «Le dépistage du cancer colorectal en Communauté française» in Éducation Santé , n° 244, avril 2009
(2) in «Santé en Communauté française» n°6 – Mars 2011
(3) Adénome avancé = adénome de plus d’un cm, ou 3 adénomes ou plus, ou contingent villeux, ou dysplasie de haut grade
(4) Les participants parlent indifféremment de divers cancers.

Un Congrès pour changer le Monde

Le 30 Déc 20

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Un couple s’avance dans le grand hall de la gare centrale . Elle a la tête enfermée dans des feuilles de journal . Il la guide , hésitant . Un autre couple , trois , dix , cinquante Tous s’arrêtent ici ou là , un peu figés . Je passais par là , je m’arrête , des gens s’arrêtent . Instant suspendu . Soudain un des aveuglés lève les bras , un autre tourne sur lui même . Devant moi une jeune fille « enjournalée » appelle , demande qu’on la délivre . Un passant sourit , un homme détourne les yeux , un enfant s’agrippe à sa mère La fille suffoque , chancelle , là j’y vais , j’arrache les feuilles . Elle me prend dans ses bras .
Un peu plus loin , d’autres aveugles tombent par terre : personne n’a bougé . Et si c’était vrai ?

Osons rêver

Rassurez-vous Madame: c’était une turbulence publique, clôturant le congrès organisé par la Fédération des maisons médicales, ces 18 et 19 mars – veille d’un nouveau printemps. Un congrès pour dire tout simplement que le monde doit changer. Pour de vrai.
Osons rêver: tel était le fil – rouge! – réunissant les 250 participants qui, des Brigittines aux Ateliers des Tanneurs , sont venus croiser leurs questions, leurs pratiques, leurs regards. Un congrès résolument ancré dans une vision politique de la santé, réaffirmant les valeurs qui ont fait naître le mouvement des maisons médicales dans les années 70: solidarité, justice sociale, citoyenneté, respect de l’altérité, autonomie. Des valeurs à soutenir plus que jamais face au « modèle néolibéral qui est en place à l’heure actuelle presque partout au niveau planétaire et dont les conséquences à l’échelle mondiale sont visibles partout : alliance des pouvoirs politiques et économiques , inégalité croissante dans la distribution des richesses avec un transfert de richesses des populations pauvres vers les populations riches ; diminution de l’accessibilité à l’enseignement , aux soins de santé , au logement , mais aussi à l’eau , à la nourriture , au travail …»( 1 ).

Horizons multiples

Pour s’en sortir, il faut se mettre ensemble, créer des liens avec ceux qui, ailleurs, dans d’autres sphères, développent des alternatives. La fédération a ainsi invité des acteurs de la santé bien sûr, mais aussi du social, de la culture, de l’économie.
La petite Belgique, mais aussi la Guinée, le Brésil, la France, l’Espagne, le Canada, la Roumanie. Des acteurs de terrain, des institutionnels, des experts… des médecins, des infirmières, des accueillants, des travailleurs sociaux, des éducateurs, des militants, des chercheurs, des gens.
L’OMS, le Forum Social, des initiatives citoyennes.
Des vieux routiers avec leurs lendemains qui chantent, des jeunes qui cherchent sous les pavés la plage. Sous l’œil attentif de Marco Schetgen , représentant de Laurette Onkelinx , Vice-première ministre et Ministre des Affaires sociales et de la Santé publique.
Plein de petits mondes différents qui se sont reconnus dans un désir de créer un autre Monde. Plus juste, plus équitable, plus humain.
Accueillir la diversité, c’est aussi s’ouvrir à différents langages. Les organisateurs ont proposé plusieurs dispositifs pour que les idées se croisent et rebondissent. À côté des conférences, table ronde, ateliers, un speed meeting: rencontre de quelques participants avec une personne présentant l’action alternative qu’elle mène. Debout autour d’une table de bar, les yeux dans les yeux pendant 10 minutes, et puis au suivant. Groupements d’achats communs, services d’échanges locaux, écoles alternatives, véhicules partagés, habitats groupés, institutions de microcrédit… Quels sont les points communs de ces pratiques, quels en sont les écueils, les leviers, en quoi constituent-elles un choix de société?
Après ça, ou avant je ne sais plus, vision d’un film réalisé à l’occasion du congrès: divers professionnels témoignent de la manière dont ils ancrent leur activité dans un engagement politique. Le vendredi soir, un bar autogéré, histoire de passer à la pratique. Et un spectacle un peu «trash» – diversement accueilli, ça fait des bulles – pour dire tout ça autrement.
Et puis la turbulence finale: s’élancer ensemble dans l’espace public, aller ouvrir quelque chose – on ne sait pas trop quoi mais on y va.

Réduire les inégalités

C’était un leitmotiv du Congrès. Elles ne cessent de s’aggraver: problématique majeure au niveau mondial, souligne Denis Porignon , de l’OMS-Genève (Département des systèmes et des politiques de santé). Pourtant des solutions existent: d’ordre organisationnel et financier, elles nécessitent avant tout un engagement politique. Et c’est possible: le Brésil, Cuba, la Thaïlande, le Chili, le Portugal, réussissent ainsi à améliorer l’état de santé de leur population.
Mais la tendance dominante est tout autre, elle va vers toujours plus de commercialisation et de fragmentation des services et des soins. L’invité plaide contre cette évolution et rappelle que l’enjeu fondamental, c’est d’améliorer les conditions de vie, de lutter contre les inégalités de pouvoir, de moyens financiers, de ressources.
Au Brésil, on parle de «qualité de vie», manière de considérer d’emblée les déterminants de la santé; cela rejoint tout à fait la vision globale qu’en ont les habitants et permet de mettre en place un système de gestion intersectorielle pour agir sur les conditions de vie, dans un cadre où la participation citoyenne prend tout son sens.

Les expériences locales peuvent-elles changer le monde ?

C’est en quelque sorte le pari de ce congrès, et son espoir: attiser les initiatives locales, soutenir l’alliance des acteurs de terrain, faire remonter «vers le haut» les expériences et les revendications, trouver des leviers, nourrir des politiques résolument tournées vers l’intérêt public.
Du bas vers le haut, et réciproquement: divers intervenants, dans l’atelier «territoires», ont expliqué comment ils tentaient de susciter ce type de mouvement. Un constat commun, c’est la difficulté du système belge, avec ses différents niveaux de pouvoirs, ses découpages de compétences, ses différents secteurs souvent repliés sur eux-mêmes. Et un frein majeur envahissant: la pilarisation. Absence de vision systémique à tous les étages. On a beaucoup parlé de co-construction, de concertation, de partenariat, de taches d’huile: «quand quelque chose bouge sur le terrain, les élus locaux sont très vite attentifs».
Soutenir une dialectique, pour éviter les rigidités technocratiques et bureaucratiques tout autant que les particularismes identitaires et corporatistes. Utopie, empowerment, capacitation, réformisme révolutionnaire, socialisme libertaire… Trouver d’autres mots, pour une nouvelle époque, une nouvelle génération.

Démarchandiser ?

Un autre monde, ça veut dire aussi un monde qui ne serait plus dominé par une logique productiviste. Mai 68 alors? Bon, allez, le monde a changé, faut pas rêver! Si on veut développer les protections sociales, il faut quand même bien produire plus!
Mais pas du tout, répond avec ferveur Jean-Marie Harribey , enseignant à l’Université de Bordeaux, et membre du comité scientifique d’Attac-France. Un autre monde est possible en termes économiques: la question fondamentale n’est pas de savoir comment produire toujours plus, mais bien d’opter pour une autre répartition des richesses créées par le travail. L’enjeu fondamental: diminuer la part du profit, dont seule une infime minorité bénéficie, et augmenter la part réservée aux salaires et à la protection sociale.
«Démarchandiser» le monde: développer les services publics, particulièrement les services non marchands, opter pour la démocratie participative, s’écarter du productivisme: c’est la seule manière, pour cet économiste engagé, de fonder un nouveau développement qualitatif, soutenable socialement et écologiquement.

La santé est l’affaire de tous

Les intervenants extérieurs venaient de: L’Autre lieu ‘RAPA’, M.F.B.R.E.R.S., SISD Liège-Huy-Waremme, OMS, Centre Louise Michel, CERES, CPAS de Charleroi, Bruxelles et Namur, Urbagora, Attac, Institut de Médecine Tropicale, Plan Cohésion Sociale Durbuy, Plate-forme santé solidarité, maison Biloba, Asbl Voitures À Plusieurs, États généraux de l’eau à Bruxelles, Barricade, Association Sages femmes, Arbre de vie, Réseau bruxellois des GASAP, CSM Le Méridien, CIRE, site Internet https://www.consoloisirs.be , Mouvement Psychiatrie Démocratique, FQS – Forest Quartier Santé, Groupe Santé Josaphat, SIMILES, Keine Früchte Fancy Fair…

Le modèle «maison médicale »

Pas simple tout ça. D’où la nécessité, pour les acteurs de la santé, de faire des ponts , dans l’ensemble du champ social, avec les porteurs d’alternatives à un système néolibéral qui se mondialise en renforçant les inégalités.
Faire des ponts mais aussi questionner ses propres pratiques, revisiter le modèle alternatif de soins proposé par les maisons médicales en fonction des évolutions actuelles – notamment la crise de la médecine générale, la pénurie de soignants. Les participants ont ainsi pu, dans divers ateliers, travailler des problématiques spécifiques: participation, métiers de la première ligne, interdisciplinarité, modes de financement, intersectorialité mise en œuvre à l’échelle d’un territoire…
Ces questions ont rebondi vers d’autres territoires, lors de la table ronde internationale où différents invités ont présenté leur manière de définir un centre de soins de santé primaires, à la recherche de critères communs traversant les frontières.

Le mot de la fin

Il n’y en a pas, bien sûr: ce congrès n’était qu’une étape printanière dans un long trajet. Le dossier préparatoire traçait déjà différentes pistes(2); gageons que le cahier spécial sur le congrès, à paraître dans le prochain numéro de Santé conjuguée , en ouvrira d’autres. On peut d’ores et déjà entendre plusieurs interventions en podcast sur le site de la fédération https://www.maisonmedicale.org , qui relaiera par ailleurs les différentes avancées démarrées au congrès.
Et cela ne s’arrêtera pas là: le projet de la fédération, c’est de continuer à réfléchir, à mobiliser de multiples acteurs pour «relever la tête, résister, pour un avenir en santé».
Marianne Prévost
(1) Charte des Maisons Médicales, 2006
(2) « Je rêve d’un autre monde », Santé Conjuguée n°54, octobre 2010

Eloge de la lenteur! Cittàslow

Le 30 Déc 20

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Valorisation de l’environnement et des produits locaux, développement durable et convivialité sont quelques-uns des fers de lance des «Cittàslow» (villes lentes). Leur fil conducteur? Vivre un rapport au temps moins frénétique.
Le 17 mars dernier, le concept Cittàslow était à l’ordre du jour d’un Midi Santé de l’Observatoire de la Santé du Hainaut. Sabine Storme , responsable du réseau Cittàslow de Belgique, y a présenté ce mouvement né en Italie il y a une dizaine d’années.

Du Slow Food au Cittàslow

Le concept de villes lentes est issu d’un autre concept, le Slow Food fondé en 1989. Contrer le «fast food» synonyme de malbouffe et l’accélération trop rapide de la vie sont les principaux objectifs de cette association internationale. Slow Food promeut une alimentation de qualité définie par trois principes étroitement liés: le Bon, le Propre et le Juste. Le Bon pour la saveur des aliments, le Propre pour les méthodes de production respectueuses de l’environnement et de la santé humaine et le Juste pour les prix accessibles aux consommateurs et les revenus équitables des petits producteurs. Le mouvement compte actuellement 100.000 membres à travers 150 pays.
Comprenant toujours le volet gastronomique du Slow Food , le concept Cittàslow voit plus grand. Du bien-être à table, on passe à la qualité de vie, à la santé et à la durabilité en général.

Identité locale et décélération

À l’image de leur logo (un escargot à la coquille coiffée de maisons), les villes lentes prônent un plus juste rapport au temps. Par exemple, l’espace «Kiss and Ride» de Chaudfontaine, l’une des quatre villes lentes de Belgique, a vu le jour pour permettre aux parents de déposer leur enfant à l’école sans précipitation. Grâce à cette desserte située le long de la voirie, le parent peut embrasser son chérubin avant que sonne la cloche et sans pour autant créer d’embouteillage. Adieu le fétichisme de la vitesse!

Initiatives de villes lentes

Orvieto , ville d’Italie, où est né le concept, a mis l’accent sur la mobilité: densification du réseau de bus, construction de parkings aux abords de la ville, création de zones piétonnes et de pistes cyclables et lancement d’un pédibus (encadrement des trajets pédestres entre la maison et l’école).
Au cœur d’une région densément peuplée, Midden Delfland , commune néerlandaise, a mis un point d’honneur à conserver ses espaces verts et sa tranquillité: offre de loisirs, renforcement des atouts du paysage, pose de panneaux signalétiques internationaux…
À Waldkirch , en Allemagne, un parc d’activité a vu le jour. Celui-ci réunit des habitations et des bureaux, le tout sous une approche bioclimatique : orientation des bâtiments, toitures végétales, récupération des eaux de pluie, isolation renforcée…

Outre notre rapport frénétique au temps, la charte du mouvement Cittàslow dénonce l’homogénéisation des modes de vie, fortement visible dans les métropoles. Une ville lente entend maintenir son identité propre. La commune désireuse de s’inscrire dans une telle démarche entame dès lors obligatoirement une réflexion autour de six domaines d’actions: l’environnement (réduction du bruit, épargne énergétique…), les infrastructures (pistes cyclables, accès aux personnes à mobilité réduite, zones vertes…), l’urbanisme (réhabilitation des bâtiments historiques, bio-architecture), la mise en valeur des produits locaux, l’hospitalité (plan signalétique multilingue des parcours guidés dans la ville) et la sensibilisation de la population au concept.
À titre d’exemple, Silly met en valeur son patrimoine lors des concerts donnés dans ses fermes, châteaux et églises. Dans la même entité, un supermarché n’a pu voir le jour qu’à condition de proposer des produits locaux.
À ce jour, 135 villes ont été séduites par le concept CittàSlow . 135 villes de 19 pays tels que l’Italie, les Pays-Bas, l’Australie, l’Autriche, la Suisse, la Grande-Bretagne… y compris notre petite Belgique. Actuellement, quatre de nos communes sont concernées, toutes situées en Wallonie.
Le projet est ouvert à toute commune, pour peu que celle-ci compte moins de 50 000 habitants. À cette condition s’ajoute entre autres celle de l’autofinancement. Mais ces communes gagnant en convivialité peuvent espérer voir leur cote touristique grimper. Maintenant qu’il est bien vu de lever le pied, reste à emboîter le pas!
Stéphanie Van Haesebrouck , Observatoire de la Santé du Hainaut

Infos

https://www.cittaslow.net (site officiel des villes lentes, en italien et en anglais).
https://www.slowfood.com (mouvement international Slow Food, version française accessible).
sabine.storme@publilink.be ou 068 25 05 37 pour contacter la responsable du réseau belge.
Le diaporama Cittàslow présenté au Midi Santé est disponible sur le site https://observatoiresante.hainaut.be , Onglet Publications > Diaporamas .

Supporter une ville lente

Une ville de plus de 50 000 habitants ne peut devenir une ville lente. Cependant, il lui est possible de supporter le projet. C’est le rôle brigué par la Région de Bruxelles-capitale. De ce fait, elle pourrait accompagner les communes désireuses de se lancer dans le Slow… comme Etterbeek.
Le projet ne serait dès lors plus uniquement incarné en Wallonie. Outre le probable engagement des Bruxellois, les Flamands tenteront-ils l’aventure ? Certaines communes flamandes y réfléchissent elles aussi.